99.056 La sécurité par la coopération Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000) du 7 juin 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par la présente, nous vous soumettons le Rapport sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000) afin que vous en preniez connaissance.

Parallèlement, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 1999

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97.3350

Création d'un organe central et stratégique d'information de la Confédération (E 29.9.97, Frick; N 8.3.99)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 juin 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4629

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Condensé L'évolution politique et stratégique depuis le tournant de 1989/1990 en Europe, l'évaluation de l'éventail moderne de la menace et nos ressources toujours plus précaires exigent une nouvelle conception de notre politique de sécurité.

Comment la Suisse peut-elle désormais se protéger efficacement, dans l'actuel environnement géostratégique, contre la violence menaçant l'Etat et les conditions d'existence, quelle que soit son origine et bien qu'elle se présente parfois sous de nouvelles formes, notamment transfrontalières? Telle est la question essentielle à laquelle il s'agit de répondre.

Le présent rapport analyse de manière détaillée les dangers et les risques actuels et ceux que l'on peut craindre à l'avenir; il évalue aussi les chances qui découlent des nombreux efforts de la communauté des Etats en faveur de la sécurité de notre continent; il considère enfin nos propres possibilités et limites.

Ces constatations, comparées à nos objectifs et à nos intérêts de politique gouvernementale, caractérisent une stratégie suisse spécifique en matière de politique de sécurité qui peut être résumée sous le titre «La sécurité par la coopération». Pour préserver nos valeurs et pour garantir la protection du pays et de la population, cette stratégie repose sur deux éléments: D'une part, il est question d'une coopération toujours importante, mais plus souple, par rapport à la situation antérieure, entre tous nos moyens civils et militaires destinés à sauvegarder les intérêts en matière de politique de sécurité. Il s'agit de prendre des mesures opportunes et de fixer des priorités sur le plan de la défense.

Cette coopération a pour objectif d'optimaliser les synergies possibles et, au besoin, les capacités d'extension nécessaires. On pourra ainsi renoncer à une préparation permanente onéreuse prévue dans la perspective du cas le plus grave.

D'autre part, la coopération avec les organisations internationales de sécurité et les Etats «amis» doit être renforcée pour aider, au moyen d'une collaboration mutuelle et complémentaire, à garantir la stabilité et la paix dans un contexte plus étendu. Ainsi, non seulement nous renforçons la solidarité que l'on attend de nous, mais nous investissons également dans notre propre sécurité de manière aussi préventive que possible.

Les deux autres options
stratégiques, qui sont souvent évoquées dans la discussion au sujet de la sécurité, soit une manifestation d'indépendance marquée par une autonomie aussi importante que possible ou l'adhésion à une alliance militaire, sont insatisfaisantes tant sur le plan de la politique gouvernementale que sur celui de la politique de sécurité. En effet, elles sont dans l'ensemble trop lacunaires ou ne s'imposent pas impérativement aujourd'hui.

En outre, la réalisation de cette stratégie en matière de coopération implique la maîtrise des trois missions stratégiques déjà mentionnées dans le Rapport 90: la promotion de la paix et la gestion des crises, la prévention et la maîtrise des dangers existentiels, ainsi que la défense. Les points forts ont été réactualisés et renforcés.

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Nous accomplissons ces missions dans le respect de traditions éprouvées aussi longtemps qu'elles répondent à nos besoins actuels et prévisibles en matière de sécurité, mais avec des conceptions et des structures nouvelles, des éléments nouveaux, dans la mesure où ils s'imposent. Nous conservons ainsi notre neutralité traditionnelle en mettant simultanément à profit la marge de manoeuvre que nous accorde le droit de la neutralité. Ainsi, l'ensemble de notre instrument civil et militaire en matière de sécurité est soumis à un contrôle et adapté si nécessaire aux nouveaux besoins au moyen d'un processus de réforme. L'armée notamment conserve le principe du système de milice, mais certains éléments seront soumis à la professionnalisation qu'exigera immanquablement la nouvelle forme de la mission.

La présente conception est la condition impérative pour l'organisation et le but de tous ces travaux.

Des innovations seront également nécessaires dans le domaine de la conduite stratégique. Les cantons assumeront notamment une responsabilité supplémentaire dans le domaine de la protection de la population. Le Conseil fédéral, qui reste l'autorité suprême en matière de politique de sécurité, s'assurera l'appui d'un organe permanent, l'Organe de direction pour la sécurité, dans lequel tous les domaines stratégiques importants seront représentés et où la coordination en matière de service de renseignements sera notamment assurée. Au nombre des tâches de cet organe, mentionnons notamment le contrôle périodique de cette stratégie selon l'importance de nouveaux dangers et d'autres développements importants en matière de politique de sécurité.

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Rapport 1

Introduction

Depuis la fin de la guerre froide, des tendances déjà reconnaissables à l'époque, mais encore incertaines, ont poursuivi leur évolution. Les menaces, les dangers et les risques se sont précisés. De nouvelles chances se sont offertes pour encourager la stabilité, la sécurité et la paix. L'évolution sociale s'est affirmée. Par conséquent, la pression en faveur de changements et de réformes dans la politique de sécurité s'est accrue, principalement pour l'armée et pour la protection de la population. Même si le présent rapport doit constituer le fondement des projets de réforme dans ces deux domaines, l'analyse de la situation et les besoins d'action ne sont pas pour autant exclusivement limités à ces deux instruments de la politique de sécurité. La politique de sécurité est une tâche interdisciplinaire impliquant la participation de l'Etat, de l'économie et de la société au niveau de la Confédération, des cantons et des communes. Seule une analyse globale fondée sur une notion large de la sécurité permet de définir la mission, la position et l'importance des différents instruments de la politique de sécurité et d'établir entre eux des rapports réciproques concrets.

Dès lors, il est possible d'éviter que la force normative des acquis et la question des ressources jouent un rôle préjudiciable pour la définition de la politique de sécurité.

Seuls les principes les plus importants de la politique nationale et les intérêts de la Suisse sont des principes inamovibles. Même si des conceptions traditionnelles sont ainsi mises en cause, la politique de sécurité doit être axée sur les défis concrets. Il sera alors possible d'obtenir le consensus national nécessaire.

La définition de la politique de sécurité sur laquelle repose le présent rapport est conforme à l'évolution de la situation. Si le Rapport 90 précisait que la politique de sécurité était «du domaine d'action visant les menaces que font peser les politiques de force», elle est destinée dans le présent rapport à la prévention et à la maîtrise de la violence de portée stratégique, soit de la violence ayant un impact suprarégional, national ou international affectant ainsi des éléments importants de l'Etat et de la société. Il va sans dire que les menaces politico-militaires font toujours partie de la politique de sécurité. La nouvelle définition
permet cependant d'intégrer des menaces et des dangers supplémentaires à l'égard de notre sécurité qui ont, entre-temps, gagné en importance et qui n'ont pas impérativement affaire avec la politique de force militaire, tel que le crime organisé, mais également les catastrophes naturelles et anthropiques. La lutte contre la violence qui n'atteint pas une dimension stratégique a une grande importance pour la sécurité publique. Cette tâche incombe à la politique de sécurité des cantons. Ce sont d'abord les organisations cantonales de la conduite et l'engagement des moyens des cantons qui sont chargés des événements dommageables majeurs ou qui doivent faire face à la violence et à la criminalité qui menacent la sécurité publique. La politique de sécurité des cantons est ainsi étroitement liée à la politique de sécurité de la Confédération, mais elles ne se recouvrent pas entièrement.

Le présent rapport porte également un nouvel accent à travers son titre: «La sécurité par la coopération». En effet, la situation exige une coopération en matière de politique de sécurité tant à l'échelon national qu'avec des Etats étrangers et des organisations internationales. Les défis en matière de politique de sécurité ne peuvent être maîtrisés que si tous les moyens disponibles pour des engagements dans le 6906

pays peuvent être engagés de manière encore plus souple et efficace et si la Suisse met résolument à profit les chances de coopération internationale pour accroître sa propre sécurité lorsqu'elle engage des moyens transfrontaliers, sans pour autant renoncer à sa neutralité.

Le remplacement de la défense générale, issue de la guerre froide, par une coopération globale et souple en matière de sécurité à l'échelon national représente un défi particulier. Grâce à l'évolution de la situation dans le domaine de la sécurité, il existe une importante marge de manoeuvre pour une décentralisation des tâches en faveur des cantons en renforçant simultanément la multifonctionnalité des moyens de la Confédération en matière de politique de sécurité et des instruments de direction.

L'évolution continue exige le contrôle régulier de cette conception. Durant la guerre froide, avec son éventail de menaces, de dangers et de risques, on pouvait présumer qu'un rapport sur la politique de sécurité serait valable pour une période de longue durée. Entre le rapport de 1973 et celui de 1990, le rapport intermédiaire de 1979 s'est révélé amplement suffisant. Depuis, le rythme de l'évolution s'est accru. L'idée directrice de notre stratégie ­ la sécurité par la coopération ­ est cependant suffisamment extensible et souple pour permettre à la Suisse de maîtriser plus facilement les changements rapides et brusques. Si la Suisse profite des chances que lui offre la coopération, elle peut relever avec confiance les défis que lui imposera l'avenir en matière de politique de sécurité.

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La nécessité et le but d'un nouveau rapport

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Qu'est-ce qui a changé depuis 1990?

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L'évolution de notre environnement

Depuis le milieu de ce siècle, la guerre froide a d'abord marqué l'environnement de notre politique de sécurité. Ensuite, la collaboration croissante entre pays autrefois ennemis, en premier lieu en Europe occidentale, l'a également influencée. La fin de la guerre froide a fait naître d'importants espoirs de paix. Tous ne se sont pas réalisés, mais, dans le contexte européen, et dans l'ensemble, notre situation en matière de sécurité s'est améliorée.

La menace militaire conventionnelle avec des conséquences à l'égard de la Suisse s'est considérablement réduite. D'anciens Etats membres du Pacte de Varsovie ont adhéré à l'OTAN et d'autres ont manifesté la même intention. En outre, d'autres pays de l'espace OSCE ont intégré la communauté des valeurs démocratiques et les différentes organisations correspondantes, contribuant à une stabilisation de notre contexte stratégique. La progression de l'intégration européenne a donné à l'Union européenne, dont la substance et l'étendue géographique se sont élargies, la fonction économique et politique la plus importante du continent.

D'autres dangers et risques se manifestent. Des conflits régionaux et des guerres civiles locales ont éclaté et présentent des dangers d'escalade majeurs. La prolifération des armes de destruction massive et des systèmes balistiques se poursuit. Le crime organisé et la mafia de la drogue accroissent leur influence. Le terrorisme et l'extrémisme violent sont des menaces permanentes. Les violations des droits de l'homme, les fractures sociales, la pénurie de ressources et les atteintes à l'envi-

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ronnement engendrent des tendances migratoires et des flux de réfugiés. La vulnérabilité de la société moderne croît régulièrement. Ces menaces et ces dangers, qui sont essentiellement non militaires et dont l'intensité et l'interdépendance sont récentes, ne peuvent être combattus avec succès qu'au moyen de mesures de sécurité multilatérales à long terme.

Ce changement de situation se reflète également dans l'évolution de la collaboration militaire en Europe, notamment au sein de l'OTAN, qui intensifie son effort sur la gestion des crises en dehors du territoire de l'alliance et se concentre moins sur la défense de celui-ci, bien que la capacité de défense y soit maintenue.

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Le développement de la politique de sécurité de la Suisse

Ce développement concerne également la Suisse. Elle partage avec ses voisins et les autres Etats européens les menaces et les dangers, mais également les chances destinées à les maîtriser. Les possibilités de conserver l'autonomie d'une sécurité propre ont chuté non seulement en raison des effets transfrontaliers de nouveaux dangers et risques, mais également en raison de nos limites technologiques et financières. Simultanément cependant, les possibilités de garantir sa sécurité au moyen de la coopération ont augmenté. En Suisse également, on a acquis la conviction que, pour accroître notre propre sécurité et contribuer simultanément à la sécurité et à la paix de manière globale et à l'échelon continental, notre pays devait relever les nouveaux défis dans un effort commun avec les autres pays.

C'est pourquoi, depuis la fin de la guerre froide, le Conseil fédéral a étendu l'engagement international et la coopération internationale dans le domaine de la politique de sécurité. Certes, la mission à caractère autonome de prévention de la guerre et de défense reste en tête des missions de l'armée. Cette situation n'a pas été contestée par la réforme Armée 95 et sa réduction d'un tiers environ des effectifs.

Un certain nombre d'étapes ponctuelles visant à étendre la coopération en matière de politique de sécurité ont cependant clairement annoncé une réorientation des accents.

A partir de 1990, la Suisse a envoyé des observateurs militaires de l'ONU («bérets bleus») au Proche-Orient, en ex-Yougoslavie, en Géorgie et au Tadjikistan. Des observateurs civils de police ont été engagés depuis 1993 en Macédoine, en Afrique du Sud, au Rwanda, au Zaïre, en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. En 1992­1993, la Suisse a mis pour la deuxième fois une unité sanitaire à la disposition de l'ONU, à l'occasion de la mission des Nations-Unies pour le Référendum au Sahara occidental. Depuis 1996, elle soutient la mission de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine au moyen d'une unité logistique, après qu'une participation à l'opération IFOR/SFOR, dirigée par l'OTAN, a été bloquée. En effet, en raison du vote populaire négatif de 1994 concernant les casques bleus, ces troupes de paix ne pouvaient pas être armées.

Par ailleurs, la Suisse met à la disposition de missions internationales, principalement de l'ONU et de l'OSCE, des experts
civils pour la promotion de la paix et la démocratie qui sont parfois engagés pour des périodes de longue durée. Ces experts, dont les mandats sont clairement définis, soutiennent, p. ex. dans des missions de l'OSCE à long terme, la promotion de l'Etat de droit et des droits de l'homme dans les régions en crise ou alors ils exercent une activité d'observateurs des élections.

Le Conseil fédéral a franchi une nouvelle étape significative, notamment sur le plan de la politique de la neutralité, en ce qui concerne l'application de sanctions. Ainsi, 6908

depuis la guerre du Golfe, la Suisse s'est associée de manière autonome aux sanctions économiques de l'ONU à l'égard de plusieurs Etats (outre l'Iraq, notamment la Libye et la Serbie-Monténégro) et elle a apporté son soutien aux mesures militaires autorisées par un mandat du Conseil de sécurité dans le cadre du conflit de Bosnie en accordant à l'OTAN des droits de transit terrestre et aérien. En accord avec les lignes directrices du Rapport 90, la Suisse participe pour la première fois, depuis juillet 1998, à des mesures d'embargo prises par l'Union européenne à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie. En appliquant de manière autonome les mesures imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU et en assurant une participation active à la surveillance du respect des sanctions, la Suisse a pratiquement adopté l'avis généralement admis aujourd'hui, selon lequel les Etats non membres de l'ONU doivent également appliquer les sanctions économiques de l'organisation et que le droit de la neutralité ne s'oppose pas à la participation à des mesures de contrainte imposées par l'organisation et appliquées par l'ensemble de la communauté internationale. La politique de la Suisse en matière d'application de sanctions est définie par ses propres intérêts et est conforme aux exigences de la charte de l'ONU, bien qu'aucune obligation légale ne l'impose.

Une étape importante a été franchie sur la voie de la coopération en matière de sécurité lorsque la Suisse a assumé, en 1996, la présidence de l'OSCE. Cette présidence n'a pas seulement fortement accru notre engagement en faveur de la diplomatie préventive multilatérale. En effet, la Suisse a assumé par ailleurs un partage des responsabilités et des fonctions de direction dans le domaine de la politique de sécurité. Elle a ainsi renforcé son image sur le plan international et la confiance à son égard dans sa capacité à contribuer de manière constructive aux activités des organisations internationales. Une évolution similaire s'était manifestée auparavant auprès de l'ONU, dont le secrétaire général avait nommé, à deux reprises, des Suisses à titre de représentants extraordinaires en leur confiant des responsabilités politiques dans des opérations de maintien de la paix (Sahara occidental et Géorgie).

La Suisse a également renforcé son activité en
participant à des commissions multilatérales de la maîtrise des armements et du désarmement. Après être devenue membre à part entière de la Conférence du désarmement à Genève en 1996, elle en a assumé la présidence l'année suivante déjà. La Suisse participe à tous les accords multilatéraux de contrôle des exportations de biens utilisables à des fins civiles et militaires, notamment à l'Arrangement de Wassenaar, au régime de contrôle de la technologie des missiles, au Groupe d'Australie et au Groupe des pays fournisseurs nucléaires. Elle s'est également activement engagée dans le cadre des négociations sur la Convention sur les armes chimiques et soutient son application. Elle fournit, par exemple, l'un des sept laboratoires de confiance désignés à travers le monde et participe à la formation des inspecteurs. Par ailleurs, elle se porte candidate avec Genève pour le siège d'une nouvelle organisation chargée de surveiller l'accord sur les armes biologiques. La Suisse a également participé activement aux missions de l'UNSCOM en vue de désarmer l'Iraq.

La participation au Partenariat pour la paix (1996), créé par l'OTAN, et au Conseil de partenariat euro-atlantique (1997) ont été des événements marquants dans le développement de la politique de sécurité de la Suisse. L'objectif du partenariat, soit le renforcement des valeurs démocratiques communes et la capacité des partenaires de prendre des mesures visant à consolider la paix, est également conforme aux objectifs de la politique de sécurité de la Suisse. Le bilan des deux premières années montre que les offres de la Suisse dans le domaine de la formation ont rencontré un 6909

vif intérêt malgré l'exclusion provisoire du domaine de coopération en matière de consolidation armée de la paix, et que la Suisse tire également profit des offres de ses partenaires PPP. En outre, elle profite également de sa participation aux échanges de vues réguliers concernant la politique de sécurité à l'échelon des ministres de la défense et des affaires étrangères, ainsi qu'aux rencontres des chefs d'états-majors généraux dans le cadre du Conseil de partenariat euro-atlantique.

En complément au Partenariat pour la paix, la Suisse participe également à des initiatives de coopération régionale (p. ex. en faveur des Etats baltes et dans le cadre de l'initiative autrichienne CENCOOP pour une coopération dans le domaine des opérations de maintien de la paix, notamment dans la région des Balkans).

La Suisse a fondé à Genève deux centres qui lui ont valu une reconnaissance internationale: le Centre de politique de sécurité ­ Genève (1996), qui forme des diplomates, des officiers et des fonctionnaires dans le cadre du Partenariat pour la paix, et le Centre international de déminage humanitaire ­ Genève (1997), qui encourage les actions de déminage humanitaire au moyen d'un réseau électronique de liaisons pour les actions de l'ONU à travers le monde, et par différentes conférences et offres de formation. La Suisse a créé sur Internet le réseau International Relations and Security Network (ISN) pour favoriser la libre circulation d'informations internationales dans le domaine de la politique de sécurité. Au cours des années 90, la recherche pour la paix en Suisse a poursuivi son développement et dispose désormais d'une somme de capacités notamment par l'intermédiaire du Centre de recherches dans les domaines de la politique de sécurité et de l'analyse des conflits de l'EPF de Zurich, de l'Institut universitaire de hautes études internationales à Genève et de la Fondation suisse pour la paix.

A la suite du décloisonnement des marchés, l'approvisionnement économique du pays a étendu au niveau international ses mesures de lutte contre les crises. Une coopération institutionnalisée existe dans le domaine des huiles minérales, au sein du forum offert par l'Agence internationale de l'énergie. Cette organisation vise une maîtrise commune des problèmes d'approvisionnement en engageant ses membres à
maintenir des réserves minimales, à organiser des systèmes différenciés d'approvisionnement en cas de crise et à limiter leur consommation. Des efforts communs en vue d'assurer l'approvisionnement sont également entrepris dans la partie civile du Partenariat pour la paix.

Au cours de ces dernières années, la coopération internationale en matière de police et de sécurité a été élargie et développée dans les limites n'exigeant pas une adhésion à la Convention de Schengen ou à l'Union européenne. On n'est qu'au début de l'examen entrepris en collaboration avec les cantons et destiné à savoir si la répartition des tâches actuelles entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité intérieure est encore opportune, compte tenu des problèmes d'aujourd'hui et principalement de demain.

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Les conséquences essentielles

L'évolution intervenue depuis la publication du Rapport 90 exige un examen de la conception suisse de la sécurité. Compte tenu de la diminution de la menace militaire conventionnelle et de son importance comparativement à d'autres menaces et dangers, la notion de politique de sécurité doit être modifiée, afin qu'elle réponde à la situation actuelle et à ses développements possibles. Dans le présent rapport, la 6910

politique de sécurité doit être comprise comme étant le domaine des activités de l'Etat consacré à la prévention et à la défense contre la menace et le recours à la violence d'importance stratégique, soit la violence susceptible de porter atteinte à des éléments importants de la population et du pays.

Il convient dans ce sens d'adapter les instruments nécessaires à notre politique de sécurité. Sous la notion de défense générale, ces instruments ont été prévus durant la guerre froide de telle manière qu'ils englobaient en détail toutes les possibilités de menaces et de dangers, y compris un conflit armé de grande envergure en Europe.

Les accents étaient principalement mis sur l'armée et la protection civile. La disparition du spectre de la menace de la guerre froide et l'apparition d'un éventail plus large de dangers et de risques diffus et essentiellement non militaires exigent la modification de la conception d'une structure de défense axée sur les événements les plus graves. Cette conception doit être remplacée par une forme de collaboration nouvelle, plus souple, apte à réagir plus rapidement et avec des moyens plus modestes aux défis en mutation. A cet effet, il conviendra de renforcer les moyens ­ notamment ceux de la police ­ destinés à maintenir la sécurité intérieure de la Confédération et des cantons.

La coopération internationale en matière de politique de sécurité est le troisième domaine qui nécessite un examen et une réforme. Les menaces et les dangers actuels et prévisibles, mais également les chances qui s'offrent actuellement, exigent et rendent simultanément possible un renforcement de cette coopération. C'est le seul moyen qui permettra à la Suisse de défendre ses propres intérêts en matière de sécurité et d'influencer de manière constructive le développement de la politique de sécurité de l'Europe. Notre contribution à la sécurité internationale n'est pas seulement l'expression de notre solidarité, mais une partie intégrante de notre politique de sécurité au service de nos propres intérêts.

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Les risques et les chances

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L'éventail des menaces et des dangers

Trois aspects caractérisent l'éventail des menaces et des dangers: la dynamique, la complexité et l'importance réduite de l'espace géographique. L'analyse de l'ensemble des menaces et des dangers doit tenir compte de cette réalité.xxxx

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La diminution des facteurs de menace militaire traditionnelle

Les différents accords dans le domaine de la maîtrise des armements (p. ex. le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, SALT, INF, START, NFE, les conventions sur les armes biologiques et chimiques) ont permis de contrôler partiellement la course aux armements. Mais une réduction durable des capacités dans le domaine des armes de destruction massive et des armes conventionnelles ainsi que de la probabilité de leur engagement n'a été obtenue qu'à la fin de la guerre froide et à la chute de l'Union soviétique. Les délais de préalerte pour des opérations sectorielles avec des moyens conventionnels atteignent plusieurs années.

Cette situation n'est en revanche pas applicable aux armes de destruction massive.

Dans ce cas, il faut tenir compte du danger qu'elles tombent entre les mains de

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groupements non étatiques et qu'elles puissent être engagées lors d'actions terroristes et sans délai de préalerte.

Dans l'ensemble, la fin de la guerre froide a procuré à la Suisse un gain important en matière de sécurité militaire. C'est également valable si l'on considère que des forces armées puissantes existent toujours, que leurs capacités d'extension sont garanties, que des armes de grande efficacité sont modernisées et que de nouveaux moyens de combat sont testés. Contrairement à ce qui s'est passé dans les décennies antérieures, des conflits armés ont à nouveau éclaté en Europe. Cependant, leurs conséquences directes, notamment celles de nature militaire, sont localisées. On ne peut jamais totalement exclure une extension géographique qui engloberait la Suisse. Mais une escalade dégénérant en conflit militaire entre de grandes puissances est peu probable comparativement à la situation durant la guerre froide.

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L'accroissement des conflits intérieurs

La plupart des conflits armés n'ont actuellement plus lieu entre des Etats ou des groupes d'Etats, mais entre la puissance gouvernementale et des groupements au sein du même Etat. Les tensions ethniques, les aspirations sécessionnistes, les inégalités sociales, les différences idéologiques et religieuses, mais également les ambitions politiques de certains groupes ou les efforts d'associations criminelles destinés à saper l'autorité de l'Etat, sont les causes les plus fréquentes de ces conflits. Ces groupes et ces organisations, qui ne se préoccupent pas du bien-être général, mais uniquement de leurs propres intérêts en déstabilisant l'Etat et la société, deviennent souvent puissants dans les cas notamment où les structures de l'Etat tombent dans des crises permanentes et le désordre économique.

