Rapport du Conseil fédéral concernant le classement de la motion Schweiger (07.3856): Droit des cartels. Equilibrer le dispositif des sanctions et le rendre plus efficace du 15 février 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2007 M

07.3856

Droit des cartels. Equilibrer le dispositif des sanctions et le rendre plus efficace (N 20.12.07, Schweiger; E 21.9.10)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 février 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2798

1635

Rapport 1

Contexte

1.1

Motion Schweiger (07.3856): Droit des cartels. Equilibrer le dispositif des sanctions et le rendre plus efficace

Le 20 décembre 2007, le conseiller aux Etats Rolf Schweiger a déposé, avec 33 cosignataires, la motion dont le texte est reproduit ci-après: Le Conseil fédéral est chargé d'insérer dans la loi sur les cartels une règle explicite disposant que les entreprises qui appliquent un plan d'action strict aux fins de respecter le droit sur les cartels ne soient frappées que d'une sanction administrative réduite voire exemptées de toute sanction si elles satisfont aux conditions (à prévoir dans la loi). Pour encourager les efforts de conformité légale des entreprises, la loi sur les cartels devra en outre prévoir des sanctions pénales applicables aux personnes physiques qui ont participé à la mise sur pied d'un cartel.

1.2

Avis du Conseil fédéral

Dans sa prise de position, le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion. Il a fait valoir que la réglementation en vigueur permettait déjà de considérer, selon les art. 3 et 6 de l'ordonnance sur les sanctions en cas de restrictions illicites à la concurrence (OS LCart), des programmes de conformité (impliquant une faute atténuée) comme des circonstances permettant une atténuation de la sanction, sans pour autant aller jusqu'à la suppression de toute sanction. En ce qui concerne la poursuite pénale des personnes physiques, il a indiqué qu'il serait en principe utile, sur le plan préventif, de pouvoir sanctionner directement les personnes physiques en sus des personnes morales. Cette question sera donc traitée dans le cadre de l'évaluation de la LCart en cours. Le Conseil fédéral a toutefois souligné qu'il pourrait s'avérer difficile de prouver la préméditation, preuve requise par le droit pénal, chez le collaborateur responsable d'une entente cartellaire. Seule resterait en fin de compte la réduction de la sanction fondée sur le programme de conformité. L'introduction de sanctions pénales risquerait en outre d'entraîner la saisine de tribunaux pénaux et de compliquer ainsi les procédures cartellaires.

1.3

Transmission de la motion dans la version du Conseil national

A l'origine, la motion demandait que les programmes de conformité satisfaisant au droit conduisent à une réduction de la sanction, voire à une exemption de toute peine moyennant la réalisation de certaines conditions à fixer dans la loi. Le Conseil national a considéré que cet affaiblissement de la LCart allait trop loin; il a donc modifié la motion sur ce point pour ne prévoir plus qu'une atténuation de la sanction. Le 21 septembre 2010, le Conseil des Etats a lui aussi transmis la motion sous la forme modifiée par le Conseil national.

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Préalablement, suite à la motion d'ordre Schweiger des 21 et 22 juin 2010 relative à l'introduction dans le droit des cartels de sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) avait une nouvelle fois débattu la motion. La CER-E a pu se baser, pour ce faire, sur un document de l'administration comparant, pour la seconde partie de la motion Schweiger, quatre variantes de mise en oeuvre.1 Bien que le département compétent, sur proposition du Conseil fédéral, ait préconisé le rejet, la CER-E a souhaité que cette partie de la motion soit également transmise.

1.4

Recherches pénales approfondies

Compte tenu de la transmission imminente de la motion Schweiger, le département compétent a recouru durant le premier trimestre 2010 à deux experts en droit pénal, parallèlement à ses propres recherches, pour déterminer de quelle manière mettre en oeuvre au mieux la motion Schweiger. L'avis de droit correspondant a été établi par les professeurs de droit pénal Günter Heine, de l'Université de Berne, et Robert Roth, de l'Université de Genève.2 Le professeur Heine3 a examiné principalement les dispositions de droit matériel, le professeur Roth les dispositions de droit procédural.

Les experts insistent sur le fait qu'avec l'introduction de sanctions criminelles, il serait nécessaire de garantir certaines conditions préalables exigeantes relevant de l'Etat de droit, aussi bien sur les plans du droit matériel que du droit procédural: Sous l'angle du droit matériel, il faudrait être particulièrement attentif à ce que des dispositions légales prévoyant des peines privatives de liberté en cas d'infraction reposent sur une norme juridique suffisamment claire et précise. Par ailleurs, se présenterait le défi de prouver non seulement la participation à l'infraction, mais encore la démarche intentionnelle. La formulation des conditions devant être remplies pour que l'état de fait soit avéré pose d'autres problèmes ardus, notamment la définition du cercle des auteurs de l'infraction et du type de délit.

Sur le plan du droit procédural, il serait nécessaire d'accorder le droit à la personne physique contre laquelle l'instruction est dirigée de ne pas devoir contribuer à sa propre condamnation. Une précaution particulière serait notamment indispensable vis-à-vis de la personne physique qui représente l'entreprise dans une procédure.

Cette personne pourrait être amenée à faire des déclarations, dans le cadre de sa représentation, pouvant l'exposer à une poursuite pénale.

