99.026 Message concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (révision des dispositions pénales applicables à la corruption) et l'adhésion de la Suisse à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 19 avril 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de révision des dispositions du code pénal et du code pénal militaire relatives à la corruption ainsi qu'un projet d'arrêté fédéral sur la ratification de la Convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

Nous vous demandons en outre de classer les interventions parlementaires suivantes: 1994

P

93.3656

Corruption de fonctionnaires étrangers (N 18.3.94, Rechsteiner Paul)

1997

M

96.3457

Cas de corruption. Conséquences législatives (E 11.12.96, Schüle; N 5.6.97)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 avril 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4574

5045

Condensé A l'instar de nombreux autres Etats, la Suisse est depuis peu confrontée à une forte progression du problème de la corruption. Quelques cas retentissants de corruption dont notre pays a été le théâtre ont mis en évidence la nécessité de réviser les dispositions de notre droit pénal concernant cette matière. Au niveau international, l'opinion s'est désormais imposée que la corruption transfrontalière doit également être combattue par les moyens du droit pénal. Cette conviction a notamment trouvé son expression dans la Convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, conclue sous l'égide de l'OCDE. Ce texte est entré en vigueur le 15 février 1999; à cette date, douze des trente-quatre Etats signataires l'avaient déjà ratifié.

Le projet de révision que nous vous soumettons aujourd'hui a pour objectif de remédier aux insuffisances du droit en vigueur en matière de lutte contre la corruption dans notre pays et sur le plan international, et de créer les conditions nécessaires à l'adhésion de la Suisse à la Convention de l'OCDE. A cette fin, nous proposons, pour l'essentiel, les modifications suivantes: les articles du code pénal suisse réprimant la corruption (il s'agit actuellement des art. 288, 315 et 316) ont été regroupés dans un titre distinct et soumis à une révision approfondie. Dorénavant, la corruption active (art. 322ter P-CP) devient un crime passible de la réclusion.

Cette nouvelle qualification a pour effet de prolonger le délai de prescription, actuellement trop court, applicable à cette infraction. En outre, le blanchiment des capitaux issus de la corruption est désormais punissable sans exception. De ce fait, contrairement à ce qui se passe dans le droit actuel, les récompenses ultérieures seront punissables au même titre que les libéralités accordées antérieurement.

Enfin, les deux nouvelles infractions que constituent l'octroi d'un avantage (art.

322quinquies) d'une part, l'acceptation d'un avantage (art. 322sexies) d'autre part, visent les libéralités faites à une personne pour qu'elle accomplisse les devoirs de sa charge. Cela permet notamment de punir les comportements appelés «alimentation progressive» et «entretien du climat», qui sont des éléments caractéristiques d'une
forme de corruption particulièrement pernicieuse, la corruption systématique.

Le nouvel article qui réprime la corruption active d'agents publics étrangers (art.

322septies) constitue le pendant de la norme pénale réprimant la corruption d'agents publics suisses; il ne se distingue de l'art. 322ter du projet que par la description de l'objet de l'infraction (il vise les agents publics d'un Etat étranger ou d'une organisation internationale). Cette nouvelle norme pénale constitue également la condition essentielle d'une transposition dans le système juridique national de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

L'art. 322octies du projet tient compte de la nécessité d'exclure les faits qu'il n'y a pas lieu de punir du champ d'application des normes punissant la corruption dans la mesure où il permet de renoncer à la poursuite dans certains cas exceptionnels où, malgré l'inopportunité de la sanction, les éléments constitutifs de la corruption sont néanmoins réunis.

5046

Message 1

Partie générale

11

Introduction

111

L'importance accrue du problème

Depuis quelques années, la corruption est devenue un sujet brûlant, tant en Suisse qu'à l'étranger. Au niveau fédéral comme au niveau cantonal, le nombre des enquêtes pénales et administratives ouvertes pour corruption n'a cessé d'augmenter1. Des commissions d'enquête parlementaires ont également été chargées de faire toute la lumière sur des cas de corruption2. Dès lors, la corruption est devenue un thème privilégié du débat public, dans les médias comme sur la scène politique. Depuis 1990, pas moins d'une quarantaine de motions consacrées à ce sujet ont été déposées par les parlementaires fédéraux3.

Toutefois, cette évolution n'a guère eu de répercussions significatives sur les statistiques des condamnations.

Depuis des années, en effet, le nombre de condamnations prononcées en Suisse pour corruption active ou passive est plutôt constant et se situe autour de dix par année. Il est cependant frappant de constater que le nombre de personnes condamnées pour avoir accepté un avantage (art. 316 CP) a passé d'un en moyenne dans les années 1987­1994 à une douzaine au cours de la période 1995­19964.

Compte tenu de ces chiffres relativement modestes, on pourrait être tenté de penser que la corruption n'a finalement guère d'incidences dans notre pays. Mais le rapport final du groupe de travail «Sicherheitsprüfung und Korruption» constitué par le Département fédéral de justice et police5 attire l'attention sur l'accumulation des cas de corruption mis au jour dans un passé récent6. Bien que la Suisse reste considérée

1

2

3 4

5 6

Au niveau fédéral, plusieurs procédures ont été ouvertes ces dernières années. On citera notamment les enquêtes menées dans le DDPS, à l'Office fédéral de la statistique, dans le secteur informatique des EPF, aux ex-PTT-Telecom, auprès de l'Union suisse du commerce de fromage ou à l'Office fédéral des constructions. Les médias ont également rendu compte de nombreuses enquêtes cantonales, notamment l'enquête pénale menée dans les milieux économiques zurichois, diverses procédures engagées dans le canton de Fribourg, les procédures pénales dirigées contre un fonctionnaire de la police des étrangers du canton de Bâle et des fonctionnaires d'une usine électrique du canton de Vaud ainsi que l'affaire des boues d'épuration qui a éclaté à Zurich. Il ne s'agit là que de quelques exemples pris au hasard destinés à témoigner de l'actualité du sujet.

Voir le rapport de la Commission d'enquête parlementaire I du 17 juillet 1997, adressé au Conseil d'Etat zurichois dans le cadre de l'affaire Raphael Huber; au niveau communal, voir également le rapport de la commission d'enquête «Evacuation des boues d'épuration 1988 ­ 1992» adressé au Conseil municipal zurichois le 4 octobre 1996.

Voir à ce sujet infra ch. 121.1 Pour des renseignements statistiques détaillés, voir le rapport final du groupe de travail «Sicherheitsprüfungen und Korruption» p. 7 et p. 27 ss. Les statistiques relatives aux années 1997 et 1998 ne sont pas encore disponibles.

Loc.cit., p. 27­55.

Voir également l'avis du Conseil fédéral sur la motion Schüle, BO 1996 E 1147 et l'exposé présenté par le conseiller fédéral Koller lors de l'assemblée annuelle de la Société suisse de droit pénal du 24 avril 1997, RPS 116 p. 125 ss (127).

5047

sur le plan international comme un pays peu sujet à la corruption7, on est amené à soupçonner l'existence d'une zone d'ombre relativement importante.

De fait, les apparences sont trompeuses. Après la découverte de très nombreux cas de corruption à Milan8, Vienne9, Marseille10 et Paris11, on a été amené après coup à constater que la corruption était également très présente dans les administrations allemandes que l'on jugeait traditionnellement résistantes à ce fléau12. Comme c'est souvent le cas, les procédures dirigées contre quelques individus ont fait boule de neige, déclenchant l'ouverture de nombreuses autres enquêtes. En Suisse, malgré quelques cas retentissants, on n'a pas connu une telle inflation du nombre des cas recensés. Considérant toutefois les branches économiques et les administrations comme particulièrement exposées de par leur nature (p. ex. adjudications des marchés publics, marché de l'armement, octroi de permis de construire ou de séjour, administrations fiscales), il n'y a guère de raison de penser que les risques sont moindres dans notre pays. Au contraire, dans le domaine des marchés publics, les procédures d'adjudication pourraient manquer de transparence, ce qui tendrait à ouvrir la porte à la corruption13. A cela il faut ajouter que l'attrait pour ces pratiques risque d'augmenter compte tenu de l'internationalisation des appels d'offres et du durcissement des dispositions légales anti-cartellaires14, non seulement parce que les ententes, qui étaient monnaie courante, sont désormais moins faciles à réaliser et tombent également sous le coup de la loi15, mais peut-être aussi parce qu'il y a sur les marchés suisses de plus en plus d'opérateurs qui, dans leur domaine d'activité propre, se sont accoutumés aux pratiques de la corruption.

Le petit nombre des procédures pénales enregistrées peut également s'expliquer par le fait que certaines condamnations ont été prononcées à d'autres titres et sont donc comptabilisées sous une autre qualification (p. ex. gestion déloyale des intérêts publics, éventuellement escroquerie). Par ailleurs, un certain nombre de procédures importantes, actuellement en cours, ne sont pas encore prises en compte par les statistiques des condamnations.

Contrairement à la justice pénale, nous ne possédons guère de statistiques fiables en ce qui concerne les procédures disciplinaires engagées pour des faits de corruption 7

8

9 10 11 12

13

14 15

Voir par exemple le «Corruption Perceptions Index 1998» de Transparency International, qui classe la Suisse au dixième rang des pays les moins corrompus; pour d'autres références, voir également Koller in RPS 116 p. 127.

Voir Colombo, Korruption als Flächenbrand, et Raith, Korruption: Der Weg in die politische und gesellschaftliche Krise ­ das Beispiel Italiens, in: Friedrich Ebert-Stiftung (édit.), Korruption in Deutschland, Berlin 1995 p. 31 ss.

Rollwagen, Wirtschaftskriminalität im Bauwesen, Vergabe öffentlicher Aufträge, in: Meyerhofer/Jehle (édit.), Organisierte Kriminalität, Heidelberg 1996 p. 119 ss.

Service Central de Prévention de la Corruption, rapport annuel 1993/94 p. 53 ss.

Service Central de Prévention de la Corruption, rapport annuel 1995.

Pour Munich, on rapporte qu'entre 1988 et 1996, près de 1200 personnes ont fait l'objet d'une procédure (Scholz, Die Zeit, Dossier Korruption, 30.8.96 p. 9); en ce qui concerne Francfort, on parle de 1700 cas (Udo Müller, Korruption in der öffentlichen Verwaltung, Kriminalistik 47 (1993) p. 509 ss; Schaupensteiner, Submissionsabsprachen und Korruption im öffentlichen Bauwesen, Zeitschrift für Rechtspolitik, 1993, p. 250).

Michel, Les règles de passation des marchés publiques sous l'aspect du risque de corruption, in: Borghi/Mayer-Bisch (édit.), La corruption, l'envers des droits de l'homme, Fribourg 1995 p. 224 ss.; Queloz, Journal de Genève et Gazette de Lausanne, 23. avril 1997 p. 3; Pieth, Korruption ­ ein Thema?, Baurechtstagung Freiburg 1997 p.

31 ss. [Pieth 1997 b].

Voir la loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (RS 251).

Voir la note de Schubarth sur BGHSt 38, 186, in: Baurecht 1993 p. 56 ss.

5048

au sein de l'administration; en effet, celles-ci connaissent souvent un dénouement interne et parfois informel. D'ailleurs, même les procédures formelles sont suspendues dès l'instant où le fonctionnaire en cause quitte l'administration. En outre, les responsables hiérarchiques ne sont pas tenus dans tous les cantons de dénoncer les personnes soupçonnées de corruption. D'une façon générale, on estime que les administrations ne s'adressent aux autorités pénales qu'avec une grande réticence.

De plus, le délit de corruption reste fréquemment occulté car les collectivités ou les particuliers lésés ne s'en avisent que tardivement, voire jamais. Il faut donc partir du principe qu'un nombre considérable de cas échappe tout simplement au recensement.

Des projets de recherche empiriques actuellement consacrés à la corruption en Suisse dans le cadre du Programme 40 du Fonds national suisse de la recherche scientifique («Violence au quotidien et Crime organisé») permettent d'espérer en apprendre davantage sur la réalité de la corruption dans notre pays. Ces projets recourent notamment à un sondage réalisé auprès des autorités judiciaires et administratives cantonales.

Il n'est donc pas possible de savoir avec certitude si le débat actuel sur la corruption est le fruit d'une augmentation effective du nombre de cas ou si l'opinion manifeste simplement une sensibilité plus grande à l'égard de ce phénomène. Ce que l'on constate en revanche, c'est que certains cas récents se distinguent par leur ampleur et leur complexité: en lieu et place de relations d'échange relativement simples, on voit désormais s'installer des rapports complexes, fondés sur la durée, concernant une multitude d'actes administratifs et faisant intervenir l'attribution d'un grand nombre d'avantages.

L'importance croissante de la corruption en Suisse n'est d'ailleurs que le reflet d'une évolution mondiale. Dans une perspective économique, on attribue surtout la propagation du phénomène et la chute du tabou qui l'entourait aux causes suivantes: l'internationalisation des marchés et le progrès technologique, notamment dans le domaine de l'informatique et de la communication, offrent de nouvelles occasions de corruption à grande échelle. C'est la raison pour laquelle des acteurs économiques de plus en plus nombreux sont confrontés de plus près
à la corruption que par le passé. Notamment en ce qui concerne les Etats industrialisés, on a attribué l'augmentation des cas de corruption à une transformation de l'image de la fonction publique. Alors qu'autrefois, du moins en Europe occidentale, les vertus cardinales du fonctionnaire étaient l'exactitude, le respect de la règle et l'incorruptibilité, on attend désormais d'eux qu'ils fassent un usage plus souple et plus innovateur de leur pouvoir discrétionnaire16. Dans une société qui accorde toujours plus d'importance à la réussite financière au détriment d'autres valeurs, il faut s'attendre à ce que les fonctionnaires soient de plus en plus tentés de détourner à leur avantage le pouvoir dont ils sont dépositaires. La pression de la concurrence ne cessant de s'accentuer, les entreprises, elles, succomberont plus facilement à la tentation de remédier à l'insuffisance des commandes par des versements privés, destinés par exemple aux fonctionnaires dont dépend l'adjudication d'un marché17.

16 17

En ce qui concerne les risques propres à la Nouvelle gestion publique, voir également le conseiller fédéral Koller in RPS 116 p. 128.

Pour des exemples, voir notamment la Neue Zürcher Zeitung des 2 et 3 novembre 1996, p. 20 et Pieth 1997 b, p. 30 ss.

5049

112

Définition et méthodes de la corruption

La corruption est une notion assez vaste dans laquelle on distingue un noyau précis entouré d'une zone plus diffuse: la corruption au sens strict, qui constitue le noyau, suppose l'existence d'un «contrat de corruption» dont l'objet est l'échange d'un avantage indu accordé à un agent public en échange d'une violation par ce dernier, par action ou par omission, des devoirs de sa charge. Le modèle de base de la corruption implique donc la double violation (effective ou envisagée) d'un devoir.

Mais la notion juridique de corruption, en droit administratif comme en droit pénal, recouvre également des degrés préalables et des formes moins caractérisées du contrat de corruption. Il y a lieu d'envisager notamment l'octroi et l'acceptation d'avantages d'une part, la récompense ultérieure d'autre part. La «corruption» a donc aussi un sens plus large qui englobe le fait de favoriser ses amis ou ses parents dans l'attribution de mandats ou de commandes ainsi que d'autres formes de népotisme18.

Toutefois, le modèle de base de la corruption, qui repose sur l'achat d'une décision (ou d'une information), ne rend que très partiellement compte de la réalité du phénomène. Il n'en saisit qu'insuffisamment la dimension dynamique et isole les différents segments d'une chaîne continue d'événements. En effet, le corrupteur et le corrompu préparent l'acte de corruption proprement dit, le consomment, puis en tirent les dernières conséquences. Sans tester préalablement les dispositions de l'intéressé, offrir ou demander des avantages serait beaucoup trop risqué. Souvent, le corrupteur commence par tester la réceptivité du corrompu potentiel, dont la résistance est progressivement affaiblie par des cadeaux19. Ces premiers dons sont généralement effectués sans référence à des contreparties concrètes. Le corrupteur professionnel mise précisément sur le fait que des libéralités répétées et l'augmentation progressive des montants, toujours sans référence concrète à une contrepartie, créent une forme de dépendance sans mobiliser d'emblée tous les réflexes de défense de l'intéressé. On utilise parfois dans ce contexte le terme d'alimentation progressive20.

Mais il est fréquent également que l'initiative vienne du corrompu. Par une passivité calculée, ce dernier fait sentir son pouvoir au corrupteur potentiel. Dans certains cas,
on en arrive, ni plus ni moins, à une situation de contrainte. Souvent, c'est un intermédiaire qui approche le futur corrupteur21. Lorsque des règles informelles, des tarifs établis et des intermédiaires par métier s'installent entre le donateur et le bénéficiaire, on parle de corruption systématique.

On constate souvent également que les aspects financiers des opérations de grande envergure sont préparés de longue haleine. Alors que l'acte isolé aboutit régulièrement à une fausse écriture dans les comptes du donateur, il est fréquent que les fonds utilisés dans les cycles de corruption à grande échelle soient préalablement 18 19 20

21

Balmelli, Die Bestechungstatbestände des Schweizerischen Strafgesetzbuches, Berne 1996 p. 7.

Pieth 1997b p. 43 s. ; pour des exemples, voir Müller, Korruption in der öffentlichen Verwaltung, Kriminalistik 47 (1993) p. 510.

Schaupensteiner, Gesamtkonzept zur Eindämmung der Korruption, NStZ 16 (1996) p.

409 ss. (413); Vahlenkamp/Knauss, Korruption ­ hinnehmen oder handeln? BKAForschungsreihe Band 33, Wiesbaden 1995, p. 206.

Voir les exemples cités dans l'exposé des faits de l'affaire Huber et consorts, RDS 92 (1996) p. 13 ss.

5050

isolés de la comptabilité régulière du corrupteur22. Fait symptomatique, les «caisses noires» sont généralement constituées par des personnes liées par le secret professionnel ou par des sociétés domiciliées sur des places financières off-shore23. Si le corrupteur n'a pas pris en temps utile les mesures nécessaires, il peut aussi arriver que, confronté à une lourde échéance, notamment dans le cadre de transactions économiques internationales, il soit contraint de se procurer des sommes importantes à très court terme. La tentation est grande, alors, de se tourner vers le marché noir, vers les blanchisseurs d'argent sale, pour obtenir des de l'argent liquide. Il ne faut donc pas minimiser le risque que des entreprises soient ainsi mises au contact du crime organisé24.

Bien qu'elle se manifeste régulièrement dans des cas individuels, la corruption ne prend véritablement d'importance économique que lorsqu'elle permet d'établir des relations durables entre les acteurs économiques et les instances d'adjudication, ou entre les requérants d'autorisations et les autorités chargées de délivrer celles-ci. En soi, le premier «investissement» peut apparaître anodin mais s'avérer rentable avec le temps et ne plus nécessiter ultérieurement que des interventions de rappel de moindre envergure. Quoique le terme ne soit techniquement pas très satisfaisant, on peut dire que la corruption à grande échelle est un délit continu.

Les constructions juridiques qui insistent dans tous les cas sur la preuve concrète de l'existence d'un accord illicite risquent de négliger de la sorte l'élément dynamique de la corruption. La brièveté des délais de prescription fait qu'il n'est souvent plus possible d'appréhender une opération dans son ensemble; tel est par exemple le cas lorsque un «prêt» non remboursable accordé plusieurs années auparavant ne peut plus être poursuivi pour cause de prescription au moment où l'on a enfin pu établir la relation entre celui-ci et la violation des devoirs de sa charge par un fonctionnaire.

113

Les risques de la corruption systématique

La définition du terme de corruption systématique apparaît sous un jour particulièrement cru si l'on considère ce qui se passe dans certains pays du Sud. La corruption peut s'abattre comme un filet sur un Etat, une société, une économie. Si quelques «fonctionnalistes économiques» des années soixante et soixante-dix jugeaient encore positifs certains effets de la corruption25, cette évaluation a été fondamentalement revue depuis lors: on peut certes imaginer que dans certains cas, un requérant obtiendra plus rapidement le raccordement téléphonique, auquel il a droit de toutes façons, s'il verse un petit «supplément». Mais à long terme, ce comportement va amener l'autorité concernée à restreindre encore ­ artificiellement ­ des ressources 22 23

24 25

Des créances régulières sont p.ex. encaissées hors bilan par un service de recouvrement, puis comptabilisées comme «créances irrécupérables», «escomptes» ou «rabais».

Voir Financial Action Task Force on Money Laundering, Shell Company Typology, mars 1993; Müller/Wabnitz, Wirtschaftskriminalität, 3e édition, Munich 1993 p. 224; Pieth, Die Praxis der Geldwäscherei, in: Trechsel (édit.), Geldwäscherei, Prävention und Massnahmen zur Bekämpfung, Zurich 1997 p. 11 ss (20) [Pieth 1997c].

Pieth, International Cooperation to Combat Corruption, in: Eliott (édit.), Corruption and the Global Economy, Washington 1997 p. 121 [Pieth 1997a].

Leff, Economic Development through Bureaucratic Corruption, in: The American Behavioural Scientist, novembre 1964 p. 8 ss; Huntington, Political Order in Changing Societies, Newhaven et Londres 1968 p. 59 ss; MacMullan, A Theory of Corruption, in: The Sociological Review, 1961, vol. VIII, p. 181 ss; Scott, Corruption, in: American Political Science Review, 1969, vol. 63, p. 1142 ss.

5051

déjà limitées et à prolonger les délais de raccordement26. D'autres «effets positifs» de la corruption se sont avérés, tout bien considéré, comme le résultat d'un calcul à court terme: dire que la corruption peut favoriser une accumulation de capitaux dans le pays concerné est généralement inexact, ne serait-ce que par le fait que ces fonds sont presque toujours placés et utilisés à l'étranger. On ne saurait donc affirmer que, en marge du marché légal, se serait établi un marché de la corruption fonctionnant de la même manière, favorisant les meilleurs opérateurs. Les personnes favorisées sont celles qui possèdent les meilleures relations et offrent les meilleures garanties de silence.

Cependant, la corruption systématique ne se contente pas de fausser le jeu de la concurrence, avec les conséquences dommageables que cela comporte pour l'économie d'un pays. Elle sape également les fondements démocratiques d'une communauté en compromettant l'impartialité des autorités et la libre formation de la volonté. En dernière analyse, elle menace l'existence même de l'Etat de droit. On observe ce type de situation dans de nombreux pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe de l'Est.

Mais il paraît de plus en plus difficile de considérer la corruption systématique comme un problème des seuls pays en développement. D'une part, elle a des conséquences immédiates, jusque sous nos latitudes, sur les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence: en effet, elle compromet directement les chances qu'a l'économie de vendre ses produits sur les marchés mondiaux dans des conditions équitables. D'autre part, des milliers de procédures pénales ont été ouvertes ces dix dernières années en Europe occidentale et dans d'autres pays industrialisés (notamment au Japon et aux Etats-Unis)27. Il faut savoir à cet égard qu'un nombre même restreint de cas de corruption mobilisant l'attention de l'opinion publique suffit à compromettre de façon irrémédiable la confiance générale dans l'intégrité de l'Etat et des autorités et peut entraîner un effritement des valeurs qui facilitera à son tour la propagation de la corruption. Il s'agit donc de prendre en temps utile les mesures qui s'imposent pour prévenir un tel engrenage.

