99.055 Message concernant la loi sur le marché de l'électricité (LME) du 7 juin 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons notre message concernant la loi sur le marché de l'électricité (LME) et vous proposons d'adapter le projet de loi qui y est joint.

Nous vous proposons également de classer les interventions parlementaires ci-après: 1997 P 96.3643 Ouverture du marché de l'électricité. Conditions-cadres (N 21. 3. 97, Semadeni) 1997 M 97.3005 Ouverture du marché dans le domaine de l'énergie (N 4. 6. 97, Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil National, 96.067; E 9. 10. 97) 1998 P 98.3208 Impôt sur l'énergie. Prise en compte des dispositions de l'OMC (N 9. 10. 98, Rechsteiner-Bâle) 1998 P 98.3339 Prélèvement d'une taxe sur les droits de passage et la pose des lignes à haute tension (N 18. 12. 98, Suter) 1998 P 98.3358 Compétitivité de l'énergie hydroélectrique (E 6. 10. 98, Delalay) 1998 P 98.3627 Libéralisation anticipée du marché pour les nouvelles formes d'énergie renouvelable (N 19. 3. 98, Rechsteiner-Bâle) Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 juin 1999

6646

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4275

Condensé Au titre du deuxième train de mesures pour la relance économique, le Conseil fédéral avait chargé le DETEC de rédiger un rapport sur les possibilités d'ouverture du marché des énergies de réseau. Un premier groupe de travail, réunissant des représentants de l'administration fédérale, de l'industrie de l'électricité et des gros consommateurs industriels avait alors présenté le rapport «Ouverture du marché de l'électricité». Un second groupe, élargi aux cantons, aux petits consommateurs et aux organisations écologistes, a ensuite rédigé «Ouverture du marché dans le domaine de l'électricité». Le Conseil fédéral a pris acte de ces rapports le 22 décembre 1995 et le 25 juin 1997 et il a chargé le DETEC d'élaborer un projet de loi sur le marché de l'électricité.

Le DETEC a mis en consultation l'avant-projet de loi, assorti d'un rapport explicatif, du 18 février au 15 mai 1998. La quasi totalité des réactions recueillies est favorable à l'ouverture du marché de l'électricité en Suisse, à l'instar de ce qui se fait ailleurs. Un large consensus s'est manifesté aussi pour l'idée d'une ouverture intégrale au terme d'un délai de transition. Par contre, l'appréciation du projet dans sa totalité est loin d'être unanime. La création d'une société nationale pour l'exploitation du réseau, la compensation des investissements non amortissables et le rythme d'ouverture du marché (droit d'accès des entreprises distributrices dès le début de l'ouverture) ont été particulièrement contestés.

Le 16 septembre 1998, le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la consultation et publié son rapport. Le DETEC a été chargé de conduire, avec les principales forces politiques, des entretiens bilatéraux sur les points controversés. Au cours de l'automne 1998, le gouvernement a ensuite confirmé son intention de voir se créer une société nationale pour l'exploitation du réseau, abandonnant en revanche l'idée de compenser les investissements non amortissables des centrales nucléaires.

La mise en place d'une société suisse pour l'exploitation du réseau est nécessaire à la réalisation d'un véritable marché dans le domaine de l'électricité et à l'accès non discriminatoire au réseau. En outre, au début de 1999, le Conseil fédéral a décidé de soutenir l'introduction d'une taxe temporaire sur l'énergie (dont le produit se
situerait entre 300 et 450 millions de francs par an). Enfin, au mois de mars 1999, il s'est prononcé en faveur d'une compensation limitée à certains cas spécifiques des investissements non amortissables des centrales hydrauliques.

Le présent projet est celui d'une loi-cadre fondée sur les principes de la subsidiarité et de la coopération. L'intention est d'ouvrir le marché de l'électricité en prévoyant l'accès réglementé au réseau («Regulated Third Party Access») sur la base d'un accord. Les exploitants de réseaux auront donc l'obligation de prendre en charge sans discrimination et sur une base contractuelle le courant des clients éligibles. Ils recevront pour cela un dédommagement calculé en fonction du coûtd'exploitation.

A l'entrée en vigueur de la loi, les consommateurs dont la demande annuelle dépasse 20 GWh, soit quelque 110 entreprises suisses seront considérés éligibles. Auront également accès au marché à ce moment-là les entreprises de distribution, à hauteur des quantités d'électricité acquises pour les clients éligibles, plus 10 % de leurs ventes annuelles à des clients captifs. Ainsi le marché sera ouvert à 21 % pour commencer; l'UE exige de ses membres un degré d'ouverture de 29 % en 2001

6647

(année où la LME entrera probablement en vigueur). Après trois ans, le seuil devrait s'abaisser en Suisse à 10 kWh et la proportion accordée aux entreprises de distribution passer à 20 %, portant l'ouverture du marché aux alentours de 34 %.

Six ans après l'entrée en vigueur de la LME, tant les entreprises de distribution que les consommateurs auront accès au marché sans restrictions. Celui-ci sera alors intégralement ouvert.

Le projet prévoit la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau de transport. C'est un impératif de la politique de concurrence. Les exploitants actuels auront trois ans pour choisir une solution à leur convenance.

Par rapport à l'avant-projet, le texte est plus simple. On a renoncé à diverses mesures connexes du fait du projet de taxe énergétique dont le Parlement débat présentement. La loi ne règle pas la compensation des investissements non amortissables.

Le dédommagement limité des centrales hydrauliques sera fixé dans la législation d'exécution relative aux taxes sur l'énergie.

Abstraction faite du rythme d'ouverture du marché, le projet est compatible avec la directive CE 96/92 du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Au cours des trois années qui suivront l'entrée en vigueur de la loi, l'ouverture en Suisse sera quelque peu inférieure au degré prévu par la directive, puis elle atteindra le même niveau. Dès 2006, la situation se renversera. A la différence de la directive CE, la loi sur le marché de l'électricité fixe d'ores et déjà l'ouverture complète après six ans.

Dans l'optique actuelle, les conséquences financières pour la Confédération de la loi seront plutôt modestes. Elle ne comporte aucune disposition qui donnerait lieu à des contributions fédérales. Sa mise en oeuvre implique la création de onze à quatorze emplois dans l'administration. La loi aura des conséquences financières indirectes sur les cantons et les communes. Outre les pertes subies par les cantons de montagne, les redevances de concession et les cessions de bénéfices dont bénéficient les communes et les villes du Plateau pourraient être menacées.

6648

Message 1

Partie générale

11

Point de la situation

111

L'ouverture du marché de l'électricité: motifs, contexte

Le marché européen de l'électricité subit actuellement une profonde mutation. Les monopoles d'approvisionnement régionaux et nationaux ont volé en éclats. Le négoce de l'électricité, réservé jusqu'ici aux grandes compagnies, cède la place à un marché où prédominent les rapports contractuels directs entre producteurs et consommateurs. Selon les Etats, l'accès est assuré aux gros consommateurs industriels comme aux petits consommateurs. Cette tendance s'observe partout dans le monde: outre les Etats-Unis et certains pays d'Amérique du Sud, l'Australie et la NouvelleZélande ont elles aussi ouvert leurs marchés. De même en Asie, et notamment au Japon, d'importantes mesures de libéralisation sont mises en oeuvre.

L'entrée en vigueur de la directive 96/92 CE (cf. ch. 51) le 19 février 1997 a jeté les bases du marché intérieur de l'Union européenne dans le domaine de l'électricité. A l'exception de la Belgique, de l'Irlande et de la Grèce, les pays de l'Union sont tenus d'intégrer cette directive dans leur droit national dans les deux ans. Ainsi, le marché intérieur est devenu une réalité ­ du moins sur le plan légal ­ le 19 février 1999. Pour la Suisse, cette évolution est décisive à deux égards. D'une part, notre pays constitue une importante plaque tournante pour le marché du courant au coeur de l'Europe. Le taux d'exportation, mesuré sur la base de la consommation intérieure, se monte à 50 % environ, ce qui représente le chiffre le plus élevé d'Europe.

Il faut par conséquent empêcher l'isolement des installations de production helvétiques en Europe et leur assurer le libre accès au marché de l'UE. D'autre part, les grands consommateurs industriels helvétiques doivent pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents européens concernant le choix de leurs fournisseurs de courant, afin de bénéficier eux aussi de prix plus bas. Ainsi, l'ouverture du marché devrait s'accompagner d'un meilleur rendement sur le plan macro-économique, qui contribuera à son tour à accroître la compétitivité du pôle économique suisse.

Dans la mesure du possible, l'ouverture du marché suisse de l'électricité doit donc être compatible avec le marché intérieur de l'Union européenne. Sur le plan national, la libéralisation doit se faire dans le respect du cadre constitutionnel et répondre aux objectifs de l'article
énergétique. Outre un approvisionnement énergétique sûr et économique, il faut privilégier l'encouragement d'une consommation économique et rationnelle de l'énergie et la promotion des énergies renouvelables. L'ouverture du marché ne dispense pas de satisfaire aux impératifs de la protection de l'environnement.

112

Objectifs de l'ouverture du marché

L'ouverture du marché vise à accroître le rendement par la concurrence. Celle-ci s'exerce déjà dans une certaine mesure, en particulier dans l'interconnexion européenne. L'ouverture à de nouveaux producteurs et le libre choix des fournisseurs par les consommateurs restent cependant des éléments décisifs permettant de garantir la 6649

concurrence et un approvisionnement en courant aussi efficace que possible. Il faut pour cela assurer a priori à tout consommateur et à tout producteur le libre accès au réseau. Ce dernier reste un monopole, car ni l'économie ni la protection du paysage ne toléreraient des réseaux parallèles. Il faut donc instituer, dans le domaine du transport et de la distribution, des conditions générales permettant des prestations efficaces et un accès non discriminatoire aux réseaux malgré ce monopole.

L'ouverture du marché ne saurait avoir pour principal objectif de fournir de l'électricité à bon marché à certains groupes de consommateurs, notamment aux gros clients. Il s'agit bien plutôt de dégager des avantages macro-économiques et d'en faire profiter à terme tous les groupes de consommateurs, par l'ouverture intégrale du marché. Cela dit, la concurrence n'assure pas automatiquement un approvisionnement optimal ni la prise en compte des impératifs macro-économiques. Il y faut par conséquent établir certaines conditions générales et pallier les difficultés transitoires, afin de réduire les pertes subies par l'économie nationale.

Seule une liberté d'action suffisante des entreprises peut permettre aux fournisseurs d'électricité d'adopter un comportement axé sur la compétitivité. Il conviendrait donc de renoncer volontairement à toute pression politique superflue sur les décisions qu'ils prennent. La privatisation des entreprises publiques pourrait constituer une stratégie utile.

L'intégration de l'industrie suisse de l'électricité dans le marché intérieur européen nouvellement créé, aux même conditions que ses concurrents de l'UE, exige la reprise d'une bonne partie des réglementations européennes, même si la Suisse n'est pas membre de l'Union. Dans nos relations avec l'UE, il importe de protéger les intérêts des consommateurs et de l'industrie de l'électricité. L'essentiel est que cette dernière, même en cas d'ouverture du marché, maintienne et si possible consolide sa position privilégiée dans ce nouveau contexte.

113

Conditions générales de la politique énergétique

La votation populaire du 23 septembre 1990 a donné à la politique suisse de l'énergie un véritable mandat. L'article constitutionnel sur l'énergie (art. 24octies cst.) a alors été adopté sans ambiguïté (71 % des voix, unanimité des cantons). Simultanément, le souverain a accepté l'initiative populaire «Halte à la construction de centrales nucléaires» (moratoire) et rejeté l'initiative «Pour un abandon progressif de l'énergie atomique». Ainsi, la Confédération se voyait investie de la compétence de mener une politique énergétique efficace et prospective et de la tâche de prendre des mesures concrètes favorisant l'utilisation économique et rationnelle de l'énergie ainsi que le recours aux agents renouvelables.

Au mois de février 1991, le Conseil fédéral a adopté le programme Energie 2000, dont les objectifs sont les suivants: ­

stabiliser pour l'an 2000 à leur niveau de 1990 la consommation d'agents fossiles et les rejets de gaz carbonique, puis les réduire (de 10 % en 2010 par rapport à 1990 selon projet de loi sur le CO2);

­

atténuer la progression de la demande d'électricité, puis la stabiliser dès l'an 2000;

6650

­

pour l'an 2000, accroître l'apport des agents renouvelables à la production d'électricité de 0,5 % et à la production de chaleur de 3 %;

­

accroître de 5 % la production d'électricité hydraulique et de 10 % la puissance des centrales nucléaires.

Le 21 octobre 1998, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) de rédiger, en collaboration avec les cantons et les milieux économiques, un programme subséquent d'Energie 2000.

Succédant à l'arrêté sur l'énergie du 14 décembre 1990, la loi sur l'énergie est entrée en vigueur le 1er janvier 1999. Elle permet à la Confédération de mener une politique énergétique progressiste et durable. En collaboration avec les cantons, les milieux économiques et d'autres organisations encore, la Confédération peut ainsi prendre des mesures visant à assurer un approvisionnement et une distribution énergétiques économiques et respectueux de l'environnement, une utilisation économique et rationnelle de l'énergie et une exploitation majeure des agents indigènes et renouvelables.

Des recommandations du DETEC sur la rétribution accordée pour l'électricité des autoproducteurs, fondées sur l'arrêté sur l'énergie, ont été publiées le 1er janvier 1993. Le prix moyen en est fixé à 16 ct./kWh pour le courant produit à partir d'énergie renouvelable: pour la production à l'aide d'agents non renouvelables, il devrait correspondre au tarif de revente au niveau de tension immédiatement supérieur. La loi sur l'énergie modifie les règles relatives à la rétribution d'électricité provenant de centrales hydrauliques et d'installations à couplage chaleur-force alimentées au combustibles fossiles. Il est prévu d'édicter, au 1er janvier 2000, des recommandations en rapport avec les nouvelles dispositions.

Le groupe de conciliation Force hydraulique (KOWA) du programme Energie 2000 a terminé ses travaux en été 1995. Il devait étudier les possibilités de développement et formuler des recommandations. L'intention était de faciliter la croissance de 5 % de la production hydraulique, qui figure parmi les objectifs d'Energie 2000. Le groupe a donc évalué l'ampleur du potentiel inhérent à la rénovation, à l'extension et au renouvellement d'installations existantes ainsi qu'aux constructions nouvelles pour lesquelles une autorisation avait été requise. Sa conclusion était que 80 % de l'accroissement voulu peut être obtenu par la modernisation de centrales déjà en service. Fin 1998 les transformations et nouveaux aménagements réalisés accomplis représentaient
71 % de l'objectif, 14 % sont en voie de réalisation. Toutefois, la pression sur les prix de production consécutive à l'ouverture du marché risque d'entraver l'achèvement de ces projets. La discussion portant sur l'extension du réseau se poursuit au sein du groupe de conciliation Lignes à haute tension (KGÜ).

Le plan sectoriel des lignes de transport élaboré par ce groupe sera vraisemblablement soumis à l'approbation du Conseil fédéral d'ici à l'été 2000. L'ouverture des marchés de l'électricité en Suisse et à l'étranger constituera un paramètre important de l'exploitation et de l'extension des réseaux à haute tension.

L'encouragement du couplage chaleur-force (CCF) a également fait l'objet de discussions dans le cadre du débat politique sur le programme subséquent à Energie 2000. Bien que le débat ne soit pas encore clos, les participants approuvent le principe de la contribution de cette technologie à l'approvisionnement en énergie. Selon eux, le raccordement de telles installations doit être soumis à des conditions équitables, tenant compte des exigences du futur marché de l'électricité.

6651

Le programme subséquent d'Energie 2000, le programme de politique énergétique après l'an 2000, est actuellement en préparation. Il doit contribuer à la réalisation des objectifs de politique énergétique et climatique de la Suisse. Il doit aussi permettre l'exécution de la loi sur l'énergie et de la loi sur le CO2 ainsi que la mise sur pied d'un programme d'encouragement basé sur une éventuelle taxe énergétique à affectation spéciale. Après son adoption par le Conseil fédéral, il remplacera le programme Energie 2000 le 23 septembre 2000.

Le contexte politique se caractérise par le consensus progressivement atteint dans certains domaines essentiels, notamment l'utilisation rationnelle de l'énergie et l'exploitation d'agents renouvelables au titre du programme Energie 2000. Aucun accord n'a cependant pu être trouvé en matière d'énergie nucléaire. L'ouverture du marché participe certes d'une logique économique, mais elle n'en doit pas moins respecter les conditions générales, politiques et juridiques. Cela signifie que les objectifs énergétiques et environnementaux ne doivent pas être remis en question par la libéralisation du marché et qu'il y a lieu d'atténuer les répercussions sociales de celle-ci.

114

Evolution internationale

Ces dix dernières années, plusieurs Etats ont adapté les conditions générales régissant l'économie électrique de manière à promouvoir la concurrence. Dans les pays industrialisés extra-européens, c'est notamment le cas de certains Etats des EtatsUnis (existence au niveau fédéral de règles relatives à l'harmonisation des réglementations des différents Etats et du commerce inter-étatique), de la NouvelleZélande et de l'Australie. Le Japon prépare également une libéralisation, tout comme d'autres pays asiatiques. Sur le continent sud-américain, le Chili et l'Argentine comptent parmi les précurseurs en la matière. En Europe, l'Angleterre et le Pays de Galles (1989) ainsi que la Norvège (1991) sont considérés comme des pionniers. Au printemps 1999, la plupart des Etats membres de l'Union européenne auront mené à terme l'ouverture de leurs marchés respectifs à l'instar de la Finlande en 1995 et de la Suède en 1996. En 1998, l'Autriche, le Danemark, l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne ont rempli leurs obligations visà-vis de l'UE en adaptant leurs législations nationales conformément à la directive 96/92 CE. En Italie et en France, des projets de lois ont été soumis au Parlement. A l'exception de la Belgique, de la Grèce et de l'Irlande, tous les Etats de l'UE doivent intégrer cette directive à leur droit national dans les deux ans suivant son entrée en vigueur.

En Angleterre et au Pays de Galles, la privatisation et l'ouverture du marché de l'électricité ont déclenché une importante restructuration de la branche. La part du charbon a diminué de moitié depuis 1992, passant de 66 à 33 %. A l'inverse, celle du gaz naturel servant à la production de courant électrique a connu une augmentation fulgurante durant la même période, passant de 1,4 à 33 %. Quant à la part de l'énergie nucléaire (26 %), elle n'a pas changé. Celle des énergies renouvelables avoisinait 2 % en 1997. Les consommateurs ont bénéficié, par rapport à 1990, d'une baisse du prix du courant de 20 % (ménages) à 30 % (industrie), en termes réels.

Depuis l'automne 1998, la concurrence s'exerce également au niveau du commerce de détail. Enfin, dès le mois de juin 1999, tous les ménages pourront choisir librement leur fournisseur. Au vu des restructurations radicales dans le secteur de la pro-

6652

duction, le gouvernement a adopté un programme d'urgence en décembre 1997, qui prévoit un moratoire de la construction de centrales alimentées au gaz, la vérification des conventions de livraison du pool ainsi qu'une révision de la politique énergétique de ces 20 prochaines années. Le gouvernement a présenté ses idées dans un livre blanc: la sécurité de l'approvisionnement, la diversité, la durabilité et le bon fonctionnement des marchés en sont les principaux éléments. Le moratoire illimité imposé aux installations à gaz reste en vigueur, malgré les critiques virulentes émanant des entreprises de production et des investisseurs étrangers. Dans les trois années qui viennent, le mécanisme de pool sera remplacé par un système plus transparent et plus proche du marché. Outre les conditions privilégiées faites aux livraisons des centrales alimentées au charbon et une séparation plus nette des secteurs production et distribution d'entreprises ayant subi entre temps une nouvelle intégration verticale, il est également prévu de promouvoir davantage les énergies renouvelables.

En Norvège, l'ouverture du marché s'est faite sans grandes difficultés, les contrats bilatéraux ayant pu être transférés dans la nouvelle structure et renégociés sur la base des prix modifiés. Contrairement à ce qui s'était passé en Angleterre et au Pays de Galles, il n'y a pas eu de privatisation. Le libre accès au réseau a été introduit dans tout le pays. Les tarifs d'utilisation ont été fixés de manière à encourager le commerce d'énergie électrique. Les fournisseurs choisis sur la base de leurs prix produisent le courant et l'injectent dans le réseau. Les clients se servent au prorata de leurs besoins sans s'exposer à des fluctuations de prix. La firme indépendante Statnett a pour tâche principale d'assurer le déroulement des échanges; elle entretient un marché à 24 heures, un marché hebdomadaire et un marché pour l'énergie de régulation. La facturation entre partenaires au contrat heure par heure. Des contrats standardisés facilitent l'accès au réseau et la facturation du courant fourni. En cas de congéstion du réseau interconnecté, les régions touchées seraient subdivisées et les prix adaptés pour chaque aire de desserte.

La bourse de l'électricité scandinave «NordPool» fonctionne depuis janvier 1996. Y participent la Suède,
la Norvège et la Finlande; le Danemark s'y associera bientôt.

Les échanges transfrontaliers d'électricité permettront de mieux encore tirer parti des avantages du parc de centrales de chaque pays. Jusqu'à présent, il n'a pas été possible de fixer des prix homogènes pour toute l'aire de desserte, en raison du manque périodique de capacités de transport. Ce problème s'explique par le fait que l'essentiel des capacités de production est concentré dans le Nord, tandis que les régions à grande consommation se trouvent au Sud. Le modèle NordPool illustre les limites physiques imposées aux échanges de courant par les installations de transport, surtout sur de grandes distances. Les capacités de transport du réseau norvégien sont relativement faibles, ce qui entraîne d'importants détours par le réseau suédois, plus performant. Par conséquent, le transport de courant en provenance de centrales norvégiennes vers le marché scandinave transite en grande partie par le réseau suédois; il est donc cofinancé par les utilisateurs de ce pays1.

Compte tenu des grandes distances et des couplages relativement peu performants entre les différentes parties du réseau2, un marché intérieur européen aux prix uni1

2

La question des détours et de leur rétribution revêtira à n'en pas douter une importance capitale pour la Suisse. En effet, la plupart des livraisons d'électricité entre pays voisins de la Suisse devraient passer par le territoire helvétique.

L'UE entend terminer d'ici fin 1999 le réseau d'interconnexion européen vers le Nord (Ostsee-Ring) et vers le Sud.

6653

formes n'est réalisable qu'à grands frais. Au sein de l'Union européenne, des marchés régionaux se sont donc formés en Scandinavie, dans la Péninsule ibérique, en Grande-Bretagne et en Europe continentale. Voilà qui explique, entre autres, la création en Europe de plusieurs bourses de l'électricité décentralisées (cf. tab. 1). En Grande-Bretagne, en Scandinavie et en Espagne, on a déjà mis sur pied des marchés pour les livraisons à des clients finaux. Aux Pays-Bas, la bourse de l'électricité d'Amsterdam verra le jour en 1999. Mais elle subira bientôt la concurrence d'une bourse allemande, dont l'emplacement définitif n'a pas encore été décidé. Le choix pourrait se porter sur Francfort, Düsseldorf ou Hannovre. En Suisse enfin, un indice de prix régional (Suisse, Sud de l'Allemagne, France, Autriche, Italie) a vu le jour avec l'introduction au mois de mars 1998 du SWEP (Swiss Electricity Price Index) pour l'énergie en provenance de Laufenburg. En mars 1999, un autre indice, le CEPI (Central European Power Index), a été créé pour le Nord de l'Europe. Cet indice comprend les prix pratiqués dans le Nord de l'Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et au Danemark.

Tableau 1 Marchés de l'électricité en Europe UK Electricity Pool NordPool En fonction depuis: 1990

1996

Wholesale power market Espagne

Amsterdam Power Strombörse Exchange Deutschland

1998

1999

Nationalité Angleterre, Suède, Finlande,Espagne des entreprises Pays de Galles, Norvège participantes: France (ligne par câble) Déroulement 24 h à l'avance, 24 h à l'avance le jour même des transactions: déroulement en (temps réel) temps réel prévu Contrats: Spot Spot, Futures; Spot, Futures Options prévues

probabl. 1999

Pays-Bas, Alle- Allemagne magne, Belgique 24 h à l'avance à déterminer Spot, plus tard Spot, Futuaussi Futures res

Dans une optique économique, les expériences faites dans les pays ayant ouvert le marché sont globalement positives. Les prix ont baissé, bien que de façon inégale.

Cela étant, il faut dire qu'en raison de l'offre excédentaire de courant en Europe, le prix de l'électricité pour les utilisateurs industriels a baissé de 3 à 5 % depuis le début des années 1990, même dans les pays où le marché n'est pas ouvert (p. ex.

l'Allemagne et la France). Quant aux petits consommateurs, lorsqu'ils n'ont pas directement profité de l'ouverture, ils n'en ont pas fait les frais, contrairement à une crainte souvent exprimée. Cependant, la concurrence s'est traduite par une grande instabilité des prix. Ainsi, les instruments de garantie financiers3 utilisés depuis longtemps sur les marchés traditionnels des matières premières ont également fait leur entrée sur le marché de l'électricité. La libéralisation du marché de l'électricité comporte néanmoins certains risques. En effet, vu l'homogénéité du produit électricité et les avantages des gros consommateurs («économies d'échelle»), certaines

3

Par exemple contrats sur options, Futures, Forwards, Spreads, Swaps

6654

grandes entreprises auraient tendance à dominer le marché. Une législation et une surveillance efficaces en matière de concurrence sont par conséquent indispensables pour garantir le bon fonctionnement du marché.

Les investissements dans la production manifestent une nette préférence pour les placements à moins long terme, plus rapidement amortis. La priorité est accordée aux installations ne nécessitant pas d'importants capitaux et qui ne présentent que des risques techniques et politiques limités (en Angleterre p. ex., les centrales nucléaires en service ont été privatisées sans enthousiasme). Par ailleurs, de nouvelles technologies de transformation à rendement élevé (centrales à cycles combinés, turbines à gaz), aux coûts d'investissement par kWh modestes, réalisables en assez peu de temps, tendent à séduire les investisseurs. Dans les pays présentant une forte proportion de centrales alimentées au charbon, l'utilisation accrue de gaz naturel a des répercussions favorables sur l'environnement, car elle permet une réduction substantielle des émissions de CO2 et d'autres substances nocives. On peut toutefois s'inquiéter du manque de diversification des agents primaires. Si la part du gaz naturel à la production de courant est élevée, on peut craindre localement des difficultés d'approvisionnement, du fait qu'en période de forte consommation, le gaz naturel est utilisé aussi bien à des fins de chauffage que pour la production de courant.

Du point de vue économique, la question de l'évolution à long terme du prix du gaz reste également posée. D'ores et déjà, certains contrats de fourniture se réfèrent non plus au prix du pétrole, mais au prix de l'électricité qui sera obtenu sur le marché.

115

Structure et caractéristiques de l'économie électrique suisse

115.1

Structure

Plus de 1000 centrales alimentent la Suisse en énergie électrique. Pour des raisons historiques, elles se distinguent les unes des autres par leur grandeur (aire de desserte, quantités produites), leur structure d'exploitation (production, transport, distribution) ainsi que par leur organisation et leur forme juridique (grandes compagnies nationales, sociétés cantonales ou communales, coopératives locales, sociétés privées, entreprises partenaires). Dans certains cantons et villes, une entreprise unique, intégrée verticalement, est responsable de la chaîne d'approvisionnement; ailleurs, celui-ci est assuré par des entreprises différentes, qui interviennent aux trois échelons de la production, du transport et de la distribution. La figure 1 schématise nos centrales électriques.

6655

Figure 1 Centrales électriques suisses Production

Transport

Distribution Consom. finaux Comp. nationales (6) Entr. partenaires (~ 80)

Entr. cantonales (~10), Distributeurs régionaux (~20)

Connexion avec l'étranger

Entr. urbaines/communales (~900)

Les différences de taille des centrales sont considérables. Les quarante principales entreprises d'approvisionnement couvrent plus de 60 % du besoin indigène de courant. Par contre, la part de marché des 500 petites centrales n'atteint guère que 10 %.

Dans les communes, bon nombre de centrales relèvent de l'administration communale, et assurent également d'autres tâches, telles que l'approvisionnement en eau et en gaz ainsi que le chauffage urbain.

Pour la fourniture de courant aux entreprises de distribution, aux consommateurs finaux et sur le marché international, les compagnies d'électricité d'importance nationale se taillent la part du lion (cf. fig. 2). Le marché intérieur est dominé par les Nordostschweizerische Kraftwerke (NOK), suivis par BKW FMB Energie SA (BKW), Energie de l'Ouest Suisse (EOS) et les Centralschweizerische Kraftwerke (CKW). Aare Tessin AG (Atel) et Elektrizitäts-Gesellschaft Laufenburg (EGL) sont en revanche principalement actives au niveauinternational.

6656

Figure 2 Energie fournie et part du commerce des grandes compagnies nationales en 1997 Aare-Tessin AG (ATEL)

22'591 GWh

Nordostschweizerische Kraftwerke (NOK)

20'134 GWh

Elektrizitätsgesellschaft Laufenburg (EGL)

17'200 GWh

BKW FMB Energie SA (BKW)

10'315 GWh

Energie de l'Ouest Suisse (EOS)

7'358 GWh

Centralschweizerische Kraftwerke (CKW)

4'066 GWh 0

5000

10000

15000

20000

25000

Fourniture dans aire de desserte et commerce dont commerce

Bien que les compagnies d'électricité d'importance nationale constituent, à l'échelle suisse, les plus grandes entreprises de la branche, elles sont relativement petites comparées à d'autres sociétés européennes. Le chiffre d'affaires additionné des six compagnies correspond à environ 15 % de celui d'Electricité de France, 20 % de celui d'ENEL (Italie), un tiers de celui de la plus grande entreprise allemande (RWE), et équivaut en gros au chiffre d'affaires d'Energie Baden-Würtemberg (EnBW). C'est pour cela et d'autres raisons telles que le positionnement à long terme, la politique de désinvestissement des grandes banques helvétiques ou les réflexions stratégiques portant sur l'exploitation et l'utilisation des réseaux de transport qu'ont été créés en peu de temps le «Groupe Ouest» et le «Groupe Est» (cf. figures 3 et 4).

Au sein du «Groupe Ouest», BKW FMB Energie SA, Aare-Tessin AG et Energie de l'Ouest Suisse ont institué une coopération en matière d'économie et de techniques énergétiques. Quant au «Groupe Est», il est formé par le groupe Watt et les NOK, qui détiennent une participation dans ce groupe.

6657

Figure 3 Composition du «Groupe Ouest» Canton de Berne

UBS RWE EDF 20%

20% 14.8%

Preussen Elektra

CVE-Romande Energie

Bayerische Hypothekenund Wechselbank

Ville de Lausanne Services Industriels de Genève

Motor Col.

59.8%

10.7% 1)

27.2%

19.7% 22.7%

5%

Energieversorgung Niederösterreich

56.5%

ATEL

BKW

EOS

coopération "Ouest" Abréviations: RWE: RWE Energie AG EDF: Electricité de France Motor Col.: Motor Columbus AG ATEL: Aare-Tessin AG BKW: BKW FMB Energie SA EOS: Energie de l'Ouest Suisse

1) Augmentation de la part de Preussen Elektra annoncée

Figure 4 Composition du «Groupe Est» Canton Canton Preussen Canton de Canton Canton Kanton CVE-Romande Schaffh.

de Glaris de Zurich Bern d'ArgovieElektra Energiede Zoug

UBS RWE EDF CS BayernGroup20% werke 20%

EnBW 18.375% Bayerische HypothekenEKZ 24.5% und Wechselbank

14%

7.875%

1.75%

0.875%

14.8% 20%

24.5%

AEW

SAK

EKT

Services Industriels de Genève

Ville dVille L ausanne de Zurich

Motor Col.

18.375%

14% 59.8%

10.7% 12.5% 1)

12.25% 27.2%

19.7% 22.7%

Watt 5% 56.5% 73%

ATEL EGL

Energieversorgung 31% Niederösterreich

100%

56.3%

CKW

BKW

NOK

EOS

coopération "Ouest" Abréviations: Energie Baden-Würtemberg EnBW 1) EKZ Augmentation de la part de Elektrizitätswerke Kanton Zürich Preussen Elektra annoncéeElektrizitätswerk AEW Aargauisches SAK St. Gallisch-Appenzellische Kraftwerke EKT Elektrizitätswerk des Kantons Thurgau EGL Elektrizitätsgesellschaft Laufenburg AG CKW Centralschweizerische Kraftwerke AG NOK Nordostschweizerische Kraftwerke AG EWZ Elektrizitätswerk der Stadt Zürich

6658

Abréviations: RWE: RWE Energie AG EDF: Electricité de France Motor Col.: Motor Columbus AG ATEL: Aare-Tessin AG BKW: BKW FMB Energie SA EOS: Energie de l'Ouest Suisse

EWZ

La Centrale électrique de la Ville de Zurich (EWZ) n'est pas à proprement parler intégrée dans le «Groupe Est», mais elle en est néanmoins très proche du fait de sa collaboration prévue au réseau de transport. L'EWZ jouit donc d'un statut particulier, dans la mesure où elle n'est pas une compagnie d'importance nationale au sens habituel du terme. Elle s'y apparente cependant vu l'importance de sa production, l'existence de ses propres lignes de transport, ses engagements dans d'autres centrales et dans des sociétés de participation ayant des droits de prélèvement à l'étranger.