En tout état de cause, il conviendrait d'attacher une très grande attention à la coordination avec la poursuite de l'entreprise. Les risques mentionnés plus haut seraient atténués si, comme cela est proposé à la discussion, les procédures et les autorités les conduisant étaient totalement séparées. Cependant, les risques n'en resteraient pas moins réels, compte tenu de l'obligation de coopération à laquelle ces autorités 1 2

3

Cf. www.seco.admin.ch/themen/02860/04210/index.html?lang=fr Cet avis de droit peut être consulté à l'adresse: www.seco.admin.ch/themen/02860/04210/index.html?lang=fr. Il est également paru sous le titre «Révision du droit des cartels 2010: expertise juridique sur les questions des sanctions applicables aux personnes physiques et aux entreprises», dans le cahier no 20 de la série d'Etudes du SECO «Grundlagen der Wirtschaftspolitik».

Le professeur Günter Heine est décédé le 25 juin 2011.

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seraient soumises. Par conséquent, une telle coopération nécessiterait des règles légales précises. En outre, le développement d'une stratégie de défense qui soit appropriée à la fois pour l'entreprise et ses collaborateurs ainsi que ses avocats pourrait s'avérer être un projet de complexité extrême.

Il est donc à craindre que, contrairement à l'objectif de la motion Schweiger, avec l'introduction de mesures administratives ou de sanctions pénales pourrait diminuer l'efficacité des dispositions contre les cartels.

De plus, le programme de clémence reste problématique pour les experts. L'urgence d'une enquête, la prise en compte renforcée de considérations d'opportunité dans le nouveau droit pénal suisse, les réflexions juridiques de l'art. 13 du droit pénal administratif et la force normative des faits, à savoir l'existence d'un programme de clémence pour les entreprises, parlent en faveur d'un programme de clémence pour les personnes physiques, d'autant plus qu'aucun crime ne figure à l'agenda du droit des cartels. Cependant, selon l'avis des experts, il faut également reconnaître qu'en acceptant la possibilité d'une remise de peine en cas de collaboration à une enquête pénale, on cautionne une modification rampante du droit pénal criminel.

1.5

Variantes de mise en oeuvre rejetées

Plusieurs autres variantes de mise en oeuvre ont été étudiées. L'idée par exemple de ne poursuivre que ceux ayant violé intentionnellement et activement les obligations légales ou contractuelles de fidélité à l'égard de l'entreprise a été rejetée.4 Cette approche laisserait une trop grande latitude aux entreprises sur une question de droit pénal. Il n'est pas non plus question de ne poursuivre que les personnes physiques qui participent à un accord qui réunit des entreprises représentant une certaine part de marché (p. ex. 30 %). En effet, les employés ne peuvent pas procéder à cette évaluation de part de marché, laquelle est souvent déjà difficile à faire pour les entreprises. Avec une telle disposition pénale, le principe de la précision et de la clarté des lois ne serait pas respecté.

1.6

Expériences faites à l'étranger

A l'échelle mondiale, les comportements contraires au droit des cartels sont sanctionnés de manière inégale. Tandis que, dans la plupart des Etats européens, le droit des cartels est mis en oeuvre par le biais de procédures et de mécanismes de sanctions administratifs, les Etats-Unis, par exemple, prévoient une application du droit des cartels fortement marquée par le droit privé, ainsi que la possibilité d'infliger des sanctions pénales aux personnes physiques. Bien que certains Etats membres de l'Union européenne (UE) connaissent ou, à tout le moins, envisagent des sanctions pénales contre les personnes physiques en cas d'infraction au droit des cartels, les ordres juridiques européens visent en principe surtout les entreprises, et non les 4

Cette idée ressort de l'initiative parlementaire Kaufmann (08.443): «Amendes contre les cartels. Menace pour la viabilité des entreprises». L'exemption totale de sanctions en cas de mise en oeuvre de programmes de conformité, requise par l'initiative, a déjà été rejetée par le Parlement lors de la transmission de la motion Schweiger. Le Parlement a alors préconisé une atténuation de la sanction, laquelle est prévue dans le projet de révision de la LCart.

1638

individus. Une telle approche se reflète également dans la législation sur les cartels en vigueur en Suisse.

Aux Etats-Unis, le Sherman Act de 1890 prévoyait déjà la possibilité d'infliger des peines pécuniaires et des peines privatives de liberté, tant en cas de violation de l'interdiction de conclure des accords illicites en matière de concurrence (Section 1 Sherman Act), qu'en cas de monopolisation illicite (Section 2 Sherman Act).

Aujourd'hui, aux Etats-Unis, des sanctions pénales sont surtout prononcées à l'encontre des personnes physiques dans le contexte de cartels durs (essentiellement des cartels relatifs aux prix et des ententes relatives à la passation d'un marché sur adjudication), étant précisé que les personnes physiques encourent des peines pécuniaires allant jusqu'à un million de dollars et des peines privatives de liberté de dix ans au plus.5 Néanmoins, conformément au programme de clémence, il n'y a mise en accusation que si les conditions prévues par ce programme sont réalisées (cf.

Section 2 Clayton Act). Pourtant, les condamnations de dirigeants pour comportements contraires au droit des cartels n'ont rien d'exceptionnel aux Etats-Unis.

Il en va différemment dans l'espace juridique européen marqué par l'influence anglo-saxonne. Il est vrai que la possibilité d'infliger des sanctions pénales à l'égard d'individus ayant pris part à des cartels durs ou étant responsables de tels cartels existe en Grande-Bretagne6 et en Irlande7 (peines pécuniaires respectivement d'un montant illimité et de quatre millions d'euros, et peines privatives de liberté d'une durée allant jusqu'à cinq ans dans les deux pays). L'importance pratique des sanctions à l'encontre des personnes physiques est cependant à ce jour relativement faible dans ces deux Etats. On peut relever qu'en Grande-Bretagne, le programme de clémence permet d'accorder une immunité pénale.