114

Nécessité d'une réforme des dispositions pénales réprimant la corruption

Les signes indiquant que la corruption est plus fréquente et prend des formes plus graves que ce que l'on soupçonnait depuis longtemps ne suffisent pas, à eux seuls, pour justifier la nécessité de légiférer. Il faut au contraire s'interroger sur la capacité du droit en vigueur à faire face aux nouveaux défis qui lui sont lancés.

26

27

Des exemples venant de pays en développement montrent bien qu'un pouvoir discrétionnaire étendu en matière de répartition des ressources combiné à la défaillance des contrôles et à l'insuffisance des traitements alloués aux fonctionnaires constituent une véritable incitation à la corruption. Voir Klitgaard, National and International Strategies for Reducing Corruption, OECD Symposium on Corruption and Good Governance, Paris 13/14 mars 1995 p. 8.

Colombo in: Friedrich Ebert-Stiftung (édit.), Korruption in Deutschland, Berlin 1995 p.

37 ss.; Service Central de Prévention de la Corruption, rapports annuels, 1993/94 et 1995. Voir aussi supra ch. 111.

5052

114.1

L'évolution du bien juridiquement protégé et ses conséquences

Les dispositions pénales réprimant la corruption n'ont jamais été revues depuis l'entrée en vigueur du code pénal. Elles trouvent leur origine dans le droit pénal cantonal du XIXe siècle28.

Au coeur du dispositif, on trouve les art. 288 et 315 CP prohibant la corruption ainsi que l'art. 316 CP réprimant le fait d'accepter un avantage. A côté de cela, le code pénal contient encore quelques infractions spéciales visant la corruption dans l'exécution forcée (art. 168 CP) et la corruption électorale (art. 281 CP). En outre, les affaires de corruption font souvent intervenir d'autres infractions contre les devoirs de fonction (et notamment l'abus d'autorité, la gestion déloyale des intérêts publics, la violation du secret de fonction et le faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques). S'agissant de la corruption dans le secteur privé, il y a lieu de prendre également en considération l'art. 4, let. b, de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale et l'art. 158 CP (gestion déloyale).

Lors des délibérations sur le CP, Stooss, l'auteur des avant-projets, avait fait prévaloir ses vues tant au sein des commissions d'experts qu'aux Chambres. Il s'était concentré sur la corruption au sens propre, celle qui suppose la double violation d'un devoir: l'acceptation d'un avantage indu en prévision de la commission future d'un acte contraire aux devoirs de fonction29. Il a ainsi contribué à promouvoir un principe important, aujourd'hui encore progressiste, selon lequel le droit pénal ne doit être appliqué qu'avec une grande retenue et dans les cas seulement où d'autres mesures s'avèrent insuffisantes. En outre, les éléments constitutifs de l'infraction doivent être clairement cernés et désigner le noyau proprement dit de l'acte illicite.

La création d'une infraction spéciale supplémentaire visant le fait d'accepter un avantage relève de la tradition du XIXe siècle qui voulait que les graves manquements aux devoirs de fonction commis par des fonctionnaires «investis d'un pouvoir particulier»30 fussent sanctionnés par des dispositions pénales31. Le fait que, du point de vue de l'époque, le droit sanctionnant la corruption fût dans une large mesure un droit disciplinaire érigé en droit pénal se manifeste aujourd'hui encore dans la qualification de la corruption active
qui est un simple délit alors que la corruption passive est érigée en crime. Quant à l'acte consistant à octroyer un avantage ­ pendant actif de l'acceptation de cet avantage ­ il n'a même pas été jugé répréhensible.

C'est dans ces circonstances qu'une première série de propositions de révision virent le jour. Depuis le XIXe siècle, la façon d'envisager le bien juridiquement protégé par les infractions réprimant la corruption a évolué. A la sanction infligée au fonctionnaire pour désobéissance (et d'une sanction pour une forme de participation autonome et moins grave applicable aux non-fonctionnaires), on a vu se substituer le souci d'objectivité et d'impartialité du processus décisionnel étatique: les normes concernant la corruption relèvent déjà, selon une conception généralement répandue 28 29 30 31

Pour l'histoire législative, voir Balmelli p. 34 ss.

Voir procès-verbal de la commission d'experts I, 3e partie, p. 262 ss, 4e partie p. 692 ss; procès-verbal de la commission d'experts II, tome V p. 185 ss.

Rhinow/Krähenmann, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, Bâle et Francfort s. M. 1990 no 65.

Voir Balmelli p. 67 ss; Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar 2e éd., Zurich 1997 N. 1 ad art. 315.

5053

de nos jours32, de la protection abstraite de la confiance de la collectivité dans l'objectivité de l'action de l'Etat. Dans cette perspective, on ne voit pas bien les raisons pour lesquelles l'acte du corrupteur devrait peser tellement moins lourd que celui du corrompu. Bien sûr, les circonstances concrètes de l'infraction peuvent varier considérablement selon les cas; le corrompu peut se montrer incitateur, voir exercer des pressions; de l'autre côté, le corrupteur, abusant de sa puissance, peut inciter le fonctionnaire à violer les devoirs de sa charge. Il appartiendra au juge d'en tenir compte dans le cas d'espèce. Mais pour cela, il devrait avoir la latitude d'appliquer également au corrupteur toute la gamme des sanctions disponibles. Par ailleurs, on ne comprendrait guère pourquoi la corruption passive serait banalisée et deviendrait un délit à l'instar de la corruption active, alors que les grandes infractions contre le patrimoine ont toutes été érigées en crime33. La première mesure de correction qui s'impose consiste donc à menacer de la même peine le corrupteur et le corrompu.

Stooss pensait devoir empêcher que l'octroi d'avantages en relation avec des actes non contraires aux devoirs de fonction soit punissable, afin de ne pas pénaliser des comportements socialement admis, tels que la remise de cadeaux de fin d'année ou de pourboires34. Or, cette conception n'est pas conséquente, car on aurait dû renoncer également au caractère illicite de l'acceptation de ces libéralités: on aurait pu abandonner au droit de la fonction publique le soin de légiférer en la matière.

D'autre part, elle méconnaît le fait que les «cadeaux» peuvent atteindre des sommes considérables. Alors qu'il apparaîtrait choquant de juger punissable l'expression spontanée de la gratitude d'un administré pour une prestation particulière, surtout si le cadeau garde des proportions raisonnables, le fait, par exemple, de verser une somme de 50 000 francs à un fonctionnaire, même pour le remercier d'un acte non contraire à ses devoirs, ne saurait être toléré. Mais il faut aussi voir qu'une somme de 50 000 francs peut fort bien être considérée par celui qui la verse comme une bagatelle en regard du contrat qu'il se voit attribuer en échange. Dès lors, même la simple remise de cadeaux doit, par principe, être punissable35.
La confiance de la collectivité dans l'objectivité du processus décisionnel étatique est cependant aussi remise en cause lorsque, peu de temps après l'adjudication d'un important marché public, le bénéficiaire de la décision d'adjudication verse sur le compte privé du fonctionnaire qui en est l'auteur une somme de 50 000 francs non convenue au préalable. Des exemples de ce type ont amené les autorités fédérales à inclure la récompense et l'acceptation de celle-ci sur la liste des réformes à envisager36. A ce stade, nous avons abordé des sujets qui, dans les pays qui nous entourent, ont depuis longtemps donné lieu à des réformes du droit pénal concernant la corruption37.

32 33 34 35 36 37

Stratenwerth, Schweiz. Strafrecht, Besonderer Teil II, 4e éd., Berne 1995 § 57 N. 1; Trechsel N. 1 ad art. 316; Balmelli p. 96 s.

Voir p. ex. art. 138, 139, 140, 146, 147, 156 et 157 CP.

Pour l'histoire législative, voir Balmelli: p. 34 ss (38).

C'est également ce que demandait la motion 96.3457 (Schüle) adoptée par les deux Chambres, BO 1996 E 1146 ss et BO 1997 N 1015 s.

Rapport final du groupe de travail «Sicherheitsprüfungen und Korruption», p. 81.

Pour ce qui est de la révision intervenue en Allemagne en 1974: Dreher/Tröndle, Strafgesetzbuch und Nebengesetze, 47e éd.. Munich 1995 p. LXX s.; Voir à propos des deux lois anti-corruption autrichiennes de 1964 et 1982, Pallin, in: ÖJZ 1982 p. 337; pour la loi anti-corruption française du 29.1.1993, Barth, in: Eser et al. (édit.), Korruptionsbekämpfung durch Strafrecht, Freiburg i.B. 1997 p. 105 ss; Voir également les art. 318 et 321 du code pénal italien.

5054

Faute de précédents, ce n'est qu'à l'occasion de la retentissante affaire Huber, qui s'est déroulée à Zurich, que le droit suisse s'est vu confronté à la nécessité de trancher la question de savoir si l'acte d'un fonctionnaire, acte acheté mais licite quant à son résultat et entrant dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de son auteur, devait être considéré comme contraire aux devoirs de fonction. Dans cette affaire, l'enjeu était considérable: si l'on niait le caractère illicite du comportement du fonctionnaire qui, ne pouvant délivrer qu'un nombre limité d'autorisations valables, choisit le plus offrant parmi les candidats qui remplissent les conditions requises ­ ce qui revient pratiquement à mettre les autorisations aux enchères ­ la personne versant le dessous-de-table se retrouverait libre de toute sanction et le fonctionnaire encourrait une peine maximale de six mois de prison. De plus, l'acte aurait été prescrit au terme d'un délai relatif de cinq ans, ou d'un délai absolu de sept ans et demi. Ce n'est pas sans raison que le tribunal d'arrondissement de Zurich38 puis, sur recours, le tribunal cantonal zurichois39, ont jugé contraire aux devoirs de fonction le fait de vendre une décision prise dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire. Nous estimons cependant que le législateur doit désormais clarifier la situation dans ce domaine.

114.2

L'exigence d'un allégement du fardeau de la preuve

114.21

Données du problème

Tandis que l'assimilation de la corruption active et de la corruption passive ainsi que l'intégration de l'octroi d'avantages dans le droit pénal faisaient partie des thèmes de réforme traditionnels, la mise au jour de milliers de cas de corruption dans les pays voisins a fait apparaître la nécessité de nouvelles réformes. Le schéma de base de la corruption requiert la preuve d'une relation entre l'octroi des libéralités et l'action (escomptée) du fonctionnaire. A l'étranger, l'expérience a montré que la preuve de la corruption échoue souvent en raison de cette exigence d'un rapport d'équivalence. Soit que la prestation et la contre-prestation puissent être établies chacune pour elle-même mais que la destination de la prestation en cause ne puisse être prouvée sans recourir à la fiction, soit que la contre-prestation ne soit pas (encore) apparente, par exemple parce que l'on s'est chargé d'«entretenir le climat».

C'est d'une façon très particulière que le principe d'équivalence a posé des problèmes dans le cas des hôteliers zurichois: les libéralités accordées et l'octroi des autorisations étaient très éloignés dans le temps, à tel point que dans certains cas les actes en cause, considérés isolément, étaient déjà prescrits. Après que le Tribunal fédéral eut renoncé à la figure juridique du «délit successif», jugée arbitraire40, le ministère public se retrouva dans l'embarras pour qualifier en droit l'enchaînement de faits de corruption. Certes, il est parvenu, à certains égards, à forger une «unité de la prescription»41; mais des voix se sont élevées, en Suisse comme à l'étranger, pour demander que l'on crée des infractions spéciales qui dispensent de la nécessité

38 39 40 41

Voir RDS 92 (1996) p. 15; Trechsel N. 5 ad art. 288 Voir la Neue Zürcher Zeitung du 17 septembre 1998.

Voir la première fois ATF 116 IV 121 ss et 117 IV 408 ss, et récemment ATF 121 IV 272.

Pieth, Die verjährungsrechtliche Einheit gemäss Art. 71 Abs. 2 StGB bei Bestechungsdelikten, BJM 1996, p. 57 ss.

5055

d'apporter la preuve d'un «contrat illicite» et visent en même temps l'«alimentation progressive»42, ou alors que l'on élargisse la palette des mesures de procédure43.

114.22

Les différentes options d'une révision

On peut objecter à l'idée d'un abaissement des exigences lorsqu'il s'agit de prouver l'existence du contrat de corruption que les contours de l'infraction s'estompent et que la référence à l'élément central de l'illicéité est affaiblie44. La création de nouveaux délits de mise en danger encore plus abstraits va plus loin dans le champ des atteintes à un bien juridiquement protégé et risquerait d'englober des cas dont le caractère répréhensible paraît douteux. Il faut donc que la loi trouve la juste limite pour écarter du champ de répression les cadeaux usuels, jugés non répréhensibles, et d'autres formes de libéralités considérées comme souhaitables (sponsoring, financement au moyen de fonds de tiers).

Considérant les choses d'un point de vue actuel, le législateur dispose de trois modèles de réforme: a. Retour à la corruption proprement dite Le point de départ de la solution proposée par Stooss présentait l'avantage, sur le plan de la dogmatique pénale, de se limiter à la corruption (active ou passive) proprement dite, envisagée comme un «contrat illicite», ne saisissant d'emblée que les comportements indubitablement répréhensibles. On pourrait imaginer de conserver cette approche, et même de décriminaliser l'acceptation d'avantages (art. 316 CP) pour en confier la sanction au seul droit disciplinaire. Franchir ce pas n'est radical qu'à première vue: un tempérament partiel résulterait du fait que les dispositions réprimant la corruption proprement dite (art. 322ter et 322quater P-CP) mettent explicitement sur pied d'égalité les actes accomplis contre rémunération dans le cadre d'un pouvoir discrétionnaire et les violations des devoirs de la charge. Dès lors, la lacune en matière de répression se limiterait aux cas où le fonctionnaire accepte des avantages pour des actes liés relevant de l'administration. Le fait de prendre en considération la récompense ultérieure et l'acceptation de cette récompense (art.

322ter et 322quater du projet) permet de combler davantage encore cette lacune.

Une telle construction faisant abstraction d'infractions spéciales s'expose toutefois à une objection décisive: les libéralités, si généreuses soient-elles, restent impunies 42

43

44

Voir les art. 432 ss du nouveau code pénal français qui ne font pas la distinction entre l'acte licite (acceptation d'un avantage) et l'acte contraire au droit (corruption passive) et parmi lesquels on trouve également des dispositions spéciales (432­12 et 432­13) pour lesquels une relation causale entre l'avantage et l'acte du fonctionnaire n'est pas exigée.

La réforme des §§ 331 ss StGB, récemment intervenue en Allemagne, permet également d'appréhender désormais l'«alimentation progressive»; voir la loi sur la lutte contre la corruption (Gesetz zur Bekämpfung der Korruption) du 13 août 1997, Bundesgesetzblatt 1997, volume I, no 58.

Voir à ce sujet les dispositions sur le témoignage proposées dans le rapport final du groupe de travail «Sicherheitsprüfung und Korruption», p. 82; en ce qui concerne la facilitation de la preuve et autres intruments de procédure apparentés, à l'étranger proche ou lointain, voir les rapports nationaux de différents auteurs in: Eser et al. (édit.)

Korruptionsbekämpfung durch Strafrecht, Freiburg i.B. 1997.

Voir à propos d'un problème semblable en droit pénal environnemental: Stratenwerth, Das Strafrecht in der Krise der Industriegesellschaft, Basel 1993; et dans un article sur le racisme: Kunz, RPS 109, p. 163; Voir également Balmelli, p. 88 ss.

5056

tant chez le corrupteur que chez le corrompu tant qu'il n'est pas possible d'établir le lien entre elles et une contre-prestation du fonctionnaire. Or, une libéralité de 100 000 francs par exemple, donnée ou promise à un fonctionnaire dans l'exercice de sa charge, mais dont on ne peut prouver qu'elle vient récompenser tel acte en particulier, peut déjà fortement ébranler la confiance dans l'institution. En règle générale, on manque de sanctions administratives adéquates contre le corrupteur.

Dans certains domaines particuliers, ce dernier pourrait certes se voir infliger des sanctions indirectes, telle que la mise à l'écart des procédures d'adjudication. Mais les dispositions de cet ordre devraient d'abord voir le jour dans les législations de la Confédération et des cantons. Les problèmes rencontrés à cette occasion seraient assez semblables à ceux qui surgissent à propos du caractère punissable des actes considérés.

b. Infractions spéciales réprimant l'octroi et l'acceptation d'avantages Dès lors, si l'on conclut à la nécessité de compléter les nouvelles dispositions de base sur la corruption par des dispositions spéciales, on pourrait imaginer une solution consistant à prévoir des infractions spéciales analogues à l'art. 316 CP. Ainsi, le fait d'accepter des cadeaux et des récompenses serait prohibé pénalement même en relation avec des actes liés relevant de l'administration. A cela viendrait s'ajouter une menace de sanction pénale concernant la remise active de cadeaux et de récompenses en échange d'actes licites.

Une telle solution aurait au moins l'avantage que la remise de cadeaux en remerciement d'un acte non contraire aux devoirs de fonction serait, elle aussi, clairement interdite. En outre, il est plus facile d'exclure les petits présents d'usage non répréhensibles lorsque le caractère punissable suppose en permanence un lien entre l'octroi d'un avantage et l'accomplissement d'un acte déterminé de l'administration.

D'un autre côté, il ne faut pas méconnaître le fait que cette solution ne pourrait assumer que dans une mesure très limitée la fonction d'une disposition spéciale: l'inclusion des actes discrétionnaires dans les nouvelles infractions de base des art.

322ter et 322quater P-CP, notamment, réduirait les possibilités d'application d'une telle norme complémentaire aux cas
d'octroi et d'acceptation d'avantages en relation avec des actes relevant de l'administration liée au sens étroit. Les comportements de ce type ­ octroi d'avantages pour des actes licites ­ sont peut-être parfaitement répréhensibles, mais ils ne jouent pratiquement pas de rôle dans la constitution de vastes réseaux de corruption à long terme. Inversement, une infraction spéciale de ce type ne couvrirait pas le paiement de sommes, même importantes, s'il n'est pas possible d'établir un lien suffisant avec un acte administratif déterminé. Ce faisant, on exclurait précisément du champ d'application de la répression les faits qui ont le plus d'importance dans la mise en place d'une corruption systématique particulièrement pernicieuse45.

c. Infraction spéciale constituée par l'«alimentation progressive» Les lacunes du droit en vigueur dans la lutte contre la corruption systématique et de longue durée, telles que nous les avons exposées ci-dessus46, doivent donc, pour les raisons évoquées, être comblées par des infractions qui permettent d'appréhender suffisamment des faits qualifiés d'«alimentation progressive» ou d'«entretien du climat». Pour cela, il faut alléger les exigences en matière de preuve d'une relation 45 46

Voir supra ch. 112.

Voir supra ch. 114.21.

5057

avec une contrepartie déterminée. Il n'est toutefois pas possible de miser uniquement sur l'octroi d'avantages, car les libéralités privées seraient alors aussi prises en considération. Il faut toujours un lien ­ même ténu ­ avec la fonction: l'avantage n'est peut-être pas octroyé en échange d'un acte administratif précis mais bien pour que l'intéressé «accomplisse les devoirs de sa charge». La référence à l'accomplissement des devoirs de la charge est là pour souligner qu'on n'envisage pas simplement une vague relation avec la qualité de fonctionnaire mais que l'avantage accordé doit présenter un lien avec le comportement futur du fonctionnaire dans l'exercice de sa charge. Il conviendra de revenir plus en détail sur les différents éléments de l'infraction dans la partie spéciale (ci-après: ch. 2).

115

La lutte contre la corruption au niveau international

115.1

Point de départ et travaux internationaux

Comme on l'a déjà indiqué en décrivant les risques inhérents à la corruption systématique47, le législateur (pénal) national a des raisons majeures de ne pas rester indifférent à la corruption internationale. Même lorsqu'elle est perçue comme un phénomène local, elle revêt souvent une dimension internationale. Il n'est pas rare, en effet, que des fonctionnaires soient corrompus par des entreprises étrangères, ou que les fonds de la corruption transitent par des intermédiaires ou des établissements financiers étrangers48. Dans un sens plus large, la corruption locale affecte également les intérêts étrangers, notamment dans la mesure où elle fausse les règles du marché ou achète des organes de l'administration ou de la justice pour influencer négativement les conditions d'investissement.

Ces considérations ont été à l'origine d'un grand nombre d'initiatives internationales contre la corruption. Outre l'ONU49 et l'OCDE, diverses organisations régionales, telles que l'Union Européenne, le Conseil de l'Europe ou l'Organisation des Etats Américains50 travaillent à renforcer et à harmoniser le droit de la corruption au moyen d'instruments internationaux. L'UE par exemple, se fondant sur les efforts consentis pour protéger les intérêts financiers des Communautés européennes dans le cadre du troisième pilier du Traité de l'Union51, a créé des instruments contrai-

47 48

49

50 51

Voir supra ch. 113.

Les médias se font régulièrement l'écho de cas de corruption active par des entreprises suisses à l'étranger; de nombreuses enquêtes sur place ne sont pas encore terminées.

Faute d'une disposition réprimant la corruption active de fonctionnaires étrangers dans le droit suisse, il arrive régulièrement qu'une enquête pénale suisse ne soit pas ouverte: Beobachter 8/92 du 10.7.1992, SonntagsZeitung 6.3.1994; SonntagsZeitung 19.9.1993, Weltwoche 22.9.1993; SonntagsZeitung 24.7.1994; Die Wochenzeitung 14.10.1994; Neue Zürcher Zeitung 20.8.1996 p. 26; Basler Zeitung 23.9.1997 p. 13; Basler Zeitung 25.9.1997.

Voir la Déclaration des Nations Unies sur la corruption et les actes de corruption dans les transactions commerciales internationales; Résolution 51/191 de l'Assemblée générale du 16 décembre 1996. Dans les années 70 déjà, des discussions se sont déroulées dans l'enceinte de l'ONU en vue de conclure une convention anti-corruption; ces discussions n'ont toutefois pas abouti.

Convention inter-américaine contre la corruption du 29 mars 1996.

Fondée sur l'art. K 3 du Traité de Maastricht, la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés a été adoptée le 26.7.1995 (ABl 1995 C 316, p. 48 ss).

5058

gnants de lutte contre la corruption: après avoir adopté un protocole additionnel52 à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés, elle a conclu en 1997 un accord autonome sur le caractère punissable de la corruption active et passive des fonctionnaires de l'UE et des Etats membres53. Actuellement, les instances compétentes de l'organisation européenne travaillent à l'élaboration de mesures communes contre la corruption dans le secteur privé. L'harmonisation des mesures de lutte contre la corruption est considérée par l'UE comme une étape importante de la création d'un espace économique commun.

Quant à la Suisse, elle a dès le départ participé activement aux travaux des organisations internationales dont elle est membre. Il convient donc de passer en revue cidessous les activités entreprises par le Conseil de l'Europe et l'OCDE pour lutter contre la corruption.

115.2

Les travaux du Conseil de l'Europe

Les activités entreprises par le Conseil de l'Europe pour lutter contre la corruption ont été décidées lors de la 19e Conférence européenne des ministres européens de la Justice, qui s'est tenue en 1994. Un groupe multidisciplinaire54 a ensuite élaboré un vaste Programme d'action contre la corruption55 avant de se consacrer à la mise en oeuvre concrète de celui-ci qui se poursuit à l'heure actuelle. Ces travaux, qui se déroulent à grande échelle, comportent notamment l'adoption d'une convention de droit civil et une autre de droit pénal, l'élaboration d'un code de conduite européen destiné aux agents publics, la mise au point de mécanismes de contrôle de la réalisation et de l'application des conventions et la création d'autres instruments destinés à soutenir la lutte contre la corruption engagée par le Conseil de l'Europe.

