99.051 Message concernant une loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP) du 26 mai 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement, en vous proposant de l'approuver.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 mai 1999

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Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4335

Condensé L'art. 99 (politique monétaire) de la constitution fédérale mise à jour, acceptée par le peuple et les cantons le 18 avril 1999, abroge la parité-or constitutionnelle du franc suisse. L'abandon de la parité-or trouve son prolongement dans la création de la présente loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP). L'adoption d'une nouvelle loi s'impose notamment du fait que le nouvel article constitutionnel règle à lui seul le monopole fédéral de l'argent liquide, qui faisait jusqu'ici, pour des raisons historiques, l'objet de deux articles différents selon le support matériel, l'un sur les monnaies (ancien art. 38 cst.), l'autre sur les billets de banque (ancien art. 39 cst.). Il convient dès lors d'adapter l'ordre systématique des lois fédérales ­ loi sur la monnaie découlant de l'art. 38 cst. et loi sur la Banque nationale (LBN) découlant de l'art. 39 cst. ­ à la nouvelle classification figurant dans la constitution. La loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement régira toutes les questions d'intérêt public concernant l'unité monétaire et les moyens de paiement ayant cours légal. A l'exception des dispositions supprimées en raison de l'abandon de la parité-or du franc, la loi actuelle sur la monnaie est reprise entièrement dans la nouvelle loi fédérale. Les dispositions de la loi sur la Banque nationale relatives aux billets de banque sont reprises dans la LUMMP. La nouvelle loi comprend les sections suivantes: La section «Unité monétaire et moyens de paiement ayant cours légal» désigne le franc comme l'unité monétaire suisse et en précise la division en 100 centimes. Les espèces métalliques émises par la Confédération et les billets de banque émis par la Banque nationale suisse (BNS) sont déclarés moyens de paiement ayant cours légal, tout comme ­ et ceci est nouveau ­ les avoirs à vue en francs auprès de la BNS. Ces moyens de paiement permettent d'acquitter les dettes d'argent avec effet libératoire.

Les billets de banque doivent être acceptés en paiement par tout un chacun et sans limitation de la somme. Pour les avoirs à vue auprès de la BNS, l'obligation de les accepter est limitée aux titulaires d'un compte correspondant. En ce qui concerne les pièces de monnaie, on distingue les pièces courantes, les monnaies commémoratives et les monnaies de
thésaurisation. Les monnaies destinées aux opérations en numéraire continuent à devoir être acceptées jusqu'à concurrence de cent pièces.

En revanche, les monnaies commémoratives et de thésaurisation ne constituent pas des moyens de paiement proprement dits et elles ne sont pas utilisées en tant que tels dans les transactions commerciales. Etant donné leur tirage limité et le fait qu'elles sont peu connues, il n'y a pas lieu que chacun doive les accepter. C'est pourquoi seules la BNS et les caisses publiques de la Confédération sont tenues de les accepter. Ces monnaies bénéficient toutefois du statut de moyen de paiement ayant cours légal et donc de la garantie d'être reprises à leur valeur nominale.

La section «Régime des espèces métalliques» précise les compétences du Conseil fédéral, du Département fédéral des finances et de la BNS en matière de pièces courantes, d'une part, et de monnaies commémoratives et de thésaurisation, de l'autre. La tâche consistant à mettre la monnaie en circulation, qui est déjà exercée par la BNS, est attribuée à cette dernière par la loi. On renonce enfin à l'obligation

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actuelle de demander une autorisation pour fabriquer ou importer des objets semblables à la monnaie. La protection du public contre les abus en matière monétaire sera assurée par une nouvelle norme pénale.

La section «Régime des billets de banque» comprend les articles de la section III (émission, couverture, remboursement et rappel des billets de banque) de la loi sur la Banque nationale, que l'abandon de la parité-or du franc n'a pas rendus superflus. Elle contient des dispositions techniques sur les compétences et les tâches de la BNS en matière de circulation des billets de banque.

La section «Avoirs à vue auprès de la Banque nationale suisse» stipule que les agents du trafic des paiements peuvent détenir auprès de la BNS des avoirs à vue libellés en francs suisses. La BNS définira les conditions auxquelles des avoirs à vue peuvent être justifiés et détenus chez elle, et ce conformément aux besoins du trafic des paiements.

La section «Dispositions pénales» regroupe en une seule norme les différentes normes pénales destinées à protéger le monopole des espèces métalliques et des billets de banque. Dans l'annexe à la loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement, certains articles du code pénal et du code des obligations sont adaptés à la nouvelle conception de la LUMMP. Les dispositions de la LBN reprises dans la LUMMP, ainsi que la loi sur la monnaie, reprise intégralement dans la LUMMP, sont abrogées.

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Message 1 11 111

Partie générale Droit constitutionnel Souveraineté monétaire de la Confédération

L'art. 99, al. 1 (1re partie), de la nouvelle Constitution fédérale, approuvée par le peuple et les cantons le 18 avril 1999, précise que la monnaie relève de la compétence de la Confédération. Ainsi est fondée la compétence exclusive de cette dernière de légiférer en la matière1. La fixation de l'unité monétaire et la désignation des moyens de paiement ayant cours légal font partie des principales compétences de la Confédération qui découlent de sa souveraineté monétaire. Il appartient donc au législateur fédéral de concrétiser ces compétences.

Fixer l'unité monétaire comprend deux éléments. Pour que l'argent officiel remplisse sa fonction d'unité de calcul et de valeur standard2, il faut définir la monnaie, c'est-à-dire que le législateur doit désigner l'unité monétaire de la Suisse et sa subdivision.

La désignation des moyens de paiement ayant cours légal garantit l'effet libératoire des paiements portant sur les dettes d'argent. Selon les dispositions du code suisse des obligations3 (art. 84), chacun peut se libérer d'une «dette ayant pour objet une somme d'argent» en la payant «en monnaie du pays». Les normes du droit public définissent ce qu'il faut entendre par «monnaie du pays». Elles confèrent à l'argent qui doit être accepté comme libérant juridiquement d'une dette le statut de «monnaie du pays»4.

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Monopole d'émission du numéraire

Dans le nouvel art. 99 de la constitution, concernant la politique monétaire, les monopoles de la Confédération en matière d'émission du numéraire sont régis succinctement par l'al. 1 (2e partie). Jusqu'ici, ces monopoles fédéraux ­ séparés selon le support matériel de l'argent liquide ­ représentaient le coeur des articles sur la monnaie (ancien art. 38 cst.) et sur la banque d'émission (ancien art. 39 cst.). Cette division a été abandonnée puisque l'inscription des principes du système monétaire dans un seul article constitutionnel s'imposait5.

Alors que le monopole des espèces métalliques est exercé directement par la Confédération, l'art. 1, al. 1, de la loi du 23 décembre 1953 sur la Banque nationale6 (LBN) transfère celui des billets à la Banque nationale suisse. Bien que cette répartition des monopoles entre deux instances ne s'impose pas objectivement, elle s'est 1 2 3 4 5 6

Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 308.

Voir Schar-Schuppisser Markus, Standardwerteinheit, Währung, Geld, Genève 1989, p. 71 ss.

RS 220 Junod, Commentaire cst., art. 39, notice 3.

A ce sujet, voir également le message du 27 mai 1998 concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998 3506.

RS 951.11

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établie dans beaucoup de pays pour des raisons historiques. Ainsi, dans presque tous les Etats du G10, le monopole des espèces métalliques est exercé par le gouvernement (Trésor), celui des billets par la banque centrale. Le monopole de la Confédération sur les espèces métalliques ne constitue pas un risque pour le contrôle de la masse monétaire. En effet, les billets de banque constituent l'essentiel de l'argent liquide7. Par ailleurs, il n'est pas prévu de remplacer des coupures par des pièces métalliques de valeur plus élevée; la loi prévoit d'ailleurs que la BNS est consultée lors de la fixation des valeurs nominales des monnaies courantes, de façon à éviter que le contrôle de la création monétaire exercé par la banque d'émission ne soit pas rendu exagérément difficile à cause du remplacement des billets par des pièces de monnaie (voir plus loin, ch. 222).

L'exercice, par les instances responsables, des monopoles de l'argent liquide doit être concrétisé au niveau de la loi. Il s'agit notamment de régler l'émission et le rappel des pièces et des billets, ainsi que de définir les droits des détenteurs.

12 121

Historique La monnaie

Jusqu'ici, le nom et la subdivision de la monnaie suisse étaient régis par la loi fédérale du 18 décembre 1970 sur la monnaie8 (dénommée ci-après «loi sur la monnaie»), à la section I («Unité monétaire et parité»), ce qui s'explique par l'histoire.

D'après la conception fondamentale des anciens art. 38 et 39 cst., qui n'excluait pas définitivement le retour à l'or comme monnaie courante, mais seulement «en temps de guerre» ou de «perturbations de la situation monétaire» (ancien art. 39, al. 6, cst.), les pièces d'or (pièces de métal noble) devaient être la seule monnaie officielle à pouvoir libératoire illimité. Ces pièces d'or équivalaient à la «monnaie de paiement», le franc suisse. Dans l'esprit de la constitution, en revanche, les billets de banque n'étaient pas de l'argent au sens juridique, mais des titres donnant droit à un remboursement en pièces ou barres d'or (art. 21 LBN). Ce n'est qu'en invoquant des clauses d'exception (art. 22 LBN; arrêté du Conseil fédéral du 29 juin 1954 concernant le cours légal des billets de banque et la suppression de leur remboursement en or9 que l'on parvint à faire des billets de banque des moyens de paiement légaux.

Les dispositions figurant dans la section «Unité monétaire et parité» de la loi sur la monnaie valent donc aussi pour les billets de banque et pour la monnaie scripturale libellée en francs suisses.

A l'heure où les pièces en circulation ne représentent plus qu'une fraction infime de la masse monétaire et où la dématérialisation de l'argent progresse inexorablement, il ne paraît plus opportun de traiter la monnaie dans une «loi sur la monnaie». La définition du «franc suisse» comme unité monétaire a des conséquences qui dépassent de beaucoup les espèces métalliques, puisque c'est tout l'argent émis en monnaie du pays qui fait l'objet de la politique monétaire fédérale. En fait, les espèces métalliques représentent aujourd'hui la partie la plus insignifiante du régime moné-

7

8 9

En 1998, le rapport moyen entre la valeur des pièces et celle des billets en circulation était de 1 à 14 (2,1 contre 29,6 milliards de francs); cf. 91e rapport de gestion de la BNS, 1998, p. 50.

RS 941.10 RS 951.171

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taire: après l'abandon de la parité-or du franc, il est donc logique que les propriétés de la monnaie suisse soient régies par un acte plus général qu'une simple loi sur la monnaie.