Parallèlement aux accords de coopération dans les deux groupes, il existe deux projets différents de création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau: le «Groupe Ouest» a fondé la «Schweizerische Netzgesellschaft AG», tandis que pour sa part, le «Groupe Est» travaille à la création de «Swissgrid AG». Par ailleurs, un groupe d'entrepreneurs privés s'emploie à mettre sur pied une société.

Les entreprises partenaires, au nombre de 80 environ, constituent une particularité en matière de participations croisées. En règle générale, il s'agit de sociétés anonymes indépendantes, fondées à des fins de financement et d'exploitation de grandes centrales hydrauliques ou nucléaires. Leurs principaux actionnaires sont les grandes compagnies nationales, les centrales cantonales ou communales, de même que les cantons, les communes et les CFF. A elles seules, les compagnies nationales détiennent une participation de plus de 70 % au capital social des entreprises partenaires, qui s'élève à environ 2,8 milliards de francs.

Les sociétés de participation AKEB et ENAG, qui jouissent de droits de prélèvement à l'étranger, forment une catégorie à part. Ces sociétés détiennent des parts à caractère d'investissement dans le parc des centrales françaises (ENAG), dans les centrales nucléaires de Bugey et de Cattenom en France ainsi que dans la centrale nucléaire de Leibstadt (AKEB). Les droits de prélèvement s'exercent pendant des décennies et permettent l'importation d'énergie en ruban, destinée à la consommation intérieure ainsi qu'à l'exploitation des centrales à accumulation par pompage en période de faible charge. Dans les deux cas, EGL, CKW et les CFF sont les principaux actionnaires.

115.2

Production d'électricité en Suisse

Avec un apport de 56,3 % à la production indigène de courant en 1998, la force hydraulique constitue la source d'énergie la plus importante. Les centrales au fil de l'eau assurent 24,6 % et les centrales à accumulation 31,7 % de la production nationale. Environ 500 installations moyennes et grandes, d'une puissance dépassant les 300 kW, fournissent 99 % de l'électricité hydraulique. Pour leur part, environ 800 petites centrales hydrauliques d'une puissance inférieure à 300 kW contribuent à raison d'1 % seulement à la production. Les grandes installations sont en général des entreprises partenaires ou la propriété exclusive des compagnies nationales. Les petites et moyennes installations appartiennent habituellement à des compagnies d'électricité cantonales ou régionales, tandis que les petites centrales hydrauliques sont souvent la propriété de communes ou de particuliers.

La part des cinq centrales nucléaires à la production nationale était de 40 % en 1998. Les deux principales installations, à Leibstadt (1030 MW) et à Gösgen (970 MW), sont des entreprises partenaires. Les trois plus petites, Beznau I

6659

(365 MW), Beznau II (357 MW) et Mühleberg (355 MW), sont intégrées dans les sociétés NOK et BKW Energie AG.

En 1998, la production thermique non nucléaire a contribué à raison de 3,7 % à la production indigène. La plus grande partie provient de la centrale thermique de Vouvry, alimentée aux combustibles fossiles, et de 26 installations d'incinération d'ordures. Les 23 grandes installations CCF industrielles et quatre centrales de chauffage à distance forment un autre groupe important. Les nombreuses installations CCF de petite taille (environ 700) n'ont joué jusqu'ici qu'un rôle secondaire dans la production de courant thermique. Dans ce domaine, les rapports de propriété varient fortement. A l'exception de Vouvry (EOS), la plupart des grandes installations sont la propriété des services urbains et de l'industrie. Les petites installations, dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années surtout, appartiennent en règle générale à des particuliers.

Figure 5 Evolution de la production indigène de 1950 à 1997 70'000 60'000

GWh

50'000 40'000 30'000 20'000 10'000

centr. therm. conv.

115.3

centr. nucl.

au fil de l'eau

1996

1994

1992

1990

1988

1986

1984

1982

1980

1978

1976

1974

1972

1970

1968

1966

1964

1962

1960

1958

1956

1954

1952

1950

0

à accumulation

Importance financière de l'économie électrique

Dans le cadre de la statistique de l'électricité, l'Office fédéral de l'énergie collecte les données financières de 177 entreprises d'électricité, qui assurent grosso modo 95 % de la production de courant et 72 % de la distribution aux consommateurs finaux. Le chiffre d'affaires du segment consommateurs finaux se montait à 7,9 milliards de francs en 1997. Le total du bilan de toutes ces entreprises était de 42 milliards de francs en 1997. Les cantons participent au capital social de 6,5 milliards de francs à raison de 43 %, les communes à raison de 31 %, les particuliers et les sociétés privées à raison de 14 %, les entreprises étrangères à raison de 10 % et les CFF à hauteur d'environ 2 %. La part des collectivités publiques au capital social devrait être plus importante encore, étant donné que les nombreuses entreprises de distribution au niveau communal, figurant dans la comptabilité commu6660

nale, ne sont pas prises en compte dans cette statistique. Le degré d'autofinancement d'environ 25 % seulement s'explique en grande partie par le niveau de solvabilité du débiteur, jugé bon en raison du monopole qui a régné jusqu'ici. Avec une capitalisation globale d'environ 16 milliards de francs, les emprunts des centrales électriques et des entreprises d'approvisionnement publiques forment l'un des principaux segments du marché suisse des capitaux (environ 8 % du montant total des émissions d'emprunts indigènes en automne 1997). Du côté des actifs, les investissements dans les installations de production se taillent la part du lion avec 34,5 %.

Quant aux installations de transport et de distribution, elles ne représentent que 12 %. Les participations dans des centrales électriques et les participations financières viennent en deuxième position, avec 19,8 %.

Les entreprises figurant dans la statistique revêtent également une importance non négligeable en matière de politique financière et d'emploi. En 1997, 1,9 milliard de francs ont été dépensés au titre des salaires et des prestations sociales, ce qui correspond à 20 000 emplois (estimation). De même, 282 millions de francs ont été versés en impôts directs. Les droits d'eau et les taxes de concession ont atteint, cette même année, à 377 millions de francs.

115.4

Position des entreprises suisses dans les échanges internationaux d'énergie

L'économie électrique suisse occupe une place importante dans les échanges internationaux d'énergie, en particulier entre la France, l'Allemagne et l'Italie (cf. fig. 6).

Grâce aux centrales à accumulation pouvant aisément être mises en ou hors service, la Suisse dispose d'importantes possibilités de régulation. L'accumulation par pompage permet en outre de transformer l'énergie en ruban, qui a moins de valeur sur le plan énergétique, en énergie de pointe disponible à volonté.

Figure 6 Echanges transfrontaliers d'électricité en 1998 (interconnexion) Exportations

Im portations

Autriche Bénélux Autres France Allemagne Italie

-30'000

-20'000

-10'000

0

10'000

20'000

30'000

(GWh)

6661

Après laguerre, un réseau de transport performant a été mis en place, qui a permis non seulement d'assurer l'approvisionnement indigène, mais aussi de développer les échanges énergétiques avec l'étranger. Des lignes à grande capacité (lignes d'interconnexion) relient la Suisse aux Etats voisins (cf. tab. 2). La station de couplage et de coordination des échanges avec les pays voisins se trouve à Laufenburg (EGL).

Tableau 2 Lignes d'interconnexion internationales Capacité des lignes

Suisse ­ Allemagne Suisse ­ France Suisse ­ Italie Suisse ­ Autriche

10,5 GW 5,4 GW 3,5 GW 3,2 GW

En comparaison européenne, la Suisse possède ainsi l'une des plus fortes capacités d'interconnexion par rapport à la consommation indigène.

115.5

Structure de la consommation d'électricité en Suisse

Depuis quelques années, on assiste à une augmentation de la part des ménages et du secteur des services à la consommation d'électricité. Par contre, la part de l'industrie a diminué (cf. fig. 7). En 1998, les ménages répondaient de 30,5 % de la consommation indigène, les services et l'agriculture de 28 %, alors que cette même année, la part de l'industrie et de l'industrie manufacturière se montait à 33,5 % et celle des transports à 8 %.

Figure 7 Evolution de la consommation d'électricité selon les secteurs de 1984 à 1998 50000 Transports 40000 I ndustrie/industrie manufacturière

30000 GWh 20000

Services/agriculture

10000

Ménages

6662

1998

1997

1996

1995

1994

1993

1992

1991

1990

1989

1988

1987

1986

1985

1984

0

En comparaison d'autres pays européens, la Suisse compte peu de gros consommateurs d'électricité. Ceux-ci se concentrent pour l'essentiel sur les branches de l'acier, des matières premières, du papier et de la chimie. D'après une estimation de l'UCS, seules une cinquantaine d'usines consomment plus de 40 GWh d'électricité par an.

Ces entreprises totalisent une part de marché équivalant à environ 8 % de la consommation indigène. A titre comparatif, les sociétés de l'UE qui consomment également plus de 40 GWh d'électricité par an totalisent une part de marché de 26,5 %.

Le tableau 3 indique la part de marché indigène et le nombre des plus gros consommateurs (consommation annuelle): Tableau 3 Les plus gros consommateurs d'électricité de Suisse: nombre, parts de marché (estimation UCS 1997) Consommation annuelle d'électricité supérieure à

80 GWh 60 GWh 40 GWh 30 GWh 20 GWh 10 GWh 5 GWh

115.6

Evaluation Suisse entière Nombre d'entreprises (cumulé)

Part de la consommation indigène (part de marché en %)

16 24 48 73 114 249 496

4, 5 5,6 7,8 9,9 12,0 15,7 19,3

Prix de l'électricité en Suisse

Le grand nombre d'entreprises de distribution explique l'existence de tarifs tout aussi nombreux, qui varient non seulement en importance, mais aussi en fonction de la répartition des clients (branche, quantité prélevée). En outre, les clients industriels bénéficient souvent de conditions spéciales, qui ne se reflètent pas, ou insuffisamment, dans les statistiques. Selon les données disponibles et la méthode statistique appliquée, les prix de l'électricité industrielle en Suisse figurent soit en première position (Eurostat, UNIPEDE), soit dans le tiers supérieur derrière le Portugal, le Japon et l'Italie (Electricity Association). Outre le problème des cours du change (surévaluation du franc suisse), il faut tenir compte du fait qu'un consommateur industriel établi en Suisse utilise en moyenne des quantités d'électricité plus petites. Si la consommation annuelle est faible, les éventuels rabais de quantité seront moindres. Par ailleurs, lors de prélèvements à un niveau de tension inférieur, les coûts liés au réseau sont considérablement plus élevés. La comparaison du prix de l'électricité industrielle basée sur la statistique de l'AIE (fig. 8), doit donc être examinée à la lumière de ces réserves.

6663

Figure 8 Comparaison du prix de l'électricité industrielle en 1997 dans quelques pays industrialisés

Japon Suisse Portugal Italie Autriche Allemagne Grande-Bretagne Danemark Pays-Bas Grèce Finlande France Etats-Unis Suède 0

0.02 0.04 0.06 0.08

0.1

0.12 0.14 0.16

Dollar US/kWh Source: Statistiques énergétiques mondiales, AIE, 3e trimestre 1998 Les prix de l'électricité pour les ménages reflètent une réalité quelque peu différente (cf. fig. 9). Dans ce domaine, la Suisse se trouve dans la moyenne des pays européens et de l'OCDE. Ici aussi, il faut néanmoins tenir compte du fait que la taxe sur la valeur ajoutée, incluse dans le prix, est d'environ 10 points inférieure en Suisse que dans les Etats de l'UE.

6664

Figure 9 Comparaison du prix de l'électricité pour les ménages en 1997 dans quelques pays industrialisés

Japon Danemark Autriche Allemagne Italie Portugal Suisse France Pays-Bas Grande-Bretagne Grèce Suède Finlande Etats-Unis 0

0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.14 0.16 0.18 0.2 0.22

Dollar US/kWh Source: Statistiques énergétiques mondiales, AIE, 3e trimestre 1998 Le prix de l'électricité en Suisse pour l'industrie, les entreprises de services et les ménages comprend les coûts de production, de transport, de distribution et du service à la clientèle (location de compteurs, relevés, facturation, etc.), ainsi que, pour les tarifs applicables aux ménages et aux entreprises, la taxe sur la valeur ajoutée.

Dans une publication datant de 1997, l'UCS a évalué la répartition des coûts sur les tarifs moyens des ménages et de la grande industrie (cf. fig. 10). Pour le tarif industriel, les coûts de production se montent à près des trois quarts. Pour le tarif des ménages, la part des coûts de production et celle des coûts de transport et de distribution sont à peu près égales. Si les coûts de production sont comparables à ceux constatés dans d'autres pays, ceux du transport et de la distribution sont cependant les plus élevés d'Europe. Cela pourrait s'expliquer par le fait que les exigences en matière de qualité sont élevées, que les réseaux de distribution sont en grande partie 6665

câblés et que la construction des lignes de transport a été, par le passé, insuffisamment coordonnée. En outre, les consommateurs indigènes supportent une partie des coûts des capacités de transport pour les importations, les exportations et le transit.

Figure 10 Prix de l'électricité en Suisse: quotes-parts moyennes

Industrie

Ménages

0.0

5.0

10.0

15.0

20.0

25.0 ct./kWh

Production

Transport

Distribution

Frais clients

TVA

Source: UCS 1997

12

Grandes lignes de l'ouverture du marché dans le domaine de l'électricité

Jusqu'ici, l'industrie de l'électricité a été considérée comme l'exemple type du monopole naturel, inaccessible à la concurrence du fait que tout passe par les réseaux et qu'il est impossible de stocker le courant. Par ailleurs, jusqu'au début de cette décennie, l'approvisionnement des pays européens en électricité relevait entièrement, ou du moins en grande partie, des collectivités publiques. Son statut privilégié était motivé par le caractère indispensable d'une infrastructure au service d'une économie hautement développée. La subdivision de l'approvisionnement en électricité en quatre secteurs ­ production, transport, distribution, applications et prestations de services ­ montre que certains d'entre eux peuvent très bien fonctionner dans des conditions de concurrence (cf. tab. 4).

6666

Tableau 4 Domaines concurrentiels dans le secteur de l'électricité Domaines

Concurrence possible? Exemples de concurrence avant l'ouverture du marché

Production

oui

Transport Distribution

non éventuellement

Vente, application, oui prestation de services énergétiques

Autoproducteurs, commerce international interconnecté ­ Auto-approvisionnement, exploitation autonome en îlot Choix des techniques et des appareils à utiliser, contracting, concurrence dans le domaine de la chaleur

L'ouverture du marché influencera surtout la production. Ce secteur d'activité connaît déjà une certaine concurrence; ainsi par exemple, les gros clients industriels, dont les besoins d'électricité et de chaleur sont élevés, peuvent décider de produire en régie, en installant leur propre turbine à gaz. Il faut mentionner aussi la concurrence et les échanges commerciaux sur le réseau international, lequel n'est toutefois accessible en Suisse qu'aux grandes compagnies nationales d'électricité.

Le réseau de transport occupe une place centrale en matière de concurrence. Plus de deux tiers de l'approvisionnement indigène et l'ensemble des échanges transfrontaliers passent par ce réseau. L'accès non discriminatoire au réseau est par conséquent l'une des conditions essentielles à une saine concurrence entre producteurs indigènes et étrangers. Dans tous les pays ayant libéralisé le marché de l'électricité, le monopole du transport est donc transféré, de par la loi au réseau. De même, pour des raisons tant économiques que de protection du paysage, il n'est pas souhaitable que la concurrence s'exerce au moyen de réseaux parallèles. La construction de telles installations serait tout au plus rentable en cas de manque de capacités chronique.

Les installations existantes, amorties depuis longtemps déjà, sont en général nettement plus avantageuses.

Comme le montrent les expériences faites dans des pays ayant libéralisé le marché de l'électricité, le bon fonctionnement du marché est déterminé par la régulation du monopole des transports au moyen de règles d'accès au marché et de rétribution pour l'utilisation du réseau, par la garantie de l'efficacité et de la transparence du marché ainsi que de la sécurité du système d'approvisionnement et du service public. Pour contradictoire qu'une telle démarche puisse paraître, la régulation efficace du monopole est la condition essentielle d'une concurrence réelle dans le domaine de la production.

Pour les mêmes raisons que celles évoquées pour le réseau du transport, un monopole sera mis en place au niveau de la distribution. Bien que les exigences en matière de neutralité soient moins strictes vis-à-vis des entreprises de distribution, les principes de non discrimination et de transparence s'appliquent également ici. Par ailleurs, les entreprises de distribution se
voient en général chargées d'autres tâches dans le domaine du service public. C'est à elles qu'incombera vraisemblablement le relevé de la consommation individuelle, comme c'était le cas jusqu'à présent. Ainsi

6667

que le montrent les expériences faites dans d'autres pays, un relevé coûteux et inadéquat peut considérablement entraver la concurrence. Cette prestation devrait donc également être disponible sur le marché.

Dans le domaine de l'utilisation ou de la fourniture d'énergie utile, des règlements spéciaux sont superflus, du fait que la concurrence s'exerce déjà entre les fournisseurs d'installations et d'appareils destinés à l'exploitation de l'électricité. Pour des raisons de politique énergétique, on ne peut exclure d'éventuelles restrictions de la concurrence; celles-ci sont cependant réglées dans la loi sur l'énergie et dans des arrêtés cantonaux, de façon à ne pas modifier les conditions de concurrence (p. ex.

prescriptions sur la consommation des installations et appareils, régime de l'autorisation des chauffages électriques).

121

Modèle d'accès au marché

A quelques rares exceptions près, le modèle de l'accès réglementé au réseau s'est imposé lors de l'application de la directive de la CE sur le marché intérieur de l'électricité (cf. ch. 51), bien que celle-ci autorise plusieurs solutions, conformément à la figure 11.

Figure 11 Accès au réseau selon la directive CE

La solution N1 (fig. 11) correspond à l'accès au réseau que connâit l'Allemagne depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'économie énergétique du 29 avril 1998 (cf.

ch. 54.1). L'utilisation du réseau doit être négociée lors de chaque acheminement.

En l'état actuel des choses, la Grèce semble être l'unique pays où ce modèle d'accès pourrait encore s'appliquer.

La majorité des pays de l'UE a opté pour la solution N2, qui permet de régler le prix d'utilisation du réseau par voie légale. Une autorité peut empêcher d'éventuels abus ou les corriger après coup.

Au Portugal, et probablement en Italie (cf. ch. 54.3), seul l'approvisionnement des clients captifs se fera selon le modèle de l'acheteur unique, les clients éligibles ayant accès au réseau selon la solution N2. A l'origine, le système de l'acheteur unique a été conçu pour des pays où une entreprise étatique détenait le monopole de l'approvisionnement. Ce modèle a largement perdu de son importance en raison des coûts de transaction élevés (obligation de reprise) et du risque potentiel de discrimination.

6668

La Suisse a fini par donner la préférence à un accès réglementé au réseau. Ainsi, on a abandonné l'idée initialement avancée par l'économie électrique, qui préconisait l'introduction d'un système avec des acheteurs uniques régionaux à l'intérieur des aires d'approvisionnement des grandes compagnies. Aujourd'hui, la question est de savoir comment réunir les réseaux de transport au sein d'une société nationale, afin de garantir la neutralité de l'exploitant du réseau et d'assurer la transparence et la non discrimination des tiers.

Accès réglementé au réseau Dans le modèle d'accès réglementé au réseau, on peut fixer les prix d'utilisation du réseau selon le principe de la couverture des coûts ou selon celui de la régulation des bénéfices. Les deux systèmes présentent des avantages et des inconvénients.

Dans le premier cas, le principe de causalité est mieux pris en compte, mais il subsiste un risque d'investissements et de dépenses improductifs, vu que ceux-ci peuvent être répercutés sur les prix. Quant à la régulation des bénéfices, elle contraint l'exploitant du réseau à une certaine efficience, mais pénalise les entreprises qui, pour diverses raisons, présentent des structures de transport et de distribution coûteuses. En Suisse, la préférence sera donnée à la couverture des coûts. Les tarifs d'acheminement pouvant être vérifiés par la commission d'arbitrage, les gains excessifs seront proscrits malgré l'absence de concurrence. Dès l'entrée en vigueur de la loi sur le marché de l'électricité (ci-après LME), et jusqu'à nouvel avis, un grand nombre d'entreprises de distribution se partageront le marché suisse; il serait donc envisageable de dresser des tableaux comparatifs des tarifs et des prestations de ces entreprises («benchmarking»).

Dans le domaine de la tarification, la Suisse adoptera un système indépendant de la distance, selon le principe du timbre-poste. L'Union des centrales suisses d'électricité (UCS) a élaboré un modèle pour le calcul du prix d'utilisation du réseau. Pour définir les coûts d'utilisation, on part du modèle d'acheminement au point de raccordement, qui fournit, au moyen d'un calcul standardisé, les coûts occasionnés pour chaque niveau de réseau. Le tarif devra tenir compte de la solidarité des prix à l'intérieur du niveau de tension d'un même exploitant de réseau. En
raison de la structure disparate des entreprises de distribution, l'UCS estime actuellement que plus de 900 «timbres-poste» différents verraient le jour, dont les prix pourraient varier considérablement, surtout pour le dernier tronçon du réseau, soit la distribution fine. Selon un projet de l'UCS, les tarifs d'utilisation du réseau pourraient osciller, en fonction du distributeur, comme l'indique le tableau 5. Les prestations relatives au système, les relevés, les décomptes et les pertes dans le réseau feraient l'objet d'une rétribution supplémentaire, de 4 ct./kWh au maximum. La taxe sur la valeur ajoutée n'est pas comprise dans ces estimations. Précisons, pour fixer les idées, qu'en 1997, les ménages ont payé en moyenne 8,3 ct./kWh pour le transport et la distribution d'électricité (cf. fig. 10). Il reste à examiner le détail des nouveaux prix, parfois très élevés (9­17 ct./kWh). L'acheminement coûteux ne favorise pas la concurrence, et pourrait inciter à la production de courant sur place, dans de petites installations bon marché, par exemple au moyen du couplage chaleur-force alimenté aux combustibles fossiles.

6669

Tableau 5 Fourchette des prix d'utilisation du réseau Niveau de tension

Fonction

380/220 kV

Réseau de transport: importations, moins de exportations, transit, livraison aux 1 ct./kWh gros consommateurs Transformation du réseau de max.

transport en réseau de distribution 1 ct./kWh suprarégional: livraison, sans recours aux réseaux de distribution de 150 à 50 kV Réseaux de distribution supra1 à 3 ct./kWh régionaux: livraison aux gros consommateurs Transformation d'un réseau de dis- 1 ct./kWh tribution suprarégional en réseau régional: livraison, sans recours aux réseaux de distribution de 30 kV Réseaux de distribution régionaux: 1 à 2 ct./kWh livraison aux consommateurs jusqu'à 30 kV Transformation d'un réseau de dis- 2 à 3 ct./kWh tribution régional en réseau local: livraison, sans recours aux réseaux de distribution jusqu'à 1 kV Réseaux de distribution locaux: li- 3 à 8 ct./kWh vraison aux petits consommateurs jusqu'à 1 kV

Transformation 380/220 kV en 150 à 50 kV

150 à 50 kV

Transformation 150/50 kV en 30 kV Jusqu'à 30 kV

Transformation 30 kV en 1 kV Jusqu'à 1 kV

Prix par niveau de réseau

Prix par niveau de réseau (cumulé):

moins de 1 ct./kWh 1 à 2 ct./kWh

2 à 5 ct./kWh

3 à 6 ct./kWh

4 à 8 ct./kWh

6 à 11ct./kWh

9 à 17 ct./kWh

En ce qui concerne l'organisation du marché, le Conseil fédéral n'a pas choisi un modèle précis, sauf pour ce qui concerne l'accès au marché. Les expériences internationales ont montré que le modèle du pool obligatoire appliqué jusqu'ici en Grande-Bretagne n'était pas optimal. Sur les nouveaux marchés de l'électricité (p.

ex. l'Espagne), les échanges se font par l'intermédiaire d'un pool (marché spot) et d'un marché par contrats bilatéraux (en particulier des contrats de prélèvement à long terme). Il incombe à l'industrie de l'électricité de prendre des mesures de nature à assurer un marché transparent, qui fonctionne efficacement.

122

Rythme de l'ouverture, critères d'accès

Fondamentalement, l'ouverture du marché de l'électricité peut se faire en plusieurs étapes, jusqu'à un certain degré ou jusqu'à l'ouverture totale aux consommateurs.

L'UE prévoit trois étapes, jusqu'à un quota minimum de 33 % en 2003. Certains pays de l'UE n'envisagent une libéralisation par étapes limitée aux degrés d'ouver6670

ture minimums de la directive CE; c'est notamment le cas de la France, de la Grèce et du Portugal. D'autres vont plus loin: par exemple l'Autriche (50 % en l'an 2003) et l'Italie (40 % en 2002). La plupart des pays membres de l'UE prévoient une ouverture complète en plusieurs étapes (Belgique 2010, Espagne et Pays-Bas 2007), d'autres l'ont déjà réalisée (Allemagne, Finlande, Grande-Bretagne, Suède).

L'ouverture réelle du marché de l'électricité exige que certaines exigences nouvelles soient remplies. Outre les préalables juridiques, il s'agit avant tout des conditions générales et institutionnelles des entreprises, en particulier l'autonomie de décision des sociétés intégrées dans l'administration publique, la séparation du réseau et de la production ainsi que la mise en place d'infrastructures techniques et de technologies de l'information dans un système toujours plus décentralisé. L'éventuelle suppression des tarifs fixes et la négociation de nouveaux prix de l'énergie exigent la création d'institutions adéquates, de marchés, assurant la transparence des prix. Le passage du monopole à la concurrence nécessite par conséquent un certain temps.

En Suisse, la réalisation par étapes aurait principalement pour objectif d'éviter les investissements non amortissables (INA, cf. ch. 133). Afin de résoudre ce problème, l'UE prévoit que la Commission puisse, à la demande d'un Etat membre, autoriser des règlements d'exception, limités dans le temps, à l'application de la directive.

Selon la définition donnée par celle-ci, de telles exceptions sont motivées par des obligations et garanties d'exploitation qui existaient avant son entrée en vigueur.

D'après les explications plus détaillées données par la Commission, il doit s'agir d'obligations ou de garanties clairement définies, dont le respect serait rendu impossible par la mise en oeuvre de la directive. Si des mesures sont prises pour y remédier, elles doivent être appropriées et limitées dans le temps. Au-delà de ce cadre, elles seraient considérées comme une aide gouvernementale illégale. Selon la Commission, les obligations suivantes peuvent en principe être considérées comme des investissements perdus: contrats d'approvisionnement en combustibles et de fourniture d'énergie, investissements sans rapport direct avec l'énergie et qui incombent, en
vertu de la loi, aux entreprises d'approvisionnement en électricité (EAE; p. ex.

routes, mesures de protection de l'environnement), obligations futures relatives à la désaffectation et au démantèlement d'installations, élimination de déchets nucléaires, investissements dans des installations non rentables, reposant sur des garanties d'achat et un monopole d'approvisionnement. Lors du calcul des investissements perdus, il faut tenir compte de l'augmentation de l'efficience ainsi que de l'impact économique sur les entreprises. Dans la mesure où les entreprises concernées ne sont pas menacées dans leur existence (p. ex. par la faillite), elles devraient supporter une partie des investissements perdus. En règle générale, les compensations devraient être concédées sous forme de contributions d'exploitation limitées dans le temps et non d'investissements, et être définies, au départ, sur la base de plans commerciaux.

La Commission a pour intention de traiter toutes les requêtes dans le cadre d'une procédure globale au printemps 1999. La publication de sa décision est prévue pour le mois de juin de la même année.

En ce qui concerne le rhytme de l'ouverture du marché, il faut tenir compte, en plus des coûts d'adaptation de l'économie électrique, des avantages des consommateurs indigènes, producteurs d'électricité et prestataires indépendants. Outre les prix plus bas, dont bénéficieront avant tout l'industrie nationale et les arts et métiers, la libéralisation devrait également profiter aux petits consommateurs. Les clients pourraient se voir offrir, par des producteurs et des prestataires indépendants, de nou-

6671

veaux produits tels que le «courant écologique» provenant d'énergies renouvelables, des prestations de services énergétiques, le contracting, des conseils en matière d'économies d'électricité, etc.

Compte tenu des dispositions de réciprocité de l'UE (cf. ch. 51 et 52), il convient également de vérifier les possibilités d'acheminement de l'électricité suisse vers les pays membres environnants en fonction du rythme d'ouverture. Si réciprocité il y a, une ouverture lente signifierait que seuls les gros clients des pays de l'UE auraient, dans un premier temps, accès au marché suisse. Or, ce groupe de clients présente peu d'intérêt en raison des faibles marges qu'ils permettent de dégager et de leur éloignement parfois important par rapport aux sites de production helvétiques.

Lors de la consultation concernant le projet de loi sur le marché de l'électricité, le Conseil fédéral a proposé une ouverture en trois étapes. Pendant les trois premières années suivant l'entrée en vigueur de la loi, les gros consommateurs dont la demande annuelle atteint 20 GWh au minimum auraient accès au marché. Y auraient également accès à ce moment-là les entreprises de distribution à hauteur de 10 % de leurs ventes annuelles à des clients captifs. Les trois années suivantes, le marché s'ouvrirait aux gros consommateurs dont la demande dépasse 10 GWh par an et aux entreprises d'approvisionnement à hauteur de 20 % de leurs ventes annuelles à des clients captifs. Enfin, au cours des trois dernières années, l'accès serait accordé aux gros consommateurs dont la demande annuelle dépasse 5 GWh et aux entreprises de distribution à hauteur de 50 % de leurs ventes à des clients captifs. Ainsi, neuf ans après l'entrée en vigueur de la loi, le marché de l'électricité en Suisse serait intégralement ouvert (cf. fig. 12).

Figure 12 Ouverture du marché selon le projet LME mis en consultation

100% 80% 60% 40% 20% 0% 1

2

3

4

Clients éligibles

5

6

7

8

9

10

Part entreprises distributrices

Selon le projet mis en consultation, l'ouverture du marché serait réalisée à 21 % environ les trois premières années, à 34 % les trois années suivantes et à 60 % pendant les trois dernières années. Tous les consommateurs auraient accès au réseau dix ans après l'ouverture du marché.

6672

Une autre proposition émane de l'Union des centrales suisses d'électricité (UCS); elle est basée sur la position commune adoptée par les membres de l'UCS et les organisations de revendeurs le 24 décembre 1997. Elle se distingue du projet de loi en ceci qu'elle prévoit l'ouverture du marché sur une période de dix ans au moins. La LME devrait fixer les seuils prévus au cours des sept premières années pour les consommateurs finaux éligibles et les pourcentages s'appliquant aux entreprises d'approvisionnement et de distribution. Pendant les trois premières années, seuls les gros consommateurs dont la demande annuelle dépasse 20 GWh auraient accès au marché. Entre la quatrième et la sixième année, les gros clients dont la consommation atteint 9 GWh au minimum par an seraient admis, tout comme les entreprises de distribution à raison de 10 % de leurs ventes annuelles à des clients captifs. Pendant la septième année, le marché s'ouvrirait aux gros consommateurs dont la demande annuelle dépasse 5 GWh et aux entreprises de distribution à hauteur de 20 % de leurs ventes à des clients captifs. L'étape comprise entre la huitième et la dixième année devrait faire encore l'objet de négociations avec le Conseil fédéral. L'accès au marché pendant la huitième année pourrait être accordé aux gros consommateurs dont la demande annuelle est supérieure à 4 GWh, au cours de la neuvième année, à ceux dont la demande dépasse 3 GWh et pendant la dixième année, à ceux dont la demande atteint 0,25 GWh. Pour les entreprises de distribution, l'accès autonome au marché devrait également être défini dans le cadre de discussions avec le Conseil fédéral. Il pourrait leur être accordé à hauteur de 30 % des ventes à des clients captifs pendant la huitième année, de 40 % la neuvième année et de 50 % au cours de la dixième année (cf. fig. 13).