Parmi les Etats influencés par la tradition juridique d'Europe continentale, la France punit les personnes physiques ayant pris part à des ententes contraires au droit des cartels ou ayant abusé d'une position dominante sur le marché d'une peine privative de liberté de quatre ans au plus et d'une amende de 75 000 euros au plus.8 Comme en droit britannique, l'auteur doit avoir pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la
conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de l'infraction, ces critères étant toutefois interprétés très restrictivement. Il s'ensuit que les sanctions pénales ne revêtent qu'une importance secondaire en droit français des cartels.

Par ailleurs dans l'UE, l'Estonie, la République slovaque et Chypre connaissent des infractions pénales susceptibles d'entraîner des peines privatives de liberté.9 L'Allemagne, en revanche, ne connaît pas de dispositions pénales visant de manière générale les infractions à la concurrence. Comme en Autriche et en Hongrie, seules les ententes relatives à la passation d'un marché sur adjudication sont susceptibles de sanctions, et ce d'une part sur la base du § 298 du Strafgesetzbuch (StGB) 5

6 7 8 9

Depuis le Criminal Fine Enforcement Act de 1984, il existe la possibilité de fixer une peine pécuniaire maximale fixée soit au double du gain réalisé par l'auteur, soit au double du dommage; cf. Section 3571 (d) United States Code Title 18 (Crimes and Criminal Procedures).

Cf. Enterprise Act 2002, qui a introduit la sanction pénale des comportements contraires au droit des cartels.

Cf. en particulier Section 8 Competition Act 2002.

Art. L420-6 Code de commerce.

En 2005, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'est toutefois prononcée en faveur d'une pénalisation des infractions les plus graves au droit des cartels par le biais de peines privatives de liberté (OCDE, Hard Core Cartels, Third Report, 2005, 26 ss, 39 s.).

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prévoyant une peine privative de liberté de cinq ans au plus et une peine pécuniaire, et d'autre part par le biais de la disposition générale relative à l'escroquerie (§ 263 StGB). Chaque année, des soumissionnaires sont condamnés. Pour toutes les autres infractions au droit des cartels, tant les entreprises que les individus responsables peuvent néanmoins se voir infliger en Allemagne des amendes pour inobservation de prescriptions d'ordre.

En Belgique, l'introduction de sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques a été débattue récemment. Une recommandation de la Commission belge de la concurrence de 2010 relève diverses difficultés à cet égard, notamment en ce qui concerne l'échange d'informations et le fait que le juge pénal soit lié par les décisions de droit administratif en matière de cartels. La Commission a notamment constaté dans son avis que les mesures de droit administratif, telles que l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, sont souvent plus judicieuses et plus utiles que les sanctions pénales.10 Les Pays-Bas ont même abrogé les sanctions pénales en 1997. Ils ont cependant réintroduit une composante pénale le 1er octobre 2009 disposant que les personnes physiques donnant des instructions relatives à un cartel ou assumant de facto une position dirigeante à cet égard peuvent être sanctionnées.

L'Autriche a dépénalisé les comportements illicites en matière de droit des cartels en 2002, sous réserve des ententes relatives à la passation d'un marché sur adjudication.

Au Luxembourg, les sanctions pénales du droit des cartels aménagées en infractions de désobéissance ont été abrogées en 2004.11 Enfin, le droit de l'UE ne prévoit pas de sanctions pénales ou administratives à l'encontre des individus responsables: conformément à l'art. 23 du Règlement 1/2003, seules les entreprises peuvent se voir infliger une amende. L'exception prévoyant la possibilité de sanctionner une personne physique remplissant les conditions pour être qualifiée d'entreprise est demeurée dénuée de portée à ce jour. Le droit européen ne donne actuellement aucun signe précurseur d'une introduction générale de sanctions administratives ou pénales à l'encontre des personnes physiques.12 Cela s'explique essentiellement par le fait que l'UE n'a elle-même aucune compétence en matière de droit pénal.
En résumé, force est de constater que la situation en matière de sanctions pénales du droit des cartels à l'encontre des personnes physiques est hétérogène. Si aux EtatsUnis les sanctions pénales constituent un élément central et performant du système des sanctions, en Europe, certains Etats connaissent de telles sanctions mais les soumettent à des exigences élevées ou sont confrontés à des difficultés lorsqu'il s'agit de les mettre en oeuvre, de sorte que la portée pratique de punir des individus 10

11

12

Commissie voor de mededinging/Commission de la concurrence, Avis sur l'introduction de sanctions pénales dans le droit belge de la concurrence (CCE 2010-0233 DEF MED), 4.2.2010, qu'il est possible de consulter sur le site Internet www.ccecrb.fgov.be/txt/fr/doc10-233.pdf.

Voir à ce sujet le bilan dressé par Heinemann Andreas, «Kriminalstrafrechtliche Individualsanktionen im Kartellrecht?», in Kunz Peter V., Herren Dorothea, Cottier Thomas, Matteotti René (éd.), Wirtschaftsrecht in Theorie und Praxis ­ Festschrift für Von Büren Roland, Bâle, 2009, 587-624.

Cf. Baudenbacher Carl, Gutachten zur Evaluation bestimmter Aspekte des schweizerischen Kartellgesetzes: Institutionelles Setting ­ Vertikalbeschränkungen ­ Individualsanktionen ­ Private Enforcement, 118, et la référence à Lowe Philip, «Preventing and Sanctioning Anticompetitive Conduct: Effective Use of Administrative and Criminal Sanctions, Leniency: and Private Action in the EU», in Barry Hawk, International Antitrust Law & Policy, 2007, 96.