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Moyens de paiement ayant cours légal

La souveraineté monétaire de la Confédération comprend la fixation de l'unité monétaire et la désignation des moyens de paiement ayant cours légal. En vertu de l'art. 99, al. 1, cst., la législation fédérale doit définir les moyens de paiement ayant cours légal. L'obligation des créanciers d'accepter l'argent émis par l'Etat ou par la banque centrale, avec effet libératoire, peut connaître divers degrés. Au fil du temps, le remplacement des pièces de métal noble par des pièces de billon a réduit les pièces au rang de «monnaie du pays à pouvoir libératoire limité»; les billets de banque ont en revanche acquis le statut de «monnaie du pays à pouvoir libératoire illimité»10. De plus en plus, la monnaie scripturale (avoirs auprès de la banque centrale, de la poste et des banques commerciales) fonctionne aussi comme moyen de paiement dans les transactions11. Mais ce n'est qu'au prix d'argent reconnu officiellement (moyens de paiement ayant cours légal) qu'un débiteur peut s'acquitter inconditionnellement, c'est-à-dire en l'absence d'autres accords, d'une dette d'argent (voir plus loin, ch. 213).

La qualité de moyen de paiement légal des différentes formes de l'argent officiel (pièces, billets, voire monnaie scripturale de la banque centrale) devrait être régie par un acte qui ne s'arrête pas au support matériel et qui soit facilement compris de chacun. Jusqu'ici, les citoyens devaient rechercher péniblement l'effet libératoire des paiements en numéraire dans un fouillis d'actes divers (art. 22 LBN, combiné avec l'ACF concernant le cours légal des billets de banques, art. 6 de la loi sur la monnaie). Quant à l'effet libératoire d'un paiement en avoirs à vue auprès de la BNS, le législateur était tout simplement muet sur ce point.

13 131

Nouvel ordre systématique de la législation fédérale Renonciation à une loi spécifique sur la monnaie

Une loi sur la monnaie décrivant les caractéristiques principales et les fonctions de la monnaie nationale existait par exemple en Allemagne, de 1948 à l'introduction de l'euro12. Dans les ouvrages juridiques, la création d'une loi sur la monnaie pour la période succédant à l'abandon de la parité-or du franc a été suggérée par Richli13.

10

11

12 13

Voir Weber Rolf, Berner Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, vol. VII/1, Bern 1983, gloses 113­117 concernant l'art. 84 CO; Junod, Commentaire cst., art. 38, notice 10.

Giovanoli Mario, «Bargeld ­ Buchgeld ­ Zentralbankgeld: Einheit oder Vielfalt im Geldbegriff?», in: Festschrift für Beat Kleiner, Banken und Bankrecht im Wandel, Zürich 1993, p. 89, 106 ss.

«Währungsgesetz» du 20 juin 1948; cf. Gramlich Ludwig, Bundesbankgesetz, Währungsgesetz, Münzgesetz, Kommentar, Köln/Berlin/München 1988, p. 330 ss.

Richli Paul, «Zur internationalen Verflechtung der schweizerischen Währungsordnung», in: ZBJV 124bis, 1988, Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 1988, p. 339 ss., 359, 362.

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Dans une loi qui fixe définitivement le régime monétaire, on pourrait consigner aussi, en théorie, les principes ayant guidé le choix du système ­ dans les limites générales actuelles de l'alternative «taux de change fixes ou flottants»14. Mais tant que l'attitude de la Suisse face à l'union monétaire européenne restera incertaine, il sera difficile de présenter des critères ou un ordre de compétences clairement établi pour justifier la décision face à cette alternative. C'est pourquoi le contenu d'une telle loi sur la monnaie se bornerait à énumérer les caractéristiques de la monnaie suisse (nom et subdivision), ainsi que les moyens de paiement ayant cours légal.

Une loi si courte, qui ne comprendrait que quelques articles, serait un corps étranger dans la législation helvétique.

132

Création d'une loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement

Au niveau constitutionnel, la division de la matière «monnaie» en un article sur la monnaie et un autre sur les billets est abandonnée. Il faut donc revoir la conception de la législation correspondante, comprenant actuellement la loi sur la monnaie en application de l'ancien art. 38 cst. et la loi sur la Banque nationale en application de l'ancien art. 39 cst. Pour diverses raisons (voir plus haut, ch. 12), il paraît judicieux de régler dans une seule loi fédérale les aspects de la monnaie et de l'argent officiel qui concernent directement les transactions des particuliers. Du point de vue systématique, la nouvelle «loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement» permet de concrétiser les dispositions de l'art. 99, al. 1, cst. («monnaie relevant de la compétence de la Confédération; monopole d'émission du numéraire»). La loi sur la Banque nationale traduirait en revanche les al. 2 à 4 de l'art. 99 cst. (mandat, statut et organisation de la banque d'émission, réserves monétaires, répartition des bénéfices).

Ce système a l'avantage de ne proposer qu'un seul acte législatif pour réaliser l'abandon de la parité-or du franc. La section III de la loi sur la Banque nationale (émission, couverture, remboursement et rappel des billets de banque) est incorporée dans la nouvelle loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement ­ pour autant que ses dispositions ne soient pas tout simplement caduques. Les tâches de la banque centrale ne relevant pas des transactions en numéraire sont regroupées, avec les instruments de la politique, dans une LBN allégée, acte législatif spécial s'adressant à des milieux précis (BNS et actionnaires, instances fédérales, cantons, banques). La LBN n'est plus alourdie par les aspects grand public de la monnaie, comme la protection pénale des monopoles des espèces. Quant à la loi sur la monnaie, qui, dans la réalité actuelle, représente déjà un acte de portée essentiellement technique, elle passe entièrement ­ dans sa version modifiée du 21 mars 199715 ­ dans la nouvelle loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement.

La nouvelle loi compacte définit tous les éléments essentiels du système monétaire suisse. Les détails techniques seront réglés autant que possible à un échelon législatif subordonné.

14 15

Message du 27 mai 1998 concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998 3508.

FF 1997 II 564.

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Conséquences de l'abandon de la parité-or du franc sur les réserves d'or de la BNS

La parité-or du franc a en réalité disparu depuis longtemps. Du fait des dispositions légales en la matière au niveau de la constitution, de la loi et de l'ordonnance, les réserves d'or de la BNS étaient jusqu'ici immobilisées et elles devaient être évaluées à la parité officielle de 4595 fr./kg, qui était bien inférieure au prix du marché.

L'abandon de la parité-or permet à la BNS d'acheter ou de vendre de l'or au prix du marché et d'inscrire au bilan ses réserves d'or évaluées à un prix proche de celui du marché. L'or retrouvera ainsi sa fonction de réserve monétaire, et la Banque nationale détiendra au total plus de réserves qu'il ne lui en faut pour mener la politique monétaire. Environ la moitié des réserves d'or actuelles, qui s'élèvent à 2590 t, pourra être utilisée pour réaliser d'autres objectifs publics16.

L'acceptation, à travers la nouvelle constitution fédérale, de l'art. 99 concernant la politique monétaire s'est traduite par la suppression de la parité-or au niveau de la constitution. Le présent acte législatif transpose cette suppression au niveau de la loi. L'entrée en vigueur de la LUMMP permettra de réévaluer les réserves d'or de la BNS, d'en vendre une partie et d'en convertir une autre partie en actifs plus rémunérateurs.

En revanche, l'art. 99 de la cst. mise à jour, en liaison avec la LUMMP, ne constitue pas une base suffisante pour créer des dispositions légales permettant, en dérogeant à l'actuelle clé constitutionnelle de répartition du bénéfice, de priver la BNS des réserves monétaires qui ne sont plus nécessaires et de les utiliser pour réaliser d'autres objectifs publics. Le Parlement a défendu ce point de vue lors de l'examen de la réforme séparée des dispositions constitutionnelles sur la monnaie, conformément au message du Conseil fédéral du 27 mai 199817. L'art. 94, al. 4, de la constitution fédérale mise à jour continue de préciser que la BNS verse au moins deux tiers de son bénéfice net aux cantons. Le Conseil national et le Conseil des Etats ont par conséquent décidé d'inscrire dans le texte constitutionnel concernant la réforme séparée une réserve relative au mode de répartition du bénéfice et de préciser, dans un alinéa supplémentaire ou dans une disposition transitoire, que l'utilisation des réserves monétaires qui ne sont plus nécessaires et de leur produit
est régie au niveau de la loi. La base constitutionnelle nécessaire à l'affectation des 1300 t d'or excédentaires à d'autres objectifs publics (p. ex. par le biais de la loi sur la fondation) ne sera créée qu'à travers l'acceptation, par le peuple et les cantons, de la réforme séparée des dispositions constitutionnelles sur la monnaie (le scrutin aura vraisemblablement lieu au printemps de l'an 2000).

14

Procédure de consultation

De la mi-octobre 1998 à la mi-janvier 1999, le Département fédéral des finances a consulté les cantons, les partis, les associations et les organisations intéressées au sujet de la présente loi. Le projet de nouvelle LUMMP a généralement été accueilli 16 17

Message concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998 3542 Cette réforme séparée supprime également la parité-or du franc au niveau de la constitution, cependant, sur d'autres plans (mandat de la banque centrale, obligation de rendre compte de la BNS), elle entraîne une modernisation plus poussée des dispositions constitutionnelles sur la monnaie que celle qui aurait été possible dans le cadre de la mise à jour de la constitution fédérale.

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favorablement. Les milieux consultés approuvent unanimement le fait que la LUMMP concrétise au niveau de la loi l'abandon de la parité-or du franc. Ils saluent également la décision de régler dans un seul acte, à travers la LUMMP, toutes les questions d'intérêt public concernant l'unité monétaire et les moyens de paiement ayant cours légal. De nombreux participants à la procédure de consultation estiment que la LUMMP est une loi de nature largement technique et soulignent que les décisions ayant une portée politique ont déjà été discutées en détail à l'occasion de l'examen par le Parlement de la réforme séparée des dispositions constitutionnelles sur la monnaie conformément au message du Conseil fédéral du 27 mai 1998 (FF 1998 3485).

Les seuls changements souhaités au niveau du texte de la loi concernaient la réglementation de l'obligation d'accepter des pièces (art. 3 projet de LUMMP): L'art. 3, al. 1, du projet de LUMMP mis en consultation prévoyait que toute personne est tenue d'accepter en paiement jusqu'à 100 pièces suisses courantes et que la BNS et les caisses publiques de la Confédération acceptent les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation à leur valeur nominale. Ainsi que le suggérait le PRD, le texte de la loi a été complété, précisant désormais que la BNS et les caisses publiques de la Confédération acceptent à leur valeur nominale et en nombre illimité non seulement les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation, mais également les pièces courantes.

En ce qui concerne les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation, l'art. 3, al. 1 (2e phrase), du projet de LUMMP contient une nouveauté en ce sens que l'obligation d'accepter ne s'applique qu'à la Banque nationale et aux caisses publiques de la Confédération. Alors que la plupart des milieux consultés ne se prononcent pas au sujet de cette limitation, l'UDC et l'Association suisse des marchands de monnaies et de médailles soulignent qu'il est très important pour le succès des monnaies commémoratives et des monnaies de thésaurisation qu'elles constituent des moyens de paiement légaux à part entière. Ils rejettent par conséquent la limitation prévue dans le cas de l'obligation d'accepter ces monnaies.

