99.064 Message concernant l'arrêté fédéral sur des mesures urgentes dans la compensation des risques de l'assurance-maladie du 18 août 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral sur des mesures urgentes dans la compensation des risques de l'assurance-maladie.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 août 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

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1999-4862

Condensé Deux réalités nouvelles sont à l'origine de l'augmentation des coûts de la santé des personnes soumises à la législation sur le droit d'asile en Suisse. D'une part, le nombre de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger s'est grandement accru en raison de la situation en ex-Yougoslavie.

D'autre part, les ressortissants du Kosovo qui sont venus en Suisse ces derniers mois ont vécu des expériences traumatisantes et souffrent parfois de blessures de guerre.

Seul un petit nombre d'assureurs assurent contre la maladie les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger. Ils le font dans le cadre de contrats collectifs conclus avec les cantons. Ces assureurs-maladie rencontrent des problèmes particuliers car ce sont surtout des jeunes hommes d'exYougoslavie qui ont cherché asile ces dernières années en Suisse ou sollicité une admission à titre temporaire. Cette évolution a eu l'effet suivant: les assureursmaladie qui assurent ces personnes ont dû supporter des charges disproportionnées dans le cadre de la compensation des risques. Des assurés qui passent en principe pour de «bons risques» occasionnent dans ce cas des coûts plus élevés. Il s'ensuit que les primes perçues ne permettent plus de couvrir la totalité des coûts de santé et des contributions dues à la compensation des risques.

C'est pourquoi le Conseil fédéral propose d'excepter en 1999, 2000 et en 2001 de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques les personnes qui demandent l'asile, qui sont admises à titre provisoire et celles qui sont à protéger et qui dépendent de l'assistance sociale. Cette mesure doit permettre d'alléger la charge financière pesant sur les assureurs-maladie qui ont assuré ces personnes essentiellement dans le cadre de contrats collectifs conclus avec les cantons.

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Message 1

Partie générale

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Point de la situation

En règle générale, les cantons soumettent les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger qui nécessitent une assistance intégrale ou partielle à l'assurance obligatoire des soins au moyen de contrats cadres (contrats collectifs), plutôt que par l'assurance individuelle. En raison de l'indigence des prestations médicales dans les pays de provenance, de blessures de guerre, etc., il est apparu le plus souvent qu'au début de leur séjour en Suisse les assurés appartenant au cercle des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger nécessitent davantage de soins médicaux.

Pour ces raisons et parce que le nombre de requérants d'asile n'a cessé de croître, les coûts des soins occasionnés par les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger ont augmenté au-delà de la moyenne ces dernières années. La guerre du Kosovo a aussi provoqué un accroissement, en Suisse, du nombre de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger nécessitant des traitements médicaux, notamment parce que ces personnes souffraient de blessures de guerre ou de traumatismes. En outre, avant le début de la guerre du Kosovo, le collectif des requérants d'asile et des personnes admises à titre provisoire se composait essentiellement de jeunes hommes, pour lesquels les assureurs devaient non seulement assumer des coûts des soins plus élevés, mais aussi verser des contributions à la compensation des risques.

Aussi, lorsqu'il s'agit de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger, peu d'assureurs-maladie sont disposés aujourd'hui à satisfaire à l'obligation d'assurance dans le cadre de contrats collectifs. Or, afin de garantir une application correcte et efficace de la loi fédérale sur l'assurancemaladie, les cantons n'ont guère d'autre solution que de collaborer avec des assureurs en concluant des contrats collectifs. Dans le cadre de la loi révisée sur l'asile, la Confédération adoptera désormais une nouvelle clé pour le remboursement forfaitaire aux cantons des coûts des primes d'assurance-maladie, basée sur l'ordonnance relative aux primes moyennes cantonales de l'assurance obligatoire des soins pour le calcul des prestations
complémentaires1. Les cantons se voient ainsi obligés de limiter le droit à un libre choix de l'assureur-maladie et du fournisseur de prestations, pour les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger qui ont besoin d'une assistance intégrale ou partielle.