Le premier de ces instruments adopté par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe fut un texte intitulé Vingt Principes directeurs pour la lutte contre la corruption56. Il s'agit en fait de principes relativement généraux qui ne sont pas juridiquement contraignants et s'adressent en partie aux législateurs et en partie aux autorités judiciaires des Etats membres. Par la suite, le mécanisme de surveillance évoqué ci-dessus fut mis au point, puis approuvé par le Comité des ministres au mois de mai 199857. Ce statut relatif à la constitution d'un Groupe d'Etats contre la Corruption (ci-après: GRECO) prévoit la création d'une institution chargée de faire avancer la mise en oeuvre des Vingt Principes directeurs et, plus tard, des conventions anticorruption du Conseil de l'Europe en utilisant les évaluations et les réactions réciproques de ses membres. La tâche principale du GRECO consiste à effectuer, dans les différents pays, des contrôles s'inspirant pour l'essentiel du modèle du Groupe 52 53

54 55 56

57

Le Premier Protocole additionnel du 27.9.1996, Deutscher Bundestag, Drucksache 868/95.

Convention du 27 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne Groupe multidisciplinaire sur la Corruption (GMC).

Programme d'action contre la corruption, Strasbourg 1996.

Résolution (97) 24 du 6 novembre 1997; voir également le ch. III. 2 du programme d'action adopté lors du deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe qui s'est tenu le 11 octobre 1997.

Résolution (98) 7 des 4/5 mai 1998 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe concernant la mise sur pied d'une commission pour la lutte contre la corruption.

5059

d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). Pour que le GRECO soit valablement constitué, il faut que quatorze Etats ait accepté d'y adhérer58. Il convient encore de préciser que la ratification des conventions anti-corruption, et notamment de la Convention pénale sur la corruption, confère automatiquement à l'Etat concerné la qualité de membre du GRECO.

La Convention pénale sur la corruption (ci-après, CPC), adoptée le 4 novembre 1998 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe et ouverte à l'adhésion depuis le 27 janvier 1999, présente donc actuellement un intérêt particulier.59 Ce nouveau texte va beaucoup plus loin que les autres conventions anti-corruption telles que la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales: outre l'obligation de réprimer la corruption active et passive d'agents publics nationaux et de membres d'assemblées parlementaires nationales (art. 2 à 4 CPC), les Etats signataires sont également tenus d'ériger en infraction pénale la corruption active et passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées parlementaires étrangères (art. 5 et 6 CPC). La même règle s'applique aux fonctionnaires internationaux, aux membres d'assemblées parlementaires internationales et aux juges et agents de cours internationales (art. 9 à 11 CPC). La convention prévoit ensuite l'obligation de poursuivre la corruption active et passive dans le secteur privé (art. 7 et 8 CPC), de même que le trafic d'influence au niveau national et international (art. 12 CPC). En outre, les Etats signataires doivent posséder dans leur ordre juridique respectif un certain nombre d'autres structures minimales nécessaires dans la lutte contre la corruption: il s'agit notamment de réprimer le blanchiment du produit des délits de la corruption (art. 13 CPC) ainsi que les infractions comptables (art. 14 CPC), d'engager la responsabilité des personnes morales (art. 18 CPC) et d'organiser la coopération internationale (art. 25 ss CPC).

Afin d'harmoniser le mieux possible son application dans les Etats signataires, la convention prévoit deux restrictions en ce qui concerne la formulation de réserves: tout d'abord, les réserves ou les déclarations limitatives ne pourront porter que sur certaines dispositions,
à savoir les art. 4 à 12, 17 et 26 (voir les art. 36 et 37); ensuite, l'Etat signataire ne pourra émettre plus de cinq réserves (voir art. 37, ch. 4).

Le système de surveillance GRECO lié à la convention vise en outre à exercer sur les Etats une pression constante destinée à faire baisser progressivement le nombre des réserves formulées.

Finalement, la nouvelle convention poursuit un objectif optimiste qui consiste à harmoniser la répression de la corruption dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, jusque dans des domaines qui ne sont pas encore appréhendés par le droit pénal national de la plupart des Etats. Même en menant à terme les projets de lois actuellement en suspens au Parlement60, la Suisse ne pourrait pas satisfaire à toutes les exigences de cet accord et devrait formuler plus de réserves que ne l'autorise la convention. D'ailleurs, la plupart des autres Etats concernés devraient procéder à une révision approfondie de leur droit pénal en matière de corruption s'ils entendent mettre en pratique la convention. Comme cet accord implique en outre quatorze adhésions au minimum (art. 32), c'est-à-dire un nombre relativement élevé, il ne faut guère compter sur sa prochaine entrée en vigueur. La convention représente une 58 59 60

A la fin du mois de janvier 1999, onze Etats avaient déclaré leur adhésion.

Voir le document CM (98) 181.

Outre ce projet, cela concerne notamment la révision de la partie générale du code pénal suisse; voir FF 1999 I 1787 ss.

5060

deuxième étape dans les progrès de la lutte internationale contre la corruption. Ne serait-ce qu'en raison de l'urgence qu'il y a à mettre en pratique la convention de l'OCDE, il faudra la réserver à un deuxième paquet législatif. En revanche, il y aura lieu de concevoir la nouvelle infraction de corruption d'agents publics étrangers61 ­ dont l'intégration dans notre droit pénal fait l'objet de la présente révision ­ en tenant compte des exigences formulées par la convention du Conseil de l'Europe afin d'éviter de devoir réviser trop précocement cette nouvelle disposition.

115.3

Les travaux de l'OCDE, et notamment ceux qui concernent la convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales

L'OCDE s'efforce depuis 1989 de trouver une approche pluridisciplinaire au problème de la corruption internationale. Il faut dire cependant que, compte tenu du mandat limité de cette organisation économique, l'angle d'attaque se limite d'emblée à la prévention de la corruption active de fonctionnaires étrangers dans les transactions commerciales. Se basant sur des recommandations antérieures datant de 199462 et de 199663, le Conseil des ministres de l'OCDE a adopté au mois de mai 199764 une volumineuse recommandation invitant les Etats membres à prendre des mesures concrètes dans quatre domaines: outre le fait d'ériger en infraction pénale la corruption active de fonctionnaires étrangers, il s'agit également de supprimer les possibilités de déduction fiscale liée aux versements transnationaux destinés à la corruption65. Des prescriptions en matière de comptabilité et de révision doivent permettre de tendre vers un certain standard en matière de transparence. En ce qui concerne l'attribution de marchés publics, la recommandation fait référence aux travaux du GATT/OMC. D'autre part, les Etats membres sont invités à examiner l'opportunité d'exclure temporairement des procédures d'adjudication nationales toutes les entreprises qui se sont rendues coupables d'actes de corruption à l'étranger.

La recommandation de 1997 contient également des règles de procédure destinées à une évaluation réciproque efficace des législations et pratiques d'application; ces règles s'inspirent elles aussi du modèle du GAFI66 Enfin, l'organisation s'efforce, 61 62

63 64 65

66

Art. 322septies P-CP; pour plus de détails, voir infra ch. 221.

Organisation for Economic Cooperation and Development, Recommendation of the Council on Bribery in International Business Transactions (document C (94) 75/FINAL) du 27 mai 1994.

Recommendation of the Council on the Tax Deductibility of Bribes of Foreign Public Officials (document C (96) 27/FINAL) du 11 avril 1996.

Revised Recommendation of the Council on Combatting Bribery in International Business Transactions (document C/M (97) 12/FINAL) du 23 mai 1997.

Voir également à ce sujet le rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national sur l'initiative parlementaire Carobbio (Pots de vin, non reconnaissance des déductions fiscales) du 29 janvier 1997, FF 1997 II 929, ainsi que l'avis du Conseil fédéral in FF 1997 IV 1195 ss.

Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, Recommandations 1990 et 1996: tous les Etats membres de cette organisation ad hoc créée par le G7 sont soumis tour à tour à une procédure minutieuse d'évaluation mutuelle. Des experts des autres Etats membres interrogent des représentants du gouvernement et des différents secteurs économiques dans le pays même; puis il élaborent un rapport qui est ensuite discuté et adopté par l'organisation.

5061

débordant du cercle de ses membres, d'inclure ceux des pays émergeants et leurs entreprises qui se profilent sur les marchés mondiaux comme de sérieux concurrents des entreprises de l'OCDE.

Les Etats membres attachent une telle importance à l'incrimination de la corruption de fonctionnaires étrangers qu'ils sont convenus de transposer les éléments de la recommandation dans une convention afin d'atteindre un degré d'engagement plus élevé. Parallèlement, leurs gouvernements se sont mis d'accord sur un calendrier particulièrement ambitieux.

La Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales67 a été préparée par les experts d'un groupe de travail de la commission de l'OCDE pour les investissements internationaux, puis adoptée le 21 novembre 1997 lors d'une conférence diplomatique de négociation. Le 17 décembre 1997 déjà, trente-trois Etats représentés par leur ministre signaient le texte. La signature de la Suisse est fondée sur un arrêté du Conseil fédéral du 8 décembre 1997. A ce jour, douze Etats-l'Islande, le Japon, l'Allemagne, la Hongrie, les Etats-Unis, la Finlande, la Grande-Bretagne, le Canada, la Norvège, la Bulgarie, la Grèce et la Corée ­ ont adhéré à la Convention, qui est entrée en vigueur le 15 février 1999.

La convention n'aspire pas à uniformiser le droit répressif de la corruption dans le monde entier; les systèmes juridiques des parties contractantes sont structurés de façon trop différente pour cela. Elle définit plutôt un standard que chaque Etat signataire est invité à transposer par ses propres moyens. Le processus de surveillance dans les différents pays permettra ensuite de constater, tout en respectant les spécificités juridiques fondamentales de chacun, si les modèles sont «fonctionnellement équivalents» et compatibles68. C'est la raison pour laquelle le contenu de la convention doit être transposé dans le langage juridique suisse. En ce qui concerne son interprétation, il convient d'attacher une importance particulière aux commentaires officiels élaborés parallèlement au texte même de celle-ci.

La Convention de l'OCDE se distingue des conventions d'harmonisation de l'UE, du Conseil de l'Europe et de l'Organisation des Etats Américains par le fait qu'elle se limite à un aspect de la corruption:
en effet, elle n'embrasse en principe que la corruption active de fonctionnaires étrangers et uniquement dans la mesure où un acte de corruption est commis dans le cadre de transactions commerciales. Son but est l'accord des Etats industrialisés sur la nécessité de poursuivre les corrupteurs actifs agissant sur leur territoire et, le cas échéant, ceux de leurs ressortissants qui se rendent coupables de corruption active à l'étranger, indépendamment de toute requête du pays lésé. En revanche, selon la Convention de l'OCDE, la sanction du fonctionnaire corrompu est l'affaire du pays dont il est ressortissant. En dernière analyse, cet instrument est un pacte anti-corruption passé par les Etats de domicile des principaux exportateurs et investisseurs69.

Dans ce contexte, une importance toute particulière est accordée à l'égalité des chances en matière de concurrence («level playing field of commerce»). On cherche à uniformiser le plus possible la définition du terme «corruption dans les transac67 68 69

Le texte figure en annexe au présent message.

Voir à ce sujet les explications qui figurent dans le commentaire officiel (document OCDE, DAFFE/IME/BR (97) 17/FINAL) N. 2 et 3.

Environ 70% des exportations mondiales et 90% des investissements à l'étranger partent de pays de l'OCDE.

5062

tions commerciales». Telle est la portée du ratio d'égalité face à la concurrence que les entreprises sont invitées à s'habituer, autant que faire se peut, à un critère de comportement admis dans le monde entier. On examinera dans le cadre de la partie spéciale le détail des étapes à franchir en vue de l'application de la convention70.

115.4

Nécessité d'une réforme du droit pénal national en matière de corruption

Depuis peu s'est imposée dans les pays industrialisés l'opinion selon laquelle la législation pénale nationale ne pouvait plus se contenter de saisir exclusivement la corruption intérieure: les trente-quatre Etats qui ont participé à l'élaboration de la Convention de l'OCDE71 ont signé ce texte. Douze d'entre eux l'ont d'ores et déjà ratifié. Dans la plupart des autres Etats signataires, les projets de loi sont à l'étude au niveau parlementaire. Après des années d'immobilisme, les choses ont véritablement commencé à bouger. Mais ces circonstances ont également pour conséquence que, en raison de l'importance accordée à l'égalité en matière de concurrence, les pays retardataires risquent de se voir rapidement soumis à des pressions considérables de la part de la communauté internationale.

Compte tenu de la globalisation de l'économie mondiale, la Suisse n'échappe pas à la corruption transnationale, soit parce que des fonctionnaires étrangers sont corrompus à partir de notre pays, soit parce que des fonds générés à l'étranger par la corruption ou en vue de celle-ci sont placés dans des établissements financiers suisses. Toute conception globale de la lutte contre la corruption des fonctionnaires doit tenir compte de ces éléments. L'incrimination de la corruption transfrontalière ne consiste pas simplement à protéger d'une façon générale des intérêts étrangers: l'une des particularités les plus remarquables de la corruption transnationale réside en effet en ceci qu'elle touche avant tout les relations Nord-Sud ­ même si l'expérience montre que des fonctionnaires du Nord sont également la cible de manoeuvres de corruption transfrontalières ­ et que le pays lésé n'est généralement pas en mesure de se défendre contre la puissance économique des corrupteurs. La poursuite du corrupteur dans son pays d'origine se heurte à des obstacles à la fois pratiques et juridiques. Il arrive en effet que l'administration locale renonce à présenter une demande d'extradition au lieu de séjour du corrupteur ou à adresser une demande d'entraide judiciaire à l'Etat dans lequel les fonds issus de la corruption sont gérés; parfois même, il empêche une telle démarche. Mais même si on lui adresse une demande d'extradition en bonne et due forme, un Etat ­ du moins un Etat d'Europe continentale ­ n'y donne pas suite si la personne
visée est l'un de ses ressortissants.

Par ailleurs, en l'absence d'une disposition réprimant la corruption de fonctionnaires étrangers, le pays d'origine du corrupteur ne serait même pas en mesure d'engager lui-même une procédure. Comme dans d'autres situations où des actes délictueux systématiques sont commis à l'étranger par des ressortissants nationaux ou qu'une délinquance

70 71

Voir infra ch. 22.

Les 29 Etats membres de l'OCDE ainsi que l'Argentine, le Brésil, la Bulgarie, le Chili et la République de Slovaquie.

5063

organisée porte atteinte à des intérêts étrangers72, il se justifie parfaitement de réagir en prenant des sanctions pénales afin de protéger des intérêts étrangers qualifiés, tels que la légalité et la démocratie. L'harmonisation des peines encourues pour la corruption de fonctionnaires suisses et étrangers, telle qu'elle est proposée, montre bien que la répression de la corruption de fonctionnaires étrangers représente davantage que la simple sanction d'infractions aux règles de la libre concurrence: la Suisse, d'entente avec la communauté internationale, prend sa part de responsabilité dans la prévention d'agissements extrêmement dommageables se déroulant à l'étranger.

Les travaux de l'OCDE en matière de répression de la corruption se limitent, du fait de la vocation particulière de l'organisation, à la corruption dans le cadre des transactions commerciales. Dans la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, cela se traduit par la restriction suivante dans l'énoncé de l'infraction: «. . . en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.»73.

Bien que certaines organisations économiques aient demandé lors de la procédure de consultation74 que le champ d'application de la future disposition réprimant la corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies P-CP) soit limité aux transactions commerciales internationales75, comme c'est le cas dans l'art. 1 de la Convention de l'OCDE, nous estimons qu'il convient de renoncer à de telles restrictions.

En premier lieu, la Convention ne souhaite nullement restreindre la portée de cette disposition aux marchés publics d'approvisionnement; elle doit s'étendre à d'autres cas de corruption dans les transactions commerciales, par exemple la corruption d'un juge dans le cadre d'un litige portant sur l'exécution d'un contrat, ou celle d'un contrôleur de sécurité responsable de délivrer une autorisation d'exploitation pour une installation dangereuse76. Renoncer à de telles restrictions n'implique donc aucun désavantage concurrentiel pour l'économie. D'un autre côté, il existe des cas de corruption transfrontalière qui, quoique n'ayant rien à voir avec les transactions commerciales, ne le cèdent en rien à la corruption commerciale
pour ce qui est de leur caractère répréhensible. On pensera notamment à la corruption d'organes judiciaires ou au versement de pots-de-vin dans le cadre de procédures internationales d'adoption. Enfin, il convient de se rappeler que la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe ne prévoit pas cette restriction aux transactions commerciales et qu'elle ne permet donc pas de formuler des réserves sur ce point.

Mais quand bien même il ne serait guère raisonnable d'édicter, dans un premier temps, une disposition pénale se limitant à réprimer la corruption dans les transactions commerciales pour, quelques années plus tard ­ qui sait? ­ devoir supprimer 72

73 74 75

76

Voir tout d'abord les cas relevant du principe de la compétence universelle (notamment en ce qui concerne la criminalité liée au trafic des stupéfiants, le terrorisme, la traite des blanches, la fausse monnaie et les crimes contre l'humanité) et la décision récemment prise par plusieurs Etats de mettre fin aux crimes sexuels commis par leurs ressortissants, à l'étranger, contre des enfants. Là également, il s'agit d'un cas de délinquance à l'étranger, organisée systématiquement, ou du moins rendue plus facile, face à laquelle le pays de commission est souvent impuissant; voir également à ce propos le message du Conseil fédéral concernant la révision de la partie générale du code pénal suisse et le nouvel art. 5 (crimes sexuels contre des mineurs commis à l'étranger) qui y est proposé.

Art. 1 ch. 1 de la Convention.

Voir à ce sujet infra ch. 122.

Tel est le cas du Groupement de holdings industrielles suisses, de l'Association suisse des banquiers, de l'Union syndicale suisse et du Vorort. En revanche, le canton de Genève avait expressément salué l'abandon de cette restriction.

Voir à ce sujet le ch. 5 du commentaire officiel relatif à la Convention.

5064

cette restriction dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention pénale du Conseil de l'Europe.

Lors de la procédure de consultation, divers milieux ont demandé que ­ contrairement à ce qui était prévu dans l'avant-projet ­ l'incrimination soit étendue à la corruption passive d'agents publics étrangers77. Il existe effectivement de bonnes raisons pour justifier cette démarche, car l'argument selon lequel la poursuite du fonctionnaire corrompu incombe à l'Etat qui l'emploie ne s'avère que partiellement fondé: la lacune la plus sensible à cet égard se manifeste au niveau de la corruption d'agents publics d'organisations internationales; dans ces cas, en effet, aucun «Etat victime» ne se chargera de la répression. Pour notre pays, ce cas de figure n'est pas négligeable, car la Suisse héberge un nombre relativement élevé d'agents publics rattachés à des organisations internationales. Mais même lorsqu'il s'agit de la corruption en Suisse d'agents publics d'Etats tiers, on pourrait se trouver confronté à une situation peu satisfaisante dans laquelle le corrupteur se verrait infliger une sanction pénale, mais non pas le corrompu, soit que l'Etat lésé reste inactif, soit que le coupable, pour quelque raison que ce soit, ne puisse être extradé.

D'autre part, la répression de la corruption passive d'agents publics étrangers n'est, de toute évidence, pas une condition de l'application de la convention de l'OCDE: selon ce texte, la sanction qui doit frapper le fonctionnaire corrompu reste exclusivement l'affaire de l'Etat «victime». L'introduction d'une disposition punissant la corruption passive d'agents publics étrangers relèvera par conséquent d'une deuxième étape de l'harmonisation des systèmes juridiques dans le domaine de la répression de la corruption transnationale, étape que l'on voit déjà se dessiner à travers la Convention pénale du Conseil de l'Europe78. Cet instrument prévoit en effet la répression de la corruption passive non seulement des fonctionnaires et parlementaires étrangers, mais également des fonctionnaires internationaux, des membres d'assemblées parlementaires internationales et des juges des cours internationales79. Il semble donc pertinent d'aborder la question de la répression de la corruption passive d'agents publics étrangers dans la perspective d'une future démarche législative tendant à la ratification de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe.

12

Genèse

121

Le projet du DFJP du 1er juillet 1998 soumis à la procédure de consultation

Tout au long des années quatre-vingt-dix, l'importance croissante du problème a suscité quantité d'interventions parlementaires touchant à divers aspects de la cor-

77

78 79

Tel était le point de vue défendu par les cantons de ZH, AG et TI, par l'UDC, par la Conférence des autorités pénales suisses, par la Société suisse de droit pénal et par la Fédération suisse des avocats.

Voir supra ch. 115.2.

Voir art. 5, 6 et 9 à 11 de la Convention pénale du Conseil de l'Europe et supra ch. 115.2.

5065

ruption80. Au chapitre des dispositions pénales, le Conseil national adopta en 1994 une motion du conseiller national Paul Rechsteiner sous forme de postulat demandant une modification du code pénal afin que soit désormais punissable la corruption de fonctionnaires étrangers81. En octobre 1996, M. Schüle, député au Conseil des Etats, déposa de son côté une motion demandant que l'on tire les conséquences législatives de plusieurs cas de corruption récents. Cette motion a été approuvée au mois de décembre 1996 par le Conseil des Etats, puis en juin de l'année suivante par le Conseil national82.

80

81 82

Interpellation Ziegler: Argent de la corruption, 90.630, BO 1990 N, 1956 s.; question du groupe écologiste: Italie. Affaires des pots-de-vin, 93.5138, BO 1993 N 1772; question Misteli: Affaire des pots-de-vin en Italie, 93.5197, BO 1993 N 1772 s.; question Rechsteiner Paul: Italie. Scandale des pots-de-vin, 93.5144, BO 1993 N 1773; motion Rechsteiner Paul transformée en postulat: Corruption de fonctionnaires étrangers, 93.3656, BO 1994 N 585; postulat Zbinden: Garantie contre les risques à l'exportation et pots-devin, 94.3425, BO 1994 N 2478 s.; question ordinaire Hubacher: Pots-de-vin, 93.1114, BO 1994 N 1987 s.; question ordinaire Strahm Rudolf: Entreprise suisse. Violation de l'Accord du Gatt, 94.1091, BO 1994 N 1979; question ordinaire urgente Rechsteiner Paul: Lutte contre la corruption et le blanchissage d'argent, 94.1059, BO 1994 N 1270 s.; question ordinaire urgente de Dardel: Pots-de-vin en Grande-Bretagne et banques suisses, 94.1063, BO 1994 N 1271 s.; interpellation Rechsteiner Paul: Scandale des pots-de-vin en Italie. Lien avec la Suisse, 93.3427, BO 1994 N 645 s.; postulat Ruffy: Recherches sur la corruption. Programme national de recherche, 93.3670, BO 1994 N 594 s.; postulat Carobbio: «Tangentopoli», «mani pulite». Ramifications en Suisse, 93.3647, BO 1995 N 2104 ss; question Grendelmeier: Construction d'autoroute. Affaire de corruption (1), 95.5190, BO 1995 N 1984 s.; question Weder Hansjürg: Construction d'autoroute.