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pour des comportements contraires au droit des cartels y est faible. Enfin, dans certains Etats, on observe également une dépénalisation du droit des cartels. Il n'existe dès lors en Europe ni tendance uniforme en matière de sanction des personnes physiques, ni ­ dans les pays européens qui connaissent de telles sanctions pénales ­ pratique exploitable aux fins de la transposition de la motion Schweiger.

2

Procédure de consultation portant sur la mise en oeuvre de la motion Schweiger

Après que le Conseil des Etats eut lui aussi transmis la motion sous la forme retenue par le Conseil national, le Conseil fédéral a rapidement lancé une procédure de consultation relative à la mise en oeuvre de la motion Schweiger. Deux variantes de poursuite des personnes physiques ont été mises en consultation. La première proposait des mesures administratives à l'encontre des employés impliqués (interdiction d'exercer une activité professionnelle et confiscation d'éléments de salaire obtenus sur la base d'une entente cartellaire); la seconde, d'ordre pénal, prévoyait des peines pécuniaires et des peines privatives de liberté de trois ans au plus.13 La procédure de consultation relative à la mise en oeuvre de la motion Schweiger s'est ouverte le 30 mars 2011 et terminée le 6 juillet 2011. Les prochaines sections reprennent le résumé du rapport des résultats que le Conseil fédéral a adopté le 16 novembre 2011.

Les prises de position particulières des participants peuvent être consultées dans ce même rapport.

2.1

Participation à la procédure de consultation

Tous les gouvernements cantonaux, les partis politiques, les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, les associations faîtières de l'économie, ainsi que d'autres organisations et personnes intéressées, ont été consultés.

Au total, 72 participants à la procédure de consultation ont exprimé un avis. Les prises de position des associations de défense des consommateurs (FPC, FRC et acsi) ont été comptées séparément, même si elles se recouvrent matériellement, tout comme celle de l'Union patronale qui a travaillé en collaboration avec economiesuisse et renonce donc à un avis propre.

2.2

Résultats de la procédure de consultation

D'une manière générale, le projet de révision n'est pas accueilli favorablement par les participants, puisque la majorité d'entre eux le rejette, alors que seule une minorité l'accepte, et que de larges cercles sont mitigés ou acceptent seulement l'une des deux propositions faites (la réduction de sanction pour les entreprises étant plus souvent acceptée que les sanctions à l'encontre des personnes physiques). Aussi, les 13

Les documents liés à la consultation sont disponibles sur le site Internet www.news.admin.ch/dokumentation/00002/00015/ index.html?lang=fr&msg-id=38365.

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participants favorables aux sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques réclament la plupart du temps des adaptations quant à la proposition mise en consultation.

Près de la moitié des participants qui rejettent une sanction des personnes physiques ne sont pas totalement opposés à l'introduction de mesures administratives à l'encontre des employés impliqués, mais refusent catégoriquement des sanctions pénales. Sont opposés à des sanctions la majorité des cantons, la COMCO, deux partis (PS et Les Verts) et plusieurs membres d'associations économiques (notamment les cercles de la construction et des arts et métiers, les organisations d'entreprises de Suisse romande ainsi que les associations d'employés [SEC Suisse et l'USS]). L'USAM, la COMCO et deux cantons montrent un certain enclin à l'introduction éventuelle de mesures administratives. Parmi les participants favorables en principe à la poursuite des personnes physiques, la majorité a indiqué sa préférence pour la variante prévoyant des sanctions pénales. Il s'agit notamment de trois partis (PLR, PDC et UDC), quatre cantons, economiesuisse, Swissmem et Swiss Retail Federation. economiesuisse relève cependant que la poursuite des sanctions pénales nécessite un remaniement fondamental des articles légaux.

La majorité des participants opposés à l'introduction de sanctions frappant les personnes physiques avancent principalement les arguments suivants: le droit des cartels doit rétablir la concurrence en cas d'abus, la correction du comportement de l'entreprise ainsi que la sanction de celle-ci devant rester prioritaires. Certains participants, notamment les organisations d'employés, craignent qu'en cas de poursuite des personnes impliquées, la direction de l'entreprise ne rejette la responsabilité sur ses employés. Pour plusieurs participants, la criminalisation des collaborateurs est contraire à notre tradition juridique. Quelques participants à la consultation, comme les deux cantons d'Appenzell, estiment que de telles sanctions à l'encontre des personnes physiques sont déjà possibles dans le cadre de la LCart actuelle, à savoir en cas de récidive au travers du droit pénal administratif. Plusieurs participants relèvent que la preuve de l'intention serait difficile à apporter et conduirait à des procédures longues et complexes, à l'issue
incertaine (surtout les cantons, mais également certaines associations économiques comme economiesuisse). Des cercles, dont la COMCO, considèrent l'introduction d'un programme de clémence pour les collaborateurs, tel qu'il existe pour les entreprises, également indispensable. Les participants jugent comme un mal nécessaire le fait que l'introduction d'un tel programme en faveur des personnes physiques signifierait la rupture de la tradition juridique. La crainte prédominante a pourtant été celle que le programme de clémence pour les entreprises ne pourrait plus fonctionner aussi bien. L'intéressé pourrait notamment, au lieu de coopérer, invoquer le droit de refuser de témoigner et détruire des preuves. Beaucoup de participants considèrent comme difficile la coordination des procédures à l'encontre de l'entreprise et des personnes physiques. Un tel système ne fonctionnerait que si le jugement des personnes physiques n'avait lieu qu'après la condamnation définitive de l'entreprise, impliquant que les personnes physiques devraient attendre le verdict plusieurs années.

