99.033 Message relatif à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et révision correspondante du droit pénal du 31 mars 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de les adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ainsi qu'un projet de loi fédérale portant modification du code pénal et du code pénal militaire.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

31 mars 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4546

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Condensé Par ce message, le Conseil fédéral vous soumet la Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et vous demande de l'approuver. Avec 129 Etats Parties, cette Convention est l'un des traités internationaux les plus largement acceptés. Elle interdit le génocide et oblige les Etats à le prévenir et à le réprimer. La Cour internationale de Justice et la communauté internationale s'accordent à reconnaître à l'interdiction du génocide une valeur coutumière. Les récents événements survenus en Ex-Yougoslavie et au Rwanda ont conféré à la Convention une actualité nouvelle. Il ne se justifie plus que la Suisse n'y soit pas Partie, notamment au vu de sa politique active en matière de droits de l'homme, et ce d'autant moins qu'en raison de la nature coutumière des normes contenues dans la Convention, la Suisse se trouve déjà dans l'obligation de réprimer le génocide, tel qu'il est défini par la Convention.

En vue d'honorer cette obligation, le Conseil fédéral propose d'une part de compléter le code pénal par une disposition prohibant le génocide et le réprimant de manière appropriée et, d'autre part, de modifier le code pénal et le code pénal militaire par des dispositions conférant à la juridiction fédérale ordinaire la compétence de la poursuite et de la répression du génocide.

Le Statut de la Cour pénale internationale ayant été adopté le 17 juillet 1998 à Rome, le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale seront à nouveau appelés à traiter dans un avenir proche d'un accord international qui exigera des adaptations de l'ordre juridique suisse dans le domaine pénal. Cependant, en accord avec la très grande majorité des opinions exprimées lors de la consultation, le Conseil fédéral est de l'avis que l'adhésion à la Convention contre le génocide et les adaptations pénales qui en découlent ne peuvent souffrir un retard supplémentaire. C'est la raison pour laquelle il vous soumet le présent message.

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Message 1

Partie générale

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La Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-après «Convention contre le génocide»)1 a été adoptée le 9 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations Unies et elle est entrée en vigueur le 12 janvier 1951. Elle définit l'acte de génocide, institue la responsabilité pénale des individus qui le commette, et oblige les Etats Parties à le prévenir et à réprimer sa commission.

A ce jour2, 129 Etats ont ratifié la Convention ou y ont adhéré.

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Droit pénal international

Le droit international classique se contente de régir les relations entre Etats. Depuis la Deuxième Guerre mondiale suite aux méfaits des régimes dictatoriaux, l'individu s'est vu reconnaître des droits dans l'ordre juridique international, mais peut également être soumis par ce dernier à une responsabilité pénale. C'est le droit pénal international qui réprime les violations de droits protégés par le droit international commises par un individu. En la circonstance, il est en effet aussi bien soumis aux principes du droit international qu'à ceux du droit pénal. Les sources du droit pénal international3 sont pour l'essentiel identiques à celles du droit international général4.

Le droit pénal international trouve ses origines historiques dans le droit de la guerre, qui réglait, au Moyen-Age déjà, le comportement des armées face aux combattants et à la population ennemis. Il s'agissait de faire en sorte qu'en temps de guerre l'on épargne les couvents et les églises, ainsi que les femmes et les enfants. Des tribunaux de guerre devaient punir les contrevenants. La Convention de Genève de 1864 relative à la protection des blessés et malades des armées en campagne fut le premier exemple de codification de telles règles. Il s'ensuivit un développement continuel de ce domaine, que l'on désigne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale comme le droit international humanitaire.

Dès l'origine a prévalu l'opinion que les violations du droit de la guerre devaient être réprimées. Vers la fin du 19e siècle s'est progressivement imposée la conception selon laquelle les Etats étaient fondés à punir les actes contraires au droit, même 1

2 3

4

Le terme de «génocide» a été créé par Raphael Lemkin en 1944 en réponse à Churchill qui décrivait les crimes de guerre commis en Pologne comme «crimes without a name».

Voir Raphael Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe, Washington, 1944.

Le 31 mars 1999 Ce principe n'est entièrement valable que pour le droit international écrit. Pour les rapports entre les autres sources de droit international et le principe nullum crimen, nulla poena sine lege, voir Otto Triffterer, «Österreichs Verpflichtungen zur Durchsetzung des Völkerstrafrechts», Österreichische Juristenzeitung (ÖJZ), 51e année, cahier 9, p. 328 avec de nombreuses références.

Art. 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ). Voir l'Arrêté fédéral du 12 mars 1948 concernant l'adhésion de la Suisse au Statut de la Cour internationale de Justice et la reconnaissance de la juridiction obligatoire de cette cour aux termes de l'art.

36 du Statut (RS 193.5).

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s'ils étaient commis à l'étranger par des ressortissants d'autres Etats ou sur des victimes de nationalité étrangère.

Des tribunaux militaires internationaux furent créés à la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour punir les principaux auteurs de crimes de guerre des puissances de l'Axe. On peut affirmer que la création des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg5 et de Tokyo6 a constitué une étape essentielle dans l'histoire du droit pénal international. Ces tribunaux avaient en effet à traiter, à côté du crime de guerre connu jusqu'alors, de deux autres types d'actes contraires au droit international: le crime contre la paix (consistant à préparer et à mener une guerre d'agression) et le crime contre l'humanité (consistant à exécuter systématiquement des actes hautement inhumains contre la population civile, y compris la sienne). Cette dernière catégorie (crime contre l'humanité7) présente un intérêt particulier en ceci que des poursuites n'ont pas eu lieu seulement en cas de commission liée aux activités guerrières, critère qui permettait jusque-là de délimiter le droit pénal international du droit de la guerre. Quant au génocide, il n'était pas considéré par les Statuts des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo comme un crime indépendant. Ainsi, la persécution pour motifs politiques, raciaux ou religieux ne constituait un crime que si elle avait lieu lors de la commission d'un autre crime, ou que si elle était liée à un autre crime que les tribunaux avaient la compétence de réprimer.

En 1947, l'Assemblée générale des Nations Unies donna le double mandat à la Commission du droit international de formuler les principes de droit international reconnus par le Statut et les jugements du Tribunal militaire de Nuremberg, ainsi que d'établir un catalogue des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité8. Le 9 décembre 1948, l'Assemblée générale adopta la Convention contre le génocide.

On espérait avec ce traité pouvoir définitivement prévenir et réprimer le crime le plus terrible commis durant la Deuxième Guerre mondiale, à savoir l'anéantissement de groupes nationaux, ethniques, raciaux et religieux.

L'étape suivante du développement du droit pénal international fut marquée par l'adoption des Conventions de Genève de 1949 (complétées en 1977 par deux Protocoles
additionnels) relatives à la protection des blessés, des malades, des prisonniers de guerre et des personnes civiles en cas de conflits armés. Ces Conventions imposent à tous les Etats Parties d'établir des dispositions pénales pour en réprimer les violations graves, indépendamment de toute considération de la nationalité des auteurs ou du lieu de leur commission.

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7

8

Bases légales pour le Tribunal militaire international de Nuremberg: Statut annexé à la Charte de Londres du 8 août 1945 (82 U.N.T.S. 279, 59 Stat. 1544.

E.A.S. No. 472), in: Charles I. Bevans (Ed.), Treaties and other International Agreements of the United States of America, volume 3, 1970, p. 1238.

Le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg a été repris par Décision du commandant en chef des troupes d'occupation au Japon (création du tribunal militaire international de Tokyo), le 19 janvier 1946 (T.I.A.S. 1589), publié in: Bevans, op.cit., Volume 4, 1970, p. 20.

L'art. 6, let. c, du Statut du Tribunal militaire international du Nuremberg énumère les crimes contre l'humanité: assassinat, extermination, esclavage, déportation ou autres traitements inhumains infligés à la population civile, quelle que soit son origine.

Résolution 177 (II) du 21 novembre 1947.

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Avec l'établissement des tribunaux internationaux pour l'Ex-Yougoslavie9 et le Rwanda10 s'est présentée, pour la première fois depuis les Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, la possibilité de faire juger11 par une cour internationale des individus pour des violations graves du droit international humanitaire. Les Statuts de ces deux tribunaux établissent en quelque sorte l'état actuel du droit pénal international. Le Statut du Tribunal pénal international pour l'ExYougoslavie consacre des règles de nature coutumière en prévoyant la répression des crimes suivants: violations graves des Conventions de Genève de 1949 (art. 2); violations des lois ou coutumes de la guerre (art. 3); génocide (art. 4); crimes contre l'humanité (art. 5). Le Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda est en partie moins étendu car le conflit rwandais était de nature non internationale.

L'obligation de répression pénale en cas de violations graves du droit humanitaire découlant des quatre Conventions de Genève et de leur premier Protocole n'est donc pas intégralement applicable en l'espèce. Ce Statut trouve ainsi son fondement dans la valeur coutumière des crimes suivants: génocide (art. 2); crimes contre l'humanité (art. 3); violations de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, applicable aux conflits armés non internationaux, et violations du Protocole additionnel relatif aux conflits armés non internationaux ­ Protocole II ­ (art. 4).