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Compensation des risques

Sous l'empire de l'ancienne loi fédérale du 13 juin 1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents (LAMA)2, un phénomène de désolidarisation dans

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RS 831.309.1 RS 8 283

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l'assurance-maladie sociale a pu être observé, dans la mesure où les jeunes assurés se sont affiliés à des caisses financièrement plus intéressantes. Par la suite, les collectifs de risque des assureurs ont eu tendance à se scinder en deux groupes, d'un côté les jeunes et de l'autre les personnes plus âgées.

C'est sur ce constat que les mesures urgentes contre la désolidarisation dans l'assurance-maladie3 ont introduit le 1er janvier 1993 une compensation des risques entre les caisses-maladie. Dans son message du 6 novembre 1991 concernant la révision de l'assurance-maladie4, le Conseil fédéral a aussi proposé d'introduire dans la nouvelle loi une compensation des risques d'une durée limitée à dix ans. Cet instrument devait permettre d'un côté de renforcer la solidarité entre les assureurs et de l'autre de lutter contre la sélection des risques. La base légale de la compensation des risques fut institutée à l'art. 105 de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)5.

La compensation des risques permet de compenser dans l'assurance obligatoire des soins les coûts différents occasionnés suivant l'âge et le sexe des assurés. Les assureurs dont l'effectif des assurés compte plus de jeunes et d'hommes que la moyenne (considérés comme de «bons risques») doivent soutenir les assureurs dont l'effectif compte plus de personnes âgées et de femmes (considérées comme de «mauvais risques»). Cela permet d'équilibrer les structures de risque et d'empêcher une sélection des risques ciblée.

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Compensation des risques et requérants d'asile et de protection

Les personnes ayant déposé une demande d'asile en Suisse, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger sans autorisation de séjour ont leur domicile civil en Suisse. Selon l'art. 3, al. 1, LAMal, elles doivent impérativement s'affilier à l'assurance obligatoire des soins. C'est pourquoi elles font partie de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques.

Pour limiter dans toute la mesure du possible les frais administratifs liés à l'assurance des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger sans autorisation de séjour, les cantons ont conclu des contrats collectifs avec un petit nombre d'assureurs-maladie. C'est pourquoi on ne retrouve le groupe de personnes en question qu'auprès de peu d'assureurs-maladie.

Ces dernières années, les coûts de la santé des personnes pouvant séjourner en Suisse parce qu'elles bénéficient du droit d'asile ont augmenté au-delà de la moyenne. Cette augmentation des coûts est notamment liée à un accroissement massif du nombre de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger, dû à la situation en ex-Yougoslavie. Ces personnes ont fait l'expérience de la guerre, elles ont vécu des événements traumatisants. Elles souffrent aussi parfois de blessures de guerre. Dans un premier temps, ce sont surtout de jeunes hommes qui sont venus en Suisse. Ce n'est que récemment que des familles et des hommes âgés ont eux aussi cherché refuge dans notre pays. D'ou l'effet suivant: les assureurs-maladie qui avaient conclu avec les cantons des contrats collec3 4 5

AF du 13 décembre 1991 FF 1992 I 77 RS 832.10

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tifs pour les requérants d'asile ont dû supporter des charges disproportionnées dans le cadre de la compensation des risques. Des assurés qui devrait représenter précisément des «bons risques» occasionnent en effet dans ce cas, des coûts élevés. Il s'ensuit que les primes perçues ne permettent plus de couvrir la totalité des coûts de santé et des contributions à la compensation des risques. Ces coûts n'étant pas couverts, il n'est par conséquent pas à exclure qu'un assureur-maladie qui compte dans l'un de ses effectifs d'assurés cantonal un nombre relativement élevé de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger se voie contraint d'augmenter les primes de tous les assurés de ce canton.