Figure 13 Ouverture du marché selon la position commune de l'UCS et des revendeurs

100% 80% 60% 40% 20% 0% 1

2

3

4

Clients éligibles

5

6

7

8

9

10

11

Part entreprises distributrices

Le calendrier proposé par l'UCS ralentiraitconsidérablement la libéralisation du marché. Une ouverture de 35 %, comparable à celle de l'UE, ne serait possible que la septième année suivant l'entrée en vigueur de la loi. L'avantage de cette solution est que même des installations chères, nouvelles ou récemment rénovées pourraient être amorties entièrement ou du moins en grande partie (cf. ch. 133).

6673

Lors de la consultation, un troisième modèle a été présenté par la Conférence des gouvernements des cantons alpins. Il prévoit d'ouvrir le marché aussi rapidement que possible, sans toutefois proposer de seuils ou quotas d'ouverture. Le marché suisse de l'électricité suivrait le rythme d'ouverture de l'UE, tant en ce qui concerne le facteur temps que les quotas. D'après ce modèle, le marché serait ouvert à 30 % au minimum dès l'entrée en vigueur de la loi. Y auraient accès par exemple les gros consommateurs dont la demande annuelle excède 10 GWh ainsi que les entreprises de distribution à hauteur de 20 % de leurs ventes à des clients captifs. Pour compenser d'éventuels investissements non amortissables, la Conférence propose la création d'un fonds de soutien alimenté par une taxe d'incitation sur l'énergie. Cette aide financière ne serait accordée que dans des cas graves et impliquerait la mise en gage de l'installation concernée et la cession des actions de l'entreprise.

Un modèle semblable est à l'ordre du jour des discussions relatives à l'arrêté sur une taxe d'encouragement en matière énergétique (ATE). Il prévoit la possibilité d'accorder une aide financière aux centrales hydrauliques qui, en raison de l'ouverture du marché, ne peuvent temporairement pas être amorties. Il incomberait au Conseil fédéral de désigner, dans chaque cas, les centrales concernées. Les subsides devraient être remboursés si, à long terme, le rendement de ces entreprises devait s'améliorer. Il reste à déterminer si l'aide financière accordée doit être garantie par une mise en gage.

123

Société suisse pour l'exploitation du réseau, dissociation des réseaux de distribution

L'un des principaux préalables au fonctionnement du marché de l'électricité est l'accès non discriminatoire au réseau pour les clients éligibles et pour leurs fournisseurs (cf. ch. 121). Il faudra faire en sorte que les exploitants des réseaux de transport soient tenus à une stricte neutralité vis-à-vis des tiers. Aussi le Conseil fédéral est-il en faveur de la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau, indépendante des entreprises de production. La création de deux sociétés «nationales», l'une pour le «Groupe Ouest», l'autre pour le «Groupe Est», ne répond pas aux exigences. L'argument selon lequel deux sociétés permettraient à la concurrence de jouer n'est guère convainquant, vu les propriétés physiques du réseau; en outre, elles couvrent pour l'essentiel deux régions différentes. Le partage du réseau en deux pourrait même empêcher la concurrence dans le domaine de la production et entraver ainsi l'approvisionnement de clients indigènes et étrangers. Un autre argument en faveur de la création d'une seule société réside dans les rapports institutionnels avec les exploitants de réseaux dans les pays de l'UE. Des questions telles que la tarification des livraisons de courant transfrontalières ou le transit par la Suisse devraient être examinées dans l'intérêt du réseau tout entier, et dans celui de la sécurité et de la stabilité de l'ensemble système qui, bien qu'il soit performant, reste relativement petit. Vu l'obligation d'accorder aux tiers un accès non discriminatoire au réseau, ce dernier ne revêt plus d'importance stratégique pour ses propriétaires actuels. Ainsi, aucune raison économiquement valable ne justifie l'existence de plusieurs sociétés pour l'exploitation du réseau en Suisse.

A l'échelon des réseaux de distribution, les exigences de neutralité posées aux exploitants vont moins loin. Pour éviter les subventions croisées, il faut exiger des comptes séparés pour tous les secteurs de l'entreprise. Cela concerne les activités

6674

déployées dans la production et dans l'exploitation du réseau, mais aussi celles qui ne touchent pas directement le secteur de l'électricité (p. ex. fourniture d'eau ou de gaz).

124

Engagements en faveur de l'économie générale

Dans ce domaine, la directive CE prévoit des compétences étendues, qui ne sont cependant pleinement mises à profit que dans quelques rares pays (p. ex. en France, cf.

ch. 54.2). En Suisse, l'approvisionnement actuel en électricité et l'ouverture du marché n'ont aucune fonction socio-politique à remplir. Comme dans d'autres pays ayant entièrement libéralisé leur marché, les seules obligations seront d'assurer le raccordement de tous les consommateurs au réseau (cf. ch. 204) et de respecter le principe de solidarité dans les prix d'utilisation du réseau (cf. ch. 202.2).

125

Protection de l'environnement, objectifs énergétiques

Selon la directive CE, la libéralisation doit prendre en compte également les objectifs de protection de l'environnement et de politique énergétique. Cela ne se justifie toutefois que dans un nombre restreint de cas: ­

Lorsque les capacités du réseau de transport sont insuffisantes ou suffisent à peine, la prise en charge de courant issu d'agents renouvelables peut être déclarée prioritaire. En l'occurrence, les fournitures suisses et étrangères sont mises sur le même pied.

­

On peut exiger des exploitants des réseaux de distribution qu'ils privilégient les installations productrices utilisant des agents renouvelables.

L'expérience montre que la règle de la priorité pose des problèmes pratiques, dans la mesure où il n'est pas toujours possible de vérifier le taux d'occupation du réseau et les contrats qui s'y réfèrent. Quoi qu'il en soit, le traitement de faveur ne devrait être appliqué qu'en cas de capacités insuffisantes des réseaux, situation peu probable et, le cas échéant, peu durable pour un réseau bien développé.

13

Effets de l'ouverture du marché

131

Considérations sur l'évolution des prix

A la question de savoir comment vont évoluer les prix dans un marché libéralisé, il n'est pas possible actuellement de donner une réponse définitive. La concurrence entre les producteurs devrait conduire à ce que seules les offres aux meilleurs prix trouvent acquéreur. On exploitera d'abord les installations de production dont les coûts sont les plus bas. Puis les offres aux coûts immédiatement supérieurs seront prises en considération jusqu'à ce que la demande soit satisfaite. Conformément aux modèles de formation de prix des marchés existants, le prix qui sera payé pour toutes les livraisons se situera au niveau de l'offre la plus chère qui aura trouvé preneur.

La figure 14 illustre ce mécanisme.

6675

Figure 14 Formation des prix sur le marché

Un producteur ne peut pas offrir un prix arbitrairement bas. A court terme, il peut renoncer à son bénéfice et, éventuellement, retarder l'amortissement et le paiement de l'intérêt du capital emprunté. Il doit cependant couvrir les frais variables. L'offre la plus chère prise en considération sur le marché se situe par conséquent au niveau des coûts variables des installations de production les plus chères. Au sein du parc européen de centrales électriques, ce sont les centrales à vapeur alimentées au charbon qui présentent les coûts variables les plus élevés, de l'ordre de 5,5 à 5,7 ct./kWh. On peut donc supposer que l'énergie en ruban commencera à se négocier à ce prix-là, à moins de subventions croisées provenant d'autres domaines (p. ex. livraisons plus chères à des clients n'ayant pas accès au marché). A court terme et selon la saison, les prix pourraient être revus à la baisse sur les marchés spot.

Bien que la Suisse jouisse d'avantages concurrentiels en raison des coûts variables peu élevés de son parc de production, il ne faut pas oublier que les centrales hydrauliques et nucléaires indigènes présentent des coûts fixes comparativement élevés sous forme de coûts du capital.

A un niveau de prix de 5,5 à 5,7 ct./kWh à moyen et à long terme, on sera conduit à mettre hors service les centrales à vapeur alimentées au charbon et à les désaffecter pour des raisons économiques (impossibilité d'assurer les services de l'intérêt et de l'amortissement du capital emprunté). Cela permettrait une réduction considérable des capacités excédentaires en Europe. Les prix pourraient alors remonter et se stabiliser au niveau des coûts complets des techniques les plus avantageuses, probablement celles des centrales chaleur-force à gaz. A long terme, les prix de l'énergie en ruban et de celle de pointe devraient suivre le mouvement. La figure 15 illustre l'évolution possible des prix durant les cinq à dix ans qui suivront l'ouverture du marché. Cette évolution repose sur des considérations théoriques et n'a donc qu'une valeur purement indicative. Les prix effectifs résultent du marché et sont par conséquent difficiles à prévoir.

6676

Figure 15 Evolution possible des prix réels à la production en Europe

Il est possible que la résorption des capacités excédentaires et la stabilisation des prix à un niveau quelque peu supérieur prennent du retard, en raison de distorsions du marché, causées par exemple par des interventions étatiques sur les marchés du gaz et du charbon, financées par des subventions tirées de la caisse générale des collectivités publiques ou par des majorations des prix aux consommateurs (p. ex.

centrales alimentées au charbon en Angleterre, ch. 114). De plus, il faut prévoir la multiplication des installations alimentées au gaz, dont les coûts variables sont proches de zéro en raison des contrats dits «take or pay»4. L'ouverture progressive du marché, notamment aux gros clients, de même qu'une ouverture partielle, peut conduire à des distorsions: les clients éligibles bénéficieraient des prix les plus favorables, alors que des prix plus élevés seraient payés par les clients captifs, contribuant à maintenir en exploitation des installations économiquement non rentables.

On peut tirer de ces considérations les conclusions suivantes5:

4

5

­

A cause des capacités excédentaires existant en Europe, les prix à la production vont tendre à descendre, durant une phase transitoire, légèrement audessous des coûts variables des centrales les moins économiques. Même dans un marché incomplètement ouvert, ce devrait être là le point le plus bas, comme le confirme l'expérience de l'Angleterre: en dépit des capacités excédentaires, les prix du pool n'y sont pas descendus de beaucoup en dessous de 6 ct./kWh.

­

Plus les étapes de l'ouverture du marché sont petites et plus la proportion des clients captifs des entreprises intégrées verticalement est élevée, plus les prix sur le marché spot peuvent baisser, car les surplus qui y sont vendus doivent seulement couvrir les frais variables de production.

Dans les contrats «take or pay», les quantités d'énergie ou des capacités devant être livrées dans un délai déterminé sont achetées et payées, indépendamment du fait qu'elles soient effectivement retirées ou non.

Voir l'enquête sur la libéralisation du marché de l'électricité, les effets de l'ouverture du marché, les mesures compensatoires (Strommarktliberalisierung, Auswirkungen der Marktöffnung, kompensatorische Massnahmen), Econcept, janvier 1998, OCFIM no 805.588

6677

­

Les baisses de prix profiteront en premier lieu aux gros consommateurs de l'industrie, puis aux moyennes et petites entreprises. En Angleterre, ces baisses ont été de 24 à 30 % entre 1990 et 1997, alors que les ménages n'ont vu leur facture diminuer que depuis deux ans, et cela de 11 %.

­

A moyen et à long terme, les prix vont s'approcher des coûts marginaux de l'énergie provenant des installations dont les frais de production sont les plus bas. L'énergie de pointe va (de nouveau) coûter nettement plus cher que l'énergie en ruban.

­

Pour la plupart des producteurs, la stabilité à long terme des prix de vente au niveau des coûts variables n'est pas supportable financièrement. Le phénomène de concentration, déjà observable, devrait fortement s'accélérer et conduire à des structures oligopolistiques. Sur le marché, les producteurs y gagnent le pouvoir d'ajuster l'offre à la demande et ainsi de reporter la totalité de leurs coûts sur les distributeurs et les consommateurs d'électricité, voir la possibilité de se créer une rente de monopole.

­

En Suisse, la situation de l'énergie hydraulique, notamment celle des centrales à accumulation, va s'améliorer après une période difficile. Plus l'ouverture du marché à l'échelon européen et la résorption des capacités excédentaires seront rapides, plus les prix de l'énergie de pointe remonteront.

132

Effets économiques

En Suisse, ce sont avant tout les entreprises de l'industrie de base, gourmandes d'énergie, qui devraient profiter de ces prix plus favorables. Selon une étude de l'université de Cologne publiée en 1997, les coûts de production réduits se traduiraient par des produits finis moins chers, accroissant d'autant le revenu disponible des consommateurs finaux et relançant par conséquent l'économie. On ne peut chiffrer l'ampleur de cet effet, car les collectivités publiques risquent de voir diminuer les recettes qu'elles tirent de l'électricité, avec pour conséquence une baisse des investissements et du revenu du travail. La baisse des prix ne devrait cependant pas être la seule ou la plus importante conséquence de l'ouverture du marché. Un secteur de l'électricité tourné dans son ensemble vers l'économie de marché représentera vraisemblablement un facteur important pour l'économie nationale. L'ouverture du marché doit par conséquent, dans le domaine de l'électricité également, être au centre des efforts de revitalisation que le Conseil fédéral a exigés dans le cadre du second train de mesures en vue de la relance économique.

133

Effets sur la production indigène d'électricité

Les effets de la concurrence renforcée par l'ouverture du marché aussi bien à l'intérieur de la Suisse que dans le reste de l'Europe, seront le plus fortement ressentis dans le domaine de la production d'électricité. Jusqu'ici, les investissements à long terme dans les centrales électriques ont été faits dans l'idée que les coûts de production pouvaient être reportés sur les prix et les tarifs. Les conditions de fourniture et d'acquisition résultaient en règle générale de la structure des compagnies d'électricité d'importance nationale, de celle des compagnies cantonales et de celle 6678

des entreprises de distribution, ou bien elles étaient réglées dans des contrats à long terme. L'ouverture du marché va les modifier, car les clients éligibles vont pouvoir profiter librement des offres les plus avantageuses. En raison des réductions de prix probablement concédées par certains producteurs, les installations dont les coûts de production très élevés ne seront plus à même d'en couvrir la totalité. En conséquence, certaines d'entre elles ne pourront plus être amorties dans la mesure prévue et il en résultera des investissements non amortissables (INA).

L'Office fédéral de l'énergie (OFEN) a fait évaluer l'importance des INA dans une étude conduite en collaboration avec l'industrie de l'électricité6. Plusieurs scénarios de l'évolution des prix reflétant divers degrés de rapidité de l'ouverture du marché et de la résorption des capacités excédentaires en Europe ont été envisagés et le volume des INA qui en résulterait a été calculé. Selon les scénarios 3 et 5, considérés comme les plus probables, et compte tenu d'un taux d'intérêt réel de 3 à 4 %, les INA atteignent un montant compris entre 700 et 1800 millions de francs (cf. tab. 4).

Sur la base d'une évolution modérée des prix et de la résorption à moyen terme des capacités excédentaires de production d'électricité, selon l'étude de l'OFEN, deux tiers des 44 centrales au fil de l'eau les plus récentes ne pourraient pas être amorties complètement. Il s'agit avant tout des installations ne dépassant pas 10 mégawatts.

Plus de 40 % des centrales au fil de l'eau se trouvent en zone montagneuse. Sur les dix centrales à accumulation récentes considérées dans l'étude, cinq ne pourraient pas être amorties complètement. Elles se trouvent en montagne, mais elles sont partenaires de sociétés établies en plaine. Dans les deux catégories de centrales hydrauliques, un petit nombre d'installations non rentables sont à l'origine de la part la plus importante des INA. Des centrales nucléaires sont également concernées.

L'Union des centrales suisses d'électricité (UCS) estime (scénario 6) le montant des INA à 4,8 milliards de francs dans le cas d'une ouverture du marché en 1999. Elle se fonde sur des prix sensiblement inférieurs à ceux des autres scénarios, car ils se basent sur ceux du marché spot actuel; de plus, l'UCS présume que le marché réagira
plus durablement et plus profondément à l'ouverture. Les droits de prélèvement à long terme à l'étranger, atteignant 3 milliards de francs, ne sont pas inclus dans ces 4,8 milliards de francs; l'UCS estime qu'il faudrait les prendre en compte en cas de dédommagement.

6

Nicht amortisierbare Investitionen als Folge der Marktöffnung im Elektrizitätsbereich, Econcept, septembre 1997, EDMZ-Nr.805.586 d

6679

Tableau 6 Investissements non amortissables selon divers scénarios de prix Investissements non amortissables [millions de francs 1999] Scénario de prix 2

Scénario de prix 3

Scénario de prix 4

Scénario de prix 5

Scénario de prix 6

Excédents jus- Excédents jus- Excédents jus- Excédents jus- Excédents jusqu'en 2005, en- qu'en 2005, en- qu'en 2005, en- qu'en 2009, en- qu'en 2009, ensuite prix un suite prix infé- suite prix net- suite comme suite comme peu supérieurs rieurs à ceux tement supé- scénario 3 scénario 3 à ceux d'aujour-d'hui rieurs à ceux Probable en Scénario de l'ind'aujourd'hui Scénario pro- d'aujour-d'hui cas d'excédustrie électribable en cas de désaffectations

dents de production persistants

que, excédents persistants à bas prix

Ouverture en 1999 (prix du marché européen dès 1999) Taux d'intérêt r=3 %

655

1205

277

1454

Taux d'intérêt r=4 %

901

1416

337

1766

Taux d'intérêt r=3 %

331

668

94

821

Taux d'intérêt r=4 %

343

714

128

858

4879

Ouverture en 2006 (prix du marché européen dès 2006)

Seul le marché révélera comment les prix évolueront et influenceront l'amortissement des investissements en Suisse. Cela dit, les réactions à ces INA peuvent varier selon les entreprises. Certaines grandes compagnies nationales pourraient même amortir à l'avance en puisant dans leurs réserves (p. ex. NOK dans le cas des centrales d'Ilanz). On peut également imaginer une vente d'installations à la société suisse pour l'exploitation du réseau, les recettes étant utilisées pour le remboursement de capitaux empruntés. Les petites entreprises, telles que les compagnies cantonales ou les sociétés distributrices, n'ont pas cette possibilité.

Les chiffres du tableau 6 se basent sur les coûts actuels des entreprises d'électricité.

Ceux-ci comprennent les bénéfices, taxes et autres rétributions encore usuelles aujourd'hui et n'épuisent pas le potentiel de réduction des coûts. Une diminution de 20 % des coûts de production (bénéfices et impôts sur les gains compris) entraînerait une réduction des INA de plus d'un quart. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que le scénario 5, considéré comme étant le plus probable, avec des INA de l'ordre de 1,8 milliard de francs, se fonde sur l'ouverture complète du marché dès 1999. Or, l'ouverture ne débutera qu'à compter de l'entrée en vigueur de la LME, à partir de l'an 2001; par conséquent, le montant des INA s'en trouvera encore réduit. Avec une ouverture du marché progressive à hauteur de 21 % les trois premières années et de 34 % les trois années suivantes, les INA diminueront encore. En effet, pendant la période de transition, les prix pourraient encore être répercutés sur les clients captifs

6680

dans la même mesure (ou presque) qu'aujourd'hui. L'étude n'a pas non plus pris en compte l'augmentation des capacités de la centrale nucléaire de Leibstadt, qui aura pour effet de ramener à long terme les coûts de production de cette installation à un niveau compétitif. Vu ces considérations, une évaluation actualisée des INA devrait donner un résultat nettement inférieur. Par ailleurs, lors de l'augmentation de la capacité de ladite centrale et de la prolongation de l'autorisation d'exploitation de celle de Mühleberg, le Conseil fédéral s'est prononcé contre la couverture des INA pour les centrales nucléaires.

134

Effets sur la structure de l'économie électrique

Les structures de l'économie électrique se sont en général considérablement modifiées dans les pays qui ont ouvert leur marché. La Suisse aussi doit s'attendre une telle évolution, à cause du caractère généralement local de ces structures ainsi que de leur imbrication. La pression des coûts et de la productivité conduira de plus en plus à des coopérations et à des fusions visant à mettre à profit les potentiels d'économie et de rendement qu'elles recèlent. A cela, il faut ajouter les avantages d'échelle des grandes entreprises, qui joueront un rôle toujours plus important. Lors de l'acquisition des moyens d'investissement et d'exploitation, ainsi que lors de leurs interventions sur le marché, les grandes entreprises peuvent profiter de leur position de force pour obtenir de meilleures conditions, et elles disposent aussi de plus d'informations et de connaissances spécialisées. Mais les modifications structurelles deviennent inévitables aussi lorsque, pour des raisons financières, des entreprises ne peuvent pas survivre et disparaissent par fusion, vente ou pire, par mise en faillite.

La dynamique de l'adaptation devrait être différente selon qu'une entreprise est directement soumise à la concurrence entre producteurs ou qu'elle se meut dans le domaine réglementé du transport et de la distribution d'énergie électrique. Dans la production, on devrait observer une accélération des concentrations d'entreprises, ainsi que le montre l'expérience acquise en Angleterre et aux Pays-Bas. En ce qui concerne les compagnies d'électricité d'importance nationale, des alliances et des concentrations avec des partenaires suisses ou étrangers (il en a déjà été réalisé) sont à l'ordre du jour. Parmi les entreprises partenaires, on peut s'attendre au contraire à une dissociation par échange de participations, ce qui conduira à des relations de propriété et à des majorités plus claires parmi les futurs concurrents.

En ce qui concerne les entreprises de distribution d'électricité, on devrait constater après l'ouverture du marché la pression de la concurrence et des coûts devrait être moins forte que pour les entreprises productrices, car elles peuvent plus aisément reporter leurs dépenses sur les consommateurs. Mais là aussi, les avantages d'échelle conduiront à des concentrations. En effet, une demande suffisamment
forte leur permettra d'influencer le facteur de coût le plus important, qui est l'acquisition d'électricité. Les distributeurs pourront également mettre à profit les avantages d'échelle dans le domaine administratif (mesure de la consommation et facturation).

Comme dans d'autres pays, on pourra voir émerger de nouveaux secteurs d'activité par des alliances avec des entreprises étrangères à la production et à la distribution d'énergie électrique, mais qui opèrent dans les domaines des télécommunications, de l'exploitation et de l'entretien, de la technologie des bâtiments, de la sécurité, notamment. On verra probablement se poursuivre et peut-être se renforcer l'évolution, observée depuis plusieurs années en Suisse, vers des entreprises de services dans le

6681

domaine de l'énergie, lesquelles se sont fait une place sur le marché de la chaleur, dans la production, le commerce et la vente d'énergies renouvelables ainsi que dans les prestations aux consommateurs.

Une autre conséquence de l'ouverture du marché pourrait être l'apparition de nouveaux acteurs tels que les courtiers et agents d'affaire en électricité. Informé à l'avance des prix et des conditions et grâce à leur connaissance du rapport entre l'offre et la demande, ils pourraient être à même de négocier des contrats d'acquisition intéressants pour les clients éligibles. Ces nouveaux acteurs devraient profiter du fait que la recherche d'informations pour obtenir les offres les plus favorables exige un effort considérable de la part du client. Il n'est d'ailleurs pas exclu que les entreprises de distribution elles-mêmes offrent de tels services.

L'évolution rapide du monde des affaires contraint aussi les entreprises d'électricité à plus de souplesse dans les décisions. Les entreprises de droit public, d'économie mixte ou qui sont intégrées dans les administrations communales sont plutôt désavantagées, étant soumises à des procédures compliquées et lentes par nature. Ainsi, les entreprises cantonales et communales risquent de se transformer de plus en plus en sociétés anonymes. Elles ne seraient pas forcément privatisées pour autant, car elles pourraient rester la propriété des pouvoirs publics. Mais une telle transformation simplifierait considérablement leur vente ultérieure au secteur privé. La privatisation des entreprises publiques ne serait donc pas le moyen de la libéralisation, mais sa conséquence possible.

135

Effets sur la consommation d'énergie et l'environnement

L'enquête commandée par l'OFEN cherchait à évaluer les conséquences de l'ouverture du marché sur la consommation d'énergie et sur l'environnement7. Il apparaît que les effets sur l'environnement de l'augmentation de la demande d'électricité découlant de la baisse de prix devraient rester minimes. Tendanciellement, cette diminution de prix va cependant, à long terme, à l'encontre des objectifs d'économies du programme Energie 2000 et de son programme subséquent, lesquels seront encore plus difficiles à atteindre. Il en va de même en ce qui concerne les chances de commercialisation de toutes les énergies renouvelables et du couplage chaleur-force (CCF). Un nouveau marché pourrait pourtant se constituer pour la vente de courant généré par les installations CCF et par les énergies renouvelables en raison de la nouvelle réglementation de la prise en charge sur les réseaux. Si, à partir de 2010, on remplaçait les centrales nucléaires par des centrales indigènes alimentées aux combustibles fossiles ­ ce qui paraît plausible en raison de la pression économique, qui conduit à préférer des installations moins gourmandes en investissements et plus rapidement réalisables ­ il faudrait compter avec une augmentation considérable des émissions de CO2. On ne peut contrer une telle évolution que par des efforts soutenus visant à la récupération des rejets de chaleur, à la multiplication des pompes à chaleur (en remplacement des chauffages électriques à résistance), à la promotion des énergies renouvelables et à l'utilisation rationnelle de l'énergie, surtout de l'électricité. Des problèmes analogues se poseraient si aux centrales nucléaires suisses existantes on substituait des importations supplémentaires d'électricité, étant donné que celle-ci proviendrait pour une part essentielle de cen7

cf. note 5

6682

trales thermiques alimentées aux combustibles fossiles. Les problèmes s'aggraveraient si les centrales hydrauliques n'étaient pas renouvelées, faute d'être suffisamment compétitives. Aussi le Conseil fédéral entend-il renforcer considérablement le programme subséquent d'Energie 2000 par une taxe sur l'énergie à affectation spéciale. Il veut également remplacer progressivement les centrales nucléaires existantes, dans la mesure du possible sans augmentation des émissions de CO2, au moyen surtout de technologies à bon rendement énergétique, d'énergies renouvelables (dont la force hydraulique) et, si nécessaire, d'une stratégie combinée du couplage chaleur-force et des pompes à chaleur.

La construction de lignes de transport supplémentaires en raison de l'ouverture du marché devrait rester modeste. L'Italie devrait augmenter ces prochaines années ses capacités de production d'électricité au moyen de centrales à cycles combinés.

L'importance de la Suisse comme pays de transit d'énergie électrique devrait donc diminuer. Des études semblables faites pour l'Allemagne montrent que les échanges de courant augmenteront quelque peu à court terme, mais qu'ils finiront par se stabiliser à un niveau inférieur à ce qu'il est actuellement. Cette évolution résulte du nivellement progressif des prix de l'énergie primaire sur le marché européen.

Comme il est meilleur marché de transporter l'énergie primaire que l'électricité, les centrales seront construites là où il y a demande de courant, ce qui tendra à réduire le besoin de transport d'énergie électrique.

136

Effets sur la politique régionale

Les effets de l'ouverture du marché sur la politique régionale seront plus marqués dans les cantons alpins. Les cantons et les communes du Tessin, des Grisons, de Glaris, de la Suisse Centrale, de l'Oberland bernois et du Valais ont profité jusqu'à présent, à des degrés divers, de l'exploitation de la force hydraulique. C'est ce qui ressort d'une enquête commandée par la Conférence des gouvernements des cantons alpins8 et d'estimations tirées d'une étude de l'Union des centrales suisses d'électricité9 (cf. tab. 7). Avec un profit annuel global de l'ordre du milliard de francs, la force hydraulique est pour ces cantons un facteur économique non négligeable.

Tableau 7 Evaluation du profit économique tiré de la force hydraulique par les cantons alpins Nature du profit

Montants annuels Remarques en mio. de fr.

Redevances hydrauliques, taxes, 4101 impôts Investissements dans les centrales 3002 électriques

8 9

dont env. 40 % aux communes moyenne 1991­95, dont 43 % générant des emplois en montagne, env. 600­800 personnes-années

Öffnung des Elektrizitätsmarktes Schweiz; Brugger, Hanser und Partner AG, juillet 1997 Charges financières de l'électricité en rapport avec des communautés de droit public, Prof. Dr. A. Menzl, UCS, septembre 1996

6683

Nature du profit

Montants annuels Remarques en mio. de fr.

Emploi et masse salariale dans 2003 le secteur de la production Contributions aux installations de 403 l'infrastructure, etc.

Droit de retour potentiel ou 503 indemnité de désistement 1 2 3

annuellement 2000 personnesannées (évaluation)

moyenne annuelle; fortes fluctuations liées à l'expiration des concessions

Cantons d'Uri, Schwyz, Obwald, Grisons, Tessin, Valais Cantons d'Uri, Schwyz, Obwald, Nidwald, Glaris, Grisons, Tessin, Valais Evaluation portant sur toutes les régions de montagne (y compris l'Oberland bernois)

L'importance de la force hydraulique va se modifier suite à la libéralisation partielle ou totale du marché. Les redevances hydrauliques, les redevances spéciales et les prestations privilégiées au profit des communes de site subiront une pression à la baisse. Selon les indications fournies par les cantons alpins, ces charges représentent environ 1,7 ct./kWh, ce qui paraît acceptable en proportion du prix à la consommation payé actuellement. Par rapport au prix moyen à l'exportation, de l'ordre de 5,7 ct/kWh, elles représentent par contre 30 % environ. Selon les coûts de production d'une centrale donnée, le niveau des redevances va déterminer si l'on peut obtenir un prix de vente qui en couvre la totalité. En comparaison des centrales alimentées aux combustibles fossiles, les coûts variables des centrales hydrauliques sont faibles. C'est pourquoi elles sont en mesure de couvrir leurs frais de production même lorsque les prix sont bas. Mais comme dans une telle situation, la rémunération des capitaux investis et les amortissements seraient limités, les propriétaires et les investisseurs pousseraient inéluctablement à la réduction des redevances.

Le renouvellement à long terme des centrales hydrauliques ne serait probablement plus assuré intégralement. Dans un marché volatil avec des recettes difficilement prévisibles, des délais d'amortissement allant jusqu'à 80 ans constituent un risque considérable qu'il ne sera plus possible de couvrir comme jusqu'à présent au moyen d'une part élevée de capitaux étrangers et de financer à des conditions très favorables. A l'avenir, le volume annuel des investissements devrait descendre nettement en dessous de la moyenne établie depuis de nombreuses années. Le Conseil fédéral accepte par conséquent les propositions du Parlement d'utiliser les recettes de la taxe sur l'énergie pour contribuer au financement de l'entretien et du renouvellement des centrales hydrauliques.

La pression des coûts devrait aussi se répercuter sur l'emploi. L'automatisation et la rationalisation de la production et du transport contribueront à améliorer le rendement d'exploitation. Des quelque 2000 postes de travail aménagés jusqu'à présent dans les zones alpines pour la production d'électricité, 20 à 30 %10 risquent de disparaître au cours des dix prochaines années par suite de ces
mesures. Sur le Plateau, cette évolution pourrait être moins marquée; le nombre d'emplois offerts par l'industrie de l'électricité étant relativement modeste comparé au nombre total de travailleurs, les conséquences macro-économiques de cette évolution devraient être 10

Evaluation selon l'enquête citée sous note 5

6684

plutôt faibles. La tendance, observée depuis quelques années, à l'automatisation et à la rationalisation va sans doute perdurer. Dans les dix années qui viennent, on prévoit la disparition de 10 à 15 % des quelques 20 000 emplois de l'industrie suisse de l'électricité (cf. ch. 115.3).

Autre défi, l'approvisionnement avantageux des consommateurs dans les zones périphériques et faiblement peuplées, soit l'obligation d'assurer certaines prestations d'économie générale (service public). Ce qui est vrai pour d'autres secteurs d'infrastructure (p. ex. transports, télécommunications) l'est aussi pour l'industrie électrique: à elle seule, la concurrence ne peut garantir un approvisionnement optimal et la sauvegarde des intérêts de l'économie générale. Sans mesures connexes, les centrales électriques, qui opèrent dans un souci de rentabilité, se concentreraient avant tout sur les clients dont l'approvisionnement, peu cher, leur assurerait les meilleurs rendements. Elles s'intéresseraient peu aux réseaux de distribution nécessitant des frais d'investissement et d'entretien élevés, et utilisés seulement pour l'acheminement de faibles quantités d'énergie. Les catégories de réseau exploitables à peu de frais et donc plus rentables, qui se situent avant tout dans les régions fortement peuplées, deviendraient autonomes. Quant aux segments restants, plus chers à l'exploitation, ils ne seraient plus étendus, et leur entretien limité à un minimum, voire carrément négligé. Dans le pire des scénarios, l'absence de mesures connexes pourrait même conduire à la désaffectation de certains tronçons du réseau et, par conséquent, à l'abandon de régions qui y étaient jusque-là reliées. La LME prévoit deux mesures susceptibles de prévenir efficacement une telle évolution. Il s'agit d'une part de l'obligation faite aux entreprises d'approvisionnement de raccorder, dans leur aire de desserte, tous les consommateurs finaux et tous les producteurs d'électricité, et, d'autre part, de la compétence conférée aux cantons d'obliger les exploitants de réseau à étendre ce dernier et à alimenter des clients captifs même endehors de leur aire de desserte (cf. ch. 204). En outre, la loi prévoit l'introduction de la solidarité tarifaire pour l'acheminement de l'électricité (cf. ch. 202.2, al. 2). Ce principe permet de répartir les coûts du
réseau sur le plus grand nombre possible de consommateurs finaux, et d'empêcher ainsi que des charges unilatérales ne pèsent exclusivement sur des régions déjà désavantagées sur le plan économique.