Le Statut de la Cour pénale internationale adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une Cour criminelle internationale, le 17 juillet 1998 à Rome, définit le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.

Depuis la fin de la confrontation est-ouest qui handicapait la coopération internationale dans de nombreux domaines, et suite aux événements survenus lors des derniers conflits armés régionaux et non internationaux, le droit pénal international a regagné une certaine attention. Il est cependant encore considéré comme étant en phase de développement.

13

Développement de la Convention

Ayant en mémoire les événements de la Deuxième Guerre mondiale et prenant en considération le jugement du Tribunal de Nuremberg, l'Assemblée générale des Nations Unies chargea en 1946 le Conseil économique et social de préparer une convention contre le génocide12. Les travaux commencèrent rapidement et l'Assemblée générale put adopter13 la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide le 9 décembre 1948. La Convention entra en vigueur le 12 janvier 1951, après le dépôt du vingtième instrument de ratification. 129 Etats l'ont déjà ratifiée ou y ont adhéré.

On a rapidement reconnu aux dispositions matérielles de la Convention le caractère de règles de droit coutumier. En outre, la règle fondamentale de l'interdiction de

9 10 11

12 13

Résolution 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 25 mai 1993.

Résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 8 novembre 1994.

Voir le message du Conseil fédéral du 18 octobre 1995 concernant l'arrêté fédéral relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire (FF 1995 IV 1065).

Résolution 96(I) du 11 décembre 1946.

Résolution 260A (III) du 9 décembre 1948.

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génocide revêt le caractère de règle impérative ayant une portée erga omnes14. Il découle de leur nature coutumière que les dispositions matérielles de la Convention doivent être reconnues et appliquées en tant que règles de droit par la communauté internationale. Elles valent indépendamment de leur fondement conventionnel et sont opposables aux Etats qui ne sont pas liés par la Convention15. Dans la mesure où l'interdiction du génocide est une règle impérative du droit des gens (jus cogens), les Etats ne peuvent pas convenir de l'écarter16. Il est ainsi probable qu'un traité de paix consacrant une amnistie pour des actes de génocide ne devrait pas être considéré comme valable en droit. Il en résulte que sous l'angle du droit international, une législation nationale qui autoriserait ou même ordonnerait un génocide contre un groupe déterminé ne pourrait en aucun cas servir de légitimation à ses auteurs et à leurs complices. Par ailleurs, du fait de la portée erga omnes des dispositions matérielles de la Convention, toute violation de ces dernières affecte la communauté internationale dans son ensemble et tout Etat est en droit de punir l'auteur d'un génocide, quel que soit l'endroit où celui-ci a été commis17.

Les crimes de guerre font partie ­ au même titre que le génocide ­ des actes réprimés par le droit pénal international coutumier. Les Conventions de Genève de 1949 pour la protection des victimes de la guerre18 et le Protocole additionnel de 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I)19 disposent que certaines violations particulièrement graves du droit international humanitaire sont à réprimer pénalement. Mais, contrairement à la Convention contre le génocide, les Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève sont non seulement en droit mais aussi dans l'obligation de poursuivre les auteurs des violations, ou de les remettre pour jugement à une autre Partie intéressée, indépendamment du lieu de leur commission (principe de l'universalité). Si un crime de génocide, tel qu'il est défini dans la Convention contre le génocide, est commis contre un groupe de personnes protégées par les Conventions de Genève, il constituera également un crime de guerre dans le sens de ces dernières. La Convention contre le génocide est cependant plus étendue
que les Conventions de Genève, qui s'appliquent essentiellement en cas de conflit armé. Le génocide est également punissable en temps de paix. Cependant, seul l'Etat sur le territoire duquel le crime s'est produit est obligé de poursuivre pénalement le génocide tel que défini par la Convention (principe de la territorialité).

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15

16 17

18 19

Antonio Cassese, «La communauté internationale et le génocide» in Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel Virally, Paris 1991, p.186.

Avis consultatif de la CIJ du 28 mai 1951, CIJ, Recueil 1951. Voir aussi le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 3 mai 1993 sur la création d'un Tribunal pénal international pour la poursuite des crimes commis en Ex-Yougoslavie (Document ONU S/25704, ch. 45), ainsi que l'Avis consultatif de la CIJ du 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires (ch. 81, voir aussi ch. 79 et 82).

Voir aussi le Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1997 I 369).

Jordan Paust, Remarks on «Genocide»: The Convention, Domestic Laws, and State Responsibility, in American Society of International Law, Proceedings of the 83rd Annual Meeting (Chicago, 1989), p.316; John Webb, «Genocide Treaty ­ Ethnic Cleansing ­ Substantive and Procedural Hurdles in the Application of the Genocide Convention to Alleged Crimes in the Former Yugoslavia», in G.A.J. Int'l & Comp. Law, volume 23:377, 1993, p. 395.

RS 0.518.12, 0.518.23, 0.518.42, 0.518.51 RS 0.518.521

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Les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour l'Ex-Yougoslavie et le Rwanda reprennent la définition du génocide de l'art. II de la Convention contre le génocide. Il en va de même pour le Statut de la Cour pénale internationale adopté à Rome le 17 juillet 1998, qui a repris les termes de la Convention dans sa définition du génocide (art. 6 du Statut).

Malgré une entrée en vigueur rapide et un nombre élevé d'adhésions, l'effet de la Convention contre le génocide est resté longtemps plus symbolique que réel. En effet, la perpétration de nouveaux génocides durant les cinquante dernières années n'en a pas été empêchée20. C'est la raison pour laquelle des efforts répétés ont été entrepris dans le passé en vue d'améliorer l'efficacité de la Convention, sans résultats immédiats. Toutefois, ces entreprises ne furent pas vaines, car elles contribuèrent indirectement à la création par les Nations Unies de nouveaux instruments relatifs aux droits de l'homme21.

Les événements récents montrent que l'effet immédiat modeste de la Convention contre le génocide est à imputer en grande partie aux conditions politiques de l'après-guerre. C'est ainsi qu'avec les conflits en Ex-Yougoslavie et au Rwanda, la Convention a recouvré son actualité. Cela est principalement dû au fait que la communauté internationale a finalement pu se résoudre à se donner la possibilité de poursuivre, grâce à la création des tribunaux internationaux, des individus pour violation de l'interdiction de génocide22.

2

La position de la Suisse à l'égard de la Convention

21

La position des autorités fédérales face à la Convention

Ces dernières années, le Conseil fédéral a donné la priorité à la ratification de diverses conventions des Nations Unies auxquelles il accorde une importance fondamentale, dans la mesure où il y voit des instruments universels de protection et de promotion des droits de l'homme23. Dans son rapport du 2 juin 1982 sur la politique de la Suisse en faveur des droits de l'homme24, il estimait que l'adhésion de la Suisse à la Convention contre le génocide n'était pas essentielle car la législation suisse en tenait déjà compte à différents égards et qu'en cas d'adhésion, cette législation devrait être modifiée sur certains points importants. Mais en 1988, le chef du Département fédéral des affaires étrangères, dans sa réponse à la question ordinaire du conseiller national Braunschweig relative à la situation des Kurdes en Iraq, déclara que la position prudente du Conseil fédéral sur l'adhésion éventuelle de la Suisse à la Convention contre le génocide exposée dans le rapport de 1982 susmentionné 20 21

22

23 24

Pour une énumération détaillée de cas, voir Cassese, op. cit., p. 187 et ss.

P. ex.: Convention internationale du 30 novembre 1973 sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid; Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (RS 0.105).

Voir aussi «Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie [Serbie et Monténégro])», Ordonnance en indication de mesures conservatoires, 8 avril 1993, Recueil CIJ 1993, 3, ainsi que le Rapport final de la Commission d'experts des Nations Unies pour le Rwanda après la commission du génocide rwandais au sens de l'art. 2 de la Convention contre le génocide (document ONU s/1994/1405, p.36 ss).

Voir le Rapport du Conseil fédéral sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 du 29 novembre 1993, FF 1994 I 150, p. 178.

FF 1982 II 758, ch. 231.2.

4917

méritait un réexamen. Le 14 novembre 1988, le Conseil fédéral a accepté le postulat du conseiller national Braunschweig daté du 28 septembre 1988 et intitulé «Rapport et recherches sur le génocide».

Dans sa réponse à l'interpellation Fankhauser du 24 mars 1995 relative à la reconnaissance du génocide des Arméniens durant la Première Guerre mondiale, le Conseil fédéral a précisé qu'en regard des développements récents dans le domaine du droit pénal international et des événements tragiques qui se sont produits dans divers endroits du monde, il faudrait examiner la possibilité d'une adhésion à la Convention. La Commission de politique extérieure et finalement le Conseil national allèrent encore plus loin au début de 1996 en lui demandant de proposer au Parlement l'adhésion à la Convention.

Compte tenu de ces interventions parlementaires et suite à un réexamen de la situation, le Conseil fédéral est aussi d'avis que la Suisse devrait adhérer à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Selon lui, les raisons en faveur de l'adhésion relèvent du droit international, de la politique générale et de la politique des droits de l'homme.