Si la communauté internationale ne parvient pas à assurer une gestion des crises suffisante, des litiges locaux peuvent dégénérer en conflits transfrontaliers de grande envergure, impliquant des affrontements armés, des flux de réfugiés, des tensions intérieures dans des pays tiers et des échanges économiques perturbés. Les Etats voisins, mais également géographiquement éloignés, tels que la Suisse, peuvent ainsi subir les conséquences d'un conflit intérieur au sein d'un autre Etat. Une partie des requérants d'asile qui ont été accueillis en Suisse participent depuis notre pays aux conflits qui déchirent le leur en fournissant un soutien logistique et en menant de l'agitation politique. Lorsque des dirigeants de groupes politiques qui combattent les autorités de leur pays résident en Suisse, ils peuvent provoquer des tensions politiques entre la Suisse et leur pays d'origine. Des installations suisses ou étrangères dans notre pays peuvent être la cible de manifestations violentes ou de prises d'otages à des fins de chantage. De violents différends entre des groupes de population étrangers en Suisse ne peuvent pas être exclus. L'Etat de droit qui se défend contre des actions illégales et qui veut empêcher l'utilisation de l'asile à des fins d'actions violentes, peut lui-même être la cible de violences.

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La prolifération des armes de destruction massive et des systèmes d'armes à longue portée

La menace d'une guerre atomique généralisée par l'engagement d'armes de destruction massive est passée au second plan. Cependant, la prolifération nucléaire se 6912

poursuit, en partie grâce aux comportements de certaines puissances nucléaires.

Cette situation fait croître le risque de différends nucléaires régionaux. La sphère d'influence de la Convention d'interdiction des armes chimiques n'empêche pas certains programmes d'armes chimiques de se développer. L'utilisation à des fins militaires de la biotechnologie devient possible pour un nombre toujours plus grand d'Etats. Les missiles balistiques à longue portée prennent de l'importance en tant que vecteurs pour des armes de destruction massive. Les transferts de technologie à partir d'Etats ayant un haut potentiel d'industries d'armement, ainsi que la coopération, ont permis à d'autres Etats d'installer leurs propres industries de missiles.

La possibilité de plus en plus plausible que des armes de destruction massive échappent aux contrôles de l'Etat et tombent entre les mains de groupes terroristes devient particulièrement menaçante.

Sur le plan international, l'éventail des réponses à la menace des armes de destruction massive comprend la dissuasion, les frappes préventives, ainsi que des mesures de défense active et passive. De manière autonome, la Suisse ne peut développer que des mesures de protection passive. Pour assurer une protection au moyen de mesures actives (p. ex. menaces de représailles ou défense antimissiles), elle devrait rechercher la coopération ou l'aide internationale en raison de contraintes technologiques et financières. Cette situation est également valable pour la défense contre les menaces terroristes au moyen d'armes de destruction massive.

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Les restrictions à la liberté des échanges et les pressions économiques

Les mesures économiques de certains pays ou de groupes d'Etats prises pour atteindre des buts économiques, politiques ou militaires, sont des instruments de politique usuels bien connus. Leur éventail est très large. Il comprend les interdictions d'importation et d'exportation ciblées, les discriminations sur les marchés publics ou pour l'attribution de visas, les boycotts de certains secteurs économiques ou les sanctions commerciales sectorielles.

Durant les années 90, l'utilisation de moyens de pression économiques a augmenté.

L'ONU a notamment pris des mesures de contrainte économiques pour restaurer la paix et imposer le droit international. Mais l'Union européenne et les Etats-Unis ont également imposé régulièrement de telles mesures pour réaliser leurs buts économiques ou politiques. Enfin, et particulièrement durant les années 90, certains Etats, notamment des Etats et des villes des Etats-Unis, ont tenté d'imposer des intérêts particuliers au moyen de pressions économiques.

L'effet de telles pressions peut avoir des incidences sur les pays concernés. Pendant longtemps, la Suisse a été touchée par les pressions économiques exercées par d'autres Etats, principalement sous l'influence de tiers. Dans le contexte de la discussion concernant le rôle de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, des attaques politiques importantes et des pressions économiques directes ont été exercées pour la première fois contre des banques et des assurances suisses. A l'avenir, il faut s'attendre également à la possibilité de pressions de ce genre exercées contre la Suisse.

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Les développements économiques, sociaux et écologiques

La tendance, les chances et les risques liés au développement de l'économie mondiale Une mutation fondamentale caractérise le système économique général. Des solutions globales qui, outre des biens, comprennent également des services, le financement, la maintenance et la distribution, remplacent les produits isolés. Les facteurs de production que sont le capital, la technologie et en partie également le travail, sont devenus extrêmement mobiles. La production et le commerce ne se limitent plus guère aux frontières étatiques. La mondialisation ne touche plus seulement les marchés importants de l'information et de la communication, mais également les marchés des biens lourds et des denrées périssables. Les contrats de collaboration et les alliances stratégiques règlent le passage transfrontalier des unités de production spécifique. Des fusions et des alliances sont renforcées par des réseaux généralisés entretenus au sein de différentes entreprises ou établis entre elles.

La dynamique économique mondiale procure une aisance matérielle à de nombreuses personnes, mais elle renferme également des dangers. La grande mobilité du capital à pour revers l'instabilité des marchés financiers, dont les conséquences peuvent déstabiliser dans des délais très brefs des économies entières ou même des régions. La concentration dans le système bancaire international, comme la réticulation des contacts financiers, rendent plus difficile le contrôle du cours extrêmement rapide des transactions et des engagements. Elles renferment ainsi en elles les germes d'une crise financière généralisée. La garantie d'un bon fonctionnement de l'économie mondiale impose des exigences toujours plus élevées à la communauté des Etats. Il importe de plus en plus de trouver des solutions multilatérales pour garantir les conditions économiques générales et, partant, la collaboration régionale et internationale.

Jusqu'ici, de nombreux pays ne sont pas parvenus à s'intégrer dans l'économie mondiale ou alors leur tentative s'est révélée insuffisante. Il y a notamment le groupe des pays en voie de développement les plus pauvres, dans lesquels vit une grande partie de la population mondiale. De profonds problèmes structurels affectent une série d'économies de pays d'Europe de l'Est, dont la maîtrise prendra encore beaucoup de temps. Les
situations économiques d'urgence qui en découlent peuvent dégénérer en crises susceptibles de provoquer des conflits armés ou des migrations forcées. Des situations de crises et de conflits peuvent également résulter d'adaptations structurelles trop hâtives, de privatisations précipitées ou de compétitions effrénées entre les places économiques, si les droits de l'homme ne sont ainsi plus respectés, les besoins de base sociaux plus satisfaits et les ressources naturelles surexploitées.

L'interaction entre la sécurité et le fossé social Bien que les conditions d'existence de nombreuses personnes se soient nettement améliorées au cours de ces dernières années, la pauvreté reste largement répandue; dans les pays en voie de développement, la pauvreté absolue frappe un grand nombre de personnes. Cependant, ce nombre croît également dans une mesure alarmante en Europe de l'Est. Dans ce cas, ce sont les femmes qui sont touchées dans une mesure disproportionnée. Il apparaît que le danger de conflits guerriers est particulièrement élevé dans les pays et les régions dans lesquels d'importantes parties de la population sont marginalisées et où l'investissement dans les groupes de personnes qui disposent d'institutions politiques faibles ou qui souffrent d'une destruction avancée de l'environnement et de pénuries de ressources, est trop limité.

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Les dangers environnementaux généralisés et localisés Jusqu'à présent, les progrès réalisés dans la lutte contre les dangers environnementaux généralisés dans le cadre d'accords et de projets de coopération internationaux ont été modestes. Les atteintes portées à l'environnement augmentent dans le monde comme en Europe, notamment à la suite de l'accroissement du trafic et de la consommation d'énergie. Certes, des catastrophes écologiques généralisées ne nous menacent pas à court terme, mais il sera trop tard de prévoir des stratégies de riposte au moment où les modifications climatiques auront leurs retombées les plus importantes. Des catastrophes écologiques locales, avec des conséquences au niveau régional, peuvent se produire à n'importe quel moment, spécialement en Europe de l'Est. On distingue en principe six domaines de menaces écologiques: la pénurie d'eau, l'érosion du sol, la destruction des forêts, les changements climatiques, l'élévation du niveau de la mer et la pollution de l'environnement par des déchets toxiques et par la libération de substances toxiques et radioactives.

En Suisse, les conséquences pour la sécurité dans le domaine d'interactions économie ­ société ­ environnement n'ont guère été examinées jusqu'ici, notamment en raison de la complexité du sujet. Dans son document stratégique «Le développement durable en Suisse», le Conseil fédéral a annoncé son intention d'examiner de manière approfondie les relations entre la politique de sécurité et le développement durable.

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Les développements technologiques importants en matière de politique de sécurité

A l'avenir également, les développements technologiques exerceront une influence prépondérante sur la sécurité de la Suisse. Il s'agit non seulement du développement des technologies d'armement, mais également de la vulnérabilité et des effets de protection découlant de la diffusion de nouvelles technologies dans l'économie, la société et l'Etat. Parmi la multitude des évolutions technologiques prévisibles, celles qui relèvent des domaines de l'information et des communications provoquent quelques inquiétudes en matière de sécurité. Un deuxième domaine qui mérite une attention particulière est celui des biotechnologies.

L'évolution technologique va provoquer une mutation profonde dans les forces armées et désavantager les armées qui ne pourront suivre cette évolution. Dans l'ensemble, le facteur temps va prendre de l'importance par rapport aux facteurs secteur et forces. On peut s'attendre, en particulier, à de meilleurs moyens d'exploration, à une accélération des processus de décision grâce à des systèmes d'information plus performants, à l'apparition d'armes laser et à micro-ondes, à une nouvelle diffusion de la technologie «stealth» («enveloppes de camouflage»), à l'augmentation de la portée des systèmes d'armes et à une plus grande précision d'engagement. Les engagements auront vraisemblablement de plus en plus lieu avec des moyens sans personnel ou au moins avec des équipages réduits. La tendance visant à remplacer l'affrontement direct de forces armées ennemies à courte distance par le combat à grande distance ou à éliminer des moyens de commandement et pour obtenir ainsi une décision rapide s'affirmera.

Les progrès de la biotechnologie et de la génétique accélèrent également le développement et la diffusion de toxiques de combat biologiques. Dans les conflits de l'avenir opposant les sociétés à forte croissance économique et les pays en voie de 6915

développement, les armes B pourraient jouer un rôle décisif. Comparée à la production d'armes nucléaires ou d'armes chimiques, la fabrication d'armes B est bon marché et simple. Pratiquement l'ensemble de la technologie nécessaire a un caractère à double usage et est disponible sur le marché. Les agents pathogènes utilisés dans la recherche médicale peuvent aussi être obtenus assez facilement. Actuellement, environ dix Etats sont soupçonnés de poursuivre un programme d'armes B.

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La menace contre les infrastructures informatiques et de communication

Les technologies en matière d'information et de communication font pratiquement partie de tous les domaines de la vie quotidienne. Ainsi, le bon fonctionnement des systèmes informatiques et les éléments critiques des infrastructures informatiques et de communication placent les utilisateurs dans un état de dépendance croissant et les rend en même temps plus vulnérables face aux actions de l'ennemi. Comme leur efficacité ne dépend ni de la puissance stratégique et économique des acteurs en présence, ni de l'importance quantitative et qualitative de leur potentiel en troupes ou en arsenaux d'armement, on assiste dans ce cas à l'ouverture d'un espace guère mesurable dans lequel peuvent se multiplier les acteurs et les motifs d'intervention.

Pour des acteurs étatiques et non étatiques, ces interventions sont possibles même avec des moyens limités, indépendamment de l'éloignement géographique et partiellement sans coûts excessifs. Les probabilités d'être découverts et les risques sont faibles. Outre les erreurs de manipulation humaine et technique, les interventions comprennent toutes les possibilités et vont de la recherche d'informations jusqu'à la destruction matérielle de composants informatiques et d'éléments d'infrastructures, en passant par la manipulation ciblée de données, la saturation de systèmes, l'implémentation de fonctions erronées, ainsi que la destruction de données et de logiciels. Les raisons de ces actions sont notamment l'espionnage visant à obtenir un avantage économique, les dommages occasionnés aux données et les dérèglements de fonctions à des fins de chantage, ainsi que l'influence exercée délibérément sur des décisions dans l'économie, l'administration et l'armée.

Les activités préparatoires en vue d'interventions au moyen de la guerre de l'information ne sont en principe pas identifiables. Ainsi, tout délai de préalerte disparaît, et les mesures de protection ou les contre-mesures ne peuvent être prises à temps. Un système informatique isolé n'est guère en mesure de saisir ou d'identifier rapidement l'origine, l'intention, le début, le genre, l'ampleur et la fin de l'intervention, pas plus que le succès ou l'échec des attaques. Actuellement, les agresseurs profitent notamment du fait que presque toutes les entreprises et les administrations tentent d'établir seules la
sécurité de leurs données (solutions en îlots). Ainsi, les mêmes méthodes d'agression peuvent être utilisées plusieurs fois.

En raison de la densité de ces réseaux informatiques et de communication, qui est la plus élevée en Europe, et de l'importante concentration internationale de l'économie, la Suisse dépend dans une très large mesure de transmissions de données garantissant un bon fonctionnement et une sécurité contre le piratage. Tant que les mesures de défense ne peuvent pas être garanties de manière suffisante, les structures de liaisons en partie complexes et la mise en réseau de différents domaines sociétaux qui en découlent directement sont gravement exposées. La menace va

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des entraves massives ou des perturbations de notre économie jusqu'à la paralysie de nos capacités politiques et militaires de direction et de commandement.

Il faut considérer en priorité les effets sur des domaines sensibles ou sur ceux qui peuvent être exposés à des dommages particulièrement importants. Mentionnons principalement les fichiers et les réseaux exposés des infrastructures nationales d'informatique et de communication suivants: l'administration publique à tous les niveaux; l'industrie, le commerce, les banques, les assurances, les oeuvres sociales; les systèmes d'approvisionnement et de distribution pour l'électricité, le gaz, le pétrole, l'eau; la direction du trafic et les transports (la route, le rail, les airs, les cours d'eau); la police, les services de sécurité et de sauvetage, les services d'information et de communication, les médias; le commandement militaire. Des attaques électroniques sur ces domaines vitaux de l'infrastructure doivent être considérées comme une menace à l'égard de notre sécurité nationale.

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Le terrorisme, l'extrémisme violent, l'espionnage, la criminalité et le crime organisé

Les changements de notre environnement en matière de politique de sécurité ont également modifié l'image de la situation de notre sécurité intérieure. Les dangers et les risques inhérents à ce domaine présentent également un caractère transfrontalier auquel a contribué le développement de la communication électronique (Internet).

Les situations d'instabilité et les conflits qui ont lieu dans des régions parfois très éloignées se répercutent directement sur la sécurité intérieure de la Suisse. La limite entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure s'estompe. La lutte contre le terrorisme, l'extrémisme violent et le crime organisé, comme du reste le maintien de la sécurité intérieure, exigent un renforcement des moyens de police et un examen approfondi de nouvelles formes de collaboration entre la Confédération et les cantons.

Par ailleurs, il s'agit d'une tâche commune qui relève de plus en plus de la communauté des Etats. Outre le devoir d'autodéfense, il en résulte une coresponsabilité de la Suisse au-delà de ses frontières et, partant, la nécessité de coopérer. Différents accords internationaux tels que ceux de Schengen (zones de sécurité sans contrôle des frontières) et Dublin (pays de premier asile), ou encore l'organisation de police Europol en voie de création dans l'UE, montrent la voie vers une « sécurité intérieure collective». En parallèle, il existe le risque, en raison de la coopération accrue en matière de sécurité au sein de l'UE, que les menaces se déplacent vers les pays européens qui restent à l'écart, dont la Suisse.

Dans le domaine de la sécurité intérieure, la protection des représentations diplomatiques et des organisations internationales revêt une importance particulière. Cet aspect a une dimension essentielle par rapport au rôle de Genève en tant que siège d'organisations internationales et de place internationale de négociations majeures, ainsi que celui de Berne en tant que capitale abritant de nombreuses représentations diplomatiques.

Le terrorisme et l'extrémisme violent Dans le cas du terrorisme, les formes d'utilisation de la violence orchestrées par l'Etat ou motivées idéologiquement ont plutôt diminué. Dans maintes zones de conflits anciens, des solutions politiques sont recherchées. De nombreuses causes d'actes terroristes et extrémistes, comme les inégalités sociales, les problèmes de

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minorités, les problèmes écologiques ou les tensions religieuses, subsistent cependant et sont même renforcées.

Actuellement, la Suisse n'est pas une cible prioritaire du terrorisme. Cependant, elle doit se défendre pour ne pas être utilisée comme point d'appui pour l'approvisionnement logistique de groupuscules terroristes et comme pays de séjour ou de transit de terroristes. Une des raisons principales de sa mise en danger, en dehors de sa non-participation à la coopération de l'UE en matière de sécurité, est sa situation géographique, soit un carrefour pour les transports, les communications, les finances et le commerce mondial. Des attentats contre des objectifs étrangers se trouvant en Suisse, tels que les ambassades ou les organisations internationales, ainsi que les actions de groupes, comme les sectes apocalyptiques, sont toujours possibles.

L'extrémisme violent est apparenté au terrorisme, et il est parfois difficile de les dissocier. Il est souvent organisé en réseaux internationaux. La situation de l'extrémisme de droite et de la xénophobie en Suisse est prioritairement influencée par les skinheads et les groupes apparentés. Même si leurs attentats ont eu tendance à diminuer ces dernières années, ils pourraient augmenter à nouveau dans le cas d'une forte recrudescence du nombre de demandes d'asile. Les groupes à caractère violent axent également leurs actions contre la mondialisation et ses manifestations.

L'extrémisme étranger constitue aussi un danger considérable. Des disputes entre groupes d'étrangers opposés et des actes de violence contre des tiers (notamment contre les représentations officielles et les installations des Etats en conflits) se produisent souvent.

L'espionnage Depuis la fin de la guerre froide, l'espionnage sur le plan mondial a largement déplacé son champ d'action du secteur militaire aux secteurs politique et économique.

Des entreprises privées côtoient désormais les services de renseignements étatiques en tant que nouveaux acteurs sur la scène de l'espionnage et s'assurent souvent la collaboration d'anciens spécialistes des services de renseignements. Les possibilités offertes par les réseaux électroniques brouillent les limites entre la recherche légale de renseignements et l'espionnage industriel qui est contraire à la loi.

En Suisse, le rôle joué par
les diverses formes du service de renseignement politique (la recherche de groupes d'exilés établis en Suisse par les autorités de leur pays d'origine, l'obtention d'analyses de la situation et de documents de planification, mais également les listes de personnes recherchées) reste important. Actuellement, les objectifs principaux de l'espionnage sont l'économie, les sciences, la recherche et la technique.

La criminalité La population est directement touchée par la violence et la criminalité et, de ce fait, elle est très sensibilisée aux questions de la sécurité publique. Selon la statistique, le nombre de délits dénoncés en Suisse a évolué d'une manière inégale au cours de ces dernières années: la tendance à la baisse qui s'était amorcée après le niveau record de 1991 accuse à nouveau une hausse depuis 1995. En 1998, la criminalité a, dans son ensemble, de nouveau légèrement régressé. L'augmentation des actes de violence et des vols indique notamment une recrudescence de la volonté de faire usage de la violence. Le nombre des délits commis par des étrangers a augmenté de manière disproportionnée. La situation s'est principalement détériorée dans les villes et les agglomérations et elle s'est développée dans les zones situées le long des princi6918

paux axes de circulation. Comparativement à la situation internationale, la sécurité de la Suisse peut être considérée dans l'ensemble comme encore satisfaisante, malgré des perturbations locales à prendre au sérieux, notamment dans les zones de concentration urbaine et compte tenu, en partie, de sentiments subjectifs d'insécurité manifestés par la population. Cette situation exige cependant une attention continue aux niveaux de la Confédération et des cantons, et les moyens de lutte contre la criminalité doivent être régulièrement améliorés.

Le crime organisé Le crime organisé a pris une dimension mondiale et pourrait représenter l'une des plus importantes menaces pour la société, l'Etat et l'économie. Son implantation dans les affaires courantes par le biais du blanchiment de l'argent sale, de la corruption et de l'achat d'entreprises et de biens immobiliers menace la stabilité économique et sociale, notamment dans les jeunes démocraties de l'Europe de l'Est.

Les Etats eux-mêmes, notamment leur politique économique ou leur police et leur système judiciaire, sont des objectifs d'infiltration du crime organisé. Les points forts de ses groupes en partie organisés en réseaux sont le trafic de drogue, la traite d'êtres humains, le commerce des armes, la corruption, le chantage et le blanchiment d'argent sale lié à ces activités. Les possibilités d'interconnexion entre ces groupements et des groupes terroristes sont préoccupantes.

Les économies publiques fortement développées et constituant un important réseau international de liaisons offrent aux organisations criminelles de nombreuses possibilités d'infiltration et de blanchiment de leurs gains. La Suisse fait partie des Etats menacés. Le système fédéraliste, les moyens policiers trop faibles et le fait d'être à l'écart des institutions européennes importantes rendent plus difficile la lutte contre ce danger.

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L'évolution démographique, les migrations

Bien que le taux de fécondité ait déjà fortement reculé, dans une proportion plus importante que prévue, la population mondiale poursuit néanmoins sa croissance à raison d'environ 100 millions de personnes par année. Selon les estimations actuelles, la terre comptera en l'an 2025 quelque 8 milliards d'habitants, dont 80 % dans les pays en voie de développement. Dans les Etats riverains du sud et de l'est de la Méditerranée, les places de travail sont actuellement déjà insuffisantes pour la population dont la croissance est rapide, et ce problème va encore s'étendre.

L'instabilité politique, économique et sociale en Europe de l'Est, dans les Balkans et dans différentes parties de l'ancienne Union soviétique provoquera également des migrations et pourra même entraîner des exodes massifs en cas de guerres civiles, de violations des droits de l'homme, de situations de détresse économique et de destruction de l'environnement.

La Suisse est un des pays de destination des migrations d'Europe du Sud-Est, d'Afrique du Nord et d'Asie du Sud. La forte recrudescence du nombre de personnes qui demandent l'asile en Suisse représente une charge pour les structures d'accueil et les ressources. En outre, elle favorise la montée des tendances xénophobes et racistes.

Dans notre pays, la population résidente au bénéfice de la citoyenneté suisse stagne.

Aucun indice ne laisse supposer un changement dans un avenir prévisible. La crois6919

sance de la population, même avec une politique d'immigration restrictive, se développera probablement à l'avenir uniquement au sein de la partie étrangère de la population. La répartition de la population étrangère dans le pays est très variable.

L'intégration de ce groupe de la population est une tâche qui perdurera et qui, vraisemblablement, prendra même de l'ampleur. Des efforts concrets devront être fournis afin d'éviter que les potentiels de dangers s'intensifient, par exemple sous la forme de ghettos.

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Les catastrophes naturelles et anthropiques

Les tremblements de terre, les inondations, les avalanches, les tempêtes, les vagues de froid et les sécheresses durables sont autant de dangers dont nous menacent les forces de la nature. Par ailleurs, il faut tenir compte de la contamination radioactive qui peut être occasionnée par des défaillances techniques, des inondations provoquées par la rupture de barrages, ainsi que des épidémies et des épizooties qui surchargent durablement les services de la santé publique.

Sur le plan de la politique de sécurité, les catastrophes naturelles et anthropiques revêtent une grande importance si elles ne peuvent pas être maîtrisées à l'aide des structures et des moyens prévus pour une situation ordinaire ­ p. ex. la police, les sapeurs-pompiers, les services de sécurité des ouvrages et des exploitations techniques et la santé publique. Ces événements sont caractérisés par une importante force destructive et de graves perturbations. Des semaines, des mois ou même des années peuvent s'écouler jusqu'à ce que l'environnement social, économique et technique soit remis en état et que la population sinistrée se soit rétablie.