137

Effets sur la sécurité de l'approvisionnement

La sécurité de l'approvisionnement en électricité dépend fondamentalement de l'interconnexion européenne et des capacités de production existantes, en particulier des capacités excédentaires. Alors que le réseau de transport au profit du marché intérieur européen se trouve dans une phase d'extension, il faut s'attendre à une consolidation du parc actuel des centrales électriques et à une réorientation de la production.

La puissance libre, disponible une fois déduites la charge effectivement utilisée et la puissance de réserve, permet d'évaluer les capacités excédentaires en Europe continentale. Elle varie selon la saison (la consommation est plus faible en été et plus forte en hiver) et les possibilités d'utilisation (à court terme: énergie de pointe provenant d'installations à accumulation et de turbines à gaz; à plus long terme: énergie en ruban et centrales en modulé). D'après le rapport semestriel II/98 de l'UCPTE (Union pour la Coordination de la Production et du Transport de l'Electricité), la puissance libre des partenaires de l'UCPTE s'élevait, en janvier 1997, à 5,4 % de la

6685

puissance globale des centrales suisses et des prélèvements, dont 3,4 % étaient utilisables à long terme. En juillet 1997, la puissance libre se montait à 11,1 %, dont 5,3 % pouvaient être utilisés sur une longue période. La puissance libre des installations suisses est constituée exclusivement de capacités utilisables à court terme.

D'après les estimations le l'UCPTE, celles-ci s'élèveront à 3,8 GW environ pendant le semestre d'hiver 2001 et à environ 6,5 GW au semestre d'été 2001.

La disparition du monopole d'approvisionnement oblige les exploitants de centrales à s'aligner sur les prix du marché et à mettre hors service les installations non rentables (cf. ch. 131). Par ailleurs, tant que le prix du marché permet une rentabilité suffisante, de nouvelles centrales aux coûts de production plus faibles (p. ex. centrales chaleur-force au gaz) feront leur apparition et amèneront des capacités supplémentaires. Ainsi, la désaffectation de centrales s'accompagnera forcément d'un mouvement contraire avec l'arrivée sur le marché de nouvelles capacités. L'évo-lution des capacités de production est par conséquent difficile à prévoir avec précision. On peut s'attendre à une réduction des capacités excédentaires. De même, les investisseurs devraient faire preuve de plus de flexibilité en matière d'investisse-ments, compte tenu de l'évolution probable des prix, par rapport à la stratégie actuelle, fortement conditionnée par le monopole dans le domaine de l'approvision-nement, où les coûts sont répercutés sur les clients. Ainsi, la garantie de l'approvisionnement pourrait coûter moins cher aux consommateurs.

Dans l'ensemble, sous réserve de l'approvisionnement sûr en énergies primaires (surtout le gaz naturel), aucune péjoration notable de la sécurité de l'approvisionnement en électricité n'est à craindre.

138

Evaluation des effets

Globalement, on constate que pendant le période transitoire, les effets négatifs de l'ouverture du marché prédomineront. Ce n'est qu'à plus long terme que les avantages macro-économiques devraient rétablir la situation, voire l'améliorer. C'est pourquoi il est indispensable que, durant la période transitoire et au-delà, les inconvénients de l'ouverture du marché soient compensés ou, pour le moins, atténués par des mesures connexes. Les principaux éléments de cette stratégie sont les suivants: ­

Ouverture du marché par étapes de trois ans: pendant les trois premières années, accès accordé aux gros consommateurs dont la demande annuelle dépasse 20 GWh et aux entreprises d'approvisionnement à hauteur de 10 % de leurs ventes à des clients captifs. Au cours des trois années suivantes, accès accordé aux gros consommateurs dont la demande annuelle dépasse 10 GWh et aux entreprises d'approvisionnement à hauteur de 20 % de leurs ventes à des clients captifs.

­

Garantie du service public: introduction de l'obligation de raccorder les consommateurs finaux et les producteurs d'électricité aux réseaux existants; compétence cantonale en matière d'extension des réseaux et de raccordement des clients finaux en-dehors des réseaux existants; solidarité tarifaire pour l'acheminement d'électricité à un niveau de tension donné.

­

Introduction d'une taxe d'incitation sur l'énergie et affectation d'une partie des recettes à la promotion économique des nouveaux agents renouvelables et à l'utilisation rationnelle de l'énergie (dont l'électricité), au maintien et au

6686

renouvellement des centrales hydrauliques et à l'octroi d'aides financières pour les investissements (temporairement) non amortissables dans des centrales hydrauliques (cf. ch. 145).

Le Conseil fédéral est d'avis que la mise en oeuvre de ces mesures permettra de réduire à un minimum les incidences négatives de l'ouverture du marché.

14

Rapport avec la législation régissant la concurrence et l'énergie

Le projet de LME modifie la répartition des compétences entre le droit de la concurrence et celui qui régit l'énergie. Dorénavant, la commission d'arbitrage jugera, en se fondant sur la LME, des questions de droit d'acheminement et de rétribution de l'acheminement. Le surveillant des prix ne peut que transmettre des recommandations à ce sujet (art. 14, al. 3) à la commission d'arbitrage.

Inversément, l'art. 15 permet au surveillant des prix d'intervenir davantage sur les prix de l'électricité fixés ou approuvés par les autorités. Sur ce sujet, il a non seulement le droit de formuler des recommandations, mais encore la possibilité de prendre des mesures selon les art. 9 à 11 de la loi sur la surveillance des prix.

141

Loi sur les cartels

L'art. 31bis, al. 3, let. d, de la constitution autorise la Confédération à édicter des dispositions pour remédier aux conséquences nuisibles, d'ordre économique ou social, des cartels ou des groupements analogues. La loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (LCart; RS 251) vise à empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions de la concurrence et à promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime libéral (art. 1 LCart). La loi s'applique aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence, qui sont puissantes sur le marché ou participent à des concentrations d'entreprises (art. 2, al. 1, LCart). Mais selon l'art. 3, al. 1, let. a, la loi ne s'applique que pour autant que d'autres prescriptions n'excluent pas la concurrence, notamment des prescriptions qui établissent un régime de marché ou de prix de caractère étatique. Ainsi la loi reconnaît que de telles prescriptions peuvent exclure la concurrence sur un segment donné du marché.

La loi ne s'applique alors que dans la mesure où les prescriptions établissant un régime de marché ou de prix de caractère étatique laissent place à un comportement concurrentiel et donc à l'application des critères qui y ressortissent (FF 1995 I 472s).

Le projet de LME formule notamment des principes concernant l'acheminement obligatoire et la rétribution correspondante (art. 5 et 6) ainsi que la garantie de l'approvisionnement (art. 10 et 28). Ce sont des segments de marché où il existe désormais une réglementation spéciale, de sorte que la loi sur les cartels ne s'appli-que pas. Selon l'art. 14, al. 1, du projet, les litiges liés à l'acheminement obligatoire et à sa rétribution sont du ressort de la future commission fédérale d'arbitrage (cf. ch.

206). En cas d'abus de prix, cette autorité demandera l'avis de la surveillance des prix.

6687

La commission de la concurrence ou son secrétariat peut toujours, s'appuyant sur ses compétences en matière cartellaire, ouvrir des procédures en vertu des art. 5 (accords illicites) et 7 (pratiques illicites d'entreprises ayant une position dominante) LCart contre des entreprises de l'électricité, et examiner conformément à l'art. 10 de cette loi les concentrations des entreprises soumises à l'obligation de notifier. Il faut rappeler ici la question, encore non résolue dans notre pays, de savoir si le refus opposé par un exploitant de réseau à l'acheminement doit être considéré comme un abus de position dominante au sens de l'art. 7 Lcart qui peut être poursuivi par la commission au moyen d'une procédure prévue par la loi. Selon le message relatif à la LCart, on peut parler de refus illicite d'entretenir des relations commerciales au sens de l'art. 7, al. 2, let. a, LCart notamment lorsqu'une entreprise occupe une position de monopole de droit public ou qu'elle seule dispose des équipements indispensables pour fournir certaines prestations (FF 1995 I 472). Il reste à déterminer dans quelle mesure cette définition peut être comprise comme une adhésion à la «Essential facilities doctrine», appliquée en particulier en droit de la concurrence aux USA et dans l'UE. Selon cette doctrine, il y a abus inadmissible lorsqu'une entreprise refuse à une autre l'accès, contre rémunération équitable, à ses propres réseaux ou à d'autres équipements infrastructurels, si l'autre entreprise se trouve ainsi dans l'incapacité, pour des raisons juridiques ou réelles, de se positionner sur le marché en aval.

L'évolution que déterminera cette doctrine n'est pas encore connue, à l'instar des conséquences de son application éventuelle. Force est de constater que dans sa jurisprudence, le Cour européenne de justice s'est montrée très réticente jusqu'ici quant à son applicabilité. L'ouverture du marché de l'électricité doit obéir à des règles claires. Les problèmes qu'elle posera ne pourront être résolus à coups de décisions isolées de la commission de la concurrence sur l'accès des tiers au réseau. Ce serait laisser sans réponses de nombreuses questions touchant par exemple la société pour l'exploitation du réseau, la rétribution de l'acheminement, le service public, les investissements non amortissables. Il appartient au
législateur de régler ces questions de manière adéquate dans la LME.

Dans l'éventualité d'une sous-enchère (émanant p.ex. de fournisseurs de courant étrangers), on doit enfin se demander si la loi sur les cartels permettra d'agir contre le dumping, une fois ouvert le marché de l'électricité. La LCart (art. 7, al. 2, let. d) déclare illicite, de la part d'une entreprise ayant une position dominante, la sousenchère en matière de prix ou d'autres conditions commerciales dirigée contre un concurrent déterminé. Selon l'art. 4, al. 2, de cette loi, est considérée comme occupant une position dominante l'entreprise qui est à même, en matière d'offre et de demande, de se comporter de manière essentiellement indépendante par rapport aux autres participants au marché. Etant donné les structures actuelles du marché, aucune entreprise d'électricité n'occupera une position dominante dans un avenir proche. Au contraire, la possibilité donnée à des entreprises étrangères d'alimenter des clients suisses renforcera encore la concurrence.

Une entreprise d'électricité ayant déjà investi a intérêt à offrir du courant dès que le prix du marché couvre au moins les frais variables. Pour autant que la concurrence s'exerce réellement sur les marchés de l'électricité, les fournisseurs ne feront pas des prix inférieurs aux coûts variables. En effet, les entreprises ne pourront pas par la suite compenser les pertes subies par des prix surfaits. Par ailleurs, si en situation de concurrence réelle des sociétés d'électricité étrangères ayant des coûts variables moins élevés font des offres plus avantageuses que les entreprises suisses, leur dé6688

marche n'est pas criticable du point de vue concurrenciel. Voilà pourquoi la loi sur les cartels ne comporte aucune disposition qui permettrait d'intervenir contre une entreprise n'occupant pas une position dominante.

142

Loi concernant la surveillance des prix

Pour empêcher des abus dans la formation des prix, l'art. 31septies cst. prévoit que la Confédération édicte des dispositions sur la surveillance des prix et des prix recommandés s'appliquant aux biens et aux services offerts par des organismes de droit public ou de droit privé qui occupent une position dominante sur le marché. Lorsque le but à atteindre l'exige, ces prix peuvent être abaissés. Cet article constitutionnel a donc pour objectif de combattre les abus dans la formation des prix. Son champ d'application comprend, à raison de la matière, les prix des marchandises et des services et, à raison des personnes, tous les organismes puissants sur le marché. Les entreprises de droit public sont elles aussi visées de façon explicite.

D'après la loi du 20 décembre 1985 concernant la surveillance des prix (LSPr; RS 942.20), il incombe au surveillant des prix d'observer l'évolution des prix, d'empêcher les augmentations de prix abusives et le maintien de prix abusifs (art. 4 LSPr). Dans la mesure du possible, il s'efforce de parvenir à un règlement amiable avec l'auteur de l'abus allégué (art. 9 LSPr). Par le passé, de tels accords ont été conclus avec différents producteurs de courant. Le surveillant des prix peut interdire une augmentation ou ordonner une baisse de prix (art. 10 LSPr). La LSPr ne prévoit cependant aucun recours juridique contre le dumping.

Si une autorité législative ou exécutive de la Confédération, d'un canton ou d'une commune décide ou approuve une augmentation de prix, le surveillant peut proposer d'y renoncer. Il ne peut toutefois pas l'interdire (art. 14, al. 1, LSPr). Ainsi, lorsqu'un abus de prix est constaté, le surveillant peut uniquement émettre une recommandation. Cette disposition n'est pas sans conséquence. Selon la législation actuelle, en effet, les tarifs appliqués par la majorité des entreprises d'électricité en Suisse doivent être approuvés par une autorité politique, en vertu des prescriptions cantonales et communales.

Le projet de LME établit des principes relatifs à la rétribution pour l'acheminement sur le réseau (art. 6) et au calcul des tarifs pour la fourniture d'électricité aux clients captifs (art. 28, al. 1, let. b, et al. 2). Les litiges concernant l'acheminement sur le réseau et sa rétribution sont réglés par la commission d'arbitrage (art. 14,
al. 1). En l'occurrence, le surveillant des prix doit se contenter de formuler des recommandations (art. 14, al. 3). En revanche, il reste compétent, en vertu de la LSPr, pour le prix du courant (sans la rétribution de l'acheminement). L'art. 15 du projet de LME propose d'étendre les compétences du surveillant des prix lorsque les prix sont décidés ou approuvés par une autorité législative ou exécutive.

143

Loi fédérale contre la concurrence déloyale

La loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée. Dans le contexte de la libéralisation des marchés de l'électricité, la question se pose de savoir dans quelle mesure il est possible de se 6689

fonder sur la LCD pour lutter contre le dumping. Avec l'ouverture du marché de l'électricité, certains grands producteurs indigènes ou étrangers pourraient en effet être tentés de casser provisoirement ces prix, afin de mettre hors circuit leurs concurrents et de dominer ensuite le marché.

La loi fédérale contre la concurrence déloyale protège contre une politique de prix artificiellement bas menée de façon systématique. D'une part, elle intervient contre les offres trompeuses (art. 3, let. f); d'autre part, l'art. 2 (principe) met lui aussi des limites aux offres se situant en-dessous du prix réel.

Le fait constitutif de formes d'appel prévoit l'interdiction de vendre en-dessous du prix coûtant. De par sa conception, ce fait constitutif est cependant fortement axé sur le commerce de détail. Il ne peut pratiquement s'appliquer que dans les situations où le prix trompe le client sur les capacités du fournisseur. Tel ne peut être le cas que dans les secteurs où le prix qui ne couvre pas les frais peut être compensé sur d'autres marchandises ou prestations. Compte tenu des différentes catégories de clients, ce subventionnement croisé ne peut être exclu dans le domaine de l'électricité. Selon la loi, la tromperie est présumée lorsque le prix de vente est inférieur au prix coûtant habituel. Le défendeur peut néanmoins réfuter cette présomption en prouvant qu'il n'y a pas eu tromperie et que l'offre n'est pas inférieure au prix coûtant qu'il pratique habituellement.

En vertu de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. En soi, l'offre en-dessous du prix coûtant fait partie de l'arsenal autorisé de la concurrence. Seules des circonstances particulières la rendent déloyale. Selon la doctrine et la jurisprudence dominantes, tel est le cas lorsqu'elle est systématiquement utilisée pour anéantir les concurrents. Le Tribunal fédéral a estimé qu'une telle mesure ne devait pas avoir pour objectif de se débarrasser de la concurrence par des ventes illégales à prix sacrifiés (ventes sauvages) dans l'intention de dominer le marché (ATF 85 II 443). Il est cependant difficile parfois de prouver cette intention.
La loi fédérale contre la concurrence déloyale relève du droit privé. En conséquence, ni la Confédération ni les cantons ne peuvent intervenir dans le cas d'un acte de concurrence déloyale commis par un fournisseur d'électricité étranger, à moins qu'ils ne s'en trouvent lésés, dans leurs intérêts économiques, en leur qualité de sujets de droit privé, de concurrents ou de clients. En revanche, les concurrents, les clients, les associations professionnelles ou économiques et les organisations de consommateurs disposent d'une panoplie étendue d'actions (art. 9, 10 et 23 LCD).

144

Loi sur l'énergie

Adoptée par l'Assemblée fédérale le 26 juin 1998, la loi sur l'énergie (LEne; RS 730.0) est entrée en vigueur le 1er janvier 1999, en même temps que l'ordonnance y relative du 7 décembre 1998 (RS 730.01). La loi ne contient aucune disposition concernant l'ouverture du marché. Pièce maîtresse de la future politique énergétique, la loi sur l'énergie doit permettre d'exécuter le mandat constitutionnel résultant de l'adoption de l'article énergétique. Il en va de même de la LME. En effet, si l'ouverture du marché de l'électricité doit avant tout permettre d'améliorer l'efficacité de l'approvisionnement en électricité, les autres objectifs de politique énergétique n'en sont pas négligés pour autant. L'approvisionnement en électricité 6690

doit être à la fois économique, sûr et compatible avec les exigences de la protection de l'environnement. Même dans un marché ouvert, l'électricité doit être utilisée de façon économique et rationnelle; en outre, les énergies indigènes et renouvelables ne doivent pas être négligées.

144.1

Installations productrices d'électricité alimentées aux combustibles fossiles (art. 6 LEne)

Selon cette disposition, avant d'autoriser la construction ou la transformation d'une installation productrice d'électricité alimentée aux combustibles fossiles, l'autorité compétente en vertu du droit cantonal étudie si le besoin d'énergie peut être couvert au moyen d'agents renouvelables et les possibilités d'utiliser judicieusement les rejets de chaleur. Cette disposition découle de l'exigence d'un approvisionnement énergétique rationnel et respectueux de l'environnement. Elle peut être en contradiction avec les besoins d'une fourniture économique pour le client, mais ne l'est pas forcément. Dans la mesure où les mesures sont économiques, il faut récupérer la chaleur et recourir aux énergies renouvelables. Même lorsqu'elles ne sont pas optimales dans l'optique de l'économie d'entreprise, ces méthodes peuvent être compatibles avec l'ouverture du marché, pour autant qu'elles n'entraînent pas des coûts disproportionnés. D'une manière générale, il serait inadmissible que des mesures de protection de l'environnement occasionnant des coûts nets soient considérées comme incompatibles avec le marché (les coûts externes doivent également être pris en considération). Ce principe s'applique aussi à la récupération de chaleur et à l'utilisation d'énergies renouvelables.

144.2

Conditions de raccordement des producteurs indépendants (art. 7 LEne)

Les entreprises chargées de l'approvisionnement énergétique de la collectivité sont tenues de reprendre les surplus d'énergie produits de manière régulière par les producteurs indépendants (art. 7, al. 1, LEne). Cette obligation a pour effet d'élargir l'offre et de soutenir ainsi les efforts en vue de l'ouverture du marché. Elle constitue certes une entorse à la libéralisation du marché, puisqu'elle restreint la liberté des entreprises publiques fournisseuses d'énergie de conclure des contrats de prélèvement avec les producteurs de leur choix; mais elle répond au mandat constitutionnel de favoriser les énergies renouvelables. Cette intervention sur le marché se justifie d'autant plus qu'elle ne vise que de modestes quantités d'énergie.

Plus encore que l'obligation de reprise, il importe de définir les principes de rétribution (art. 7, al. 2, LEne). Dans les cas où celle-ci se fonde sur les prix du marché applicables à des énergies équivalentes, le distributeur soumis à l'obligation de reprise n'est pas moins bien loti que s'il devait se fournir auprès des grandes compagnies cantonales ou nationales. Il ne saurait donc être question d'une entrave au marché.

La rétribution de l'électricité obtenue à partir d'énergies renouvelables se base non pas sur les prix du marché à court terme, mais sur des coûts marginaux à longue échéance (art. 7, al. 3, LEne). Cette disposition favorise les petites installations de production décentralisées, étant donné qu'elles profitent généralement d'un prix du courant plus élevé et que par ailleurs, elle ne fournissent pas leur énergie de façon 6691

régulière et prévisible. Cet alignement sur les coûts marginaux à longue échéance conduit à une rétribution correcte sur le plan macro-économique; il signifie toutefois que les entreprises d'approvisionnement ne peuvent profiter de prélèvements favorables et, à court terme, de surplus d'énergie provenant du marché de l'électricité.

Pour les centrales hydrauliques, la rétribution basée sur les coûts marginaux à longue échéance se limite donc aux installations dont la puissance est inférieure ou égale à 1 MW, cela afin d'éviter une trop lourde mise à contribution des distributeurs. Dans certains cas, l'autorité compétente en vertu du droit cantonal peut en outre réduire la rétribution lorsque, de toute évidence, il existe une disproportion entre le tarif de reprise et les coûts de production.

L'obligation de reprise et de rétribution sera sans conteste acceptable au moins aussi longtemps que les entreprises chargées de l'approvisionnement de la collectivité auront suffisamment de clients captifs (c'est-à-dire n'ayant pas encore accès au marché). Toutefois, on peut légitimement se demander si les conditions de reprise de l'énergie excédentaire se justifient encore dans un marché complètement ouvert. Les entreprises d'approvisionnement n'ayant plus de clients captifs, leur mandat s'en trouve modifié par la force des choses. Peut-on alors raisonnablement leur demander de continuer à promouvoir les énergies renouvelables? A cet égard, il convient de remarquer qu'en vertu de l'art. 7, al. 7, de la loi sur l'énergie, les cantons peuvent constituer un fonds de compensation en faveur des entreprises chargées de l'approvisionnement de la collectivité qui doivent, dans une mesure supérieure à la moyenne, reprendre de l'énergie électrique des producteurs indépendants. Ce fonds sera avant tout alimenté par les entreprises qui produisent, transportent ou distribuent de l'électricité dans le canton concerné. Ce modèle de répartition du coût de la promotion des énergies renouvelables entre tous les consommateurs d'électricité est compatible avec l'ouverture du marché. Conformément au mandat constitutionnel, les entreprises d'électricité peuvent être obligées d'assumer des obligations en faveur de l'économie générale, même dans un marché libéralisé. L'UE cherche elle aussi à définir des conditions générales
permettant aux producteurs indépendants de conserver toutes leurs chances après l'ouverture du marché.

Les dispositions restrictives de la loi sur l'énergie concernant la rétribution ainsi que le fonds cantonal de compensation susmentionné font qu'en fin de compte, les conditions de raccordement prévues par la loi pourront être conservées, même dans un marché entièrement libéralisé. Par conséquent, elles ne nécessitent aucune modification dans le cadre de la législation sur le marché de l'électricité, sous réserve, bien entendu, d'une éventuelle adaptation au vu des expériences futures.

144.3

Encouragement de la production de courant à l'aide d'agents renouvelables (art. 13 LEne)

Les aides financières accordées par la Confédération et les cantons pour des installations qui ne sont pas encore rentables peuvent constituer une certaine distorsion du marché, alors même qu'elles ne couvrent qu'une partie des frais supplémentaires non amortissables (art. 14, al. 2 et 4, LEne). Mais s'agissant d'un coup de pouce initial, le subventionnement de l'énergie photovoltaïque, par exemple, est défendable, même dans l'optique politique. En outre, par rapport au chiffre d'affaires global de la branche, les montants prévus à cet effet ne sont guère importants. A long terme, l'augmentation de la production de courant par le biais des énergies renou-

6692

velables entraînera un élargissement de l'offre et donc un renforcement du marché.

La promotion de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables doit respecter les dispositions de la convention de l'OMC sur les subventions et les mesures compensatoires.

145

Taxes sur l'énergie

Le 15 juin 1998, le Conseil national a transmis l'arrêté fédéral concernant la taxe écologique sur l'énergie, au Conseil des Etats. L'arrêté a été conçu par la commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (CEATE) du Conseil national, après que le plénum eut inscrit dès le mois de juin 1997 la proposition Suter/David comme disposition supplémentaire (taxe sur l'énergie, art. 14bis) dans la loi sur l'énergie. La taxe sur l'énergie a été séparée de la loi pour permettre l'entrée en vigueur de celle-ci au début de 1999, comme prévu. L'arrêté, dont la validité est limitée à 25 ans, doit permettre de prélever une taxe de 0,6 ct/kWh sur toutes les énergies non renouvelables (pétrole, gaz, charbon, électricité nucléaire).

Le produit de la taxe, de l'ordre de 800 à 900 millions de francs nets par année, alimentera un fonds réservé au financement exclusif, à raison d'au moins un quart de sa valeur, des trois secteurs suivants: énergies renouvelables, techniques d'utilisation rationnelle de l'énergie, conservation et renouvellement des centrales hydrauliques.

Adopté par le Conseil national, l'arrêté n'a pas trouvé grâce aux yeux du Conseil des Etats, qui a notamment contesté sa constitutionnalité. Le 10 mars 1999, la Chambre haute a approuvé un contre-projet à l'initiative énergie et environnement, rédigé par sa propre Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (CEATE-E). Il s'agit d'un article constitutionnel 24octies, al. 5 à 9 (nouveaux) pour l'introduction d'une taxe destinée à encourager l'utilisation des agents énergétiques non renouvelables, conforme au nouveau régime financier assorti d'incitations écologiques. Ce contre-projet doit permettre d'introduire, dès 2004, une taxe sur l'utilisation d'agents énergétiques fossiles et nucléaires, dont le taux variera en fonction de l'impact sur le climat et l'environnement; le produit servira avant tout à réduire les charges salariales grevant l'économie. Par ailleurs, le Conseil des Etats entend opposer également un contre-projet à l'initiative solaire. Il s'agit d'une nouvelle disposition transitoire (art. 24) de la constitution fédérale, limitée à dix ans, prévoyant l'introduction d'une taxe d'encouragement de 0,2 ct/kWh, dont le produit serait réservé. Le produit d'environ 300 millions
de francs net par année qui en résultera sera affecté à des objectifs similaires à ceux de l'arrêté sur une taxe énergétique (à l'exception de la compensation directe des investissements non amortissables des centrales hydrauliques). Autre pas important en direction de la proposition du Conseil national: le Conseil des Etats a approuvé, parallèlement à la disposition transitoire, l'arrêté sur une taxe d'encouragement en matière énergétique, en tant que législation d'application. En cas d'acceptation par le peuple et les cantons, la taxe d'encouragement pourra par conséquent être prélevée dès l'an 2001. Ainsi, par rapport au projet du Conseil national, la perte de temps est négligeable. Sur le fond, le Conseil fédéral s'est rallié à la proposition du Conseil des Etats, dont il approuve les grandes lignes quant au montant et à la durée des mesures d'encouragement dans le domaine de l'énergie.

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Au printemps de 1999, la CEATE du Conseil national a elle aussi accepté le principe de la proposition émanant du Conseil des Etats. Contrairement à ce dernier, elle reste cependant acquise à une taxe de 0,6 ct./kWh et souhaite limiter la disposition transitoire à 20 ans. Elle maintient par ailleurs que dans certains cas, des moyens financiers doivent pouvoir être libérés pour faciliter la compensation d'investissements non amortissables dans les centrales hydrauliques.

L'ouverture du marché de l'électricité est étroitement liée aux taxes sur les énergies non renouvelables examinées par les Chambres fédérales. En effet, l'introduction d'une telle taxe permettrait de simplifier la LME. Pour éviter que les énergies renouvelables, et en particulier la force hydraulique indigène (électricité hydraulique), ne fassent les frais de la libéralisation, la loi doit impérativement s'accompagner de mesures connexes: en raison de la baisse des prix de l'électricité à laquelle il faut s'attendre en cas d'ouverture du marché fait que des centrales hydrauliques, notamment celles qui sont de construction récente et dont les coûts de production sont élevés, ne seront plus compétitives, ce que la politique de l'énergie veut éviter. Les art.

8, al. 311, et 11, al. 312, de la directive CE sur le marché intérieur de l'électricité prévoient des mesures visant à privilégier l'électricité issue d'énergie renouvelable.

Toutefois, ces mesures sont difficiles à mettre en oeuvre et leur efficacité est restreinte. Aussi les auteurs du projet de LME ont-ils renoncé. La taxe sur les énergies non renouvelables examinée par le Parlement est un instrument de promotion de la force hydraulique indigène nettement plus efficace, ce d'autant plus qu'une partie des recettes doit être affectée à des mesures de maintien et de renouvellement des centrales hydrauliques. La préférence donnée à l'approvisionnement en électricité issue d'agents renouvelables constitue bien une atteinte à la libre concurrence sur le marché de l'électricité. En comparaison des coûts externes occasionnés par les autres énergies, celle-ci est toutefois modeste et conforme au principe de la proportionnalité si elle est judicieusement appliquée.

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Coordination et simplification des procédures d'autorisation

Le 25 février 1998, le Conseil fédéral a publié le message concernant la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (FF 1998 2221). Le projet est examiné par les Chambres fédérales (élimination des divergences). Il prévoit une procédure concentrée pour différents projets d'infrastructure. Une simple autorisation sera nécessaire pour satisfaire aux exigences du droit fédéral. Les autres services fédéraux concernés seront entendus par l'autorité en charge de la procédure. Toutes les autorisations exigées en vertu de la législation fédérale (loi sur l'aménagement du territoire, loi sur la protection des eaux, loi sur les forêts, etc.) feront l'objet d'une décision globale. Les autorisations en vertu du droit cantonal ne seront plus nécessaires. Sont concernées, dans le domaine énergétique, les procédures d'autorisation relatives aux installations électriques, aux installations de transport par conduites et aux centrales hydrauliques dans les zones frontalières ou intercantonales (concessions fédérales). Cette simplification de la

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«Un Etat membre peut imposer au gestionnaire du réseau, lorsqu'il appelle les installations de production, de donner la priorité à celles qui utilisent des sources d'énergie renouvelables ou des déchets ou qui produisent de la chaleur et de l'électricité combinées.» «Un Etat membre peut imposer au gestionnaire du réseau de distribution, . . .» etc.

(comme ci-dessus).

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procédure de décision dans le domaine énergétique est une contribution importante au renouvellement économique et à la consolidation du marché suisse et va donc dans la même direction que le projet de LME.

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Loi sur les forces hydrauliques et loi sur la protection des eaux

Lors de la révision partielle de la loi fédérale du 22 décembre 1996 sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH; RS 721.80), la limite supérieure des droits d'eau a été portée de 54 à 80 francs par kW de puissance brute (le Conseil fédéral avait proposé une augmentation à 70 francs.). Ainsi, l'électricité hydraulique renchérit de 0,37 ct/kWh. Ce relèvement de la limite supérieure des droits d'eau constitue une intervention majeure sur le marché de l'électricité, car la plupart des cantons réclament le maximum prescrit par la Confédération (même s'ils n'y sont pas obligés).

Cependant, cette modification n'étant entrée en vigueur que récemment (1er mai 1997), il n'est pas indiqué de réexaminer la question dans le cadre de la LME.

(Quant à la suspension de l'autorisation obligatoire pour les exportations d'électricité hydraulique, cf. ch. 148.)

Les dispositions sur les débits résiduels et l'assainissement (art. 31 ss et 80 ss) de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux; RS 814.2) ont, selon l'installation considérée, des répercussions substantielles sur la production d'électricité hydraulique, tout particulièrement pendant les mois d'hiver, importants pour l'économie électrique. La plupart du temps, elles n'influencent pourtant guère les coûts de la production d'énergie. Les rares exceptions à cette règle signalent généralement un problème réel d'environnement. Le Parlement connaissait bien ce contexte lorsqu'il a adopté la réglementation sur les débits résiduels, qui représente un compromis entre les intérêts de la protection des eaux et de leur utilisation. C'est un des principaux éléments de la conception et de l'exploitation d'installations hydroélectriques respectueuses de l'environnement. La loi a été largement approuvée par le peuple le 17 mai 1992. Sa modification ne s'impose pas.

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Loi sur l'approvisionnement du pays, loi sur l'énergie nucléaire et loi sur le CO2

La loi fédérale du 8 octobre 1982 sur l'approvisionnement du pays (LAEP; RS 531) fixe les mesures préventives à prendre au titre de la défense nationale économique ainsi que les mesures visant à assurer l'approvisionnement du pays en biens et services d'importance vitale lors des graves pénuries, auxquelles l'économie n'est pas en mesure de remédier par ses propres moyens. Elle n'a aucun rapport direct avec l'ouverture du marché de l'électricité et demeurera valable après l'entrée en vigueur de la LME (concernant les répercussions de l'ouverture du marché de l'électricité sur la sécurité de l'approvisionnement, cf. ch. 137).