Comme nous l'avons indiqué plus haut (voir ch. 13), il est admis que le contenu matériel de la Convention contre le génocide est de nature coutumière et que par conséquent, il s'applique aussi aux Etats qui ne sont pas Parties à la Convention. En d'autres termes, la Suisse doit aujourd'hui déjà remplir les obligations juridiques internationales qui sont contenues dans la Convention contre le génocide. Elle a donc ainsi en particulier le devoir d'extrader l'auteur d'un génocide ou de créer la base légale pour la répression, ce qui n'est toujours pas le cas en droit pénal suisse positif.

Suite à l'actualité récente, à l'établissement consécutif des Tribunaux internationaux pour l'Ex-Yougoslavie et le Rwanda, et à l'adoption du Statut de la Cour pénale internationale, cet état de fait est perçu comme une lacune considérable de notre législation, qu'il faudra combler. Mettre en oeuvre une telle obligation internationale est une nécessité impérieuse pour la Suisse, tant il est incontestable que le génocide constitue un des crimes les plus graves et qu'il serait insoutenable de ne pouvoir le poursuivre et le réprimer dans notre pays.

Comme nous
l'avons indiqué plus haut (voir ch. 13), la définition du crime de génocide telle qu'elle est contenue dans la Convention figure également dans les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour l'Ex-Yougoslavie et le Rwanda, ainsi que dans le Statut de la Cour pénale internationale. A cet égard, la Convention contre le génocide constitue un des éléments du droit pénal international en devenir. La Suisse se doit de participer à ce développement.

Dans son rapport du 29 novembre 1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90, le Conseil fédéral a présenté son engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit comme un de ses principaux objectifs de politique extérieure. Il y reconnaît ainsi expressément le rôle significatif du droit international en tant que condition du rapprochement entre Etats et sociétés, et comme contribution essentielle à la sécurité. Il constate aussi que certaines lacunes subsistent en Suisse au sujet des instruments servant la mise en oeuvre des droits de l'homme, et qu'il convient de les combler dans les années 1990.

C'est ce que la Suisse ferait en partie en adhérant à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

4918

Cet instrument est applicable aux ressortissants nationaux comme aux étrangers, aux vaincus comme aux vainqueurs, en temps de guerre comme en temps de paix. Il plaide fortement en faveur de la justice et la solidarité internationales, et renforce le droit fondamental à la vie. Il s'inscrit dans le même registre que la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948, le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ­ tous deux de 196625 ­ et la Convention européenne des droits de l'homme de 195026. L'adhésion de la Suisse à la Convention contre le génocide constituerait un signe de solidarité et correspondrait également à son engagement pour la promotion des droits de l'homme. Ce serait d'autant plus le cas aujourd'hui que des événements tragiques ont redonné toute son actualité à la Convention.

Comme nous l'avons indiqué plus haut (voir ch. 12), le Statut de la Cour pénale internationale a été adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une Cour criminelle internationale, à laquelle la Suisse a participé activement. Elle l'a signé le 18 juillet 1998. Le Statut fonde, pour la Cour, la compétence de connaître de toute une série de crimes: génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. La notion de crime contre l'humanité remonte aux Statuts des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo. Son interdiction est entre-temps devenue du droit coutumier. Par ailleurs, le crime contre l'humanité est plus étendu que le crime de guerre car ­ comme le génocide ­ il peut être commis au cours d'un conflit armé ou non.

La ratification du Statut par la Suisse, que le Conseil fédéral a l'intention de proposer le moment venu au Parlement, impliquera des travaux assez importants d'adaptation de la législation pénale suisse. Cette adaptation devrait se faire en deux étapes.

L'adhésion à la Convention contre le génocide, qui fait l'objet du présent message, devrait permettre d'abord l'inclusion de la notion du crime de génocide ­ et sa répression ­ dans notre législation nationale. Les crimes contre l'humanité, quant à eux, ainsi qu'une révision éventuelle des dispositions déjà existantes sur les crimes de guerre, seront
traités avec les mesures de mise en oeuvre du Statut de la Cour pénale internationale. Le Conseil fédéral a opté pour cette démarche par souci de célérité. En effet, au vu de la signification que le Parlement et les milieux consultés accordent à une adhésion rapide de la Suisse à la Convention contre le génocide, il n'aurait pas été opportun d'attendre la conclusion des importants travaux que l'introduction en droit suisse de la notion de crime contre l'humanité et l'adaptation législative de la notion de crimes de guerre vont nécessiter en vue de l'entrée en vigueur du Statut de la Cour pénale internationale. Il n'en reste pas moins que le Conseil fédéral a l'intention de soumettre au Parlement dans les meilleurs délais un message relatif à l'approbation du Statut de la Cour pénale internationale. Malgré l'ampleur de la tâche, le Conseil fédéral ­ vu l'actualité du débat et les attentes politiques aux niveaux national et international ­ a l'intention de présenter ce dernier message dans les meilleurs délais.

25 26

RS 0.103.1 et RS 0.103.2 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101).

4919

22

Les rapports d'experts

Lors de la préparation du présent message, le Conseil fédéral a consulté également des experts27 de droit pénal et de droit international. Ceux-ci ont été unanimes sur nombre des questions qui leur ont été soumises.

Tous ont fait part en effet de leur conviction que le droit pénal suisse positif ne tenait pas suffisamment compte de l'interdiction du génocide dans le sens de la Convention et que par conséquent une nouvelle norme pénale devrait être introduite.

Mais alors qu'un expert a proposé de nombreuses modifications du libellé de la norme dérivée de la Convention, les experts de droit international se sont prononcés pour une reprise telle quelle du texte (voir ch. 52). Tous les experts ont suggéré d'introduire la nouvelle disposition dans le code pénal ordinaire et ont exprimé leur préférence pour que la tâche de poursuivre et de réprimer le crime de génocide soit confiée aux autorités judiciaires fédérales. Ils se sont également tous rejoints pour dire qu'il fallait renoncer à octroyer des compétences de poursuite à des autorités politiques. L'un des experts a plaidé en outre en faveur de la levée de l'immunité parlementaire en cas de génocide (voir ch. 34). La Suisse, selon les experts, doit poursuivre le génocide en appliquant le principe de l'universalité.

Si les juristes internationalistes se sont accordés pour prévoir la réclusion à perpétuité comme peine maximale en cas de crime de génocide, avec une peine alternative de dix à vingt ans de réclusion, les pénalistes ont préféré un catalogue de peines différenciées pour tenir compte du degré variable de commission (voir ch. 52).

Personne n'a fait état du besoin que la Suisse émette une réserve ou une déclaration interprétative. Les experts de droit international ont suggéré enfin que la notion de crime contre l'humanité, qui n'est pas prévue par le droit suisse, soit également soumise au Parlement sous la forme d'une modification appropriée de la législation pénale suisse (voir ch. 21).

23

La procédure de consultation

Mis à part deux participants à la consultation qui ont rejeté l'adhésion de la Suisse à la Convention, tous se sont prononcés en faveur du projet. Cependant, un nombre considérable d'entre eux se sont limités à accepter le principe de l'adhésion sans commenter davantage les compléments et adaptations de la législation pénale suisse qui étaient proposés.

On a souvent déploré que la Suisse tarde tant à adhérer à la Convention, et souligné qu'il est urgent de rattraper ce retard.

La réglementation qu'il est proposé d'introduire dans le code pénal ordinaire pour interdire le crime de génocide, ainsi que l'attribution d'une compétence exclusive à la juridiction fédérale ordinaire en matière de poursuite et de répression ont été accueillies favorablement par les groupes consultés. Toutefois, le Tribunal fédéral, faisant valoir notamment sa surcharge de travail, s'est prononcé contre cette éventuelle compétence exclusive.

27

Professeur Lucius Caflisch (Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales, Genève, Jurisconsulte du DFAE), Professeur Ursula Cassani (Université de Genève), Professeur Karl-Ludwig Kunz (Université de Berne) et Professeur Dietrich Schindler (émérite, Université de Zurich).

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Les réactions au sujet du contenu des propositions de compléments et d'adaptations du droit pénal ont été, dans leur majorité, positives, même si quelques points ont suscité des critiques. Ainsi, le Conseil fédéral a été invité à plusieurs reprises à placer également les groupes sociaux et politiques sous la protection de l'interdiction du crime de génocide. Par ailleurs, peu de participants ont soutenu le projet de renoncer à la levée de l'immunité parlementaire pour des cas liés à un tel crime.

L'application du principe de l'universalité a, quant à elle, provoqué des réactions plus nuancées. En effet, alors que certains participant ont souhaité que le droit pénal suisse soumette le crime de génocide au principe de la territorialité prévu par la Convention, d'autres ont encouragé une application stricte du principe de l'universalité, ce qui inclurait notamment les actes préparatoires commis à l'étranger et dépourvus de liens directs avec la Suisse.

Certains milieux consultés ont laissé percevoir leur incompréhension face à l'identité des peines prévues pour tous les actes constitutifs du crime de génocide.

Enfin, il a été largement proposé au Conseil fédéral de saisir l'occasion pour inclure dans le droit pénal suisse, à côté du crime de génocide, le «crime contre l'humanité».