La fréquence d'exploitation plus élevée dans les zones d'habitation accroît la densité des biens, ce qui provoque des dommages plus élevés que par le passé. Comme la société moderne dépend largement de systèmes en réseaux (énergie, télécommunications, logistique), une catastrophe provoque en outre des dégâts subséquents de plus en plus importants. Les événements présentant un potentiel de dommages si élevés qu'ils menacent le bon fonctionnement de communautés importantes sont plutôt rares, voire même très rares. Cependant, la prévention dans l'hypothèse d'une catastrophe doit tenir compte de tels événements et veiller à ce que les moyens nécessaires pour la maîtriser soient prêts.

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Les structures internationales de sécurité

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L'Organisation des Nations-Unies

L'Organisation des Nations-Unies (ONU) a notamment été créée pour garantir la paix mondiale et la sécurité internationale au moyen de mesures collectives et pour promouvoir le règlement pacifique des différends entre Etats. Le système de sécurité collective inscrit dans la charte des Nations-Unies confère à l'ONU le rôle légitime et général d'acteur unique dans le domaine de la politique de sécurité. Ses décisions sont l'expression de la volonté de la communauté des Etats. Seules les décisions du Conseil de sécurité ou les décisions des organisations de sécurité régionale telles que l'OSCE qu'il a approuvées, légitiment l'utilisation de la force militaire qui excède

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l'autodéfense. Le rôle essentiel du Conseil de sécurité et de l'ONU dans son ensemble a été considérablement revalorisé durant les années 1989 à 1996: Aperçu de l'évolution des mesures de l'ONU conformément au chapitre 7 de la Charte Genre de mesures

1945­1988

1989­1996

Actions militaires en faveur de la paix (opérations de casques bleus en accord avec les parties au conflit, limitées à l'emploi des armes pour l'autodéfense) Autorisation pour l'engagement général de moyens militaires Sanctions économiques

13

29

1 2

8 10

Depuis quelques années, le Conseil de sécurité interprète son domaine d'activités comme étant une action de politique de paix continue (soit un éventail complet de mesures de politique de paix qui fusionnent et se complètent). Cet éventail couvre actuellement la prévention diplomatique, les bons offices et la médiation, la reconstruction de la société civile au terme de conflits, l'appui de la démocratisation, la promotion et le maintien à long terme et durable de la paix. L'«Agenda pour la paix», publié en 1992, est le document à la base de ces activités.

Les interactions sur le plan international rendent indispensable la coopération multilatérale. Les travaux de base accomplis à l'ONU dans le domaine de la sécurité, mais également dans les domaines du droit humanitaire, de l'environnement, du développement et des droits de l'homme, deviennent ainsi de plus en plus importants.

Il convient de relever ici les thèmes d'importance directe en matière de politique de sécurité, tels que le terrorisme, le crime organisé et le trafic de drogue, dont l'ONU se charge en élaborant des conventions générales, en échangeant des informations et en créant des instruments; mais il ne faut pas ignorer le domaine des migrations et l'aide en cas de catastrophe, dans lesquels l'ONU a créé des structures d'alerte rapide et des réseaux opérationnels supplémentaires. L'organisation veut faire face aux nombreux défis en mettant sur pied un vaste processus de réformes qui lui assurera une meilleure capacité d'action.

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Etats européens et d'Amérique du Nord membres d'organisations internationales Albanie Macédoine Suisse

Russie Ukraine Moldavie Géorgie Arménie Azerbaïdjan Bélarus Kazakhstan Kirghizistan Tadjikistan Turkménistan Ouzbékistan

Bulgarie* Estonie* Lettonie* Lituanie* Roumanie* R. slovaque* Slovénie*

· Membre associé de l'UEO

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Hongrie · Islande · Norvège · Pologne · R. tchèque · Turquie ·

Autriche + Finlande + Suède +

UEO Bosnie-Herzégovine Monaco Saint-Siège R. fédérale de Yougoslavie

Allemagne Belgique Espagne France Grande-Bretagne Grèce Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal Danemark +

Andorre Chypre Croatie Liechtenstein Malte Saint-Marin + Observateur de l'UEO

Irlande +

Etats-Unis Canada

OTAN CPEA

UE

Conseil de l'Europe OSCE * Partenaire associé de l'UEO

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est l'organisation régionale la plus importante dans le domaine de la sécurité commune et des consultations politiques. Elle regroupe l'Amérique du Nord, l'Europe et les républiques d'Asie centrale de l'ex-Union soviétique dans un espace de sécurité coopérative. La coopération et les activités au sein de l'OSCE se fondent sur des valeurs communes, dont font partie les droits de l'homme et les libertés fondamentales, la démocratie et l'Etat de droit. L'organisation ne repose pas sur des bases légales internationales contraignantes. Les obligations qu'elle a créées ont cependant un caractère politique contraignant et fixent des normes de comportement.

La diplomatie préventive, la prévention des conflits, la gestion des crises et la contribution au renforcement des sociétés démocratiques après un conflit sont les points forts de l'activité de l'OSCE. Elle se fonde sur une conception large en matière de sécurité selon laquelle celle-ci est le résultat de facteurs politiques, militaires, économiques et écologiques qui sont étroitement liés entre eux. La sécurité de tous les partenaires doit être renforcée par la coopération.

La promotion de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit, ainsi que les tâches d'observation des élections, sont en tête de ces activités dans le domaine civil. L'OSCE a développé ses capacités opérationnelles de manière substantielle.

Elle a la possibilité d'agir dans les régions en crise ou sujettes à des tensions avec 6922

des missions à court et à long terme. Elle contribue ainsi à la gestion des crises ou à la normalisation de la situation après des conflits.

Les piliers de l'OSCE dans le domaine militaire sont les mesures de confiance et de sécurité. Celles-ci contribuent à favoriser l'ouverture, la transparence et la crédibilité au sujet des forces armées, au moyen d'échanges d'informations, de mécanismes de gestion des crises et de différentes formes de vérification. Elles contribuent aussi à réduire les tensions et à renforcer ainsi la confiance réciproque.

La Suisse s'engage en particulier en faveur d'un meilleur respect des engagements de l'OSCE et soutient le renforcement de l'organisation, afin d'améliorer la coopération et de pouvoir mieux maîtriser les nouveaux risques et défis, notamment dans le domaine des minorités.

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L'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale

La politique étrangère et de sécurité commune et l'Union de l'Europe occidentale Le Traité de Maastricht (1992) a permis à l'Union européenne (UE) de se donner les bases nécessaires pour une politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Une politique de défense commune de l'UE est également envisagée à plus long terme et pourrait aussi inclure des structures de défense opérationnelles. Ce processus peut mener à une intégration de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) au sein de l'UE ou alors provoquer le remplacement de l'UEO par une nouvelle structure.

La PESC doit permettre à l'UE d'acquérir à long terme dans le domaine de la politique étrangère la même influence qu'elle possède déjà dans le domaine économique.

La décision sera prise dans le cadre de la coopération des gouvernements qui bénéficient des mêmes droits. Le Conseil européen est la plus haute autorité de décision.

Le principe de l'unanimité est appliqué pour toutes les décisions de fond, ainsi que pour les décisions qui sont en relation avec les affaires militaires ou avec la politique de défense. Le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 renforce les capacités d'action au sein de la politique étrangère et de sécurité dans la mesure où l'abstention de membre tel ou tel ne bloque désormais plus une décision. Un membre qui s'abstient et justifie formellement son abstention n'est alors plus contraint d'appliquer la décision concernée («abstention constructive»). Ce mécanisme facilite la participation à la PESC, notamment pour les Etats neutres. Par ailleurs, le droit de veto d'un Etat reste maintenu lorsque celui-ci peut faire valoir un intérêt national prépondérant.

Les politiques étrangère et de sécurité étaient jusqu'à présent des domaines nationaux des Etats membres, et le passage à une politique commune est un processus à long terme. En raison du développement dynamique de l'UE, on peut prévoir, dans les prochaines années, un rapprochement par étapes de cet objectif. Compte tenu des défis dans le domaine de la politique de sécurité en Europe (Bosnie, Kosovo), la pression des Etats membres les plus importants en vue de la mise en place d'une structure de défense efficace et d'une compétence pour des engagements dans le domaine de la gestion des crises va se renforcer. Simultanément, les Etats neutres de l'UE et le Danemark réclament le maintien de leur droit de codécision au sein de la PESC. L'opposition concernant ces deux tendances de fond influencera le développement de la PESC.

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L'UEO constitue aujourd'hui à la fois le bras armé de l'UE et le pilier européen de l'OTAN, sans disposer pourtant de ses propres structures opérationnelles. Dans le cadre du concept des Groupes de Forces Interarmées Multinationales (Combined Joint Task Forces), elle peut, pour mener ses propres opérations, recourir à des moyens de l'OTAN avec l'accord de celle-ci. Ses membres sont les dix Etats de l'UE qui sont aussi membres de l'OTAN (l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal). Les autres membres européens de l'OTAN (l'Islande, la Hongrie, la Norvège, la Pologne, la République tchèque et la Turquie) sont des membres associés.

Les candidats à l'adhésion à l'UE, à savoir la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la République slovaque, la Roumanie et la Slovénie, sont des partenaires associés. Les Etats neutres de l'UE et les Etats de l'UE qui ne veulent pas d'un statut de membre de l'UEO à part entière (l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Irlande et la Suède) ont le statut d'observateur.

La coopération dans le domaine de la sécurité intérieure La coopération des Etats membres de l'UE s'est progressivement développée dans les domaines de la justice et de l'intérieur à partir d'échanges d'informations et d'expériences sur des thèmes comme le terrorisme et la lutte contre le trafic de drogue. Ainsi, les Etats réunis dans le système de Schengen, qui n'était jusqu'alors pas un instrument de l'UE, ont réalisé la libre circulation des personnes sans contrôle aux frontières. Ils ont en même temps convenu de mesures de protection de la sécurité intérieure, afin de compenser la suppression du contrôle des personnes à la frontière. Tous les Etats de l'UE, à l'exception de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, ainsi que la Norvège et l'Islande, membres de l'AELE et de l'EEE, participent au système de Schengen. Actuellement, la Grèce n'applique que partiellement la convention de Schengen.

Des principes communs prévus pour l'entrée et le séjour d'étrangers en provenance d'Etats tiers, une politique et une pratique unitaire dans le domaine des visas, des contrôles unifiés des personnes aux frontières extérieures, le règlement de la compétence pour le traitement des demandes d'asile, des principes communs pour
la coopération transfrontalière en matière de police et de justice, ainsi que la création du système d'information de Schengen sont les points essentiels du système de Schengen. Le système d'information permet d'assurer l'accès des Etats signataires à toutes les données nécessaires à l'octroi d'autorisations d'entrée ou de séjour.

Le Traité d'Amsterdam prévoit comme objectif principal la création d'une zone dans laquelle les personnes, les marchandises et les services peuvent circuler librement et où les citoyens bénéficient d'une grande sécurité. Tous les acquis de Schengen seront intégrés au sein de l'UE. Ainsi, la coopération des 13 Etats signataires de la convention de Schengen, a lieu depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, le 1er mai 1999, dans le contexte institutionnel et juridique de l'UE.

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L'OTAN, le Partenariat pour la paix et le Conseil de partenariat euro-atlantique

L'OTAN est l'organisation de défense collective la plus efficace. Durant un demisiècle, elle a survécu à tous les bouleversements politiques et militaires, aux confrontations politiques extrêmes jusqu'à l'éclatement du Pacte de Varsovie et de

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l'Union soviétique, ses adversaires durant la guerre froide. Depuis 1990, elle a tiré les conséquences des changements intervenus dans l'éventail des menaces et des dangers, ce qui se manifeste à travers l'évolution de ses fonctions: elle conserve sa mission initiale principale (prévue à l'art. 5 du traité de Washington), qui consiste à défendre ses Etats membres contre des attaques militaires, même si la probabilité de telles agressions a fortement diminué. Depuis quelques années, elle assume, en outre, la tâche qui consiste à maintenir ou à imposer la paix avec des moyens militaires en dehors du territoire de ses Etats membres. Jusqu'au printemps 1999 (conflit du Kosovo), de tels engagements ont uniquement eu lieu sur mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Cependant, l'OTAN a également annoncé qu'elle était prête à accomplir des missions sous mandat de l'OSCE. Le débat au sujet de la question de savoir si une légitimation suffisante sur le plan du droit international est également possible sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU (p. ex. en cas de génocide) est pleinement engagé.

L'intention de nombreux Etats d'Europe centrale et orientale d'adhérer à l'OTAN montre qu'à l'avenir également, l'alliance jouera un rôle important. Il est dans l'intérêt de la stabilité et de la paix dans toute l'Europe que l'élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne ne crée pas une nouvelle cassure sur un continent qui n'a éliminé le rideau de fer que depuis dix ans à peine. La conclusion de l'acte fondateur sur les relations mutuelles, la coopération et la sécurité entre l'OTAN et la Fédération de Russie, ainsi que la signature d'une charte de partenariat entre l'OTAN et l'Ukraine, doivent être accueillies avec satisfaction, même si ces relations sont régulièrement soumises à des défis politiques majeurs.

Les Combined Joint Task Forces (CJTF) ­ des formations d'engagement sur mesure, multinationales et composées de différents éléments de forces armées ­ sont des piliers importants de la nouvelle structure de commandement de l'OTAN. Elles peuvent déployer leur efficacité sur un vaste champ d'activités. Les CJTF offrent également aux Etats qui ne sont pas membres de l'OTAN, mais qui participent au Partenariat pour la paix, la possibilité de participer à des opérations en faveur de la paix qui sont dirigées
par l'OTAN.

Progressivement, les activités de l'OTAN comprennent également différents domaines civils. Elle est l'organisation politico-militaire la plus importante qui garantit l'engagement des Etats-Unis et du Canada sur le plan de la politique de sécurité.

L'assemblée de l'Atlantique du Nord des parlementaires y contribue également.

L'état de préparation permanent de l'OTAN à la défense durant la guerre froide a aussi été profitable à la Suisse. Les conditions géographiques et le fait que nos valeurs correspondaient à celles de la plupart des membres de l'alliance ont contribué à ce que l'OTAN se charge également d'encourager notre sécurité sans notre participation. Mais également en l'absence d'une menace militaire imminente, l'engagement de l'OTAN au bénéfice de la promotion de la paix contribue dans l'ensemble à garantir la sécurité en Europe.

En créant le Partenariat pour la paix (PPP) en 1994 et en fondant le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) en 1997, l'OTAN a établi les structures et constitué les forums pour étendre la coopération politique et militaire dans toute l'Europe et pour accroître la stabilité.

Le PPP est destiné à développer la capacité des forces armées des Etats participant au partenariat de participer à des actions humanitaires et de promotion de la paix, ainsi qu'à des engagements d'aide en cas de catastrophe ­ sans toutefois restreindre 6925

la liberté de décision souveraine de chaque Etat de participer ou non à chaque action concrète. Le PPP contribue ainsi largement à créer les conditions permettant aux Etats qui ne font pas partie de l'OTAN de participer à des opérations comme l'IFOR et la SFOR. En outre, il a pour but de développer la transparence des budgets de défense et d'encourager le contrôle démocratique des forces armées. Enfin, en participant au PPP, les Etats renforcent également leur engagement en faveur de valeurs essentielles telles que la démocratie, ainsi que le respect des droits de l'homme et des principes du droit international.

La souplesse du partenariat, notamment le respect de la liberté souveraine de chaque Etat membre de décider de sa participation à chaque activité, contribue au succès de cette initiative, comme le fait que la participation au PPP ne représente pas une première étape dans la perspective d'une adhésion à l'OTAN. L'augmentation des activités du PPP (entre-temps plus de 2000 par année), mentionnée dans le programme de travail annuel du Partenariat, ainsi que la grande participation au processus de planification et d'examen (PARP), atteste l'intérêt des Etats à participer au Partenariat pour la paix.

Les réunions de haut niveau dans le cadre du CPEA sont une plate-forme utile qui permet à la Suisse de faire valoir ses intérêts en matière de politique de sécurité. La rencontre des ministres des affaires étrangères, des ministres de la défense et des chefs des états-majors généraux ont lieu deux fois par année, et une rencontre a lieu une fois par mois au niveau des ambassadeurs.

325

Le Conseil de l'Europe

Depuis sa création en 1949, le Conseil de l'Europe défend les valeurs européennes fondamentales, telles que la démocratie parlementaire et le pluripartisme, l'indivisibilité et l'universalité des droit de l'homme, l'Etat de droit et le respect de l'héritage multiculturel. Son objectif est de créer des liens plus étroits entre ses membres en s'appuyant sur la justice et la coopération internationale.

Les profonds changements intervenus en Europe centrale et orientale ont confronté le Conseil de l'Europe à des défis importants et ont renforcé sa signification politique et opérationnelle. Il comptait 23 membres en 1989, dont la Suisse, en en compte 40 aujourd'hui. Avec l'admission des pays d'Europe centrale et orientale, le Conseil de l'Europe a fourni une contribution essentielle à l'architecture de sécurité européenne. Ses programmes conçus de manière très pratique lient les nouveaux membres à la communauté des valeurs démocratiques et préparent les Etats encore non membres à leur adhésion. Par la création d'un espace juridique européen, et par le caractère global de ses actions, il jette les bases d'une Europe de la liberté et de la diversité.

Le Conseil de l'Europe contribue à la coopération européenne en matière de sécurité dans le domaine de la promotion de la démocratie par l'utilisation de ses propres instruments normatifs, par le contrôle du respect des engagements pris par ses membres et par ses programmes de coopération interétatique. Le Conseil fédéral a fixé la priorité de sa politique au sein du Conseil de l'Europe: l'application et le respect des normes des actuels droits de l'homme. Dans ce processus, la Cour européenne des droits de l'homme et les mécanismes de contrôle politique de l'Assemblée parlementaire, du Congrès des communes et des régions d'Europe, et du Comité des ministres, jouent un rôle décisif.

6926

326

Le rôle des autres Etats européens neutres dans la structure de sécurité de l'Europe

D'autres Etats neutres d'Europe ­ l'Autriche, la Finlande, l'Irlande et la Suède ­ ont publié récemment des documents de base qui exposent de quelle manière et dans quelle mesure ils se sont adaptés aux changements de l'environnement stratégique intervenu depuis la fin de la guerre froide. Ces adaptations sont exposées dans des développements qui concernent également en grande partie la Suisse et représentent par conséquent un intérêt pour notre propre appréciation de la situation.

Outre leur rôle actif au sein de l'OSCE, ces quatre pays ont en commun leur qualité de membre de l'UE et leur participation à la politique étrangère et de sécurité commune de celle-ci (PESC), ainsi que le statut d'observateur au sein de l'Union de l'Europe occidentale (UEO). Par ailleurs, tous se sont engagés très tôt dans des actions militaires de sauvegarde de la paix dans le cadre de l'ONU sans que leur statut de neutralité en ait été affecté. Cet engagement de coopération durable en faveur de la paix a facilité leur adaptation au nouvel environnement stratégique.

L'Autriche, la Finlande et la Suède ont également participé très tôt au Partenariat pour la paix et y jouent un rôle particulièrement actif. La Finlande et la Suède coordonnent leur politique dans la perspective de participer à la planification et à la réalisation de missions de paix sous la direction de l'OTAN et également d'assurer la progression et la réalisation au sein de la PESC des «missions de Petersberg», qui ne posent pas de problème sur le plan du droit de la neutralité. Il s'agit de missions humanitaires et d'engagements de sauvetage, de missions de maintien de la paix et d'engagements de combat en cas de gestion des crises, y compris des mesures de rétablissement de la paix. Pour les gouvernements de ces deux pays, une adhésion à l'OTAN n'est pas pour l'instant un sujet d'actualité. En Autriche, en revanche, la coalition gouvernementale mène un débat au sujet d'une éventuelle adhésion.

Il convient de relever également l'initiative en faveur d'une coopération militaire régionale avec les pays baltes que la Suède et la Finlande, avec quelques pays membres de l'OTAN, contribuent activement à mettre au point, ainsi que l'initiative de l'Autriche pour une coopération centre-européenne en vue d'opérations de promotion de la paix. Pour ces deux
initiatives, on applique le principe du Partenariat pour la paix d'une participation «à la carte», ce qui permet à la Suisse d'y apporter sa contribution.

L'Autriche, la Finlande et la Suède montrent qu'un engagement coopératif en faveur de la paix est compatible avec une politique de neutralité et profitable à la sécurité de ces pays.

327

Les accords de désarmement et les mesures internationales de contrôle

Les accords de maîtrise des armements et de désarmement les plus importants de l'après-guerre, auxquels la Suisse participe, traitent des armes atomiques (Traité de non-prolifération de 1968, en vigueur depuis 1970, Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, signé en 1996), des armes biologiques et toxiques (Convention sur les armes biologiques de 1972, en vigueur depuis 1975) et des armes chimiques (Convention sur les armes chimiques de 1993, en vigueur depuis 1997).

6927

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) joue un rôle important dans l'application du Traité de non-prolifération. Les Etats qui ne possèdent pas d'armes atomiques doivent conclure avec l'AIEA un accord sur le contrôle du matériel de base et en particulier des matériels fissiles. Ces contrôles doivent permettre de découvrir à temps un détournement éventuel de matériels en vue de fabriquer des armes ou des têtes explosives nucléaires. Après la découverte du programme nucléaire iraqien, les Etats membres de l'AIEA ont décidé de renforcer le régime de vérification de l'AIEA.

La Convention sur les armes biologiques de 1972 a permis d'interdire pour la première fois de façon générale une catégorie complète d'armes de destruction massive.

Un protocole additionnel comprenant des mesures de vérification, dont les éléments principaux seront repris de la Convention sur les armes chimiques, doit compléter la convention d'ici 2001.

La Convention sur les armes chimiques de 1993 est en vigueur depuis le mois d'avril 1997. Pour la première fois, l'interdiction d'une catégorie entière d'armes de destruction massive est complétée par des mesures de vérification. L'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques de la Haye (OPCW) est chargée des vérifications, notamment des inspections.

Les mesures de désarmement sont complétées par trois organes internationaux chargés de mesures de contrôle dans le domaine des armes de destruction massive: le Groupe des pays fournisseurs nucléaires, le Groupe d'Australie (dans le domaine des armes B et C) et le Régime de contrôle de la technologie des missiles. Ces organes ont ceci en commun qu'ils fixent des mesures de contrôle pour l'exportation de certains biens qui, bien que non contraignantes pour les membres sur le plan du droit international, n'en constituent pas moins des engagements politiques. Ces trois régimes de contrôle des exportations sont complétés par l'Arrangement de Wassenaar qui vise, grâce à une transparence accrue et une harmonisation des règles d'exportation, à empêcher des Etats dont l'armement constitue une menace sérieuse pour la sécurité régionale ou supra-régionale, d'acquérir des armes conventionnelles, d'autres biens militaires, ainsi que des biens à double usage pour la fabrication d'armes conventionnelles. La Suisse
participe à ces quatre régimes de contrôle.

D'autres accords de maîtrise des armements et de désarmement, qui ne sont ouverts qu'à un cercle limité d'Etats et auxquels la Suisse ne participe pas, contribuent également à la stabilité et à la sécurité. Parmi ceux-ci, on trouve notamment les différents accords sur les armes stratégiques entre les Etats-Unis et la Fédération de Russie, ainsi que l'accord sur les forces conventionnelles en Europe, qui sont de première importance pour la stabilité générale et continentale.

Accords en matière de désarmement et de maîtrise des armements auxquels la Suisse a adhéré (sélection) Accords

Elaboration

Traité interdisant les essais d'armes nucléaires dans 1963 l'atmosphère, dans l'espace cosmique et sous l'eau Traité sur les principes réglant les activités des Etats en matière 1967 d'exploitation et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes 6928

Ratification par la Suisse

1963 1969

Accords

Elaboration

Ratification par la Suisse

Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires Traité interdisant de placer des armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive sur le fond des mers et des océans ainsi que dans leur sous-sol Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction (Convention sur les armes biologiques) Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction Traité d'interdiction complète des essais nucléaires

1968 1971

1977 1973

1972

1973

1976

1988

1982

1982

1993

1994

1996

Convention d'Oslo sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnel et sur leur destruction (Convention d'Ottawa)

1997

en suspens 1998

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Les autres structures importantes en matière de politique de sécurité

Les stabilités politique, sociale et économique dépendent étroitement les unes des autres. La démocratie est en danger dans un environnement économique et social instable au même titre que le développement de l'économie de marché dans un pays sans base juridique ni institutions idoines. Différentes organisations internationales, notamment du système des Nations-Unies et des institutions de Bretton Woods, apportent dans ces domaines une contribution importante à la prévention générale des conflits.