Parmi les associations faîtières de l'économie et les cercles intéressés qui saluent l'introduction de sanctions à l'encontre des personnes physiques, la vaste majorité rejette les propositions concrètes mises en consultation, comme déjà mentionné en introduction. Parmi les critiques formulées, il est fait mention que le cercle des auteurs ne serait pas défini de manière suffisamment précise, que la formulation en tant que délit de mise en danger abstraite comprendrait une interdiction per se de ces 1642

formes d'entente et que la pénalisation des délits d'omission poserait problème. En ce qui concerne les autres participants, il convient de relever que la majorité des partis politiques soutient les sanctions à l'encontre des collaborateurs et est explicitement favorable à la variante avec sanctions pénales. Un grand nombre de participants, qu'ils soient pour ou contre l'introduction de sanctions à l'égard des personnes physiques, réclame une exception pour les PME. Finalement, de nombreux participants estiment que la pratique concernant les sanctions à l'encontre des entreprises devrait tout d'abord être encore consolidée avant d'envisager un élargissement de la poursuite en droit cartellaire aux collaborateurs.

3

Décision de procédure du Conseil fédéral du 16 novembre 2011 concernant la révision de la loi sur les cartels

Après que trois procédures de consultation relatives à la révision de la loi sur les cartels eurent été menées, le Conseil fédéral a arrêté, le 16 novembre 2011, les grandes lignes d'une révision de la LCart à soumettre au Parlement.14 Outre une réforme institutionnelle pertinente y compris pour la motion Schweiger, il a décidé d'intégrer dans le message plusieurs modifications de droit matériel visant à rapprocher davantage le droit suisse des cartels de celui des Etats voisins. Quant à la mise en oeuvre de la motion Schweiger, il a finalement décidé de n'en intégrer qu'un volet dans le message.

3.1

Mise en oeuvre de la première partie de la motion Schweiger (réduction de la sanction grâce aux programmes de conformité)

De l'avis du Conseil fédéral, la première exigence de la motion Schweiger, à savoir la prise en compte des programmes de conformité pour réduire la sanction, peut être mise en oeuvre par l'adaptation de l'art. 49a LCart. Bien que le Conseil fédéral se soit opposé dès le départ, en 2007, à la transmission de la motion Schweiger, arguant entre autres choses des possibilités qu'offre le droit actuel, la représentante du Conseil fédéral a néanmoins fait part, dans le cadre des délibérations du Conseil des Etats à l'automne 2010, d'une certaine ouverture du Conseil fédéral quant à l'inscription dans la loi d'une possible réduction de sanction sous réserve de la mise en place de programmes de conformité suffisamment qualitatifs. Le fait que la motion ait été transmise de manière nette parle en faveur d'une évaluation des résultats mitigés de la consultation dans le sens du mandat parlementaire. Il convient de modifier la formulation proposée dans le cadre de la procédure de consultation, disposant que des mesures adaptées à l'activité commerciale et à la branche concernées et destinées à lutter contre les infractions à la législation sur les cartels amènent une réduction de la sanction «si les entreprises démontrent qu'elles ont pris de telles mesures à même de prévenir efficacement les infractions».

14

Cf. www.seco.admin.ch/themen/02860/04210/index.html?lang=fr.

1643

3.2

Elaboration d'un rapport en réponse à la seconde partie de la motion Schweiger (sanctions à l'encontre des personnes physiques)

Compte tenu de l'issue défavorable de la procédure de consultation et de sa position de rejet connue à l'encontre des sanctions des personnes physiques, le Conseil fédéral a décidé de soumettre au Parlement un rapport portant sur le classement de la seconde partie de la motion Schweiger. Il entend toutefois mettre à disposition du Parlement, dans le cadre de ce rapport et sous la forme de la variante pénale mise en consultation, une solution concernant l'introduction de sanctions pénales élargies applicables aux employés impliqués dans des ententes cartellaires.

S'il y avait volonté de réaliser une telle solution légale, le Conseil fédéral estime que le législateur devrait prendre en considération les constatations ci-après.

Le point de départ est le constat que les structures institutionnelles et les procédures ne sont pas adaptées, sous leur forme actuelle (c.-à-d. Commission de la concurrence avec son secrétariat), à l'introduction de peines pécuniaires et de peines privatives de liberté à l'encontre des employés d'une entreprise qui ont contrevenu au droit des cartels. Même une Commission de la concurrence composée de membres indépendants ne serait pas en mesure de prononcer des peines privatives de liberté.

Par conséquent, de nouvelles solutions seraient nécessaires afin d'introduire des sanctions à l'encontre des personnes physiques. Aussi, cette introduction devrait se faire sans compromettre l'efficacité des instruments existants de mise en oeuvre de la LCart. C'est pourquoi, pour le Conseil fédéral, il n'entre pas en considération d'opter, en ce qui concerne la poursuite des entreprises, pour un changement vers le droit pénal administratif ou encore le droit pénal applicable aux entreprises, dans le but de mener une procédure jointe à l'encontre des entreprises et des personnes physiques impliquées.