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Mesures concernant la compensation des risques de l'assurance-maladie

Pour alléger la charge financière des assureurs-maladie qui ont conclu des contrats collectifs en vue d'assurer des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger, le Conseil fédéral propose d'excepter ce groupe d'assurés de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques.

Cette mesure doit permettre de soulager financièrement les assureurs-maladie qui ont assuré les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger. Pendant la durée de validité de l'arrêté fédéral, les primes perçues pour ces assurés devraient en principe servir à couvrir uniquement les prestations et ne plus contribuer à la compensation des risques. Cela déchargerait, dans le domaine de la compensation des risques en particulier et de l'assurance obligatoire des soins en général, les quelques assureurs dont l'effectif des assurés compte un nombre relativement élevé de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger.

C'est en 1999 qu'il sera possible, pour la première fois, de soustraire le groupe d'assurés comprenant les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger, de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques et par là des calculs de la compensation des risques. Les assureursmaladie ont en effet dû livrer avant la fin avril 1999 les données de la compensation définitive des risques 1998. Si l'on voulait excepter le groupe d'assurés décrit plus haut de l'effectif des assurés déterminant pour l'année 1998, il faudrait refaire tout le calcul de la compensation définitive des risques 1998. La tâche serait disproportionnée tant pour les assureurs-maladie que pour l'institution commune (organe d'exécution de la compensation des risques) et elle entraînerait un report du règlement des contributions et des redevances liées à la compensation des risques.

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Partie spéciale

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Commentaire des différentes dispositions

Art. 105a L'al. 1 définit le cercle des assurés qui doit être excepté de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques. Il s'agit des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger sans autorisation de séjour qui séjournent en Suisse et qui dépendent de l'assistance sociale.

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Pour être en mesure d'excepter le groupe d'assurés défini à l'al. 1 de leur effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques, les assureurs-maladie peuvent le cas échéant avoir besoin de renseignements et de documents dont disposent les autorités administratives de la Confédération, des cantons et des communes. L'al. 2 constitue la base légale nécessaire à ces échanges de données.

L'al. 3 fournit la base légale pour le transfert à l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) de données relatives au cercle des assurés à excepter de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques. L'OFAS a besoin de ces données pour pouvoir vérifier les informations des assureurs, mais aussi les conséquences de ces mesures urgentes.

Dispositions finales Les al. 1 à 3 contiennent les dispositions finales usuelles d'un arrêté fédéral urgent.

Celui-ci entrera en vigueur rétroactivement le 1er janvier 1999 (cf. ch. 64 ci-dessous) et restera en vigueur jusqu'au 31 décembre 2001 au plus tard.

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Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Tant pour la Confédération que pour les cantons, le projet n'a pas de conséquences financières ni d'effets sur l'état du personnel.

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Programme de la législature

Le projet n'est pas annoncé dans le programme de la législature 1995­1999. Il est cependant de première urgence (cf. ch. 6.3 ci-dessous). C'est pourquoi il est déposé dès aujourd'hui.

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Relation avec le droit européen

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Le droit de la Communauté européenne

Le règlement CE no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement (CE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, sur l'application du règlement no 1408/71 (règlements tous deux ratifiés par le règlement CE no 118/97 du Conseil, JOCE no L 28 du 30 janvier 1997, p. 1, et modifiés pour la dernière fois par le règlement CE no 1223/98 du Conseil, du 4 juin 1998, JOCE no L 168 du 13 juin 1998, p. 1), adoptés sur la base des art. 51 et 235 du traité CE, ont pour but de coordonner les législations nationales de sécurité sociale. Leur objectif n'est pas d'harmoniser les différents systèmes existant dans les états membres de l'Union européenne mais de ne réaliser qu'un complément aux prescriptions nécessaires à une libre circulation sans entraves. L'art. 51 du traité CE permet ainsi d'adopter, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs, pour autant qu'elles ne dérogent pas au droit

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des ressortissants à l'égalité de traitement. Il n'y a en l'occurrence pas de discrimination en raison de la citoyenneté, notamment en ce qui concerne les ressortissants des états membres de l'Union européenne.