3

Analyse de la Convention

31

Obligation de prévention et de répression (art. I)

Par cet art. 1, les Etats Parties confirment que le génocide est un crime de droit international. En parallèle, ils s'engagent à le prévenir et à le réprimer, qu'il soit commis en temps de guerre ou de paix, c'est-à-dire au cours d'un conflit armé ou non.

Ce n'est toutefois pas l'article premier qui règle l'adoption dans les législations des Parties contractantes de l'obligation de répression découlant du droit international, mais l'article V. Du point de vue pénal, l'art. I, par la confirmation qui y est faite de la nature internationale du crime de génocide, a un caractère principalement programmatique. Il était en effet prévu en 1948, au moment de son élaboration, que la Convention contre le génocide serait complémentaire de la Charte de Londres du 8 août 1945 instituant le Tribunal militaire international de Nuremberg (voir ch. 12), car cette dernière définissait à son art. 6 (c) le génocide comme un crime contre l'humanité.

32

Définition du génocide (art. II)

En vertu de la Convention, les Parties contractantes sont obligées de réprimer le génocide tel qu'il est défini par la Convention. On se réfère exclusivement à l'acte commis intentionnellement. Une pure négligence n'est donc pas punissable au sens de la Convention. Etant donné que l'intention de l'auteur constitue l'élément essentiel, le crime ne peut être commis qu'intentionnellement.

Le bien juridiquement protégé par la criminalisation du génocide est l'existence d'un groupe caractérisé par l'appartenance de ses membres à une même nationalité, une même ethnie, une même race ou une même religion. Cette énumération est exhaustive. Mais il faut noter qu'il incombe déjà à la Suisse, en vertu du droit inter4921

national, d'octroyer une protection à certains groupes, par exemple aux termes de l'art. 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques28 ou de l'art. 1, par. 4, et de l'art. 4 de la Convention contre le racisme29. L'art. 261bis du code pénal30 signifie que l'obligation de réprimer, que la Suisse a reprise de l'art. 4 de la Convention contre le racisme, s'étend non seulement à la discrimination d'un groupe mais également à celle qu'a subie un seul individu s'il est perçu par l'auteur comme représentant son groupe en entier. L'interdiction du crime de génocide peut aussi concerner des attaques concrètes menées de façon illégale contre des individus ou des groupes. Contrairement à ce que pourrait faire croire l'acception ordinaire, le nombre de victimes n'est pas déterminant pour la qualification d'un génocide.

L'élément primordial réside dans l'intention de l'auteur d'éliminer un groupe en raison de son appartenance nationale, raciale, religieuse ou ethnique. Il faut donc appréhender le mot «groupe» dans un sens étendu. Il comprend en effet un ensemble de personnes qui présentent des qualités les distinguant collectivement d'un autre31.

En vue de respecter au mieux les exigences du principe de la légalité, il faut comprendre le droit pénal suisse comme appliquant la répression pénale sur la base de la théorie de la détermination (voir art. 1 du code pénal). Selon cette conception du droit pénal, il faut impérativement un comportement objectif et perceptible de l'extérieur pour que soient réunies les conditions de la punissabilité. Or, ce que l'on remarque dans l'art. II de la Convention contre le génocide, c'est que, mis à part le meurtre auquel la let. (a) se réfère, les actes des let. (b) à (e) sont plus larges et définis de façon plus générale. Il ne fait donc pas de doute que c'est l'élément constitutif subjectif de «l'intention de détruire un groupe» qui doit être fondamentalement pris en considération lors de l'introduction de l'interdiction du génocide dans les droits nationaux des Etats Parties. En effet, la réalisation de ce que vise l'élément subjectif ­ en l'occurrence la destruction d'un groupe ­ n'est pas une condition de l'application de la norme pénale. Lorsque de tels éléments subjectifs existent, ils contribuent à définir les conditions de la punissabilité d'un
acte bien déterminé, comme le meurtre. Tel est par exemple le cas de l'assassinat que l'art. 112 du code pénal caractérise notamment par une «absence particulière de scrupules» de la part du délinquant. On parvient ainsi en général par une formulation appropriée à décrire l'attitude intérieure qui pousse à l'accomplissement d'un acte criminel. Inversement, les actes objectifs énumérés à l'art. II, let. (b) à (e), doivent être interprétés. Cela rend par conséquent leur mise en oeuvre plus incertaine et rend plus difficile la détermination de l'élément subjectif de l'infraction, à savoir «l'intention de détruire un groupe». Les actes décrits à l'art. II, let. (b) à (e), entrent par conséquent en conflit avec le principe de la légalité.

33

Actes punissables (art. III)

En premier lieu, il apparaît clairement qu'il faudra déterminer la punissabilité des diverses formes de participation au crime de génocide telles qu'elles sont définies par l'art. III de la Convention contre le génocide ­ soit comme auteur, coauteur,

28 29 30 31

RS 0.103.2 Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (RS 0.104).

Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0) Antonio Planzer, Le crime de génocide, thèse, Fribourg, 1956, p. 96.

4922

instigateur ou complice ­ en conformité avec les règles de la partie générale du code pénal. Il en va de même pour la détermination de la punissabilité en fonction du degré de réalisation du crime (crime, tentative, délit manqué).

Il convient de rendre punissable l'entente en vue de commettre le génocide, que mentionne la let. (b) de l'art. III, avant même qu'elle n'ait atteint le stade de la tentative. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral32, la tentative commence avec le dernier pas décisif menant à la réalisation, lorsqu'il n'y a déjà plus de retour possible.

En droit suisse, les actes préparatoires délictueux sont punis s'il sont liés à l'exécution de crimes graves énumérés exhaustivement par l'art. 260bis du code pénal. En complétant ce catalogue par la mention du génocide, on assurera la répression de l'acte consistant à planifier et à prendre «des dispositions concrètes d'ordre technique ou d'organisation» en vue de commettre le crime de génocide. Les actes préparatoires au sens de l'art. III, let. (b), de la Convention contre le génocide seront ainsi pris en considération. Il convient également de se référer au nouvel article entré en vigueur le 1er août 1994, concernant l'organisation criminelle33. Cette disposition couvre en effet aussi «l'entente» au sens de la Convention, à savoir une participation ou un soutien à une organisation criminelle. Sur la base de la pratique liée à la Convention contre le génocide, et compte tenu de la marge de manoeuvre laissée aux législateurs des Parties contractantes, il ne fait pas de doute qu'en combinant l'art. 260bis du code pénal (actes préparatoires délictueux) modifié dans le sens indiqué plus haut et le nouvel art. 260ter (organisation criminelle), on atteindra le but visé par l'art. III, let. (b), de la Convention contre le génocide.

Les art. 260bis, par. 2, et 260ter, par. 2, du code pénal prévoient respectivement une exemption de toute peine et la possibilité pour le juge d'atténuer la peine de celui qui aura renoncé à l'acte prévu. Si ces articles ne sont pas en contradiction avec la Convention, l'extension géographique prévue par leur troisième paragraphe doit toutefois être mis en rapport avec l'art. VI de la Convention (voir ch. 36).

L'obligation de réprimer «l'incitation directe et publique à commettre le génocide», au sens de la
let. (c) de l'art. III de la Convention, est couverte par l'art. 24 du code pénal, qui punit l'instigation publique, pour autant que celle-ci atteigne une intensité telle qu'elle arrive à elle seule à «déterminer» (c'est-à-dire à faire prendre la décision d'agir à) un ou plusieurs auteurs à (de) commettre un crime de génocide. Si cette incitation ne parvient pas à déclencher une telle décision, mais conserve néanmoins assez d'efficacité, dans sa forme et dans son contenu, pour influencer la volonté de la ou des personnes auxquelles elle s'adresse34, elle pourra être réprimée en tant que provocation publique au crime ou à la violence en vertu de l'art. 259 du code pénal.

Il ne fait aucun doute que le contenu de la let. (c) de l'art. III de la Convention est couvert par la notion «d'instigation» de l'art. 24 du code pénal, et de «provocation publique au crime ou à la violence» de l'art. 259 du code pénal. L'art. 24 prévoit la même peine pour l'instigateur et pour l'auteur. L'art. 259 du code pénal prévoit par contre, au premier paragraphe, une peine de réclusion de trois ans au plus, car, en comparaison avec l'instigation, la provocation publique au crime ou à la violence ne constitue qu'une forme affaiblie du crime commis.

32 33 34

ATF 119 IV 227 Art. 260ter du code pénal ATF 111 IV 154

4923

34

Champ d'application personnel (art. IV)

Un des objectifs de la Convention contre le génocide est de punir tous les auteurs.

Ainsi, les limitations à ce principe essentiel qu'introduirait une Partie contractante dans son droit national devraient être considérées comme sans effet, car elles seraient manifestement incompatibles avec le but du traité. Ni les autres Etats Parties ni les tribunaux internationaux ne seraient liés par des limitations qu'un Etat accorderait à une personne suspectée d'avoir commis un crime de génocide, et ils pourraient par conséquent entamer les procédures judiciaires qui s'imposent.