Dans le cadre du droit pénal administratif, le risque est trop grand que la poursuite simultanée des entreprises et de l'ensemble des employés impliqués complexifie la procédure au point de faire échouer toute l'enquête, ce d'autant qu'il faudra prouver, outre la participation au cartel, le caractère intentionnel de cette participation, ce qui, pour les personnes physiques, donnerait lieu à de laborieuses clarifications des faits au sein de l'entreprise.

En cas d'un changement en faveur
du droit pénal applicable aux entreprises, on assisterait de plus à un report de la responsabilité de l'entreprise vers les collaborateurs impliqués. Certes, en droit pénal des entreprises, la poursuite d'une entreprise peut s'effectuer indépendamment de la poursuite de ses collaborateurs, notamment dans les cas de corruption, mais ce droit doit encore faire ses preuves en pratique. Il serait irresponsable, en changeant de droit procédural, de risquer de compromettre gravement les procédures rodées d'application du droit des cartels.

Ces commentaires portant sur un changement vers le droit pénal administratif ou le droit pénal applicable aux entreprises en cas de poursuite des entreprises sont toutefois soumis à la réserve que le Tribunal fédéral maintienne la solution actuelle des sanctions administratives fondée sur la loi fédérale sur la procédure administrative.15

15

Voir notamment à cet égard l'arrêt du TF 2A.368/2000 du 22.11.2000 concernant le domaine de la LTC.

1644

Le recours au droit pénal administratif ou au droit pénal applicable aux entreprises ayant été rejeté notamment pour ces motifs dans le rapport complémentaire à l'intention de la CER-E, la procédure de consultation a encore porté, comme indiqué, sur deux variantes de mise en oeuvre de la motion Schweiger, l'une intégrant des éléments de droit pénal, l'autre de droit administratif, ce qui commande plusieurs remarques.

Etant donné que la variante de droit administratif a surtout eu la préférence des milieux hostiles à l'implication des collaborateurs dans le cadre des procédures liées aux cartels, le Conseil fédéral estime qu'elle peut être écartée en raison du manque de soutien actuel. Il faudra néanmoins examiner si les instruments prévus au titre des mesures administratives doivent ou non avoir un rôle à jouer eu égard à l'appréciation des programmes de conformité. Le fait qu'une entreprise se sépare de collaborateurs ayant contrevenu à un programme de conformité ou à la loi sur les cartels et exige, dans ce cas, une restitution de bonus prévue contractuellement, pourrait être perçu comme l'expression d'efforts de conformité appropriés.

Dès lors, reste en course la seconde variante mise en consultation, qui prend à la lettre la motion Schweiger et prévoit des sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques en cas de participation à des ententes cartellaires avec des concurrents. Ses principales caractéristiques, qui devraient être maintenues, sont les suivantes: ­

la procédure en vigueur à l'encontre des entreprises est conservée;

­

une disposition particulière de nature pénale est créée pour la poursuite des personnes physiques ayant pris part à un accord cartellaire;

­

il ne doit y avoir poursuite pénale qu'en cas de participation à des accords horizontaux durs (à savoir des accords sur les prix, la répartition géographique et les quantités entre entreprises actives sur le même échelon de marché);

­

l'état de fait doit être circonscrit de manière aussi précise que possible (sécurité juridique);

­

la poursuite des personnes physiques doit être menée par le Ministère public de la Confédération et conduire devant le Tribunal pénal fédéral;

­

le cadre pénal doit inclure des peines pécuniaires et des peines privatives de liberté de trois ans au plus;

­

un programme de clémence doit également être prévu pour les personnes physiques.

En effet, les milieux participants à la consultation se sont exprimés en faveur de l'introduction d'un programme de clémence conséquent, à savoir que le fait, pour les personnes physiques impliquées, de collaborer à la découverte et à la suppression d'un accord doit conduire au classement de la poursuite pénale ou à l'abandon total ou partiel de toute sanction.

Une modification devrait toutefois être examinée par rapport au dossier mis en consultation, à savoir la suppression de la dernière phrase de l'al. 3 et la suppression de l'al. 7 de l'art. 53b. La première disposition précise qu'aucun jugement n'est prononcé à l'encontre d'une personne physique tant que la procédure à l'encontre de l'entreprise n'est pas close. La deuxième disposition prévoit qu'il ne peut y avoir de condamnation de personnes physiques sans condamnation de l'entreprise. Comme 1645

l'ont fait remarquer certains participants à la procédure de consultation, ces deux dispositions pourraient amener l'employé poursuivi pénalement à attendre son jugement durant une période non conforme à la CEDH, et ce même dans l'hypothèse où il est d'accord avec son jugement. La proposition de loi mise en consultation comprend des mesures suffisantes pour faire des jugements différenciés à l'encontre des entreprises et des personnes physiques des exceptions n'intervenant que rarement voire jamais.

Il ne faudrait pas entrer en matière sur les exigences issues de la consultation portant sur une redéfinition du cercle des auteurs, sur une distanciation par rapport au concept de délit de mise en danger ou sur l'idée d'exempter l'omission de la poursuite pénale. Sur ces trois cas, le dossier de consultation reprenait simplement les principes généraux régissant le droit pénal en vigueur en Suisse.

De l'avis du Conseil fédéral, l'exigence de certains milieux de prendre particulièrement en compte la situation des PME ne peut pas non plus être satisfaite. Un cartel de soumission peut concerner aussi bien des PME que des entreprises de plus grande taille. Ce serait une grave atteinte au principe d'égalité de traitement juridique que de poursuivre tantôt pénalement, tantôt pas, un même comportement dans une même situation uniquement au motif que, dans le second cas, les intéressés appartiennent à une entreprise comptant moins d'employés ou ayant un chiffre d'affaire plus faible.