Ainsi, le programme de développement de l'ONU en Europe de l'Est soutient un programme de renforcement de la démocratie, de gestion gouvernementale adéquate et d'implication des citoyens dans les affaires publiques. Dans le domaine de l'environnement, la Commission économique de l'ONU pour l'Europe (CEE/ONU) fait avancer le projet «Environnement pour l'Europe», qui doit contribuer à la maîtrise des atteintes considérables à l'environnement dont sont responsables les régimes antérieurs. L'Organisation internationale du travail (OIT) fournit d'importantes contributions à la nouvelle organisation des relations entre employeurs et employés, ainsi qu'aux nouveaux concepts de formation professionnelle dans le contexte du passage d'une économie dirigée à une économie de marché.

6929

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) est particulièrement active dans le domaine de la santé et, partant, dans les domaines de la lutte contre la baisse de l'espérance de vie et de la qualité de vie.

Les grands organismes financiers internationaux, notamment le Fonds monétaire international (FMI), le Groupe de la Banque mondiale (GBM) et les banques régionales de développement comme la Banque européenne de construction et de développement (BERD), contribuent largement à la stabilisation économique, ainsi qu'au développement et à la reconstruction de pays et de régions.

33

Les risques et les chances pour la sécurité de la Suisse

L'éventail des menaces et des dangers est large et complexe. Si la mise en danger de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Etat se trouvait auparavant au premier plan, ce sont aujourd'hui avant tout le bon fonctionnement de la société et de l'Etat en tant qu'institution protectrice qui est menacé. Il n'est plus possible d'affronter ces risques en faisant cavalier seul. A cet effet, il existe aujourd'hui de multiples structures multilatérales de sécurité qui sont en partie extrêmement souples. Elles offrent à la Suisse la possibilité de défendre ses intérêts de manière plus efficace que ne le permettraient des mesures autonomes.

La participation accrue de la Suisse dans les structures de sécurité européenne et mondiale ouvre à notre pays de nouvelles possibilités d'agir pour défendre ses intérêts. La petite diminution de la liberté d'action qu'impose la qualité de membre est largement compensée par les avantages offerts à notre sécurité. Même dans les organisations dont elle n'est pas membre, la Suisse est déjà, dans des domaines spécifiques, en parfait accord avec les principes et les mesures de ces organisations.

Elle contribue également à leur financement. Mais elle ne peut pas pleinement prendre part aux décisions qui en définissent les orientations. Un droit de participation à part entière résoudrait le problème auquel la Suisse est de plus en plus souvent confrontée: être exclue de la prise des décisions multilatérales, mais ne pas pouvoir se soustraire à leurs conséquences. L'exécution ultérieure au moyen d'une action autonome est une solution de moins en moins satisfaisante. La coopération en matière de politique de sécurité avec d'autres pays amis facilite du reste le rapprochement avec l'UE, sans pour autant anticiper la question d'une adhésion.

L'avantage concret que la Suisse tire de l'engagement de la communauté internationale en faveur de la stabilité en Europe et dans le monde nous pousse à participer à ces actions de stabilisation politico-militaire en fournissant une contribution plus importante, mais adaptée à nos possibilités. L'actualité récente a de nouveau clairement démontré que le «bilan de solidarité internationale» d'un Etat est évalué d'une manière globale par ses partenaires et que cet Etat n'est pas simplement libéré de sa coresponsabilité dans d'autres
secteurs sur la base de bonnes prestations fournies dans un secteur de coopération spécifique (p. ex. le domaine humanitaire pour la Suisse). Des prestations supérieures à la moyenne dans un domaine spécifique ne peuvent, en cas de demande de contre-prestations, constituer un argument convaincant que dans le cas où le «bilan de solidarité» global est positif.

En matière de politique de sécurité, nous sommes par conséquent situés dans une constellation particulière. La menace militaire traditionnelle a régressé. Mais simultanément, d'autres menaces et dangers, en partie non militaires, ont augmenté. Pour les combattre, nous devons impérativement unir nos propres efforts avec ceux de la 6930

communauté internationale. Juste au moment où cette coopération internationale en matière de politique de sécurité est devenue plus indispensable que jamais, de nombreuses possibilités de réaliser cette coopération se sont offertes à la Suisse à la suite de l'évolution politique. Sur le plan stratégique, les nécessités et les opportunités se complètent de manière optimale.

4

Les intérêts et les objectifs

Selon l'art. 2 de la Constitution fédérale, la Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l'indépendance et la sécurité du pays. Elle favorise la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays. Elle veille à garantir une égalité des chances aussi grande que possible. Elle s'engage en faveur de la conservation durable des ressources naturelles et en faveur d'un ordre international juste et pacifique.

Nos propres intérêts sont déterminants pour l'orientation et la conception de notre politique de sécurité. Il s'agit du maintien des valeurs démocratiques et de la paix en Europe, de la stabilité dans l'ensemble de l'environnement qui représente une importance stratégique pour notre pays, d'un recours à la violence aussi faible que possible de part et d'autre de notre frontière, et de la garantie des bases existentielles de notre population, en assurant que des systèmes vitaux demeurent fonctionnels à l'intérieur du pays, en Europe et dans le monde.

Ces intérêts et le mandat constitutionnel permettent, en matière de politique de sécurité, de préciser les objectifs suivants: ­

Nous voulons pouvoir décider librement de nos propres affaires à l'intérieur du pays comme à l'égard de l'étranger, sans en être empêchés par la menace ou le recours à la violence directe ou indirecte.

Nous voulons faire en sorte, à l'aide de moyens politiques, qu'en situation normale cette indépendance et cette liberté de manoeuvre soient les plus étendues possibles. Dès lors, les engagements internationaux que nous prenons librement sont tout à fait admissibles si, après une évaluation démocratique soigneuse, nous acquérons la conviction que ces engagements servent les intérêts du peuple et de l'Etat. Cependant, il est exclu que nous abandonnions notre droit de décider nous-mêmes de nos propres affaires sous l'exercice d'une pression ou d'une contrainte. Si la Suisse ou ses institutions démocratiques sont directement ou indirectement menacées ou victimes de violence, nous défendrons l'intégrité de notre territoire et nos autres intérêts de politique nationale avec tous les moyens appropriés dont nous disposons.

­

Nous voulons préserver et protéger notre population et ses bases d'existence contre les dangers existentiels.

D'une part, il s'agit de préserver la population d'une importante détresse, p. ex. à la suite de catastrophes naturelles ou anthropiques, et de lui garantir aide et assistance lors de la maîtrise de telles situations. D'autre part, les bases d'existence de la population doivent être protégées à long terme. Il s'agit de l'approvisionnement en denrées alimentaires, en énergie et en matières premières, du bon fonctionnement d'une économie destinée à encourager le bien-être de toute la population, de l'accès sans discrimination aux marchés 6931

internationaux, ainsi que d'une infrastructure et d'un environnement nationaux et transfrontaliers intacts. La conservation et la protection de ces bases d'existence sont des objets essentiels de nombreux autres domaines politiques (p. ex. les politiques économique, sociale, de l'environnement, des transports, de l'énergie et des communications); elles ne relèvent pas de la politique de sécurité.

­

Nous voulons contribuer à la stabilité et à la paix au-delà de notre frontière et souhaitons contribuer à l'organisation d'une communauté internationale de valeurs démocratiques, dans la perspective de réduire le risque que la Suisse et sa population soient touchées par les conséquences d'une situation instable et d'une guerre à l'étranger. Ainsi, nous exprimons simultanément notre solidarité internationale.

La meilleure garantie de stabilité et de paix est assurée lorsque les valeurs pour lesquelles la Suisse se bat sont également partagées et vécues sur le plan international. Il en est de même si les structures et les institutions que défend la Suisse sont déterminantes pour tous les Etats. Celles-ci comprennent la démocratie et le principe de l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme et des droits des minorités, ainsi qu'un ordre économique équitable et source de prospérité. La promotion générale de ces valeurs, de ces structures et de ces institutions et le soutien des efforts en vue de trouver des solutions efficaces aux conflits en cas de menaces extrêmes de la stabilité et de la paix doivent, par conséquent, être notre objectif. Notre intérêt légitime et notre solidarité internationale sont déterminants pour notre engagement en faveur de la paix dans le monde.

5

La stratégie

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Les principes fondamentaux et les directives stratégiques

La stratégie de la Suisse en matière de politique de sécurité comprend la réflexion, l'action et le comportement dans les questions de politique de sécurité. Cette stratégie est constituée de la conception d'ensemble de l'utilisation de nos possibilités de prévention de la violence, ainsi que de l'engagement de l'ensemble des forces civiles et militaires aptes à faire face à la menace ou à l'utilisation de la violence qui constitue une menace (stratégique) importante pour notre pays, sa population et ses bases d'existence. Dans ce contexte, nous ne considérons pas seulement le cas le plus grave, soit les attaques directes, mais nous exploitons plutôt toutes les chances de contribuer de manière préventive à la gestion des crises et en général à la défense de nos valeurs et de nos intérêts dans notre environnement stratégique.

Pour nous également, l'évaluation de cet environnement et de l'éventail des dangers et des risques actuels et prévisibles représente une diffusion et un examen approfondi positif d'efforts efficaces en matière de sécurité de la part des Etats démocratiques et leur collaboration dans le cadre d'organisations internationales en vue de la promotion de la paix et de la stabilisation dans les régions agitées. Un souci majeur subsiste: la préparation permanente du recours à la violence de nature militaire ou criminelle, même en Europe, tant à l'intérieur des pays qu'au-delà des frontières. De nouveaux genres de violences que la dissuasion ne parvient guère à contrer se développent selon le degré d'importance et des acteurs en présence, ce qui représente

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une menace sérieuse pour les sociétés occidentales, dont la Suisse, qui présentent un degré de technologie élevé. Face à cette éventail diversifié de menaces, les stratégies de répliques essentiellement nationales, mais également les stratégies sectorielles des petits Etats, ne suffisent plus. C'est pourquoi notre stratégie est avant tout dominée par des initiatives et des mesures destinées à renforcer notre sécurité de telle manière que nous puissions participer, en fonction de nos qualités et de nos forces spécifiques, aux efforts fructueux déployés par la communauté démocratique des Etats en vue de gérer les crises et de stabiliser les régions agitées. Des investissements ciblés destinés à assurer notre avant-terrain stratégique sont rentables, bien qu'il ne soit guère possible d'obtenir des solutions simples aux différents problèmes actuels. En augmentant notre engagement sur le plan international dans le domaine de la sécurité, nous créons de meilleures conditions pour la sauvegarde de nos intérêts généraux et réduisons ainsi notre vulnérabilité à l'égard du chantage. Ainsi, nous exerçons également la solidarité qui répond à nos traditions et que l'on attend de nous.

Les mêmes critères s'appliquent à la maîtrise des menaces et de l'utilisation de la violence qui se manifestent essentiellement à l'intérieur de la Suisse. Dans ces cas également, un train de contre-mesures transfrontalières est indispensable. Il est tout aussi impératif que la Suisse dispose d'une structure propre en matière de sécurité, adaptée à la nouvelle situation, dans le contexte de laquelle elle soit en mesure de préparer ses moyens de défense civils et militaires selon le genre, l'intensité et le développement de la menace, au besoin concentrés et prêts à être engagés en temps utile. Ainsi, elle sert également sur notre territoire les intérêts justifiés de nos voisins en matière de sécurité.

La Suisse cherche donc à atteindre ses objectifs en matière de politique de sécurité au moyen d'une stratégie de coopération nationale et internationale de sécurité.

Cette coopération se fonde, d'une part, sur la volonté et la capacité de faire face aux dangers et aux risques qui menacent notre pays et sa population, dans toute la mesure du possible et de manière efficace, avec des moyens civils et militaires propres et adéquats,
selon un réseau étendu et souple. D'autre part, dans les cas où ces moyens seraient insuffisants en raison du caractère de la menace, ou de motifs géographiques et matériels, elle renforce la collaboration en matière de sécurité avec les Etats amis et les organisations internationales.

­

La coopération à l'échelon national se compose de l'attribution de tâches et de ressources attribuées aux différents domaines de la politique de sécurité aux échelons de la Confédération, des cantons et des communes, et de leur action commune en cas de besoin, après accord réciproque.

­

La coopération avec l'étranger se compose de préférence de l'engagement préventif, mais au besoin également de l'engagement réactif au-delà de nos frontières, afin de gérer les crises par des actions multinationales collectives coordonnées, de stabiliser des régions agitées et, de manière plus générale, de renforcer réciproquement les mesures de sécurité.

Les deux éléments de la coopération, celui qui comprend nos propres instruments en matière de politique de sécurité et celui qui prévoit la coopération avec l'étranger, exigent des efforts qui imposent que nos propres moyens soient maintenus au niveau exigé. Le maintien des propres forces n'est pas en opposition avec la collaboration internationale; il est au contraire une condition indispensable pour concevoir efficacement la coopération et pour faire valoir avec assurance ses propres intérêts.

6933

Cette stratégie exige de déplacer partiellement les points forts actuels de nos mesures de sécurité et également des ressources en faveur de mesures préventives, de l'extension de notre zone de sécurité et de la défense contre la violence au niveau infraguerrier. Au cas où l'on reviendrait à une situation antérieure en raison de l'aggravation de la situation de danger, qui ne peut jamais être totalement exclue, des appréciations de la situation, des planifications de variantes et des capacités d'extension sont assurées grâce au maintien de fonctions de base essentielles de l'armée et de la protection de la population.

Notre stratégie en matière de politique de sécurité

La sécurité par la coopération Déciderlibrementdenospropresaffairessansenêtre

Lesobjectifs empêchésparlaviolence dela Protégerlapopulationetlesbasesd'existence politique desécurité Assurerlastabilitéetlapaixdanslecontextestratégique Lestâches stratégiques

Promotiondelapaixetgestiondescrises Préventionetmaîtrisedesdangersexistentiels Défense

Laconduite stratégique

Conseilfédéral,départements,cantons

Lastratégie

Coopérationglobale etsouple enmatièredesécurité àl'interieurdelaSuisse

Lesinstrumentsdela politiquede sécurité

Politiqueétrangère,armée,protectiondelapopulation, politiqueéconomique,approvisionnementéconomique dupays,protectiondel'Etat,police,information

Lesmenaces, lesdangers etlesrisques (laviolence deportée stratégique)

chantage guerrede l'information catastrophes crimeorganisé prolifération etengagement d'armesABC

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Coopérationinternationale enmatièredesécurité (bilatéraleetmultilatérale)

terrorisme violencemilitaire violenceàlasuite demigrations importantes

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Les tâches stratégiques

Par rapport au Rapport 90, trois nouvelles tâches stratégiques se présentent pour notre sécurité nationale. Elles sont énumérées dans l'ordre dans lequel l'événement serait susceptible de se produire.

La promotion de la paix et la gestion des crises En engageant les instruments adéquats de sa politique de sécurité, la Suisse saisit toutes les opportunités de promouvoir la paix dans son environnement stratégique, de contribuer à la gestion aussi pacifique que possible des crises internationales et de participer à la reconstruction des régions endommagées par la guerre.

La promotion de la paix et la gestion des crises évoluent dans un contexte fixé par la diplomatie et se fondent sur des traités de droit international et sur des accords politiques contraignants. Mais de plus en plus, on recourt également à des moyens plus larges, notamment des moyens en personnel et en matériel de la politique extérieure et des forces armées, de la police civile, aux actions humanitaires et à l'aide à la reconstruction, ainsi qu'aux expertises en matière de politique de sécurité et de technique militaire et à du matériel de natures diverses. Dans la promotion de la paix et la prévention des conflits à long terme, les instruments de politique de développement axés sur la suppression des causes de conflits jouent un rôle important.

La Suisse travaille en général avec d'autres Etats, groupes d'Etats et organisations pour la réalisation de ses tâches stratégiques. Elle utilise les possibilités des structures multilatérales régionales et globales, tant en sa qualité de membre qu'à titre de coopération occasionnelle. La Suisse prend également des initiatives propres. En outre, elle est prête à fournir des contributions bilatérales lorsque les chances de succès sont bonnes. A l'occasion de ces activités, la Suisse se fonde sur ses expériences dans le domaine des bons offices.

Les critères qui régissent notre engagement sont les suivants: les intérêts du pays, l'appui sur le droit international, des actions respectueuses des droits de l'homme et à caractère humanitaire, l'effet si possible préventif et durable de ses actions, les avantages comparatifs de la Suisse dans les domaines du savoir-faire et de l'équipement, ainsi que la fixation de points forts en fonction des ressources et compte tenu des priorités. Il va de
soi qu'un engagement défini de cette manière doit correspondre aux besoins réels de la communauté internationale.

La prévention et la maîtrise des dangers existentiels Les instruments de la politique de sécurité contribuent à la prévention et à la maîtrise des dangers existentiels, notamment lors de catastrophes naturelles et anthropiques et de perturbations de l'ordre intérieur à caractère stratégique.

Les atteintes potentielles à nos intérêts et à nos objectifs doivent être reconnues à temps, et leurs conséquences possibles sur notre population et ses bases d'existence doivent être analysées, afin que toutes les mesures nécessaires soient prises à temps, au moyen d'une action commune réunissant toutes les forces à disposition.

Cette appréciation nous engage à faire également davantage appel à des moyens de politique de sécurité destinés à la prévention et à la maîtrise des dangers existentiels.

Ils ne doivent pas seulement être engagés pour la protection d'objets d'importance vitale ou exposés à des risques, mais également pour la maîtrise de catastrophes d'origine naturelle et anthropique. En outre, il s'agit de faire face au crime organisé 6935

à grande échelle, aux sabotages, au terrorisme et aux actes de violence d'importance stratégique affectant la sécurité intérieure, et de s'assurer que les réseaux contrôlés par les technologies de l'information d'importance stratégique ne tombent pas en panne et que la redondance nécessaire subsiste. Nous devrons également faire face, dans un cadre international, aux dangers existentiels transfrontaliers. Dans ce contexte, les prestations de secours de l'armée restent liées au principe de la subsidiarité: les engagements n'ont lieu qu'à la demande et sous la responsabilité des autorités civiles.

La défense La Suisse reste en mesure d'assurer et de défendre sa souveraineté, son territoire, son espace aérien et sa population contre les menaces et l'exercice de la violence de portée stratégique.

L'exécution de cette tâche stratégique doit tenir compte de l'évolution de nombreux dangers et menaces; elle ne sera dès lors plus exclusivement dirigée contre une menace militaire. Malgré le recul substantiel de la menace militaire, qui se manifeste aujourd'hui, un retour à des confrontations politico-militaires d'envergure ne peut cependant pas être exclu dans un avenir plus lointain. C'est pourquoi une capacité crédible de sécurité, de protection et de défense militaire doit être maintenue en permanence, même si un passage progressif de la disponibilité opérationnelle totale de troupes vers une armée composée d'effectifs réduits et offrant un état de préparation différencié est défendable sur le plan de la politique de sécurité et indiqué pour des motifs démographiques, économiques et financiers. Les impératifs temporels d'un tel passage ­ soit les capacité de réaction et d'extension ­ doivent se fonder sur des temps de préalerte réalistes, qui doivent également tenir compte du temps requis par la décision politique.

Le maintien d'une capacité crédible de protection et de défense est assuré d'abord par l'armée et la protection de la population. Toutes deux assurent une préparation pour la protection et pour la défense adaptée à la situation, au moyen d'éléments opérationnels et d'éléments de réserve; elles assument également un rôle important pour soutenir la paix sur le plan international. Elles favorisent ainsi, dans la situation normale déjà, la sécurité et la stabilité en Suisse. En cas de tension
accrue ou de menace directe, elles peuvent prendre des mesures dirigées de manière centralisée, ainsi que des mesures subsidiaires de sûreté. Elles ne contribuent ainsi pas uniquement à la sécurité de notre pays. Nos Etats voisins bénéficient également de leurs efforts, p.

ex. dans la mesure où l'utilisation commune de l'infrastructure stratégique importante de la Suisse reste possible (transversales, transports, télécommunications, réseaux énergétiques, etc.).

En cas d'attaque militaire directe dirigée contre la Suisse, notre statut de neutralité devient caduc. Dans une telle situation et selon la nature de l'attaque, la Suisse se défendra seule ou avec des alliés. Dans la perspective d'une telle évolution, des préparatifs entrepris suffisamment tôt dans la perspective d'une éventuelle coopération avec des forces armées étrangères ne posent pas de problèmes, dans la mesure où ils ne supposent aucun engagement qui ne puisse être révoqué, ni de situation de dépendance pour le cas de défense. L'organisation de la conception d'une défense commune exige du temps, et le rythme de la conduite de la guerre moderne, notamment dans l'espace aérien, est trop élevé pour improviser une coopération entre alliés au moment où la situation d'urgence est imminente.

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512

Le maintien de la neutralité sous l'aspect de l'utilisation systématique de la marge de manoeuvre offerte par le droit de la neutralité

La neutralité implique un certain nombre d'obligations légales qui sont fixées dans les conventions de la Haye de 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre et en cas de guerre maritime, ainsi que dans le droit coutumier international. Le domaine d'application du droit de la neutralité dans le contexte du droit international est cependant limité. Il régit essentiellement le comportement de l'Etat neutre durant les conflits armés interétatiques. Il est interdit à un Etat neutre de prendre part à un tel conflit ou de soutenir militairement l'une des parties. Les obligations des Etats au bénéfice d'une neutralité permanente en temps de paix sont uniquement issues du droit coutumier international. A l'origine, la limitation principale pour ces Etats consistait à renoncer dès le début à la guerre comme moyen d'imposer ses objectifs politiques. Depuis la création des Nations-Unies, cette interdiction de recourir à la violence est valable pour tous les Etats. Aujourd'hui, les obligations légales des Etats neutres permanents se limitent à ne prendre en temps de paix aucun engagement ferme qui les empêcherait de respecter leurs obligations de neutralité en cas de conflit. Il s'agit notamment d'une interdiction d'installer des bases d'appui étrangères sur territoire neutre et d'adhérer à une alliance militaire. La conception de la politique que mène l'Etat au bénéfice d'une neutralité permanente, afin d'imposer la crédibilité de sa neutralité, relève exclusivement de sa propre appréciation.

La neutralité, telle que la Suisse la conçoit, doit actuellement faire face à un environnement totalement modifié. D'une part, la fréquence des conflits militaires interétatiques, qui sont à la base de la conception de la neutralité, diminue dans une mesure telle qu'elle permet le fonctionnement d'un système collectif de sécurité en accord avec la Charte des Nations-Unies. D'autre part, les affrontements violents, qui affectent directement ou indirectement la sécurité de la Suisse, n'ont aujourd'hui pratiquement plus lieu entre Etats, mais à l'intérieur des Etats. Le droit de la neutralité n'a cependant pas été conçu en fonction de tels conflits. Le sentiment de sécurité que la neutralité a offert à la population suisse durant très longtemps est désormais
trompeur. La neutralité seule, notamment lorsqu'elle serait placée sur un même pied d'égalité que le renoncement à une coopération en matière de politique de sécurité avec l'étranger, est insuffisante pour garantir la sécurité de la Suisse. Elle n'offre par non plus d'aide quelconque pour situer notre politique par rapport à des conflits pour lesquels le droit de la neutralité ne s'applique pas.

Il importe pour l'avenir que la neutralité ne devienne pas un obstacle pour notre sécurité. Même en appliquant avec intransigeance le droit de la neutralité, nous disposons d'une importante marge de manoeuvre, qui, bien plus que par le passé, peut être utilisée efficacement dans le contexte d'une politique de participation extérieure et de sécurité. Le rapport sur la neutralité du 29 novembre 1993, dans le Rapport du Conseil fédéral sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90, fixe les bases nécessaires: la poursuite de notre neutralité permanente ne nous empêche pas d'agir activement et solidairement dans le cadre de mesures contre les menaces communes et en vue de l'organisation de systèmes de sécurité internationaux solides. Particulièrement en sa qualité de petit Etat, la Suisse a un intérêt évident à participer à un système de sécurité collective qui soit fonctionnel. Si, malgré les incertitudes qui règnent actuellement, elle renonçait à sa neutralité ou 6937

modifiait sa pratique de telle manière que les Etats importants ne respecteraient plus son statut de neutralité permanente, la situation deviendrait dangereuse sans la réalisation rapide d'alternatives en matière de politique de sécurité (UE, OTAN).