Affaire de corruption (2), 95.5191, BO 1995 N 1985; question Meier Samuel: Construction d'autoroute. Affaire de corruption (3), 95.5192 BO 1995 N 1985; question Dünki: Construction d'autoroute. Affaire de corruption (4), 95.5193, BO 1995 N 1985; question Sieber: Construction d'autoroute. Affaire de corruption (5), 95.5194, BO 1995 N 1985; question Zwygart: Construction d'autoroute. Affaire de corruption (6), 95.5195, BO 1995 N 1986; question Rechsteiner Paul: Délit de corruption. Révision des dispositions du code pénal, 95.5128, BO 1995 N 1351; question Dünki: Telecom PTT.

Pots-de-vin, 95.5098, BO 1995 N 1201; question Zwygart: Versements occultes de l'Union suisse du commerce de fromage (1), 95.5163, BO 1995 N 1857; question Dünki: Versements occultes de l'Union suisse du commerce de fromage (2), 95.5164, BO 1995 N 1857; question Wiederkehr: Versements occultes de
l'Union suisse du commerce de fromage (3), 95 5165, BO 1995 N 1857; question Zwygart: Versements occultes de l'Union suisse du commerce de fromage (4), 95.5166, BO 1995 N 1857; question Meier Samuel: Versements occultes de l'Union suisse du commerce de fromage (5), 95.5167, BO 1995 N 1858; question Eberhard: Versements occultes de l'Union suisse du commerce de fromage (6), 95.5168, BO 1995 N 1858; question Meier Samuel: Versements occultes de l'Union suisse du commerce de fromage (7), 95.169, BO 1995 N 1858 s; initiative parlementaire (Carobbio): Pots-de-vin. Non-reconnaissance des déductions fiscales, 93.440, BO 1995 N 551 ss, cf. aussi FF 1997 II 929 et 1997 IV 1195; question ordinaire Schüle: Cas Raphael Huber. Mesures législatives à prendre, 95.1061, BO 1995 E 1070 s.; question ordinaire urgente Ziegler: Achat du F/A 18. Soupçon de corruption, 96.1005, BO 1996 N 1285 s.; question Dünki: Union suisse du commerce de fromage.

Soupçon de corruption, 96.5054, BO 1996 N 809; question Chiffelle: DMF. Soupçon de corruption, 96.5020, BO 1996 N 189; postulat Alder: Contrôle de l'armée par des autorités civiles. Rapport, 96.3128, BO 1996 N 1443 ss; interpellation Stucky: Procédure de soumission. Deuxième tour, 96.3456, BO 1996 N 2427; question Zwygart: Tunnel routier du Gothard. Irrégularités, 96.5005, BO 1996 N 192; postulat Strahm: Marché public et corruption. Action préventive, 96.3347; initiative parlementaire Rechsteiner Paul: Lutte contre la corruption, 128/96.414 n; et finalement motion Schüle adoptée par les deux Chambres: Cas de corruption. Conséquences législatives, 96.3457 BO 1996 E 1146 ss et BO 1997 N 1015 s.

Voir BO 1994 N 585 s.

Voir BO 1996 E 1146 ss et BO 1997 N 1015 s.

5066

Dès l'été 1995, le chef du DFJP avait institué le groupe de travail «Sicherheitsprüfungen und Korruption» qui fut chargé de procéder à une évaluation approfondie de la situation dans l'ensemble de la Suisse puis, sur la base de cette analyse, de déterminer les actions nécessaires et, le cas échéant, d'élaborer des propositions en vue d'une prévention plus efficace de la corruption. Dans le courant de l'automne 1996, le groupe de travail déposa son rapport final83 auquel il joignit toute une série de recommandations destinées à rendre plus efficaces la prévention et la répression de la corruption84.

S'appuyant sur ce rapport, le Conseil fédéral parvint à la conclusion que si la situation en Suisse ne pouvait être qualifiée d'alarmante, certaines manifestations récentes d'aggravation inspiraient néanmoins l'inquiétude et commandaient que l'on prît des mesures appropriées85. Fort de ce constat, il chargea alors le Service de contrôle administratif de dresser une liste des services de la Confédération susceptibles d'être menacés par la corruption et d'évaluer les dispositifs de sécurité existants86. D'autre part, il chargea le Département des finances d'élaborer un règlement-type relatif à l'acceptation de cadeaux personnels par les fonctionnaires des administrations publiques de la Confédération. En ce qui concerne le postulat tendant à une modification du code pénal, le Conseil fédéral chargea le DFJP d'élaborer, en vue d'une procédure de consultation, un projet global de renforcement de la répression pénale de la corruption, projet examinant d'un point de vue général les propositions du groupe de travail et les interventions parlementaires.

Le 1er juillet 1998, le Conseil fédéral prit connaissance du projet et du rapport explicatif sur la révision du droit pénal suisse de la corruption et autorisa le DFJP à ouvrir la procédure de consultation. L'avant-projet87, fondé sur un rapport d'expertise établi par M. Pieth, professeur à l'université de Bâle, en collaboration avec M.

Balmelli, proposait une conception globale du renforcement de la répression pénale de la corruption en trois volets: outre la corruption d'agents publics suisses, ce projet incluait également la corruption d'agents étrangers et la corruption dans le secteur privé.

­

83 84 85 86 87

Les prescriptions sur la corruption d'agents publics suisses ont été regroupées dans un titre distinct (art. 322ter et suivants AP-CP) et soumis à une révision approfondie. Les infractions de base ­ la corruption active et la corruption passive (art. 322ter et 322quater AP-CP) ­ sont conçues symétriquement, c'est-à-dire que la corruption active, de délit, devient un crime, ce qui entraîne du même coup une prolongation du délai de prescription applicable à la corruption active. En outre, cette modification a pour conséquence que le blanchiment des fonds issus de la corruption devient dans tous les cas punissable. Contrairement au droit en vigueur, l'avant-projet rend punissables non seulement l'attribution préalable d'avantages mais également l'octroi ultérieur de récompenses. De plus, ce texte propose d'ériger en infraction pénale l'acte commis par un fonctionnaire à la suite d'un fait de corruption,

Rapport final du groupe de travail «Sicherheitsprüfungen und Korruption» du DFJP, Berne, octobre 1996 et le résumé correspondant.

Voir à ce sujet le résumé, p. 8 ss...

Voir également sur ce point la réponse du Conseil fédéral à la motion Schüle, BO 1996 E 1147.

Voir le rapport du Service de contrôle administratif du Conseil fédéral du 26 mars 1998: «Risques de corruption et mesures de sécurité au sein de l'administration fédérale».

Révision du droit suisse de la corruption, rapport et avant-projet, DFJP, Berne, juin 1998.

5067

même lorsque celui-ci n'a pas violé les devoirs de sa charge mais a simplement fait usage de son pouvoir discrétionnaire en faveur du corrupteur. Ces dispositions ont été complétées par les nouvelles dispositions spéciales qui répriment l'octroi et l'acceptation d'un avantage (art. 322quinquies et 322sexies AP-CP); celles-ci, outre les cadeaux récompensant des actes licites individuels, pénalisent les libéralités accordées au fonctionnaire pour qu'il accomplisse les devoirs de sa charge et permettent de saisir également l'«alimentation progressive», particulièrement importante du point de vue pénal.

­

En vue de l'application de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997, l'avant-projet suggère de créer une nouvelle infraction: la corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies AP-CP). Cette nouvelle norme pénale fait donc pendant à l'infraction de corruption active d'agents publics suisses prévue à l'art. 322ter de l'avant-projet.

­

Enfin, le troisième volet du projet propose une révision de la loi fédérale sur la concurrence déloyale (LCD) et règle le problème de la corruption dans le secteur privé dans un nouvel art. 4bis AP-LCD. La révision proposée doit permettre d'adapter la structure de la corruption privée dans les relations commerciales à celle de la corruption de fonctionnaires prévue par le code pénal. Mais surtout, il s'agit également d'incriminer la corruption passive dans le domaine privé. Enfin, le projet propose que la corruption dans le secteur privé ne soit plus uniquement poursuivie sur plainte mais d'office.

122

La procédure de consultation

La procédure de consultation s'est déroulée du 1er juillet au 30 septembre 1998. Y ont pris part tous les cantons, les partis de la coalition gouvernementale et le parti libéral, vingt-deux organisations diverses, le Tribunal militaire de cassation et un particulier88: S'agissant de l'appréciation générale de l'avant-projet, les consultés approuvent très largement la nécessité d'une révision du droit pénal en matière de corruption et la direction adoptée à cet égard par le projet ­ sauf en ce qui concerne la corruption dans le secteur privé. L'accueil le plus favorable lui a été réservé par les cantons.

Avec quelques bémols, il en va de même des partis politiques, ceux-ci ayant toutefois émis certaines critiques, notamment en ce qui concerne la corruption dans le secteur privé et à l'égard d'une incrimination trop poussée. Les mêmes préoccupations sont évoquées par de très nombreuses organisations économiques. L'avantprojet a également trouvé un accueil nettement favorable auprès des autres organisations intéressées.

Les infractions réprimant la corruption d'agents publics suisses (art. 322ter à 322sexies AP), qui constituent la première partie du projet, sont globalement jugées très positives. En particulier, la systématique proposée (regroupement des différentes infractions de corruption dans un titre distinct) est remarquablement bien acceptée, 88

Pour un aperçu complet: Résumé des résultats de la procédure de consultation concernant l'avant-projet de révision du droit suisse de la corruption, Office fédéral de la justice, Berne, novembre 1998.

5068

de même que la qualification de la corruption active en crime, avec les conséquences que cela implique au niveau des délais de prescription et du blanchiment d'argent sale. Ont également été approuvés à une large majorité l'intégration de dispositions réprimant les actes commis par l'effet de la corruption dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire (art. 322ter et 322quater AP-CP), la renonciation à la condition de la postériorité de l'acte administratif considéré et l'incrimination de l'«alimentation progressive».

La notion de fonctionnaire ou agent public a appelé de nombreux commentaires.

Exprimée de multiples façons, la nécessité d'établir des critères précis a été mise en évidence. C'est pourquoi un grand nombre de consultés aimeraient établir une délimitation plus nette au travers d'une modification de l'art. 110 ch. 4 CP. Une minorité estime cependant que cette délimitation relève plutôt de la jurisprudence.

L'absence d'une définition suffisamment claire du seuil inférieur d'illicéité pose un problème, notamment en ce qui concerne les dons mineurs et usuels dans les relations sociales. L'exigence de précisions supplémentaires dans la loi revient fréquemment et les solutions proposées sont en gros les suivantes: ­

Introduction d'une clause de pertinence.

­

Introduction d'une disposition spéciale applicable aux cas de peu de gravité.

­

Introduction d'une clause d'insignifiance analogue à celle de l'art. 172ter CP.

­

Principe de l'opportunité dans les cas de peu de gravité, fondé sur l'art. 66bis CP.

Certains défendent toutefois l'opinion qu'il incomberait au droit de la fonction publique de préciser les critères.

Il faut mentionner pour terminer l'exigence, formulée à de nombreuses reprises, d'incriminer également l'octroi d'avantages indirects.

Le deuxième volet du projet, portant sur les nouvelles dispositions incriminant la corruption active d'agents publics étrangers et sur l'adhésion à la convention de l'OCDE a, lui aussi, reçu un accueil largement favorable. Seuls huit consultés émettent une opinion négative; dans la plupart des cas, cependant, les objections portent sur le moment de l'adhésion à la convention de l'OCDE, jugée prématurée.

Nombreuses sont les voix qui demandent une restriction du champ de l'infraction. Il convient de mentionner d'une part des demandes concernant plus spécifiquement la corruption transfrontalière: limitation du champ de l'infraction aux transactions commerciales internationales, exigences plus strictes à l'égard de la double illicéité de la corruption, ou encore restriction du point de rattachement dans l'espace.

D'autre part, les réserves formulées à l'égard de la norme parallèle réprimant la corruption d'agents publics suisses en ce qui concerne le seuil inférieur d'illicéité s'appliquent également ici, explicitement ou implicitement.

Plusieurs consultés s'expriment sur l'opportunité d'envisager la punissabilité des personnes morales dans le projet présenté ou plutôt dans le cadre de la révision de la partie générale du CPS en cours. Les avis sont partagés.

Il convient enfin de relever que divers consultés ont demandé que la corruption passive d'agents publics étrangers soit punissable.

Le troisième volet du projet, touchant à la corruption dans le secteur privé, a été nettement moins bien accueilli que les propositions concernant la corruption interne

5069

et transfrontalière d'agents publics. La proposition de révision de la LCD est très largement approuvée par les cantons. Les partis politiques et les milieux économiques, en revanche, adoptent majoritairement une position de refus.

La réaction de rejet la plus nette s'est manifestée à l'égard de la proposition consistant à faire de la corruption dans le secteur privé une infraction poursuivie d'office.

En revanche, l'intégration de la corruption passive dans le secteur privé, deuxième innovation importante de la proposition de révision de la LCD, a été mieux reçu.

Certains consultés demandent une définition plus précise ou plus restrictive de l'infraction. La minorité qui salue la qualification de la corruption dans le secteur privé en infraction poursuivie d'office demande généralement que celle-ci soit incluse dans le code pénal.

D'autres opinions concernent avant tout la nécessité de créer des dispositions extrapénales visant à la prévention de la corruption. A cet égard, les demandes portent notamment sur l'achèvement du règlement-type sur l'acceptation de cadeaux personnels, en cours d'élaboration au Département fédéral des finances, et les suites concrètes à donner à l'initiative parlementaire Carobbio relative à la nondéductibilité fiscale des pots-de-vin. Par ailleurs, un certain nombre de remarques, suggestions ou réserves ont été formulées à propos de détails techniques ou rédactionnels.

123

Suite de la procédure et élaboration du projet

Par décision du 20 janvier 1999, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation et chargé le DFJP d'élaborer le message et le projet relatifs à la révision du droit pénal en matière de corruption et à l'adhésion de la Suisse à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. En ce qui concerne la suite de la procédure, le Conseil fédéral a notamment donné au DFJP les instructions suivantes: le message et le projet de révision devaient être élaborés sur la base des deux premiers volets de l'avant-projet (corruption d'agents publics suisses, corruption d'agents publics étrangers et ratification de la convention de l'OCDE) et à la lumière des résultats de la procédure de consultation. Ce faisant, il s'agissait de tenir compte du souhait, largement exprimé au cours de la procédure de consultation, que l'on délimitât et clarifiât le seuil inférieur d'illicéité. D'une part, dans les cas de peu de gravité et lorsqu'une sanction n'apparaît pas nécessaire, il fallait qu'un principe d'opportunité modéré, spécialement adapté aux délits de corruption, permette de renoncer à une peine. D'autre part, il convenait de concrétiser autant que possible la formulation des éléments constitutifs des infractions sans pour autant revenir sur le durcissement des normes pénales, approuvé par le plus grand nombre lors de la procédure de consultation: on songe notamment à cet égard à la prise en considération des actes relevant du pouvoir discrétionnaire, à la renonciation à l'exigence de la postériorité de l'acte administratif ou à l'incrimination de l'«alimentation progressive».

Bien que la nécessité d'une révision des dispositions pénales relatives à la corruption dans le secteur privé ait été largement admise au cours de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a constaté qu'un tel projet ne serait que difficilement réalisable dans le cadre de la modification qui nous intéresse ici. Malgré certaines similitudes structurelles avec la corruption des fonctionnaires, il existe dans la cor5070

ruption touchant au secteur privé toute une série de problèmes qui se posent en termes différents, et dont certains devraient faire l'objet d'une analyse approfondie.

Une telle analyse retarderait cependant le déroulement de la procédure en cours, ce qui serait incompatible avec son urgence. Pour cette raison, le Conseil fédéral a décidé de détacher de la présente procédure de révision la corruption dans le secteur privé et d'y consacrer un deuxième ensemble législatif, vraisemblablement dans le cadre de la ratification de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe89. Dans ce contexte, il conviendra également de revenir sur la proposition, souvent formulée lors de la procédure de consultation, d'incriminer également la corruption passive d'agents publics étrangers.

2

Partie spéciale

21

La corruption d'agents publics suisses (art. 322ter à 322sexies P-CP)

211

Bien juridiquement protégé et systématique

211.1

Bien juridiquement protégé

Comme nous l'avons déjà exposé dans la partie générale du présent message90, le bien juridiquement protégé par les dispositions réprimant la corruption s'est transformé au fil du temps.

L'interprétation traditionnelle qui voit dans la corruption une infraction de désobéissance a laissé la place à l'intérêt du justiciable à ce que soient protégées l'objectivité et l'impartialité de l'action administrative. Si un agent public se fait promettre des avantages en échange de son activité, il existe un risque sérieux que cette activité ne soit plus guidée par des critères objectifs mais par les avantages personnels que l'agent escompte. La confiance de la collectivité dans l'impartialité et l'objectivité de l'Etat accomplissant les tâches qui lui sont dévolues s'en trouvera considérablement altérée. Cette perte de confiance remet en cause la légitimité constitutionnelle et démocratique de l'action de l'Etat91.

Dans le droit en vigueur, cette conception du bien juridiquement protégé s'exprime avec un degré d'abstraction variable selon les dispositions. L'art. 315 al. 2 CP évoque une falsification directe du processus décisionnel de l'Etat dans la mesure où cette variante de l'infraction suppose une violation consommée des devoirs de fonction et, par voie de conséquence, la commission d'un délit de mise en danger concret. Les art. 288 et 315, al. 1, CP doivent au contraire être considérés comme des délits de mise en danger abstraits, car ils ne supposent pas l'existence effective d'une violation des devoirs de fonction: pour qu'ils soient consommés, il suffit que des avantages aient été promis ou demandés en prévision d'un acte administratif futur contraire aux devoirs attachés à la fonction. Enfin, l'art. 316 CP place la protection du bien juridique à un niveau encore plus abstrait, car la prestation offerte en 89 90 91

Voir à ce sujet supra ch. 115.2.

Supra ch. 114.1.

Voir ATF 117 IV 288 ss; jugement du tribunal de district de Zurich du 21.8.1995 p. 34 s.; Stratenwerth, 1995 § 57 N. 1; Balmelli p. 87 ss; Pieth, Die Bestechung schweizerischer und ausländischer Beamter, in: FS für Jörg Rehberg, Zurich 1996 p. 235 [1996a].

5071

échange de l'accomplissement d'un acte non contraire aux devoirs de fonction compromet moins le processus décisionnel de l'Etat qu'elle n'entame la confiance collective dans l'action de ce dernier.

En matière de protection, le projet s'en tient à l'orientation adoptée jusqu'alors. La nouvelle formulation des infractions vise également à protéger la confiance de la collectivité dans l'objectivité et l'impartialité de l'action de l'Etat. Mais toutes les infractions sont conçues comme des délits de mise en danger abstraits. Les éléments constitutifs de la corruption proprement dite (art. 322ter et 322quater P-CP) reprennent la structure de l'infraction de base existante. Au contraire, les dispositions spéciales réprimant l'octroi et l'acceptation d'avantages (art. 322quinquies et 322sexies P-CP) restent abstraites: elles se contentent du fait que l'avantage soit promis ou demandé dans la perspective générale que l'intéressé accomplisse les devoirs de sa charge. Le lien avec le bien juridiquement protégé résulte de la dangerosité caractéristique de l'«alimentation progressive», apparemment gratuite.

211.2

Systématique

Dans le droit en vigueur, la corruption active figure au titre quinzième «Infractions contre l'autorité publique»; quant à la corruption passive et l'acceptation d'avantages, on les trouve au titre dix-huitième «Infractions contre les devoirs de fonction et les devoirs professionnels». Cette distinction systématique est, depuis longtemps, jugée insatisfaisante. Non contente de compliquer pour le justiciable la recherche de la disposition pertinente, elle suggère que la corruption active porte atteinte à d'autres valeurs que la corruption passive. Comme nous l'avons déjà indiqué, cela ne correspond plus à la conception actuelle du bien juridiquement protégé.

Le projet préconise donc de regrouper dans un titre distinct toutes les dispositions réprimant la corruption. Mais comme ni le quinzième ni le dix-huitième titre ne s'y prêtent, il est proposé d'introduire dans le code pénal un nouveau titre dix-neuvième «Corruption»92. La création de ce nouveau titre présente un autre avantage: il permet d'héberger également l'infraction de corruption d'agents publics étrangers. Cette restructuration entraîne logiquement la suppression des articles actuels relatifs à la corruption (art. 288, 315 et 316 CP).

212

Corruption active et corruption passive (art. 322ter et 322quater P-CP)

212.1

La définition de l'agent public

212.11

Généralités

Le droit actuellement en vigueur décrit à l'art. 315 CP les auteurs de la corruption passive comme des «membres d'une autorité, fonctionnaires, personnes appelées à rendre la justice, arbitres, experts, traducteurs ou interprètes commis par l'autorité».

La même définition en est donnée à l'art. 288 CP (corruption active), qui y ajoute 92

De ce fait, l'ancien titre dix-neuvième «Contraventions à des dispositions du droit fédéral» sera désormais le titre vingtième.

5072

cependant les «personnes appartenant à l'armée» car cette disposition constitue aussi le pendant de l'art. 142 du code pénal militaire réprimant la corruption. Contrairement à ses homologues allemand et autrichien, le code pénal suisse n'établit pas de distinction de principe entre la corruption d'agents publics d'une part, et la corruption des personnes au service de la justice d'autre part. Même les parlementaires tombent en principe sous le coup du droit suisse de la corruption. La définition quelque peu ampoulée de l'agent public garde toute sa justification; elle est donc reprise dans le projet où elle bénéficie simplement de quelques allégements linguistiques, par exemple en ce qui concerne les «personnes appelées à rendre la justice»93.

212.12

La définition du fonctionnaire selon l'art. 110, ch. 4, CP

Parmi les agents publics énumérés par les infractions réprimant la corruption, c'est incontestablement aux fonctionnaires que revient la plus grande importance pratique. La définition pénalement pertinente du fonctionnaire est donnée à l'art. 100, ch.

4, CP. Comme d'autres droits, le code pénal suisse vise autant les fonctionnaires institutionnels que les personnes qui occupent une fonction d'agent de l'Etat.

Compte tenu de la définition pénale du fonctionnaire, il est indifférent de savoir sous quel statut juridique une personne accomplit des tâches au service de la collectivité; ce qui est déterminant, c'est qu'elle accomplisse des tâches dévolues à l'Etat94. C'est la raison pour laquelle la notion pénale de fonctionnaire reste valable même lorsque le statut des fonctionnaires d'une administration publique a été aboli.

Autrefois, l'Etat agissait le plus souvent souverainement; aujourd'hui, il recourt de plus en plus à des formes d'action différentes pour s'acquitter des tâches qui lui incombent, et notamment dans le service public. La difficulté vient du fait qu'il convient de distinguer dans chaque cas entre la simple délégation d'une tâche de l'Etat au secteur privé (outsourcing) et la privatisation au sens propre. Les règles évoquées ici ne sont pas applicables au secteur privé proprement dit; dans l'outsourcing, en revanche, les acteurs sont généralement des personnes chargées d'une fonction. Les trois exemples qui suivent illustrent le problème.