Enfin, il convient également de rejeter l'exigence de certains milieux intéressés de confier à l'entreprise la décision de poursuite pénale des collaborateurs. Cette pratique pourrait entraîner des injustices choquantes: les collaborateurs dont l'entreprise souhaite de toute façon se séparer seront dénoncés, tandis que le membre de la famille du chef qui travaille dans l'entreprise, et qui est peut-être le principal responsable de l'entente cartellaire, ne le sera pas. L'entreprise dispose déjà, dans le cadre de la législation en vigueur, d'instruments de droit civil et de droit pénal pour agir sélectivement contre les employés fautifs.

L'introduction de sanctions pénales à l'encontre de personnes physiques ayant participé à des accords sur les prix, la répartition géographique et les quantités, soulève l'épineuse question de
l'extension aux collaborateurs du programme de clémence visant les entreprises. Sous l'angle de la mise en application du droit des cartels, cette extension est absolument nécessaire, mais elle se heurte au fait que le code pénal suisse ne connaît pas ce type de règles. Le Conseil fédéral déduit de ce conflit non pas que les sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques en raison d'infractions au droit des cartels devraient être introduites sans extension du programme de clémence, mais qu'il faut renoncer à la seconde partie de la motion Schweiger. La mise en application de l'actuelle loi sur les cartels serait en effet significativement affaiblie par l'introduction de sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques sans extension simultanée du programme de clémence en leur faveur. Une autodénonciation volontaire d'infractions cartellaires par une entreprise impliquée, qui agit toujours par une personne physique, serait considérablement illusoire si elle menait certes à l'exemption de l'entreprise, mais que les employés impliqués au sein de celle-ci, dont probablement aussi la personne physique même qui a annoncé le cas, étaient cependant dans tous les cas punis. Compte tenu de la primauté de la procédure à l'encontre de l'entreprise et du succès de ce type de procédure, il faudrait renoncer à l'élargissement des instruments de droit des cartels pour sanctionner pénalement les employés impliqués.

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Concernant l'extension du régime de clémence, toute une série de questions ont été soulevées au moment de l'élaboration du projet mis en consultation, questions qui appellent pour leur résolution, si tant est qu'elles puissent être résolues, un énorme travail législatif. Bien que peu courant en droit pénal, le nombre de dispositions nécessaires commanderait le recours à une ordonnance d'exécution. Les trois situations suivantes devraient notamment être juridiquement distinguées de manière pertinente: a) la situation dans laquelle un organe de la société se dénonce en vue d'obtenir une remise de peine, à tout le moins pour les membres de l'organe; b) la situation où un responsable qui s'est soustrait à tout contrôle par la direction de l'entreprise et qui a entraîné celle-ci dans une entente cartellaire en dépit de la mise en place d'un programme de conformité différencié, et qui devrait par conséquent être poursuivi pénalement du point de vue de l'entreprise, sans que l'entreprise ne soit sanctionnée au-delà du retrait de la rente cartellaire; et enfin c) la situation dans laquelle un membre d'un organe, ne parvenant pas à convaincre l'organe de se dénoncer, se dénonce individuellement, ce qui fait qu'il serait inéquitable que l'organe tout entier reste impuni grâce à la dénonciation de cet unique membre. Au surplus, plusieurs autres points d'interrogation demeurent: auprès de qui solliciter un programme de clémence? Quelle instance habiliter à accorder un tel programme?

Avec quelles assurances tant pour l'entreprise que pour les personnes physiques impliquées? Faut-il le faire sur la base d'une annonce plus ou moins coordonnée des entreprises et des personnes intéressées?

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Proposition du Conseil fédéral

Fort de sa conviction que la collaboration à la mise au jour d'un comportement cartellaire ne saurait entraîner une exemption totale de sanction et compte tenu de l'énorme travail législatif ­ sans garantie de succès ­ qu'impliquerait une extension du programme de clémence en vigueur pour les entreprises aux personnes physiques ayant pris part à un accord cartellaire, le Conseil fédéral demande au Parlement de renoncer à la mise en oeuvre de la seconde partie de la motion Schweiger, ceci malgré le fait qu'une majorité des partis et certains milieux économiques se soient déclarés favorables à cette exigence. En plus des raisons déjà énoncées, les motifs suivants parlent également en défaveur de la poursuite de la démarche: Premièrement, l'extension des sanctions aux personnes physiques ne doit mener à reporter la responsabilité en matière d'infraction à la LCart des entreprises sur leurs employés; les exigences de la motion Schweiger comportent ce risque.

Deuxièmement, l'extension aux employés de la procédure du droit des cartels, telle que présentée au chiffre 3.2, ne doit pas conduire à ce que l'exécution du droit des cartels à l'encontre des entreprises, qui fonctionne bien et qui a un impact positif sur la concurrence en Suisse, tourne court. Même si deux procédures dissociées sont introduites, ce risque n'est pas exclu.

Troisièmement, il faut avoir à l'esprit la charge supplémentaire que représente l'extension du dispositif prévu par le droit des cartels. Le dossier envoyé en consultation a fait mention de dix postes au total. Etendre l'arsenal de sanctions sans mettre à la disposition des autorités les ressources supplémentaires nécessaires affaiblirait le droit de la concurrence, moins de cas pouvant être traités. Il en résulterait également des coûts supplémentaires pour l'économie, puisque les entreprises impliquées

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dans la procédure administrative et leurs collaborateurs engagés dans une procédure pénale devraient recourir à différents avocats en vue d'une défense efficace.