L'adhésion de la Suisse à l'ONU et la coopération institutionnalisée avec des organisations et des structures de sécurité régionales, telles que l'OSCE et le Partenariat pour la paix, sont compatibles avec notre neutralité. Celle-ci ne constitue pas non plus un obstacle à la participation de troupes suisses à des opérations internationales en faveur de la paix à l'étranger ou à la coopération avec des Etats amis dans le domaine de l'instruction de la troupe ou du développement technologique militaire.

Dans ces domaines, le droit de la neutralité permet également de conclure des accords avec l'OTAN ou l'UEO, sans bénéficier de la qualité de membre, p. ex. à l'occasion de l'exécution de mandats du Conseil de sécurité de l'ONU.

Bien que la marge de manoeuvre du droit de la neutralité soit largement utilisée, il ne faut cependant pas ignorer qu'avec la fin du XXe siècle, des limites sont aussi imposées aux actions de politique extérieure d'un Etat au bénéfice d'une neutralité permanente. En 1999, dans le conflit du Kosovo, lorsque les pays de l'OTAN se sont prononcés en faveur d'une intervention militaire destinée à juguler et à faire cesser les graves violations du droit international et des droits de l'homme, les événements du Kosovo ont montré que la Suisse, en matière de droit de la neutralité, est tenue dans certains cas de refuser d'appuyer des mesures d'autres Etats, même si ces mesures sont compatibles avec ses objectifs de politique extérieure et de politique de sécurité. Le statut de la neutralité permanente n'admet pas, dans les cas où le droit de la neutralité est applicable, que l'on procède à une évaluation large de tous les intérêts en cause.

Le non-respect du droit de la neutralité dans un cas de conflit concret aurait assurément pour conséquence le renoncement de la Suisse à la neutralité permanente. Il n'est cependant pas exclu que notre pays, p. ex. à l'image de la Suède ou de l'Irlande, puisse conserver le statut d'un Etat neutre ordinaire (neutralité ad hoc). Le maintien de la neutralité permanente devra, même avec la meilleure
utilisation possible de la marge de manoeuvre qu'offre le droit de la neutralité, être soumis à l'avenir à la question critique de savoir si cet élément de notre stratégie en matière de politique de sécurité sera suffisant pour offrir, au XXIe siècle également, la meilleure perception possible des intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure et de politique de sécurité.

La neutralité de notre pays exclut toute adhésion à une alliance militaire. Il n'est pas possible de déterminer une fois pour toutes si notre sécurité est mieux protégée par la neutralité ou par l'adhésion à une alliance de défense, même sous l'angle des limites que nous imposent nos propres ressources technologiques et financières. Cette question doit être réactualisée régulièrement à la lumière des menaces et des dangers actuels et prévisibles. Pour garantir notre liberté de manoeuvre, il faut laisser ouverte la possibilité d'adhérer à une alliance.

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Les composants principaux de la stratégie

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Une coopération globale et souple en matière de sécurité dans le pays

Parmi nos propres instruments de politique de sécurité, l'organisation de la défense générale est remplacée par une coopération globale et souple en matière de sécurité.

Cette coopération doit être générale, parce qu'elle regroupe l'engagement et la coopération de différents organes, domaines et éléments établis dans plusieurs départements de la Confédération et à différents échelons (Confédération, cantons, communes, organisations privées) et destinés à la prévention et à la lutte contre la violence d'importance stratégique, notamment pour la maîtrise de catastrophes naturelles et anthropiques et d'autres situations d'urgence. Elle doit être souple, parce qu'il convient de n'engager que des combinaisons optimales des mesures et des moyens, compte tenu des besoins actuels.

En principe, tous les responsables de leur domaine prennent des mesures de préparation nécessaires à la prévention et à la lutte contre la violence de nature stratégique, ainsi qu'à la maîtrise des catastrophes. Ils sont prêts à être engagés de manière autonome ou à l'occasion d'actions communes ou combinées. Tous les organes, les domaines et les éléments étatiques de la coopération globale et souple en matière de sécurité, ainsi que les organisations privées dûment désignées, sont tenus d'assurer une coopération dans tous les domaines et tous les éléments. Ils se soutiennent et s'informent réciproquement. Ils communiquent aux autres responsables de tâches les renseignements dont ils ont besoin pour remplir leurs missions et coopèrent au besoin au niveau de l'instruction.

La condition préalable au bon fonctionnement de cette coopération est une attribution claire des missions, ainsi que des responsabilités au niveau du commandement et de la direction. La préparation et l'engagement doivent être coordonnés, afin de garantir le rendement et l'efficacité des actions. La Confédération, les cantons et les communes conservent leurs responsabilités et compétences. Pour garantir la souplesse nécessaire, ces dernières sont cependant contrôlées et, au besoin, adaptées en collaboration avec les intéressés.

Les engagements sont dirigés sur mandat du Conseil fédéral ou des autorités cantonales par les services de la Confédération ou des cantons les plus qualifiés. En cas d'engagements à caractère transfrontalier ou dans les situations
d'urgence à dimension nationale, les autorités de la Confédération assument la direction générale.

Un Organe de direction pour la sécurité (cf. ch. 8.1.) sera institué au niveau de la Confédération pour garantir la coopération globale et souple en matière de sécurité.

Au besoin, cet organe comprendra également les interlocuteurs des cantons pour la protection de la population et de la sécurité intérieure, ou les représentants des cantons dans ces domaines. L'Organe de direction pour la sécurité conseillera le Conseil fédéral pour l'organisation de la coopération globale et souple en matière de sécurité et pour le passage de l'ancienne défense générale dans celle-ci.

La coordination des préparations et des mesures au niveau de la Confédération, des cantons et des communes pour les situations particulières et extraordinaires a été assurée jusqu'ici dans d'importants domaines techniques par l'organisation des «services coordonnés». En principe, les structures d'organisation et d'administration ordinaires seront régulièrement utilisées, à l'avenir et les responsabilités usuelles

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seront respectées. On examine dans quelle mesure, à l'avenir également, des organes de coordination particuliers seront nécessaires (commissions).

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La coopération en matière de sécurité avec l'étranger

Les menaces et les dangers actuels et prévisibles sont transfrontaliers. Ils touchent nos voisins et partenaires au même titre que nous-mêmes et ne peuvent être combattus avec succès qu'au moyen de la coopération internationale, par l'engagement de nos propres forces. La nécessité d'une coopération accrue en matière de sécurité entre la Suisse et l'étranger en découle. C'est pourquoi, à l'avenir, la Suisse s'engagera plus souvent au-delà de sa propre frontière pour fournir des contributions destinées au maintien de la paix et à la gestion des crises sur le plan international, mais également pour sauvegarder les bases d'existence, pour maîtriser les conséquences de guerres et de catastrophes et pour assurer un développement durable.

Elle renforcera ainsi les efforts accomplis par les autres Etats et par la communauté internationale, et soutiendra l'organisation d'un système efficace de sécurité collective. Simultanément, elle peut présumer que les efforts similaires des autres Etats seront également profitables à la sécurité de la Suisse. On obtiendra ainsi un renforcement réciproque des efforts destinés à garantir la sécurité dans notre environnement stratégique.

Par le passé, la Suisse a souvent offert ses bons offices en tant qu'Etat individuel. A présent, de tels services sont rendus au moyen de structures multilatérales. C'est principalement dans ce cadre que la Suisse poursuivra son action au moyen de ses propres initiatives. Les perspectives de succès de ces dernières augmenteront s'il est possible de gagner l'appui des pays de l'UE ou d'un autre groupe influent. Cette situation est également valable pour les mesures relevant du domaine de la sécurité intérieure (lutte contre le crime organisé et le terrorisme).

Nous pouvons utiliser toute une série de structures de coopération multilatérales, mondiales et européennes. L'ONU, l'OSCE, l'OTAN, le CPEA, le PPP, l'UE, l'UEO, le Conseil de l'Europe, ainsi que d'autres organisations et forums, également ceux de nature non gouvernementale, exercent des activités importantes en matière de politique de sécurité. La Suisse, en tant que membre ou sur une base ad hoc, peut participer à ces activités, elle qui apporte du reste déjà une contribution non négligeable. Une participation à part entière, sur un pied d'égalité, et un droit de codécision ne
sont cependant possibles que dans les institutions dont la Suisse est membre.

L'instruction commune est la condition pour une coopération qui soit profitable aux deux parties. A l'avenir, elle sera intensifiée par le biais du Partenariat pour la paix.

Si de nouvelles situations de menaces devaient se présenter de manière imprévisible et contre lesquelles la stratégie de coopération engagée actuellement ne suffirait plus pour s'affirmer, ces expériences permettraient d'organiser rapidement et efficacement la défense au moyen d'une coalition.

La Suisse utilise aussi toutes les possibilités de coopération bilatérales avec les pays amis et leurs forces armées. Cette coopération comprend surtout l'échange d'informations, l'instruction technique et en matière de politique de sécurité, des exercices communs et une coopération dans d'autres domaines ­ p. ex. l'aide en cas de catastrophes ­, autant d'éléments qui présentent un intérêt pour les deux partenaires. Dans la mesure où leur légitimité et leur objectif satisfont aux intérêts de la 6940

Suisse, des engagements de troupes suisses de la paix, dûment définis, entrent également en considération pour des engagements de promotion de la paix.

Deux facteurs limitent essentiellement notre coopération en matière de sécurité.

D'une part, les engagements en faveur de la promotion de la paix auxquels la Suisse participe doivent être légitimés sur le plan du droit international (en règle générale, un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU ou de l'OSCE). D'autre part, les restrictions qu'impose le droit de la neutralité doivent être respectées. Le conflit au Kosovo en 1999 a précisément montré quelles limites la Suisse devait respecter tant qu'elle est neutre.

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La justification de notre stratégie par rapport à d'autres alternatives

La Suisse doit-elle retrouver une défense autonome propre?

La prévention et la lutte contre les menaces et les dangers actuels et prévisibles à partir de ses propres frontières et en renonçant à toute coopération avec l'étranger en matière de politique de sécurité ne serait plus possible même avec des moyens surdimensionnés, ou alors elle serait excessivement coûteuse. La sécurité à laquelle notre population a droit ne pourrait être obtenue ainsi ni techniquement ni financièrement. Même si les intérêts de notre sécurité devaient être énergiquement défendus, on ne pourrait plus les garantir en faisant cavalier seul.

En fin de compte, notre contribution aux efforts de sécurité communs est également celle qu'attendent nos partenaires comme preuve de notre solidarité. De ce fait, elle doit être convaincante. Persister sur l'offre des prestations actuelles ou ne prévoir qu'une couverture timide en matière de politique de sécurité, qui offrirait uniquement ce que nous sommes à même de fournir sans grand effort, tandis que nous ne serions pas prêts à accepter des risques partagés, ne saurait désormais suffire. Nous pourrons seulement être assistés en cas de besoin si, aujourd'hui déjà, nous fournissons des prestations de sécurité précieuses en faveur de tous nos partenaires, conformément au nouvel éventail des dangers.

La Suisse doit-elle adhérer à l'OTAN?

Une adhésion de la Suisse à l'OTAN n'est aujourd'hui pas nécessaire pour garantir notre sécurité et la stabilité de notre environnement. Notre volonté de coopération en matière de sécurité, sans cependant adhérer à une défense collective euroatlantique, répond parfaitement à la situation actuelle et prévisible de la menace.

Tant que nous sommes disposés à coopérer avec l'OTAN et que le droit de la neutralité nous le permet, cette coopération a lieu par l'intermédiaire de notre siège au Conseil de partenariat euro-atlantique et dans le cadre du Partenariat pour la paix.

L'OTAN est désormais prête à offrir, sans contraindre les intéressés à adhérer à l'alliance, des possibilités de participation active à la préparation et à l'exécution d'opérations de maintien de la paix et d'opérations humanitaires, telles que les engagements de recherche et de sauvetage, aux Etats partenaires qui ­ à l'instar de la Finlande et de la Suède ­ le souhaitent et en
sont capables. Ainsi, si elle en exprime le désir, la Suisse peut également sauvegarder ses intérêts et apporter sa contribution aux activités opérationnelles de l'OTAN. Le fait qu'elle reste par ailleurs exclue d'activités prévues par l'art. 5 du Traité de Washington (défense collective) ne porte aucunement atteinte à la sécurité en regard des menaces et des dangers actuels.

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Les conséquences d'une adhésion à l'UE

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Les conséquences en matière de politique de sécurité

La Suisse est entourée d'Etats qui partagent dans une large mesure ses valeurs, ses objectifs et ses intérêts dans le domaine de la politique de sécurité. Cette communauté partageant les mêmes valeurs démocratiques est chargée de créer par étapes les bases d'un espace commun de sécurité. Cette situation montre clairement le peu de valeur que représente une défense suisse autonome à la frontière; celle-ci ne permet du reste pas une utilisation optimale des chances qui s'offrent. Dès lors, une coopération étroite s'impose avec le système de sécurité européen qui est actuellement en voie de création dans le cadre de l'UE. L'orientation générale de la Suisse en matière de politique d'intégration est tributaire des options que représente la coopération sectorielle en tant que non-membre de l'UE et la participation intégrale à titre de membre de l'UE.

En tant que membre de l'UE, la Suisse pourrait, en bénéficiant d'un pouvoir de codécision, participer pleinement à l'aménagement de la politique de sécurité européenne. En contrepartie, elle serait tenue d'appliquer les politiques communes.

En prévoyant une abstention fondée sur des éléments constructifs, elle pourrait cependant obtenir de ne pas appliquer des mesures communes qui ne seraient pas compatibles avec sa politique. Si elle le souhaitait, la Suisse, en tant que nonmembre de l'OTAN, obtiendrait un statut d'observateur à l'UEO. Dans l'ensemble, la qualité de membre de l'Union européenne contribuerait à donner à la Suisse une sécurité accrue, notamment à l'égard des tentatives de pressions économiques, des migrations incontrôlées et du crime organisé. En outre, notre participation dans les politiques extérieures et de sécurité contribuerait à une meilleure défense de nos intérêts.

La question de la compatibilité de la neutralité avec le statut de membre de l'UE a déjà été examinée dans le rapport du 18 mai 1992 sur la question de l'adhésion de la Suisse à la Communauté européenne, dans le rapport du 29 novembre 1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90, ainsi que dans le rapport sur l'intégration 1999. Les trois rapports tirent la même conclusion: un Etat qui veut adhérer à l'UE doit entreprendre les adaptations nécessaires de sa politique étrangère, le statut de neutralité ne constituant pas un obstacle. En adhérant à
l'Union européenne, la Suisse ne contreviendrait pas aux obligations que lui impose le droit de la neutralité. En effet, le statut de membre de l'UE n'entraîne aucune obligation militaire. Le principe de l'unanimité pour les décisions qui relèvent du domaine de la politique étrangère et de sécurité commune garantit qu'aucun membre neutre de l'UE ne sera impliqué contre son gré dans un conflit dans lequel il importe de rester neutre. Par ailleurs, l'adhésion à l'UE n'entraîne aucune obligation juridique d'adhérer ultérieurement à une éventuelle communauté européenne de défense.

L'Autriche, la Finlande, l'Irlande et la Suède ont montré que la qualité de membre de l'UE est compatible avec la neutralité. Ni les autres Etats membres ni les institutions de l'UE n'exigent que ces Etats renoncent à leur neutralité. La législation de l'UE prend même en considération la situation particulière des Etats membres neutres. L'art. 17, al. 1, du traité de l'UE précise expressément que: «La politique de l'Union (. . .) ne touche pas le caractère particulier de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres.»

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Une adhésion à l'UE ne modifierait en rien la crédibilité et la fiabilité de notre politique de neutralité. En tant que membre de l'UE, la Suisse pourrait pour l'essentiel poursuivre la politique de neutralité qu'elle pratique depuis la fin de la confrontation est-ouest en Europe. Comme c'est déjà le cas actuellement, la Suisse appliquerait en principe les sanctions économiques de l'UE, si la mesure concrète devait servir la paix internationale, empêcher ou réprimer une grave violation du droit international.

La participation à ces mesures reflète la concordance de nos intérêts en matière de politique étrangère et de sécurité, ainsi que l'interdépendance économique étroite de la Suisse avec l'UE. Dans le domaine du contrôle des exportations de matériel de guerre, en particulier les biens à usage militaire et les biens à double usage, la Suisse vise, aujourd'hui déjà et dans la mesure du possible, une harmonisation de ses prescriptions avec l'UE. Le contrôle des exportations et les mesures économiques ne sont efficaces que s'ils ont été réglés et harmonisés sur le plan international.

Cependant, une adhésion à l'UE implique un engagement politique réciproque visant à soutenir tous les efforts destinés à renforcer la sécurité de l'Union et de ses membres. La loyauté et la solidarité entre les membres de l'UE sont des règles de base, qui sont également valables pour une aspiration à une plus grande sécurité. Si un dispositif de sécurité stable devait un jour faire ses preuves dans le cadre de l'Union européenne, offrant à la Suisse plus de sécurité que la neutralité, notre pays pourrait alors renoncer à sa neutralité en faveur d'un tel système. Dans tous les cas, la Suisse pourrait prendre cette décision de manière autonome.

A la demande de la Finlande et de la Suède, qui sont des membres neutres de l'UE, la dernière révision du traité permettra à tous les Etats membres de l'UE de décider d'actions de consolidation de la paix dans le cadre de l'UE (aide en cas de catastrophe, opérations humanitaires, appui militaire en faveur de la paix). La participation à de telles opérations est volontaire pour les Etats de l'UE qui ne sont pas membres de l'UEO. En tant que membre de l'UE, de même qu'en tant qu'observateur de l'UEO, la Suisse pourrait, par conséquent, décider librement si elle souhaite participer
à de telles opérations et sous quelle forme. De telles tâches figurent également au centre des activités du Partenariat pour la paix de l'OTAN, auquel la Suisse participe depuis 1996.

En tant que non-membre de l'UE, la Suisse conserverait une marge de manoeuvre un peu plus étendue en matière de politique étrangère. Mais elle perdrait le gain de sécurité que lui procurerait la qualité de membre et la possibilité de contribuer à la création de la plate-forme de politique étrangère et de sécurité que l'UE met sur pied en ce moment, puis de l'utiliser et de l'engager en faveur de ses intérêts. Ce serait regrettable dans la mesure où la Suisse et l'UE ont des buts communs de politique étrangère et de sécurité dans de nombreux domaines. Les possibilités de coopérer devraient être étudiées au cas par cas.

542

Les conséquences dans les domaines de la justice et de l'intérieur

La Suisse est un îlot au milieu de l'UE. Cette situation a des répercussions négatives, notamment dans le domaine de la sécurité intérieure. En effet, notre pays est ainsi exclu de la coopération européenne en matière de sécurité dans le cadre de Schengen ou de l'UE. Pour éviter qu'elle soit marginalisée lors de la coopération européenne en matière de sécurité, la Suisse a engagé depuis 1995 des négociations 6943

bilatérales avec tous les Etats voisins, afin de renforcer la coopération transfrontalière en matière de justice et de police et de se fonder sur des bases nouvelles. Par ailleurs, les accords concernant la réadmission de personnes en situation irrégulière devraient être adaptés à la situation actuelle. Des accords avec la France et l'Italie ont été ratifiés, tandis qu'avec l'Allemagne et l'Autriche, les accords ont été signés au mois d'avril 1999.

Tous ces efforts ne permettront cependant pas à la Suisse d'être intégrée dans le système de coopération des Etats membres de Schengen ou de l'UE. Les contrôles aux frontières, la politique de visas, la politique d'asile, ainsi que l'accès au système d'information de Schengen sont notamment exclus de la coopération bilatérale. Ces domaines ne peuvent pas être l'objet d'un accord bilatéral entre la Suisse et les différents Etats membres de Schengen et de l'UE. D'importants désavantages en découlent. Un espace de sécurité transfrontalier homogène serait une importante garantie de sécurité intérieure.

Les efforts de la Suisse pour participer au moins partiellement à la coopération européenne multilatérale dans le domaine de la sécurité n'ont pas été couronnés de succès en dépit d'importants efforts. Ainsi, la Suisse a p. ex. tenté d'ouvrir des négociations pour un accord parallèle à la convention de Dublin, de coopérer avec Europol; elle a même examiné la possibilité d'établir une coopération institutionnalisée avec le groupe de Schengen, notamment dans les domaines de la politique de visas, des contrôles frontaliers, de la coopération consulaire et du système d'information de Schengen.

L'adhésion à l'UE signifierait une reprise de l'acquis communautaire pour les domaines relevant de la justice et de l'intérieur. Les intérêts en matière de politique de sécurité et de politique migratoire pourraient, p. ex., être garantis. La Suisse pourrait engager ses moyens de lutte contre les origines des mouvements migratoires en étroite coopération avec les autres Etats de l'UE. Elle aurait ainsi accès aux instruments juridiques déterminants de l'UE et serait intégrée dans l'organisation des compétences de l'accord de Dublin sur le pays du premier asile. Cependant, cela signifierait également que la Suisse n'effectuerait plus de contrôles des personnes aux passages
frontières avec d'autres Etats de l'UE (frontières de l'espace UE). Les contrôles des frontières extérieures resteraient en vigueur dans les aéroports internationaux, dans la mesure où il s'agit du contrôle des entrées des voyageurs en provenance d'Etats non-membres de l'UE ou de l'EEE. Rien ne s'opposerait à une participation illimitée à Europol.

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Les conséquences d'une adhésion à l'ONU pour notre politique de sécurité

L'adhésion de la Suisse à l'ONU signifierait que notre pays deviendrait membre à part entière avec tous les droits et les obligations qui en découlent. La Suisse pourrait ainsi participer aux décisions au sujet de questions de sécurité. Etre membre signifierait également accepter la Charte de l'ONU et soutenir les décisions du Conseil de sécurité. Les sanctions économiques devraient être automatiquement appliquées, à titre de devoir légal d'Etat membre et non plus simplement comme un acte d'application autonome. En ce qui concerne les opérations militaires en faveur de la paix, la simple qualité de membre n'oblige pas un Etat à mettre à disposition des troupes armées pour des actions de maintien de la paix ou pour d'autres opéra6944

tions militaires. En revanche, l'adhésion à l'ONU astreindrait la Suisse à une obligation financière consistant à verser une contribution obligatoire au budget des opérations en faveur de la paix.

En qualité de membre, la Suisse bénéficierait de meilleures possibilités dans différents domaines. Elle pourrait participer aux décisions concernant les missions de paix et obtiendrait davantage d'engagements de personnel (membres de missions de l'ONU, représentants spéciaux du secrétaire général, émissaires pour des bons offices). Elle bénéficierait de facilités d'accès aux positions clés de l'ONU. La Suisse pourrait également devenir membre du Conseil de sécurité et exercer ainsi une influence directe à l'occasion de décisions concernant les opérations militaires, les mesures de promotion ou de maintien de la paix et les sanctions économiques. Dans le groupe occidental, les Etats comparables à la Suisse ont été élus en moyenne une à deux fois par période de 25 ans, pour une législature de deux ans.

6

Les instruments

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La politique étrangère

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La mission

La politique étrangère est un instrument essentiel pour garantir activement nos intérêts et pour atteindre nos objectifs en matière de politique de sécurité. Elle contribue à l'encouragement et à la sauvegarde efficace de la paix, à la prévention des conflits, à la gestion des crises; elle consolide le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'engage en faveur du respect des dispositions du droit international humanitaire. Dans les négociations relatives à la maîtrise des armements et au désarmement, elle défend les intérêts du pays, encourage les mesures destinées à améliorer la transparence militaire, s'engage en faveur de l'arrêt ou du contrôle de la prolifération d'armes de destruction massive, des systèmes balistiques à longue portée et des technologies critiques; elle participe à la vérification des accords conclus.

En outre, elle soutient la politique étrangère des pays en voie de développement, ainsi que les pays de l'Europe de l'Est dans leurs efforts visant à améliorer les conditions d'existence de leurs populations, et elle fournit de l'aide humanitaire lors de catastrophes ou de conflits armés. Dans le cadre de la politique extérieure, la politique de neutralité permet à la Suisse de collaborer activement à l'organisation de structures de sécurité solides.

La fin de la guerre froide a renforcé la notion de politique étrangère en tant qu'élément de notre politique de sécurité. Le rapport du Conseil fédéral sur la politique étrangère de la Suisse dans les années 90, présenté en 1993, et son annexe sur la neutralité gardent toute leur valeur.