212.13

Exemples d'application

(1) Une fonctionnaire du service immobilier de l'Etat à X accepte des avantages indus en échange de l'attribution de logements. Elle conclut au nom de l'Etat des contrats de droit privé avec les locataires concernés et ne se distingue en rien, quant à son activité, des employés d'une société de gérance immobilière privée. Pourtant, son statut de personne employée par un service immobilier de l'Etat justifie que la confiance de la collectivité dans l'objectivité de ses actes soit protégée par une disposition pénale. Compte tenu de son rattachement institutionnel à l'organisation étatique, cette gérante immobilière doit, in casu, être qualifiée de fonctionnaire au sens de l'art. 110, ch. 4, 1re phrase, du code pénal. Le fait que ses rapports avec les locataires relèvent du droit privé n'y change rien.

93 94

A ce sujet: Stratenwerth, 1995 II § 57 N. 3.

Voir ATF 121 IV 220; Stratenwerth, 1995 § 56 N. 5; sur la notion d'autorité, voir ATF 114 IV 35.

5073

(2) L'employé d'une société de production d'électricité de droit privé qui a reçu indûment des sommes d'argent accorde à une entreprise des conditions d'approvisionnement plus avantageuses. Cet employé est engagé en vertu d'un contrat de travail de droit privé. Toutefois, la société qui l'emploie assume un mandat public (approvisionnement en électricité) et se trouve contrôlée par l'Etat. La forme juridique de la société ne suffit pas, à elle seule, pour exclure la qualité de fonctionnaire de l'employé en cause aux yeux du droit pénal: en effet, l'intérêt général à la bonne exécution d'un mandat public est digne de protection même si, pour des raisons d'organisation, une activité est déléguée à des particuliers; dans cet exemple, donc, ne serait-ce que pour des considérations relatives au bien juridiquement protégé, l'employé d'une entreprise privée (contrôlée par l'Etat) doit être considéré comme une personne occupant une fonction au sens de l'art. 110, ch. 4, 2e phrase, CP95. Selon la jurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral, le même raisonnement s'applique lorsqu'une personne est engagée par l'administration sous contrat de droit privé mais se trouve soumise à la surveillance et au pouvoir d'instruction de l'Etat96.

(3) Si, dans les deux exemples ci-dessus, les critères d'appartenance institutionnelle ou de mandat public se sont révélés déterminants, ce troisième cas est particulièrement délicat: l'administrateur d'un bureau d'ingénieurs chargé de planifier, de collaborer à l'adjudication et de contrôler la réalisation de projets de travaux publics se fait payer pour faire profiter un adjudicataire potentiel d'un traitement de faveur. Ce bureau d'ingénieurs n'est pas contrôlé par l'Etat et ses employés ne détiennent aucune parcelle de souveraineté. L'ingénieur-administrateur peut-il néanmoins être considéré comme une personne occupant une fonction publique? La réponse à cette question revêt un grand intérêt pratique, car les collectivités publiques sont continuellement obligées de déléguer certaines tâches au secteur privé et que dans ce domaine, ne serait-ce que par le volume des contrats passés, le risque de corruption est particulièrement élevé. A cela, il faut ajouter que l'intervention précoce sur un projet ouvre des possibilités de manipulations particulièrement efficaces et
difficiles à mettre au jour.97.

Ce qu'il faut retenir ici, c'est que les fonctionnaires non institutionnels de l'administration gestionnaire des dépenses publiques sont également inclus dans la définition de l'agent public98. Lorsque des compétences décisionnelles ou des tâches de préparation des décisions de l'Etat sont déléguées à des particuliers, il ne saurait en être autrement: l'ingénieur qui touche des pots-de-vin pour influencer des décisions d'adjudication ou d'autorisation tombe sous le coup des normes anticorruption. L'adjudication de marchés publics est clairement une prérogative de 95 96

97 98

Mais voir également Balmelli p. 121 ss, 122, qui fait déjà intervenir ici l'art. 110, ch. 4, 1re phrase, de façon analogue.

Voir ATF 121 IV 216 ss: bien que le Tribunal fédéral ne s'écarte pas explicitement de l'optique fonctionnelle, il se fonde à plusieurs reprises, en l'espèce, sur des points de vue institutionnels lorsqu'il affirme: «La différence décisive entre la tutelle exercée par un particulier et la tutelle officielle réside dans le rapport juridique entre le tuteur et la collectivité publique, rapport qui doit être défini par la commune ou le canton.

Contrairement au tuteur privé, le tuteur professionnel est en règle générale un fonctionnaire» (arrêt cité, p. 222).

Voir Pieth 1997b p. 36 ss.

Voir ATF 118 IV 310 ss (315), dans lequel le Tribunal fédéral ne doute pas qu'un employé de l'université agisse en tant que fonctionnaire lorsqu'il acquiert des appareils (administration des approvisionnements de l'Etat) ; sur l'ensemble de la question, voir Balmelli, p. 116 ss.

5074

l'Etat. On peut tout au plus se poser la question si, à elle seule, la prestation consistant à établir les projets devient une activité étatique par le simple fait qu'elle sert de base à la mise en adjudication. L'adjudication des marchés publics est soumise jusque dans les moindres détails à une réglementation complexe destinée à la fois à garantir l'égalité de droit entre les compétiteurs et à protéger le budget de l'Etat.

L'élaboration de projets est davantage qu'une simple prestation «achetée» par l'administration; c'est elle qui fixe les conditions et les exigences pour l'ensemble de la procédure d'adjudication. On aurait de la peine à comprendre que la personne chargée d'une tâche normative aussi essentielle ne soit pas considérée, du point de vue pénal, comme une personne exerçant une fonction publique 99.

212.14

A propos de la nécessité d'une réglementation légale

Même si, à l'avenir, de telles questions de délimitation se poseront de plus en plus avec l'introduction de la «nouvelle gestion publique» (NGP) et l'accentuation progressive du transfert des activités de l'Etat, il n'est pas possible de régler l'ensemble du problème de la corruption au moyen d'un simple dispositif législatif. La définition légale actuelle de l'art. 110, ch. 4, CP, permet parfaitement de saisir à la fois les fonctionnaires institutionnels (fonctionnaires au sens strict) et les personnes occupant une fonction d'agent de l'Etat. C'est pourquoi le Conseil fédéral n'a pas proposé de modification matérielle de cette disposition dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal. La nouvelle définition pénale du fonctionnaire proposée à l'art. 110, al. 3, P-CP a le même contenu normatif que le droit en vigueur100.

Comme la notion pénale de fonctionnaire fait déjà l'objet de débats parlementaires dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal, c'est là qu'il conviendra de vérifier si la définition d'agent public actuellement en vigueur est susceptible de tenir compte dans une mesure suffisante des récents événements survenus lors de l'accomplissement de tâches publiques. De ce fait, il n'y a aucune raison de modifier l'art. 110, ch. 4, CP dans le cadre de la présente révision.

212.2

Faits constitutifs de l'infraction: la prestation

212.21

L'avantage

Le droit actuel, pour décrire le moyen de l'infraction, parle de «don ou quelque autre avantage indu». Le projet n'utilise plus que le terme d'«avantage» puisqu'un don représente toujours un avantage101. Le contenu normatif reste identique. Selon la doctrine dominante, un avantage se définit comme une libéralité, qu'elle soit de nature matérielle ou immatérielle, accordée à titre gracieux.102. Toute amélioration objectivement mesurable ­ juridique, économique ou personnelle ­ de la situation du bénéficiaire est considérée comme un avantage. Dans une vision classique, la libéralité est une somme d'argent. Mais les critères matériels de la notion d'avantage permettent d'inclure également les libéralités en nature ou utilitaires telles que le 99

Pieth 1997b p. 42 ss; de même, pour le droit allemand, Weiser, NJW 1994 p. 968 ss; critique en revanche: Balmelli, p. 123 ss.

100 Voir FF 1999 I 1787 ss (1953, 2138).

101 Voir Gerber, RPS 96 (1979) p. 248.

102 Voir Stratenwerth, 1995 § 57 N. 5 ; Trechsel N. 3 ad art. 315.

5075

don d'objets de valeurs, la fourniture d'une voiture de location, l'octroi de rabais de revendeurs ou l'offre d'un voyage. A cela, on peut encore ajouter la renonciation à une prestation en argent (p. ex. remise de dette, reconnaissance de dette négative, etc.)103.

Dans la pratique, tout une série de contrats fictifs conférant une apparente légalité à l'entente délictueuse des parties donnent matière à discussion. Il s'agira par exemple d'«honoraires de conseiller» sans justification économique, de factures surfaites dans des relations commerciales ou de prêts consentis à des conditions parfaitement inhabituelles sur le marché. Les libéralités liées à ce type d'opération doivent également être qualifiées d'avantages matériels lorsque la prestation et la contreprestation ne correspondent pas sur le plan économique et que l'avantage peut donc se mesurer concrètement.

212.22

L'avantage indu

La notion d'avantage indu est déjà mentionnée aux art. 315 et 316 CP. A l'origine, cette formulation devait souligner l'évidence que les taxes, les émoluments et autres paiements dus en vertu de la loi ne constituaient pas des avantages tombant sous le coup de l'infraction de corruption104. Mais aujourd'hui, cet élément a pris un sens plus large; on le retrouve notamment, sous une forme analogue, dans les définitions légales de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales105 et de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe106.

Un avantage est «indu» lorsque l'agent public qui devrait en bénéficier n'a pas le droit de l'accepter. Cette définition permet d'exclure notamment du champ de l'infraction de corruption les libéralités dont l'acceptation est permise par les règlements de service. On songera par exemple à un texte administratif régissant l'annonce, la faculté d'accepter ou, au contraire, l'obligation de remettre les dons et autres avantages reçus. Mais l'exigence que l'avantage soit indu donne également une certaine latitude pour exclure de l'infraction les libéralités insignifiantes et admises socialement. Ces précisions importantes transparaissent d'ailleurs dans le libellé de l'art. 322octies, ch. 2, du projet107. La question de savoir si un avantage est indu peut notamment se poser lorsqu'une récompense est accordée à un fonctionnaire pour des actes administratifs accomplis conformément à la loi ou, plus simplement, pour l'accomplissement de son devoir, et constitue un critère supplémentaire de délimitation de l'illicéité, notamment eu égard aux dispositions spéciales des art. 322quinquies et 322sexies P-CP108.

103 104 105 106 107 108

Voir Balmelli p. 131 s.

Voir Stratenwerth, 1995 § 57 N. 5.

Art. 1 ch. 1 de la Convention de l'OCDE.

Art. 2 et ss de la Convention pénal du Conseil de l'Europe.

Voir à ce sujet infra ch. 23.

Voir à ce sujet infra ch. 213.

5076

212.23

L'avantage médiat

Lorsqu'une libéralité n'est pas versée directement par l'auteur à son destinataire, mais qu'un tiers s'en charge à la façon d'un complice, on est en présence d'une libéralité médiate. Ce cas de figure, quoique non expressément prévu par la loi, est incontestablement couvert par le texte actuel109. Le droit en vigueur ne se préoccupe pas des modalités de la prestation; il suffit en effet que l'avantage ait été promis. La question de savoir qui a fourni ou devra fournir la prestation n'est pas pertinente en ce qui concerne la punissabilité de celui qui l'a promise et de celui à qui elle est destinée. Dès lors, on peut renoncer à une mention explicite de l'avantage médiat dans le texte légal.

212.24

L'octroi d'avantages à des tiers

Selon la doctrine dominante et la jurisprudence, l'octroi d'avantages à des tiers ne suffit à réaliser l'infraction de corruption que si l'agent public en paraît favorisé, au moins de façon médiate110. On peut se demander dans quels cas il en est ainsi. Alors que les libéralités consenties à des proches parents d'un agent public constituent sans aucun doute possible un avantage illicite au sens de la loi si l'agent en cause en retire un avantage médiat111, cette condition ne sera guère réalisée dans le cas d'un don destiné à une organisation d'intérêt public (p. ex. la Croix-Rouge). Entre deux, de nombreuses situations sont envisageables dans lesquelles le critère de l'avantage médiat peut poser des problèmes de délimitation. On songera par exemple aux cas où la libéralité est destinée à des personnes ou des institutions dont l'agent public est proche socialement ou idéalement (association, parti politique, etc.) C'est pourquoi, donnant suite à une demande fréquemment formulée lors de la procédure de consultation112, le projet propose de régler explicitement la question de la libéralité en faveur de tiers au niveau du destinataire113. Que l'on considère les choses du point de vue du bien juridiquement protégé ou de celui du caractère répréhensible de l'acte, il est totalement indifférent que l'avantage profite à l'agent public lui-même ou à un tiers, pour autant toutefois que la relation soit dûment établie entre cet avantage et la violation des devoirs attachés à la fonction. Il va de soi, cependant, qu'en matière d'avantage accordé à des tiers, la preuve de cet état de fait ne sera généralement pas facile à apporter.

Alors qu'en ce qui concerne les infractions de corruption proprement dites, l'agent public ne doit plus nécessairement apparaître favorisé personnellement, il convient de maintenir cette exigence dans le cadre des infractions spéciales réprimant l'octroi et l'acceptation d'avantages (art. 322quinquies et 322sexies P-CP), car il manque ici une 109 110

Voir ATF 100 IV 58; Balmelli p. 150.

Voir TF in Rep 70 (1946) p. 386; RSJ 92 (1996), p. 13; Voir d'autre part la casuistique présentée par Stratenwerth, 1995 § 57 N. 6, 24; Trechsel N. 3 ad art. 315; Gerber p. 249.

Autre avis encore dans la doctrine ancienne: Hafter, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, zweite Hälfte, Berlin 1943 p. 757; Logoz, Commentaire du Code Pénal Suisse, Partie Spéciale, tome II, Neuchâtel/Paris 1956 N. 3 ad art. 288; Peter, Die Bestechung im Schweizerischen Strafrecht, Diss. Zurich 1946 p. 67.

111 Voir Gerber p. 249; selon Trechsel N. 3 ad art. 315, il suffit que l'avantage octroyé à un tiers soit propre à influencer la façon d'agir de l'agent public.

112 Voir le résumé des résultats de la procédure de consultation, p. 9.

113 C'est également le cas dans les définitions légales des conventions de l'OCDE et du Conseil de l'Europe, de même que dans le droit pénal allemand (§§ 331 ss StGB).

5077

contrepartie concrète (acte administratif) dont la relation avec une libéralité faite à un tiers puisse être établie de façon suffisante, y compris du point de vue objectif.

212.25

«. . . offert, promis ou octroyé. . .» ou «. . . aura sollicité, se sera fait promettre ou aura accepté. . .»

La formulation des éléments constitutifs de l'infraction est restée la même quant au fond. Le projet se contente d'en simplifier quelque peu la rédaction du point de vue linguistique.

212.3

Faits constitutifs de l'infraction: la contre-prestation

L'infraction de corruption passive telle qu'elle est définie par l'actuel art. 315 CP décrit la contre-prestation du fonctionnaire au moyen de la formule suivante: l'avantage lui est promis ou octroyé «pour faire un acte impliquant une violation des devoirs de sa charge». A y regarder de plus près, plusieurs de ces termes se sont révélés problématiques. De plus, la formule ne correspond pas avec l'infraction de corruption active qui en est le pendant (art. 288 CP). Enfin, l'infraction consistant à accepter un avantage, prévue à l'art. 316 CP, est apparemment construite comme celle de l'art. 315 CP, mais la pratique interprète la formule de façon différente d'un cas à l'autre. Trois questions, notamment, méritent un examen plus approfondi: en effet, la notion d'acte et celle de violation des devoirs de la charge doivent être expliquées; ensuite, il faudra déterminer s'il y a lieu de maintenir l'exigence de la postériorité de l'acte («. . . auront d'avance sollicité . . .»)

212.31

L'acte du fonctionnaire

Comme nous l'avons relevé, le droit actuel n'est pas clair à ce sujet, et ce pour deux raisons: il recourt apparemment à la même notion d'«acte» dans l'infraction d'acceptation d'un avantage et dans celle de corruption passive. Or, s'agissant de l'acceptation d'un avantage, le législateur n'aura sans doute pensé qu'aux actes accomplis par l'agent public dans le cadre de ses compétences. Mais la pratique prête une autre signification à la formule analogue de l'art. 315: dans ce contexte, en effet, on envisage également les actes qui ont simplement un rapport avec l'activité du fonctionnaire, actes que ce dernier a accomplis en profitant de sa position officielle. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, sont cernés de cette manière les actes constituant une violation des devoirs de fonction que le fonctionnaire a commis sans en avoir la compétence ni locale, ni matérielle ni fonctionnelle, mais qu'il avait la possibilité d'accomplir en raison de sa position officielle114, de même que les cas, assez fréquents, dans lesquels le fonctionnaire vend à des tiers des

114

Voir notamment l'exemple donné dans l'ATF 77 IV 39 ss, dans lequel le douanier accusé, quoique formellement affecté au poste de X, a également accompli de temps à autre des actes de fonction dans les postes de Y et de Z.

5078

informations obtenues dans l'exercice de sa charge115. Cette conception plus large de l'acte au sens de l'art. 315 CP adoptée par le Tribunal fédéral est d'ailleurs parfaitement compatible avec la ratio legis116: les dispositions réprimant la corruption proprement dite servent à protéger l'administré non seulement contre la falsification concrète de décisions administratives mais également contre une mise en danger abstraite de la confiance générale dans le corps des fonctionnaires.

De lege ferenda, il était indiqué de simplifier et d'éclaircir le droit en vigueur. La formulation proposée doit réaliser cet objectif sur quatre points: en premier lieu, elle doit être suffisamment large pour embrasser les situations dans lesquelles des avantages sont octroyés en vue de favoriser des actes que le fonctionnaire peut accomplir simplement grâce à sa présence au sein de l'administration, même s'il ne s'agit pas d'actes administratifs explicitement prévus par la loi (on songe p. ex. à la vente de renseignements) ou lorsqu'il accomplit un acte qui ne lui incombe pas normalement (p. ex. le fait d'utiliser le timbre humide d'un collègue en l'absence de celui-ci).

D'autre part, la formulation de l'infraction doit permettre de délimiter nettement cette catégorie d'actes de ceux qui restent strictement privés. Ce qu'un fonctionnaire gagne, à titre privé, en travaillant «au noir» n'a rien à voir avec le droit de la corruption, même si ce faisant, il contrevient au statut de la fonction publique117. D'autre part, les éléments constitutifs de la corruption proprement dite ­ par opposition à l'octroi ou l'acceptation d'avantages ­ doivent se référer au moins à un acte définissable. Enfin, pour plus de clarté, il convient que la loi, en plus de l'action, retienne également, de façon explicite, l'omission; à titre d'exemple, on peut mentionner l'inaction, contre rémunération, d'un membre de la police judiciaire chargé de la poursuite pénale.

Pour toutes ces raisons, le projet propose, en se fondant sur la pratique du Tribunal fédéral, une formulation unique applicable aux deux cas: «. . . afin d'exécuter ou de ne pas exécuter un acte en relation avec son activité officielle et qui soit contraire à ses devoirs ou dépende de son pouvoir d'appréciation . . .».

212.32

Acte contraire aux devoirs et décision discrétionnaire

Tandis que la jurisprudence, s'appuyant sur les principes du droit administratif en matière de violation des devoirs de fonction, élaborait des lignes directrices sûres118, une question est demeurée longtemps sans réponse claire: à quelles conditions une décision relevant du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire peut-elle être contraire aux devoirs de ce dernier au sens des dispositions pénales réprimant la corruption?

En 1946 déjà, le Tribunal cantonal bernois avait admis qu'un fonctionnaire attentait 115

C'est le cas classique de cet inspecteur de l'assurance incendie officielle bâloise, dont la fonction consistait à contrôler des installations de chauffage et qui, pendant plus de vingt ans, en cas de défectuosités, recommandait de façon illicite les services d'un certain chauffagiste, lequel lui témoignait de sa reconnaissance en lui reversant une partie de ses bénéfices: ATF 72 IV 179 ss.

116 A. A. Stratenwerth, 1995 p. 57 N 17; pour une critique de la position de Stratenwerth, voir Balmelli p. 155 ss.

117 Voir ATF 72 IV 183; Stratenwerth, 1995 § 57 N. 16; Balmelli p. 173.

118 Voir ATF 72 IV 181 s.; ATF 77 IV 45 ss.; ATF 93 IV 55 s.; RSJ 92 (1996) p. 15; Hauser/Rehberg, Strafrecht IV, Delikte gegen die Allgemeinheit, Zurich 1989, § 100 p.

270; Stratenwerth, 1995 § 57 N. 20; Balmelli p. 176 ss, notamment sur la notion d'accesoriété en matière administrative p. 180 ss.

5079

aux devoirs de sa charge dès lors qu'il rendait une décision discrétionnaire sans être totalement impartial119.

Avant toute chose, il convient de préciser que la doctrine du droit administratif range les erreurs d'appréciation (usage excessif ou, au contraire insuffisant du pouvoir discrétionnaire, ainsi que l'arbitraire) parmi les erreurs de droit. Il s'agit cependant d'examiner les cas dans lesquels une décision administrative, quoique défendable objectivement, a été prise par un fonctionnaire qui a vendu sa neutralité: dans l'affaire Huber et consorts, la défense avait invoqué le fait qu'une pratique plus souple en matière de patentes d'auberge allait dans le sens de la libéralisation progressive observée et que par conséquent, les décisions prises ne pouvaient être jugées contraires aux devoirs de fonction de leur auteur. Cependant, ce qui a posé problème, c'est la vente d'autorisations aux plus offrants parmi plusieurs candidats remplissant les conditions requises. Une telle mise aux enchères destinée à satisfaire des intérêts privés constitue un grave manquement aux règles de la procédure administrative. L'instance de décision est partiale, l'autorité mal constituée. Elle commet ainsi un déni de justice formel120. Toutefois, au vu du droit actuel, on peut se demander si l'acte discrétionnaire accompli dans la perspective d'un avantage promis est, en soi, toujours contraire aux devoirs de la charge ou s'il faut en outre rapporter la preuve ­ généralement difficile ­ que le fonctionnaire s'est laissé influencer par la promesse dudit avantage. A l'encontre de cette exigence d'une preuve, on invoquera le fait que, dans le cadre des règles ordinaires sur la récusation pour partialité, la crainte de la partialité est suffisante.

Afin de trouver une solution claire et objective qui limite également les problèmes liés à la preuve, le projet propose de régler cette question dans la loi121. Les actes discrétionnaires accomplis contre la promesse d'un avantage doivent être traités de la même façon que les infractions aux normes juridiques claires. En pratique, on constate que c'est dans le domaine de l'administration discrétionnaire que les fonctionnaires sont particulièrement sollicités et que c'est là qu'ils se sentent le plus sûrs, dans la mesure où ils courent peu de risques d'être découverts,
même si l'on vérifie le contenu de la décision rendue. Au contraire, dans le domaine de l'administration liée, c'est-à-dire lorsque l'administré a droit à un acte administratif ou à une prestation, seules les infractions spéciales de l'octroi et de l'acceptation d'un avantage entrent en ligne de compte122.

212.33

Postériorité de la violation des devoirs de fonction?