En vertu de l'art. 24quater, al. 2, de la constitution (cst.) et de l'art. 4, al. 1, let. d, de la loi du 23 décembre 1959 sur l'énergie atomique (LEA; RS 732.0), l'expor-tation d'énergie produite par la force hydraulique ou nucléaire est soumise à autorisation.

Par là, on a voulu assurer au pays un approvisionnement suffisant en électricité, même en cas de pénurie. C'est ce que garantit aujourd'hui la loi sur l'appro6695

visionnement du pays. Le régime de l'autorisation pour l'exportation de l'électricité est par conséquent dépassé. En-dehors des situations d'urgence, où la loi sur l'approvisionnement du pays s'applique de toute manière, il enfreint en outre les articles XI et XX du GATT. D'ailleurs, l'autorisation d'exporter l'électricité hydraulique n'est plus exigée dans l'arrêté fédéral du 18 décembre 1998 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1999 176). L'art. 24 du projet de LME propose donc l'abrogation pure et simple de cette obligation (mais non du régime de l'obligation concernant la dérivation des eaux vers l'étranger).

La loi sur l'énergie atomique et l'arrêté fédéral du 6 octobre 1978 y relatif (AF LEA; RS 732.01) mériteraient à maints égards une révision. A cela s'ajoute que l'arrêté fédéral expire à la fin de l'an 2000. Par ailleurs, le moratoire appliqué à la construction de centrales nucléaires, accepté par le peuple et la cantons le 23 septembre 1990 (art. 19, dispositions transitoires, cst.), prend également fin en l'an 2000. La procédure de consultation concernant la révision intégrale de la législation sur l'énergie atomique sera donc lancée au cours du second semestre de 1999. Indépendamment de la future libéralisation du marché de l'électricité, ces travaux législatifs s'imposent d'urgence.

Sur le plan législatif, il n'existe aucun lien direct entre la LME et la future loi sur l'énergie nucléaire. Un tel lien apparaît en revanche sur le plan matériel: la politique d'investissement de l'économie électrique subira une modification en profondeur à la suite de la libéralisation du marché. Les installations de production avec un fort apport de capitaux et de long délais d'amortissement (c'est notamment le cas des centrales nucléaires et des centrales hydrauliques) céderont toujours plus la place à des installations nécessitant moins de capitaux (centrales thermiques à gaz ou à vapeur, turbines à gaz, installations à couplage chaleur-force). L'ouverture du marché de l'électricité conduira à une aggravation de la situation économique non seulement dans le domaine des énergies renouvelables, mais aussi dans celui de l'énergie nucléaire. Outre les problèmes d'ordre politique, c'est là une raison importante pour ne pas construire prochainement de centrales nucléaires, même pour remplacer
les installations existantes.

La preuve du besoin en matière de centrales nucléaires vise à empêcher la construction de plus de centrales nucléaires que nécessaire. En principe, il s'agit là d'un élément étranger au marché, car les décisions relatives aux nouvelles capacités de production se prennent au niveau politique et ne sont pas dictées par le marché. Il convient pourtant de remarquer qu'aucun projet de construction de centrale nucléaire ne serait déposé s'il ne présentait pas aussi un intérêt économique. Aujourd'hui, la population concernée n'accepte les nouvelles installations qui si elles sont indispensables; aussi la preuve du besoin a-t-elle tout son sens sur le plan politique. Cela dit, même prouvée, la nécessité d'une installation est loin d'en garantir l'acceptation politique.

Le 17 mars 1997, le Conseil fédéral a publié son message concernant la loi fédérale sur la réduction des émissions de CO2 (FF 1997 III 395). Le projet est actuellement examiné par le Parlement. Il prévoit de ramener les émissions de CO2 à un niveau de 10 % inférieur à celui de 1990, d'ici à l'an 2010. Une taxe n'est envisagée que si les mesures déjà décidées, prévues et volontaires ne permettent pas d'atteindre les objectifs fixés. Cependant, l'introduction d'une telle taxe n'interviendra pas avant l'an 2004 (les deux Chambres ne se sont pas mises d'accord sur la question de savoir qui, du Conseil fédéral ou du Parlement, sera habilité à l'introduire, le moment

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voulu). Qui plus est, le produit de la taxe devra être intégralement restitué à la population et à l'économie.

Grâce à la loi sur le CO2, la Suisse pourra atteindre ses objectifs en matière de réduction du gaz carbonique et respecter les engagements pris à l'échelon international. Si une taxe sur le CO2 devait être introduite, elle modifierait les rapports de concurrence des différents types de production d'électricité en privilégiant les centrales alimentées aux combustibles non fossiles. Cette mesure se justifie tout à fait dans l'optique de la protection du climat; en outre, le renchérissement de l'énergie primaire incite à la recherche d'un degré d'efficacité aussi élevé que possible dans la production d'électricité et à la récupération de chaleur. Par ailleurs, si l'on renonce à remplacer les centrales nucléaires existantes par de nouvelles installations du même type, la taxe CO2 réduira la tentation de leur substituer une production d'électricité par des agents fossiles.

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Responsabilité civile en matière d'ouvrages d'accumulation

En 1995, le DETEC et le DFJP ont mis en consultation un avant-projet de loi fédérale sur la responsabilité civile en matière d'ouvrages d'accumulation13 qui prévoit que la responsabilité civile de l'exploitant d'un tel ouvrage est engagée en cas de dommages causés par le débordement de masses d'eau. Il répond également des atteintes causées par des éléments naturels, des faits de guerre ou par la faute grave d'un tiers. En outre, le propriétaire est tenu de contracter des assurances responsabilité civile privées et de les compléter par une assurance fédérale. Le Conseil fédéral peut prescrire une couverture à concurrence d'un milliard de francs.

L'avant-projet a été largement approuvé lors de la consultation, même si un certain nombre de modifications ont été proposées. Ce sont avant tout les primes d'assurance qui ont suscité des demandes d'éclaircissement. En 1996, le Conseil fédéral a chargé le DETEC de rédiger un message. Entre temps, le DETEC a décidé de modifier par la même occasion la loi fédérale du 22 juin 1877 sur la police des eaux (RS 721.10) et de l'unir aux dispositions relatives à la responsabilité civile pour aboutir ainsi à un seul texte législatif (loi sur les ouvrages d'accumulation). Une deuxième procédure de consultation sera lancée pour ce nouvel avant-projet. Etant donné que les effets économiques produits par les primes de responsabilité civile dépendent dans une large mesure de la nouvelle réglementation du marché de l'électricité, la consultation ne sera lancée qu'une fois adopté le message concernant la LME.

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Rapport avec le droit cantonal

Le projet de LME n'affecte pas les compétences cantonales en matière de production d'électricité (en particulier l'art. 24bis, al. 1, cst.) et de consommation économique et rationnelle de l'énergie (art. 24octies cst.). Conformément à l'art. 24quater, al. 1, cst. (article sur l'électricité), la Confédération a le droit d'édicter des dispositions lé-

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La loi du 18 mars 1983 concernant la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN; RS 732.44) institue déjà la responsabilité causale illimitée pour les dommages nucléaires causés par des installations nucléaires ou par le transport de matières nucléaires.

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gislatives sur le transport et la distribution de l'énergie électrique. Il s'agit d'une simple règle de compétence, qui laisse au législateur une grande marge de manoeuvre pour décider quels objets il entend régler. Cette norme constitutionnelle attribue à la Confédération une compétence étendue, faisant concurrence à celles des cantons. Cela signifie que les cantons peuvent continuer à réglementer certains domaines, pour autant que la Confédération ne fasse pas usage de sa compétence. Dans le cas de la LME, la Confédération exerce sa compétence en vertu de l'art. 24quater, al.

1, de la constitution fédérale, dans la mesure où elle institue une obligation d'acheminement et de rétribution (art. 5 et 6), édicte des dispositions au sujet de la comptabilité (art. 7) et, en particulier, exige la constitution d'une société suisse pour l'exploitation du réseau à haute tension (en règle générale 220­380 kV; art. 8 et 26).

Pour le reste, les cantons conservent leurs compétences, également en matière de transport et de fourniture d'énergie électrique. Il leur est toutefois interdit d'édicter des dispositions restreignant les possibilités du marché définies dans la LME. Les éventuels monopoles de fourniture et obligations d'achat inscrits dans la législation cantonale et qui toucheraient des consommateurs finaux, des producteurs et des entreprises d'approvisionnement éligibles selon la LME (art. 5, al. 1, et 25) seront nuls et non avenus dès l'entrée en vigueur de la loi (art. 3 et art. 2, disp. transitoires cst.)

et doivent par conséquent être abrogés.

Compte tenu de cette répartition des compétences, les cantons peuvent notamment, dans le cadre de la liberté du commerce et de l'industrie, ordonner la création sur leur territoire d'une société cantonale pour l'exploitation des réseaux à basse tension (qui ne relèvent pas de la société suisse pour l'exploitation du réseau). De même, la LME n'empêche aucunement les cantons et les communes d'édicter des dispositions concernant la perception d'un supplément sur le prix de l'électricité au titre des mesures d'économie et des énergies renouvelables ou l'introduction de taxes incitatives sur la consommation d'électricité. Dans ces domaines, les compétences cantonales restent intactes. En vertu de l'art. 15 de la LME, le prix du courant est toutefois soumis,
sans restrictions, à la surveillance des prix, même s'il a été fixé par une autorité législative ou exécutive.

Dans un marché libéralisé, l'acheminement d'électricité par un territoire public (p.ex. pré communal) demeurera considéré comme une forme d'utilisation accrue d'un domaine public. Comme par le passé, les pouvoir publics peuvent octroyer ce droit au moyen d'une concession, et exiger une indemnité (taxe de concession) en contre-partie de cette utilisation particulière (acheminement d'électricité). Dans ce domaine non plus, la LME ne contient aucune disposition restreignant l'autonomie des cantons ou des communes de quelque manière que ce soit. Cela dit, il convient de remarquer que les indemnités (facultatives ou imposées par la loi) versées jusqu'à présent par l'économie électrique seront emises en cause par l'ouverture du marché.

Elles ne pourront être maintenues que si elles sont justifiées et transparentes.

En vertu du droit fédéral, l'attribution de droits d'eau par les cantons ou les communes est régie par les dispositions pertinentes de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH; RS 721.8). Conformément à ces dispositions, les autorités cantonales ou communales sont libres de fixer des conditions générales et des obligations. Ici non plus, la nouvelle loi n'apporte aucune restriction.

Les art. 10 et 28 de la LME contiennent des dispositions relatives au service public.

L'exécution de ces deux articles relève des cantons. Ils peuvent édicter des disposi-

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tions cantonales en la matière ou dans le cadre de la modification ou de l'adaptation des concessions (p.ex. en liant les concessions à des obligations ou conditions).

Enfin, il faut mentionner les législations cantonales et communales relatives aux marchés publics ainsi que l'accord intercantonal du 25 novembre 1994 sur les marchés publics (RS 172.056.4). Aux niveaux cantonal et communal, cette législation vise notamment à encourager la concurrence entre fournisseurs, à garantir l'égalité de traitement et à assurer la transparence et l'utilisation économique des fonds publics. Les centrales électriques (en particulier les entreprises de distribution) de droit public ou d'économie mixte sont soumises à la législation sur les marchés publics pour leurs achats d'électricité. Cela signifie qu'elles sont tenues, pour l'électricité qu'elles peuvent acheter sur le marché ouvert, de respecter les dispositions de la procédure d'adjudication, dans la mesure où les valeurs seuils fixées pour les livraisons et les prestations sont dépassées. Cette procédure relativement compliquée constitue, pour les acteurs de droit public ou d'économie mixte, un sérieux handicap par rapport à la concurrence sur le marché libre. A n'en pas douter, la tendance à la privatisation des centrales électriques publiques n'en sera que plus marquée. Au vu de la réglementation de l'UE, il faut par ailleurs se demander s'il ne conviendrait pas, dans l'accord intercantonal sur les marchés publics, de prévoir des exceptions pour les achats d'électricité.

Dans d'autres domaines aussi, les cantons sont appelés à abroger les dispositions entravant le marché de l'électricité. Il serait par exemple possible d'assouplir les concessions pour l'exploitation de la force hydraulique, de réduire les redevances publiques ou d'abroger les dispositions concernant la livraison d'énergie gratuite ou à prix réduit. Par ailleurs, les cantons ne sont pas tenus d'exploiter intégralement la possibilité d'exiger des droits d'eau de 80 francs prévue par la loi.

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Résultats de la procédure préliminaire

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Travaux préliminaires

Dans le cadre du deuxième train de mesures visant à revitaliser l'économie suisse, le Conseil fédéral a chargé le DETEC d'élaborer un rapport sur les possibilités d'une ouverture du marché dans le domaine des énergies de réseaux. Un groupe de travail composé de représentants de l'administration fédérale, des entreprises d'électricité et des gros consommateurs industriels a donc été constitué. Son rapport «Ouverture du marché de l'électricité» de juin 1995 a été soumis au Conseil fédéral le 22 décembre 1995. Les propositions qu'il contenait ont été approfondies au sein d'un groupe de travail élargi aux cantons, aux petits consommateurs et aux organisations de protection de l'environnement. Entrée en vigueur début 1997, la directive CE sur le marché intérieur de l'électricité a largement influencé les travaux. Les propositions qui en sont sorties ont été publiées en janvier 1997 dans un rapport de l'OFEN intitulé «Ouverture du marché dans le domaine de l'électricité».

Le 25 juin 1997, le Conseil fédéral a pris acte du dit rapport et a chargé le DETEC d'élaborer un projet de loi-cadre sur le marché de l'électricité, fondée sur les principes de la subsidiarité et de la coopération, visant l'ouverture intégrale du marché de l'électricité, de telle sorte que les petits consommateurs aient également accès au réseau.

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Projet mis en consultation

Le 18 février 1998, le Conseil fédéral a chargé le DETEC de soumettre l'avantprojet de LME, assorti d'un rapport explicatif, aux cantons, aux partis politiques et aux associations et organisations intéressées, avec un délai de réponse au 15 mai 1998.

Les principes de la coopération et de la subsidiarité figuraient déjà au centre de cet avant-projet. L'idée était d'ouvrir le marché de l'électricité en prévoyant l'accès réglementé au réseau (Regulated Third Party Access) sur une base contractuelle.

L'ouverture devait se faire par étapes, de telle sorte que neuf ans après l'entrée en vigueur de la loi, le marché suisse de l'électricité soit intégralement ouvert.

Le projet prévoyait la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau de transport. Les exploitants actuels de réseaux de transport disposaient d'un délai de transition de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi pour choisir une solution à leur convenance.

Le projet mis en consultation contenait d'importantes mesures connexes, notamment la priorité accordée à l'électricité produite à partir d'agents renouvelables. Il prévoyait en outre la perception d'augmenter le prix de l'électricité pour compenser ces investissements non amortissables (INA) et pour contribuer au maintien et au renouvellement des centrales hydrauliques.

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Résultats de la procédure de consultation

Le 16 septembre 1998, le Conseil fédéral a pris acte du rapport du DETEC relatif à la procédure de consultation et en a autorisé la publication. Les résultats de la consultation sont brièvement résumés ci-après. Le rapport publié contient des informations plus détaillées.

Sur les 136 destinataires invités à s'exprimer, 98 ont répondu, et 53 autres organismes se sont exprimés spontanément.

La plupart des participants à la consultation ont reconnu la nécessité d'une loi sur le marché de l'électricité. Ils approuvent pratiquement tous l'idée d'une libéralisation du marché suisse. De même, l'objectif consistant à ouvrir intégralement ce marché après une période transitoire, a rencontré une large approbation. Enfin, l'accès réglementé au réseau (Regulated Third Party Access) n'a pas non plus été contesté.

Pour ce qui est de l'évaluation du projet dans son ensemble, les avis étaient néanmoins très partagés. Pour certains, il s'agissait d'une bonne base, d'autres exigeaient qu'il soit entièrement remanié.

La Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie (CDE) a approuvé le projet et l'orientation générale de la LME. Elle a tout particulièrement salué la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau et l'accès au marché des consommateurs finaux (cependant, les entreprises distributrices ne devraient pouvoir accéder qu'après les trois premières années, et suivre ensuite le calendrier prévu par le projet). La CDE aurait préféré que les dispositions relatives à la promotion des énergies renouvelables figurent dans la loi sur l'énergie mais n'est néanmoins pas hostiles à leur intégration dans la LME. En ce qui concerne la compensation des INA, elle a exigé une application restrictive et son remboursement imputé sur d'éventuels gains ultérieurs des centrales.

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Tous les cantons ont approuvé la nécessité d'une loi sur le marché de l'électricité.

Pour ce qui est des modifications à apporter, la plupart ont renvoyé expressément à la prise de position de la CDE ou en ont repris à leur compte tout ou partie de ses exigences. Un groupe de cinq cantons s'est distingué des autres par ses requêtes (ZH, ZG, AI, SG, TG): en tant que loi visant à réglementer le marché, la LME ne devrait pas comporter de dispositions relatives à la promotion des énergies renouvelables ni à la compensation des INA. L'ouverture du marché devrait se faire plus progressivement. La Conférence des gouvernements des cantons alpins a proposé en revanche une ouverture plus rapide au cas où la taxe d'incitation sur les énergies renouvelables serait acceptée, ce qui permettrait la compensation des INA, l'assainissement des installations existantes et l'aménagement écologique des cours d'eau.

Le projet a reçu un accueil très mitigé des partis politiques représentés aux Chambres fédérales. Le PRD l'a rejeté en bloc et exigé qu'il soit remplacé par un arrêté fédéral. C'est dans les rangs du PSS que le projet a trouvé le plus grand soutien; le PDC, le PLS et l'UDC ont demandé qu'il soit remanié à fond. A l'exception du PSS, tous les partis ont rejeté l'idée d'une société suisse pour l'exploitation du réseau; certains d'entre eux ont préféré celle d'un organe de coordination neutre, tel qu'il a été proposé par le secteur de l'électricité. Les mesures connexes étaient très controversées: le PES et le PSS ont approuvé le traitement prioritaire des énergies renouvelables, tandis que le PDC, le PRD, le PLS et l'UDC se sont prononcés contre de telles dispositions promotionnelles. La compensation des INA a trouvé des partisans (PDC, PLS, PSS, UDC) et des opposants (PES, DS). Le PDC et le PSS étaient favorables au rythme d'ouverture du marché, alors que le PLS et l'UDC ont préféré la proposition du secteur de l'électricité (ouverture par étapes sur 10 ans, sans accès au marché des entreprises distributrices au moment de l'entrée en vigueur).

Les organisations économiques ont demandé que le projet soit remanié. Il devrait être allégé; selon les circonstances, un arrêté fédéral pourrait suffire. La plupart des organisations préconisent une loi limitée à la réglementation du marché. Seul un petit nombre
d'entre elles a approuvé les mesures visant à promouvoir les énergies renouvelables ou estimé que le projet n'allait pas assez loin dans ce domaine. Une minorité s'est prononcée en faveur d'une société suisse pour l'exploitation du réseau.

La compensation des INA a trouvé à peu près autant de partisans que d'opposants.

Quant au rythme d'ouverture du marché, il devrait plutôt être accéléré; le Vorort s'est rallié à la proposition du secteur de l'électricité (ouverture par étapes sur dix ans, sans accès au marché des entreprises distributrices au moment de l'entrée en vigueur).

Les organisations techniques et politiques de l'énergie ont pour la plupart exigé que le projet soit remanié à fond. Certains ont même proposé de renoncer à une loi en faveur d'un arrêté fédéral. La moitié environ des organes consultés a regretté que le projet ne prévoie pas une loi se limitant à réglementer le marché. La majorité a rejeté la proposition d'une société suisse pour l'exploitation du réseau, exigeant à sa place un organe de coordination neutre, conformément à l'idée du secteur de l'électricité.

La compensation des INA a trouvé peu d'opposants. L'ouverture du marché devrait se faire selon la proposition commune de la branche.

Parmi les organisations de consommateurs, les représentants des gros consommateurs ont demandé un arrêté fédéral, ou du moins une loi de réglementation du marché. La plupart des autres organisations ont adhéré à l'idée d'une société suisse pour 6701

l'exploitation du réseau. Elles ont également approuvé, avec certaines restrictions, la compensation des investissements non amortissables. L'ouverture plus rapide du marché a été généralement exigée.

Les organisations écologistes ont généralement bien accueilli le projet. Toutes ont approuvé les dispositions visant à promouvoir les énergies renouvelables et la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau. Peu d'entre elles se sont opposées à la compensation des INA qui devrait néanmoins être assortie de certaines restrictions. L'accélération du rythme d'ouverture leur apparaît souhaitable.

En résumé, un participant sur huit préférerait un arrêté fédéral à une loi. Un tiers environ exige une loi cadre allégée de ses éléments étrangers au marché. Environ deux tiers des participants approuvent la création d'une société suisse pour l'exploi-tation du réseau. Le traitement prioritaire des énergies non renouvelables est rejeté par la majorité. Un cinquième des participants refuse toute compensation des investissements non amortissables et un tiers l'assortit de conditions restrictives. Un quart des participants préconise une période de transition plus longue et refuse l'accès au marché des entreprises d'approvisionnement dès l'entrée en vigueur de la loi. En outre, un participant sur sept demande que le rythme d'ouverture soit accéléré.

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Révision du projet mis en consultation

Le 16 septembre 1998, le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la procédure de consultation relative à la LME, et publié le rapport à ce sujet. Le DETEC a été chargé de conduire, avec les principales forces politiques, des entretiens bilatéraux sur les points controversés. Ces entretiens devaient permettre de parvenir à un consensus, notamment en ce qui concerne les mesures connexes, le calendrier d'ouverture du marché et l'accès garanti (société pour l'exploitation du réseau).

Entre fin septembre et début octobre 1998, quatre entretiens ont eu lieu avec les groupes suivants: cantons et Union des villes suisses; Union des centrales suisses d'électricité (UCS); Vorort; organisations écologistes, groupements de consommateurs et organisations syndicales. Un consensus a été obtenu en ce qui concerne la forme (arrêté fédéral ou loi) et la dissolution des rapports contractuels existants. A l'exception de l'UCS, tous les groupes ont accepté la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau. La discussion au sujet de la priorité à accorder aux énergies renouvelables, et plus particulièrement sur le maintien et la rénovation des centrales hydrauliques, s'est reportée sur les projets de taxe sur les agents énergétiques non renouvelables, dont le Parlement débat présentement. Des divergences considérables ont cependant subsisté pour ce qui est du calendrier de l'ouverture du marché et de la compensation des investissements non amortissables.

Se basant sur ces entretiens, le Conseil fédéral, lors de deux séances spéciales les 21 et 28 octobre 1998, a notamment décidé de la suite des travaux législatifs. Ainsi, le projet de loi prévoit la mise sur pied d'une société suisse pour l'exploitation du réseau, mais pas la compensation des investissements non amortissables des centrales nucléaires. (En revanche, le Conseil fédéral a accordé à la centrale nucléaire de Leibstadt une augmentation de capacité de 15 %, et a prolongé jusqu'en 2012 l'autorisation d'exploitation de la centrale de Mühleberg.) Le 27 janvier 1999, en vue de l'ouverture du marché de l'électricité, le Conseil fédéral a décidé de soutenir, à titre de solution transitoire avant une réforme fiscale écologique, l'introduction d'une taxe temporaire sur l'énergie (dont le produit se situerait, selon la commission 6702

du Conseil des Etats, entre 300 et 450 millions de francs). Il ne s'est pas encore prononcé sur l'affectation exacte du produit de cette taxe (utilisation rationnelle de l'énergie, énergies alternatives, renouvellement des centrales hydrauliques, «Joint Implementations»). Le 8 mars 1999, le Conseil fédéral s'est prononcé pour la compensation limitée à certains cas spécifiques des investissements non amortissables dans les centrales hydrauliques.

165

Interventions parlementaires à classer

En adoptant la loi, le Parlement permettra le classement des interventions figurant en tête du message.

La motion «Electricité. Pour une juste réévaluation des droits de passage» (98.3284) est encore pendante (comme elle était combattue, le Conseil national a décidé le 18 décembre 1998 de reporter la discussion). Dans sa prise de position du 4 novembre 1998, le Conseil fédéral a proposé de la transformer en postulat. Cette intervention pourra également être classée si la loi est adoptée.

2

Partie spéciale: commentaire des dispositions

201

Dispositions générales

201.1

Introduction

Le préambule de la LME mentionne les principales attributions de compétence de la nouvelle constitution, approuvée par le peuple et les cantons le 18 avril 1999, qui entrera probablement en vigueur le 1er janvier 2000, c'est-à-dire avant la LME. La constitutionnalité du projet est examinée au point 61.

Tableau 8 Tableau synoptique des bases constitutionnelles de la LME Domaine

a Cst.

n Cst.

Eau Electricité En. nucléaire Energie

24bis, al. 1 24quater, al. 1 24quinquies 24octies

76, al. 1 et 2 91, al. 1 90 89

201.2

But (art. 1)

L'art. 1 formule des objectifs, non des normes de conduite. Sans valeur directement normative, il permet d'interpréter les dispositions matérielles qui suivent.

L'al. 1 précise l'objectif majeur, qui est aussi celui de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité (JO no L 27/20 du 30. 1. 97).

6703

L'institution d'un marché de l'électricité axé sur la concurrence, vise à réduire les prix de l'électricité, relativement élevés en Suisse (surtout dans l'industrie) par rapport à beaucoup d'autres pays.

L'al. 2 fixe les conditions générales de la mise en oeuvre de cet objectif. Il importe en particulier de continuer à garantir un approvisionnement de base sûr et abordable, tout en consolidant la position de force de l'industrie suisse de l'électricité sur le marché européen.

201.3

Champ d'application (art. 2)

Selon l'al. 1, la LME s'applique à l'approvisionnement général du pays, alimenté en courant alternatif 50 Hz. Le système regroupe tant les réseaux de transport (220­380 kV) que les réseaux de distribution à différents niveaux de tension (400 V­160 kV).

La construction, l'exploitation et l'entretien de ces installations se fondent sur la loi fédérale du 24 juin 1902 sur les installations électriques (LIE; RS 734.0) ainsi que sur l'ordonnance du 30 mars 1994 sur le courant fort (RS 734.2).

En vertu de l'al. 2, la LME s'applique aussi à d'autres réseaux électriques si des clients éligibles en sont tributaires ou si le développement technique autorise de nouvelles formes de transport. L'intention est d'ouvrir le marché de l'électricité également aux compagnies ferroviaires. Le Conseil fédéral doit pouvoir régler par voie d'ordonnance l'accès au marché du réseau électrique des chemins de fer, par analogie avec les dispositions s'appliquant à l'approvisionnement général du pays.

Ainsi les compagnies ferroviaires pourront acquérir le courant nécessaire à l'alimentation de leurs réseaux auprès du producteur de leur choix et éventuellement demander son transport par le réseau d'une autre compagnie de chemin de fer.

Le réseau électrique des chemins de fer se compose des conduites et éléments d'installations, reliés entre eux par des liaisons métalliques, nécessaires à l'exploitation d'un chemin de fer électrique. Un tel réseau connecté au-delà des frontières nationales n'existe qu'en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Norvège et en Suède. Il est alimenté en courant alternatif monophasé de 16,7 Hz et se compose des lignes de transport réservées à l'alimentation du réseau électrique ferroviaire (transport d'énergie de traction de la production aux sous-stations), des lignes d'alimentation (qui amènent du courant du réseau d'alimentation générale du pays au chemin de fer) ainsi que des installations de caténaires proprement dites (lignes de contact, câbles porteurs, postes de commande, etc.). En plus de la LIE, l'ordonnance du 5 décembre 1994 sur les installations électriques des chemins de fer (OIEC; RS 734.42) s'applique à la construction, l'exploitation et l'entretien de ces systèmes. Elle s'applique aussi aux nombreux chemins de fer à voie étroite, trams et trolleybus qui marchent au courant continu
de 600 à 1500 volts et qui sont généralement rattachés au réseau d'alimentation générale de 50 Hz par l'intermédiaire des nombreux redresseurs.

La formulation de l'al. 2 permet d'élargir le champ d'application de la LME aux réseaux des chemins de fer, mais aussi à des réseaux d'électricité exploités en courant continu, par exemple à d'éventuels réseaux de transport à haute tension à courant continu. En revanche, les caténaires des entreprises de chemins de fer à voie étroite et des entreprises de transport régionaux n'entrent pas en ligne de compte pour des raisons techniques.

6704

Le Conseil fédéral déterminera dans quels cas l'alimentation d'un consommateur final éligible doit pouvoir passer par le réseau ferré ou par un réseau à courant continu. La construction d'une nouvelle ligne à courant alternatif 50 Hz ne sera envisagée qu'en dernier recours. Tant qu'un réseau ferroviaire ou à courant continu dispose de réserves, son exploitant est tenu d'acheminer le courant pour les consommateurs éligibles en contrepartie de la rétribution prévue à l'art. 6. Cette réglementation est particulièrement importante pour les réseaux ferroviaires. Nombre de chemins de fer privés ne peuvent prélever le courant nécessaire dans certaines régions que sur le réseau des CFF. Ils doivent pouvoir recourir aux réseaux allemand ou autrichien en se servant du réseau de transport des CFF. Par contre, si une conversion de fréquence est nécessaire, elle sera à la charge du consommateur final ou de son fournisseur.

201.4

Collaboration avec l'économie (art. 3)

L'art. 3 formule d'emblée les principes de la coopération et de la subsidiarité qui sous-tendent la loi, mettant en évidence leur importance primordiale. Conformes aux efforts de dérégulation et de revitalisation de l'économie suisse, ces deux principes ont déjà fait leur entrée dans la législation avec la révision, entrée en vigueur le 1er juillet 1997, de la loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01), avec la loi du 26 juin 1998 sur l'énergie (LEne; RS 730.0) et avec le projet de loi sur le CO2 (FF 1997 III 395), qui se trouve au stade de l'élimination des divergences.

L'al. 1 établit le principe de la coopération. La Confédération et les cantons travaillent conjointement avec les organisations de l'industrie à l'exécution de la loi.

Au premier plan figure la collaboration avec l'Union des centrales suisses d'électricité (UCS), qui a déjà commencé lors de la préparation du présent projet. La Confédération et les cantons doivent évidemment collaborer avec d'autres organisations touchées, comme les groupements de consommateurs (ménages, gros consommateurs industriels). L'art. 23, al. 5, autorise expressément le Conseil fédéral à associer des organisations privées à l'exécution de la loi.

L'al. 2 établit la primauté des interventions privées sur celles des pouvoirs publics (subsidiarité). Cela concerne aussi bien les cantons que la Confédération. En effet, il s'agit ici d'une loi-cadre qui fixe les jalons nécessaires à l'ouverture du marché de l'électricité et en définit les conditions générales. Dans la mesure du possible, on a évité de préciser les détails de l'instauration du marché et de la concurrence dans le domaine de l'électricité. A l'heure actuelle, il est probable que l'industrie de l'électricité les réglera volontairement, par des conventions privées: il pourra s'agir de conventions internes à la branche (p.ex. sur une formule de calcul des coûts selon l'art. 6, al. 3, ou sur la tenue des comptes selon l'art. 7, al. 2). Dans la mesure où ces conventions respectent les principes de la LME, la Confédération et les cantons sont tenus de les reconnaître et de les reprendre, le cas échéant, dans leur législation d'exécution. Si les intéressés ne parviennent pas à s'entendre dans un délai utile sur une solution appropriée, le Conseil fédéral et les cantons
édicteront les prescriptions nécessaires (cf. art. 26, al. 1, dernière phrase). Ils peuvent également reprendre entièrement ou partiellement des conventions qui, tout en correspondant aux objectifs de la loi, ne couvriraient pas l'ensemble de la profession. Les acteurs du marché qui trouvent de bonnes règles d'exécution seront ainsi récompensés. Du même coup, le

6705

champ d'application de ces règles s'étendra aux acteurs n'ayant pas adhéré aux conventions («free riders»).

201.5

Définitions (art. 4)

Les définitions correspondent dans la mesure du possible aux formulations de la directive CE concernant le marché intérieur de l'électricité. Seuls sont définis des mots qui apparaissent dans la partie matérielle du projet. Conformément à l'usage, les mots courants dans la branche et dans la directive figurent au masculin seulement.

On entend par «producteurs d'électricité» (let. b) les personnes physiques ou morales qui se bornent à produire du courant sans posséder de réseau de transport et de distribution. Toutefois, la définition n'exclut pas qu'une telle entreprise exerce d'autres activités, en-dehors du secteur de l'électricité (p. ex. l'exploitation d'une usine ou d'une entreprise de services).