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La promotion de la paix, la diplomatie préventive et la gestion des crises

En règle générale, les actions destinées à la promotion durable de la paix sont entreprises dans le cadre des organisations internationales. En effet, les contributions des différents Etats peuvent ainsi être unies et coordonnées. La Suisse soutient notamment les mesures de l'OSCE et de l'ONU dans le domaine de la promotion de la 6945

paix, de la diplomatie préventive et de la gestion des crises. Elle met ainsi l'accent sur des contributions concrètes en mettant des experts et des observateurs électoraux à disposition, en participant à des projets de mise en place de structures démocratiques et en fournissant un soutien matériel et logistique. Elle accorde la priorité à la protection des minorités en encourageant notamment la liberté des médias, au renforcement des administrations locales, de la justice et de la police, ainsi qu'à la formation.

Pour renforcer l'efficacité des mesures coercitives non militaires de l'ONU et réduire les conséquences humanitaires négatives, la Suisse s'engage avec la coopération de l'ONU à développer cet instrument de telle manière qu'il agisse contre une élite irresponsable et qu'il puisse être appliqué de manière efficace par les Etats membres (initiative «Smart Sanctions»).

Les contributions à la promotion de la paix dans le cadre d'organisations internationales sont complétées par des activités bilatérales. La Suisse participe aux efforts qui visent un règlement pacifique des conflits et se concentrent sur la promotion de la confiance et l'ouverture du dialogue entre les parties ennemies, sur les efforts de médiation, sur la réconciliation et l'organisation de structures démocratiques. A cet effet, elle travaille avec les organisations non étatiques, telles que les oeuvres d'entraide, les organisations humanitaires et des droits de l'homme, ainsi que les institutions scientifiques.

La politique culturelle de la Suisse également contribue au moyen d'échanges à promouvoir la compréhension entre les différents groupes culturels et donc la paix.

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La politique des droits de l'homme

La paix et la sécurité ne peuvent durablement être garanties que dans une communauté d'Etats qui respectent également les droits de l'homme et les libertés fondamentales à l'intérieur de leurs frontières, qui reconnaissent la primauté du droit par rapport à une politique arbitraire et qui soumettent le pouvoir politique au contrôle démocratique. De ce fait, la promotion du respect des droits de l'homme est aussi dans notre propre intérêt en matière de politique de sécurité. Il ne s'agit pas d'une immixtion dans les affaires intérieures d'autres Etats, car les droits de l'homme sont l'une des composantes du droit international, et leur respect est dans l'intérêt justifié de la communauté internationale. La Suisse dispose de moyens politiques, diplomatiques, juridiques et économiques, destinés à renforcer le respect des droits de l'homme ou à lutter contre leur violation. Ces moyens comprennent notamment les instruments de la coopération avec l'Europe de l'Est et de la coopération au développement.

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Le désarmement et la maîtrise des armements

Avec sa politique de la maîtrise des armements et du désarmement, la Suisse soutient les efforts destinés à la non-prolifération ou à la destruction totale des armes de destruction massive nucléaires, biologiques et chimiques. Dans le domaine des armes conventionnelles, elle soutient la transparence et s'engage en faveur de rapports de forces stables et équilibrés.

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Pour ce faire, la Suisse a adhéré à tous les traités multilatéraux. Elle encourage la conclusion et le respect de traités équilibrés, non discriminatoires, universels et contrôlables. Elle prend activement part aux négociations dans différents forums internationaux, p. ex. à la Conférence sur le désarmement, à l'OSCE, à l'Agence internationale pour l'énergie atomique, à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, à la Commission préparatoire de la future organisation pour l'interdiction totale des essais nucléaires, au Groupe spécial des Etats membres de la Convention sur les armes biologiques, ainsi que dans le cadre d'initiatives ad hoc (p.

ex. à l'occasion du processus d'Ottawa, qui a abouti en 1997 à la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnel et sur leur destruction, ou encore dans le domaine des armes de petit calibre).

Dans le contexte de l'ONU et de l'OSCE, la Suisse soutient également les efforts de transparence, qui visent à mieux éclairer les intentions et les actions militaires et en matière de politique de sécurité des Etats, et à réduire ainsi les risques d'activités militaires inattendues. La participation de la Suisse à divers régimes de contrôle des exportations (Groupe des pays fournisseurs nucléaires, Régime de contrôle de la technologie des missiles, «Groupe d'Australie», Arrangement de Wassenaar) est destinée à favoriser la transparence, l'interdiction de la diffusion d'armes et le contrôle des technologies à usage tant civil que militaire.

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Le droit international humanitaire

Le droit international humanitaire, soit l'ensemble des règles destinées à garantir le respect et la protection de la personne humaine en cas de conflit armé, occupe depuis fort longtemps une place particulière dans l'action gouvernementale et privée de la Suisse sur le plan international. Il est même souvent perçu, en Suisse et à l'étranger, comme faisant partie intégrante de l'«identité suisse».

Outre l'intérêt primordial qui vise la sauvegarde de certaines valeurs morales fondamentales, l'engagement de la Suisse en faveur du droit international humanitaire est étroitement lié au maintien de la paix et à la sécurité internationale. Lorsqu'éclate un conflit, les Etats ont un intérêt prépondérant à ce que le comportement des forces armées soit réglé de manière à garantir un respect minimum de la personne humaine.

Si ces règles sont violées de manière démesurée et systématique, le risque est grand que le conflit en cause déstabilise les Etats voisins en provoquant un flux de réfugiés. Le fait que des crimes de guerre, commis à une grande échelle, puissent rester impunis porte en soi le germe de nouveaux conflits et de nouvelles violations du droit humanitaire. C'est pourquoi la Suisse soutient résolument la mise en place d'une Cour pénale internationale.

L'évolution actuelle place le droit international humanitaire devant de nouveaux défis, non seulement avec l'apparition de nouvelles armes, mais aussi de nouveaux types de conflits: conflits identitaires, conflits liés à la désintégration des structures étatiques et de commandement et, surtout, des conflits internes pour lesquels le droit international humanitaire, destiné aux conflits entre Etats, n'était initialement pas prévu. Des règles doivent dès lors être complétées et, dans ce domaine, la Suisse bénéficie d'une grande expérience.

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La coopération au développement, la coopération avec l'Europe de l'Est et l'aide humanitaire

Avec la coopération au développement, la coopération avec l'Europe de l'Est et l'aide humanitaire, la Suisse dispose d'instruments importants pour promouvoir la stabilité et un développement durable. D'une part, ces instruments contribuent à la stabilité avec des mesures à long terme (coopération technique, aide financière, mesures en matière de politique commerciale et économique), en engageant la lutte contre les origines structurelles des conflits, telles que la pauvreté, le chômage, les atteintes à l'environnement ou une mauvaise gestion gouvernementale. D'autre part, ils sont destinés à réduire les potentiels de conflits extrêmes lors d'escalades de conflits ou après des affrontements armés (aide humanitaire d'urgence, aide à la reconstruction, coopération technique, aide financière).

La coopération au développement et la coopération avec l'Europe de l'Est visent la lutte contre les origines des conflits (prévention générale). Elles soutiennent la création de structures et de conditions de base stables dans les pays partenaires en contribuant à la stabilité économique, sociale, politique et institutionnelle, et à la protection de l'environnement. L'intégration systématique de la population concernée dans l'organisation de tous les projets de développement, le renforcement de la capacité des groupes de population défavorisées de faire valoir leurs préoccupations et la prise en considération du rôle particulier de la femme dans le processus de développement, font partie des principes d'engagement de la coopération internationale destinée à la prévention des conflits à long terme.

La Suisse est cependant consciente que des interventions au sein d'une société ou d'un Etat peuvent aussi avoir des effets négatifs. Ce risque peut être réduit en manifestant une grande sensibilité, en ayant de bonnes connaissances de l'environnement local et de ses acteurs, et en établissant un rapport de confiance, sur la base d'une coopération à long terme, avec les partenaires à l'échelon national et local.

Au niveau de la coopération internationale, la Suisse peut prendre des mesures en vue d'écarter les potentiels extrêmes de conflits (prévention particulière). Il s'agit de l'aide aux réfugiés et aux personnes déplacées, de l'aide à la reconstruction, de la promotion des droits de l'homme, de l'Etat de droit
et de la démocratie, du soutien de réformes dans le secteur de la sécurité (p. ex. démobilisation et réintégration des combattants dans la vie civile, réforme de la police), de l'importante coopération dans le domaine de la police en relation notamment avec l'Europe de l'Est, ainsi que de la promotion des formes de règlement des conflits d'importance locale. Toutes ces mesures exigent une coordination efficace des nombreux acteurs sur place.

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La politique de neutralité

La politique de neutralité regroupe toutes les mesures que prend la Suisse de sa propre initiative pour préserver la crédibilité de sa neutralité. Selon la situation de la politique étrangère, la neutralité joue un rôle plus ou moins important. La politique de neutralité est, par conséquent, sujette à des modifications continues en fonction des contextes extérieurs et en matière de politique de sécurité: durant la période de l'après-guerre et jusqu'à la fin de la guerre froide, la Suisse a appliqué une politique de sécurité très réservée. Les bouleversements qui ont fait époque à la fin du conflit Est-Ouest ont créé les conditions d'un changement de cap. Ce dernier s'est surtout 6948

révélé nécessaire parce que la neutralité avait beaucoup perdu de sa signification en tant que moyen de maîtriser les dangers et les risques.

En tant que pays neutre au centre de l'Europe, nous avons traditionnellement une fonction stabilisatrice et génératrice de paix. Notre devoir d'Etat neutre permanent, qui consiste à nous préoccuper de ne pas être impliqués dans un conflit international déjà en temps de paix, exige aujourd'hui une action préventive étendue et commune.

La solution réside dans une politique de participation qui permettra à la Suisse de contribuer activement et solidairement à la création de structures de sécurité solides et d'intensifier sa coopération bilatérale avec des pays amis. Les marges de manoeuvre offertes par la politique de sécurité devront être résolument utilisées à cette fin.

La coopération de la Suisse au sein de l'OSCE, du Partenariat pour la paix et du Conseil de partenariat euro-atlantique peut, du point de vue de la politique de neutralité, être étendue et consolidée sans aucune difficulté.

La Suisse ne saurait soutenir activement ou passivement des mesures internationales recourant à la violence, en Europe ou ailleurs, que si ces mesures se fondent sur une base juridique claire du droit international.

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L'armée

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La mission

La mission de l'armée comprend des contributions pour la promotion internationale de la paix et la gestion des crises, l'engagement de sûreté sectoriel et la défense, ainsi que les engagements subsidiaires destinés à la prévention et à la maîtrise des dangers existentiels1. Ces trois missions spécifiques sont d'une importance essentielle pour la sécurité de la Suisse.

En offrant une participation judicieuse aux efforts internationaux visant la promotion de la paix et la gestion des crises, l'armée devient un instrument essentiel de la défense étendue des intérêts de la Suisse et de la solidarité dans le contexte stratégique primordial pour notre sécurité. Ces efforts comprennent l'envoi de personnel militaire et de contingents de troupes destinés à la stabilisation et à la gestion internationale des crises dans le cadre de mandats légitimés par le droit international, ainsi que la préparation à de tels engagements avec d'autres forces armées sous une forme multinationale ou bilatérale. Dans tous les cas, le Conseil fédéral décide, après avoir entendu le commandement de l'armée, de la participation à de tels engagements, de leur genre et de leur durée, ainsi que des règles d'engagement.

L'approbation subséquente du Parlement est nécessaire.

La mission de l'armée visant l'engagement de sûreté sectoriel et la défense consiste à protéger le peuple et l'Etat contre une utilisation de la violence de portée stratégique. Au niveau infraguerrier déjà, l'armée protège des secteurs et des installations d'importance stratégique et contribue ainsi à la sécurité et à la stabilité à l'intérieur du pays et dans notre environnement. Si la Suisse est menacée militairement, l'armée défend la population, le territoire et l'espace aérien, et procure au gouver1

Cette énumération des missions de l'armée s'écarte de l'énumération des missions stratégiques qui se réfèrent à l'ensemble des instruments de politique de sécurité (ch.

5.1.1.). La raison réside dans le fait que la mission «contribution à la prévention et à la maîtrise des dangers existentiels» doit être considérée à titre subsidiaire, contrairement aux deux autres missions.

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nement un maximum de liberté de manoeuvre. Au besoin, elle est habilitée par les autorités fédérales à assurer la défense au moyen d'une alliance avec d'autres Etats.

La contribution de l'armée à la prévention et à la maîtrise des dangers existentiels consiste à collaborer lors de l'aide en cas de catastrophe, d'engagements d'appui (p.

ex. l'assistance) et d'engagements de sûreté (p. ex. la protection d'ouvrages, l'aide en faveur de la police ou du Corps des gardes-frontière. Dans tous ces cas, les moyens appropriés de l'armée seront engagés à titre subsidiaire, la responsabilité de l'engagement incombant aux autorités civiles, et avant tout dans les cas où les moyens civils ne suffisent pas ou devant l'imminence d'une tâche exigeant des moyens importants. Dans ce contexte, l'armée devient un élément de la coopération globale et souple en matière de sécurité.

Ainsi, l'armée passe de la stratégie de la dissuasion (la capacité de défense et celle de tenir) à une stratégie de coopération à plusieurs composantes. D'une part, dans le cadre des instruments nationaux de politique de sécurité et, d'autre part, au moyen du renforcement réciproque des dispositifs de sécurité avec les Etats partenaires et les efforts de stabilisation entrepris dans le contexte stratégique commun. En plus, elle assume en permanence toutes les tâches de l'engagement de sûreté sectoriel et est prête à accroître sa capacité de défense au cas où une menace militaire importante devrait se profiler. Simultanément, l'armée se prépare à une coopération plus étendue avec des forces armées étrangères. Une telle coopération pourrait être nécessaire si les rapports politico-militaires devaient radicalement changer.

Cette nouvelle conception, fondée sur des compétences propres et une capacité de coopération plus élevées, est la conséquence de la situation européenne actuelle et prévisible à moyen terme en matière de sécurité. Celle-ci se distingue de plus en plus par des risques et des dangers transfrontaliers qui ne peuvent plus être écartés en faisant cavalier seul.

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La réalisation de la mission

Les principes et les conditions L'armée est l'instrument de force dont la Confédération dispose pour assurer son indépendance et la défense du pays, conformément à la Constitution. En tant qu'institution légitimée démocratiquement et contrôlée politiquement, elle fournit par sa présence et ses capacités des contributions déterminantes pour la paix, la sécurité et la stabilité. L'armée, qui est organisée selon le principe de la milice, renforce la cohésion nationale et sociale.

La troisième mission exige que tous les militaires reçoivent une solide instruction de base; elle requiert également une amélioration de leur polyvalence, de l'interopérabilité dans la coopération internationale, ainsi que d'importantes adaptations de structures et de qualités; elle dépend notamment des ressources mises à la disposition de l'armée.

La polyvalence signifie la maîtrise de tâches nombreuses et différenciées. L'armée est polyvalente dans son ensemble. En revanche, à l'échelon de la formation et pour les différents militaires, une polyvalence qui couvrirait l'éventail au complet des tâches ne serait ni possible ni nécessaire.

En concevant l'interopérabilité, l'armée crée la condition nécessaire à une coopération multinationale. Elle acquiert et renforce cette capacité au moyen de l'adaptation 6950

de son articulation, de sa structure, de son équipement et de l'instruction des étatsmajors, à l'occasion d'exercices communs de troupes du Partenariat pour la paix, ainsi que sur la base des enseignements tirés d'engagements concrets.

La situation dans le domaine de la menace et les développements technologiques permettent une nouvelle réduction des effectifs de l'armée. Cependant, il faut simultanément qu'une partie de l'armée soit désormais placée dans un degré de disponibilité plus élevé, afin de pouvoir être engagée, après une brève préparation, dans le cadre de la promotion de la paix et de la gestion des crises, de l'engagement de sûreté sectoriel, de la prévention et de la maîtrise des dangers existentiels. Les éléments de l'armée dont la disponibilité est plus élevée sont essentiellement composés de militaires astreints à de plus longues périodes de service et de professionnels. Pour être apte à assurer un engagement rapide, l'armée procède à une appréciation permanente de la situation stratégique, elle prévoit une capacité d'extension à plusieurs niveaux et elle prend une décision politique en temps utile lui permettant de procéder à cette extension.

L'équipement et l'instruction de l'armée sont modernisés en permanence. Des systèmes d'armes et des appareils répondant aux critères de l'interopérabilité et aux exigences technologiques les plus modernes sur le plan européen doivent être acquis pour certains éléments de l'armée au moins.

L'armement Lors de l'acquisition d'armements, il faut veiller à ce que l'armée dispose en temps utile, en quantité et en qualité suffisantes, du matériel nécessaire à l'accomplissement de sa mission en matière de politique de sécurité. Ces acquisitions sont établies à long terme et exigent une planification permanente et régulière. Le volume des acquisitions est proportionnel aux systèmes globaux en service dans l'armée et à la capacité d'extension dûment définie.

Notre potentiel industriel nous permet d'assurer une grande autonomie pour la maintenance des armes et de l'équipement. Les capacités et le savoir-faire industriels nécessaires sont assurés dans des domaines sélectionnés pour garantir la maintenance, le maintien de la valeur combative, l'amélioration de l'efficacité au combat et l'élimination des déchets. Une capacité de production appropriée
est assurée dans le domaine des munitions.

Lors de l'évaluation des projets d'acquisition, les rapports coûts/efficacité relatifs à la durée d'utilisation totale bénéficient d'une importance accrue. Les acquisitions doivent permettre un appel d'offres à large échelle et viser des solutions pour des acquisitions qui ont fait leurs preuves et sont disponibles sur le marché. Les composantes techniques doivent être d'utilisation courante et répondre à des standards internationaux.

Une coopération internationale au niveau des entreprises et un échange d'expériences intensif dans l'ensemble du domaine de l'armement sont importants pour la crédibilité de l'armée. En effet, ils favorisent le maintien à un niveau concurrentiel de nos propres capacités industrielles et la gestion efficace de l'armement.

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Les prestations de l'armée

Les contributions à la promotion de la paix et à la gestion des crises sur le plan international L'armée sera en mesure de remplir la mission de promotion de la paix et de la gestion des crises si elle peut engager, dans une zone de crise, principalement en Europe et en coopération avec d'autres forces armées, des formations organisées de façon modulaire, après une brève préparation et pour une longue durée.

A cet effet, l'armée va développer, au cours de ces prochaines années, des possibilités de coopération internationale dans le domaine de la sécurité en intensifiant ses activités dans le cadre du Partenariat pour la paix, au moyen d'exercices de troupes multinationaux et d'activités bilatérales similaires. Sur la base d'une décision du Conseil fédéral, qui doit encore être approuvée par le Parlement, elle participera à des actions de promotion de la paix de la communauté des Etats (Peace support operations), en fonction de nos intérêts en matière de sécurité et de sa disponibilité. Les formations prévues à cet effet seront instruites selon les besoins, armées et équipées spécifiquement pour accomplir leur mission.

Afin de garantir les intérêts de la Suisse, l'armée veillera à accroître la transparence, la fiabilité et la vérification des activités et des potentiels militaires, à l'occasion de négociations concernant la maîtrise des armements, le désarmement et la nonprolifération. Elle soutiendra les efforts visant à contrôler la prolifération et favorisera les projets en faveur d'une meilleure diffusion du droit des conflits armés et du contrôle démocratique des forces armées. Par ailleurs, elle met à disposition des capacités d'instruction, des connaissances techniques et du matériel pour des engagements de vérification. Les possibilités d'instruction offertes jusqu'à présent par la Suisse dans le cadre du PPP seront étendues.

L'engagement de sûreté sectoriel et la défense L'armée est en mesure de remplir sa mission d'engagement de sûreté sectoriel et de défense si elle peut, simultanément et après une brève préparation, effectuer des engagements de sûreté sectoriels, tels que le contrôle et la protection de l'espace aérien, la sûreté d'importants secteurs de frontière, la protection de secteurs clés, la garantie d'accessibilité aux transversales (la route, le rail, les agents énergétiques,
les voies de transmission), ainsi que la protection des installations d'alarme, de protection et de commandement. L'armée se défend contre les attaques militaires avec ses propres forces ou dans le cadre d'une coalition approuvée par les autorités fédérales. Elle contrôle en permanence l'espace aérien, en sauvegarde la souveraineté, le défend et, au besoin et si possible conformément au droit de la neutralité, elle coopère dans ces tâches avec des Etats partenaires déjà en temps de paix.

Les contributions à la prévention et à la maîtrise des dangers existentiels L'armée est en mesure de remplir sa mission dans le cadre de la prévention et de la maîtrise des dangers existentiels si elle peut, après une brève préparation, effectuer simultanément plusieurs engagements subsidiaires de longue durée. La responsabilité de ses engagements est assumée par les autorités civiles. Dans le pays, l'armée effectue de tels engagements dans le cadre de la coopération globale et souple en matière de sécurité. Elle garantit la capacité de fonctionnement des autorités politiques, assure la sécurité des secteurs, des localités et des installations importantes, protège la population contre des actes de violence intense et fournit une aide en cas de catastrophe ou d'autres situations de nécessité. Les engagements subsidiaires de 6952

sûreté sont prioritaires. Ils sont essentiellement destinés à aider et à appuyer les corps de police. L'aide militaire en cas de catastrophe sera également nécessaire, à l'avenir, lors d'événements de grande envergure qui affectent gravement la population.

Sur le plan international, l'armée fournit une aide en cas de catastrophe principalement dans le cadre de la Chaîne suisse de sauvetage. En outre, elle est prête à agir à l'étranger pour protéger les citoyens et les installations suisses.

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La protection de la population

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La mission

La protection de la population est un système civil chargé, dans les situations particulières et les situations extraordinaires, d'apporter aux autorités un soutien en matière de conduite, de protéger la population et de fournir de l'aide. Elle protège la population et ses bases d'existence, ainsi que les biens culturels en cas de catastrophes naturelles et anthropiques, et dans d'autres situations de nécessité, ainsi que lors de menaces politico-militaires. A cet effet, elle dispose principalement de moyens modulables provenant des cantons, des communes et d'institutions privées.

La protection de la population est l'une des composantes d'un nouveau système de coopération général et souple en matière de sécurité. Sur la base d'accords bilatéraux, les moyens de la protection de la population peuvent fournir une aide en cas de catastrophe dans la zone frontalière. Sur le plan international, la protection de la population participe également à la gestion des crises dans le cadre du Partenariat pour la paix.

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L'organisation et le mode de fonctionnement

Aux échelons cantonal et communal, les tâches de la protection de la population couvrent les domaines suivants: le sauvetage et la lutte contre le feu, le maintien des infrastructures techniques, la protection et l'assistance, la santé publique et les affaires sanitaires, ainsi que la logistique. Pour accomplir ces tâches, il convient de recourir en premier lieu aux moyens disponibles en situation normale: les sapeurspompiers, les services techniques et de voirie, les services de la santé publique, les organisations de sauvetage et les services logistiques, qui interviennent alors de leur propre initiative. A cela s'ajoutent les moyens requis par les tâches d'assistance à la population, de protection de la population et des biens culturels.

En cas d'événements dommageables majeurs, de catastrophes et de conflits armés, des organes de conduite légitimés politiquement doivent entrer en action aux échelons cantonal, régional et communal. Les différents moyens disponibles leur sont alors subordonnés. Des organes de conduite assurent la liaison avec les autorités de l'échelon supérieur, l'administration, ainsi que les services d'intervention de communes ou régions voisines et coordonnent l'engagement des moyens. Ils disposent d'éléments de l'aide au commandement, notamment en ce qui concerne l'information, la transmission de l'alarme à la population, la diffusion de consignes sur le comportement à adopter, les renseignements, les transmissions et la protection AC.

Dans des situations particulières ou extraordinaires, ils ont aussi la possibilité d'engager les moyens de la police pour assurer la sécurité et le maintien de l'ordre.

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La structure de la protection de la population peut être modulée en fonction des besoins. Cela concerne aussi bien les organes de conduite et l'aide au commandement que les moyens propres à chaque domaine et la coopération globale. Les moyens de la protection civile actuels seront intégrés dans le nouveau système de protection de la population, qui englobera également des institutions privées, notamment dans le domaine sanitaire et dans celui de la santé publique. Lors de la mise en place du système, il conviendra de partir des besoins existants en situation ordinaire et, ensuite seulement, de prendre en compte les besoins inhérents aux événements dommageables majeurs, aux catastrophes et aux conflits armés. Les accents de l'engagement et de l'instruction sont mis sur la maîtrise des catastrophes et des situations de nécessité. En ce qui concerne les menaces politico-militaires, l'allongement considérable du délai de préalerte constitue un facteur important dont il faudra tenir compte pour décider des préparatifs à entreprendre.