L'article IV de la Convention part de l'idée que le crime de génocide est commis en premier lieu par des personnes qui exercent des fonctions publiques ou qui, même, ont des fonctions exécutives dans leur Etat. Du point de vue pénal, les Parties contractantes s'engagent par cette disposition à renoncer à invoquer la «théorie de l'acte de souveraineté» pour les actes commis par des membres de leur gouvernement ou des fonctionnaires de leur administration, et à les faire entrer dans le champ d'application personnel de la Convention. Traditionnellement, cette théorie englobe les actes de souveraineté accomplis par des membres du gouvernement ou des fonctionnaires. Cependant, étant donné qu'en règle générale les actes de souveraineté échappent à la juridiction d'autres Etats ou d'organisations internationales, ces personnes ne pourraient pas être poursuivies pénalement si elles ont respecté les lois de leur Etat. L'art. IV de la Convention permet donc d'éviter que les «gouvernants» et les «fonctionnaires» puissent être soustraits à leur responsabilité pénale.

35

Législation interne (art. V)

L'art. V de la Convention contre le génocide prévoit expressément que l'obligation de réprimer qui en résulte doit être mise en oeuvre par les Parties contractantes conformément à leur constitution. La portée de cette réserve constitutionnelle ne doit cependant pas être surestimée. Elle doit en particulier être interprétée à la lumière de la règle désormais coutumière de l'art. 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités35, qui subordonne le contenu du droit interne aux dispositions des traités internationaux36. La conséquence en est qu'un Etat ne se conformerait pas à ses obligations internationales s'il autorisait dans son droit national la violation de normes internationales impératives ou de tout autre droit de l'homme protégé. Pour la Suisse, cette réserve constitutionnelle a deux conséquences pratiques.

En application de la conception moniste des rapports entre le droit international et le droit national, dominante dans notre ordre juridique, la Suisse peut reprendre des dispositions répressives découlant en l'occurrence de la Convention contre le génocide si elles présentent un caractère self-executing. Il n'en demeure pas moins que, en raison de la nécessaire légitimité démocratique sur laquelle les normes pénales doivent pouvoir s'appuyer, mais aussi en raison du principe de la légalité, qui découle de l'art. 4 de la constitution fédérale37, ces dispositions doivent préalablement être matérialisées par un acte normatif interne, même si celui-ci ne constitue en 35 36 37

Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111).

Voir message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1997 I 1).

RS 101

4924

aucune manière une création nouvelle par rapport à la norme de droit international.

Ainsi, un acte considéré comme punissable en droit international (coutumier ou conventionnel) continue de ressortir au droit international lorsqu'il a été reconnu comme tel en droit suisse. De la sorte, lorsque l'interprétation soulève des doutes, l'autorité chargée d'appliquer le droit doit interpréter la disposition pénale pertinente conformément au droit international, dans le respect de la valeur autonome du texte conventionnel.

En droit suisse, en vertu du principe de la légalité, il faut que tout citoyen ­ en tant que destinataire des normes ­ puisse avoir une idée, même approximative, du risque répressif (c'est-à-dire du type de peine) qu'il encourt en cas de commission d'un acte délictuel.

Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut (voir ch. 32), pour qu'un acte puisse être qualifié de génocide, il faut une intention bien déterminée de détruire, en tout ou en partie, un groupe de personnes. Cette intention fait que le génocide est l'un des crimes les plus graves. S'il y a donc eu génocide au sens de l'art. II de la Convention, des peines de dix ans de réclusion au moins ou de la réclusion à vie au plus, soit les peines les plus sévères prévues par le droit pénal suisse, se justifient car telle est aussi la sanction prévue pour l'assassinat38 (voir ch. 52).

36

Champ d'application géographique (art. VI)

L'art. VI de la Convention se fonde sur le principe de la territorialité pour définir le champ d'application de la disposition pénale sur le crime de génocide. Les Parties contractantes ont toutefois la possibilité de reconnaître, à titre alternatif, la juridiction d'une cour pénale internationale. Une limitation selon le principe de la territorialité de l'obligation que les Etats Parties à la Convention ont de réprimer le crime de génocide n'a de sens que si ces juridictions nationales sont complétées par un tribunal pénal international. Sinon il ne serait pas possible de réprimer le crime de génocide commis sur le territoire d'un Etat qui n'est pas Partie à la Convention ou qui s'en est retiré. Par conséquent, en cas de commission d'un génocide par les membres ou les sympathisants d'un régime particulier, ces derniers ne seraient pratiquement jamais appelés à répondre pénalement de leurs actes avant un éventuel changement de régime. La création d'une juridiction pénale internationale permanente est prévue par le Statut de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998 à Rome par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une Cour criminelle internationale (voir ch. 12)39.

De nos jours, cette disposition apparaît trop restrictive. Mais si on la replace dans le contexte de sa création, en 1948, et que l'on se souvient qu'en ce temps-là le principe de non-ingérence était pour ainsi dire une conditio sine qua non de l'adoption de la Convention, elle devient plus compréhensible. L'optimisme par rapport à la création d'une juridiction pénale internationale était toutefois également démesuré, puisqu'il a fallu un demi-siècle pour assister à l'adoption de son Statut. Aujourd'hui, en vertu de la qualité impérative (jus cogens) de l'interdiction du génocide, et de son effet erga omnes (voir ch. 13), il ne fait aucun doute que la répression du crime de génocide repose en droit international sur le principe de l'universalité.

38 39

Art. 112 du code pénal Art. 114 du Statut

4925

En vertu de ce principe, les Etats peuvent ­ et doivent même ­ poursuivre ou extrader les ressortissants étrangers ou leurs propres nationaux pour tout acte de génocide, que celui-ci ait été commis ou non sur leur territoire, sans que cela constitue une ingérence contraire au droit international dans les affaires intérieures d'un autre Etat.

37

Extradition (art. VII)

Le génocide ne saurait être considéré comme un crime politique et rien ne s'oppose donc à l'extradition de son ou de ses auteurs. En droit suisse, ce principe est déjà clairement posé par l'art. 3, al. 2, let. a, de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale40.

38

Règlement des différends (art. VIII et IX)

L'art. VIII de la Convention prévoit que les organes compétents des Nations Unies peuvent, à la demande de l'une des Parties contractantes et conformément à la Charte des Nations Unies, prendre les mesures qu'ils jugent appropriées pour prévenir et réprimer le crime de génocide. Par cette disposition, on voulait prendre en considération la mise en oeuvre de la Convention, que les travaux préparatoires avaient quelque peu négligée. Toutefois, en l'examinant de près, on constate que cette disposition ne crée pas de compétence ni de mécanisme nouveaux, car elle se situe dans le cadre existant de la Charte des Nations Unies. Elle n'a donc qu'une portée essentiellement déclaratoire. Il convient malgré tout de lui reconnaître une certaine signification psychologique et politique, ressentie au moment de l'adoption de la Convention. On prévoyait ainsi, en effet, pour la première fois une intervention de l'organisation représentative de la communauté internationale en faveur des droits de l'homme41.

L'art. IX semble donner une compétence exclusive et obligatoire à la Cour internationale de Justice en matière de différends relatifs à l'interprétation, à l'application ou à l'exécution de la Convention. Divers Etats ont déposé des réserves au sujet de cet article, dont la légalité est certes discutée, sans pour autant que sa validité soit mise en question.

Comme la Suisse a déjà reconnu comme obligatoire la juridiction de la Cour aux termes de l'art. 36, al. 2, de son Statut42, l'art. IX de la Convention n'entraîne pour elle aucune obligation nouvelle.

40 41 42

Loi fédérale du 20 mars 1981 (RS 351.1) Antonio Planzer, op. cit., p. 152 et ss.

Voir arrêté fédéral du 12 mars 1948 relatif à l'adhésion de la Suisse au Statut de la Cour internationale de Justice et la reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'art. 36 du Statut (RS 193.5).

4926

39

Dispositions finales (art. X à XIX)

Les dispositions finales de la Convention déterminent les textes faisant foi (art. X) et posent les règles concernant la ratification et l'adhésion (art. XI), l'extension de l'application de la Convention aux territoires dont les Parties contractantes assument les relations extérieures (art. XII), l'entrée en vigueur, la durée de validité et la dénonciation de la Convention (art. XIII à XV), sa révision (art. XVI) et les fonctions incombant au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies en tant que dépositaire de la Convention (art. XVII à XIX).

4

Nature et portée des nouvelles obligations pour la Suisse

41

Nature des obligations de droit international

Le contenu des obligations de droit international qui découlent pour la Suisse de la Convention contre le génocide a déjà été exposé (voir ch. 3). Il convient d'examiner maintenant si les dispositions sont directement applicables en droit suisse (selfexecuting) ou si elles nécessitent une concrétisation de la part du législateur.

On suit traditionnellement en Suisse la théorie moniste pour traiter des rapports entre le droit international et le droit interne. Les traités internationaux deviennent donc partie intégrante de l'ordre juridique suisse dès qu'ils sont entrés en vigueur pour notre pays. Il est dès lors possible de faire valoir des dispositions d'un traité international devant des instances suisses à partir de ce moment, pour autant qu'elles soient directement applicables. Sont considérées comme directement applicables les dispositions qui, en général et au vu de l'objet et du but du traité, sont suffisamment précises pour pouvoir être appliquées à un cas concret et servir de base à une décision43.