Le «réseau de distribution» (let. g) comme le «réseau de transport» (let. f) sont des réseaux à haute tension, au sens technique du terme. Le second (appelé aussi réseau interconnecté) sert sur les grandes distances et fonctionne généralement sous 380/220 kV. La question de savoir si un tronçon s'y rattache ne doit pas se résoudre au seul niveau de tension, mais aussi à sa fonction (le transport d'électricité sur grande distance). Quant aux réseaux de distribution, ils présentent en règle générale trois niveaux de tension: les lignes du domaine de tension de 160/30 kV assurent la distribution entre régions et les lignes du domaine de tension de 30/9 kV, à l'intérieur d'une région. Les lignes du domaine de tension de 400 V servent à la répartition fine dans un rayon de quelques centaines de mètres. On trouve des consommateurs finaux à tous les niveaux, les gros consommateurs sont fréquemment au niveau 30/9 kV, les ménages et nombre d'autres clients à 400 V.

202

Obligation d'acheminer, rétribution et comptabilité

202.1

Obligation d'acheminer (art. 5)

L'art. 5 est l'un des pivots de la loi. C'est en effet la disposition qui va permettre à des tiers d'accéder au réseau sur une base contractuelle («Regulated Third Party Access»; cf. solution N2, fig. 11). Ainsi, certaines personnes physiques ou morales (cf.

al. 1, let. a à c) se trouvant à l'intérieur ou à l'extérieur de l'aire couverte par le réseau y auront accès14 et pourront passer des contrats de livraison ou d'acquisition sur la base de conventions commerciales volontaires (art. 17, al. 1, directive CE sur le marché intérieur de l'électricité). La législation actuelle ne connaît pas ce droit d'accès au réseau électrique. Tout au plus la loi sur les installations électriques prévoit-elle le droit d'expropriation pour le transport d'électricité sur une installation existante (art. 43, al. 2), un droit dont il n'a pratiquement jamais été fait usage

14

Concernant l'accès au réseau en vertu de la loi sur les cartels («Essential Facility Doctrine»), cf. ch. 141.

6706

par le passé. En revanche, la loi fédérale du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC; RS 746.1) prévoit bel et bien, pour les tiers, un droit d'accès négocié au réseau (art. 13, al. 1).

L'al. 1 concerne les exploitants de réseaux de transport et de distribution. Obligation leur est faite d'accepter dans certaines conditions le passage, par leur réseau, de courant appartenant à des tiers éligibles. L'opération doit être négociée sur une base contractuelle selon des critères objectifs, non discriminatoires. Cette même disposition précise qui est autorisé à faire usage du droit au transport d'électricité (let. a à c). Le degré d'ouverture du marché doit s'accroître progressivement en Suisse, à l'image de ce que prévoit la directive CE. A l'issue d'une période transitoire, tous les consommateurs devraient avoir accès au marché. L'ouverture progressive est fixée à l'art. 25 (disposition transitoire).

En vertu de la let. a et de l'art. 25, al. 1, let. a, le consommateur final dont la consommation annuelle par site de consommation dépassera 20 GWh à l'entrée en vigueur de la loi, production en régie comprise, pourra exiger l'acheminement d'électricité. Dans l'optique de l'ouverture progressive, l'art. 25 fixe un rythme de progression selon lequel six ans après l'entrée en vigueur de la loi, tous les consommateurs finaux auront droit à la prise en charge d'électricité.

En vertu de la let. b, tout producteur d'électricité a droit à l'acheminement en vue d'alimenter des consommateurs éligibles. Est réputé producteur d'électricité une personne physique ou morale qui possède des installations de production, mais non de transport et de distribution de courant (cf. art. 4, let. b). Ce sont aujourd'hui quelque 80 entreprises, dont des entreprises partenaires ayant la personnalité juridique; à cela il faut ajouter de nouvelles installations décentralisées, par exemple de petits aménagements hydrauliques ou des centrales installées dans des entreprises.

En vertu de la let. c, les entreprises d'approvisionnement d'électricité ont aussi un droit à l'acheminement de courant. L'art. 17, al. 1, de la directive CE prévoit expressément la possibilité d'accès pour ces entreprises. Dans notre pays, ce droit est limité (art. 25, al. 1, let. b) à 10 % du volume des ventes directes à des
clients captifs et à hauteur des fournitures à des clients finaux dont la consommation annuelle dépasse 20 GWh. Les entreprises d'approvisionnement ont en outre un droit d'acheminement au prorata de leurs fournitures à d'autres entreprises du même type. Au cours des années suivantes, l'accès de ces entreprises (et avec lui l'ouverture du marché) s'élargira progressivement, de telle sorte que six ans après l'entrée en vigueur de la loi, elles disposeront aussi du droit d'acheminement illimité.

Selon l'al. 2, l'acheminement par le réseau de transport n'est obligatoire que s'il ne constitue pas un danger pour l'exploitation du réseau et la sécurité d'approvisionnement du pays. La charge de la preuve incombe à l'exploitant du réseau, qui doit faire valoir par écrit les raisons éventuelles qui s'opposent à l'acheminement.

Cette disposition s'impose en particulier du fait de la position centrale de la Suisse dans le réseau interconnecté européen: il faut éviter que le transit de frontière à frontière mette en péril la sécurité d'approvisionnement du pays. C'est aussi le sens de la directive du conseil du 29 octobre 1990 sur le transit de fournitures d'électricité par des grands réseaux (90/547/CE), qui prévoit à l'art. 3, al. 2, que les conditions de transit ne doivent pas causer de tort à la sécurité d'approvisionnement et à la qualité du service.

6707

Selon l'al. 3, l'acheminement par le réseau de distribution n'est obligatoire que s'il reste des capacités disponibles sur ce réseau une fois desservie la clientèle propre de l'exploitant. Les capacités peuvent se trouver réduites par les besoins de transport de courant issu des centrales de l'exploitant (ou d'entreprises filiales ou partenaires) ou acheté pour servir la clientèle: peu importe la provenance, ce qui compte, c'est que l'exploitant réponde aux engagements pris avant d'ouvrir son réseau à des tiers.

L'exploitant ne doit évidemment pas faire état de besoins fictifs de la clientèle aux fins d'éliminer la concurrence sous prétexte d'insuffisance de capacités. Ce serait contraire à l'art. 5, qui exige la prise en charge sans discrimination, et cela justifierait un recours devant la commission fédérale d'arbitrage (art. 13 ss). Là encore, la charge de la preuve incombe à l'exploitant du réseau, qui doit faire valoir par écrit les raisons éventuelles qui s'opposent à l'acheminement.

L'art. 8 du projet prévoit la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau de transport. L'al. 3 précise que cette société ne peut exercer aucune activité dans les domaines de la production et de la distribution de courant, ni détenir des participations à cet effet («unbundling»: compartimentation juridique et organisationnelle15). Il en résulte que la société pour l'exploitation du réseau ne peut disposer d'électricité pour alimenter ses propres clients. Un délai de transition de trois ans est cependant prévu pour la création de cette société (art. 26, al. 1). En attendant, les exploitants des réseaux de transport ne sont pas tenus à l'unbundling. Il ne leur est donc pas interdit d'exercer des activités de production et de distribution, mais à condition de tenir pour elles des comptabilités séparées, conformément à l'art. 7, al.

1. Voilà pourquoi l'art. 26, al. 2, précise que jusqu'à la création d'une société suisse pour le réseau, l'art. 5, al. 3, s'applique également à l'exploitation du réseau de transport.

Selon l'art. 4, le Conseil fédéral fixe notamment les critères d'un acheminement non discriminatoire. Il convient en effet d'éviter que les exploitants de réseaux (notamment de distribution) abusent de leur monopole et se livrent à des pratiques d'exclusion. L'accès est non discriminatoire
s'il ouvre le marché de l'électricité aux consommateurs, producteurs et entreprises de distribution de courant selon des critères objectifs assurant l'égalité devant la loi.

202.2

Rétribution de l'acheminement (art. 6)

Les principes de rétribution inscrits à l'art. 6 sont le corollaire de l'obligation, prévue à l'art. 5, d'assurer l'acheminement de l'électricité.

Selon l'al. 1, la rétribution est calculée en fonction du coût de l'exploitation du réseau. Il faut fixer le niveau maximal de la rétribution, parce que les réseaux de transport et de distribution continueront de bénéficier du monopole, lorsque le marché sera ouvert. Afin d'empêcher que ce monopole de fait ne conduise à des entraves à la concurrence et à des abus, il faut établir des principes applicables à tous les ayantdroit, quant au calcul de la rétribution. Dans le calcul des coûts effectifs de l'opération, on tiendra compte en particulier de la gestion du réseau, de la constitution de réserves, de l'entretien, de la rénovation et du développement du réseau, ainsi que des intérêts et de l'amortissement du capital investi. Le calcul doit prendre en compte les quantités d'énergie acheminée. Par ailleurs, seules les dépenses vérita15

Personnalité juridique autonome, ayant sa propre organisation

6708

blement nécessaires à une bonne exploitation du réseau doivent être compensées. Il ne faut pas que l'exploitant puisse constituer des surcapacités et en imputer les coûts aux ayant-droit. Les intérêts et l'amortissement comprennent un bénéfice approprié, notamment pour financer la rénovation et le développement des réseaux. La liste des coûts à prendre en considération n'est pas exhaustive. Les coûts nécessaires à l'exploitation englobent aussi les redevances prescrites par le législateur cantonal ou communal, telles que les taxes de concession pour l'utilisation du domaine public, les contributions au fonds cantonal de compensation au sens de l'art. 7, al. 7, ou encore les redevances destinées au financement de mesures politiques telles que les conseils en matière d'énergie.

Selon l'al. 2, le Conseil fédéral peut formuler les principes régissant le calcul des rétributions prévues à l'al. 1 (mode d'amortissement, constitution de réserves pour la construction et l'entretien des lignes, intérêts, etc.). Il importe de garantir la transparence et le respect du principe du pollueur-payeur. Les coûts de l'approvisionnement en électricité doivent être vraiment imputés à ceux qui les causent.

L'al. 3 établit le principe de la solidarité des prix pour un niveau donné du réseau, en exigeant que l'acheminement d'électricité au même niveau de tension sur un réseau donné soit facturé au même prix, indépendamment de la distance. Le principe répond à un souci de politique régionale qui veut que tous les consommateurs finaux d'une région déboursent la même somme pour l'acheminement de leur électricité.

Ainsi les coûts du réseau seront répartis sur le plus grand nombre possible de consommateurs finaux (pour les effets de politique régionale, cf. ch. 136). La fragmentation du réseau en petites, voire très petites unités (p. ex. communes) serait peu judicieuse sur les plans technique et administratif.

Selon l'al. 4, les exploitants de réseaux établissent un schéma uniforme pour le calcul des coûts, afin de faciliter le travail. Ce schéma permettra un calcul simple et transparent de la rétribution due pour l'utilisation du réseau, concrétisant les principes prévus à l'art. 6. Les exploitants disposent ainsi de la possibilité d'établir euxmêmes une formule à laquelle ils adhéreront tous, conformément aux principes
de la coopération et de la subsidiarité inscrits à l'art. 3. Si aucun accord n'est trouvé sur le calcul des coûts ne se fait pas ou si le schéma prévu ne correspond pas aux principes de l'art. 6, le Conseil fédéral peut édicter les dispositions nécessaires. Au cas où quelques exploitants seulement ne voudraient pas se tenir à un schéma qui remplirait les conditions énoncées à l'art. 6, le Conseil fédéral peut aussi reprendre ce schéma dans la législation d'exécution (art. 3, al. 2), et le déclarer contraignant. Cependant, l'art. 23, al. 3, l'oblige à entendre au préalable les cantons, l'industrie de l'électricité et les organisations de consommateurs.

202.3

Comptabilité (art. 7)

Pour éviter les discriminations, les subventions croisées et les distorsions de concurrence, l'art. 7 exige des entreprises opérant dans la production, le transport ou la distribution d'électricité qu'elles tiennent des comptabilités séparées («unbundling comptable»). Jusqu'à la création d'une société suisse l'exploitation du réseau (art.

26, al. 1), cette disposition s'applique aussi aux exploitants actuels des réseaux de transport. La séparation comptable sera introduite dès l'entrée en vigueur de la loi; les entreprises d'approvisionnement concernées devraient s'y préparer.

6709

Selon l'al. 1, ces entreprises sont tenues d'établir, dans leur comptabilité, des comptes séparés pour la production, le transport et la distribution d'électricité ainsi que pour leurs autres activités. L'art. 14, al. 3, de la directive CE précise qu'elles doivent le faire comme si les activités en question étaient exercées par des entreprises distinctes. Les comptes annuels doivent présenter des bilans et des comptes de résultats séparés et être publiés. Concernant les éléments constitutifs de ces pièces et leur structure minimale, les dispositions pertinentes du code des obligations s'appliquent, notamment les art. 663 et 663a. Conformément à l'art. 14, al. 3, de la directive CE, les bilans et les comptes de profits et pertes peuvent figurer dans l'annexe des comptes annuels.

L'al. 2 prévoit que les entreprises concernées élaborent un règlement sur la comptabilité ainsi que sur les éléments constitutifs et la forme des comptes annuels. Le cas échéant, elles devront prendre en considération les normes et recommandations formulées par des organisations internationales (p.ex. les recommandations techniques sur l'établissement des comptes, FER, ou l'International Accounting Standard IAS), si celles-ci satisfont aux exigences de la présente loi en matière de trans-parence. Il importe toutefois de ne pas pénaliser les entreprises d'approvision-nement en électricité par rapport à leurs concurrents étrangers, d'où la nécessité de ne pas aller plus loin, dans ce domaine, que les autres pays européens. Au besoin, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la com-munication (DETEC) peut édicter des dispositions concernant la comptabilité (art. 7, al. 2, dernière phrase), conformément au principe de subsidiarité (art. 3, al. 216). Toutefois, l'art. 23, al. 3, l'oblige à entendre les cantons, l'industrie de l'électricité et les organisations de consommateurs avant d'édicter un tel règlement.

203

Exploitation du réseau

203.1

Société suisse pour l'exploitation du réseau (art. 8)

L'al. 1 prévoit qu'une société suisse de droit privé pour l'exploitation du réseau exploite le réseau de transport sur tout le territoire. En vertu de l'art. 26, al. 1, LME, les exploitants actuels de réseaux de transport ont un délai de trois ans pour constituer cette société. Sont avant tout concernées les six grandes compagnies nationales Aare-Tessin AG für Elektrizität (ATEL), Nordostschweizerische Kraftwerke AG (NOK), Centralschweizerische Kraftwerke AG (CKW), SA l'Energie de l'OuestSuisse (EOS), BKW FMB Energie SA et Elektrizitätsgesellschaft Laufenburg AG (EGL), ainsi que les Services industriels de la Ville de Zurich (EWZ). Le réseau de transport ne se définit pas seulement par la tension (généralement 380/220 kV), mais aussi par sa fonction (transport d'électricité à grande distance). La société pour l'exploitation du réseau peut donc regrouper également les exploitants de réseaux de tension inférieure. En revanche, il n'est pas question àl'heure actuelle d'inclure le réseau de transport des CFF, exploité au courant alternatif monophasé de 16,7 Hz (cf. art. 2, al. 2).

16

Le cas échéant, il faudrait prendre en compte des prescriptions figurant dans la loi sur la comptabilité et la révision, dont le projet est en préparation et a été soumis à la consultation au début de 1999.

6710

La création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau est indispensable à la réalisation d'un véritable marché de l'électricité. En effet, les exploitants actuels de réseaux de transport sont en général des entreprises d'approvisionnement intégrées verticalement, ce qui veut dire qu'outre le transport de courant, ils en assurent aussi la production ou la distribution. Lorsque c'est le cas, les exploitants des réseaux de transport sont favorisés par rapport à la concurrence sur un marché ouvert. Ils bénéficient en particulier de la priorité d'accès au réseau pour l'alimentation de leur clientèle (cf. art. 5, al. 3). Dès lors, la concurrence pourrait être faussée. La création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau simplifiera les démarches administratives liées au transport d'électricité et clarifiera les responsabilités dans ce domaine. Quant aux ayant-droit, ils auront affaire à un partenaire unique au lieu de plusieurs exploitants de réseaux. Enfin, il faut qu'en cas de capacité insuffisante, un organe central neutre décide d'une éventuelle extension du réseau, là où plusieurs sociétés opérant côte à côte risqueraient de tenir à distance un concurrent redouté en renonçant à une extension.

L'industrie de l'électricité entend mettre sur pied de sa propre initiative un service de coordination privé et indépendant, sorte de bureau de voyage. C'est une intention méritoire. Ainsi, le consommateur final éligible ne devrait s'adresser qu'à un seul service. Celui-ci l'informerait des offres du moment et lui donnerait la possibilité de passer directement contrat pour la fourniture d'électricité. Cependant, ce service devrait être en mesure de vérifier les conditions techniques et les capacités, de déterminer les prix et d'assumer des engagements contractuels au nom des propriétaires de lignes concernés. Il devrait respecter les principes de l'indépendance, de l'objectivité, de la transparence, de la non-discrimination et de la confidentialité.

Rien n'interdirait de le maintenir après la création de la société suisse pour l'exploitation du réseau.

En vertu de l'al. 2, le Conseil fédéral peut accorder à la société suisse pour l'exploitation du réseau le droit d'expropriation. Cette société ne doit cependant pas nécessairement devenir propriétaire des infrastructures (notamment des
réseaux de transport). Il est pensable qu'elle se contente de les louer pour les exploiter. Si toutefois elle était obligée de les acquérir, le Conseil fédéral peut lui donner le droit d'expropriation.

En vertu de l'al. 3, la société suisse pour l'exploitation du réseau ne peut exercer aucune activité relevant de la production ou de la distribution d'électricité, ni détenir des participations dans des entreprises de ces secteurs (dissociation juridique et organisationnelle). Elle ne peut donc ni produire, ni distribuer de l'électricité. Cette précaution est nécessaire pour éviter la discrimination, les subventions croisées et les distorsions de la concurrence. Elle garantit aussi, conformément à la directive CE, qu'à part les informations nécessaires l'activité de la société pour l'exploitation du réseau, cette dernière n'échange pas d'autres données avec les entreprises d'approvisionnement. Cependant, la société peut acquérir et fournir de l'électricité dans la mesure où son fonctionnement l'exige (p. ex. pour la gestion du réseau). Elle doit alors acheter le courant nécessaire à cette fin (p. ex. chez l'exploitant d'une centrale à accumulation ou dans une «bourse de régulation») sans exploiter pour autant une centrale qui lui appartiendrait.

6711

203.2

Tâches des exploitants de réseaux (art. 9)

Les tâches énumérées à l'al. 1 concernent les exploitants des réseaux de distribution et des réseaux de transport (société suisse pour l'exploitation du réseau). La liste n'est pas exhaustive. Il s'agit des tâches principales, qui figurent également dans la directive CE aux chapitres IV (Exploitation du réseau de transport) et V (Exploitation du réseau de distribution). L'impératif de neutralité oblige ces exploitants à traiter confidentiellement les informations sensibles concernant l'acheminement auxquelles ils ont accès dans l'exercice de leur activité. L'existence d'un réseau sûr, fiable et performant (let. a) implique la coordination spatiale des projets de transformation et d'extension dans le respect des autres intérêts publics. La future loi sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (cf. ch.

146), en discussion au Parlement, prévoit que si une extension du réseau entraîne des effets notables sur le territoire et l'environnement, elle doit faire l'objet d'une procédure touchant les plans sectoriels, conformément à la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).

Le projet ne fait pas état de suites juridiques pour le cas où les responsables négligeraient les tâches prévues à l'al. 1. On pourrait envisager des dispositions pénales ou l'exécution par substitution. Etant donné les difficultés d'application et les problèmes politiques que cela poserait, le présent projet y renonce.

L'al. 2 prévoit que les exploitants publient les indemnités fixées pour l'utilisation des réseaux ainsi que les exigences minimales concernant le raccordement d'installations productrices d'électricité et autres, cela pour des motifs de transparence et pour faciliter les négociations sur l'accès au réseau. La nécessité de transparence est un principe établi à l'art. 16 de la directive CE, tandis que l'art. 17, al. 4, exige expressément la publication des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution là où la préférence est donnée au système de l'accès réglementé. Enfin l'art. 7, al. 2, de la directive prescrit la publication des exigences techniques minimales de conception et d'exploitation du réseau de transport. Par souci d'égalité de traitement, le projet de loi étend cette obligation aux exploitants des réseaux de distribution.

204

Garantie des raccordements (art. 10)

Aux termes de l'art. 1, la loi créer un marché de l'électricité axé sur la concurrence et notamment assurer l'approvisionnement fiable et avantageux en électricité. L'art.

10 décrit les obligations qui en découlent, pour les entreprises d'approvisionnement et de distribution, dans leur aire de desserte. Ces obligations ne sont pas limitées dans le temps et elles subsisteront au-delà des délais transitoires fixés à l'art. 25.

L'art. 28, quant à lui, comporte des obligations de service public qui s'éteindront dès l'ouverture intégrale du marché. L'exécution de l'art. 10 et de l'art. 28 (art. 23, al. 1) incombe aux cantons. Ils peuvent aussi prendre les mesures nécessaires pour assurer l'approvisionnement sur leur territoire.

Aux termes de l'al. 1, les cantons fixent les aires de desserte des entreprises d'approvisionnement opérant sur leur territoire. L'aire de desserte recouvre en principe la zone géographique où les consommateurs finaux sont raccordés au réseau d'un exploitant déterminé. En vertu de la répartition actuelle des compétences, les cantons

6712

peuvent désigner de telles zones en réglementant la compétence des exploitants de réseaux pour y distribuer l'électricité aux consommateurs finaux (cf. ch. 15).

L'al. 2 prévoit l'obligation de raccordement. Tout producteur et tout consommateur d'électricité a le droit d'être raccordé au réseau de transport et de distribution. C'est le préalable technique à la possibilité d'approvisionner le consommateur d'électricité (sur l'obligation de desservir les clients captifs, cf. art. 28, al. 1, let. a). Sont réservées les dispositions fédérales, cantonales et communales qui interdisent ou soumettent au régime de l'autorisation le raccordement de certaines installations électriques, notamment pour des raisons de sécurité ou de politique énergétique (p. ex. le raccordement du chauffage électrique fixe).

Selon l'al. 3, les cantons peuvent prévoir des dispositions particulières en particulier sur le raccordement en-dehors des zones urbanisées et les coûts de raccordement.

Cela englobe les dispositions sur les taxes de raccordement ainsi que sur la procédure de droit public applicable en cas de litige relatif au raccordement obligatoire.

Cette disposition permet aux cantons de prévoir des exceptions au raccordement obligatoire, par exemple dans des zones éloignées de tout où l'installation coûterait exagérément cher et où on peut attendre des habitants qu'ils supportent la charge d'un équipement assurant la couverture de leurs besoins d'électricité. La zone urbanisée est généralement moins étendue que l'aire de desserte d'une entreprise d'approvisionnement. Elle englobe les zones à bâtir ainsi que les extensions de ces zones selon le plan directeur du canton. Les cantons peuvent aussi faire en sorte que des taxes prohibitives ne viennent pas vider de sa substance le principe de l'accès non discriminatoire au réseau.

L'al. 4 attribue aux cantons la compétence d'obliger les entreprises d'approvisionnement opérant sur leur territoire à desservir des consommateurs même en-dehors de leur aire spécifique. Il faut en effet garantir un approvisionnement en électricité jusque dans les régions peu intéressantes sur le plan économique (p. ex. les vallées éloignées) et les cantons doivent pouvoir prendre des mesures pour les régions «orphelines». Cette disposition restera en vigueur au-delà de la période transitoire
demeurera sans doute valable lorsque le marché sera totalement ouvert. Les cantons peuvent par exemple prendre une décision contraignant une entreprise d'approvisionnement à accorder des raccordements en-dehors de leur aire de desserte. Cette décision ne doit pas violer le principe de proportionnalité (let. a et b). L'obligation se justifie si aucune autre forme d'approvisionnement n'est possible ou n'est supportable économiquement (l'autoapprovisionnement, p. ex., est extrêmement onéreux) et à condition que l'entreprise concernée ait les moyens techniques, l'organisation et le poids économique nécessaires pour y répondre.

205

Relations internationales

205.1

Acheminement transfrontalier (art. 11)

L'art. 11 évoque la réciprocité avec d'autres Etats. En règle générale, l'acheminement transfrontalier se fonde sur les engagements internationaux de la Suisse, tels que le GATT de 1994, le traité de libre-échange Suisse-CE de 1972 ainsi que le traité de 1994 sur la charte de l'énergie. L'art. 11 prévoit que le Conseil fédéral peut refuser l'acheminement transfrontalier à des entreprises étrangères si la réciprocité n'est pas accordée (le transit n'est pas concerné). La compétence donnée au Conseil

6713

fédéral de fermer le marché suisse à certaines entreprises étrangères joue un rôle préventif, tout en exerçant une pression sur l'Etat étranger pour qu'il rétablisse une situation de droit. Une disposition analogue figure à l'art. 23, al. 2, de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC; RS 784.10).

Dans l'optique du GATT, l'électricité est une marchandise, dont le commerce relève des dispositions de l'accord de 1994. Tant la Suisse que l'UE ont ramené à zéro, à l'enseigne de l'Organisation mondiale du commerce, leurs droits de douane dans ce domaine. En vertu de l'article III (traitement des ressortissants du pays), le courant étranger ne doit pas être défavorisé par rapport au courant indigène. Toute réglementation doit donc prévoir leur égalité de traitement. En outre, le principe de la nation la plus favorisée veut que des courants en provenance de différents pays soient traités sur un pied d'égalité (à l'exception des échanges p. ex. à l'intérieur d'une zone de libre-échange, selon l'art. XXIV GATT 1994). L'application de la clause de réciprocité pourrait éventuellement violer le principe de la nation la plus favorisée et causer des difficultés à la Suisse au sein de l'OMC, si un membre de cette organisation voulait mettre en cause le comportement de notre pays. De plus, selon l'article XI (élimination générale des restrictions quantitatives), l'importation de marchandises ne doit pas se heurter à des interdictions ou à des limitations sous forme de contingents ou d'autres mesures.

Une clause de réciprocité figure également dans la directive CE. Elle ne s'applique toutefois qu'entre Etats membres de l'UE, car les relations avec des pays tiers ne font pas l'objet de cette directive. Certes, le traité CE ne lui attribue aucune compétence spécifique en matière d'énergie. La Communauté revendiquera toutefois une compétence au moins partielle à conclure des accords en vertu de la pratique constante de la Cour de justice européenne, qui veut que la Communauté puisse conduire des négociations avec des pays tiers dans un domaine qui, sans être couvert explicitement par une attribution figurant dans le traité, est cependant réglementé par le droit intérieur dérivé (arrêt AETR du 31 mars 1971, Rs. 22/70, Slg. 1971, p. 263).

En outre, la directive CE se fonde sur les compétences à réaliser
le marché intérieur et à coordonner les prescriptions juridiques et administratives des Etats membres dans le domaine de la liberté de prestations.

Le 23 juin 1998, lors d'un entretien entre le directeur compétent pour les questions d'énergie de la Commission européenne et les représentants des offices fédéraux des affaires économiques extérieures, de l'économie des eaux et de l'énergie, la question de la réciprocité au sein de l'UE et avec la Suisse a été soulevée. Depuis cette date, les échanges transfrontaliers d'électricité sont à l'ordre du jour des entretiens bilatéraux qui se poursuivent à l'échelon des experts.

205.2

Accords internationaux (art. 12)

L'art. 12 prend en compte l'importance croissante du secteur de l'électricité sur le plan international. Une disposition analogue figure à l'art. 64 de la loi sur les télécommunications.

L'al. 1 habilite le Conseil fédéral à conclure des accords internationaux sur des objets transfrontaliers qui entrent dans le champ d'application de la loi. Le Parlement est donc déchargé de l'adoption de chaque accord.

6714

En vertu de l'al. 2, le Conseil fédéral peut déléguer à l'Office fédéral de l'énergie la compétence de conclure des accords portant sur des questions administratives ou techniques, conformément à la pratique actuelle en la matière (cf. JAAC 51 1987, p.

400).

206

Commission d'arbitrage

206.1

Choix, composition et organisation (art. 13)

La LME institue une commission fédérale d'arbitrage (commission). Selon l'al. 1, le Conseil fédéral en élit les membres et nomme la présidence. Il veille à assurer une représentation paritaire. Ainsi la commission devra réunir non seulement des spécialistes de la production, du transport et de la distribution d'électricité, mais aussi des personnes ayant l'expérience de la défense des consommateurs. L'indépendance des experts garantira que leur activité se fonde essentiellement de critères techniques et objectifs.

L'al. 2 précise que la commission d'arbitrage doit être indépendante des autorités administratives, mais qu'elle sera rattachée au DETEC sur le plan administratif. Le cadre institutionnel de cet organe est pratiquement semblable à celui de la commission de la concurrence (art. 18 ss, loi sur les cartels), dans la mesure où cela se justifie objectivement. Sa subordination au DETEC est purement administrative et ne modifie en rien son indépendance en ce qui concerne les décisions qu'elle prend et les instructions qu'elle donne.

Selon l'al. 3, la commission dispose de son propre secrétariat. Celui-ci prépare les décisions, assume les tâches administratives et sert en même temps de permanence.

Il serait possible de le rattacher au secrétariat général du DETEC ou à l'OFEN. Concernant la désignation de secrétariat et la perception d'émoluments, les art. 11 et 26 de l'ordonnance du 3 février 1993 concernant l'organisation et la procédure des commissions fédérales de recours et d'arbitrage (RS 173.31) sont applicables.

Comme pour le secrétariat de la commission de la concurrence, ces rapports de service du personnel seront régis par la législation applicable au personnel de l'administration fédérale.

Le Conseil fédéral exerce la surveillance administrative des activités de la commission. Il approuve, selon l'al. 3, le règlement d'organisation et les tâches, et il prend connaissance du rapport d'activité annuel (art. 14, al. 4).

206.2

Tâches (art. 14)

L'al. 1 fixe comme tâche unique de la commission d'arbitrage le règlement des litiges concernant l'acheminement d'électricité et sa rétribution (art. 5 et 6). Elle devra donc intervenir sur plainte et décider si l'exploitant d'un réseau de transport ou de distribution a refusé à juste titre la prise en charge d'électricité en arguant du manque de capacité (art. 5, al. 3). Le litige pourrait porter aussi sur le droit d'accès au réseau, pour une personne désirant faire transporter de l'électricité (art. 5, al. 1, let. a à c). Enfin les attributions de la commission lui permettent de se prononcer également en cas de litiges sur le montant de la rétribution de l'acheminement (art. 6).

Comme il faut éviter de retarder inutilement l'ouverture du marché, par des procédu6715

res concernant le droit à l'acheminement ou le montant réclamé, notamment au moment de l'entrée en vigueur de la loi, la commission peut également fixer à l'avance (c.-à-d. avant la décision matérielle et le prononcé d'un jugement passé en force) le droit et le montant faisont l'objet du litige. Elle doit publier ses décisions, conformément à l'art. 13 de l'ordonnance du 3 février 1993 concernant l'organisation et la procédure des commissions fédérales de recours et d'arbitrage (RS 173.31). En revanche, les litiges liés aux contrats d'acheminement eux-mêmes (p. ex. en cas de non-paiement de la rétribution convenue) sont du ressort des tribunaux civils (art. 16, al. 4).

Selon l'al. 2, la commission n'est pas liée, dans ses décisions, par des directives du Conseil fédéral et du département. En cas d'abus sur les prix, elle doit, selon l'al. 3, demander l'avis de la surveillance des prix, qui se prononce en vertu des dispositions de la loi sur la surveillance des prix. Les décisions de la commission d'arbitrage doivent se fonder sur ce préavis. En outre, la commission doit informer régulièrement la commission de la concurrence et la surveillance des prix des procédures en cours.

Selon l'al. 4, la commission doit présenterchaque année un rapport sur son activité.

Le Conseil fédéral en prend acte au titre de la surveillance administrative qu'il exerce sur la gestion de la commission.

207

Surveillance des prix et voies de droit

207.1

Surveillance des prix (art. 15)

Les tarifs de la majorité des entreprises électriques de Suisse sont fixés ou approuvés par une autorité politique agissant en vertu de prescriptions cantonales ou communales. La présente disposition vise à renforcer les compétencesdu surveillant des prix même lorsque les prix ont été fixés ou approuvés par une autorité.

L'al. 1 oblige les autorités législatives et exécutives fédérales, cantonales et communales à prendre l'avis du surveillant des prix avant de fixer ou d'approuver un prix ou une hausse de prix. La formulation s'inspire de celle de l'art. 14, al. 1, 1re phrase, de la loi sur la surveillance des prix. Il s'agit en l'occurrence de surveiller les prix de la marchandise électricité (énergie), et non pas celui du transport. Selon l'art. 14, al.

1, LME, les litiges à ce sujet relèvent de la commission d'arbitrage.