Quatrièmement, le bon fonctionnement de l'accord de coopération avec l'UE dans le domaine de la concurrence serait menacé s'il venait à y avoir divergence entre l'UE et la Suisse quant au cercle des destinataires des sanctions. Or le Conseil fédéral a adopté, le 18 août 2010, un mandat de négociation en vue d'un tel accord.

Pour le Conseil fédéral, la comparaison entre ces points et un meilleur effet préventif de la LCart fait apparaître un rapport coût-bénéfice clairement négatif. Ce d'autant si l'on songe que l'actuelle LCart permet déjà la poursuite des employés dans le cadre d'une procédure de droit pénal administratif en cas de récidive, c'est-à-dire à partir du moment où la qualification pénale d'un certain comportement est clairement avérée pour les collaborateurs.

Enfin, le Conseil fédéral rend attentif au fait qu'il a intégré dans son message du 22 février 2012 relatif à une révision de la loi sur les cartels la première exigence de la motion, à savoir l'atténuation des sanctions pour les entreprises qui mettent en oeuvre des programmes de conformité à la LCart suffisamment développés. Il répond donc, du moins en partie, aux exigences de la motion.

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Annexe

Modèle de règle pénale Dans ses débats de l'automne 2010, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats souhaitait pouvoir décider sur la poursuite de la seconde partie de la motion Schweiger en connaissance d'une formulation légale. C'est pourquoi les deux articles proposés dans la consultation en vue de la mise en oeuvre d'une règle pénale sont reproduits ci-après. De plus, il faudra préciser à l'art. 57 que les dispositions procédurales qui y figurent se réfèrent seulement aux art. 54 et 55.

Voici en résumé les enjeux des différents alinéas des deux articles (voir le rapport explicatif de la procédure de consultation pour plus de détails16): Art. 53a L'al. 1 définit une norme pénale spécifique pour les personnes physiques. Cette disposition dissocie la poursuite de la personne physique de la poursuite primaire de l'entreprise et des arguments avancés par l'entreprise dans cette procédure. Elle définit une qualification pénale suffisamment précise (interdiction per se des accords horizontaux durs).

L'al. 2 rend non punissable la tentative, puisque la formulation de l'infraction en tant que délit de mise en danger abstraite (cf. al. 1) autorise à conduire une procédure même si le partenaire commercial, pour d'autres raisons et malgré l'accord, n'a pas subi de dommage matériel (p. ex. l'adjudication va à un tiers alors qu'il existe un cartel de soumission).

L'al. 3 concrétise l'extension du programme de clémence valable pour les entreprises aux personnes physiques. Les problèmes d'interaction entre les deux programmes de clémence doivent être réglés au niveau de l'ordonnance.

L'al. 4 garantit en particulier que lorsque l'entreprise échappe à la menace de sanctions administratives par le biais de la procédure d'opposition, cela vaut également pour la menace pénale des collaborateurs.

L'al. 5 résout entre autres choses le problème des cartels territoriaux conclus à l'étranger dans le but d'empêcher la Suisse d'être approvisionnée par un certain fabricant ou détaillant: une procédure peut être ouverte même en l'absence d'un point de rattachement direct en Suisse.

Art. 53b L'al. 1 désigne l'instance enquêtrice et l'instance décisionnelle et donc le droit procédural applicable en matière de poursuite des personnes physiques. Il exclut, par l'introduction de la juridiction
pénale fédérale, un morcellement des procédures sur plusieurs cantons.

L'al. 2 garantit que le Ministère public de la Confédération ne se saisisse que des cas qui, de l'avis de l'Autorité de la concurrence, sont suffisamment pertinents pour justifier une procédure à l'encontre de l'entreprise considérée, affirmant ainsi la priorité que revêt la poursuite des entreprises. En outre, une procédure pénale à 16

Cf. www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/22605.pdf.

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l'encontre de personnes physiques peut ainsi être empêchée dans les cas pour lesquels l'Autorité de la concurrence, p. ex. en raison de motifs justificatifs sur le plan économique, renonce à une procédure à l'encontre d'une entreprise. Cette disposition est importante comme mécanisme correcteur en vue de la formulation distincte des états de fait applicables aux entreprises et aux personnes physiques.

Les al. 3 et 4 obligent le Ministère public de la Confédération et l'Autorité de la concurrence à collaborer, non seulement tout au long des procédures (al. 4), mais encore dès les premières étapes procédurales, de sorte que les mesures d'enquête d'une autorité ne prétéritent pas les chances de succès des mesures d'enquête de l'autre autorité (al. 3). Si l'on se réfère aux objections émises dans le cadre de la consultation, la question de l'opportunité de la deuxième phrase de l'al. 3 (comme également de l'al. 7) reste ouverte, étant donné que la personne concernée pourrait devoir attendre durant un temps excessivement long que son jugement devienne exécutoire.

L'al. 5 crée, dans la mesure du possible, les conditions permettant à une personne physique de communiquer à l'Autorité de la concurrence les informations nécessaires à l'octroi du programme de clémence en faveur de l'entreprise, et ceci sans que ces informations ne desservent directement cette personne dans le cadre d'une procédure dirigée contre elle. Si, en déposant en faveur de l'entreprise, la personne s'expose à une poursuite pénale du Ministère public de la Confédération, il faut reconnaître que cette personne obtient en même temps un droit au silence.

L'al. 6 prévoit un mécanisme de conciliation lorsque l'Autorité de la concurrence et le Ministère public de la Confédération ont un différend concernant la coordination de leurs procédures.

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