C'est aux cantons que reviendra la compétence d'engager les moyens regroupés au sein du futur système de protection de la population. Les cantons sont responsables de l'organisation de la conduite et de la préparation des moyens. Dans sa législation, la Confédération règle les questions de base, telles que l'obligation de servir dans la protection de la population. Dans certains domaines, tels les constructions de protection, elle aura une activité normative, dans d'autres, comme l'instruction, elle assumera elle-même une partie des tâches.

La coordination et la conduite à l'échelon fédéral sont requises lorsque tout le pays, plusieurs cantons ou des régions limitrophes de la Suisse sont touchés par un événement dont l'ampleur exige une action concertée à l'échelon national. Il s'agit essentiellement des tremblements de terre, de la contamination radioactive, des problèmes migratoires, des épidémies et des épizooties, mais surtout des conflits armés.

Afin de conférer à la protection de la population une efficacité maximale, elle sera représentée au sein de l'Organe de direction pour la sécurité (cf. chap. 8.1.) et sera ainsi régulièrement informée de l'évolution de la situation des menaces et des dangers. Il sera ainsi possible d'alerter en temps utile les responsables
de la conduite, de transmettre l'alarme à la population et de garantir une disponibilité différenciée des moyens requis pour assurer la coopération dans d'autres domaines.

Dans l'hypothèse d'une menace exercée au moyen d'armes de destruction massive et en cas de conflit armé, l'infrastructure de protection, en particulier les abris, doit être conservée. En outre, il importe que le réseau d'alarme existant et le système de diffusion des consignes sur le comportement à adopter, ainsi que les systèmes de transmission et de renseignements, soient adaptés aux exigences de la technique moderne.

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La politique économique

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La mission

La politique économique doit renforcer les capacités de concurrence de l'économie nationale suisse sur le plan international et contribuer ainsi au bien-être et à la stabilité politique du pays. A cet effet, une croissance économique durable doit être favorisée. Elle comprendra notamment le maintien et la création de places de travail, le respect de l'environnement, la garantie de l'équilibre social et, partant, la cohérence nationale et sociale.

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De manière générale, la politique économique se charge de promouvoir les intérêts de la place économique suisse, afin de favoriser les investissements. Elle bénéficie du soutien de la Banque nationale, qui pratique une politique de stabilité financière et monétaire. La politique économique extérieure vise spécialement, à travers l'ouverture des marchés, à diversifier la provenance et la destination des exportations et des importations. Elle crée ainsi les conditions favorables pour l'approvisionnement de la Suisse en cas de situations extraordinaires. Dans la mesure où, comme il se doit, le commerce procure des avantages réciproques aux les Etats concernés, l'économie extérieure réduit en outre l'écart économique en tant que source importante de problèmes en matière de politique de sécurité.

La politique économique et notamment la politique économique extérieure accomplissent ainsi des tâches spécifiques de politique de sécurité. Elles favorisent la stabilité globale par le renforcement de la coopération économique internationale, la garantie d'un système économique mondial d'ouverture et l'amélioration des possibilités d'accès aux marchés, notamment pour les pays en voie de développement et les pays en transition; enfin, par le soutien des accords contractuels et des tribunaux d'arbitrage internationaux, elles permettent d'éviter ou de régler les différends de nature économique.

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L'organisation et le fonctionnement

De nouveaux risques et dépendances susceptibles de mettre en danger la sécurité de notre pays sont apparus avec le développement de la division du travail sur le plan international et des réseaux de relations économiques mondiales. De nouveaux instruments sont nécessaires pour les maîtriser. Ainsi, des efforts interétatiques destinés à corriger les ruptures d'équilibre et à fixer des conditions de base fiables pour l'économie mondiale ont été entrepris à la suite des crises apparues au Mexique et en Asie de l'Est. La Suisse soutient ces efforts en tant que membre d'organisations mondiales telles que l'OMC, l'OCDE, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale.

La croissance rapide de l'économie mondiale exige une exploitation efficace des ressources à disposition et exerce une pression sur les Etats afin qu'ils préservent l'équilibre écologique par des actions concertées. La Suisse soutient de telles mesures, notamment pour la protection de notre atmosphère, pour la préservation de la diversité biologique et pour le contrôle des transferts de déchets dangereux.

L'industrie de l'armement est aussi concernée par le décloisonnement des marchés.

La concentration sur le marché de l'armement et la division du travail à l'échelon international ont fortement progressé au cours de ces dernières années. Parallèlement, la pression internationale exercée en faveur d'une harmonisation et d'une plus grande transparence dans le domaine du contrôle du commerce d'armements s'est accrue. En outre, de tels contrôles ont été étendus au domaine des biens stratégiques sensibles. Les contrôles à l'exportation de biens pouvant être utilisés à des fins civiles et militaires, harmonisés sur le plan international, sont aujourd'hui un instrument important pour la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

D'une manière très générale, la Suisse s'engage partout où le commerce libre peut être limité pour des raisons de politique de sécurité, afin que les mesures soient aussi efficaces que possible, qu'elles ne soient pas appliquées de manière discriminatoire et qu'elles ne faussent pas la concurrence.

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Une politique économique favorable à la promotion de la paix est finalement une invitation à poursuivre les efforts dans la perspective d'un rapprochement de l'UE.

Pour la Suisse, l'intégration au sein de l'Europe est indispensable pour assurer la stabilité et les possibilités de développement de notre économie. Dans une économie mondialisée, avec peu de blocs économiques, l'isolement de la Suisse peut l'exposer à des tentatives de pressions économiques de tous genres. Cette situation est également valable pour le domaine de la politique monétaire et financière, où la progression de l'Europe vers l'intégration et l'introduction de l'euro lancent à la Suisse de nouveaux défis qui l'invitent à prévoir une politique de stabilité monétaire et financière. La politique suisse n'est toutefois pas dictée uniquement par des considérations financières (rapport coûts/bénéfices), mais aussi par la solidarité et des valeurs communes. Aussi la Suisse doit-elle participer à la réalisation de l'objectif capital qu'est le maintien durable de la paix en Europe, notamment en poursuivant sa coopération technique et financière avec les Etats d'Europe de l'Est.

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L'approvisionnement économique du pays

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La mission

L'approvisionnement économique du pays est une composante de la politique économique. Compte tenu de la grande dépendance de la Suisse à l'égard de l'étranger en ce qui concerne les matières premières et les sources d'énergie, de la production alimentaire nationale dans l'ensemble insuffisante, et de l'absence d'un débouché maritime, il est de son devoir d'assurer l'approvisionnement du pays en marchandises et en services vitaux pour le cas où des circonstances extérieures ne permettraient plus à l'économie de le faire. En raison de la concurrence internationale accrue, des réserves minimales sont conservées dans le commerce, l'industrie et l'agriculture. L'effort principal de la mission de l'approvisionnement économique du pays consiste donc à mettre fin aux difficultés d'approvisionnement d'origine économique, politique et technique, ou qui sont occasionnées par des actes de sabotage, de terrorisme ou des catastrophes naturelles. La garantie de l'approvisionnement pour le cas où la Suisse serait directement engagée dans une guerre, voire encerclée, est désormais reléguée au second plan en raison de l'allongement des délais de préalerte.

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L'organisation et le fonctionnement

L'économie est responsable de l'approvisionnement du marché. Ce principe est valable en temps normal comme en période de crise. En effet, l'Etat ne produit en règle générale aucun bien ni service couvrant les besoins quotidiens et n'assure pas non plus leur distribution. Il intervient à titre subsidiaire uniquement si les conditions d'un fonctionnement normal des structures économiques privées ne sont plus garanties et que se profile alors le danger de graves difficultés d'approvisionnement.

Au moyen d'interventions ciblées, il crée les conditions de base qui permettront à l'économie d'assurer un approvisionnement réduit aussi équilibré que possible. Il s'agit d'éviter les déséquilibres économiques et les tensions sociales.

Les compétences relatives au régime économique dans le domaine de la garantie de l'approvisionnement exigent une coopération entre l'Etat et l'économie, qui se re6956

flète dans le système de milice particulier de l'approvisionnement économique du pays. Outre un petit état-major permanent de fonctionnaires, cette organisation comprend au niveau fédéral également des représentants de l'économie. Des organes des cantons et des communes, qui sont en partie aussi organisés selon le système de milice, se chargent de l'exécution des nombreuses mesures qui touchent directement le consommateur.

Durant les périodes d'approvisionnement non perturbées, la priorité de l'approvisionnement économique du pays est mise sur l'appréciation permanente de la situation en collaboration avec l'économie, sur la garantie de pouvoir disposer de réserves suffisantes en bien vitaux (stocks obligatoires), de moyens de transport et de voies de communication sensibles, de possibilités de communication, de la maind'oeuvre indispensable libérée des obligations militaires et de la protection de la population, et sur la préparation de mesures de gestion pour maîtriser les difficultés d'approvisionnement (gestion des crises). En cas de crise, il s'agira de rééquilibrer l'offre et la demande au moyen d'interventions aussi nuancées que possible. En cas de perturbations de l'approvisionnement en biens, on recourra à l'offre en mettant d'abord à contribution les stocks obligatoires pour compenser le manque d'approvisionnement. On favorisera en même temps les importations et, enfin, on adaptera la production nationale en conséquence. En revanche, des restrictions de consommation n'entrent en considération qu'en cas de sous-approvisionnement d'une certaine importance. Compte tenu de l'évolution de la situation en matière de politique de sécurité, l'objectif de cette politique d'approvisionnement n'est pas d'obtenir une large autonomie d'approvisionnement, mais de pouvoir maîtriser des pénuries sectorielles.

Suite au décloisonnement croissant des marchés et à la division du travail à l'échelon mondial, les crises d'approvisionnement prennent une dimension internationale plus marquée. La participation de l'économie suisse à l'ouverture des marchés exige ainsi, dans la mesure du possible, une lutte contre les crises au niveau international. Actuellement, une telle lutte n'est cependant institutionnalisée que dans le domaines des huiles minérales, au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE),
une organisation autonome de l'OCDE.

Des signes d'efforts communs dans le domaine de la garantie de l'approvisionnement civil apparaissent aussi dans le cadre de la partie civile du Partenariat pour la paix. L'approvisionnement économique du pays y est représenté depuis 1997, au sein des commissions pour les transports terrestres, la navigation en haute mer, l'aviation civile, l'approvisionnement en pétrole, l'alimentation, l'industrie et la communication. Les échanges d'informations et les efforts visant la coordination des mesures d'exploitation sont au premier plan des activités de ces commissions.

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La protection de l'Etat et la police

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La mission

La protection de l'Etat et la police sont les instruments qui garantissent la sécurité intérieure. Ils font partie intégrante de notre politique de sécurité dans la mesure où ils sont destinés à lutter contre la violence de portée stratégique qui porte atteinte à des parties importantes du pays et de la population. Les activités de la police dans la lutte contre le crime, pour le respect du droit et le maintien de l'ordre, ont une im-

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portance primordiale. Elles devraient être renforcées à tous les échelons et dotées des moyens nécessaires, ce qui impliquerait l'examen de nouvelles répartitions. La lutte contre la violence de portée non stratégique relève de la politique de sécurité des cantons.

Un groupe de travail institué par le chef du DFJP et auquel participent les cantons a indiqué dans son rapport intermédiaire, porté à la connaissance du Conseil fédéral, que, dans le domaine de la police, notre structure fédéraliste avait atteint ses limites, notamment dans la lutte internationale contre la criminalité et la maîtrise des problèmes de migration. L'ensemble du système de la sécurité intérieure, notamment la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, sera par conséquent examiné afin de déterminer si les structures actuelles sont encore adéquates dans la perspective des menaces actuelles et à venir. La discussion porte également sur le futur rôle du Corps des gardes-frontière.

Une série d'événements en relation avec des conflits à l'étranger ont montré que les corps suisses de police appelés à maîtriser plusieurs événements majeurs rapprochés atteignent les limites de leur capacité si la durée d'engagement se prolonge. Il convient de tenir compte de cette situation avec les cantons, à l'occasion de l'examen permanent du système suisse de sécurité intérieure.

La protection de l'Etat comprend les mesures de sauvegarde de la sécurité à l'intérieur, notamment la sécurité des principes démocratiques et de l'Etat de droit suisses, ainsi que la protection du droit absolu de la population à la liberté. Elle réunit des conclusions concernant des menaces possibles de la sécurité ou des actes criminels et prend ou propose les mesures de défense appropriées. Elle est sévèrement réglée par la loi et est soumise à une gestion et un contrôle politique stricts.

Certaines compétences policières en matière d'enquête sont confiées à la Confédération (délits contre la protection de l'Etat, délits en matière d'explosifs, service de renseignements prohibé, etc.). Elles sont liées à la tâche de protection de l'Etat et sont dès lors exercées ensemble sur le plan organisationnel.

Les missions de la protection de l'Etat et de la police en matière de politique de sécurité sont les suivantes: ­

La protection de l'Etat prend des mesures préventives pour reconnaître à temps les mises en danger par le terrorisme, l'extrémisme violent et le service de renseignements prohibé, ainsi que par le trafic d'armes, de matériels radioactifs et de technologies. La protection de l'Etat soutient également les autorités de police et les autorités pénales en leur fournissant des informations sur le crime organisé.

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La police, qui relève essentiellement de la souveraineté des cantons, assure la sécurité publique, la tranquillité, l'ordre et la lutte contre la criminalité. La Confédération coordonne la lutte contre la violence de portée stratégique, notamment les engagements destinés à maîtriser des événements auxquels les moyens et les possibilités des cantons ne peuvent faire face. Si la situation l'exige, elle en reprend le commandement.

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L'organisation et le fonctionnement

La direction des activités suisses de protection de l'Etat est l'affaire des autorités fédérales, qui assurent cette tâche en étroite coopération avec les cantons. L'échange d'informations avec l'étranger est assuré par la Confédération. La prévention et l'activité de la police judiciaire sont étroitement liées au sein de la protection de l'Etat. La prévention comprend toutes les mesures administratives et policières qui servent à reconnaître, à observer et à empêcher les activités susceptibles de mettre en danger la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. La police judiciaire de la Confédération enquête sur les délits soumis à la juridiction du Tribunal fédéral. Les résultats de la prévention constituent la base et la condition d'une répression efficace.

Les forces de police des cantons assurent d'abord la sécurité publique, la tranquillité et l'ordre, et combattent la criminalité. Ce caractère subsidiaire de l'engagement des forces fédérales, qui découle d'une compétence constitutionnelle, est conforme aux principes du travail de la police, un travail de spécialistes au service des citoyens. La lutte contre la criminalité relève d'abord de la compétence des cantons. La Confédération crée dans ce contexte les conditions de base favorables pour les cantons sur les plans international et législatif et assure la coordination, l'information et le soutien dans le domaine de l'exécution.

Si des événements particuliers (p. ex. une catastrophe) dépassent les possibilités d'un canton ou que les moyens de celui-ci ne suffisent plus à maintenir ou à rétablir la sécurité publique, alors les cantons se soutiennent mutuellement au moyen des concordats de police ou d'un engagement intercantonal de police organisé et coordonné par la Confédération. Dans des situations d'exception, les autorités civiles peuvent, à leur demande, être soutenues par des engagements subsidiaires de l'armée pour assurer la sécurité publique. Les expériences récentes ont toutefois montré les limites de tels engagements militaires. C'est pourquoi la nécessité de disposer d'un instrument fédéral de police à possibilités d'engagement multiples correspond à un besoin réel.

Les autorités de police et de justice spécialisées des cantons sont chargées en priorité de la lutte opérationnelle contre le crime organisé. Dans certains
cas particuliers, des organes de police spécifiques de la Confédération s'en chargent. Le crime organisé ne peut être combattu efficacement que si tous les organes concernés agissent ensemble, à savoir les services de prévention, la police et les autorités de poursuite pénale. La Confédération assume essentiellement une fonction de coordination et d'information.

La Confédération et les cantons sont d'accord sur le fait que les moyens des différents cantons ne suffisent souvent pas à combattre efficacement les réseaux internationaux du crime organisé. Le caractère transfrontalier de cette forme de criminalité contrarie l'efficacité des enquêtes. C'est pourquoi, dans ce domaine, la Confédération doit obtenir plus de compétences pour les poursuites pénales. Par ailleurs, les fonctions de coordination et d'information des services de police de la Confédération devront encore être élargies et les cantons bénéficier d'une gamme de prestations supplémentaire. Un concept de disponibilité opérationnelle de la police au niveau fédéral devra également être examiné à la lumière des nouveaux développements.

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Quant à la sécurité intérieure, il faudra davantage faire appel à une coopération internationale étroite pour la garantir. En restant à l'écart, la Suisse serait exposée à de graves dangers. La coopération en matière de sécurité que la Suisse recherche avec l'UE dans le domaine de la justice et de la police est en voie d'élaboration.

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L'information et la communication

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La mission

Une information digne de foi, rapide et à la portée du public revêt la plus grande importance dans toutes les situations. Dès lors, l'information et la communication en tant que moyens de la promotion préventive de la paix assument un rôle essentiel.

Les organes d'information de l'Etat veillent à ce que les décisions et les mesures des autorités en matière de politique de sécurité soient clairement exposées dans le pays et à l'étranger, que les besoins d'information de la population sur les risques et les chances soient satisfaits et qu'une éventuelle désinformation soit contrée à temps par une information objective et conforme à l'évolution de la situation. Notamment dans les situations particulières, il importe d'empêcher que des informations étrangères opposées aux intérêts de la Suisse dominent, et d'être soigneusement à l'écoute des préoccupations de notre pays. Mais également dans le cas de la situation normale, les intérêts de la Suisse à l'étranger doivent être communiqués, et l'image de notre pays à l'extérieur doit être activement soignée. La crédibilité de la Suisse est une valeur qui exige une attention soutenue. A cet effet, il est très important de prévoir la mise en place et l'entretien de réseaux de relations solides qui seront activés en faveur de notre pays en cas de crise, p. ex. en cas de pressions.

La révolution de l'information et la mondialisation ont créé une nouvelle situation, dont la communication étatique doit tenir compte. De manière générale, l'Etat a de plus en plus de peine à prévoir une diffusion non filtrée des délibérations, des prescriptions et des informations des autorités. Les nouvelles techniques facilitent le passage sur réseau des opérateurs non étatiques. Si des intérêts particuliers sont en jeu, cette situation peut contribuer à une aliénation entre l'Etat et la société, entre la politique et l'économie. En outre, les nouvelles technologies offrent plus de possibilités de lancer des campagnes ciblées contre les intérêts du pays.

Les moyens d'information modernes offrent toutefois de nouvelles chances. Certains pays ont introduit un contrôle étatique de l'information afin de maintenir le niveau de diffusion publique aussi bas que possible et de réprimer le pluralisme d'opinion.

Les nouvelles techniques rendent de telles interventions politiques plus difficiles.

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Les organes d'information

En cas de situation normale, l'information des autorités en matière de politique de sécurité est d'abord diffusée par les autorités civiles. Elle se fonde sur les communications du Conseil fédéral, de certains chefs de département et du vice-chancelier chargé de l'information. Dans des cas particuliers, la Confédération, les cantons et les communes informent directement. L'Etat-major du Conseil fédéral Division presse et radio peut être sollicité pour conseiller le Conseil fédéral en matière de po-

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litique d'information. Cet état-major est subordonné au Département fédéral de justice et police, mais il reçoit ses missions du Conseil fédéral.

En cas de situations particulières et extraordinaires, l'information devient l'un des plus importants moyens de direction. Elle suppose des décisions transmises en temps utile et offre également une évaluation minutieuse du contexte politicopsychologique international et des explications et commentaires décisifs et convaincants. Si le besoin en information est particulièrement urgent, le Conseil fédéral dispose, en plus des moyens prévus pour ses allocutions directes, de la centrale d'information de la Chancellerie fédérale, et de la Centrale nationale d'alarme pour l'alerte et les instructions techniques. Si les médias civils ne sont plus en mesure de remplir pleinement leur mission ou qu'ils cessent complètement de diffuser, le Conseil fédéral peut alors offrir les services de sa Division presse et radio. Selon la situation, la désignation de préposés spéciaux à l'information (porte-parole) du Conseil fédéral et/ou de l'armée s'impose.

Pour les situations particulières et extraordinaires, les cantons disposent également de moyens d'information adéquats. Ils peuvent notamment compter sur les studios régionaux et les stations d'émission de la SSR. A diverses reprises, une coopération étroite avec des émetteurs privés a été fructueuse.

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La sécurité de l'infrastructure informatique et de communication

L'infrastructure informatique et de communication de la Suisse est toujours exposée à des menaces et à des risques nombreux et non seulement en cas de situation de crise. L'objectif suprême du Conseil fédéral dans le domaine de la sécurité de l'infrastructure informatique et de communication est de maintenir les capacités de décision et d'action de la Suisse et de créer les conditions de base destinées à assurer le bon fonctionnement de la société de l'information suisse.

Chaque membre de la société de l'information suisse porte seul la responsabilité pour sa propre infrastructure informatique et de communication. En raison du développement intensif des réseaux, de la dépendance réciproque de systèmes et de l'utilisation partiellement commune d'infrastructures, une vision en fonction des systèmes isolés ne suffit plus pour atteindre le niveau de sécurité nécessaire: une vision en fonction du système global de la société de l'information suisse s'impose.

Vu l'importance stratégique globale de l'infrastructure informatique et de communication pour la Suisse, les mesures nécessaires sont prises par le Conseil fédéral. Il ne peut cependant atteindre cet objectif qu'au moyen d'une procédure coordonnée entre l'Etat, l'économie et les milieux scientifiques. Il faut ajouter une difficulté: dans de nombreux secteurs, les limites du système global ne coïncident pas avec les frontières nationales. Seule une coopération internationale permettra d'obtenir une protection plus importante.

Une procédure coordonnée pour la Suisse exige un organe centralisé. A cet effet, l'Etat, l'économie et les milieux scientifiques devront encore créer les structures indispensables. Une procédure coordonnée sera notamment nécessaire pour l'identification des infrastructures nationales vitales, pour la sensibilisation, pour la formation d'experts, pour la saisie permanente et le suivi de la situation en matière de risques, pour la détection précoce et l'alerte, pour la réunion rapide des décideurs, ainsi que pour la mise en place d'une infrastructure de sécurité commune.

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Des activités et des mesures d'ensemble ne seront prévues que dans les cas où un accroissement de la sécurité paraît judicieux et réalisable. L'amélioration de la sécurité de l'infrastructure informatique et de communication par des participants isolés ou des groupes de participants à la société de l'information (p. ex. des associations) sera encouragée. Mais comme une protection intégrale ne peut pas être atteinte avec des efforts raisonnables, des mesure de sécurité appropriées devront être prises sur la base d'analyses de risques dûment établies.

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Les ressources

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L'obligation de servir

L'obligation de servir a pour but, dans des situations particulières et extraordinaires, de répondre aux besoins essentiels de la communauté et d'assurer des tâches de l'Etat, ce qu'aucun autre moyen ne permettrait de faire (contrat de travail, engagements volontaires).

Au niveau de la Confédération, il existe l'obligation de servir dans l'armée et l'obligation de servir dans la protection de la population. Les cantons également peuvent prévoir des obligations de servir, mais ils doivent respecter le droit fédéral.

La plus répandue est l'obligation de servir dans un corps de sapeurs-pompiers; elle est partiellement valable pour les femmes. D'autres obligations de servir existent dans certains cantons pour l'aide en cas de catastrophe ou dans le service sanitaire.

Le système de l'obligation de servir comprend également des obligations de poursuivre l'activité professionnelle exercée (p. ex. dans les services de la santé). Enfin, il est possible de prévoir des obligations de servir selon le principe de l'état de nécessité. Il n'est pas prévu d'introduire une obligation générale de servir pour tous les domaines de la communauté. En effet, aucun besoin ne justifierait une telle intervention.

La réforme de l'armée et la création de la protection de la population provoquent d'importantes modifications structurelles, ainsi que des réductions d'effectifs. L'âge auquel prend fin l'obligation de servir sera abaissé. Mais des décisions ne seront possibles que sur la base des plans directeurs prévus pour les deux domaines en question. La définition du futur système de l'obligation de servir exigera qu'outre les besoins de l'armée et de la protection de la population, on tienne également compte d'aspects de politique nationale, de politique sociale, d'aspects démographiques, juridiques et financiers. L'effectif nécessaire devra être assuré, et il conviendra de prévoir la plus grande équité possible entre les différents services obligatoires.