Selon l'al. 2, le surveillant des prix examine si les prix ont été maintenus ou augmentés abusivement. Il tient compte des intérêts publics supérieurs éventuels. Ce seront par exemple des objectifs de politique économique ou de protection de l'environnement (y compris les programmes pour l'utilisation rationnelle de l'énergie et la promotion des agents renouvelables). Le surveillant doit avoir une vision globale.

S'il constate un abus, il intervient conformément aux art. 9 à 11 de la loi sur la surveillance des prix. Plus exactement, il s'efforcera tout d'abord de parvenir à un règlement à l'amiable avec l'auteur de l'abus. S'il n'y parvient pas, il interdit tout ou partie de l'augmentation, ou, s'il y a abus dans le maintien, ordonne un abaissement du prix. Qu'il y ait accord ou décision, la validité doit en être limitée. Le surveillant peut prendre les mêmes mesures dans tous les cas d'augmentation ou de maintien abusif des prix de l'électricité, même s'ils sont fixés ou approuvés par une autorité.

6716

207.2

Voies de droit (art. 16)

L'al. 1 prévoit que les décisions de la commission peuvent être attaquées devant le Tribunal fédéral. C'est conforme à l'art. 98, let. e, de l'organisation judiciaire (OJ; RS 173.110), qui prévoit que la décision d'une commission d'arbitrage peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral s'il n'y a pas de possibilité de recours préalable. La loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC; RS 784.10) prévoit les mêmes voies de recours contre les décisions de la commission de la communication (art. 11, al. 4 et art. 61, al. 1, LTC).

Selon l'al. 2, les décisions du DETEC, de l'OFEN et de la dernière instance cantonale peuvent être attaquées devant la commission de recours du DETEC, dont la création est prévue par la future loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (FF 1998 2221). Une décision cantonale de dernière instance est possible dans le domaine du service public (art. 10 et 28). Des décisions du DETEC et de l'OFEN sont envisageables si le Conseil fédéral doit pourvoir à la création d'une société nationale pour l'exploitation du réseau (art. 26, al. 1).

L'al. 3 s'applique particulièrement à la procédure devant la commission d'arbitrage.

Comme les contrats d'acheminement de courant relèvent du droit privé, les litiges les concernant sont jugés par les tribunaux civils (al. 4).

208

Devoir d'informer, protection des données, émoluments

208.1

Obligation de renseigner (art. 17)

L'obligation de renseigner prévue à l'al. 1 incombe aux entreprises qui travaillent dans les domaines de la production, du transport et de la distribution d'électricité.

En effet, les autorités fédérales et cantonales ont besoin de leurs informations pour préparer les actes d'application et exécuter la loi. L'obligation de renseigner vaut également à l'égard de la commission d'arbitrage, que son activité contraint parfois à se renseigner indépendamment de tout recours. Par ailleurs, les données nécessaires aux statistiques permettant d'évaluer dans quelle mesure les objectifs de la loi sont atteints peuvent être demandées. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de données personnelles au sens de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (PLD; RS 235.1). l'obligation de renseigner doit figurer dans la loi, faute de quoi il serait impossible d'obtenir toutes les données nécessaires.

En cas de besoin, les documents nécessaires devront être mis à disposition des organes mentionnés à l'al. 2, qui auront accès aux installations pendant les heures habituelles de travail, comme le prévoit l'art. 19, al. 1, de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC; RS 943.01). Dans la mesure où les intéressés s'acquittent correctement de l'obligation de renseigner au sens de l'al. 1 et si leurs informations sont vraisemblables, les autorités sont tenues d'user avec retenue de leur droit de regard et d'accès.

6717

208.2

Traitement des données personnelles (art. 18)

En vertu des art. 17, al. 2 et 19, al. 1, LPD des données sensibles ne peuvent être traitées par un organe fédéral que si une loi au sens formel le prévoit expressément.

Comme l'art. 22 LME habilite l'OFEN à engager lui-même des poursuites pénales, la base juridique figurant dans la présente disposition est nécessaire.Ces données ne seront pas directement accessibles sur écran («on line»). Il faudrait alors le prévoir expressément, en vertu de l'art. 19, al. 3 LPD. Au nombre des données personnelles sensibles figurent, selon l'art. 3, let. c, ch. 4, LPD, celles qui concernent des poursuites et des sanctions administratives ou pénales. Quant au traitement des données, il comprend notamment la collecte, la conservation, l'exploitation, la modification, la communication des données et leur destruction. L'al. 2 autorise l'OFEN à conserver les données sous forme électronique.

208.3

Secret de fonction et secret d'affaires (art. 19)

Sont soumis au secret de fonction (al. 1) toutes les autorités d'exécution, les éventuels experts, les membres de commissions et de groupes techniques chargés d'exécuter la LME, d'en préparer les dispositions d'exécution ou de mener des enquêtes (p. ex. pour l'évaluation). Cela ne concerne pas seulement les organes d'exécution de l'administration, mais aussi les personnes extérieures qui sont chargées de ces tâches (cf. art. 23, al. 5). L'obligation s'applique indifféremment aux fonctionnaires et autorités de la Confédération, des cantons et des communes. Les violations du secret de fonction sont punies conformément à l'art. 320 du code pénal.

Selon l'al. 2, les autorités ne doivent pas divulguer des informations relatives au secret de fabrication, même dans l'intérêt public. Avant de transmettre des informations à des tiers, elles doivent entendre les personnes concernées; celles-ci peuvent alors faire valoir leurs motifs de maintenir le secret.

208.4

Emoluments (art. 20)

En vertu de l'art. 20, des émoluments sont perçus pour les autorisations, les contrôles et les prestations particulières liés à l'exécution de la LME. Leur montant ne doit pas figurer dans la loi elle-même; le Conseil fédéral est expressément habilité à le fixer. Les émoluments doivent couvrir les coûts. Ils sont donc calculé en fonction du temps nécessaire. Les cantons sont libres de percevoir des émoluments pour couvrir leurs dépenses liées à l'exécution de la loi.

209

Dispositions pénales

209.1

Contraventions (art. 21)

Quiconque commet intentionnellement l'un des délits énumérés à l'al. 1 est punissable. Cette énumération étant exhaustive, les infractions qui n'y figurent pas ne sont pas puniée. N'est pas punissable non plus au sens de cette disposition la violation d'une convention de droit privé prévue à l'art. 3. Quelques dispositions d'exé6718

cution viendront compléter la LME, et les personnes qui les enfreindront, seront également punies; c'est pourquoi la let. b de l'al. 1, déclare punissable aussi celui qui contrevient à une disposition d'exécution, si sa violation est punissable.

L'amende maximale prévue est de 100 000 francs. Ce montant élevé n'entre en ligne de compte que pour des infractions extraordinairement graves. Il se justifie également à titre préventif; il ne faut pas que l'infraction soit payante.

L'al. 2 précise que le fait de commettre par négligence les faits mentionnés à l'al. 1 est également punissable, l'amende maximale étant de 50 000 francs.

Conformément à l'art. 104, al. 1 du code pénal, la tentative n'est pas punie, la LME ne la déclarant pas punissable. En revanche, l'incitation et la complicité le sont en vertu de l'art. 5 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0).

209.2

Compétence (art. 22)

Selon l'art. 22, les infractions à la LME sont poursuivies et jugées conformément à la DPA. Sont notamment applicables les art. 6 et 7 de cette loi: il s'agit de normes pénales concernant des infractions commises dans des entreprises par des mandataires et des personnes ayant un statut analogue. L'employeur ou le mandant encourt les mêmes peines que le salarié ou le mandataire. Sous certaines conditions, on peut renoncer à des investigations laborieuses et condamner l'entreprise à payer l'amende en lieu et place de la personne physique qui s'est rendue punissable. L'Office fédéral de l'énergie est compétente en matière de poursuite pénale et de jugement.

210

Dispositions finales

210.1

Exécution (art. 23)

Selon l'al. 1, l'exécution des dispositions relatives à la garantie de raccordement et aux prix faits aux clients captifs (art. 10 et 28) incombe aux cantons. Il s'agit d'un domaine pour lequel il existe déjà des prescriptions cantonales et communales exécutées par les autorités. Tous les cantons se sont dotés d'un service de l'énergie, mais ils sont libres de confier à un autre organe administratif l'exécution des dites dispositions.

Selon l'al. 2, le Conseil fédéral exécute la loi hormis les art. 10 et 28. Il édicte les dispositions d'exécution nécessaires, dans la mesure où d'autres autorités fédérales n'en sont pas chargées. Les dispositions d'exécution comprennent: ­

des dispositions concrétisant les obligations légales;

­

des dispositions sur l'organisation de l'exécution, dans la mesure où elle incombe à la Confédération.

L'al. 3 oblige le Conseil fédéral et le département à lancer, avant d'édicter des dispositions d'exécution, une consultation notamment auprès des cantons et des organisations concernées directement. Cette obligation est surtout importante lorsque la LME autorise expressément le Conseil fédéral ou le département à édicter des dispositions complétant la loi (art. 6, al. 2 et 4; art. 7, al. 2; etc.).

6719

L'al. 4 prévoit que le Conseil fédéral peut déléguer à l'Office fédéral de l'énergie la compétence d'édicter des dispositions d'importance secondaire. Cette délégation doit être expressément prévue dans une loi au sens formel. Une disposition analogue se trouve à l'art. 62, al. 2, LTC.

Concrétisant le principe de collaboration qui figure à l'art. 3, l'al. 5 autorise le Conseil fédéral à associer des organisations privées à l'exécution. Il doit alors leur donner un mandat de prestations. Même dans ce cas, les autorités fédérales demeurent responsables de l'exécution; la compétence en matière de surveillance ne peut être délégué à des tiers.

210.2

Modification du droit en vigueur (art. 24)

Le régime de l'autorisation d'exporter l'électricité prévu à l'art. 8, al. 1 et 2, et à l'art. 4, al. 1, let. d, LEA est aujourd'hui dépassé. Les corrections nécessaires au niveau constitutionnel ont été apportées au moyen de l'arrêté fédéral du 18 décembre 1998 relatif à une mise à jour de la Constitution fédérale (FF 1999 176), les dispositions d'exécution figurant dans la loi peuvent donc être abrogées (cf. ch. 148). En revanche, le régime de l'autorisation, également prévu à l'art. 8 LFH est toujours valable pour la dérivation d'eau à l'étranger.

L'art. 19 LIE prévoit que le Conseil fédéral nomme, pour une période administrative normale, une commission des installations électriques formée de sept membres. Elle doit notamment donner son avis sur les prescriptions du Conseil fédéral concernant l'établissement et l'entretien des installations électriques. La commission a été instituée au moment de l'entrée en vigueur de la loi, en 1902. A l'heure actuelle, elle n'est plus nécessaire à la préparation et à l'exécution de la législation sur l'électricité. Les membres de la commission, consultés, approuvent la dissolution. L'art.

17, al. 2, 2e phrase, de la LIE doit donc être adapté en conséquence.

L'art. 43, al. 2, LIE prévoit l'octroi du droit d'expropriation pour le transport d'énergie électrique sur une installation existante et pour le remplacement partiel et intégral d'installations par d'autres de plus forte capacité. Comme l'art. 5 LME propose l'accès réglementé au réseau sur une base contractuelle (accès réglementé pour des tiers), le droit d'expropriation pour le transport d'électricité sur une installation existante n'a plus de raison d'être. L'art. 43, al. 2, LIE peut donc être adapté en conséquence.

Le message adopté par le Conseil fédéral le 25 février 1998, relatif à la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans (FF 1998 2221) modifie notamment certaines dispositions de la LIE. lors de l'entrée en vigueur de la future loi, il faudra peut-être adapter l'art. 24 de la LME.

210.3

Etapes de l'ouverture du marché (art. 25)

L'al. 1, let. a, fixe à 20 GWh le seuil à partir duquel les consommateurs finaux (quelque 110 entreprises) auront droit à l'acheminement d'énergie à l'entrée en vigueur de la loi. La consommation annuelle se mesure par site de consommation, autoproduction comprise (cf. art. 19, ch. 1, al. 2, directive CE). Le site de consommation est l'emplacement où un consommateur final consomme effectivement de

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l'énergie (pas d'acquisition pour des tiers). Il doit constituer une entité économique et géographique. L'entité économique apparaît notamment dans une entreprise ayant ses propres structures sur le plan juridique (personnalité juridique). Il ne suffit donc pas que quelques entreprises s'entendent pour acheter ensemble leur électricité.

Quant au critère de l'entité géographique, il exige que les bâtiments et installations qui constituent le site soient matériellement proches les uns des autres. Cela s'applique même à des ensembles industriels répartis sur une grande surface (mais non pas aux filiales d'un grand distributeur réparties sur le territoire de la commune ou de la ville). Font exception les CFF, les chemins de fer privés et d'autres entreprises de transport dont le réseau électrique n'est pas limité localement, en général. Si ces entreprises veulent acquérir du courant, leur consommation annuelle (seuil) se mesure sur tout le réseau (national ou régional). Pour la fourniture à des sites de consommation isolés (clairement définis dans l'espace), des gares par exemple, elle se mesure toutefois sur ces sites.

En vertu de l'al. 1, let. b, les entreprises d'approvisionnement en électricité auront droit dès l'entrée en vigueur de la loi à l'acheminement d'électricité à hauteur de 10 % de leurs fournitures annuelles directes à des clients captifs (ch. 1). On entend par là la livraison directe d'électricité sur leur propre réseau (celui des fournisseurs) à des consommateurs finaux n'ayant pas accès au marché. Les entreprises d'approvisionnement ne seront pas tenues de répercuter sur les acheteurs les baisses de prix qui pourraient en résulter. On peut néanmoins supposer qu'elles le feront pour ne pas perdre ces clients lorsqu'ils accéderont au marché. Ces mêmes entreprises auront également droit, à l'entrée en vigueur de la LME, à l'acheminement d'un volume d'électricité correspondant à leurs fournitures directes ou indirectes à des consommateurs finaux éligibles ainsi qu'à des entreprises d'approvisionnement éligibles (ch. 2). En effet, il faut leur donner la possibilité de s'approvisionner sur le marché pour faire des offres compétitives à ceux de leurs clients éligibles qui seraient tentés de passer à un fournisseur plus avantageux. Elles doivent également pouvoir placer sur le marché le
courant produit par elles jusqu'ici pour des clients éligibles. L'art.

29, al. 1, let. a, les autorise à adapter les contrats passés avec leurs propres fournisseurs pour l'acquisition de courant à hauteur des quantités achetées par leurs clients éligibles. Enfin (ch. 3) elles pourront mettre directement sur le marché libre les surplus d'électricité qu'elle sont tenues de reprendre aux producteurs indépendants en vertu de l'art. 7 LME (cf. ch. 144.2).

Selon l'al. 2, let. a, trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, la consommation annuelle déterminante des clients finaux sera abaissée à 10 GWh, alors que la part déterminante des ventes directes des entreprises d'approvisionnement à des clients captifs passera simultanément à 20 % (let. b).

L'al. 3 prévoit que six ans après l'entrée en vigueur de la loi, le marché de l'électricité sera complètement libéralisé. A ce moment-là, tous les consommateurs et toutes les entreprises d'approvisionnement auront donc libre accès au réseau. La directive CE n'en demande pas autant. La LME prévoit une ouverture initiale un peu moins large que la directive et certains Etats membres de l'UE; elle sera d'environ 21 % (directive CE, en 2001: 29 %). Trois ans plus tard, elle atteindra en Suisse (34 %) le même niveau que dans l'UE en 2004 (33 %). Six ans après l'entrée en vigueur de la loi, le marché sera entièrement ouvert. La directive CE ne donne pas de chiffres concernant le degré d'ouverture à partir de l'an 2007. La CE examinera les mesures à prendre au cours de l'année qui précédera. Mais les taux d'ouverture fixés par la directive sont des taux minimaux. Les Etats membres peuvent aller plus loin.

6721

Ainsi, en février 1999, le marché de l'électricité de l'UE était déjà libéralisé de jure à plus de 60 % (en Allemagne, la libéralisation intégrale a causé quelques difficultés initiales d'ordre technique et juridique). En Suisse, le rythme un peu plus lent au début devrait permettre d'éviter les investissements non amortissables.

210.4

Création de la société suisse pour l'exploitation du réseau (art. 26)

L'al. 1 oblige les exploitants des réseaux de transport à créer, dans les trois ans qui suivent l'entrée en vigueur de la loi, une société de droit privé pour l'exploitation d'un réseau suisse de transport (société suisse pour le réseau). Il appartiendra aux intéressés de choisir la forme juridique à donner à la future société. La préférence pourrait aller à une société anonyme, auquel cas il conviendrait de la rendre aussi indépendante possible des autres acteurs sur le marché. L'al. 1 prévoit qu'elle couvre tout le pays et dispose de l'indépendance lui permettant de mener sa propre politique d'entreprise. L'existence de plusieurs sociétés parallèles ne répondrait pas aux exigences, puisqu'il s'agit d'exploiter un réseau national de transport d'électricité.

Si la société suisse pour l'exploitation du réseau ne voit pas le jour dans le délai imparti, le Conseil fédéral pourvoit à sa création (al. 1, 2e phrase). Cette intervention de dernière extrémité est conforme au principe de subsidiarité énoncé plus haut: le Conseil fédéral n'agira que si les exploitants actuels des réseaux de transport ne parviennent pas à s'entendre. Il pourrait par exemple désigner une société nationale après une mise à l'enquête publique et charger d'exploiter le réseau suisse. Il devrait alors fixer les conditions de soumission, la procédure et les voies de recours, après avoir entendu les cantons, l'industrie de l'électricité et les organisations de consommateurs (art. 23, al. 3). En ce qui concerne la restriction des droits fondamentaux, nous vous renvoyons au ch. 613.

Durant la période transitoire allant jusqu'à la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau, la séparation juridique et organisationnelle (unbundling) ne sera pas effective (même si les exploitants des réseaux de distribution sont tenus à la séparation comptable en vertu de l'art. 7, al. 1,). Les structures actuelles d'explotation du réseau de transport ne changeront probablement pas pendant cette période.

L'al. 2 prévoit donc que jusqu'à la création de la société suisse pour l'exploitation du réseau, l'art. 5, al. 3, s'applique également aux réseaux de transport. Pendant cette période, l'acheminement sur ces réseaux (qui sont des entreprises d'électricité intégrées verticalement) ne sera obligatoire que pour autant que ces entreprises aient des capacités après l'approvisionnement de leur clientèle propre.

210.5

Transfert de droits réels à la société suisse pour l'exploitation du réseau (art. 27)

Il s'agit de faciliter, pour les exploitants de réseaux, la création de la société suisse pour l'exploitation du réseau ou, lorsque celle-ci existera, l'augmentation de son capital. Le droit actuel oblige une société qui acquiert des immeubles (art. 655 CC) à titre d'apport en nature à conclure sur le site de ces immeubles des contrats authentiques. Cette disposition est considérée aujourd'hui comme inadéquate et insuffi6722

sante. Une législation spéciale portant sur la fusion, la scission et la transformation d'entités juridiquement devrait faciliter la restructuration d'entreprises. Cette législation ne sera vraisemblablement pas encore entrée en force lors de l'entrée en vigueur de la LME. Il est donc indiqué d'en anticiper, à titre transitoire, les règles applicables au transfert des droits réels sur des immeubles (al. 1 et 3), car il est possible que la société suisse pour le réseau veuille acquérir des immeubles en grandes quantités dans tout le pays à titre d'apports en nature, en vue d'assurer l'accomplissement de sa tâche. Les servitudes (droits de passage, droits de construire; al. 2) sont prises en compte.

210.6

Approvisionnement obligatoire et prix applicables aux clients captifs (art. 28)

La let. a oblige les entreprises à fournir, jusqu'à l'ouverture intégrale du marché, de l'électricité en suffisance et régulièrement aux clients captifs se trouvant dans leur aire de desserte. L'obligation ne vaut donc que vis-à-vis des consommateurs finaux qui n'ont pas accès au réseau (art. 4, let. c); elle ne touche pas ceux qui disposent de cet accès et peuvent par conséquent se servir chez le fournisseur de courant de leur choix. Il leur incombe de pourvoir eux-mêmes à leur approvisionnement régulier et suffisant. Obliger les entreprises d'électricité à assurer l'approvisionnement de tous les consommateurs serait une erreur politique et reviendrait à leur imposer une obligation inadmissible dans un marché libre: ils devraient assurer les réserves d'énergie nécessaires pour l'ensemble de la population alors que les tiers éligibles pourraient se fournir ailleurs, laissant à l'entreprise les réserves constituées. En limitant l'obligation aux clients captifs, on en réduit le nombre de bénéficiaires au fur et à mesure de l'ouverture du marché, jusqu'à le faire tomber à zéro en cas d'ouverture intégrale. La directive CE autorise (art. 3, al. 2) les Etats membres à imposer aux entreprises d'électricité, en faveur de l'économie générale, des charges qui peuvent concerner en particulier la sécurité d'approvisionnement et la régularité des fournitures. Elle précise que ces obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables. De plus, l'art. 10, al. 1, de la directive précise que les Etats membres peuvent obliger les entreprises distributrices à approvisionner les clients situés dans une aire donnée.

La let. b établit le principe de la solidarité tarifaire, en vertu duquel les entreprises d'approvisionnement en électricité doivent facturer, dans une aire de desserte donnée, les mêmes prix (énergie et acheminement) aux clients captifs qui relèvent d'une même catégorie. Celle-ci se définit comme un groupe de consommateurs présentant des caractéristiques de consommation analogues (p. ex. ménages, arts et métiers, industrie). En l'occurrence, il s'agit de l'approvisionnement de consommateurs n'ayant pas accès au marché (domaine du monopole). L'art. 10, al. 1, de la directive CE prévoit expressément que les Etats membres peuvent fixer les prix appliqués aux
clients situés dans une zone donnée pour assurer leur égalité de traitement. L'art. 23, al. 1, de la loi délègue l'exécution de cette disposition aux cantons, qui peuvent imposer des conditions aux entreprises d'approvisionnement par exemple en leur octroyant des concessions.

L'al. 2 charge les cantons de fixer les conditions permettant de facturer aux clients captifs des taxes de raccordement différentes, dans des circonstances exceptionnelles. Ces taxes uniques ne dépendent pas de la consommation. La présente disposi-

6723

tion tient compte du fait qu'au sein d'une même catégorie, certains consommateurs d'électricité peuvent occasionner des frais fixes (taxes de raccordement) différents (fermes, lotissements de maisons de vacances à l'écart). Les cantons doivent alors fixer les critères permettant d'exiger des taxes de raccordement différentes pour ces clients, compte tenu notamment de leur situation économique. Mais pour le prix de l'énergie et le prix du kilowatt (variables), des tarifs identiques doivent être appliqués à tous les clients captifs d'une même catégorie, indépendamment de leur lieu d'implantation (solidarité tarifaire).

210.7

Adaptation des rapports contractuels (art. 29)

En vertu de l'art. 25, al. 1, let. b, les entreprises d'approvisionnement en électricité peuvent faire appel au fournisseur de leur choix à hauteur des acquisitions qu'elles placent chez des clients éligibles. L'al. 1, let. a, prévoit que ces entreprises sont en droit de se libérer de leur obligations d'achat à hauteur des acquisitions qu'elles placent chez des clients éligibles dans leur aire de desserte, qu'elles leur fournissent du courant ou non. L'al. 1, let. b, il leur donne ce droit également à hauteur de leur propre degré d'accès au marché (pourcentage déterminé des ventes à des clients captifs).

Selon l'al. 2, les intermédiaires peuvent faire valoir vis-à-vis de leurs propres fournisseurs les adaptations subies. Cette disposition reflète les imbrications et les multiples promesses d'acquisition et de vente qui lient les entreprises d'approvisionnement entre elles.

La commission de la concurrence peut toujours vérifier les contrats de fourniture d'électricité tendant à limiter la concurrence (notamment les contrats d'exclusivité à long terme). De même, les dispositions de procédure civile de la loi sur les cartels (art. 12 à 17 LCart) demeurent applicables à ces contrats.

210.8

Référendum et entrée en vigueur (art. 30)

Le présent projet est une loi au sens de l'art. 5 de la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11). En vertu de l'art. 89, al. 2, cst., elle est donc sujette au référendum facultatif (al. 1).

L'al. 2 habilite le Conseil fédéral à fixer la date d'entrée en vigueur. En vertu de l'art. 27, al. 1, de la directive CE, les Etats membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 19 février 1999. La LME entrera en vigueur en 2000 ou 01, au plus tôt.

6724

3

Conséquences

31

Sur le plan de la Confédération

311

Conséquences financières

Les conséquences financières de la LME seront vraisemblablement plutôt modestes.

La loi ne peut servir de base juridique à des prestations de la Confédération. Elle ne prévoit notamment aucune compensation des investissements non amortissables dans les centrales. Ainsi les seules conséquences financières résulteront des emplois nécessaires à l'exécution de la loi (cf. ch. 312).

312

Effets sur l'état du personnel

La LME respecte le principe de la coopération et de la subsidiarité. Cela signifie que la Confédération devra assumer des tâches plus ou moins nombreuses selon l'ampleur de la collaboration. Le nombre de postes à créer dans l'administration fédérale pour la mise en oeuvre de la loi devrait se situer entre onze et quatorze.

Quatre à cinq postes nouveaux devront être créés à l'OFEN pour l'exécution générale (surveillance et contrôle des exploitants de réseaux, comptabilité, avis sur des litiges, poursuite pénale, etc.), la préparation des dispositions d'exécution, la collaboration avec l'économie ainsi que le traitement des questions internationales. A cela s'ajoutent les tâches liées au secrétariat de la commission d'arbitrage (organisation des séances, rédaction des décisions et du rapport annuel d'activité).

Deux à trois personnes seront nécessaires selon la fréquence des litiges (ce secrétariat pourrait être rattaché à l'OFEN). Les postes nouveaux nécessaires à l'OFEN (six à huit en comptant le secrétariat de la commission d'arbitrage) ne peuvent être pris sur des réserves du DETEC. Le Conseil fédéral recevra une proposition distincte, au cours de l'année 2000, pour leur création. Enfin l'exécution de la LME vaudra certaines tâches supplémentaires aussi à la commission de la concurrence et au surveillant des prix (avis en matière de concurrence et de formation des prix, adressés à la commission d'arbitrage, surveillance des conditions de concurrence sur le marché de l'électricité, lutte contre les prix abusifs appliqués aux consommateurs finaux, notamment pendant la période transitoire, si des investissements non amortissables ou des pertes générales sont reportés sur des clients captifs). Ces tâches nouvelles exigent la création de cinq à six emplois à la commission de la concurrence et à la surveillance des prix.

32

Sur le plan des cantons et des communes

321

Conséquences financières

La LME n'a pas de conséquences financières directes sur les cantons et les communes. Il convient toutefois d'observer que les uns et les autres possèdent des participations parfois substantielles dans des centrales électriques. Si celles-ci doivent faire face à des investissements non amortissables, les pertes pourraient être répercutés sur les collectivités publiques. Par ailleurs, les cantons alpins devront consacrer au cours des 25 années à venir quelque 3,2 milliards de francs à la modernisation et au renouvellement de leurs installations, d'après l'étude qu'ils ont menée. C'est pour6725

quoi la Confédération devrait employer une partie des ressources de la future taxe sur l'énergie (cf. ch. 145) pour soutenir ces mesures et, dans certains cas, pour compenser des investissements non amortissables des centrales hydrauliques.

La situation est d'autant moins réjouissante pour les cantons et les communes que l'ouverture du marché de l'électricité menace les redevances publiques liées à la production et à la distribution de courant (redevances hydrauliques, cessions de bénéfice, taxes de concession, etc.). Si elles perdent des clients éligibles, les entreprises d'approvisionnement verront leurs marges et les recettes de la production de leurs installations ou des entreprises partenaires rognées. Les industriels non (encore) éligibles se prévaudront de la situation privilégiée de leurs concurrents étrangers pour réclamer de l'électricité moins chère. Les redevances versées aux collectivités publiques représentent quelque 2,1 milliards de francs par année. Pour moitié, cette somme est faite d'impôts et de dépenses justifiées aux plans de l'exploitation et de l'économie. Plus de 800 millions de francs résultent de cessions de bénéfice, de taxes de concession, d'énergie gratuite, de dédommagements en cas de déshérence ou d'abandon de projets. Les collectivités publiques doivent s'attendre à des pertes au titre des cessions de bénéfices et des prestations financières négociables. Enfin elles subiront encore les répercussions financières (p. ex.

pertes fiscales) de la restructuration de la branche. Il est impossible de chiffrer ces pertes pour les communes. Une enquête menée par l'OFEN et le canton de Berne a montré que les pertes de cessions de bénéfice aux communes risquent d'être importantes.

322

Effets sur l'état du personnel

Aux termes de l'art. 23, al. 1, il incombe aux cantons et aux communes de mettre en oeuvre les art. 10 et 28, qui règlent le service public. Or, ce domaine relève déjà de ces collectivités. Chaque canton possède un service de l'énergie et de nombreuses villes et communes d'une certaine importance ont nommé un préposé à l'énergie.

Les structures en place devraient donc être en mesure d'effectuer les nouvelles tâches sans personnel supplémentaire.

33

Conséquences dans le domaine informatique

La LME ne devrait pas avoir de conséquences dans le domaine informatique. En effet, son application n'entraîne aucune adaptation administrative qui se répercuterait sur les applications informatiques.

4

Programme de la législature

Le projet de LME figure dans le rapport du Conseil fédéral du 18 mars 1996 sur le Programme de la législature 1995­1999 (FF 1996 II 289).

6726

5

Relation avec le droit européen

51

Normes de l'Union européenne

Au terme de plusieurs années de discussions, les ministres de l'énergie de l'UE sont parvenus le 20 juin 1996 à s'entendre sur un projet de directive concernant le marché intérieur de l'électricité qu'ils ont formellement adopté le 25 juillet de la même année. Le Parlement européen l'a approuvé sans changement le 11 décembre 1996, de sorte que le Conseil des ministres a pu l'adopter le 20 décembre. La directive 96/92/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité est entrée en vigueur le 19 février 1997 et les Etats membres doivent la mettre en oeuvre depuis le 19 février 1999.

La directive prend en considération la pluralité des structures de l'industrie de l'électricité dans les Etats membres et des exigences quant aux prestations en faveur de l'économie générale, à la sécurité d'approvisionnement, à la protection des consommateurs et à l'écologie. Dans l'esprit de la subsidiarité, elle laisse ces Etats libres de régler les modalités et de préférer un système à un autre. Mais quelle que soit l'organisation choisie, elle doit produire des résultats économiques équivalents et une ouverture comparable du marché. L'introduction de la concurrence n'exclut pas les obligations relatives aux prestations d'économie générale et à la protection de l'environnement.

Les principales dispositions de la directive sont les suivantes: ­

Il est prévu une ouverture progressive. D'ici à 2006, les Etats membres doivent assurer à leurs marchés au moins le degré d'ouverture ci-après:

Ouverture du marché

1997­1999

2000­2002

2003­2005

26,5 %

env. 29 %

env. 33 %

Le Parlement européen et le Conseil pourront décider une ouverture plus large dès 2006 sur la base des observations faites dans l'intervalle.

­

Lorsqu'un pays ne prévoit pas l'ouverture intégrale du marché, la consommation annuelle détermine l'éligibilité d'un consommateur. Les clients ayant accès au marché doivent pouvoir choisir librement leurs fournisseurs et passer entre eux des contrats de fourniture d'électricité. Les Etats membres doivent indiquer quels sont les clients éligibles, afin que la réciprocité commande l'accès au marché dans le commerce international.

­

Les Etats membres peuvent instaurer une procédure d'approbation pour la construction de nouvelles installations productrices. Ils pourront donc faire dépendre l'autorisation du respect de certaines exigences touchant en particulier la sécurité, la protection de l'environnement, le rendement énergétique, le type d'énergie primaire. Ils peuvent aussi choisir la procédure de l'appel d'offres, où un organe institué par l'Etat analyse le besoin d'installations nouvelles et les met en soumission, le cas échéant.

­

La concurrence entre producteurs repose sur l'accès non discriminatoire des clients et des producteurs au réseau de transport. La neutralité de l'exploitant de ce réseau doit être garantie.

6727

­

La directive européenne laisse aux Etats membres la liberté d'inscrire dans leur législation, pour l'ouverture du marché, le modèle de l'accès au réseau sur la base d'un contrat ou celui de l'acheteur unique. Ce dernier a perdu de son intérêt, en ce qui concerne le réseau de transport, du fait des coûts de transaction élevés.

­

Les lignes directes entre producteurs et clients sont aussi un élément de la concurrence. Les Etats membres peuvent faire dépendre l'autorisation de construire une telle ligne d'un refus d'accès au réseau. Cette disposition est destinée à empêcher les propriétaires de ligne d'entraver la concurrence.