La limitation proposée au niveau de l'obligation d'accepter tient compte du fait que les
monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation sont peu connues en tant que pièces courantes. Il serait fâcheux pour la sécurité du droit que les particuliers doivent accepter de telles monnaies avec effet libératoire. Comme les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation restent des «moyens de paiement légaux» (art. 2, let. a, projet de LUMMP), le détenteur de telles monnaies continuera de bénéficier d'une garantie de reprise à la valeur nominale. Cette garantie, combinée à la prudence en matière d'émissions et à l'annonce à grande échelle des nouvelles émissions, continuera d'assurer l'attrait des monnaies commémoratives et des monnaies de thésaurisation. Le Conseil fédéral et la Banque nationale ne partagent pas les craintes de l'UDC et de l'Association suisse des marchands de monnaies et de médailles selon lesquelles la demande de ces monnaies pourrait diminuer si elles ne devaient plus être acceptées sans limitation, d'autant plus que leur prix d'émission est supérieur à leur valeur nominale et qu'elles ne sont par conséquent guère utilisées pour les paiements quotidiens. La limitation de l'obligation d'accepter les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation est donc maintenue.

Le PRD propose de supprimer complètement le terme de «caisses publiques de la Confédération» dans la liste des offices soumis à l'obligation d'accepter. Selon lui,

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en raison de la libéralisation progressive des entreprises publiques traditionnelles, le nombre des caisses publiques de la Confédération devrait diminuer fortement.

Même si d'autres entreprises étatiques risquent d'être privatisées à l'avenir, il ne faut pas renoncer maintenant déjà aux caisses publiques de la Confédération en leur qualité d'offices acceptant les pièces courantes, les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation. Les services de caisse de la BNS ainsi que la Poste et les CFF garantissent dans toute la Suisse un réseau dense de tels offices. Il s'agit donc de maintenir la mention «caisses publiques de la Confédération».

2 21 211

Partie spéciale Unité monétaire et moyens de paiement légaux Suppression des compétences en matière de fixation de la parité et de traitement des gains et pertes extraordinaires

A l'art. 99 de la cst. mise à jour, concernant la politique monétaire, la parité-or du franc suisse est abrogée. Le remboursement obligatoire des billets émis par la BNS (ancien art. 39, al. 6, cst.), la couverture obligatoire des billets en circulation par de l'or et des avoirs à court terme (ancien art. 39, al. 7, cst.), ainsi que la compétence de la Confédération de fixer la tarification des monnaies étrangères (ancien art. 38, al.

3, cst.), sont abrogés. La parité-or du franc ne doit plus être fixée par le Conseil fédéral, comme le prescrit la loi sur la monnaie18 (art. 2). En plus de l'art. 2 de la loi sur la monnaie, il faut abroger l'arrêté du Conseil fédéral du 9 mai 1971 fixant la parité-or du franc19. Du moment que le cours de change du franc n'est plus déterminé par sa parité-or, il ne se produit plus de bénéfices et pertes sur les réserves en or et en devises de la Banque nationale à la suite d'actes souverains, c'est-à-dire de modifications de la parité. La compétence de l'Assemblée fédérale de «se prononcer» sur ces bénéfices et pertes extraordinaires (loi sur la monnaie, art. 3) perd donc son objet.

Dans le cadre de la refonte du système monétaire, il faut répondre à la question de savoir qui a la compétence de fixer la valeur extérieure de la monnaie. Cette question jouerait notamment un rôle si la Suisse devait décider de renoncer au système actuel des taux de change flottants. Il convient ici de distinguer deux options fondamentales: soit un rattachement unilatéral du franc suisse à une autre monnaie ou à un panier de monnaies par des interventions correspondantes de la BNS sur le marché des devises, soit un rattachement bilatéral du franc suisse à un système de changes par le biais d'un traité international. Dans le premier cas, il s'agirait d'une «importante décision en matière de politique monétaire», qui, en vertu de l'art. 2, al. 2, LBN, exige la concertation de la BNS et du Conseil fédéral. La valeur extérieure du franc suisse serait alors fixée par la banque d'émission, d'entente avec le Conseil fédéral. Dans le second cas, s'agissant de la signature d'un traité de droit international public avec des Etats étrangers, une organisation internationale ou une communauté supranationale, c'est l'Assemblée fédérale qui serait compétente (art. 166, al. 2, cst.). Pour l'exécution du traité, y compris les modifications du taux de change, le Conseil fédéral serait responsable au dehors (art. 184 cst.), alors qu'au 18 19

RS 941.10 RS 941.102

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dedans, il faudrait prévoir la collaboration du Conseil fédéral et de la banque d'émission, par analogie avec l'art. 2, al. 2, LBN. Il ne paraît cependant guère opportun de régler préventivement en détail les compétences concernant la fixation de la valeur extérieure du franc dans la nouvelle loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement.

Suite à ces considérations, le contenu de la section 1 de la loi sur la monnaie (Unité monétaire et parité) est caduc, à part l'art. 1. La première section de la nouvelle loi définira dès lors, outre l'unité monétaire (semblable à l'art. 1 de la loi sur la monnaie), les qualités de moyen de paiement de l'argent créé par l'Etat.

212

Nom et subdivision de la monnaie suisse (art. 1 projet de LUMMP)

L'art. 1 de la loi sur la monnaie définit l'unité monétaire suisse. Il en donne le nom (franc) et désigne aussi sa subdivision, c'est-à-dire le centième (centime). Cette disposition peut être reprise sans modification dans la nouvelle loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (art. 1 projet de LUMMP).

Il serait en principe concevable de régler dans la loi la forme matérielle de la monnaie suisse, c'est-à-dire le nombre et la valeur nominale des billets de banque, de même que le nombre, la valeur nominale et les propriétés de frappe des pièces de monnaie. Cette forme matérielle doit cependant pouvoir être adaptée facilement à de nouvelles circonstances. C'est pourquoi il paraît plus judicieux de la régler au niveau de l'ordonnance20.

213 213.1

Moyens de paiement ayant cours légal (art. 2 et 3 projet de LUMMP) Généralités

L'argent reconnu officiellement doit avoir un effet libératoire sur le paiement des dettes d'argent. La législation doit donc définir l'argent émis par l'Etat ou la banque centrale qui sera reconnu comme moyen de paiement légal ­ avec ou sans limitation de la somme. L'argent créé sous contrôle officiel sont les pièces de monnaie, les billets de banque et les avoirs à vue auprès de la banque centrale.

20

Actuellement: arrêté du conseil de banque (du 11 juil. 1979/21 août 1991) concernant la valeur nominale des billets à émettre, ainsi que art. 1 de l'O sur la monnaie (RS 941.101), O relative à la frappe des monnaies destinées à célébrer le 700e anniversaire de la Confédération (RS 941.108), O réglant l'émission des monnaies commémoratives (RS 941.107).

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213.2

Espèces métalliques

Les pièces de monnaie suisses sont une première forme de l'argent officiel. Elles sont considérées comme moyen de paiement légal à pouvoir libératoire limité21, puisqu'en vertu de l'art. 6 de la loi sur la monnaie, personne n'est tenu d'accepter en paiement plus de cent pièces, à part les caisses de la Confédération et la Banque nationale. D'après la modification du 21 mars 1997 de la loi sur la monnaie22, la Confédération peut également frapper des pièces courantes d'une qualité particulière ainsi que des monnaies commémoratives et de thésaurisation (art. 4, al. 4, loi sur la monnaie). Ces monnaies doivent porter une valeur nominale, mais être vendues audessus de cette valeur; la Confédération s'engage «à reprendre les monnaies commémoratives à leur valeur nominale jusqu'à leur mise hors service»23. La Confédération n'a pas frappé jusqu'ici de monnaies de thésaurisation proprement dites24.

Dans l'ordonnance sur la monnaie du 19 novembre 199725 (art. 1), la même qualité de «moyen de paiement ayant cours légal» est reconnue tant aux monnaies commémoratives et de thésaurisation qu'aux pièces de monnaie courantes. Rien de cela ne change; l'art. 2, let. a, projet de LUMMP, qualifie toutes les espèces métalliques émises par la Confédération de moyens de paiement ayant cours légal.

L'art. 3, al. 1, projet de LUMMP différencie l'acceptation obligatoire des pièces frappées par la Confédération. Un nombre limité de pièces courantes doit être accepté de chacun (art. 3, al. 1, première phrase, projet de LUMMP). Le nombre maximum de pièces courantes qui doivent être acceptées en paiement est régi par l'art. 3, al. 1, projet de LUMMP, par analogie avec la loi sur la monnaie (art. 6).

Pour des raisons de commodité, l'acceptation obligatoire des espèces métalliques est limitée dans la plupart des pays. En fixant le plafond à 100 pièces, la Suisse se trouve plutôt dans le haut du classement international. Il serait également concevable de fixer un montant nominal maximum payable en espèces métalliques. Mais cette manière de limiter les paiement en monnaie n'a encore jamais eu cours en Suisse.

Contrairement aux pièces courantes, les monnaies commémoratives et de thésaurisation ne sont pas conçues comme des moyens de paiement proprement dits 26 et ne sont pas non plus utilisées comme tels dans les opérations de
paiement. Comme elles sont tirées en nombre limité et qu'elles ne sont guère connues, elles ne méritent pas de bénéficier de l'acceptation obligatoire générale. Aujourd'hui déjà, les monnaies commémoratives ne sont pas acceptées partout sans aucun problème. Il serait fâcheux pour la sécurité du droit que les particuliers dussent accepter de telles monnaies avec effet libératoire. C'est pourquoi l'obligation d'accepter de chacun se limite aux pièces courantes (art. 3, al. 1, première phrase, projet de LUMMP). En revanche, la Banque nationale suisse et les caisses publiques de la Confédération acceptent toujours et à leur valeur nominale un nombre illimité de pièces courantes, 21

22 23 24 25 26

Junod, Commentaire cst., art. 38, notice 10; Klauser Peter, «Gesetzliches Zahlungsmittel», in: Albisetti et al., Handbuch des Geld-, Bank- und Börsenwesens, 4. A.

Bern 1987, p. 331.

FF 1997 II 564, RO 1997 2755.

Message du 23 septembre 1996 sur la modification de la loi fédérale sur la monnaie, FF 1996 V 62.

Pour les propriétés caractéristiques de ces dernières, voir le message sur la modification de la loi fédérale sur la monnaie, FF 1996 V 63.

RS 941.101 Message sur la modification de la loi sur la monnaie, FF 1996 V 63.