Unanimes, la doctrine et la jurisprudence suisses s'accordent à considérer que ni le donateur ni le bénéficiaire ne sont punissables en raison d'une libéralité accordée à titre de récompense après l'accomplissement d'un acte contraire aux devoirs de fonction123. A condition, bien entendu, que l'avantage n'ait pas été sollicité, ni 119

120 121 122 123

RJB 82 (1946) p. 126. Opinion critique: Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar 1. Aufl., Zurich 1989 N. 5 ad art. 288; mais dans la 2e édition, N. 5 ad art. 288, intervient une modification.

Voir également RSJ 92 (1996) p. 15; Balmelli p. 186 ss; Peter p. 33 s. ; Pieth, [1996a] p.

242.

Voir également les §§ 332 und 334 StGB applicables en Allemagne.

Art. 322quinquies et 322sexies P-CP, et sur ce point infra ch. 213.

Voir ATF 118 IV 316; ATF 71 IV 147; Hauser/Rehberg § 125 p. 341; Stratenwerth, 1995 § 57 N. 8.

5080

offert, ni promis avant l'accomplissement de l'acte incriminé. La postériorité de l'acte pose une limite remarquable à l'illicéité puisque, quel que soit le montant du paiement effectué ultérieurement ou le temps écoulé, le droit pénal ne peut intervenir. Ainsi, même le paiement d'une somme de plusieurs centaines de milliers de francs à un fonctionnaire, quelques jours à peine après l'octroi illicite d'une autorisation administrative, n'est en principe pas punissable si l'on ne peut établir que cette somme avait été promise ou demandée auparavant. Un tel résultat est insatisfaisant car il peut parfaitement exister un lien entre l'acte contraire aux devoirs de fonction et le versement. Pourtant, la réglementation actuelle considère visiblement que la récompense n'est pas dangereuse dans la mesure où elle ne peut plus influencer la décision. Pourtant, elle affecte un bien juridique aujourd'hui reconnu comme tel par le plus grand nombre: celui de la confiance dans l'objectivité de l'Etat dans l'accomplissement de ses tâches.

En pratique, il est d'ailleurs souvent difficile, dans des relations d'affaires continues, de déterminer si tel avantage accordé constitue une récompense ultérieure (non punissable) ou déjà un versement effectué en prévision du prochain acte à accomplir124. Plusieurs jugements cantonaux ont d'ores et déjà rejeté une interprétation trop littérale, trop segmentée, de la loi, et considéré le comportement de la personne inculpée comme un tout125. Il n'en reste pas moins que l'exigence de la postériorité de l'infraction constitue un obstacle considérable à la poursuite pénale.

C'est la raison pour laquelle le projet propose ­ à l'instar de certaines lois étrangères126 ­ de renoncer carrément à cet élément constitutif supplémentaire.

212.4

La relation entre la prestation et la contre-prestation: équivalence

Le droit actuel indique au moyen du terme «pour . . .» (art. 288, 315 et 316 CP) le fait que la relation prestation ­ contre-prestation doit être prouvée. Toutefois, le Tribunal fédéral n'exige pas la preuve concrète d'un contrat illicite pour chaque avantage reçu, sollicité ou promis, ni pour chaque acte contraire aux devoirs de fonction. Cela poserait des problèmes insurmontables aux autorités d'instruction ou nécessiterait des mesures spéciales en matière d'enquête et de témoignage. La pratique actuelle se contente de ce que les actes futurs du fonctionnaire soient «déterminables de manière générique»127. Elle recourt également à des critères auxiliaires objectifs tels que le montant de l'avantage, la proximité dans le temps, la fréquence des contacts entre le donateur et le donataire et, en particulier, la relation entre la situation professionnelle du premier et la fonction exercée par le second (identité des domaines d'activité)128. C'est ainsi que le Tribunal de district de

124

125 126 127

128

Hauser/Rehberg, § 126 p. 343 vont jusqu'à avancer que lorsque les relations de fonction sont suivies, l'incrimination n'entre pratiquement pas en ligne de compte, l'avantage accordé venant en quelque sorte honorer, à chaque fois, un acte déjà accompli.

Voir RSJ 92 (1996) p. 16; ZR 51 (1952) p. 167; approuvé par Balmelli p. 208.

Voir notamment en droit allemand les §§ 331 StGB ou les art. 318 ss CP italien.

Dans l'ATF 118 IV 316, le Tribunal fédéral parle d'un «lien suffisant entre l'avantage et un ou plusieurs actes futurs du fonctionnaire, déterminables de manière générique». Dans le même sens: RSJ 92 (1996) p. 16, selon lequel il y a équivalence dès lors que le contenu objectif de l'acte en cause est connu au moins dans les grandes lignes; opinion partagée par Pieth 1996a, p. 243.

Balmelli (p. 215 ss), approuve cette pratique; Pieth 1996a p. 243.

5081

Zurich129 a admis l'équivalence bien que l'avantage (représentant un montant de 281 125 francs) ait été octroyé une année avant la commission de l'acte par lequel le fonctionnaire avait porté atteinte aux devoirs de sa charge; les juges ont en effet estimé qu'en l'espèce, le montant de l'avantage octroyé déployait un effet durable.

En revanche, le Tribunal a nié un rapport suffisant entre l'octroi d'un avantage d'un montant analogue et un acte commis sept ans plus tard. Il a admis par ailleurs l'existence d'une relation suffisante à raison de l'identité des activités économiques.

Dans un autre cas, le Tribunal cantonal lucernois130 a même évoqué pour sa part la possibilité de soupçonner un rapport d'équivalence suffisant généré par des contacts répétés.

Il reste cependant très douteux, compte tenu de la pratique actuelle, que de simples «versements de goodwill» ou ce que l'on appelle le «market conditioning» puissent être saisis. Chaque fois que cette question a été abordée par les tribunaux cantonaux, la réponse a été négative131. Bien que l'on trouve dans la doctrine certaines opinions divergentes132, il convient de régler ce problème dans la loi. Pour cela, on préconisera une solution à deux volets. D'une part, la corruption proprement dite continuera de supposer un rapport avec une action ou une omission au moins déterminable.

Ainsi, les exigences en matière d'équivalence au niveau des éléments constitutifs de la corruption proprement dite133 ne seront en rien réduites par la présente révision.

En revanche, d'autre part, un assouplissement du principe d'équivalence, destiné à cerner l' «alimentation progressive», sera prévu au niveau des dispositions accessoires (octroi et acceptation d'un avantage)134 dans la mesure où l'avantage n'intervient pas en échange d'une prestation déterminée mais «pour que le fonctionnaire accomplisse les devoirs de sa charge».

212.5

Les peines prévues et leurs conséquences

Pour les raisons exposées plus haut135, il convient d'harmoniser les peines applicables à la corruption active et à la corruption passive. Les art. 322ter et 322quater P-CP prévoient la réclusion pour cinq ans au plus ou l'emprisonnement, ce qui érige en crime les infractions visées (art. 9, al. 1, CP). Cela a des conséquences d'une part sur la prescription de l'action pénale, d'autre part sur le blanchiment de l'argent provenant de la corruption.

­

129 130 131 132 133 134 135

En ce qui concerne les délits économiques en général et la corruption en particulier, les règles sur la prescription de l'action pénale sont la source d'importantes difficultés, d'autant plus que la corruption est une infraction entre auteurs qui n'est fréquemment découverte que longtemps après sa commission. L'instruction de l'affaire Huber a nettement mis en évidence les limites du droit actuel; il est apparu en effet que la prescription quinquennale applicable au délit de l'art. 288 CP ne permettait pas de traiter comme il le faudrait des affaires parfois très complexes. La modification proposée des Voir RSJ 92 (1996) p. 16; jugement du tribunal de district de Zurich du 21 août 1995 p.

153, 157, 289, 297 ss.

LGVE 1990 p. 83.

LGVE 1990 p. 83 ss (85).

Balmelli p. 216; d'un autre avis: Trechsel, N. 5a ad art. 288.

Art. 322ter, 322quater et 322septies P-CP.

Art. 322quinquies et 322sexies P-CP.

En particulier supra ch. 114.1.

5082

peines améliore la situation dans la mesure où la corruption au sens de l'art.

322ter AP-CP est désormais aussi soumise au délai de prescription de dix ans prévu à l'art. 70, al. 2, CP.

­

Selon le droit en vigueur, la corruption active, considérée comme un simple délit, n'est pas une infraction initiale constitutive du blanchiment d'argent, ce qui constitue un inconvénient, notamment dans le cadre de la lutte contre la corruption transfrontalière. L'harmonisation des peines prévue par le projet remédie à cet état de choses et permet d'incriminer le blanchiment des fonds issus de la corruption.

213

L'octroi d'un avantage et l'acceptation d'un avantage (art.

322quinquies et 322sexies P-CP)

213.1

Une exigence de politique pénale

«Les expériences accumulées tant en Suisse qu'à l'étranger ont montré que les relations de corruption commencent souvent par un «saupoudrage» de petits cadeaux ou des «versements de goodwill» effectués indépendamment de contreparties concrètes.

Cette façon de procéder est dangereuse car, psychologiquement, les cadeaux appellent les cadeaux. Le risque de partialité est donc patent. Du point de vue de la politique pénale, aucune raison ne justifie le fait qu'une libéralité pure et simple, dépassant ce qui est autorisé ou admis socialement, par exemple un don de 100 000 francs accordé au directeur du service cantonal des constructions, ne soit pas appréhendée par le droit pénal lorsqu'aucun projet particulier n'est en cause et que la contreprestation ne sera peut-être «encaissée» que plusieurs années après. L'importance de ce genre de libéralités pour l'instauration d'une corruption systématique, particulièrement pernicieuse, a déjà été évoquée ci-dessus sous ch. 112. Le droit en vigueur, qui affiche une impuissance remarquable même confronté à des cas d'«alimentation progressive» d'envergure136, pousse les tribunaux à établir des liens en usant de présomptions confortées par une certaine «logique économique». A cela, il convient de préférer une mise au point par le législateur. La proposition, déjà faite dans l'avant-projet, de rendre également punissable l'«alimentation progressive» a été très largement approuvée lors de la procédure de consultation137.

Cette question est d'ailleurs discutée dans des pays voisins de la Suisse. L'Italie et l'Allemagne travaillent à un assouplissement du principe d'équivalence138. En Suède, on a complètement abandonné l'exigence d'un lien déterminable entre la prestation et sa contrepartie139. En Autriche, selon la jurisprudence, un lien suffisant existe dès lors qu'on ne peut raisonnablement trouver d'autre raison que la relation administrative existante pour expliquer la libéralité140.

136 137 138

Voir supra ch. 114.2.

Voir le résumé des résultats de la procédure de consultation, p. 9 s.

En ce qui concerne les efforts de réforme entrepris en Italie: Hein, in: Eser et al. (édit.), Korruptionsbekämpfung durch Strafrecht, Freiburg i.B. 1997 p. 244 ss; à propos de la révision du droit de la corruption en Allemagne, voir §§ 331 et 333 StGB.

139 Voir Cornils, in: Eser et. al., Korruptionsbekämpfung durch Strafrecht, Freiburg i.B.

1997 p. 517.

140 Voir Überhofen, in: Eser et al., Korruptionsbekämpfung durch Strafrecht, Freiburg i.B.

1997 p. 399.

5083

213.2

La relation nécessaire entre l'avantage et la fonction

En ce qui concerne la notion d'agent public et celle d'avantage indu, les art.

322quinquies et 322sexies P-CP sont calqués sur les nouvelles définitions de la corruption proprement dite. Les deux infractions vont plus loin que la corruption active et la corruption passive en ce sens qu'elles font abstraction de toute relation avec un acte concret du fonctionnaire. Il est cependant vrai, comme nous l'avons déjà souligné141, que la référence à la fonction ne pourra jamais être totalement abandonnée sous peine d'appréhender également des libéralités à caractère strictement privé.

Dans un premier temps, on a songé à reprendre dans ces articles la formulation qui, dans les infractions de corruption proprement dite (art 322ter et 322quater P-CP), établit la référence générale à la fonction («en relation avec son activité officielle»).

Dans le contexte de l'infraction de corruption proprement dite, cette formulation a pour fonction d'embrasser également les actes contraires aux devoirs de fonction que le fonctionnaire avait simplement la possibilité de commettre en raison de sa position officielle. Dans un contexte d'«alimentation progressive», en revanche, elle serait trop large car elle devrait également inclure les cadeaux d'usage que le fonctionnaire ne reçoit qu'en raison de sa qualité de postier, de policier, etc. On songera par exemple aux cadeaux offerts par les membres de la famille ou des proches à l'occasion d'une promotion.

La nouvelle formule choisie: «pour qu'il accomplisse les devoirs de sa charge» insiste ­ notamment par rapport à celle de l'avant-projet ­ sur le fait que seules sont concernées les libéralités destinées à influencer l'agent public. En d'autres termes, l'avantage doit être de nature à agir sur l'accomplissement des devoirs du fonctionnaire visé. La tournure souligne que l'avantage octroyé est, de par sa nature, tourné vers un acte futur.

213.3

La limite inférieure de l'illicéité

Comme nous venons de l'exposer, la formulation «pour qu'il accomplisse les devoirs de sa charge» est destinée à souligner que les cadeaux usuels dans les relations sociales ne sont pas visés a priori. Le bouquet de fleurs offert à l'infirmière ou les étrennes du facteur ont pour fonction première de remercier l'intéressé pour les bons services rendus dans le passé et non pas d'influencer l'accomplissement ultérieur des devoirs liés à la charge. Même indépendamment de la question de savoir si l'avantage est «indu», il manque ici le caractère répréhensible. A l'opposé, l'exemple déjà cité de la libéralité, sans destination précise mais d'un montant substantiel, faite au directeur d'un service cantonal des constructions, ou le voyage d'agrément offert à des décideurs du secteur énergétique, tomberaient sous le coup de la disposition pénale même si aucune décision administrative concrète ne doit être prise sur le moment. En revanche, l'institutrice qui, prenant sur son temps libre, se fait payer pour donner des cours de rattrapage à des élèves en difficulté ne reçoit pas une récompense «pour qu'elle accomplisse les devoirs de sa charge», aussi longtemps du moins que le prix demandé reste dans un rapport adéquat avec la prestation fournie. Il est évident qu'en cette matière, les distinctions casuistiques peuvent s'avérer extrêmement délicates: ce qui ne représente qu'une «babiole» pour 141

Supra ch. 114.22, let. c.

5084

le donateur comme pour le donataire peut heurter la susceptibilité de concurrents ou de contribuables: les premiers comme les seconds ne pourront considérer comme une bagatelle le fait qu'un consortium de construction invite à un «arbre de Noël» les fonctionnaires du service dont dépend la prochaine adjudication d'un important projet d'infrastructure. Cette «petite» attention pourrait coûter cher à la fois aux concurrents malheureux et au budget de l'Etat. Des considérations de cet ordre devront être envisagées lors de la mise en oeuvre du droit de la fonction publique, lequel revêt une importance fondamentale pour la question de l'avantage indu142 .

Le fait que des cas limite puissent encore subsister tient avant tout au fait que le droit de la fonction publique de la Confédération, des cantons et des communes ne peut offrir qu'une densité réglementaire limitée. A cela, il faut ajouter que les réglementations type concernant les cadeaux offerts aux fonctionnaires ne peuvent être généralisées que dans une mesure limitée. Un même cadeau, relativement important, devra être considéré de façon très différente selon qu'il est offert par des paroissiens à un pasteur partant à la retraite après de longue années de ministère dans la paroisse ou, à l'occasion de Noël, par un fournisseur d'informatique au responsable des achats d'un département de l'administration. La nouvelle disposition introduite à l'art. 322octies, ch. 1, P-CP143 permet de garantir que les situations non répréhensibles pourront toujours être traitées de façon appropriée.

213.4

Financements externes et sponsoring

Outre la question des petits présents d'usage, il en est une autre, toujours plus d'actualité, qui pose également des problèmes de délimitation. La précarité des finances publiques aboutit fréquemment à des mesures d'économie radicales. Les premiers touchés sont les bénéficiaires de subventions dans le domaine de la culture, de la formation et de la recherche. Il est désormais courant que, dans le cadre d'un financement externe ou de sponsoring, des institutions de droit public fassent appel au secteur privé pour financer volontairement des tâches dévolues à l'Etat. Il est évident que dans le financement externe et le sponsoring d'activités étatiques, le but recherché est tout autre que la corruption: il s'agit en effet d'une prise en charge ouvertement déclarée, parfaitement licite, responsable et volontaire de certaines tâches publiques par des particuliers. Dans l'idée même, il ne saurait être question d'accorder des avantages à des fonctionnaires afin qu'ils accomplissent les devoirs de leur charge ni, à plus forte raison, pour qu'ils commettent des actes répréhensibles.

Mais on ne saurait exclure que la corruption prenne le visage d'un financement externe. Lorsqu'un médecin chef de clinique touche, à titre privé, une participation aux bénéfices de l'entreprise qu'il a favorisée comme fournisseur de médicaments pour son établissement hospitalier, les termes de financement externe ou de sponsoring sont là pour enjoliver une réalité qui s'appelle corruption.

Cependant, le besoin de distinguer clairement le vrai financement externe de l'«alimentation progressive» au sens des art. 322quinquies et 322sexies P-CP doit être pris au sérieux car le critère de distinction de la contre-prestation illicite n'est pas retenu dans ces dispositions accessoires. La distinction intervient désormais au 142 143

En ce qui concerne la notion d'avantage indu, voir supra ch. 212.22.

Voir à ce sujet infra ch. 23.

5085

niveau de l'avantage «indu». Mais dans la plupart des cas, cette distinction est opérée par le seul fait que le financement est accordé à une institution, c'est-à-dire un vrai tiers, et non pas à des particuliers. Contrairement à la corruption proprement dite, l'octroi d'un avantage à des tiers ou l'acceptation d'un avantage par des tiers n'est pas punissable.

Les autres contributions ou libéralités octroyées à titre personnel peuvent être éliminées sans difficulté en recourant à une interprétation appropriée de l'exigence de l'avantage indu. Dans ce domaine, précisément, la publicité et la transparence constituent un critère essentiel. Celui qui fournit des fonds sans aucune arrière-pensée de corruption ne craindra pas que le fait soit publié et que ses concurrents en prennent connaissance. Du côté du destinataire, on pensera notamment aux communications faites à l'autorité supérieure compétente. Quant aux autres cas limite, ils pourront être résolus par le biais de l'art. 322octies, ch. 1, P-CP.

213.5

Les peines

Contrairement aux normes pénales réprimant la corruption proprement dite, les dispositions spéciales concernant l'octroi et l'acceptation d'un avantage sont érigées en délit (infraction passible de l'emprisonnement ou de l'amende) en raison de leur moindre degré d'illicéité.

22

La corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies P-CP) et l'adhésion à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales

221

L'infraction de corruption active d'agents publics étrangers (art. 322septies P-CP) et les exigences de la Convention à cet égard

221.1

Les faits constitutifs de l'infraction

Comme nous l'avons déjà indiqué, la Convention a pour but d'établir un standard minimum commun à des systèmes juridiques aussi différents que l'anglo-saxon, l'européen continental et différents droits extrême-orientaux. Ne serait-ce que pour cette raison, il n'est ni utile ni nécessaire de reprendre littéralement le texte de la Convention. Au contraire, une adaptation de celle-ci au langage juridique suisse s'impose. Pour cela, il paraît judicieux de partir autant que possible du libellé de l'infraction réprimant la corruption active d'agents publics suisses (art. 322ter P-CP).

La convention a pour premier objectif de restreindre l'afflux des gros versements destinés notamment à la corruption des chefs d'Etat et des ministres et de limiter ainsi, au niveau de l'offre, la corruption mondiale. Elle ne vise pas les pots-de-vin versés à l'étranger afin de décider des fonctionnaires locaux sous-payés à accomplir leur devoir. L'incrimination de l'octroi d'avantages à des agents publiques étrangers n'est donc pas nécessaire. C'est la raison pour laquelle le modèle choisi sera celui de l'infraction de corruption proprement dite telle qu'elle est réprimée par l'art. 322ter P-CP.

5086

221.2

Les conditions de la punissabilité

221.21

La notion d'agent public étranger (art. 1, ch. 4, let. a, de la Convention)

La Convention et le projet de loi font référence à la corruption d'agents publics d'Etats étrangers144 et de représentants d'organisations internationales.

Afin de donner une définition autonome de l'agent public, le texte de la Convention (art. 1, ch. 4, let. a) ne renvoie pas simplement au droit de l'Etat lésé mais pose des principes généraux concernant l'agent public. Aux fins de la Convention, les agents publics institutionnels sont en premier lieu toutes les personnes détenant un mandat législatif, exécutif ou judiciaire, qu'elles aient été nommées ou élues. Cette définition recoupe celle qui est habituellement donnée en Suisse de l'agent public145 objet de la corruption active.

Pour traduire la Convention dans notre système juridique, il convient d'utiliser, ici également, le modèle fourni par l'infraction de corruption active d'agents publics suisses, même si l'énumération détaillée, fondée sur des circonstances historiques, lui confère une certaine lourdeur: il s'agit d'exprimer clairement que le cercle des agents publics institutionnels visé est le même que celui qui est défini dans la norme pénale réprimant la corruption d'agents publics suisses.

La Convention indique nettement que les personnes exerçant une fonction publique sont assimilées à des agents publics. Sur ce point également, elle recoupe les dispositions du droit suisse. La définition autonome de l'agent public donnée par la Convention, qui englobe donc les personnes occupant une fonction publique, recouvre de ce fait toutes les tâches étatiques assumées par des particuliers, sans égard à la nature juridique de la relation contractuelle qui lie la collectivité territoriale concernée au mandataire. La simple délégation de tâches de l'Etat se distingue de la privatisation au sens strict par le fait que cette dernière implique la libre concurrence.

Certes, même dans des conditions de privatisation, l'Etat peut être amené à délivrer des autorisations, par exemple de construire, d'exploiter, d'importer, d'exporter, etc., mais l'activité considérée n'en devient pas pour autant une tâche étatique. De même, la surveillance exercée par l'Etat, par exemple dans le domaine financier, n'«étatise» en rien la fonction considérée. Mais la situation est différente dans les cas où, par exemple, un monopole est concédé à des particuliers. Ensuite,
la Convention considère également comme relevant de la fonction publique les tâches déléguées dans le cadre de procédures d'adjudication de marchés publics à des particuliers (établissement de projets, présélection des soumissionnaires, etc.)146.

Comme en droit suisse, les organes des entreprises contrôlées et surveillées par l'Etat sont également inclus dans la définition des personnes exerçant une fonction publique. Il résulte du commentaire de la Convention147 que le fait qu'un Etat détienne la majorité des actions ou le contrôle d'une entreprise constitue un indice très important quant à l'exercice d'une fonction publique par ses cadres. En revanche, on peut imaginer des exceptions, notamment lorsque l'Etat exerce son contrôle pour des raisons purement fiscales ou qu'on est en présence d'une reprise limitée dans le 144 145 146 147

Art. 1, ch. 4, let. b, de la Convention.

Voir supra ch. 212.1.

Voir N. 12 du commentaire officiel et supra ch. 212.1.

N. 14 et N. 15 du commentaire officiel.

5087

temps faisant suite à un assainissement. A cet égard, le critère de distinction indiqué par le commentaire réside dans le fait que l'entreprise soit exposée à la concurrence comme toute entreprise privée, sans bénéficier d'un traitement préférentiel.