­

Bien des entreprises d'approvisionnement en électricité possèdent, outre des centrales, des installations de transport et de distribution. Elles disposent ainsi d'informations privilégiées par rapport au producteur qui voudrait alimenter des clients dans la même aire d'approvisionnement. Seule la production étant soumise à la concurrence, les activités de transport et de distribution, qui constituent des monopoles naturels, doivent être séparées d'elle au moins sur le plan comptable. Pour ces activités comme pour celles qui s'exercent en-dehors du domaine de l'électricité, il faut donc tenir des comptabilités séparées et présenter, dans le rapport annuel, un bilan et un compte des résultats distincts.

Lorsque l'approvisionnement est confié à un acheteur unique, celui-ci doit être géré séparément de la production et de la distribution. Il faut en outre faire en sorte qu'il dispose seulement des informations nécessaires à l'accomplissement de sa tâche d'acheteur unique, mais non de celles qui découlent de ses activités de producteur et de distributeur.

­

Concernant l'alimentation des installations de production, la préférence sera donnée à celle qui offre les conditions économiques les plus avantageuses.

Cependant, les Etats membres peuvent exiger des exploitants des réseaux de transport qu'ils privilégient le courant produit à partir d'énergie renouvelable, de déchets ou par couplage chaleur-force. Il en va de même pour les exploitants des réseaux de distribution. Il est possible de formuler des exigences relatives à la protection de l'environnement, au rendement énergétique et au genre d'énergie primaire dès la procédure d'autorisation.

­

Les Etats membres peuvent imposer aux entreprises électriques des obligations de service public, dans l'intérêt économique général, notamment en matière de sécurité, de sécurité de l'approvisionnement, de qualité et de prix des fournitures. Mais ces obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables.

­

L'accès au réseau doit être ouvert, indépendamment de l'organisation du marché et produire, dans les Etats membres, des résultats économiques équivalents et une ouverture comparable du marché. La priorité doit être donnée à un marché intérieur de l'électricité qui fonctionne en offrant la plus grande efficacité possible, où les contrats de fourniture transfrontaliers sont traités comme les contrats nationaux. Un contrat international n'est donc admissible que si le client est considéré comme éligible dans les deux pays (réciprocité). La commission de la CE vérifie en permanence le respect de cette règle, au plus tard après quatre années et demie, et elle fait rapport sur d'éventuels déséquilibres dans l'ouverture des marchés de l'électricité.

6728

­

La directive prévoit pour les Etats membres des réglementations transitoires pour les cas où des engagements pris ou des garanties d'exploitation données avant son entrée en vigueur ne peuvent pas être honorés. Il incombe à la commission de la CE d'admettre ces réglementations. Comme ces décisions ont des retombées financières non négligeables (solutions spéciales et compensation «d'investissements échoués»), la commission a traité toutes les propositions dans une procédure globale (cf. ch. 122).

La plupart de pays ont intégré la directive dans leur droit national dans les délais voulus. En France et en Italie, la législation est en préparation. Le marché intérieur réel va se développer nettement au-delà du degré d'ouverture prévu dans la directive. Il semble avoisiner les 60 % en 1999. Pour 2007, la commission de la CE l'évalue à 74 %.

La dite commission prévoit d'intervenir au-delà de la directive 96/92 CE pour faire avancer la réalisation du marché intérieur, notamment dans le domaine des tarifs (surtout dans les échanges transfrontaliers), de la garantie d'indépendance des exploitants de réseaux (transport) et de la promotion des énergies renouvelables. Le rapport de l'automne 1998 de la commission au Conseil et au Parlement sur l'harmonisation a mis en lumière les difficultés provoquées par les différences en matière de promotion des énergies renouvelables et de redevances. Une directive est d'ailleurs prévue. De plus, la CE entend ouvrir le marché intérieur au-delà des frontières de l'UE. Ainsi, le marché s'étendrait à moyen terme aux membres du réseau interconnecté de l'UCPTE (Union pour la coordination de la production et du transport de l'électricité) et plus tard, aux Etats d'Europe de l'est.

52

Compatibilité du droit suisse

Si l'on fait abstraction du rythme d'ouverture du marché, la LME est compatible avec la directive CE concernant le marché intérieur. Dans l'hypothèse où elle entrerait en vigueur dans la forme actuelle en 2001, notre pays aurait un marché ouvert à 21 % (même si l'ouverture réelle est plus large du fait des adaptations anticipées et volontaires des contrats aux gros clients). La directive CE exige pour cette année-là une ouverture d'au moins 29 %. L'écart entre la loi et la directive sur le degré d'ouverture diminuera au cours de la phase transitoire. Pour 2004, la loi prévoit un taux d'ouverture égal à celui de la directive (près de 34 %). En 2006, le Parlement européen et le Conseil examineront une nouvelle phase d'ouverture sur la base des expériences recueillies. A ce stade, la loi va plus loin, puisqu'elle prévoit d'ores et déjà l'ouverture intégrale après six ans, soit vraisemblablement en 2007.

53

Procédure de notification

Le projet de LME a été notifié le 4 mai 1998 à l'OMC, à l'AELE et à l'UE. Le délai dans lequel les Etats de l'UE/AELE pouvaient faire des commentaires est échu le 6 août 1998. L'Office fédéral des affaires économiques extérieures, chargé de la notification, n'a recueilli à ce jour aucune remarque.

6729

54

Comparaison avec des Etats de l'UE

541

Allemagne

En Allemagne la législation «zur Neuregelung des Energiewirtschaftsrechts» est entrée vigueur le 29 avril 1998, créant les conditions juridiques nécessaires pour instaurer la concurrence entre les énergies de réseau (électricité et gaz). Elle comporte cinq volets.

Le premier d'entre eux, la loi sur l'approvisionnement en électricité et en gaz, remplace l'ancienne loi sur l'énergie. Elle supprime les aires d'approvisionnement et autres entraves à la concurrence dans le domaine de l'électricité et du gaz. Désormais, tous les clients peuvent choisir leur fournisseur de courant au sein de l'UE.

Seuls sont exclus les producteurs des Etats membres qui n'accordent pas aux fournisseurs allemands le même accès au marché (réciprocité). Toutes les entreprises d'approvisionnement en électricité doivent tenir des comptabilités distinctes pour la production, le transport et la distribution. Quant aux exploitants des réseaux, ils sont tenus d'acheminer sans discrimination le courant des autres fournisseurs. Ils ne peuvent s'y refuser que si les capacités font défaut ou si l'acheminement a pour effet d'entraver ou d'empêcher l'injection de courant produit à partir d'énergie renouvelable ou par couplage chaleur-force. La rétribution de l'acheminement n'est pas fixée dans la loi, elle est négociable (accès négocié au réseau). Elle ne doit pas dépasser le montant facturé aux activités de l'entreprise, à ses filiales ou à des entreprises dont l'exploitant détient des parts. La loi prévoit une rétribution fixée sur la base de conventions volontaires entre les associations économiques et l'industrie de l'électricité («Verbändevereinbarung»), tout en réservant au gouvernement la possibilité d'édicter une ordonnance spéciale au cas où les mécanismes de la concurrence ne fonctionneraient pas véritablement. En lieu et place de l'accès négocié au marché, les centrales urbaines ont, pendant une période transitoire dont l'échéance est actuellement fixée à 2005, la possibilité de contrôler l'accès au réseau selon le principe de l'acheteur unique (cf. ch. 121, fig. 11).

Le deuxième volet du droit de l'énergie abroge les dispositions dérogatoires applicables aux industries du gaz et de l'électricité, qui relevaient du droit des cartels.

Le troisième volet modifie quelque peu la loi sur l'injection de courant: l'obligation de
reprendre à des prix fixes majorés l'électricité issue d'énergie renouvelable est transférée à l'exploitant de réseau. En outre, la clause dite de rigueur est précisée: les injections de courant qui dépassent 5 % des ventes finales de l'entreprise d'approvisionnement chargée de les assumer peuvent être transférées à l'exploitant de l'échelon immédiatement supérieur.

Le quatrième volet prévoit des dispositions transitoires visant à privilégier avant tout le lignite d'Allemagne de l'est comme source d'électricité. Les exploitants de réseaux des nouveaux Länder peuvent refuser l'acheminement d'électricité si celui-ci met en péril la production de courant à partir de lignite. Quant à la disposition relative à la réciprocité, elle permet de refuser l'accès au réseau au courant étranger si le client n'est pas considéré comme éligible dans le pays fournisseur.

Le cinquième volet abroge l'ancienne loi sur l'économie énergétique ainsi que le règlement tarifaire du gaz.

La convention du 22 mai 1998, dite «Verbändevereinbarung», précise surtout les coûts d'utilisation du réseau et des différents niveaux de tension. Elle fixe aussi les coûts de transformation et des prestations liées au système (stabilisation de fré6730

quence et de tension, gestion des échanges, élimination des dérangements sur le réseau). Elle prévoit un forfait annuel d'éloignement de 12,5 Pfennige par kilowatt et par kilomètre au-delà de 100 km à vol d'oiseau. La convention est valable jusqu'au 30 septembre 1999. Des négociations sont en cours depuis le printemps 1999 afin de l'améliorer en introduisant une formule de calcul plus simple et plus transparente.

La composante liée à l'éloignement doit disparaître. Enfin, sachant que jusqu'ici, on a facturé très cher les acquisitions dépassant les quantités prévues par contrat et payé un très bas prix pour les réinjections, il convient d'accepter des prix plus équitables pour ces fournitures.

542

France

En France, la nouvelle loi sur l'électricité n'a pas pu entrer en vigueur à la date du 19 février 1999 fixée par l'UE. Ce n'est qu'en mars que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet fondé sur une acception très large du service public. Celui-ci comprend la sécurité et l'indépendance de l'approvisionnement, le transport et la distribution de courant, le respect de l'environnement, la cohésion sociale, le développement économique ainsi que le progrès technique. Le contrat d'approvisionnement est à la base de la planification pluriannuelle et de la procédure d'appel d'offres au sens de la directive CE. L'accès au réseau doit être non discriminatoire et réglementé. A l'échelon de la distribution, il est prévu d'inscrire dans la loi l'obligation d'approvisionner les clients non éligibles et le droit à l'énergie pour les petits consommateurs économiquement faibles. On instituera une commission du service public. Ces tâches seront financées au moyen d'un tarif non discriminatoire s'appliquant au transport et à la distribution.

L'exploitation du réseau de transport est confié à Electricité de France (EDF), tenue d'accepter l'injection de courant produit à partir d'énergie renouvelable et de s'engager sur le front de l'utilisation rationnelle de l'énergie. Ses activités autres que l'exploitation du réseau doivent faire l'objet d'une comptabilité distincte, afin d'empêcher les subventions croisées. L'ouverture du marché ne doit pas dépasser les exigences minimales de la directive CE (1999: 26,5 %). Le projet charge le Conseil d'Etat de fixer les étapes ultérieures de l'ouverture. EDF conserve le monopole d'approvisionnement des clients captifs. Les exploitants et utilisateurs du réseau sont tenus de conclure un contrat. Une autorisation est nécessaire pour construire une ligne directe; elle peut être refusée en cas de violation des obligations de service public.

Conformément aux dispositions transitoires de la directive CE (dérogations pour les «investissements échoués»), des dédommagements devraient être versés à EDF pour des contrats d'acquisition d'énergie de pointe, sources de dépenses supplémentaires pour environ 200 millions de francs français en 1999. Ces coûts devraient être couverts d'ici à 2012. Par ailleurs, le gouvernement a prévu de dépenser 12 milliards de francs pour
la désaffectation de la centrale Superphénix, imputés au fonds de service public. Par ailleurs, le projet prévoit la possibilité de dénoncer les contrats de fourniture conclus entre EDF et ses clients au moment où ceux-ci deviennent éligibles.

La nouvelle loi devrait entrer en vigueur en juin 1999.

6731

543

Italie

Le gouvernement italien a adopté le 19 février 1999 le décret relatif à la libéralisation du marché de l'électricité. De même qu'en France, le projet de loi vise essentiellement à définir le futur rôle de l'entreprise nationale ENEL (Ente nazionale per l'energia elettrica) conformément aux exigences de la directive CE. De manière générale, la production, l'importation, l'achat et la vente doivent s'ouvrir au marché.

Une agence sera créée, seule en charge du transport et de la distribution d'électricité.

Un système de concessions réglera la distribution.

L'agence exploitera le réseau national de transport. Elle sera responsable de la sécurité du réseau, de son exploitation régulière et des diverses tâches qui y sont liées.

Elle ne discriminera aucun utilisateur du réseau et assurera l'échange d'informations avec les exploitants des réseaux des autres Etats membres de l'UE. Elle donnera la priorité aux énergies renouvelables et à l'électricité produite dans des installations à couplage chaleur-force. L'ENEL, actuelle propriétaire des réseaux, transfèrera à l'agence, 60 jours après l'entrée en vigueur du décret, tous les actifs et sa part des dettes des réseaux (mais non leur propriété) ainsi que le personnel nécessaire à l'exploitation. Les propriétaires ne doivent en aucun cas être seuls à utiliser ces installations ou bénéficier d'avantages. Le ministre de l'industrie fixe les éléments de réseau qui seront transférés à l'agence. Les lignes de transport de 220 kV de tension et plus en font partie a priori, alors que les composants aux tensions situées entre 120 et 220 kV y seront attribués selon leur fonction. Les actuels propriétaires des réseaux doivent constituer, 180 jours après l'entrée en vigueur du décret, une société par actions qui reprendra tous les actifs et les charges. L'ENEL transférera à l'agence les droits et les obligations de reprise d'énergie des producteurs indépendants, sauf les contrats passés avec des fournisseurs étrangers.

Les producteurs et importateurs ainsi que les fournisseurs de prestations liées au système paient pour l'utilisation du réseau une redevance qui couvre les frais généraux. Un décret spécial en fixe le montant. La redevance ne dépend pas de la distance et elle sera partiellement imputée au consommateur. Les gros consommateurs devraient bénéficier d'une
redevance dégressive.

En outre, l'agence doit créer une entreprise de droit privé chargée de desservir comme acheteur unique tous les clients qui n'ont pas accès au marché.

Le marché ne doit être ouvert qu'à 30 % pour commencer, puis à 40 % dès l'an 2000. Le projet précise qu'aucun producteur du pays ne doit contrôler plus de 50 % de la production indigène. Il en résulte que d'ici au 1er janvier 2003, l'ENEL devra se séparer d'au moins 15 000 MW des 59 000 MW de capacité de production actuelle. Le projet prévoit une clause de réciprocité vis-à-vis des producteurs sis dans d'autres pays.

Aux termes des dispositions transitoires concernant l'accès au marché, les acteurs ciaprès seront considérés comme des clients éligibles dès l'entrée en vigueur du décret: ­

les entreprises distributrices de courant, à hauteur de l'énergie requise par des clients éligibles,

­

les négociants en gros ayant conclus des contrats de vente avec des clients éligibles,

6732

­

les organisations déclarées éligibles par d'autres Etats, à hauteur de leurs besoins d'énergie,

­

les consommateurs finaux ayant consommé au moins 30 GWh l'année précédente,

­

les groupes de clients d'une seule commune ou de communes voisines ayant consommé au moins 30 GWh l'année précédente et dont les besoins annuels par site de consommation sont d'au moins 2 GWh,

­

dès le 1er janvier 2000, tous les gros clients dont la consommation atteint au moins 20 GWh par année, ainsi que les groupes de clients d'une seule commune ou de communes voisines consommant au moins 20 GWh par année et dont les besoins annuels par site de consommation sont d'au moins 1 GWh,

­

dès le 1er janvier 2002, tous les gros clients dont la consommation atteint au moins 9 GWh par année, ainsi que les groupes de clients d'une seule commune ou de communes voisines consommant au moins 20 GWh par année et dont les besoins annuels par site de consommation sont d'au moins 1 GWh; les autres groupes de clients consommant au moins 40 GWh à eux tous et 1 GWh par site de consommation et par année.

Le ministre de l'industrie peut prévoir des critères plus larges si le projet actuel ne permet pas d'ouvrir le marché à 30 % le 19 février 1999, à 35 % le 1er janvier 2000 et à 40 % deux ans plus tard.

Tableau 9 Application de la directive de la CE sur le marché intérieur de l'électricité dans quatre pays (état: mai 1999) Allemagne

France

Italie

Autriche

Législation

en vigueur

en préparation

en préparation

en vigueur

Accès production Accès transport Accès distribution

procédure procédure d'agrément d'appel d'offres accès négocié au accès réglementé réseau (nTPA) au réseau (rTPA) accès négocié au réseau (nTPA), év.

acheteurs uniques (SI, temporairement) aucun critère pour commencer: (tous éligibles) 100 GWh

procédure d'agrément accès réglementé au réseau (rTPA) accès réglementé au réseau (rTPA) et acheteurs uniques (clients non éligibles) 30 GWh (y c. consortiums clients)

procédure d'agrément accès réglementé au réseau (rTPA) accès réglementé au réseau (rTPA)

Critères éligibilité (consom.

min./an) Taux d'ouverture Promotion én.

renouvelables

100 %

pour commencer: 30 %, 26 % 40 % dès 2002 EAE tenues de re- EDF tenue de re- reprise obligat. à prendre le courant prendre le courant; prix fixes, produc(loi); rétribution % subventions aux tion: > 20 % tirée selon prix au con- install. à biomasse d'énergie renousom. final velable

1999: 40 GWh 2000: 20 GWh 2003: 9 GWh 1999: 27 % dès 2003: 50 % soutien financier.

Phase initiale: reprise obligatoire 3 %

6733

Allemagne

France

Italie

Autriche

Législation

en vigueur

en préparation

en préparation

en vigueur

Réciprocité Réglementations transitoires (pour «invest.

échoués») Service public

oui oui (régl. spéciale pour centrales au lignite)

oui oui oui (oblig. reprise aucune et coûts futurs Superphénix env.

5 milliards de FS)

raccord. obligat., service public expriorité reprise tensif: tarif, accès courant issu d'én. au réseau, encourenouvelables et durag. én. renouv., couplage chaleur- cohésion sociale, force séc. d'approv., prix, écologie

6

Bases juridiques

61

Constitutionnalité

oui oui (INA, env. 4 milliards de FS)

raccord. obligat., égalité traitement priorité reprise tous clients, raccourant issu d'én. cord. obligat., renouvelables et dupriorité reprise couplage chaleur- courant issu d'én.

force, renouvelables et tarif unique/ du couplage chaclients captifs leur-force

Les considérations ci-après se fondent pour l'essentiel sur l'avis de droit de l'Office fédéral de la justice du 23 octobre 1996 relatif aux compétences constitutionnelles de la Confédération dans le domaine de l'électricité (bibliographie).

611

Compétences fédérales dans le domaine de la production d'électricité

Dans le domaine de la production d'électricité, la Confédération possède des compétences globales pour légiférer sur l'énergie nucléaire (art. 24quinquies cst.17) et une compétence limitée pour l'essentiel aux principes pour ce qui concerne l'utilisation de la force hydraulique (art. 24bis cst.). Elle peut formuler des principes touchant d'autres formes de production en se fondant sur l'art. 24octies, al. 2, cst. En revanche, elle peut réglementer de manière exhaustive la fourniture d'énergie électrique du producteur à des tiers en se fondant sur l'art. 24 quater, al. 1, cst.

En vertu de ces bases constitutionnelles, la Confédération dispose en particulier des compétences suivantes:

17

­

en vertu de l'art. 24quater, al. 1, cst. et indépendamment du type de production, elle peut adopter des dispositions tarifaires, des dispositions sur la manière dont les entreprises comptabilisent la fourniture d'électricité ainsi que sur l'admissibilité d'autres activités et des financements croisés;

­

dans le domaine de l'énergie nucléaire, l'art. 24quinquies cst. l'habilite à réglementer exhaustivement tous les aspects (y compris économiques) de la production; Cf. Tableau synoptique des bases constitutionnelles au ch. 201.1, tab. 8.

6734

­

dans le domaine de l'utilisation de la force hydraulique, la compétence d'édicter la législation de base (art. 24bis, al. 1, cst.) l'habilite à poser des exigences pour les entreprises concessionnaires des cantons (p. ex. concernant la comptabilité, le contrôle, l'indépendance politique);

­

se fondant sur l'art. 24octies, al. 2, cst., elle peut prévoir l'obligation de reprendre l'électricité des producteurs indépendants et fixer au moins dans les grandes lignes les modalités techniques et économiques de l'opération.

612

Compétences fédérales dans le domaine du transport et de la fourniture d'électricité au consommateur final

En vertu de l'art. 24quater, al. 1, cst., la Confédération dispose d'une compétence globale de légiférer dans le domaine du transport et de la fourniture d'électricité.

Elle possède donc une grande liberté d'intervention dans ce domaine. Dans les limites des exigences à respecter en matière de droits fondamentaux, elle peut en particulier: ­

instituer un monopole intégral ou partiel du transport et exploiter ce monopole ou en déléguer l'exploitation à des tiers concessionnaires;

­

édicter des dispositions sur les tarifs d'électricité ou d'acheminement, l'établissement des tarifs et leur contrôle;

­

édicter des dispositions sur le statut juridique des entreprises de transport et de distribution d'électricité ainsi que sur leurs champs d'activité, la comptabilité, l'indépendance politique ou la ventilation des bénéfices entre les propriétaires;

­

édicter des dispositions sur la desserte régulière (mise en place de lignes de transport) et sur l'exploitation sans perturbations des installations;

­

prévoir l'obligation d'acheminer l'électricité pour des tiers (Third Party Access).

613

Restrictions des droits fondamentaux inscrits dans la constitution

Dans le contexte des dispositions règlementant l'industrie de l'électricité, les droits fondamentaux de la garantie de la propriété et de la liberté du commerce et de l'industrie, inscrits dans la constitution sont déterminants. L'obligation de créer une société suisse pour l'exploitation du réseau et l'obligation d'ouvrir ses propres réseaux et d'acheminer le courant pour des tiers constituent-elles des cas d'expropriation?

La propriété est garantie en vertu de l'art. 22ter, al 1, cst. Dans la mesure de ses compétences constitutionnelles, la Confédération peut, par voie législative et pour des motifs d'intérêt public, prévoir l'expropriation ou des restrictions de la propriété (al. 2). Une juste indemnité est alors due (al. 3).

La garantie de la propriété couvre la propriété au sens des droits réels, mais aussi les droits réels restreints, la possession, certains droits personnels (découlant de contrats), les droits découlant de la propriété intellectuelle et les droits acquis. Ces der6735

niers sont d'une part des droits préexistants ou historiques, d'autre part des prétentions découlant en particulier du droit de la fonction publique ou des assurances sociales, et des droits fondés sur des concessions, dans la mesure où ils ont été conférés ou acquis avec l'assurance de leur immutabilité.

L'art. 31, al. 1, cst. garantit la liberté du commerce et de l'industrie sous réserve des dispositions restrictives de la constitution et de la législation qui en découle.

La liberté du commerce et de l'industrie protège l'activité professionnelle des particuliers, soit des personnes physiques et morales selon le droit privé, axée sur la concurrence. Elle garantit en particulier le libre choix de la forme d'entreprise et de son site ainsi que la liberté d'aménager les conditions d'exploitation et les relations commerciales avec les fournisseurs, les clients, les partenaires et les concurrents, ainsi que le libre choix des moyens d'exploitation.

En général, les entreprises publiques et les unités administratives ne peuvent pas se prévaloir de la liberté du commerce et de l'industrie, sauf dans les cas exceptionnels où elles travaillent et sont concernées à l'égal des particuliers. De même une entre prise privée ne saurait se prévaloir de ce droit fondamental dans la mesure où elle accomplit une tâche publique. Cela s'applique notamment aux entreprises d'approvisionnement en électricité.

Aux termes de l'art. 31, al. 2, cst., les droits régaliens des cantons sont réservés en matière de liberté du commerce et de l'industrie. Ce sont le plus souvent des droits historiques tels que la régale des sels, la régale des mines ou celle de la chasse, de la pêche ou des forces hydrauliques. Toute activité privée dans ces domaines est exclue, ou bien elle ne peut être exercée que sur la base d'une concession de l'Etat. Il appartient au législateur cantonal de déterminer les régales qu'il entend revendiquer.

La réserve figurant à l'art. 31, al. 2, cst. protège les cantons du grief de violer la liberté du commerce et de l'industrie garantie par la constitution fédérale. Mais elle n'empêche pas la Confédération de légiférer, dans les limites de ses compétences, dans des domaines soumis jusqu'ici à des monopoles cantonaux ou communaux dans certaines régions de la Suisse.

Une base légale formelle est nécessaire
pour restreindre des droits fondamentaux. A l'échelon fédéral, il faut pour cela une disposition dans une loi fédérale ou un arrêté fédéral de portée générale. De plus, ces restrictions doivent répondre à l'intérêt général. Elles peuvent se justifier pour des motifs de police tels que la volonté de maintenir la santé, l'ordre public, la tranquillité et la sécurité, la confiance dans les relations commerciales, les bonnes moeurs, etc. Mais l'intérêt public peut aussi résider dans la poursuite d'objectifs fixés par la constitution elle-même, tels que l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, la politique de l'énergie ou la construction d'infrastructures. Par ailleurs, le principe de la proportionnalité doit être respecté: l'intervention publique doit être nécessaire et appropriée pour atteindre le but visé, et l'atteinte portée aux droits individuels ne doit pas être disproportionnée (proportionnalité au sens étroit).

En l'occurence, l'exigence d'une base légale sera respectée avec l'adoption de la LME. De même, l'intérêt général est suffisamment bien établi pour justifier les atteintes prévues aux droits fondamentaux. Cela concerne d'une part la création d'une société suisse pour le réseau, indépendante, des points de vue juridique et organisationnel, des activités de production et de distribution de courant, condition nécessaire à l'acheminement non discriminatoire de l'électricité et à l'instauration de la 6736

concurrence sur les marchés subséquents. Les mêmes raisons justifient l'intérêt public à la dissociation comptable ("unbundling") des segments de marché des entreprises distributrices et à l'obligation d'acheminement qui leur est faite. D'autre part, l'unbundling et l'accès réglementé au réseau assureront la transparence des tarifs d'acheminement.

Enfin les mesures étatiques proposées par la loi n'ont rien de disproportionné, car elles sont nécessaires et appropriées pour réaliser un marché de l'électricité axé sur la concurrence; elles ne vont pas au-delà de ce qui doit raisonnablement être fait pour atteindre ces objectifs. La dissociation juridique et organisationnelle instituée par la création d'une société suisse pour l'exploitation du réseau assure la transparence beaucoup mieux qu'une simple séparation comptable et contribue ainsi à éviter les subventions croisées et les distorsions de la concurrence. Pour les propriétaires des réseaux de transport obligés de mettre leur infrastructure à la disposition d'une entreprise détentrice du monopole, cette obligation n'est pas intolérable. De même, le régime de l'acheminement sur les réseaux de distribution répond à l'impératif de la proportionnalité. En effet, à défaut d'un tel régime, seule la construction de lignes parallèles pourrait créer les conditions du marché; ce serait inopportun autant pour des raisons d'aménagement du territoire que de coûts. Ainsi on ne saurait condamner ni l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, ni celle qui affecte la garantie de la propriété.

Enfin les dispositions légales concernant la création d'un monopole du transport d'électricité répondent aussi aux exigences de neutralité des interventions de l'Etat, car cette obligation de séparation juridique et organisationnelle touche indifféremment tous les propriétaires de réseaux de transport d'électricité.

Par ailleurs, ni le régime de l'acheminement, ni l'obligation de créer un société suisse pour le réseau ne constituent une expropriation ou une limitation de la propriété assimilable à une expropriation. Les propriétaires des réseaux peuvent continuer de s'en servir pour la distribution et accorder à leur clientèle la priorité par rapport à l'acheminement pour des tiers. De plus, cette dernière opération leur est payée. Il en va de même de la société
suisse pour le réseau. Les propriétaires des réseaux de transport ne doivent pas abandonner ceux-ci sans contre-partie. Et si la Confédération donnait à cette société le droit d'expropriation, les dispositions de la loi18 en la matière seraient applicables.

62

Délégation du droit de légiférer

La LME contient plusieurs normes de délégation permettant d'édicter des ordonnances. Le Conseil fédéral peut ainsi compléter la loi dans les limites qu'elle fixe. La constitution prévoit que la délégation se limite à un sujet particulier, elle ne saurait donc être illimitée. Ainsi les droits de légiférer prévus par la loi répondent à cette exigence et la loi en précise suffisamment le contenu, le but et l'extension. La compétence accordée au Conseil fédéral pour édicter des ordonnances est suffisamment bien définie pour être constitutionnelle.

De plus, l'art. 23, al. 4, de la loi contient une possibilité de subdélégation limitée. Le Conseil fédéral peut donc charger l'OFEN d'édicter des dispositions techniques ou administratives.

18 RS 711 6737

63

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 5, al. 1, de la loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), les actes législatifs de durée illimitée qui contiennent des règles de droit doivent être édictés sous forme de loi.

6738

Table des matières Condensé

6647

1 Partie générale 6649 11 Point de la situation 6649 111 L'ouverture du marché de l'électricité: motifs, contexte 6649 112 Objectifs de l'ouverture du marché 6649 113 Conditions générales de la politique énergétique 6650 114 Evolution internationale 6652 115 Structure et caractéristiques de l'économie électrique suisse 6655 115.1 Structure 6655 115.2 Production d'électricité en Suisse 6659 115.3 Importance financière de l'économie électrique 6660 115.4 Position des entreprises suisses dans les échanges internationaux d'énergie 6661 115.5 Structure de la consommation d'électricité en Suisse 6662 115.6 Prix de l'électricité en Suisse 6663 12 Grandes lignes de l'ouverture du marché dans le domaine de l'électricité 6666 121 Modèle d'accès au marché 6668 122 Rythme de l'ouverture, critères d'accès 6670 123 Société suisse pour l'exploitation du réseau, dissociation des réseaux de distribution 6674 124 Engagements en faveur de l'économie générale 6675 125 Protection de l'environnement, objectifs énergétiques 6675 13 Effets de l'ouverture du marché 6675 131 Considérations sur l'évolution des prix 6675 132 Effets économiques 6678 133 Effets sur la production indigène d'électricité 6678 134 Effets sur la structure de l'économie électrique 6681 135 Effets sur la consommation d'énergie et l'environnement 6682 136 Effets sur la politique régionale 6683 137 Effets sur la sécurité de l'approvisionnement 6685 138 Evaluation des effets 6686 14 Rapport avec la législation régissant la concurrence et l'énergie 6687 141 Loi sur les cartels 6687 142 Loi concernant la surveillance des prix 6689 143 Loi fédérale contre la concurrence déloyale 6689 144 Loi sur l'énergie 6690 144.1 Installations productrices d'électricité alimentées aux combustibles fossiles (art. 6 LEne) 6691 144.2 Conditions de raccordement des producteurs indépendants (art. 7 LEne) 6691 144.3 Encouragement de la production de courant à l'aide d'agents renouvelables (art. 13 LEne) 6692 145 Taxes sur l'énergie 6693 146 Coordination et simplification des procédures d'autorisation 6694 147 Loi sur les forces hydrauliques et loi sur la protection des eaux 6695 6739

148 Loi sur l'approvisionnement du pays, loi sur l'énergie nucléaire et loi sur le CO2 149 Responsabilité civile en matière d'ouvrages d'accumulation 15 Rapport avec le droit cantonal 16 Résultats de la procédure préliminaire 161 Travaux préliminaires 162 Projet mis en consultation 163 Résultats de la procédure de consultation 164 Révision du projet mis en consultation 165 Interventions parlementaires à classer

6695 6697 6697 6699 6699 6700 6700 6702 6703

2 Partie spéciale: commentaire des dispositions

6703

3 Conséquences 31 Sur le plan de la Confédération 311 Conséquences financières 312 Effets sur l'état du personnel 32 Sur le plan des cantons et des communes 321 Conséquences financières 322 Effets sur l'état du personnel 33 Conséquences dans le domaine informatique

6725 6725 6725 6725 6725 6725 6726 6726

4 Programme de la législature

6726

5 Relation avec le droit européen 51 Normes de l'Union européenne 52 Compatibilité du droit suisse 53 Procédure de notification 54 Comparaison avec des Etats de l'UE 541 Allemagne 542 France 543 Italie

6727 6727 6729 6729 6730 6730 6731 6732

6 Bases juridiques 6734 61 Constitutionnalité 6734 611 Compétences fédérales dans le domaine de la production d'électricité 6734 612 Compétences fédérales dans le domaine du transport et de la fourniture d'électricité au consommateur final 6735 613 Restrictions des droits fondamentaux inscrits dans la constitution 6735 62 Délégation du droit de légiférer 6737 63 Forme de l'acte à adopter 6738 Loi sur le marché de l'électricité (projet)

6740

6741