6547

de monnaies commémoratives et de monnaies de thésaurisation (art. 3, al. 1, deuxième phrase, projet de LUMMP). Les caisses publiques de la Confédération ­ «public» étant pris dans le sens d'«accessible au public» ­ comprennent les caisses de la Poste Suisse et des Chemins de fer fédéraux. L'ordonnance sur la monnaie oblige également la Banque nationale suisse, la Poste Suisse et les Chemins de fer fédéraux à retirer de la circulation, sans limitation de la somme et contre remboursement de leur valeur nominale, les pièces qui excèdent les besoins (art. 4, al. 2, ordonnance sur la monnaie27). Le détenteur d'une monnaie commémorative ou d'une monnaie de thésaurisation conserve donc une garantie de reprise à la valeur nominale; il dispose d'un vaste réseau de services de caisse de la BNS (sièges, succursales et agences)28, des CFF (tous les guichets des CFF) et de la Poste (tous les bureaux de poste) s'il veut échanger des pièces commémoratives et des pièces de thésaurisation. Les pièces commémoratives et les monnaies de thésaurisation émises par la Confédération continuent à jouir du statut de «moyens de paiement ayant cours légal» tant qu'elles ne sont par mises hors cours (art. 6, al. 2, projet de LUMMP).

213.3

Billets de banque

Les billets émis par la Banque nationale sont également des moyens de paiement ayant cours légal et le restent (art. 2, let. b, projet de LUMMP). Contrairement aux pièces courantes, ils ont un pouvoir libératoire illimité, c'est-à-dire que leur acceptation obligatoire n'est soumise à aucune restriction. C'est ce que précise l'art. 3, al.

2, du projet de LUMMP, qui remplace ainsi l'art. 1 de l'ACF du 29 juin 1954 concernant le cours légal des billets de banque et la suppression de leur remboursement en or29. L'acceptation obligatoire n'a bien entendu de valeur que tant que créancier et débiteur n'ont pas convenu d'un autre mode de paiement (voir à ce sujet le ch.

214).

213.4

Avoirs à vue auprès de la Banque nationale suisse

Forme particulière de la monnaie scripturale, les avoirs à vue auprès de la banque centrale sont indispensables aujourd'hui pour mener une politique monétaire nationale; ils peuvent être convertis à n'importe quel moment et sans problème en billets (ou pièces) et ne sont exposés à aucun risque d'insolvabilité de l'établissement débiteur (BNS)30. Comme les billets de banque, les avoirs à vue auprès de la Banque nationale suisse représentent des engagements de la banque centrale. Dans le message du 24 avril 199631 sur le renouvellement du droit exclusif de la Banque nationale suisse d'émettre des billets, le Conseil fédéral soulignait d'ailleurs la converti27 28

29 30 31

RS 941.101 Les services de caisse de la BNS comprennent actuellement les deux sièges, six succursales et 17 agences qui sont gérées par des banques cantonales. Même si le nombre de filiales sera ramené à deux à fin 1999, le nombre des guichets acceptant les monnaies commémoratives et les monnaies de thésaurisation à leur valeur nominale restera suffisant puisque la BNS a l'intention de développer son réseau d'agences.

RS 951.171 Voir Giovanoli (note 11), p. 89, 106 ss.

Message du 24 avril 1996 à l'appui du renouvellement du droit exclusif de la Banque nationale suisse d'émettre des billets de banque, FF 1996 III 34.

6548

bilité stricte des deux formes d'argent émises par la banque centrale. En Suisse, les avoirs à vue auprès de la BNS (crédits de virement) servent en outre de moyens de paiement dans le système de paiements interbancaires électroniques SIC. Dans ce système, le règlement ­ définitif et irrévocable ­ de paiements en francs suisses s'effectue à l'aide de crédits et de débits imputés aux comptes de virement des membres du SIC auprès de la BNS32. Il serait inconcevable d'effectuer encore la quantité actuelle des paiements entre banques en échangeant des billets. C'est pourquoi il paraît judicieux de déclarer moyens de paiement ayant cours légal les avoirs à vue en francs auprès de la Banque nationale suisse (art. 2, let. c, projet de LUMMP).

L'accès aux avoirs à vue de la Banque nationale suisse n'est pourtant pas ouvert à tout le monde. Dans les transactions entre titulaires de comptes de virement à la BNS, les créanciers doivent cependant pouvoir être obligés d'accepter en paiement ces avoirs à vue, sans limitation (art. 3, al. 3, projet de LUMMP). L'effet libératoire ne vaut naturellement qu'entre titulaires de tels comptes. Il s'agit donc de sanctionner expressément, dans la législation, les paiements en monnaie scripturale, par exemple entre la BNS, les banques, les courtiers en valeurs mobilières, la Confédération, la Poste. Dans la mesure où les débiteurs peuvent s'acquitter de leur dette avec effet libératoire en utilisant leurs avoirs à vue auprès de la BNS vis-à-vis de créanciers disposant eux-mêmes d'un compte de virement auprès de cet établissement, le recours accru à l'argent scriptural de la banque centrale pour les paiements portant sur des montants élevés se voit reconnu en droit ­ innovation qui, en fin de compte, profite à la sécurité du droit en matière de transferts scripturaux de monnaie suisse.

214

La monnaie scripturale des banques n'est pas un moyen de paiement ayant cours légal

Contrairement aux avoirs à vue auprès de la banque centrale, les avoirs auprès des banques commerciales connaissent le risque d'insolvabilité de l'établissement débiteur. Etant donné les différences de solvabilité des établissements gérant des comptes, ces derniers ne jouissent pas des caractéristiques de l'argent scriptural de la banque centrale: la standardisation et la fongibilité33. Il en va de même, et dans une mesure encore plus grande, des cartes de garantie émises par les banques et d'autres établissements (carte de crédit et de débit), ainsi que des récentes cartes «cash» («porte-monnaie électronique») et de l'argent virtuel utilisé sur les réseaux («cybercash»)34. Les avoirs à vue auprès d'une grande banque, d'une banque cantonale ou régionale, ou encore d'une organisation de cartes de crédit, ne sont effectivement pas la même chose que ceux déposés à la BNS, qui est le seul établissement du pays ­ fondé sur des normes de droit public ­ à pouvoir créer de l'argent à son gré. La différence entre la monnaie scripturale au sens étroit (créance comptable de la banque centrale) et celle au sens large (celle des banques commerciales) est que le détenteur de monnaie scripturale de la banque centrale n'assume qu'un risque macro-économique, celui de la baisse du pouvoir d'achat, alors que le titulaire d'avoirs 32 33 34

Cf. Vital Christian, Das elektronische Interbank-Zahlungsverkehrssystem SIC: Konzept und vorläufige Ergebnisse, WuR 1988/1, p. 9 ss.

Giovanoli (note 11), p. 110 ss.

Voir à ce sujet «Security of Electronic Money», Report by the Committee of Payment and Settlement Systems and the Group of Computer Experts of the Central Banks of G10-Countries, BIS, Bâle 1996, p. 5 ss.

6549

bancaires court en plus le risque micro-économique particulier du défaut de crédit d'une seule banque. Tant que l'Etat n'instaure pas de système général de protection de tous les avoirs bancaires (ce qui est conforme à l'économie de marché), il ne peut pas non plus déclarer la monnaie scripturale des banques commerciales moyen de paiement ayant cours légal, accepté obligatoirement par les créanciers d'une dette d'argent. Cela n'empêche pas les sujets économiques de convenir par contrat ­ expressément ou tacitement ­ qu'une dette d'argent puisse être effacée par une bonification sur un compte du créancier auprès d'une banque commerciale ou de la Poste. Il s'agit également, dans ce cas, d'un acquittement de la dette d'argent, et non d'une simple remise en guise de paiement.

22 221

Régime des espèces métalliques Remarques préliminaires

Le contenu de la section 2 (Régime des espèces métalliques) de la future loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement se distingue de celui de la section 2 de l'actuelle loi sur la monnaie par divers détails, notamment d'ordre systématique.

Comme on l'a vu, la qualité de moyen de paiement légal des espèces métalliques (art. 6 de la loi sur la monnaie) se trouve désormais réglée dans la section 1 (art. 2, let. a, et art. 3, al. 1, projet de LUMMP). Il s'agit de distinguer du même coup plus clairement les compétences du Conseil fédéral, du Département fédéral des finances et de la BNS en matière de pièces courantes, d'une part (art. 4 et 5 projet de LUMMP), et de monnaies commémoratives ou de thésaurisation, de l'autre (art. 6 projet de LUMMP). La nouvelle loi transfère officiellement à la Banque nationale la tâche de mettre les pièces en circulation, tâche qu'elle exerce déjà depuis 198135. La clause de délégation de l'ordonnance sur la monnaie (art. 5) n'est pas satisfaisante du point de vue juridique, parce qu'elle crée en fait une sous-délégation de la part du Conseil fédéral (fondée sur l'art. 7 de la loi sur la monnaie). Le texte peut enfin être resserré. L'actuel al. 1 de l'art. 4 de la loi sur la monnaie («La Confédération a seule le droit de battre monnaie») n'est qu'une réaffirmation du monopole de la monnaie déjà inscrit dans l'article constitutionnel sur la monnaie (art. 99, al. 1, cst.). Cette clause est donc superflue et peut être supprimée.

222

Compétences de la Confédération et de la Banque nationale en matière de pièces courantes (art. 4 et 5 projet de LUMMP)

L'art. 4, al. 1, projet de LUMMP reprend le libellé de l'art. 4, al. 2, de la loi sur la monnaie. L'art. 4, al. 2, projet de LUMMP reprend le contenu de l'art. 4, al. 3, de ladite loi, tout en précisant que la frappe et l'émission de pièces courantes sont déterminées par les nécessités du trafic des paiements. La frappe et l'émission de monnaies commémoratives ou de thésaurisation obéissent à d'autres critères (voir plus loin, ch. 223).

35

A l'époque, l'établissement responsable de la mise en circulation des pièces, soit la Caisse de l'Etat, avait été incorporée à la Banque nationale; cf. Jubiläumsschrift 75 Jahre Schweizerische Nationalbank, Zürich 1982, p. 295.

6550

L'art. 4, al. 3 et 4 (première phrase), projet de LUMMP, correspond au libellé de l'art. 5, al. 2 (première phrase) et al. 1 (première proposition) de la loi sur la monnaie. Est nouvelle la deuxième phrase de l'art. 4, al. 4, projet de LUMMP, en vertu de laquelle le Conseil fédéral fixe la valeur nominale des pièces courantes «en accord avec la Banque nationale». Cette concertation avec la Banque nationale a pour but d'éviter qu'un trop grand nombre de billets en circulation ne soit remplacé par des pièces, ce qui compliquerait le contrôle de la création monétaire exercé par la BNS (voir plus haut, ch. 112).

L'actuel art. 7, al. 1, de la loi sur la monnaie astreint le Conseil fédéral à assurer les réserves nécessaires d'espèces métalliques (let. a), la régularisation de leur circulation (let. b), leur échange par des caisses publiques (let. c) et le retrait des pièces usées ou fausses (let. d). Du moment que le législateur transfère définitivement la tâche de mettre la monnaie en circulation à la Banque nationale (art. 5, al. 1), cette dernière est responsable elle-même de veiller aux réserves nécessaires et à la régularisation de la circulation. Les compétences du Conseil fédéral dans ce domaine perdent leur objet. Du point de vue de la politique monétaire, il serait d'ailleurs problématique que le Conseil fédéral puisse contraindre la BNS à entretenir des réserves déterminées des monnaies qu'il émet (donc à lui assurer un crédit). Matériellement, les compétences du Conseil fédéral de régler l'échange des monnaies par les caisses publiques de la Confédération et le retrait des pièces usées et fausses suffisent. Elles sont désormais regroupées à l'art. 4, al. 5, projet de LUMMP. Sont considérées comme étant des caisses publiques de la Confédération au sens de l'art.