Enfin, la définition légale inclut également les représentants des organisations internationales. Toutefois la Convention limite la portée de ce terme aux organisations internationales intergouvernementales et à celles qui sont constituées par d'autres collectivités de droit public. Sont également comprises dans la définition les organisations pour la promotion de l'intégration économique régionale, telle que l'UE. Le terme d'organisation internationale utilisé à l'art. 322septies du projet correspond à cette définition.

221.22

L'infraction (art. 1, ch. 1, et ch. 4, let. b, de la Convention)

a. Promettre et octroyer un avantage Au premier abord, l'exigence de l'avantage indu, pécuniaire ou autre, correspond parfaitement à la tradition juridique suisse. Cependant, ce terme ne doit pas seulement exclure les avantages dus; il assume également une fonction limitative supplémentaire: le commentaire précise en effet que l'infraction n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation du pays considéré148. Cette formulation constitue donc à certains égards une exception à la définition autonome de la corruption et un renvoi partiel aux dérogations prévues par le droit du pays lésé: pratiquement tous les pays du monde prohibent expressément la corruption. Les usages locaux ne sauraient en revanche, aux yeux de la Convention, déroger au droit écrit ou au droit coutumier bien établi. En ce qui concerne la punissabilité du corrupteur, les exceptions ne sont prises en considération que si elles sont prévues par le droit du pays lésé au même niveau que l'interdiction elle-même. D'autres exceptions ou restrictions à la punissabilité résultent du but de la promesse d'un avantage149.

Il n'est donc pas nécessaire de transposer explicitement l'expression «directement ou par des intermédiaires» de l'art. 1 ch. 1, de la Convention, car les promesses indirectes d'un avantage peuvent être appréhendées par le droit suisse en vigueur sans mention explicite dans la loi. Dans la même mesure, il est possible d'opérer une simple assimilation au droit de la corruption d'agents publics suisses. Dans le texte de la Convention (art. 1, ch. 1) comme dans les définitions des infractions de corruption proposées ici, l'avantage destiné à un tiers est expressément prévu au niveau du destinataire150. L'identité est également réalisée dans la formulation de l'acte incriminé au sens étroit («offrir, promettre ou octroyer»).

b. L'influence exercée sur l'agent public (art. 1, ch. 1, de la Convention ) L'influence exercée sur l'agent public au moyen de la promesse d'un avantage est décrite de façon très large dans la Convention: «. . . pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions officielles . . .» (art. 1, ch. 1, de la Convention).

148 149 150

N. 8 du commentaire officiel.

Pour les simples versements de pots-de-vin, voir ci-après b).

Voir à ce sujet supra ch. 212.24.

5088

Le commentaire officiel de la Convention151 observe qu'il est possible de traduire ce passage par «. . . en vue d'inciter à la violation d'une obligation de l'agent public . . .». Ainsi, la Convention permet à la Suisse de reprendre, ici également, le libellé de l'infraction visant la corruption d'agents publics suisses. Toutefois, le commentaire pose également comme condition le fait que la preuve de la violation des devoirs de fonction selon le droit du pays en cause ne soit pas exigée, c'est-à-dire que cette violation fasse aussi l'objet d'une définition autonome. En outre, le commentaire postule explicitement que tout agent public a le devoir d'exercer son jugement ou sa marge d'appréciation de façon impartiale152. Du fait que la version proposée de l'art. 322septies P-CP reprend l'élément constitutif alternatif «. . . afin de l'amener à exécuter ou à ne pas exécuter un acte . . . qui . . . dépende de son pouvoir d'appréciation» de l'article 322ter P-CP, les conditions posées par la Convention peuvent être entièrement satisfaites.

Inversement, la Convention cherche à exclure les simples pots-de-vin, c'est-à-dire les versements de sommes d'argent destinées à accélérer le déroulement d'actes administratifs par ailleurs licites153. Cela est particulièrement important pour les systèmes juridiques qui, comme le droit français, ne font pas de distinction de principe entre la corruption et l'octroi d'avantages. Pour exclure les pots-de-vin versés à des agents publics étrangers, le droit suisse n'a pas besoin, dans la systématique proposée, d'introduire une réglementation spéciale à l'art. 322septies du projet: d'une part, cette norme est suffisamment large pour satisfaire l'exigence, formulée par la Convention, d'une définition étendue de la violation des devoirs de fonction couvrant également l'exercice du pouvoir d'appréciation. D'autre part, les avantages octroyés pour des actes relevant essentiellement de l'administration liée, c'est-à-dire les pots-de-vin au sens indiqué ci-dessus, ne tombent pas sous le coup des normes pénales réprimant la corruption mais relèvent de l'infraction accessoire prévue à l'art. 322quinquies du projet (octroi d'un avantage), dont l'application reste limitée aux agents publics suisses.

221.3

Les sanctions (art. 3, ch. 1, de la Convention)

La Convention exige «des sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives». Elle n'entend cependant pas influencer de la sorte les conceptions nationales en matière de peines. La deuxième phrase de l'art. 3, ch. 1, stipule simplement que les sanctions prévues doivent être comparables aux sanctions applicables à la corruption des agents publics du pays concerné. Elles doivent en outre inclure des peines privatives de liberté suffisantes pour permettre une entraide judiciaire efficace et l'extradition.

Selon l'art. 322ter P-CP, la corruption active doit être qualifiée de crime, en congruence avec la corruption passive. Par analogie avec cette disposition, la corruption d'agents publics étrangers doit être passible de cinq ans de réclusion au maximum ou de l'emprisonnement. De cette façon, les exigences de la Convention sont satisfaites; par ailleurs, il est établi de la sorte que la corruption d'agents publics étran-

151 152 153

N. 3 du commentaire officiel.

Loc.cit.

Voir N. 9 du commentaire officiel (paiements dits de «facilitation»).

5089

gers entre aussi en ligne de compte comme infraction principale au blanchiment de capitaux154.

222

Autres dispositions de la Convention et leurs conséquences pour le droit suisse

222.1

La responsabilité pénale des personnes morales dans la corruption d'agents publics étrangers (art. 2 et art. 3, ch. 2, de la Convention )

L'art. 2 de la Convention énonce le principe que chaque Etat signataire prend les mesures nécessaires pour prévoir la responsabilité pénale des personnes morales.

L'art. 3, ch. 2, de la Convention et le ch. 20 du commentaire précisent toutefois que si elle doit être privilégiée, les Etats signataires ne sont pas tenus pour autant de l'établir. Mais les parties signataires qui n'en connaissent pas le principe doivent faire en sorte que les personnes morales soient passibles de «sanctions non pénales efficaces, proportionnées et dissuasives». Diverses sanctions administratives et civiles peuvent entrer en ligne de compte, notamment des amendes, la suppression de subventions ou d'autres aides, l'exclusion des marchés publics, certaines restrictions de l'activité commerciale, le placement sous surveillance et, mesure ultime, la fermeture de l'entreprise ou la dépossession de la personnalité juridique155. Les seules mesures qu'il serait obligatoire de prévoir pour remplacer les sanctions pénales seraient les sanctions pécuniaires.

La transposition des exigences de la Convention en cette matière exige de toute façon une intervention du législateur: on sait en effet que le code pénal suisse ne connaît pas encore la responsabilité pénale des entreprises. Il n'existe pas davantage de sanctions pécuniaires administratives comparables: s'agissant de sanctions administratives au sens où l'entend la Convention, on pense en premier lieu aux amendes administratives prononcées à l'encontre des entreprises, telles qu'elles sont prévues par l'Ordnungswidrigkeitenrecht (OwiG) allemand. Mais une comparaison montre aussitôt que les dispositions correspondantes du droit suisse, et notamment l'art. 7 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA), ne prévoient qu'une peine maximale de 5000 francs d'amende et ne sauraient assumer la fonction de l'art. 30 OWiG, lequel prévoit des amendes pouvant atteindre un million de DM en cas d'infraction intentionnelle. Elles ne pourraient donc constituer une alternative satisfaisante à la responsabilité pénale des entreprises.

Le législateur suisse discute depuis fort longtemps de la responsabilité pénale des entreprises. Une proposition dans ce sens a d'ailleurs été présentée lors de la procédure de consultation sur le deuxième paquet législatif contre le crime organisé156.

Les réactions ont été mitigées; plusieurs réponses ont a fait valoir qu'il s'agissait

154 155 156

A ce sujet, voir infra ch. 222.5.

N. 24 du commentaire officiel.

Modification du code pénal et du code pénal militaire concernant la punissabilité de l'organisation criminelle, la confiscation, le droit de communication du financier ainsi que la responsabilité de l'entreprise, avant-projet et rapport explicatif du DFJP, mars 1991.

5090

d'un sujet d'une portée fondamentale qu'il convenait de traiter dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal 157.

Dans le rapport explicatif sur l'avant-projet de révision du droit pénal suisse en matière de corruption158, nous avons déjà souligné qu'une nouveauté aussi fondamentale que la responsabilité pénale des entreprises ne pouvait être introduite dans notre droit dans le seul but de faciliter la transposition de la Convention de l'OCDE.

Mais il était précisé que, outre le fait qu'un nombre toujours plus élevé d'ordres juridiques étrangers introduisaient dans leur droit la responsabilité pénale des entreprises159, la Convention offrait une occasion supplémentaire de traiter cette question en priorité dans le cadre de la révision de la partie générale du CPS.

Dans l'intervalle, le Conseil fédéral a déposé son projet et le message relatifs à la révision de la partie générale du code pénal suisse160. Le projet propose un nouvel art. 102 P-CP «Responsabilité de l'entreprise»161 qui a la teneur suivante: Art. 102 1 L'entreprise est punie d'une amende de cinq millions de francs au plus si une infraction est commise par son exploitation et que cet acte ne peut être imputé à aucune personne déterminée en raison d'un manque d'organisation de l'entreprise.

2 Le tribunal fixe l'amende d'après la gravité de l'infraction, d'après la capacité économique de l'entreprise et d'après le danger de nouvelles infractions dont l'entreprise serait responsable.

3 Sont des entreprises au sens de cet article les personnes morales, les sociétés et les entreprises individuelles.

Après son entrée en vigueur et celle de l'art. 322septies P-CP proposé ici, cette disposition162 serait donc également applicable si l'infraction en cause, telle qu'elle est prévue à l'art. 102, ch. 1, P-CP, était la corruption d'un agent public étranger.

L'exigence de l'art. 2 de la Convention est ainsi satisfaite. De même, la possibilité d'infliger une amende allant jusqu'à cinq millions de francs peut être considérée comme une «sanction efficace, proportionnée et dissuasive» au sens de l'art. 3 ch. 1 de la Convention. Tout au plus pourrait-on se demander si le fait que, selon le nouvel art. 102 P-CP, l'entreprise ne peut être sanctionnée que si l'acte commis n'est imputable à aucune personne physique déterminée, est compatible avec la Convention. Cependant, ni cette dernière, ni le commentaire ne laissent entendre qu'il faille prévoir une sanction parallèle des personnes morales et des personnes physiques. En outre, si l'art. 2 de la Convention exige que soit établie la responsabilité des personnes morales en cas de corruption d'un agent public étranger, c'est avec la réserve

157 158 159 160 161

162

Voir le résumé des résultats de la procédure de consultation, DFJP, Berne janvier 1992, ainsi que le message du Conseil fédéral, FF 1993 III 283.

Loc. cit. p. 43.

Voir en particulier l'art. 121-2 du nouveau code pénal français.

FF 1999 I 1787.

Cela désamorce la controverse qui s'est fait jour lors de la procédure de consultation à propos de la question de savoir s'il convenait de proposer l'incrimination de l'entreprise dans le présent projet ou plutôt dans le message relatif à la révision de la partie générale du CP; voir à ce sujet le résumé des résultats de la procédure de consultation, p. 12.

A propos des explications, voir FF 1999 I 1943.

5091

expresse que cette responsabilité soit compatible avec les principes juridiques de l'Etat en cause163.

Pour transposer pleinement la Convention dans le droit de notre pays, il est indispensable que les art. 322septies et 102 P-CP entrent en vigueur. Si l'examen et l'adoption du principe de la responsabilité pénale des entreprises par le Parlement ne devait pas être possible avant la ratification de la Convention, la Suisse devrait formuler une réserve à propos des art. 2 et 3, ch. 1 et 2, car elle serait temporairement dans l'impossibilité de satisfaire aux conditions posées en matière de structures minimales concernant la responsabilité pénale et extra-pénale des personnes morales et les sanctions infligées aux entreprises fautives. Dans l'hypothèse d'une entrée en vigueur ultérieure de l'art. 102 P-CP, il faudrait alors retirer cette réserve. Cette éventualité est prévue par l'art. 3 de l'arrêté fédéral sur l'adhésion de la Suisse à la Convention.

Certes, on pourrait également envisager d'introduire, au lieu d'une disposition adéquate sur la responsabilité pénale des entreprises ou en attendant l'adoption de celleci, une sanction administrative pécuniaire. Mais on peut s'interroger sur l'opportunité de créer une norme spéciale relevant du droit pénal administratif aux fins de la Convention alors que les Etats signataires sont unanimes sur le fait qu'une responsabilité pénale des personnes morales serait préférable. A cela, il faut ajouter qu'il paraît douteux d'édicter des normes relevant formellement du droit administratif mais dont le contenu est clairement pénal. On ne voit pas non plus à quel endroit de telles normes devraient prendre place du point de vue systématique. Pour toutes ces raisons, nous proposons de poursuivre à une cadence plus soutenue les travaux sur la responsabilité pénale des personnes morales dans le cadre de la révision de la partie générale du CP plutôt que de créer de nouvelles normes de droit pénal administratif mal ancrées dans le droit en vigueur.

222.2

Saisie et confiscation (art. 3, ch. 3, de la Convention )

Selon l'art. 3, ch. 3, de la Convention, les Etats signataires doivent prendre les mesures nécessaires pour permettre la saisie et la confiscation de l'instrument et des produits de la corruption ou d'avoirs d'une valeur équivalente. La Convention permet que des sanctions pécuniaires d'un effet comparable soient prévues.

Le droit pénal suisse dispose, avec les art. 58 et suivants du code pénal, de dispositions efficaces en matière de confiscation; celles-ci permettent de satisfaire aux exigences de la Convention. Selon l'art. 59 CP, le juge peut ordonner «la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits». Cette disposition permet donc de confisquer la somme d'argent ou la prestation en nature ayant servi à la corruption, avant ou après sa remise, chez le corrompu ou chez le corrupteur.

163

La responsabilité subsidiaire de l'entreprise telle qu'elle a été proposée ne serait cependant guère suffisante en prévision de la mise en oeuvre ultérieure de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe; à l'art. 18, celle-ci ne prévoit en effet pas seulement la responsabilité des personnes morales en cas de carences d'organisation mais également dans les cas où l'acte est commis en son nom et pour son compte par une personne physique exerçant un pouvoir de direction en son sein (voir art. 18, ch. 1, de la Convention pénale du Conseil de l'Europe).

5092

Cependant, il devrait être plus difficile de confisquer les produits issus de la corruption car des difficultés pratiques peuvent surgir lorsqu'il s'agira d'établir la preuve de l'illicéité des gains: le corrupteur fera valoir qu'il aurait pu obtenir le marché même sans corruption. On peut ensuite se demander si n'importe quelle somme, si petite soit-elle, justifie la confiscation de la totalité du bénéfice. Enfin, il se pose encore la question du principe de calcul. Comme le contrat en cause n'est pas nécessairement illégal, il faut partir du principe que les dépenses peuvent être déduites (principe du résultat net)164.

Dans le contexte qui nous occupe, il est une autre question importante que l'on n'a pas beaucoup évoqué jusqu'à présent: à quelles conditions peut-on prélever auprès d'une personne morale les fruits d'une activité criminelle? Cette question se pose surtout dans les cas où des organes ou des employés d'une société se rendent coupable de corruption active, les bénéfices de l'opération revenant ensuite directement à l'entreprise. La confiscation intervient en premier lieu chez l'auteur de l'infraction; or, selon le droit en vigueur, la personne morale ne peut être auteur d'une infraction.

En revanche, elle peut parfaitement entrer en ligne de compte comme tiers au sens de l'art. 59, ch. 1, al. 2, CP165. Cette disposition indique à quelles conditions il est possible de procéder à une confiscation chez des tiers. Cela étant, il convient de distinguer, à l'aide de critères qui ne correspondent pas aux catégories du droit civil, entre les tiers au sens propre et les tiers improprement dits. Sont protégés de la confiscation les tiers qui ont acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée et cela dans la mesure où ils ont fourni une contre-prestation adéquate. L'équivalence de la prestation et de la contre-prestation dans le rapport de base peut être remise en cause par le fait que l'entreprise corruptrice a répercuté sur son cocontractant la somme ayant servi à corrompre en augmentant le prix demandé ou en fournissant une qualité moindre. Dans ce genre de cas, la confiscation chez un tiers est possible qu'il soit ou non de bonne foi. Même si la contre-prestation est d'une valeur équivalente, l'entreprise à laquelle appartient le corrupteur doit être de bonne
foi. Comme une personne morale ne peut pas avoir d'opinion propre, l'élément décisif résidera dans ce que savent ses organes et ses représentants; cette connaissance doit être imputée à la personne morale166.

222.3

Compétence (art. 4 de la Convention)

La Convention consacre le principe de la territorialité. Il s'agit d'appréhender tous les actes de corruption commis en tout ou partie en Suisse. La Convention exprime ainsi quelque chose qui, pour le droit suisse, est une évidence (voir l'art. 3 CP).

Compte tenu de l'intensité des échanges internationaux, il est très fréquent que des actes de corruption ne se déroulent qu'en partie dans un pays. C'est la raison pour laquelle la Convention entend limiter les exigences concernant les critères de ratta-

164

Voir Schmid RPS 113 (1995) p. 238 [Schmid 1995]; autre point de vue: Arzt, «Sonderband» RPS 114 (1996) p. 97 [Arzt 1996].

165 Voir Schmid (1995) p. 343.

166 Trechsel N. 15 ad art. 59; Schmid (1995) p. 343; du même auteur: Kommentar Einziehung, Zurich 1998, p. 131. En revanche, pour Arzt, (1996) p. 107 s., les personnes morales sont en principe de bonne foi, à moins qu'il n'y ait identité économique entre la personne morale et la personne physique ou que des prétentions de droit civil puisse être dirigées contre l'entreprise.

5093

chement territoriaux167. Dans les cas limite, la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral pourrait donc poser des problèmes dans la mesure où elle admet que la tentative, la complicité et l'action médiate en Suisse suffisent à fonder une compétence autonome168, mais non pas les simples actes de participation169. On peut toutefois partir du principe que si cela s'avérait nécessaire, cette jurisprudence pourrait évoluer vers une interprétation de la loi conforme à la Convention. En outre, il sera souvent possible d'appliquer un critère de rattachement personnel: au-delà du principe de territorialité, la Suisse connaît également la compétence fondée sur la nationalité. En vertu de l'art. 6 CP, le code pénal suisse s'applique également aux crimes et aux délits commis par un Suisse à l'étranger170. De ce fait, la nouvelle infraction de corruption active d'un agent public étranger est aussi applicable aux actes commis par des ressortissants suisses à l'étranger. A titre de clause d'assimilation, la Convention demande à ceux des Etats signataires qui connaissent la compétence fondée sur la nationalité d'appliquer également ce principe à l'infraction de corruption d'un agent public étranger (art. 4, ch. 2, de la Convention). Mais à la lumière du principe d'équivalence fonctionnelle qui guide la Convention171, cette obligation supplémentaire imposée aux Etats concernés doit aussi aboutir à ce qu'on ne fasse pas à leur égard une interprétation trop extensive du principe de territorialité. Sur ce point également, le législateur suisse n'a pas besoin d'intervenir.

Il convient encore d'ajouter que le principe de la compétence fondée sur la nationalité prévue à l'art. 6 CP suppose que l'acte incriminé soit aussi punissable au lieu où il a été commis172. Cette réserve concernant la double incrimination est expressément admise dans le commentaire officiel sur l'art. 4, ch. 2, de la Convention 173.

222.4

Principe de l'opportunité et prescription (art. 5 et 6 de la Convention)

La Convention cherche à limiter les considérations d'opportunité dans la poursuite de la corruption transnationale. Lors de leurs enquêtes et des mises en accusation, les autorités pénales sont invitées à ne se laisser guider que par des critères juridiques. Sont ainsi récusés les classements de procédure à caractère politique motivés par la protection d'intérêts économiques nationaux, les égards guidés par des contingences de politique extérieure et les différences de traitement justifiés par la considération plus ou moins grande accordée aux personnes ou aux entreprises considérées. Les lois de procédure cantonales et fédérale satisfont à ces exigences. Il en va de même du principe d'opportunité limité qui est proposé à l'art. 322octies du projet, lequel ne tient compte que des critères juridiques de la gravité de l'acte commis et de la culpabilité174.

167 168

169 170 171 172 173 174

Voir N. 25 du commentaire officiel.

Voir Cassani: Die Anwendbarkeit des Schweizerischen Strafrechts auf internationale Wirtschaftsdelikte, RPS 114 (1996) p. 247, avec des références à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Voir ATF 104 IV 77 ss et 108 1b 301 ss.

La révision de la partie générale du code pénal suisse s'en tient également à ce principe; voir FF 1999 I 1804 s., 2103 s. (art. 7 P-CP).

Voir supra ch. 115.3.

De même l'art. 7 P-CP, voir FF 1999 I 1804 s., 2103 s.

Loc. cit. N. 26.

Voir à ce sujet infra ch. 23.

5094

En ce qui concerne le régime de la prescription, la Convention demande aux Etats signataires de ménager un délai suffisant pour l'enquête et les poursuites. Il faut en particulier prendre en considération le fait que les enquêtes internationales prennent souvent beaucoup plus de temps que les procédures locales, notamment en raison du fait que de nombreuses informations doivent être recherchées à l'étranger. La qualification de crime retenue pour la nouvelle infraction de l'art. 322septies P-CP a pour effet d'en prolonger le délai de prescription et, par ce fait, de satisfaire aux exigences de la Convention.

222.5

Le blanchiment de capitaux (art. 7 de la Convention)

On a déjà vu dans le passé qu'une place financière de l'importance de la Suisse est régulièrement confrontée au problème du blanchiment de capitaux liés à la corruption, générés à l'étranger175. Certes, à ce jour, elle a toujours pu apporter son aide à l'Etat lésé dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire. En outre, la révision de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP)176 a amélioré nos possibilités d'intervention dans ce domaine. Mais les difficultés surgissent, lorsque l'entraide judiciaire est accordée à un Etat tiers (Etat où a été commis l'infraction, Etat où l'entreprise fautive a son siège)177, au niveau de la confiscation autonome des capitaux issus de la corruption d'agents publics étrangers178 et notamment de la répression du blanchiment de capitaux liés à la corruption en Suisse lorsque l'infraction principale consiste en la corruption d'un agent public étranger: si Schmid179 estime que les délits qui visent avant tout les intérêts d'un Etat étranger ­ et ne sont donc pas punissables en Suisse ­ n'entrent pas en ligne de compte

175

176 177

178 179

En général: Bernasconi, Die Bestechung von ausländischen Beamten nach schweizerischem Straf- und Rechtshilferecht zwischen EG-Recht und neuen AntiKorruptions-Staatsverträgen, RPS 109 (1992) p. 383 ss; du même auteur in: NZZ du 7.2.94; Pieth 1996a p. 248; du même auteur: 1997a p. 13 ss.; Trinkler, Aus der Praxis des Kantons Zurich zur internationalen Rechtshilfe in Strafsachen, RPS 104 (1988) p. 203 ss.