En ce qui concerne la Convention contre le génocide, deux particularités doivent être relevées. D'abord, en raison de la nature coutumière des normes matérielles de la Convention (voir ch. 13), celle-ci impose des obligations de droit international à la Suisse, avant même l'adhésion de notre pays. Et deuxièmement, comme il s'agit d'une Convention de droit pénal international, il convient d'attacher une importance particulière à la précision des dispositions de la Convention (voir ch. 35).

Les art. II et III de la Convention s'adressent en premier lieu au législateur. Leur contenu est certes suffisamment précis pour déterminer dans un cas concret si l'acte délictuel correspond au crime de génocide au sens de la Convention. Il leur manque néanmoins la menace concrète d'une peine (l'art. V préconise uniquement une sanction efficace). C'est la raison pour laquelle leur application directe dans une procédure pénale est exclue selon le droit suisse. Les art. IV, VI et VII, par contre, contiennent des obligations directement applicables. L'art. IV soumet également les gouvernants et les fonctionnaires à l'interdiction du crime de génocide; l'art. VI prévoit la traduction devant la Cour pénale internationale; et l'art. VII contient des dispositions relatives à l'entraide judiciaire internationale.

43

ATF 112 Ib 184

4927

42

Le traitement du génocide par le droit positif suisse

La législation suisse tient déjà partiellement compte des obligations prévues par la Convention. Ainsi, l'art. 75bis du code pénal et l'art. 56bis du code pénal militaire44 posent tous deux l'imprescriptibilité du crime de génocide. Pour sa part, l'art. 3 de la loi sur l'entraide judiciaire déclare irrecevable, dans le cas du crime de génocide, l'allégué selon lequel l'acte revêt un caractère politique. Ces dispositions vont audelà de la définition du crime de génocide de l'art. II de la Convention, dans la mesure où elles visent également l'extermination fondée sur l'appartenance sociale ou politique des individus (voir ch. 52). Par ailleurs, depuis l'adhésion de la Suisse à la Convention contre le racisme45, intervenue en 1993, la négation du génocide est, elle aussi, punissable46. Enfin, les actes objectifs constitutifs du crime de génocide décrits dans la Convention tombent déjà, au moins partiellement, dans le champ d'application des dispositions du droit pénal suisse. Il s'agit du meurtre, des lésions corporelles et de la privation de liberté. Ces dispositions font cependant abstraction de l'intention qu'a l'auteur de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. En outre, elles ne menacent pas l'auteur du crime de génocide de la réclusion à vie, comme peine maximale. Ce sont précisément les points faibles du droit positif suisse, car il ne permet pas de punir l'un des crimes les plus terribles d'une manière appropriée.

43

Prévention et répression du crime de génocide en droit suisse

Comme nous l'avons indiqué plus haut (voir ch. 3), l'adhésion de la Suisse à la Convention impose en premier lieu à notre pays d'inclure dans son droit pénal une disposition qui réprime le crime de génocide et qui donne de celui-ci une définition allant au moins aussi loin que celle de l'article II de la Convention. Elle commande, ensuite, l'adoption de dispositions punissant la complicité et les actes préparatoires, conformément à l'art. III de la Convention.

5

La révision du droit pénal

51

Droit pénal ordinaire ou droit pénal militaire?

Le législateur suisse a confié à la justice militaire le soin de poursuivre les crimes de guerre définis par la Convention de La Haye de 190747, par les Conventions de Genève de 194948 et par leurs Protocoles additionnels49, ainsi que les infractions à la Convention pour la protection des biens culturels50 (art. 2, ch. 9, du code pénal militaire). Ce transfert était nécessaire du fait que le code pénal militaire contenait 44 45 46 47 48 49 50

Code pénal militaire du 13 juin 1927 (RS 321.0) Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (RS 0.104).

Art. 261bis du code pénal et art. 171c du code pénal militaire dans sa version du 18 juin 1993.

Convention relative à l'ouverture des hostilités du 18 octobre 1907 (RS 0.515.10) RS 0.518.12, 0.518.23, 0.518.42, 0.518.51 RS 0.518.521, 0.518.522 Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit.

4928

déjà des dispositions relatives à la violation du droit international en cas de guerre.

La révision du code pénal militaire, entrée en vigueur le 1er mars 1968, est basée sur le contenu des Conventions de Genève et de la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels. Quant aux Protocoles additionnels de 1977, ils sont entrés en vigueur en 1982 pour la Suisse. Les Protocoles, ils sont aussi couverts par l'art. 108 du code pénal militaire, qui donne compétence aux autorités militaires pour ouvrir des poursuites en cas de violation du droit international humanitaire.

L'alinéa premier de cet article, ainsi que le titre de son sixième chapitre, montrent en outre distinctement que l'art. 108 se réfère exclusivement aux traités de droit international humanitaire et non aux traités de droit international général. La Convention contre le génocide se distingue toutefois des Conventions de Genève en ce qu'elle est applicable même en l'absence de conflit armé (voir ch. 13). Dès lors, elle sort du champ d'application de l'art. 108, ch. 2, du code pénal militaire et elle ne relève pas de la compétence des autorités de poursuite militaires.

Cela dit, il est clair que, dans la réalité, un crime de génocide est généralement commis pendant un conflit armé et que, dans un tel contexte, un même acte constitue souvent une violation grave à la fois de la Convention contre le génocide et des Conventions de Genève ou de leurs Protocoles additionnels, voire de la Convention sur la protection des biens culturels. Dans l'intérêt de la clarté et au vu de l'importance du sujet, il est impératif d'éviter tout doute sur la compétence pour l'ouverture des poursuites et la répression du crime de génocide en l'établissant clairement dès le début.

La Convention contre le génocide étant applicable indépendamment de tout conflit armé, il semblerait assez peu logique de vouloir inscrire dans le code pénal militaire les dispositions relatives à sa violation et de confier à la justice militaire le soin de poursuivre l'auteur de celle-ci. Aussi le Conseil fédéral vous propose-t-il de faire figurer dans le code pénal ordinaire les dispositions pertinentes et de charger la justice ordinaire de poursuivre et de réprimer les infractions. La justice militaire conservera ses compétences actuelles.

52

Inclusion du crime de génocide dans le code pénal

521

Systématique

Il y a lieu de compléter le code pénal suisse par un nouveau titre 12bis, intitulé «Délits contre les intérêts de la communauté internationale». Ce dernier serait inséré entre les titres douzième et treizième des dispositions spéciales et accueillerait un nouvel art. 264 consacré au crime de génocide. Cette systématique se justifie en ce que la criminalisation du génocide vise essentiellement à préserver l'existence d'un groupe, donc un bien juridique dépassant l'individu ou l'Etat et touchant aux intérêts collectifs de la communauté des Etats. Ce nouveau titre 12bis pourra être complété ultérieurement par un article consacré à la répression des crimes contre l'humanité, qu'imposera la ratification du Statut de la Cour pénale internationale (voir ch. 21).

La signification de l'élément subjectif du crime de génocide ainsi que son rapport avec le principe de la légalité ont déjà été abordés (voir ch. 32). Sans doute, il sera souvent difficile de prouver l'intention de détruire un groupe en tant que tel, en tout

4929

ou en partie. Cela réduira51 d'autant les cas d'application de la nouvelle disposition.

Cependant, même lorsque cette intention ne pourra être établie, il sera le cas échéant possible de prononcer, à titre subsidiaire, une condamnation pour d'autres infractions (p. ex. pour «meurtre» ou pour «lésions corporelles»); à défaut, en cas d'inculpation pour crime de guerre, l'affaire devra être transmise à la justice militaire.

522

Définition du groupe

Comme nous l'avons déjà exposé plus haut (voir ch. 42), les dispositions du droit suisse en vigueur sur l'imprescriptibilité du crime de génocide (art. 75bis du code pénal et art. 56bis du code pénal militaire) et sur l'entraide pénale internationale en cas de génocide (art. 3 de la loi sur l'entraide internationale) incluent dans la définition du crime de génocide les groupes sociaux et les groupes politiques. Elles ont donc une portée plus large que l'art. II de la Convention contre le génocide. Il a d'ailleurs été considéré que la Convention présentait une lacune à cet égard, car elle n'inclut pas les groupes politiques dans l'énumération de l'art. II52. Le Conseil fédéral n'en a pas moins décidé de ne pas retenir dans le nouvel art. 264 du code pénal une définition du groupe protégé qui irait au-delà de celle de la Convention.

Le message concernant le Statut de la Cour pénale internationale, qui est en cours d'élaboration (voir ch. 21), traitera cet aspect plus en détail, car c'est avant tout en relation avec les crimes contre l'humanité que ces groupes méritent une protection particulière.

Dans le cas contraire, les autorités de poursuite et les tribunaux seraient soumis à de multiples incertitudes, dans la mesure où il est malaisé de définir d'une manière générale un groupe social ou politique. Par ailleurs, il existe une différence de nature entre les deux groupes précités et les groupes visés par la Convention, puisque l'appartenance à ces derniers résulte en général essentiellement de la naissance et non d'un choix autonome fait par la personne. Le Conseil fédéral avait déjà suivi le même raisonnement lors de l'adhésion de la Suisse à la Convention contre le racisme, renonçant dans ce cas également à étendre la définition de l'art. 261bis du code pénal (discrimination raciale) aux groupes politiques53.