4, al. 5, projet de LUMMP, les caisses de la Poste et des Chemins de fer fédéraux, lesquelles assistent la BNS en matière de mise en circulation et de retrait des espèces métalliques, aux termes de l'art. 4, al. 2, de l'ordonnance sur la monnaie.

A l'art. 5, al. 1, projet de LUMMP, la BNS, comme cela a été mentionné, se voit confier la tâche d'alimenter la circulation des pièces courantes et de retirer les pièces excédentaires, sans limitation de la somme et contre remboursement de la valeur nominale. Cette disposition correspond à
l'art. 5, al. 1 (première phrase) de l'ordonnance sur la monnaie, mais vise cette fois clairement les pièces courantes. En déléguant directement cette tâche à la BNS, le législateur rend superflu l'art. 7, al. 2, de la loi sur la monnaie («Il [le Conseil fédéral] veille à ce que les espèces qui excèdent les besoins de la circulation monétaire soient acceptées en retour sans limitation de la somme et contre remboursement de leur valeur nominale.») L'al. 2 de l'art. 5, projet de LUMMP fonde une compétence de la BNS, habilitée désormais à édicter des règles techniques sur les livraisons et les retraits de pièces.

La nécessité d'une telle disposition s'est imposée dans la pratique. Le traitement des espèces entraîne des coûts notables. Du fait que les banques perçoivent des taxes sur les livraisons en numéraire, les établissements commerciaux non bancaires, comme les grands distributeurs, ont un intérêt à échanger directement l'argent liquide à la BNS ou à passer par les entreprises de transports de fonds, qui offrent aujourd'hui ce service. Les banques commerciales dotées de filiales utilisent de plus en plus les entreprises de transport et de traitement d'argent pour la circulation interne d'argent liquide au sein de leur établissement. Tant que les entreprises qui traitent les espèces n'assument pas les remboursements, les flux d'argent liquide se concentrent sur la Banque nationale. Ils varient donc fortement en fonction du comportement des banques, des transporteurs et de la poste, ce qui aboutit à de grandes variations dans l'occupation des services de caisse des sièges de Zurich et de Berne, ainsi que dans les filiales et agences de la BNS. Il va de soi que la BNS est tenue de respecter les 6551

lois du marché et d'adapter son réseau à l'évolution des principaux facteurs des opérations en numéraire (croissance économique prévisible et inflation, habitudes de paiement du public, politique commerciale des principaux partenaires). C'est dans ce dessein que les autorités de la BNS ont décidé, en juin 1998, de concentrer le traitement des espèces sur les sièges de Zurich et Berne, ainsi que sur les filiales de Genève et Lugano. Pour les livraisons et les retraits, le réseau des agences de la BNS peut être développé. Il faut toutefois que, le cas échéant, la BNS puisse réagir à des modifications à court terme de la structure des opérations en numéraire en réglant le lieu, le jour et l'heure des livraisons et des retraits d'argent liquide. Aujourd'hui déjà, de tels accords sont passés avec les grandes entreprises de transport de fonds et la poste, y compris quant à la forme des livraisons. Vu la rapidité des mutations structurelles du secteur bancaire et l'évolution de la technologie des paiements, il convient d'inscrire une clause dans la loi qui permette à la BNS d'édicter des dispositions. En citant le but de la mesure («assurer l'approvisionnement en numéraire») et en la limitant à un domaine précis, parfaitement défini («livraisons et retraits de pièces»), l'art. 5, al. 2, projet de LUMMP remplit les conditions juridiques d'une clause de délégation.

L'art. 5, al. 3, projet de LUMMP précise désormais qu'aucun dédommagement n'est accordé pour les espèces métalliques détruites, perdues ou fausses. Cette clause correspond à celle qui existe déjà pour les billets de banque (art. 23, al. 2, LBN = art. 8, al. 2, projet de LUMMP; voir plus loin, ch. 236). Elle a pour objet de prévenir tout malentendu dans l'opinion publique et de protéger la Confédération contre les prétentions injustifiées.

223

Compétences du Département fédéral des finances en matière de monnaies commémoratives et de thésaurisation (art. 6 projet de LUMMP)

L'émission de pièces courantes de qualité particulière ainsi que de monnaies commémoratives ou de thésaurisation (art. 6, al. 1, projet de LUMMP) est une tâche publique où prédomine l'intérêt commercial. Comme c'était déjà le cas dans l'art. 4, al. 4, de la loi sur la monnaie, la Confédération reçoit la compétence de mettre sur le marché des pièces destinées aux numismates au-dessus de leur valeur nominale et d'en retirer un bénéfice. L'art. 6, al. 1, projet de LUMMP équivaut à l'art. 4, al. 4, de la loi sur la monnaie.

Par rapport à l'aspect des pièces courantes, avec lesquelles tout citoyen entre forcément en contact, la fixation des valeurs nominales, effigies et propriétés des monnaies commémoratives ou de thésaurisation a moins d'importance politique. La compétence en ce domaine reste donc attribuée au Département fédéral des finances (art. 6, al. 2, première phrase, projet de LUMMP = art. 5, al. 1, deuxième proposition, loi sur la monnaie). Le Département fédéral des finances continuera de consulter de manière informelle l'Office fédéral de la culture (Département fédéral de l'intérieur) au sujet du choix des artistes et des sujets des monnaies commémoratives et des monnaies de thésaurisation. Fixer le tirage des monnaies commémoratives ou de thésaurisation exige une connaissance précise du marché numismatique. C'est pourquoi il est approprié que le Département fédéral des finances continue à décider quelles monnaies commémoratives ou de thésaurisation frapper, mettre en circulation ou mettre hors cours (art. 6, al. 2, deuxième phrase, projet de LUMMP, correspondant à l'art. 5, al. 2, deuxième phrase, loi sur la monnaie). Comme par le passé, 6552

les bénéfices de frappe réalisés dans le cas des monnaies commémoratives et des monnaies de thésaurisation (produit net de la vente) serviront généralement à financer des projets culturels. Des projets cantonaux pourront également être soutenus s'ils présentent un intérêt national. Le Conseil fédéral règlera les détails.

224

Abandon de l'obligation d'obtenir une autorisation pour fabriquer et importer des objets semblables aux espèces métalliques

L'art. 8 de la loi sur la monnaie exige une autorisation pour la fabrication et l'importation d'objets «dont la frappe, le poids ou les dimensions sont semblables à celles des espèces métalliques en cours ou qui présentent les mêmes caractéristiques qu'une monnaie officielle» (al. 1). L'autorité compétente est le Département fédéral des finances. L'autorisation est refusée s'il existe un risque de confusion ou que des abus sont à craindre; elle est retirée en cas de confusion ou d'abus (al. 2).

Dans la pratique, cette autorisation obligatoire n'a pas fait ses preuves. D'une part, la définition de critères fiables s'est révélée très difficile. L'application de l'autorisation obligatoire laisse donc une grande marge d'appréciation. Comme jamais une décision négative n'a été contestée devant le Tribunal fédéral, il n'est pas sûr que la pratique appliquée jusqu'ici serait confirmée. Il est probable, d'autre part, qu'une bonne partie des objets dont l'importation ou la fabrication nécessiterait théoriquement une autorisation ne sont pas soumis au Département fédéral des finances. Ce n'est que si l'autorité compétente a connaissance après coup de tels cas qu'elle peut faire respecter l'art. 8 de la loi sur la monnaie en portant plainte (en vertu de l'art. 9 loi sur la monnaie). Le nombre des violations insoupçonnées (et non poursuivies, par conséquent) doit être élevé.

Il convient donc de renoncer entièrement à l'autorisation obligatoire concernant l'importation et la fabrication d'objets imitant la monnaie. La protection du public sera assurée par une nouvelle norme pénale. Par analogie avec la norme pénale actuelle concernant la reproduction et l'imitation de billets de banque ou de timbres officiels de valeur sans intention frauduleuse (art. 327 CP36), elle n'interviendra que si la ressemblance d'un objet avec de la monnaie crée un risque de confusion (voir plus loin, ch. 253), ce qui accentue la responsabilité personnelle du fabricant ou de l'importateur. Evaluer si son produit compromet la sécurité des opérations en numéraire fait désormais partie de ses obligations de circonspection.

23 231

Régime des billets de banque Remarques préliminaires

La section III de la loi sur la Banque nationale (émission, couverture, remboursement et rappel des billets de banque) devient largement caduque à la suite de la refonte du système monétaire. Les dispositions restantes formaient déjà un corps relativement étranger dans la loi sur la banque d'émission. Il s'agit de prescriptions à caractère largement technique, qui peuvent être intégrées sans grande modification matérielle dans la loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement. Reprises sous 36

RS 311.0

6553

le titre de «Régime des billets de banque», ces clauses sembleront faire écho, dans la nouvelle loi, à celles concernant les espèces métalliques. On trouvera ci-dessous des explications au sujet de l'abrogation de dispositions de la LBN et des transferts dans la LUMMP.

232

Abandon de la couverture obligatoire des billets en circulation (art. 19 LBN)

La mise à jour de la constitution fédérale rend caduc l'ancien art. 39, al. 7, cst., qui exigeait que la contre-valeur des billets de banque émis devait être couverte «par de l'or et des avoirs à court terme». La couverture or et avoirs à court terme des billets émis était régie jusqu'ici par l'art. 19, al. 1, LBN, tandis que l'al. 2 du même article précisait encore que la couverture-or devait s'élever à au moins 25 % des billets en circulation37. Sous le régime du nouvel article constitutionnel sur la monnaie, il n'est plus nécessaire que la loi fixe la couverture des billets en circulation.

Il ne s'agit certes pas de négliger le fait que, sous le régime de l'étalon-or, la «couverture de la valeur réelle» des billets émis jouait un rôle important pour instaurer la confiance. Dans un système monétaire moderne, toutefois, cette obligation tournerait à vide. D'une part, ne soumettre qu'une partie de l'argent d'origine bancaire, à savoir les billets, à la couverture obligatoire, n'est guère logique38. D'autre part, la couverture ­ même complète ­ de tout l'argent bancaire (billets et avoirs à vue) par des réserves monétaires (or, devises, moyens de paiement internationaux) ne pourrait empêcher la banque centrale de créer trop de monnaie que si la valeur extérieure de celle-ci était fixée39. L'art. 99, al. 3, cst., censé représenter l'équivalent de l'ancien art. 39, al. 7, cst., joue le rôle de norme propre à susciter la confiance. Il stipule que la BNS constitue les réserves monétaires requises pour accomplir sa mission, une partie de ces réserves devant consister en or. La disposition constitutionnelle devra être développée dans une loi, mais, pour respecter la systématique proposée, dans celle sur la Banque nationale (voir plus haut, ch. 132) plutôt que dans celle sur l'unité monétaire et les moyens de paiement. La nouvelle clause pourrait être insérée dans la LBN soit après l'énumération des opérations de la BNS, soit dans la section concernant la reddition des comptes40.