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Les instruments du Conseil de l'Europe

En comparaison avec le droit communautaire, le concept d'intégration est moins développé au sein du Conseil de l'Europe. L'accent y est mis avant tout sur la promotion du progrès social, par l'établissement de normes minimales tendant à une justice sociale. A cet égard, il faut signaler le Code européen de sécurité sociale dont notre pays n'a jusqu'à présent pas été en mesure de ratifier les parties relatives à l'assurance-maladie.

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Compatibilité du projet avec le droit européen

La présente révision n'améliore ni ne détériore les relations du droit suisse avec le droit européen, dans la mesure où il s'agit d'une réglementation d'exception. Autrement dit, l'assurance-maladie suisse est et demeurera dans la ligne des prescriptions du droit communautaire, mais elle reste incompatible avec les dispositions du Code européen de sécurité sociale.

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Base légale

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Constitutionnalité

L'arrêté fédéral se fonde sur les art. 34bis et 89bis Cst.

L'art. 34bis Cst. attribue à la Confédération une compétence étendue pour l'introduction de l'assurance-maladie. Elle s'applique aussi aux prescriptions portant sur les modalités de la compensation des risques, comme cela est déjà le cas dans le droit en vigueur.

62

Forme juridique

Les mesures proposées doivent être édictées sous la forme d'un arrêté fédéral de portée générale de durée limitée. Selon l'art. 89bis Cst., de tels arrêtés peuvent être déclarés urgents lorsqu'il y a urgence tant du point de vue de l'objet que des délais.

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Urgence

L'urgence résulte de ce que les assureurs-maladie doivent annoncer dès que possible les effectifs corrigés de leurs assurés à l'institution commune, pour que celle-ci puisse calculer sur cette base la compensation définitive des risques pour l'année 1999. Les effectifs corrigés des assurés des assureurs-maladie doivent être annoncés

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au plus tard en avril 2000 à l'institution commune, afin de pouvoir être pris en compte dans le calcul de la compensation définitive des risques 1999.

Il est par ailleurs nécessaire de mettre en oeuvre aussi rapidement que possible les mesures proposées pour soulager financièrement au plus tôt les assureurs-maladie sur lesquels les contrats collectifs font peser de lourdes charges liées à la compensation des risques. Si, du fait des déficits enregistrés dans le cadre de ces contrats collectifs, les assureurs-maladie concernés devaient résilier les contrats avec les cantons, un grave problème se poserait par rapport à la gestion de l'assurancemaladie de requérants d'asile, de personnes admises à titre provisoire et de personnes à protéger.

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Rétroactivité

Pour que les mesures urgentes concernant la compensation des risques déploient tous leurs effets pour toute l'année 1999, il est nécessaire que l'arrêté fédéral soit rétroactif au 1er janvier 1999. Une mise en vigueur rétroactive est en effet le seul moyen de garantir que les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger puissent être exceptés pour l'année 1999 de l'effectif des assurés déterminant pour la compensation des risques. Cela est dû au fait que les effectifs des assurés déterminants pour le calcul des redevances de risque et des contributions de compensation sont ceux de l'année pour laquelle la compensation est effectuée (année de compensation).

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Caractère temporaire

L'arrêté fédéral urgent devrait rester en vigueur jusqu'au 31 décembre de l'an 2001 au plus tard. Cette limite dans le temps permet aux assureurs-maladie de retirer de l'effectif déterminant des assurés pour les années 1999, 2000 et 2001 le groupe d'assurés comprenant les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger.

En limitant la durée de validité de l'arrêté à trois ans, la situation dans le domaine de l'assurance des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger, ainsi que l'effet des mesures urgentes dans la compensation des risques pourront être analysés et jugés.

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