Par contre, le Conseil fédéral propose de ne pas suivre l'approche retenue pour la Convention contre le racisme et d'inclure le critère de la nationalité dans la définition du groupe protégé. D'une part, les difficultés évoquées à l'époque au sujet des dispositions sur l'acquisition de la nationalité suisse54 ne jouent aucun rôle pour ce qui est de la Convention contre le génocide. D'autre part, on peut se demander s'il

51 52

53

54

Antonio Cassese, op.cit., p.184 Hans-Heinrich Jescheck, «Genocide», in: R. Bernhardt (Hrsg.), Encyclopedia of Public International Law, vol. II (1995), p. 543; Cherif Bassiouni, «Remarks on Genocide: The Convention, Domestic Laws, and State Responsibility», in: American Society of International Law, Proceedings of the 83rd Annual Meeting (Chicago, 1989), pp. 314 et ss.

Voir le message du Conseil fédéral du 2 mars 1992 concernant l'adhésion de la Suisse à la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et les révisions y relatives du droit pénal (FF 1992 III 265).

Cf. le message précité (FF 1992 III 265).

4930

est suffisamment clair que la notion d'«ethnie» inclut l'élément de la nationalité55.

La version française de la Convention ­ une des versions officielles ­ utilise le concept de «nationalité», alors que le texte allemand se réfère à «Staatsangehörigkeit». Se pose donc la question de savoir si dans le texte allemand le concept de nationalité devrait être utilisé dans l'énumération des attributs de discrimination prohibés. Il a été décidé de renoncer à calquer la version allemande sur le texte français dans le présent message ainsi que dans le projet de modifications législatives. Les raisons en sont que si l'on renonce à la notion de «Staatsangehörigkeit», les concepts d'«ethnie» et de «nationalité» ne pourraient être clairement distingués. D'ailleurs, à propos de la notion d'«ethnie», les dispositions de droit pénal positif ­ par exemple l'art. 75bis, al. 1, ch. 1, du code pénal et l'art. 3, al. 2, let. a, de la loi sur l'entraide pénale internationale56 ­ se réfèrent dans la version française à la «nationalité» et le texte allemand à «Staatsangehörigkeit». Cela dit, le Conseil fédéral est conscient de faire preuve d'une incohérence apparente en proposant d'inclure l'élément de la nationalité dans la définition du groupe protégé qui figure dans l'art. 264 du code pénal. S'il le fait, c'est uniquement dans l'intérêt d'une plus grande clarté, et il affirme sans ambiguïté que la présence de cet élément dans l'art. 264 et non dans l'art. 261bis du code pénal ne permet aucunement d'inférer que ce dernier comporte un silence qualifié. Il est incontestable qu'en adoptant l'art. 261bis, le législateur a considéré que la notion d'«ethnie» inclut l'élément de la nationalité, et cette interprétation ne reste pas moins valable aujourd'hui.

Parmi les différents actes énumérés aux let. (a) à (e) de l'art. II de la Convention, ceux qui sont énoncés aux let. (a) à (c) impliquent nécessairement une atteinte à l'intégrité physique ou psychique des membres d'un groupe. Cela n'est pas toujours le cas s'agissant des actes mentionnés aux let. (d) et (e) (p. ex.: les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe et le transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe). C'est la suppression des bases indispensables à la poursuite de la vie du groupe qui est soulignée, sans que pour autant l'intégrité
physique, la santé ou la vie de membres individuels du groupe ne soient nécessairement mises en péril.

Il peut donc paraître excessif de prévoir pour ces actes la peine maximale. Le Conseil fédéral n'en considère pas moins que cette dernière est justifiée en raison de l'intention particulièrement condamnable qui sous-tend de tels actes. Par ailleurs, la peine encourue peut être moins sévère si l'auteur est condamné pour des infractions subsidiaires (p. ex.: «lésions corporelles») lorsqu'on ne peut pas prouver l'intention qualifiée qui est nécessaire pour établir le crime de génocide. Enfin, les différentes formes de participation et les actes préparatoires sont réprimés par des peines généralement moins sévères, conformément aux dispositions générales du code pénal.

55

56

Des opinions divergentes se trouvent, p. ex., chez Karl-Ludwig Kunz, «Neuer Straftatbestand gegen Rassendiskriminierung ­ Bemerkungen zur bundesrätlichen Botschaft», RPS 1992, p. 154, 160, et Markus A. Niggli, Rassendiskriminierung, Ein Kommentar zu Art. 261bis StGB und Art. 171c MStG, Zurich, 1996, N 342.

RS 351.1

4931

523

La peine applicable

Il s'est posé la question de savoir s'il ne fallait pas adapter la quotité de la peine aux infractions perpétrées lors de la commission du crime de génocide et de prévoir ainsi une peine de réclusion à vie uniquement en cas de meurtre ou de d'atteintes à l'intégrité physique des membres du groupe protégé. Mais un telle approche ne s'est pas révélée satisfaisante. Le caractère criminel essentiel de l'acte de génocide réside en effet dans la conception de l'auteur, selon laquelle un groupe déterminé ne mérite pas d'exister et doit par conséquent être détruit. C'est aussi l'intention qui, par exemple, fait que pour l'assassinat, contrairement au meurtre, est prévue une peine de réclusion à vie. Du point de vue du droit international, c'est le dessein de détruire un groupe national, racial, religieux ou ethnique qui est l'élément constitutif du crime de génocide et qui justifie la peine maximale de la réclusion à vie. Il ne s'agit cependant pas d'une peine rigide et absolue, car l'art. 264 du code pénal tel qu'il est modifié prévoit une atténuation possible jusqu'à dix ans de réclusion. Le juge peut donc opter pour une peine allant de dix à vingt ans ou pour la réclusion à vie. Si l'intention de l'auteur de détruire un groupe ne peut être établie, il sera jugé pour la commission d'un acte déjà réprimé pénalement (p. ex. pour «meurtre» ou «lésions corporelles»).

En outre, le contenu du projet de révision présenté par le Conseil fédéral va dans le sens de l'art. 77 du Statut de la Cour pénale internationale qui prévoit une peine d'emprisonnement jusqu'à trente ans mais aussi, si la gravité extrême du crime et la situation du condamné l'exigent, l'emprisonnement à perpétuité.

524

Champ d'application territorial

La Convention contre le génocide n'impose pas aux Etats parties d'appliquer le principe de l'universalité dans leur répression du crime de génocide. Deux raisons incitent toutefois le droit pénal suisse à le faire. En premier lieu, il est établi par la doctrine dominante actuelle57 qu'on ne peut empêcher un Etat d'appliquer le principe de l'universalité pour le crime de génocide que sa législation interne prohibe, et lui reprocher de mener ainsi une action pénale autonome et contraire aux règles de droit international. Autrement dit, si les Etats n'en ont pas l'obligation, ils ont certainement le droit de réprimer le crime de génocide en vertu du principe de l'universalité.

Deuxièmement, si l'on devait renoncer à appliquer le principe de l'universalité dans la répression du crime de génocide, cela aurait pour conséquence que le droit pénal suisse ne permettrait plus de poursuivre tous les actes qui doivent l'être, affaiblissant ainsi la volonté de réprimer impitoyablement le crime de génocide. Une telle lacune se présenterait notamment si, lors d'un génocide perpétré à l'étranger, le principe de la personnalité au sens des art. 5 et 6 (actif ou passif) du code pénal ne pouvait être appliqué aux auteurs et que les autorités du lieu de commission renoncent sciemment à entamer des poursuites pénales, rendant inopérant l'art. 85 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale.

57

Voir Kai Ambos, in Straflosigkeit von Menschenrechtsverletzungen, Freiburg i.B. 1997, pp. 194 ss et 203.

4932

Selon l'al. 2 du nouvel art. 264 du code pénal, le champ d'application géographique est donc déterminé par le principe de l'universalité (voir ch. 13), à deux réserves près: il faut que l'accusé se trouve en Suisse et qu'il ne puisse être extradé pour des raisons juridiques ou de fait. La Suisse s'évite ainsi de devoir engager ou mener une procédure en l'absence de la personne concernée. Ce faisant, et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'un ressortissant suisse, on donnera la priorité à l'extradition de l'accusé, et donc à sa condamnation, soit dans le pays où il a commis son acte (selon le principe de la territorialité), soit dans son pays d'origine (selon le principe de la personnalité).

Il faut également étendre l'application du principe de l'universalité à l'acte de «provocation publique au crime ou à la violence» de l'art. 259 du code pénal, ou aux «actes préparatoires délictueux» de l'art. 260bis, ou à «l'organisation criminelle» de l'art. 260ter.