233

Abandon des dispositions concernant le remboursement obligatoire et la parité-or (art. 20 à 22 LBN)

A la suite de l'abrogation de l'art. 39, al. 6, cst., (obligation de la BNS de rembourser les billets), les art. 20 à 22 LBN deviennent caducs. Pour les art. 21 et 22 LBN, point n'est besoin de longues explications. Le «taux monétaire légal» (art. 21 LBN) 37

38 39 40

Lors de la modification du 20 juin 1997 de la loi sur la Banque nationale, l'imputation des avoirs à court terme a été adaptée à la modification des opérations de la BNS, et la couverture-or ramenée de 40 à 25 %. Cf. message du 17 mars 1997 relatif à la révision la loi sur la Banque nationale, FF 1997 II 889.

Cf. Giovanoli (note 11), p. 108 et les références citées.

Message concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998 3529.

L'Autriche connaît une disposition générale ciblée concernant le maintien de réserves monétaires (§ 62, al. 2, OeNBG): «La Banque nationale d'Autriche est tenue de maintenir des réserves d'or et de devises au niveau nécessaire pour régler les opérations de paiement avec l'étranger et pour défendre la valeur de la monnaie».

6554

et la «parité prescrite par la loi» (art. 22 LBN) sont des dispositions caduques (voir plus haut, ch. 211). Le cas fictif de «perturbations de la situation monétaire»41, qui formait la base juridique du cours légal des billets de banque42 (art. 22 LBN), est remplacé par l'état normal, défini aux art. 2 et 3 projet de LUMMP (voir plus haut, ch. 213).

Quant à l'art. 20 LBN, qui astreignait la BNS à accepter en tout temps ses propres billets à leur valeur nominale, soit en paiement, soit «pour former des dépôts en compte», il n'avait de sens que dans le cadre du remboursement obligatoire. La possibilité d'ouvrir des comptes de dépôt auprès de la BNS était censée confirmer le statut des billets de banque en tant que substitut monétaire. Le législateur de naguère envisageait par exemple les cas ­ régis jusqu'ici par l'art. 21 LBN ­ où le siège de Zurich ou les succursales de la BNS n'auraient pas disposé d'assez de pièces ou de lingots d'or pour échanger les billets contre de l'or. Les billets devaient pouvoir être déposés à la BNS jusqu'à l'arrivée de l'or manquant43. Dès que les billets de banque deviennent eux-mêmes des moyens de paiement légaux, il n'y a plus de raison de devoir les accepter «pour former des dépôts en compte». Il va de soi, en revanche, que la BNS est tenue de reprendre les billets non utilisés à leur valeur nominale, sans limitation de la somme (contre d'autres billets ou pièces de monnaie).

L'obligation d'échanger en tout temps les billets de banque peut être réglée à la section 3 de la loi, par analogie avec l'art. 5, al. 1, projet de LUMMP (voir plus bas, ch. 235).

234

Indépendance fonctionnelle de la BNS dans l'exercice du monopole des billets (art. 18 et 24, al. 1, LBN)

Selon l'art. 99, al. 2 (1re partie), cst., la Banque nationale suisse assume sa mission «en qualité de banque centrale indépendante». Un de ses devoirs primordiaux est d'exercer le monopole des billets. Dans l'esprit de la constitution, l'indépendance de la banque centrale signifie que cette dernière doit pouvoir remplir sa mission sans recevoir d'instructions du gouvernement ou des Chambres (indépendance dite fonctionnelle)44.

Dans le domaine du monopole des billets, l'indépendance fonctionnelle de la BNS est actuellement restreinte légèrement par deux dispositions de la loi sur la Banque nationale. D'après l'art. 18 LBN, la valeur nominale des billets à émettre doit être approuvée par le Conseil fédéral45. D'autre part, en vertu de l'art. 24, al. 1, la Banque nationale ne peut rappeler des coupures, types et séries de billets qu'avec l'approbation du Conseil fédéral. Ces deux clauses sont essentiellement d'ordre technique. Depuis l'existence de la BNS, il n'est d'ailleurs jamais arrivé que le Conseil fédéral n'approuve pas intégralement les requêtes correspondantes du conseil de banque (art. 43, ch. 7 et 9 LBN). Ces compétences du Conseil fédéral en matière de billets ne sont en tout cas pas indispensables pour la participation de la 41 42 43 44 45

Au sujet de ce terme, cf. Schürmann, Kommentar NBG, art. 22, notice 5.

Voir Junod, Commentaire cst., art. 38, notice 5; art. 39, notices 3, 66.

Sur tout ce sujet, cf. message du 23 octobre 1894 concernant la loi relative à l'exécution de l'article 39 de la constitution fédérale, FF 1894 IV 113.

Message du 27 mai 1998 concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998 3523.

Les lois antérieures sur la Banque nationale précisaient même explicitement les coupures à émettre: Schürmann, Kommentar NBG, art. 18, notice 1.

6555

Confédération à l'administration de la BNS (art. 99, al. 2, 2e partie, cst.). L'exercice exclusif du monopole des billets par la banque d'émission déchargera administrativement le gouvernement et renforcera la fonction de tutelle des autorités bancaires.

C'est pour cette raison qu'il convient de renoncer à reprendre tel quel l'art. 18 LBN dans la section 3 de la LUMMP et d'adapter la disposition sur le rappel des billets de banque (voir ci-dessous, ch. 237).

235

Compétences de la Banque nationale en matière de billets et d'opérations en numéraire (art. 7 projet de LUMMP)

L'art. 7, al. 1, projet de LUMMP, traite en détail l'émission des billets par la BNS (pour le principe: art. 2, let. b, projet de LUMMP). Le libellé correspond à peu de choses près à celui de l'art. 17, al. 1, LBN, mais est complété par l'attribution à la BNS de la compétence de fixer la valeur nominale et l'aspect des billets. Jusqu'ici, le Conseil fédéral devait approuver la valeur nominale des billets (voir plus haut, ch. 234), et la Banque nationale fixait leur aspect. Cette disposition fait écho à l'art. 4, al. 2 à 4, projet de LUMMP en matière d'espèces métalliques. Elle n'habilite pas seulement la BNS, mais l'astreint à émettre des billets de banque «selon les nécessités du trafic des paiements»46. Le complément de l'art. 17, al. 1, LBN, en vertu duquel la BNS «est seule responsable de ces billets», provient de la loi sur la Banque nationale de 1905 et était lié au remboursement obligatoire. Il fallait éviter à tout prix que la Confédération doive assumer le remboursement en métal précieux des billets de banque. Du moment que les billets de banques deviennent moyens de paiement ayant cours légal, cette disposition perd sa raison d'être.

L'al. 2 de l'art. 7 projet de LUMMP reprend matériellement la première proposition de l'art. 20 LBN (voir plus haut, ch. 233.). L'art. 5, al. 1, projet de LUMMP en matière d'espèces métalliques, ainsi que l'art. 7, al. 1 et 2, projet de LUMMP, concrétisent la tâche de la BNS définie dans la LBN, à savoir faciliter les opérations de paiement.

L'al. 3 de l'art. 7 projet de LUMMP est identique au libellé de l'art. 23, al. 1, première phrase, LBN. Du point de vue systématique, l'obligation faite à la BNS de retirer de la circulation les billets usés ou détériorés, donc de veiller à la «propreté» des billets mis à la disposition du public, fait partie de l'article régissant la circulation des billets (art. 7 projet de LUMMP) et non de celui régissant le dédommagement (art. 8 projet de LUMMP).

L'al. 4 de l'art. 7 projet de LUMMP ne figurait pas jusqu'ici dans la loi sur la Banque nationale. La BNS se voit attribuer désormais la compétence d'édicter des dispositions sur les modalités, le lieu, le jour et l'heure des livraisons et des retraits de billets effectués chez elle. Cette disposition répond à l'art. 5, al. 4, projet de LUMMP, pour les espèces métalliques
(voir plus haut, ch. 222). Comme pour ces dernières, le comportement des banques, des transporteurs de fonds et de la Poste en matière de billets peut entraîner des variations considérables de l'occupation des services de caisse de la BNS. La BNS doit donc pouvoir réagir aux modifications sensibles et subites des flux de numéraire par des consignes techniques qui ajustent ­ du moins provisoirement ­ la livraison et le retrait de billets de banque en fonction des capacités disponibles. La clause de délégation de l'art. 7, al. 4, projet de 46

Cf. Schürmann, Kommentar NBG, art. 17, notice 2.

6556

LUMMP, décrit suffisamment clairement le but de la mesure («assurer l'approvisionnement en numéraire») et la limite à un domaine précis («les livraisons et les retraits de billets»).

236

Remboursement obligatoire par la BNS (art. 8 projet de LUMMP)

L'art. 8 projet de LUMMP régit les conditions auxquelles la BNS est tenue de rembourser un billet détérioré. C'est le cas si la série à laquelle il appartient et le numéro peuvent être reconnus et que le porteur en présente un fragment plus grand que la moitié ou fournit la preuve que la partie manquante a été détruite (al. 1). Il s'agit là d'une clause très importante pour le public, qui a donc sa place dans une loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement. En ce qui concerne la protection de la BNS, il est important de mentionner que cette dernière n'est tenue à aucun dédommagement pour les billets détruits, perdus, falsifiés ou contrefaits (al. 2).

Les deux alinéas de l'art. 8, projet de LUMMP sont identiques à l'art. 23, al. 1 (deuxième phrase) et al. 2, LBN. Ces dispositions figurent dans la loi sur la Banque nationale depuis 195347 et ont fait leurs preuves.

237

Rappel des billets de banque par la BNS (art. 9 projet de LUMMP)

Dans l'état actuel des connaissances et expériences, les séries de billets doivent être remplacées tous les quinze ou vingt ans; d'une part le risque de falsification augmente, de l'autre l'évolution technologique met à disposition de nouveaux procédés de sécurité. Il peut également arriver qu'un seul type de billet ou que le tirage d'un certain billet se révèle inadapté à l'usage. Il faut donc régler le rappel des billets pour tous ces cas. Les billets rappelés ne sont plus des moyens de paiement légaux.

L'obligation de les accepter n'existe plus que pour les caisses publiques de la Confédération et la BNS, avec des délais échelonnés.

A une exception près, les quatre alinéas de l'art. 9 projet de LUMMP correspondent à l'art. 24 LBN. A l'al. 1 de l'art. 9 projet de LUMMP, la tournure «avec l'approbation du Conseil fédéral» disparaît, ce qui fait que le rappel des billets relève de la compétence exclusive de la BNS (voir plus haut, ch. 234).