Pour des cas concrets: voir Heidenheimer/Johnston/LeVine (édit.), Political Corruption, A Handbook, New Brunswick 1989 p. 704 (United Brands); Corriere del Ticino 25.1.93, Neue Zürcher Zeitung 27.1.93, 11.2.93, Handelszeitung 25.2.93; Fiorini, Ricordati da lontano, Milano 1993, p. 76 ss; Trepp, Swiss Connection, Zurich 1996, en particulier p.

142 ss et 170 (conto protezione); Autres rapports sur les «piste svizzere» des enquêtes milanaises concernant les affaires de corruption: Tagesanzeiger 22.9.93 p. 2, Bilan, vol.

12, déc. 1995 p. 74, Die Wochenzeitung 24.1.97 p. 13; Mani pulite in Italia e la pista svizzera, un exposé de Carlo Palermo présenté à Berne le 19 novembre 1993, reproduit dans: Hubacher, Tatort Bundeshaus, Berne 1994 p. 244 ss; Svenska Dagbladet 14.5.87, p. 8, Neue Zürcher Zeitung 31.8.93, p. 5, ATF 1A.55/1993; ATF 1A. 36, 38 et 40/1996 (Bofors); USA v. Steindler, Dotan et Katz, US District Court, Southern District of Ohio, Western Division, Indictment du 17.3.94 (General Electric); NZZ 1.5.94, El Pais 17.6.94, Weltwoche 4.8.94 (Roldán); Corriere della Sera 27.3.95 (Agusta).

LF du 20 mars 1981 (EIMP); révision du 4 octobre 1996 entrée en vigueur le 1er février 1997; RO 1997 114; message du Conseil fédéral paru dans la FF 1995 III 1.

Notamment dans le cadre d'enquêtes menées par des autorités américaines contre des entreprises des Etats-Unis pour violation du Foreign Corrupt Practices Act 1977/1988 (FCPA); voir en particulier l'affaire USA v. Steindler, Dotan et Katz (note 176).

Sem. Jud. 116 (1994) p. 110 ss; opinion critique: Schmid 1995, p. 332.

Schmid, Fédération suisse des avocats (édit.), Geldwäscherei und Sorgfaltspflicht, Zurich 1991 p. 122 s.

5095

comme infractions principales du blanchiment de capitaux, Ackermann180, Zulauf181, Bernasconi182 et Cassani183 admettent que le principe de la double incrimination abstraite doit aussi s'appliquer à la définition de l'infraction principale (art.

305bis, ch. 1, en combinaison avec le ch. 3). La jurisprudence s'est partiellement ralliée à l'opinion de Schmid184.

Les doutes entourant cette importante question sont désormais levés par la qualification de crime donnée en droit suisse à la nouvelle infraction de corruption active d'un agent public étranger. Du même coup se trouve satisfaite l'exigence de l'art. 7 de la Convention selon laquelle les Etats qui ont fait en sorte que la corruption de leurs agents publics soit une infraction principale aux fins de l'application de leur législation sur le blanchiment de capitaux prennent la même mesure en cas de corruption active d'un agent public étranger.

222.6

Infractions contre les normes comptables (art. 8 de la Convention)

L'art. 8 de la Convention demande aux Etats signataires de sanctionner également les omissions dans la comptabilité et la falsification des livres comptables ayant pour but de corrompre un agent public étranger ou de dissimuler cette corruption. Au ch.

1 de cette disposition, les Etats signataires sont invités à prendre les mesures nécessaires, dans le cadre de leurs lois et règlements concernant la tenue des livres et états comptables185, pour interdire l'établissement de comptes hors livres, les opérations hors livres ou insuffisamment identifiées, l'enregistrement de dépenses inexistantes, l'enregistrement d'éléments de passif dont l'objet n'est pas correctement identifié, ainsi que l'utilisation de faux documents. Quant au ch. 2 de l'art. 8, il demande aux parties de prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, celles-ci pouvant toutefois être civiles, administratives ou pénales.

Le droit suisse satisfait à ces exigences. L'art. 957 du code des obligations et l'art. 52 de l'ordonnance sur le registre du commerce stipulent en effet que quiconque a l'obligation de faire inscrire sa raison de commerce sur le registre du commerce doit posséder les livres exigés par la nature et l'étendue de ses affaires et les tenir exactement, de manière qu'ils révèlent à la fois la situation financière de l'entreprise, l'état des dettes et créances se rattachant à l'exploitation, de même que le résultat des exercices annuels186.

Quant à l'art. 325, al. 1, CP, il menace des arrêts ou de l'amende celui qui, intentionnellement ou par négligence, aura contrevenu à l'obligation légale de tenir une 180

181 182 183 184 185 186

Ackermann, Geldwäscherei-Money Laundering, Zurich 1992 p. 218; pour l'état actuel du débat, voir également du même auteur dans Schmid (édit.), Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, Zurich 1998 p. 453 ss.

Zulauf, Gläubigerschutz und Vertrauensschutz ­ zur Sorgfaltspflicht der Bank im öffentlichen Recht der Schweiz, RDS 1994 p. 510 note 244.

Bernasconi 1992 p. 406 ss.

Cassani, Commentaire du Droit pénal Suisse, Crimes ou délits contre l'administration de la justice, art. 303-311 CP, Berne 1996 p. 67.

Voir l'arrêt de la cour d'appel tessinoise du 3.9.1992.

Se réfère aux entreprises soumises à l'obligation de tenir une comptabilité (art. 8, ch. 1, in fine de la Convention).

D'autres prescriptions concernant la comptabilité commerciale figurent aux art. 958 ss CO et, spécialement pour les sociétés anonymes, aux art. 662 a et 663 CO.

5096

comptabilité régulière. Par ailleurs, les comptabilités et leurs différents éléments sont protégés des falsifications et des omissions par l'art. 251 CP187. Le seul point encore controversé est de savoir quels autres documents susceptibles de servir de pièces comptables participent à la force probante particulière qui fait qu'une falsification de leur contenu devient un faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP188.

Dans la mesure où les comptes ou le bilan falsifiés sont destinés à tromper, des infractions contre le patrimoine (notamment les art. 146 ou 152 CP) ou contre la faillite et la poursuite pour dettes (art. 163, 166, 170 CP) peuvent entrer en ligne de compte.

222.7

La coopération internationale, en particulier l'entraide judiciaire et l'extradition (art. 9 à 11 de la Convention)

Les dispositions de la Convention relatives à la coopération internationale renvoient aux lois nationales et aux instruments internationaux en la matière. Mais en raison de l'ampleur du cercle des Etats signataires, elles rappellent certains principes fondamentaux. Le droit suisse de l'entraide judiciaire, fondé sur les traités européens, remplit entièrement les conditions énoncées par la Convention. Il convient malgré tout de poursuivre les efforts dans ce domaine afin d'améliorer l'efficacité de l'entraide judiciaire189.

Selon le système instauré par l'EIMP, c'est à l'Office fédéral de la police que revient la fonction d'autorité responsable au sens de l'art. 11 de la Convention.

222.8

Surveillance et suivi (art. 12 de la Convention)

Pour garantir l'efficacité de la Convention, il est essentiel que les principales puissances économiques mettent en oeuvre les objectifs poursuivis quasi simultanément et de façon coordonnée. La surveillance et le suivi tiré de l'arsenal de ce que l'on appelle la «soft law» est à vrai dire peu courant dans le cadre d'une convention pénale internationale. La Convention stipule que les parties coopèrent pour mettre en oeuvre un programme de suivi régulier et systématique. Pour cela, elle prévoit d'appliquer le système du «contrôle des pairs»: les vérifications effectuées dans les différents pays sont confiées à des experts mis à leur disposition par les autres Etats signataires. Sur la base de leur rapport, l'assemblée plénière du groupe de travail de l'OCDE sur la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales examine l'évolution constatée dans le pays en cause. Ce forum assume la responsabilité du rapport qui sera publié ensuite. Le suivi des différents pays est considéré comme la garantie la plus sûre d'une mise en oeuvre coordonnée de la Convention.

187

Corboz, Les principales infractions, Berne 1997, p. 313 N. 45; Stratenwerth, 1995 § 36 N. 38 ss; Schmid, Fragen der Falschbeurkundung bei Wirtschaftsdelikten, insbesondere im Zusammenhang mit der kaufmännischen Buchführung, RPS 95 (1978) p. 274 ss; du même auteur: Buchführungsdelikte im Zeitalter der Datenverarbeitung, in: FS für Helbling, Zurich 1992 p. 333 ss; du même auteur: Das neue Vermögens- und Urkundenstrafrecht, RSJ 91 (1995) p. 1 ss.

188 Corboz, Le faux dans les titres, in: RJB 131 (1995) p. 551 s.; Stratenwerth 1995 § 36 N.

41; voir aussi du même auteur in: Der Schweizer Treuhänder 1980 p. 32 ss.

189 Voir N. 30 du commentaire officiel.

5097

Certains détails de procédure ont d'ores et déjà été acceptés par les différents Etats dans le cadre de la recommandation de l'OCDE de 1997; d'autres devront encore être mis au point par le groupe de travail compétent lors de la mise en oeuvre concrète.

222.9

Entrée en vigueur (art. 15 de la Convention)

Un des buts de la Convention était d'obtenir une ratification prochaine par le plus grand nombre possible d'Etats. Mais il fallait également éviter que les atermoiements de certains pays empêchent l'entrée en vigueur de la Convention pour les autres parties. C'est pour cette raison qu'elle prévoyait une procédure en deux temps: au cours d'une première phase, la Convention entrerait en vigueur lorsqu'elle aurait été ratifiée par cinq pays comptant parmi les dix premiers exportateurs de l'OCDE, représentant à eux cinq au moins 60% des exportations totales cumulées de ces dix pays (art. 15, ch. 1, de la Convention). Mais si cette condition relativement contraignante n'était pas réalisée le 31 décembre 1998, l'entrée en vigueur de la Convention pourrait aussi être provoquée par deux Etats signataires au moins, pour autant que ceux-ci déclarent vouloir adhérer à la Convention conformément au ch. 2 de son art. 15.

On a souligné à plusieurs reprises que pour des raisons de concurrence, il était nécessaire que les pays industrialisés procèdent le plus possible de façon coordonnée.

Cette opinion a été partagée par plusieurs organisations et institutions consultées190.

C'est pourquoi nous avons précisé, à l'art. 2 de l'arrêté fédéral sur l'adhésion à la Convention, que la Suisse adhèrait à celle-ci en application de l'art. 15, ch. 1. Ainsi, la Suisse était assurée de n'être liée par la Convention qu'à partir du moment où le quorum fixé à ce même art. 15, ch. 1, serait atteint. Il l'a été le 17 décembre 1998 avec l'adhésion du Canada qui a suivi la ratification de la Convention par l'Allemagne, le Japon, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

222.10

Les autres dispositions de la Convention

Les autres articles de la Convention (art. 13: Signature et adhésion; art. 14: Ratification et dépôt; art. 16: Modification et art. 17: Retrait) correspondent aux règles de procédure et aux dispositions finales que l'on retrouve généralement dans les autres conventions internationales. Ils n'appellent donc pas de commentaire particulier. La Convention peut être dénoncée en tout temps, le retrait prenant effet un an après la date de réception de sa notification.

23

Dispositions communes (art. 322octies P-CP)

Pour combler les lacunes parfois importantes du droit de la corruption en vigueur, un élargissement du champ d'application des dispositions en la matière est inévitable. L'«alimentation progressive» par exemple, qui représente un élément essentiel de la corruption systématique jugée particulièrement pernicieuse, ne peut être appré190

Voir le résumé des résultats de la procédure de consultation, p. 5.

5098

hendée que si l'on restreint les exigences concernant la relation entre l'avantage octroyé et l'acte du fonctionnaire en cause. Toute extension d'une incrimination s'accompagne d'un besoin accru d'exclure du champ d'application de l'infraction les comportements qu'il ne se justifie pas de sanctionner. Ce désir de délimiter et de préciser davantage le seuil inférieur d'illicéité a d'ailleurs été exprimé à de nombreuses reprises lors de la procédure de consultation191.

Les nouvelles dispositions du titre dix-neuvième réprimant la corruption tiennent compte de ce besoin, notamment en limitant moins strictement la fonction de la notion d'avantage indu192: ne constitue pas une infraction l'acceptation d'un avantage lorsque celle-ci est autorisée par le règlement de service, c'est-à-dire lorsqu'elle peut s'appuyer sur une norme générale et abstraite du droit de la fonction publique.

Mais d'autre part, les cadeaux de faible importance qui, à la seule lumière de critères sociaux, ne sauraient engendrer la partialité, ne sont pas non plus des avantages indus. On songera notamment aux avantages appartenant sans conteste à la catégorie des dons insignifiants (café offert lors d'une réunion, agenda de poche, etc.) qui ne justifient pas a priori un examen des autres éléments constitutifs des infractions de corruption. C'est ce qu'exprime l'al. 2 de l'art. 322octies. De plus, pour qu'un avantage soit répréhensible aux termes de l'art. 322quinquies ou de l'art. 322sexies (octroi d'un avantage ou acceptation d'un avantage) il faut qu'il ait été accordé pour que le bénéficiaire accomplisse les devoirs de sa charge193.

Pourtant, on ne saurait totalement exclure, notamment eu égard aux motifs exposés sous chiffre 213.3 ci-dessus, que dans certains cas exceptionnels, il reste des situations qui tombent sous le coup de l'une ou l'autre des infractions prévues aux art.

322ter ss. P-CP bien qu'elles ne soit d'emblée pas de nature à compromettre l'objectivité et l'impartialité des décisions de l'Etat. L'art. 322octies, chiffre 1, du projet tient compte de cette circonstance dans la mesure où il assure la possibilité d'une exemption de peine dans les cas exceptionnels qui, malgré l'inopportunité d'une poursuite, tombent sous le coup d'une disposition réprimant la corruption.

L'adoption d'un tel principe d'opportunité
limité s'impose également en raison du fait que les lois de procédure cantonales n'ont pas toutes consacré une règle d'opportunité procédurale194 et que la possibilité générale ­ relevant du droit matériel ­ d'une exemption de peine pour cause d'inopportunité de la poursuite, proposée dans le cadre de la révision de la partie générale du code pénal suisse195 ne sera consacrée, selon toute vraisemblance, qu'après l'entrée en vigueur de la révision qui nous occupe ici.

Pour que l'art. 322octies, ch. 1, soit applicable, il faut que l'acte commis et la culpabilité de son auteur soient de peu de gravité. En soi, la valeur de l'avantage n'a donc pas grande importance dans la mesure où les libéralités tout à fait insignifiantes ne tombent pas sous le coup des dispositions contre la corruption puisqu'elles ne sont pas des avantages indus. Dès lors, l'élément déterminant dans l'application de la clause d'opportunité, c'est l'ensemble des circonstances objectives et subjectives de 191 192 193 194

Voir le résumé des résultats de la procédure de consultation, p. 7 et 11.

Voir également supra ch. 212.22.

Pour plus de détails, voir supra ch. 213.2 et 213.3.

Voir par exemple la récapitulation présentée par Hauser/Schweri, Schweizerisches Strafprozessrecht, 3e éd. Bâle 1997, p. 188. Dans le cadre d'une future harmonisation des procédures pénales, la commission d'experts préconise l'adoption d'un principe d'opportunité procédural limité; voir «De 29 à l'unité», concept d'un code de procédure pénale fédéral, DFJP, Berne 1997, p. 45 ss.

195 Article 52 P-CP; voir FF 1999 1870 ss, 2115.

5099

la cause, notamment la contre-prestation recherchée au moyen de l'avantage accordé et la gravité de la faute. Pour que l'art. 322octies, ch. 1 soit applicable, il faut qu'une appréciation globale du comportement, en soi illicite eu égard aux éléments constitutifs de l'infraction considérée, fasse apparaître que l'acte en cause et la culpabilité de son auteur, mesurés au cas normal, sont nettement moins graves. Cette différence doit être tellement nette que l'infliction d'une sanction pénale paraîtrait injustifiée, tant du point de vue de la prévention générale que de celui de la prévention spéciale.

Comme l'indique le titre marginal, l'art. 322octies est applicable à toutes les infractions de corruption constituant le nouveau titre dix-neuvième (art. 322ter à 322septies P-CP). Si les conditions énoncées sont réunies, l'autorité compétente devra renoncer à poursuivre l'intéressé, à le renvoyer devant un tribunal ou à lui infliger une peine.

Par autorité compétente, il faut entendre, par analogie avec l'art. 66bis CP (exemption de poursuite, de renvoi ou de peine) les organes chargés de l'administration de la justice pénale. Ceux-ci comprennent donc les organes judiciaires, tels que les juges d'instruction, le ministère public et les instances de jugement, mais non pas la police.

24

Adaptation de l'art. 340, ch. 1, CP

L'art. 340 CP relatif à l'étendue de la juridiction fédérale doit être adapté à la nouvelle systématique adoptée pour les dispositions réprimant la corruption, désormais groupées dans un nouveau titre dix-neuvième. La formulation «. . . les infractions commises par un membre d'une autorité fédérale ou un fonctionnaire fédéral ou contre la Confédération suisse prévues aux titres (. . .) et 19» permettent de fonder la juridiction fédérale pour l'ensemble des infractions de corruption commises contre ou par les agents publics de la Confédération. Cette adaptation ne comporte aucune modification matérielle du droit en vigueur.

Une autre disposition devra être adaptée, sur le plan rédactionnel, à la nouvelle systématique appliquée aux infractions de corruption: il s'agit du nouvel art. 340bis P-CP (Juridiction fédérale en matière de criminalité économique et de crime organisé)196, qui se trouve actuellement en délibération au Parlement.

25

Code pénal militaire

Les infractions de corruption réprimées par les art. 288, 315 et 316 du code pénal trouvent leur pendant aux art. 141 à 143 du code pénal militaire. Au niveau de la corruption active, ce dernier prévoit une sanction distincte pour la corruption d'une personne appartenant à l'armée197 par des personnes soumises au droit pénal militaire (art. 141 CPM). Sans égard à l'objet de l'infraction, l'art. 141 correspond à l'infraction de corruption prévue par le code pénal (art. 288 CP). La corruption passive et l'acceptation d'un pot-de-vin (art. 142 et 143 CPM) se distinguent de leur côté des infractions correspondantes du code pénal civil par le cercle des auteurs (selon les art. 2 ss CPM, il s'agit des personnes soumises au droit pénal militaire).

196

Voir le message du Conseil fédéral relatif aux mesures tendant à l'amélioration de l'efficacité et de la légalité dans la poursuite pénale, FF 1998 1253.

197 A propos de cette notion, voir Hauri, Militärstrafgesetz, Kommentar, Berne 1983 p. 407.

5100

Les art. 141 ss CPM doivent donc être adaptés aux nouvelles dispositions anticorruption du projet de révision du code pénal: l'art. 141 P-CPM reprend l'infraction de corruption de l'art. 322ter P-CP dans le cas particulier où un militaire ferait l'objet d'un acte de corruption dont l'auteur serait une personne soumise au droit pénal militaire. L'octroi d'un avantage prévu à l'art. 322quinquies P-CP fait, de façon analogue, l'objet d'un nouvel art. 141a P-CPM. La corruption passive (art.

322quater P-CP) et l'acceptation d'un avantage (art. 322sexies P-CP) sont régies, pour les personnes soumises au droit pénal militaire, par les art. 142 et 143 P-CPM. En raison de la qualité particulière des auteurs et des bénéficiaires, des actes de corruption réprimés par le droit pénal militaire, le projet de révision du code pénal militaire parle d'«acte en relation avec son activité de service» et de «ses devoirs de service» plutôt que d'«acte en relation avec son activité officielle» et «des devoirs de sa charge». D'autre part, la disposition désormais obsolète de l'art., 143, ch 3, CPM concernant le sort du don ou de l'avantage reçu peut être purement et simplement supprimée étant donné que les dispositions générales sur la confiscation (art. 41 ss CPM) sont applicables. Pour le surplus, les nouvelles infractions du code pénal militaire correspondent point par point à celles du code pénal. Il n'y a pas lieu d'introduire dans le CPM la nouvelle disposition pénale réprimant la corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies P-CP), car celle-ci n'a rien de spécifiquement militaire, ne protège pas un bien juridique militaire et n'aura que rarement un rapport direct ou indirect avec le service militaire lorsqu'elle aura été commise par un militaire. Cependant, l'art. 322septies P-CP est également applicable aux personnes soumises au droit pénal militaire par l'art. 7 CPM.

Le nouvel art. 143a P-CPM (Dispositions communes) constitue le pendant de l'art.

322octies P-CP. Mais contrairement à ce dernier, son ch. 1, qui énonce le principe de l'opportunité restreinte, ne mentionne pas l'abandon de la poursuite car il n'est pas possible, dans le cadre de la procédure d'instruction militaire, de parler d'autorité compétente renonçant à poursuivre198. Pour le surplus, on se référera aux explications fournies à propos de l'art. 322octies P-CP199.

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération et les cantons

Le présent projet de révision n'aura pas de conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons. Mais la répression accrue de la corruption, notamment dans le domaine transfrontalier, pourra engendrer un surcroît de travail pour les autorités judiciaires pénales des cantons et ­ dans le cadre de la juridiction fédérale prévue aux art. 340 CP et 340bis P-CP ­ celles de la Confédération. Toutefois, les coûts supplémentaires qui en résultent sont difficiles à estimer.

4

Programme de la législature

Le rapport sur le programme de la législature 1995­1999 ne fait pas état du présent projet de révision. Toutefois, des mesures légales contre la corruption active et

198 199

Voir également l'art. 47a, al. 1, CPM et FF 1985 II 1078.

Supra ch. 23.

5101

passive sont mentionnées dans les objectifs du Conseil fédéral pour les années 1998200 et 1999.

5

Relations avec le droit international

On se référera aux considérations qui précèdent, et notamment à ce qui est dit sous ch. 115.

6

Constitutionnalité

La constitutionnalité de l'arrêté fédéral sur la révision du code pénal et du code pénal militaire repose sur l'art. 64bis de la constitution, lequel donne à la Confédération le droit de légiférer en matière de droit pénal.

Quant à la constitutionnalité de l'arrêté fédéral concernant la ratification de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, elle est fondée sur l'art. 8 de la constitution fédérale qui autorise la Confédération à conclure des traités avec des Etats étrangers.

La compétence de l'Assemblée fédérale résulte de l'art. 85, ch. 5, de la constitution.

La Convention peut être dénoncée en tout temps et ne prévoit pas l'adhésion à une quelconque organisation internationale. Elle n'entraîne pas davantage une unification multilatérale du droit au sens de l'art. 89, al. 3, let. c, de la constitution. Il est vrai que les Etats signataires sont tenus de satisfaire, dans leur droit national, au standard minimum de la Convention et d'envisager à l'avenir l'adoption de certaines mesures législatives. Cependant, la Convention ne contient aucune norme qui viendrait remplacer ou compléter le droit national et devrait être appliquée directement par les autorités étatiques ou par les citoyens. De ce fait, l'arrêté fédéral n'est pas sujet au référendum facultatif.

40338

200

FF 1998 172

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