525

Champ d'application personnel

Dans le projet de nouvel art. 264, al. 3, du code pénal, les dispositions légales concernant à l'immunité relative ne sont pas applicables au crime de génocide. En consacrant cette immunité relative, les art. 14 et 15 de la loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires58, ainsi que les art. 1 et 4 de la loi fédérale sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération59 prévoient qu'une poursuite pénale contre un membre du Parlement, un magistrat ou un fonctionnaire fédéral ne peut être ouverte que moyennant une autorisation préalable. A l'inverse, l'immunité absolue prévue par l'art. 2, al. 2, de la loi sur la responsabilité est entièrement applicable dans le cas du génocide. Cette immunité absolue rend impossible une poursuite pénale contre les membres de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral en raison des opinions qu'ils émettent au sein de l'Assemblée fédérale ou ses commissions. Ce type d'immunité constituant sans conteste une condition politique du fonctionnement du Parlement, elle a été reprise par l'arrêté fédéral du 18 décembre 1998 relatif à une nouvelle constitution fédérale.

Matériellement, la punissabilité du crime de génocide n'est pas limitée. Le Conseil fédéral est bien conscient que dans une société démocratique comme la nôtre, il ne fait aucun doute que si un membre des autorités, circonstance extraordinaire, se rendait coupable d'un tel acte, les autorisations de poursuite appropriées seraient octroyées. Cependant, le Conseil fédéral, au vu de la claire exigence de répression exprimée par la Convention contre les «gouvernants» et les «fonctionnaires», estime que l'on ne peut faire dépendre l'ouverture des poursuites d'une autorisation, qui, n'émanant pas d'une autorité judiciaire, pourrait être influencée par des considérations politiques. C'est la raison pour laquelle il propose d'abandonner les dispositions légales relatives à la procédure d'autorisation en cas de crime de génocide.

L'art. IV de la Convention montre clairement qu'un statut particulier, en droit interne, de la personne concernée ne doit pas faire obstacle à sa punition en cas de violations des préceptes de la Convention. Il s'ensuit alors que, si une immunité parlementaire prévue par le droit suisse était susceptible de créer une quelconque 58 59

RS 170.32 RS 170.21

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difficulté pour la poursuite de responsables (voir à cet égard l'art. 366 du code pénal, considéré en relation avec l'art. 2, par. 2, de la loi fédérale sur la procédure administrative), elle devrait être levée. Il en irait de même pour l'incitation directe et publique à commettre un crime de génocide.

L'ordre juridique suisse ne connaît d'ailleurs pas de règles qui libéreraient de toute punissabilité les membres du Gouvernement ou des autorités qui auraient agi en respectant leurs fonctions officielles effectives ou supposées. Il en va de même pour «l'ordre d'agir» qui ne constitue pas une circonstance atténuante en droit pénal ordinaire.

Par ailleurs, l'art. 27 du Statut de la Cour pénale internationale ne connaît pas d'immunité qui puissent faire obstacle à une condamnation.

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Actes préparatoires, complot et renonciation

Aux termes de l'art. III, let. (b), de la Convention, les Parties contractantes doivent également punir «l'entente en vue de commettre le génocide». Les art. 24 et 25 (instigation et complicité) ou 260ter du code pénal (organisation criminelle) ne permettent pas de considérer que le droit suisse satisfait à cette obligation. En particulier, les actes d'organisation planifiés ne sont couverts de manière satisfaisante que par l'art. 260bis (actes préparatoires délictueux). Le Conseil fédéral propose donc d'ajouter ­ par le nouvel art. 264 ­ le génocide à la liste des actes punissables figurant à l'art. 260bis, al. 1, en application du principe relatif à l'obligation fondamentale des Etats non seulement de punir mais aussi de prévenir le génocide (art. I de la Convention). A cet égard, il convient également de rendre punissables les actes préparatoires commis à l'étranger, que leur commission ait été planifiée indifféremment en Suisse ou à l'étranger (art. 260bis, al. 3).

Le projet de révision du code pénal ne prévoit pas de faire du complot en vue de commettre un crime de génocide un crime indépendant. Le Conseil fédéral est en effet d'avis que la poursuite et la répression du complot sur la base des dispositions relatives aux actes préparatoires délictueux et aux organisations criminelles arrivent au même résultat que s'il s'agissait d'un crime séparé.

L'exemption de toute peine pour celui qui aura renoncé à poursuivre jusqu'au bout son activité préparatoire, que prévoit l'al. 2 de l'art. 260bis révisé, s'explique par le fait qu'il convient de donner une dernière chance à l'auteur qui, prenant de la distance avec son projet, ne s'emploie plus à la réalisation du crime planifié. Cette approche est compatible avec le droit international, comme le montre l'art. 25, al. 3, let. (f) in fine du Statut de la Cour pénale internationale, selon lequel la personne qui abandonne l'effort tendant à commettre le crime ne peut être punie pour sa tentative si elle a renoncé au dessein criminel.

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Réglementation de la compétence matérielle pour instruire et réprimer le crime de génocide

Dans l'avant-projet soumis à la procédure de consultation, il était prévu une compétence exclusive des instances fédérales pour l'instruction et la répression du crime de génocide. Partant de l'idée qu'en règle générale le crime de génocide serait com-

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mis à l'étranger, il avait été estimé qu'il était indispensable d'assurer une unité pour l'instruction et la répression. Or, une compétence exclusive du Tribunal fédéral pour la répression du crime de génocide a été rejetée par le Tribunal fédéral lui-même lors de la procédure de consultation. Ce dernier a essentiellement fondé sa prise de position sur le problème récurrent de sa surcharge. Selon lui, la compétence de poursuivre et de réprimer le crime de génocide pourrait être partiellement déléguée aux instances cantonales.

La compétence de principe en matière de génocide devrait revenir au Tribunal fédéral; une compétence exclusive devrait cependant être rejetée. Etant donné que pratiquement dans chaque cas de génocide apparaissent des questions politiques et que l'administration des preuves s'avère complexe, l'instruction devrait toujours être menée par la Confédération, contrairement aux règles relatives à la délégation des affaires pénales aux cantons. Au terme de l'instruction, le Conseil fédéral aurait la possibilité de transférer la compétence de la répression aux instances cantonales; dans un tel cas, l'accusation sera cependant tenue par le Procureur de la Confédération.

Par ailleurs, le Conseil fédéral propose de modifier les art. 344 du code pénal («concours d'infractions ou de lois pénales») et 221 du code pénal militaire («tribunaux compétents en cas de concours d'infractions ou de lois pénales») de façon à préciser que la juridiction fédérale ordinaire est seule compétente, même dans le cas où une personne est accusée de crime de génocide, d'une part, et d'actes entrant dans le domaine de compétence des autorités de poursuite militaires ou cantonales, d'autre part. Pouvoir ainsi transmettre au Tribunal fédéral des actes délictuels pour lesquels il n'est en principe pas compétent va dans l'intérêt de l'unité de la procédure.

6

Conséquences financières et en matière de personnel

L'adhésion de la Suisse à la Convention contre le génocide n'aura aucun effet financier ni en personnel pour la Confédération et les cantons.

Il convient cependant d'indiquer qu'en raison du caractère extraordinaire du crime de génocide et de ses faits concomitants, toute la procédure de répression impose en général une enquête coûteuse. C'est la raison pour laquelle il faudrait s'attendre, le cas échéant, à des coûts considérables et à des frais en personnel supplémentaires pour le Ministère public de la Confédération et pour l'Office fédéral de la police.

7

Législature

L'adhésion de la Suisse à la Convention contre le génocide est prévue dans le Rapport sur le programme de la législature 1995­199960.

60

FF 1996 II 352

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Constitutionnalité

L'arrêté fédéral sur l'adhésion de la Suisse à la Convention contre le génocide repose sur l'art. 8 de la constitution fédérale, qui donne la compétence à la Confédération de conclure des traités avec des Etats étrangers. La compétence de l'Assemblée fédérale est basée sur l'art. 85, ch. 5, de la constitution.

Selon l'art. 89, al. 3, de la constitution, les traités internationaux sont soumis au référendum facultatif s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (let. a), s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (let. b), ou s'ils entraînent une unification multilatérale du droit (let. c). Or, la Convention contre le génocide est dénonçable (art. XIV), et l'adhésion prévue n'implique pas l'adhésion à une organisation internationale.

Il reste uniquement à déterminer si l'adhésion à la Convention contre le génocide entraîne une unification multilatérale du droit. Selon la pratique constante du Conseil fédéral, seuls sont soumis au référendum facultatif les traités qui contiennent du droit uniforme, directement applicable dans l'ensemble, réglant en détail un domaine juridique bien défini, à savoir suffisamment important pour justifier sur le plan national l'élaboration d'une loi particulière (FF 1988 I 912, 1990 III 948, 1992 III 324). Le Parlement a précisé la pratique du Conseil fédéral et décidé que, dans des cas particuliers ­ en raison de l'importance ou de la nature des dispositions ou parce qu'il est prévu de créer des organes de contrôle internationaux ­ il peut y avoir une unification multilatérale du droit, même lorsque les normes internationales y relatives sont peu nombreuses (FF 1990 III 948, y compris les références).

Dans le cas précis, les principales dispositions de la Convention contre le génocide ne sont pas directement applicables. Elles sont adressées au contraire au législateur national (voir ch. 41), même si quelques articles pourraient être directement applicables. Ils ne concernent toutefois que des questions formelles et n'imposent à la Suisse aucune obligation nouvelle.

La présente Convention n'est donc pas sujette au référendum facultatif en matière de traités internationaux prévu à l'art. 89, al. 3, de la constitution.

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