Comme le faisait jusqu'ici l'art. 24, al. 4, LBN, l'al. 4 de l'art. 9 projet de LUMMP adjuge la contre-valeur des billets non retournés dans les délais au «Fonds suisse de secours pour dommages non assurables causés par des forces naturelles». En principe, il serait aussi concevable d'attribuer ce montant à une cause d'utilité publique déterminée par le Conseil fédéral ou la Banque nationale. Pareille disposition aurait cependant l'inconvénient d'obliger le législateur à créer une clause de délégation au contenu un peu vague. Le Fonds suisse de secours pour dommages non assurables causés par des forces naturelles est en outre une fondation placée sous la surveillance de la Confédération, dont les objectifs statutaires («atténuer les cas de détresse provoqués par des catastrophes naturelles contre lesquelles il n'est pas possible de s'assurer pour le moment») sont reconnus très généralement. A part les 47

Schürmann, Kommentar NBG, art. 23, notice 1.

6557

versements de la BNS en vertu de l'art. 24, al. 4, LBN, ce Fonds est alimenté par des contributions des cantons, collectivités et particuliers, des dons de la Confédération, des collectes, des donations et les intérêts de ses capitaux. La direction du Fonds est assumée par une commission administrative de cinq personnes; trois de ses membres sont désignés par la Société suisse d'utilité publique (fondatrice), deux par le Conseil fédéral. Le Conseil fédéral a donc un droit d'intervention indirect quant à l'utilisation des fonds. Pour toutes ces raisons, il est justifié de continuer à verser au Fonds suisse de secours pour dommages non assurables causés par des forces naturelles la contre-valeur des billets non échangés dans les délais, laquelle représente une source ­ importante ­ de financement.

24

Avoirs à vue auprès de la Banque nationale suisse (art. 10 projet de LUMMP)

Les tâches, instruments et organisation de la Banque nationale suisse sont régis par la loi sur la Banque nationale48. C'est là aussi que sont décrits les moyens contractuels que la BNS peut engager pour faciliter les opérations scripturales (art. 14 LBN, ch. 6 à 8). Il est toutefois dans l'intérêt de la transparence que les agents du trafic des paiements aient la possibilité, grâce à la loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement, de constituer des avoirs à vue en francs auprès de la BNS (art. 10, al. 1, projet de LUMMP). Les banques et certaines de leurs entreprises communes, de même que les grands courtiers en valeurs mobilières et la Poste, effectuent en effet un volume considérable de paiements par l'intermédiaire de la BNS. Pour ces agents du trafic des paiements sans numéraire, la sécurité du droit sera renforcée si les avoirs à vue auprès de la BNS servent de moyen de paiement légal pour les transactions qu'ils effectuent entre eux. L'accès aux avoirs à vue auprès de la BNS facilite en outre les livraisons et les retraits de billets et de pièces des entreprises qui assument le transport et le traitement des espèces. La périphrase «agents du trafic des paiements» signifie que la BNS n'est pas tenue d'ouvrir des comptes de virement pour les particuliers ou les entreprises qui ne sont pas des intermédiaires financiers ni ne jouent un rôle prépondérant dans les opérations de paiement (sur le plan suisse ou international).

En se fondant sur la loi qui la régit, la BNS fixera les conditions auxquelles des avoirs à vue peuvent être constitués et détenus chez elle. Elle devra toutefois veiller à instaurer dans son règlement d'affaires des critères inattaquables, du point de vue constitutionnel, pour l'ouverture d'un compte de virement. Il est vrai que la désignation des avoirs à vue auprès de la BNS comme moyens de paiement ayant cours légal (art. 2, let. c, et art. 3, al. 3, projet de LUMMP) ne change rien au fait que l'ouverture et la tenue, par la BNS, d'un compte de virement reste une opération de droit privé. Mais même dans ses activités contractuelles, la BNS est tenue de respecter l'esprit des dispositions constitutionnelles. Selon le Tribunal fédéral, elle ne peut, «en tant que sujet du droit privé, accorder des droits ou imposer des obligations de façon inéquitable ou arbitraire»49.

48 49

RS 951.11 ATF 109 Ib 155.

6558

25 251

Dispositions pénales (art. 11 et ch. 3 annexe projet de LUMMP) Généralités

Il convient de profiter de la création d'une loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement pour regrouper et ordonner les normes pénales protégeant les pièces et les billets, ainsi que pour harmoniser la terminologie. Dans le détail, on distinguera: ­

la protection pénale de l'exercice illimité du monopole de l'argent liquide;

­

celle de la sécurité des opérations en numéraire, et

­

celle de la conservation de moyens de paiement authentiques, dans l'intérêt du droit patrimonial.

252

Protection des monopoles de l'argent liquide de la Confédération

La Confédération doit pouvoir exercer sans l'intervention de tiers son monopole sur les espèces métalliques, la Banque nationale le sien sur les billets. Ce principe a la même valeur pour les deux monopoles.

Le monopole des billets de la BNS était protégé jusqu'ici par l'art. 65 LBN, qui sanctionnait de prison ou d'amende l'émission et la mise en circulation de «billets de banque ou de toute autre monnaie fiduciaire». Etant donné qu'en vertu des dispositions constitutionnelles révisées sur la monnaie figurant à l'art. 99, al.1, cst., les «autres formes de monnaie fiduciaire» ne tombent plus sous le monopole des billets, la protection pénale du monopole ne peut plus se rapporter qu'aux billets de banque.

Jusqu'ici, le monopole de la Confédération sur les espèces métalliques était protégé par l'art. 9 de la loi sur la monnaie, car la fabrication ou l'importation sans autorisation d'objets dont la frappe, le poids ou les dimensions étaient semblables à ceux des espèces métalliques en cours étaient sanctionnées de prison. La norme pénale de l'art. 9 de la loi sur la monnaie devient caduque sous cette forme puisque l'autorisation obligatoire de la fabrication et de l'importation des imitations de monnaie disparaîtra (voir plus haut, ch. 224).

L'art. 11, al. 1, projet de LUMMP garantit une protection pénale uniforme du monopole d'émission des espèces métalliques et des billets de banques en francs suisses. L'objet principal de cette protection est le terme de franc suisse en tant qu'unité monétaire du pays. L'émission et la mise en circulation d'espèces métalliques et de billets de banque en francs suisses doivent être punissables, qu'il y ait risque de confusion avec des moyens de paiement authentiques (voir plus loin ch. 253) ou que le coupable agisse dans une intention frauduleuse (voir ch. 254). Les objets semblables à la monnaie dont la valeur nominale est exprimée en francs suisses et qui pourraient être utilisés abusivement comme moyen de paiement ne sont par conséquent plus admissibles du point de vue de la protection du monopole. Cette règle doit également s'appliquer si des indications, prévoyant un échange (le cas échéant limité dans le temps et dans l'espace) contre de la marchandise ou des moyens de paiement légaux, figurent à un endroit quelconque de ces objets. La violation du monopole des billets ou de celui des espèces métalliques sera passible de prison ou

6559

d'amende, ce qui en fait un délit (art. 9 CP)50. N'est punissable que le délit intentionnel (art. 18 CP). Les infractions contre les monopoles de l'argent liquide sont soumises à la juridiction fédérale (art. 11, al. 2, projet de LUMMP = art. 65, al. 3, LBN, et art. 9, al. 3, loi sur la monnaie).

253

Protection des opérations en numéraire

A l'heure qu'il est, la confiance du public dans la sécurité des opérations de paiement est assurée, en ce qui concerne les billets de banque, par l'art. 327 CP, et ­ indirectement ­ par l'art. 9 de la loi sur la monnaie en ce qui concerne les espèces métalliques. L'art. 327 CP (reproduction et imitation de billets de banque et timbres officiels de valeur sans dessein de faux) est censé empêcher que des imitations de moyens de paiement ne circulent et ne créent ainsi un risque de confusion51. Il s'agit d'une norme pénale concernant une contravention, qui complète les délits de falsification traités aux art. 240 ss CP. La différence est justement l'absence ou la faute de preuve de l'intention frauduleuse, c'est-à-dire de la tromperie consistant à faire passer une imitation pour un moyen de paiement officiel52.

L'art. 9 de la loi sur la monnaie (fabrication et importation non autorisées d'objets semblables aux espèces métalliques) disparaît du fait que le législateur renonce à exiger l'autorisation obligatoire (voir plus haut, ch. 224). La garantie de la fiabilité des opérations en monnaie doit donc être assurée par une nouvelle norme pénale qui complète les délits de falsification. Du point de vue du bien juridique protégé, la parenté avec l'art. 327 CP est manifeste.

Du point de vue systématique, il paraît donc logique d'élargir la norme pénale de l'art. 327 CP de telle façon qu'elle inclue aussi la personne qui, sans intention frauduleuse, fabrique des objets ressemblant aux espèces métalliques et suscite ainsi un risque de confusion. Toutefois, le maintien de cette clause dans le titre dix-neuvième «Contraventions à des dispositions du droit fédéral» n'est pas satisfaisant. D'une part, l'effet préventif d'une simple contravention au sens du CP (emprisonnement ou amende jusqu'à 5000 francs) est insuffisant par rapport aux intérêts économiques mis en jeu par l'imitation de billets et de pièces, à des fins publicitaires, par exemple. D'autre part, le délai de prescription très bref (un an, d'après l'art. 109 CP) ne permet guère de poursuivre le coupable à temps, étant donné qu'il s'écoule souvent un certain temps entre l'action punissable et sa découverte.

L'acte élargi d'imitation de «billets de banque, pièces de monnaie ou timbres de valeur, sans intention frauduleuse» doit donc être conçu
comme un délit.

L'incorporation de cette norme pénale dans les délits de falsification des art. 240 ss CP paraît judicieux, vu que l'acte (imiter de l'argent ou des timbres de valeur) correspond au délit traité à l'art. 240 CP. Ce système a en outre l'avantage qu'en vertu de l'art. 340, ch. 1, par. 5, CP, le nouvel acte tombe sous la juridiction fédérale sans qu'il faille le mentionner explicitement. Le déplacement de l'art. 327 CP élargi est 50 51

52

Trechsel Stefan, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd., Zurich 1997, art. 9, notices 1­3.

Rehberg Jörg, Strafrecht IV, Delikte gegen die Allgemeinheit, 2e éd., Zurich 1996, p. 458 s.; Raggenbass Marc, Strafrechtlicher Schutz von Banknoten, Der revidierte Tatbestand gemäss art. 327 CP, SJZ 92 (1996) p. 57 s.

Rehberg (note 51), p. 460; Raggenbass (note 51), p. 62. A propos de la concurrence des normes entre l'art. 327 CP et les art. 240, 242 CP, cf. Raggenbass (note 51), p. 62/3.

6560

compatible avec le titre dixième «Fausse monnaie, falsification des timbres officiels de valeur, des marques officielles, des poids et mesures». La différence avec les délits de falsification proprement dits apparaît de manière suffisamment claire si l'on reprend le titre marginal de l'art. 327 CP «. . . sans dessein de faux». L'abrogation de l'art. 243 CP (voir plus loin, ch. 254) créant une lacune dans le titre dixième du code pénal, l'article proposé «Imitation de billets de banque, de pièces de monnaie ou de timbres officiels de valeur, sans dessein de faux» prendra le numéro 243.

En ce qui concerne la forme du nouvel art. 243 CP, il faut d'abord souligner que, contrairement à l'art. 327 CP, il est superflu de nommer explicitement les billets, pièces ou timbres de valeur «suisses ou étrangers». Selon l'art. 250 CP, en effet, les dispositions du titre dixième (livre deuxième) s'appliquent aux monnaies, au papiermonnaie, aux billets de banque et aux timbres de valeur étrangers. Le nouvel art.

243 CP devra en outre préciser le risque de confusion. Etant donné la multiplication rapide des distributeurs d'argent dans les opérations courantes, les sanctions en matière d'imitation doivent s'appliquer dès qu'il y a risque de confusion «par des personnes ou des appareils» avec des billets authentiques ou avec des pièces en circulation (al. 1, par. 1 et 2). Les objets semblables à la monnaie risquent d'être confondus avec des monnaies du pays en circulation lorsque leur frappe, leur poids ou leurs dimensions sont semblables à ceux de ces monnaies. Il y a également un risque de confusion lorsque l'objet incriminé présente des caractéristiques d'une frappe officielle. L'indication d'une valeur nominale (unité monétaire combinée à un chiffre) constitue un exemple typique d'une telle caractéristique. En plus de la désignation en tant que franc suisse, une valeur nominale étrangère peut également avoir de l'importance du point de vue pénal si, conjointement avec l'aspect d'un objet semblable à la monnaie, elle contribue au risque de confusion. Outre l'imitation d'argent pouvant créer la confusion, il faut aussi en sanctionner l'importation, la mise en vente ou la mise en circulation (al. 1, par. 4); la désignation des actes complémentaires correspondra ainsi largement à celle des délits de falsification
(art.

242 et 244 CP).

L'insertion, dans le titre dixième (livre deuxième) du CP, de la norme pénale sur les imitations d'argent ou de timbres de valeur sans intention frauduleuse exige l'extension correspondante de la confiscation (art. 249 CP). L'art. 249 CP sera complété d'un second alinéa qui permette de confisquer, rendre inutilisables ou détruire les billets de banque, les pièces de monnaie et les timbres officiels de valeur reproduits, imités ou fabriqués qui créent un risque de confusion (remplaçant l'actuel art. 327 CP, ch. 3).

Sur le plan formel, les modifications des art. 243 et 249 CP, ainsi que l'abrogation de l'art. 327 CP, peuvent être réglées dans une annexe à la loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (ch. 3 annexe du projet de LUMMP).

254

Protection de l'authenticité des moyens de paiement

Les normes sur lesquelles se fondent les éléments constitutifs des infractions mentionnées dans les art. 240, 242 et 243 CP interdisent de falsifier l'argent (espèces métalliques, papier-monnaie ou billets de banque), de le mettre en circulation ou de le déprécier. La caractéristique du délit est l'intention de mettre en circulation de l'argent prétendu authentique. L'art. 241 CP punit la falsification de la monnaie (authentique), l'art. 244 l'importation, l'acquisition ou la prise en dépôt d'argent 6561

faux ou falsifié. Le bien protégé est le droit patrimonial de recevoir des moyens de paiement authentiques. Est considéré comme de l'argent au sens des dispositions mentionnées tout moyen de paiement désigné comme porteur de valeur par un Etat reconnu en droit international ou par une instance habilitée par ce dernier53.

D'après l'actuel art. 243 CP, est punissable «celui qui, dans le dessein de les mettre en circulation pour leur pleine valeur, aura déprécié des monnaies en les rognant, en les limant, en les soumettant à un procédé chimique ou par tout autre moyen». Le chef d'accusation de la dépréciation de la monnaie suppose un système monétaire dans lequel circulent des pièces de métal noble, de valeur égale à une certaine quantité de ce métal. Dans le régime actuel, où des pièces de billon de moindre valeur servent de moyens de paiement légaux, cette norme pénale n'a aucun sens. Les commentateurs lui contestent d'ailleurs toute valeur pratique54. Pour protéger les monnaies commémoratives ou de thésaurisation en métal noble, la norme pénale de l'art. 155 CP (falsification de marchandises) suffit. Aussi convient-il d'abroger intégralement l'art. 243 CP (dépréciation de la monnaie). Sa suppression nécessite l'adaptation correspondante des art. 244 et 249 CP (al. 1 nouveau). Il paraît opportun de le faire également dans l'annexe de la loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (ch. 3 annexe projet de LUMMP).

Il ne serait pas non plus indiqué de reprendre dans la nouvelle loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement l'art. 10 de la loi actuelle sur la monnaie («Les dispositions du code pénal suisse régissant la protection des monnaies s'appliquent également aux anciennes pièces d'or d'une valeur nominale de 10, 20 et 100 francs»). Cette disposition implique le recours à la monnaie courante en or, notion particulièrement désuète depuis l'abandon de la parité-or du franc aux niveaux légal et constitutionnel (voir plus haut, ch. 211). Pour protéger ces anciennes pièces d'or, l'art. 155 CP (falsification de marchandises) suffit. La protection pénale de l'authenticité définie aux art. 240 à 244 CP reste limitée aux moyens de paiement ayant cours légal (suisses et étrangers).

26

Abrogation et modification du droit en vigueur (annexe du projet de LUMMP)

La nouvelle loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement remplace la loi actuelle sur la monnaie et de nombreuses dispositions de la loi sur la Banque nationale. La loi sur la monnaie est entièrement abrogée (ch. 1 annexe du projet de LUMMP). Les dispositions abrogées de la loi sur la Banque nationale sont énumérées sous ch. 4 de l'annexe du projet de LUMMP. La section III de la loi sur la Banque nationale (art. 17 à 24 LBN) est remplacée par la section 3 de la LUMMP (voir plus haut, ch. 231). Les compétences du Conseil fédéral en matière d'approbation, mentionnées aux articles 17 à 24 LBN, qui ne sont pas reprises dans la LUMMP (voir plus haut, ch. 233 et 234), figurent aussi à l'art. 63, ch. 2, let. d, e et f, où elles doivent également être abrogées. L'art. 64, al. 1, LBN, qui ne comprend qu'un renvoi aux normes pénales du CP, est superflu; le même art. 64, al. 2, LBN, devient caduc suite à la démonétisation de l'or (voir plus haut, ch. 233). L'art. 65 LBN est remplacé par l'art. 11, al. 1, projet de LUMMP (voir plus haut, ch. 252).

53 54

Rehberg (note 51), p. 92, 94.

Cf. Stratenwerth Günter, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II: Straftaten gegen Gemeininteressen, 4e éd., Berne 1995, p. 85; Trechsel (note 48), art. 243, notice 1.

6562

Le ch. 2 de l'annexe du projet de LUMMP modernise l'art. 84 du code suisse des obligations, qui régit l'acquittement des dettes d'argent. La notion archaïque de «monnaie du pays» utilisée à l'art. 84, al. 1, CO, notion qui a suscité une abondante littérature55, est remplacée par la tournure «moyens de paiement ayant cours légal», issue du droit public (art. 2 projet de LUMMP). Les dettes d'argent seront payées avec des moyens de paiement ayant cours légal «dans la monnaie due», ce qui garantit l'application universelle de l'art. 84, al. 1, CO. Si le contrat indique une monnaie qui n'est pas celle du pays du lieu de paiement (art. 84, al. 2, CO), le débiteur conserve le droit d'acquitter la dette en monnaie du pays du lieu de paiement en l'absence de mention explicite de la «valeur effective». Toutefois, le code des obligations redevient compréhensible pour le citoyen du fait qu'à l'art. 84, al. 2, CO, la tournure «monnaie qui n'a pas cours légal dans le lieu du paiement», qui remonte à l'époque de l'Union monétaire latine, est remplacée par «monnaie qui n'est pas la monnaie du pays du lieu de paiement». Une large concordance avec la terminologie de la loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (titre de la section 1, art. 1) est créée simultanément. Le titre marginal de l'art. 84 CO sera à l'avenir «monnaie du pays».

Le ch. 3 de l'annexe du projet de LUMMP énumère les modifications nécessaires du code pénal suisse pour adapter les délits de falsification au nouveau régime monétaire (abrogation de l'art. 243, adaptation des art. 244 et 249 CP) et garantir la fiabilité des opérations monétaires (nouvel art. 243 CP).

3 31

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel Conséquences financières

L'abandon juridique intégral de la parité-or du franc permet à la BNS de réévaluer ses réserves d'or et ­ dans la mesure où les réserves ne doivent plus être constituées d'or ­, de les placer de façon plus rentable. La BNS pourra ainsi à moyen terme distribuer des bénéfices plus importants, qui reviendront à raison d'un tiers à la Confédération et de deux tiers aux cantons (art. 99, al. 4, cst.). Si les conditions du marché l'exigent, les ventes d'or devront être réparties sur une longue période, et l'évolution du prix de l'or est incertaine. Par ailleurs, l'utilisation des réserves d'or qui ne seront plus nécessaires du fait de l'abandon de la parité-or, ne pourra être réglée qu'au terme de la réforme séparée des dispositions constitutionnelles sur la monnaie (voir plus haut, ch. 133). Par conséquent, les revenus supplémentaires de la Confédération et des cantons ne peuvent pas être chiffrés pour le moment.

32

Effets sur l'état du personnel

L'adoption de la loi sur l'unité monétaire et les moyens de paiement n'a pas d'incidence sur les effectifs du personnel fédéral.

55

Cf. Weber (note 10), art. 84, glose 3.

6563

33

Conséquences dans le domaine informatique

En ce qui concerne la Confédération, le projet n'a pas de conséquences dans le domaine informatique.

4

Programme de la législature

Le projet n'a pas été annoncé dans le programme de la législature 1995­1999.

L'abandon de la parité-or du franc sur le plan constitutionnel nécessite cependant l'adaptation correspondante des lois.

5

Relation avec le droit européen et international

Le projet est compatible avec le droit communautaire européen. L'abandon de la parité-or du franc correspond notamment non seulement au droit européen, mais aussi à celui toujours en vigueur dans chaque pays de l'UE.

La suppression de la parité-or du franc tient par ailleurs compte des statuts du Fonds monétaire international (art. IV, section 2b), qui n'autorisent plus, depuis 1978, le recours à l'or pour la fixation des taux de change56. La Suisse est membre du FMI depuis 1992.

6

Constitutionnalité

La constitutionnalité du projet découle de l'art. 99, de l'art. 122, al. 1, et de l'art.

123, al. 1, de la constitution. L'art. 99, al. 1, cst. mentionne notamment la souveraineté monétaire de la Confédération et attribue à cette dernière le monopole d'émission des espèces métalliques et des billets.

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Message du 27 mai 1998 concernant un article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998 3491 s.

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