Les éléments qui seront conservés Pour des raisons de politique nationale et de politique sociale, mais également parce qu'il est judicieux, le principe du système de milice sera maintenu. Il est la garantie qu'à l'avenir également la Suisse disposera de forces suffisantes, qualitativement et quantitativement, susceptibles d'être financées avec les moyens dont nous
disposons, et aptes à garantir ses objectifs en matière de politique de sécurité. Cette situation implique que la société, l'économie et les instruments de la politique de sécurité resteront compatibles avec le système de milice et qu'en vertu de celui-ci le nombre nécessaire de cadres qualifiés sera assuré.

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Le service militaire obligatoire (l'obligation de servir dans l'armée) sera maintenu.

Son organisation sera concrétisée avec le projet Armée XXI. Celui qui ne peut pas concilier le service militaire avec sa conscience effectuera un service civil de remplacement.

L'obligation de servir dans la protection de la population sera également maintenue. Son organisation sera concrétisée avec le projet Protection de la population.

La possibilité d'être libéré du service militaire et du service de la protection de la population afin d'exercer des activités importantes d'intérêt public sera maintenue.

Les cantons conserveront leur droit d'ordonner des obligations de servir.

Les éléments de réforme Le changement des conditions de base de la Suisse en matière de politique de sécurité n'offre pas seulement la possibilité de procéder à des réformes, il les exige. Les éléments de réforme esquissés ci-après seront développés lors de la préparation des projets Armée XXI et Protection de la population. Les décisions concernant la forme concrète du futur système d'obligation de servir ne seront pas prises avant que des facteurs de décision essentiels aient été définis dans les domaines de l'armée et de la protection de la population (tâches, structures, effectifs, recrutement du personnel, système des services, conception de l'instruction).

Le principe du système de milice ne permet plus de couvrir tout seul efficacement toutes les tâches et les fonctions en raison de la préparation nécessaire exigée dans certains domaines spécifiques et les connaissances techniques indispensables que requièrent certaines fonctions. Dès lors, la mise en place de composantes professionnelles s'impose.

En plus du système de service militaire actuel avec une instruction de base et des cours de répétition, des possibilités seront créées permettant d'effectuer le service militaire en une seule période et d'introduire la notion de «soldats contractuels».

Les soldats contractuels sont des personnes astreintes qui, après avoir accompli leur service militaire obligatoire, s'engagent par contrat à poursuivre une activité de service pour une période déterminée.

Il serait souhaitable que l'obligation de servir puisse, à l'avenir, être effectuée soit à l'armée, soit dans un domaine de la protection de la population. Il convient de garantir
au moins que les personnes astreintes au service militaire et qui ont entièrement accompli leur obligation, ne soient plus astreintes à servir dans la protection de la population. En relation avec la préparation des plans directeurs de l'armée XXI et de la protection de la population, les trois variantes possibles suivantes seront examinées; la réalisation de chacune d'entre elles exigerait cependant une révision de la Constitution fédérale: Variante A:

Lors du recrutement, les personnes astreintes qui ne pourraient pas effectuer de service militaire pour des raisons de santé, mais qui seraient en mesure d'accomplir un service de protection de la population, seraient, comme auparavant, attribuées à ce service. Toutes les personnes aptes à effectuer du service militaire accompliraient une instruction de base en fonction des tâches de l'armée (école de recrues). Ensuite, une partie d'entre elles seraient cependant attribuées à la protection de la population. Au besoin, des passages ultérieurs de l'armée à la protection de la population seraient possibles, si l'obligation de servir dans l'armée n'a pas été pleinement remplie.

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Variante B:

L'attribution à l'armée ou à la protection de la population aurait lieu lors du recrutement, la priorité étant accordée aux besoins de l'armée. Les personnes astreintes n'auraient pas la liberté de choisir de servir dans l'armée ou dans la protection de la population; il serait cependant dûment tenu compte de leurs désirs et de leurs compétences. L'instruction pour l'armée ou pour la protection de la population aurait ensuite lieu séparément. L'effort principal de l'instruction de la protection de la population incomberait aux cantons et aux communes.

Variante C:

L'attribution à l'armée ou à la protection de la population aurait lieu lors du recrutement. Les personnes astreintes auraient la possibilité de choisir, sous réserve de la couverture des effectifs dans l'une et l'autre institutions. L'instruction aurait ensuite lieu séparément.

L'effort principal de l'instruction de la protection de la population incomberait aux cantons et aux communes.

L'obligation de servir pour les femmes Dans les domaines de l'éducation, des soins aux personnes âgées et aux handicapés et dans d'autres activités sociales, les femmes accomplissent un grand travail en faveur de la communauté. Au niveau fédéral et comme jusqu'ici, elles ne seront pas astreintes à une obligation de servir. Au niveau cantonal, elles sont en partie astreintes à servir dans les corps de sapeurs-pompiers.

Les femmes peuvent assumer certaines obligations de servir sur une base volontaire.

La participation des femmes doit être encouragée dans toutes les organisations imposant une obligation de servir, non pas pour des raisons d'effectifs, mais parce que leurs expériences spécifiques et leurs connaissances professionnelles sont indispensables à l'accomplissement des missions de la politique de sécurité. Les femmes qui accomplissent un service ont les mêmes droits et les mêmes obligations que les hommes.

Le service civil L'admission dans le service civil de personnes astreintes au service militaire doit faire l'objet d'une demande dans laquelle sont exposées les raisons de conscience qui militent contre le service militaire. Le service civil est un instrument de la Confédération. Sa gestion est centralisée et assumée par un organe fédéral. Son exécution est cependant privatisée dans une mesure aussi large que possible. Les engagements individuels ont la priorité par rapport aux engagements de groupes.

Dans la situation normale, le service civil contribue à améliorer les prestations des institutions et à soutenir les personnes qui agissent dans l'intérêt public. Dans les situations particulières et extraordinaires, il soutient les autorités civiles dans l'accomplissement de services d'importance vitale et dans le rétablissement de situations normales. Mais à l'avenir également, sa disponibilité opérationnelle sera faible et se fera au pied levé. La mise sur pied des personnes astreintes à un service civil se fera toujours dans un délai de plusieurs semaines et non pas de quelques heures. Dans le cas de catastrophes, le service civil ne sera donc engagé pour des travaux de remise en état qu'au terme des travaux de sauvetage et, au besoin, seulement après les interventions de la protection de la population et de l'armée. Il est sollicité par les autorités civiles et peut être appelé à effectuer des engagements à long terme, sous la direction des autorités civiles concernées.

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Les finances

L'attribution de moyens financiers suffisants à la politique de sécurité et à ses instruments est une condition essentielle pour garantir leur succès. Il s'agit d'abord d'examiner quels sont les besoins des différents instruments en fonction de leurs missions adaptées aux circonstances. La disponibilité des moyens financiers, les coûts économiques qui les dépasseraient, ainsi que les réflexions de politique de l'emploi et de politique régionale, ne devraient pas a priori porter préjudice à l'identification des besoins réels et empêcher une analyse systématique de politique de sécurité, même s'ils représentent des paramètres importants pour la réalisation de notre stratégie.

En outre, la mise en oeuvre de la politique de sécurité, esquissée dans le présent rapport, dépendra également d'une attribution judicieuse des ressources dans le contexte de la sécurité ­ y compris la sécurité intérieure. Une certaine répartition est inévitable, afin de garantir le succès de la stratégie de «La sécurité par la coopération» ­ soit la coopération globale et souple en Suisse et la coopération avec l'étranger en matière de sécurité. L'attribution des ressources doit correspondre aux menaces, aux risques et aux dangers concrets ­ d'une part pour rallier la majorité des voix, d'autre part pour garantir la sécurité à laquelle nous aspirons.

Le financement des instruments de la politique de sécurité devra également être réexaminé à l'occasion de la nouvelle péréquation financière. L'attribution des responsabilités et les compétences en matière financière devront concorder. Ce n'est toutefois pas toujours réalisable dans la pratique. Dans tous les cas, l'attribution des tâches et la conception du financement doivent permettre d'accomplir efficacement la mission. La sécurité intérieure et la protection de la population soulèvent des questions particulières. En effet, la situation prévue exige une nouvelle répartition des charges entre la Confédération, les cantons et les communes.

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La conduite stratégique

Le maintien de notre sécurité dans le pays et à l'étranger exige l'engagement et l'action conjointe de différents instruments, dans plusieurs départements et à différents échelons. C'est pourquoi, il est nécessaire de coordonner nos propres mesures et moyens ainsi que la collaboration transfrontalière.

Il s'agit de reconnaître à temps les modifications intervenues au niveau de la situation en matière de politique de sécurité, de fixer, à partir d'une vue d'ensemble, les priorités pour les préparatifs et, lorsque l'événement se produit, de prendre les mesures particulières pour maîtriser la crise ou la situation extraordinaire, afin que les moyens à disposition puissent être engagés à temps et de manière opportune, conformément aux besoins.

Les instruments appropriés dont dispose le pays pour la prévention et pour la lutte contre la violence de portée stratégique sont dès lors coordonnés par un système de conduite stratégique homogène. Cette dernière contrôle la coordination en permanence, procède au besoin à des adaptations, et engage les instruments en fonction de la situation. A l'échelon national, cette conduite stratégique est exercée par le Conseil fédéral, à l'échelon cantonal par les gouvernements cantonaux. Si la situation exige que le Parlement élise un commandant en chef de l'armée conformément à la 6965

Constitution, celui-ci est, en tant qu'organe stratégique et en vertu de son statut juridique, également subordonné à l'autorité du Conseil fédéral.

Dans le contexte de nouvelles étapes d'intégration par rapport à l'UE, les adaptations nécessaires de notre système de conduite stratégique ne peuvent pas encore être prévues avec précision. La participation aux commissions spécialisées de Bruxelles et une pleine activité dans l'UE (PESC, justice et intérieur) exigeraient de nouvelles étapes de réforme. Les modifications esquissées ci-après sont prévues pour faciliter leur éventuelle réalisation.

Le succès de la gestion des crises dépend essentiellement de la question de savoir si les gouvernements et les organes concernés sont moralement et techniquement prêts à affronter des situations particulières et extraordinaires. Il est donc nécessaire de prévoir, dans le cadre de la formation stratégique, des exercices de conduite restreints mais réguliers, conçus sur une base modulaire, et destinés à la formation des responsables chargés de la gestion des crises. Dans la perspective d'une gestion de crise au niveau infraguerrier et de catastrophes naturelles ou anthropiques, la mise à contribution des gouvernements cantonaux et des autorités communales concernés est indispensable pour garantir une formation réaliste.

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La création d'un Organe de direction pour la sécurité

Différentes raisons peuvent être évoquées en faveur d'une amélioration de l'instrument de direction du Conseil fédéral dans le domaine de la sécurité. Les défis dans les domaines de la politique de sécurité, mais aussi dans le domaine de la police et de la justice, qui est chargé de la sécurité de l'individu, sont devenus plus variés et complexes. L'importance d'une détection précoce de menaces, de dangers et de risques potentiels a augmenté. Cette situation impose des exigences accrues à l'efficacité des services de renseignements et à d'autres services avec accès à des informations essentielles en matière de sécurité. Le remplacement de l'ancienne défense générale par une coopération globale et souple en matière de sécurité exige la présence, aux niveaux supérieurs, d'une étroite collaboration, afin que la suppression d'organes de coordination à l'échelon inférieur ne provoque pas une baisse de rendement.

Comme la tâche de conduite stratégique du Conseil fédéral doit être renforcée en permanence, il ne serait pas judicieux de faire appel à un organe externe à l'administration. En procédant à une adaptation interne, il faut veiller à ce que la direction politique reste entre les mains du Conseil fédéral et que les responsabilités et les compétences des départements en tant qu'organes de décision et d'exécution soient respectées.

C'est pourquoi un Organe de direction pour la sécurité sera créé en tant qu'organe d'état-major chargé de travaux préparatoires du Conseil fédéral. Il sera subordonné à la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité et comprendra en tant que membres permanents, outre les chefs supérieurs, responsables de la décision et de l'exécution, des départements concernés au premier chef par les questions de sécurité, un coordonnateur pour la collaboration, au sein de l'Administration fédérale, en matière de services de renseignements. Ce dernier disposera d'un bureau d'appréciation de la situation et de détection précoce et veillera à ce que l'Organe de direction pour la sécurité dispose à temps des informations essentielles.

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Au besoin, des membres non permanents seront convoqués aux séances de l'Organe de direction, notamment les fonctionnaires supérieurs des départements qui ne sont pas représentés en permanence, ainsi que les partenaires de contact des cantons dans les domaines de la sécurité intérieure et de la protection de la population. Par ailleurs, des experts de la Confédération, des cantons, ainsi que des milieux économiques et scientifiques pourront y être invités.

La présidence sera assurée, par rotation annuelle, par les membres permanents les plus élevés de l'Organe de direction pour la sécurité et représentant le DFAE, le DFJP et le DDPS. Le président pourra proposer d'être entendu directement par le Conseil fédéral.

L'Organe de direction pour la sécurité assumera les tâches suivantes: ­

suivi permanent de la situation dans tous les domaines essentiels de la sécurité, analyse et appréciation de l'éventail de la violence et des possibilités d'évolution dans le pays et dans le contexte stratégique de la Suisse;

­

détection précoce de chances et alerte rapide en cas de nouvelles formes de menaces, de risques et de dangers;

­

préparation de scénarios, de stratégies et d'options à l'intention du président de l'Organe de direction pour la sécurité en exploitant toutes les possibilités de dégager des synergies à l'intérieur et à l'extérieur de l'administration.

A l'avenir également, les propositions au Conseil fédéral visant des mesures concrètes seront adressées par l'intermédiaire des départements, afin d'assurer la marche ordinaire des affaires. L'activité de l'Organe de direction n'en sera pas affectée puisque les responsables supérieurs des départements, chargés de l'exécution, y sont représentés.

A la suite de la création de l'Organe de direction pour la sécurité, le Conseil de la défense, l'Etat-major de la défense, le groupe de coordination de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité peuvent être supprimés.

En outre, cette création offre au Conseil fédéral une meilleure vue d'ensemble du contexte stratégique et un champ d'action plus étendu. Cette situation est d'abord valable pour la détection précoce et l'alerte rapide, qui sont ainsi renforcées grâce à l'engagement d'un coordonnateur des services de renseignements ayant accès à toutes les saisies de renseignements dans l'Administration générale de la Confédération. La situation largement documentée est rapidement transmise aux responsables supérieurs de l'exécution, garantissant ainsi, en temps utile, la sensibilisation du gouvernement aux développements essentiels en matière de sécurité.

Simultanément, la vue d'ensemble obtenue par l'Organe de direction pour la sécurité permet de tenir compte de la différence de plus en plus ténue entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure, qui découle du caractère transfrontalier de la plupart des menaces actuelles.

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Conseil fédéral Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité Présidence: chefs du DFAE, du DFJP et du DDPS par rotation annuelle Présidence Responsables supérieurs de l'exécution, du DFAE, du DFJP et du DDPS, par rotation annuelle

Organe de direction pour la sécurité Membres

Membres

Coordonnateur S rens

Bureau de la situation et de la détection précoce Membres non permanents et experts

Services de renseignements et autres sources d'information des départements

La capacité et la rapidité de réaction de la conduite stratégique est également renforcée. La composition de l'Organe de direction pour la sécurité garantit que les options d'action élaborées à l'intention du Conseil fédéral sont solidement étayées et immédiatement réalisables. Il s'agit notamment de la concentration des forces et de la définition de points forts à l'intention de structures ad hoc concentrées sur le cas spécifique. Le Conseil fédéral évite ainsi de prévoir des moyens à caractère permanent et la consolidation de structures, ce qui n'est plus compatible avec la variabilité du profil des menaces et des dangers.

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Les situations normale, particulière et extraordinaire

Pour réagir judicieusement aux menaces et aux dangers, il importe de les classer en fonction du temps, de la probabilité qu'ils se concrétisent et des moyens qui seront nécessaires pour les maîtriser.

Jusqu'à présent on utilisait les notions de situation ordinaire (le cas normal), de crise (événement perturbateur avec un important potentiel stratégique de dangers ou de dommages, qu'il n'était pas possible de maîtriser avec les techniques classiques de résolution des problèmes) et de situation extraordinaire (situation qui est vécue comme une menace par un grand nombre d'habitants d'un secteur, qui perturbe considérablement le cours ordinaire de la vie ou le neutralise, légitimant l'application du droit de nécessité).

A l'avenir, de telles notions seront nécessaires pour définir les mesures d'élaboration, de planification et d'exécution qu'exige la stratégie en matière de politique de sécurité. Depuis la fin de la guerre froide cependant, la toile de fond a radicalement changé. Avec la disparition de la menace militaire à grande échelle en Europe et la croissance de menaces et de dangers ponctuels, bien souvent à caractère non militaire, la probabilité de l'apparition d'une situation extraordinaire a baissé à un point

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tel qu'elle ne peut plus être déterminante pour la structure, la conduite et les dispositions réglementant la politique de sécurité. La situation extraordinaire a ainsi cédé la place à la situation particulière, qui tend à s'imposer. Il s'agit d'une situation dans laquelle certaines tâches de l'Etat ne peuvent plus être maîtrisées au moyen des processus administratifs ordinaires. A la différence de la «situation extraordinaire», l'activité du gouvernement n'est cependant affectée que de manière sectorielle. Elle est caractérisée par le besoin de rationalisation des procédures et de concentration rapide des moyens.

A l'avenir, la classification des menaces et des dangers, ainsi que des moyens (combinaisons) et des procédés appropriés pour les maîtriser sera faite au moyen des notions de situation normale, de situation particulière et de situation extraordinaire. Les structures applicables au cas de situation normale seront conservées aussi longtemps que possible. L'élaboration de propositions concernant les éventuels préparatifs et les structures pour la situation particulière et la situation extraordinaire est l'affaire de l'Organe de direction pour la sécurité.

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Le rôle et l'importance des cantons et des communes

Notre système fédéraliste exige une coopération de la Confédération, des cantons et des communes sur la base d'un partenariat. La Constitution fédérale règle les compétences de la Confédération et des cantons. Les cantons sont souverains dans la mesure où la Constitution fédérale ne limite pas cette souveraineté. Les cantons décident de l'organisation des communes et de leur autonomie.

Le rôle des cantons dans le domaine de la politique de sécurité est important. En effet, ils assument, avec les communes, le lien entre la Confédération et la population. Un engagement efficace est indispensable pour garantir le succès dans le domaine de la politique de sécurité. La politique de sécurité cantonale est étroitement liée à la politique de sécurité fédérale, mais elle n'est pas équivalente. Pour les cantons, les menaces de premier plan sont les catastrophes et les mises en danger de la sécurité publique. L'engagement des moyens des cantons et les organisations cantonales de direction sont prévus à cet effet.

La faible probabilité qu'un conflit important éclate en Europe a relativisé le rôle de la direction nationale centralisée pour les engagements dans le pays. Les dangers et les risques autres que politico-militaires avec des effets essentiellement locaux et régionaux sont passés au premier plan. La probabilité que des engagements militaires ou civils, dirigés de manière centralisée pour écarter des menaces de nature stratégique, aient lieu, est désormais moindre par rapport aux engagements subsidiaires en faveur des autorités cantonales, régionales ou communales. On dispose ainsi d'une marge de manoeuvre pour une plus importante délégation de tâches aux cantons et aux communes.

En parallèle, il existe cependant sur le plan national ­ international la nécessité inverse de prévoir une unité plus importante au niveau de l'engagement, une cohérence accrue et une centralisation de la conduite stratégique. Dans les affaires extérieures, les exigences imposées à la capacité d'action du Conseil fédéral ont augmenté. Le rythme des processus décisionnels et l'impact des décisions augmentent rapidement, et peu importe que la Suisse contracte ou non de nouveaux engagements institutionnels.

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La garantie de la liberté d'action des autorités politiques dans des situations particulières et extraordinaires implique une répartition claire des tâches entre la Confédération, les cantons et les communes. Le genre et la nature de la menace en matière de politique de sécurité sont déterminants pour la répartition des tâches et, par conséquent, pour l'autorité compétente. Lorsqu'une situation extraordinaire l'exige, ce genre de pouvoir doit cependant être adapté à la situation, ce qu'admettent le droit de nécessité et le droit d'urgence. Les instruments principaux de la politique de sécurité appellent l'attribution des tâches suivantes: Autorité en matière Domaines de compétence

Remarques

Confédération Conduite stratégique sur le plan national Politique étrangère et politique économique extérieure Armée

Participation des cantons si leurs compétences ou leurs intérêts sont concernés.

Approvisionnement économique du pays Protection de l'Etat (sécurité intérieure; Confédération) Cantons

Protection de la population

Police (sécurité intérieure; cantons)

Les deux pour Politique économique leurs propres domaines Politique d'information Systèmes de communication

Compte tenu du système de milice, une coresponsabilité cantonale doit être maintenue pour des raisons de politique nationale et de défense psychologique. L'organisation dépendra de la réforme de l'armée.

Les cantons et les communes sont chargés de tâches d'exécution.

Les cantons garantissent un appui policier.

La Confédération est chargée de légiférer au niveau supérieur. Elle fixe des normes uniformes dans certains domaines et coopère dans des domaines spécifiques. En cas d'événements bien définis, la Confédération assume la fonction de coordination ou de direction.

La coordination est assurée par la Confédération, dans la mesure où il s'agit de la défense et de la lutte contre la violence de portée stratégique.

La politique économique cantonale doit respecter les prescriptions de la Confédération.

La Confédération élabore les concepts de base.

L'échange d'informations est une condition essentielle pour une maîtrise commune des situations extraordinaires.

La responsabilité de l'organisation de direction incombe, en principe, aux domaines qui disposent de la compétence en matière d'engagement.

En résumé, il faut retenir que les mesures en matière de politique de sécurité sont, en règle générale, prises sur la base d'un partenariat. La responsabilité incombe aux partenaires spécialement qualifiés et compétents. Le champ d'action est suffisant pour prévoir davantage de délégations de tâches aux cantons et aux communes. La

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responsabilité de la direction est cependant assurée par la Confédération pour tous les événements et les situations d'importance nationale et internationale.

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Perspectives

Le dernier rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse, paru en 1990, était intitulé «La politique de sécurité de la Suisse dans un monde en mutation». Il représentait une réaction face à l'évolution stratégique encore très récente, à l'époque, en Europe. La situation et son évolution présumée ont été résumées dans quatre scénarios de base en matière de sécurité. Le scénario «Sécurité par l'entente et la coopération» ne représentait à l'époque guère qu'un espoir. Le scénario «Retour à la confrontation et émergence de nouveaux dangers» avait paru un peu plus réaliste et exigeait de maintenir une préparation à la défense pertinente. Cependant, la Suisse avait immédiatement entrepris des démarches pour abandonner la position de défense judicieuse et nécessaire qu'elle avait adoptée jusqu'en 1989 et sortir ainsi de l'isolement que lui avait imposé la guerre froide. Nous avons pris part à des initiatives de paix de la communauté des Etats en vue de la gestion des crises et de la stabilisation des régions agitées. Sans ignorer la possibilité d'un retour à la confrontation, le projet Armée 95 a engagé une réduction massive de notre potentiel militaire.

Aujourd'hui, nous franchissons une nouvelle étape importante. La situation est déterminée par le développement de la menace et par la gestion budgétaire, mais également par les chances que nous offre le nouveau contexte stratégique. Nous misons avec conviction sur un développement de la coopération en matière de politique de sécurité avec des organisations internationales et des Etats étrangers, pour autant que la neutralité, à laquelle nous sommes attachés, nous l'autorise. La raison principale de cette orientation réside dans le fait que les risques émanent essentiellement de la violence transfrontalière, que l'Etat isolé, en dépit d'importants efforts, ne peut écarter que partiellement ou même pas du tout.

La perception des possibilités qui s'offrent actuellement et les efforts que nous entreprenons ne doivent cependant pas nous faire négliger les tâches importantes de sécurité qui s'imposent sur le plan national et que nous pouvons remplir par nos propres moyens. Ces tâches peuvent tout à fait être remplies au moyen d'une coopération globale et souple réunissant tous les moyens civils et militaires appropriés. Le système d'une
défense générale, prévu jusqu'au dernier détail, et qui dominait durant la guerre froide, peut et doit céder aujourd'hui la place à un partenariat qui porte l'accent sur les dangers actuels et qui engage à cet effet, en nombre suffisant, les moyens les plus appropriés.

Les deux composantes de la future politique de sécurité, la coopération dans le pays et celle prévue avec l'étranger, exigent une nouvelle pondération et en partie une nouvelle organisation d'éléments de notre instrument de politique de sécurité. Les réformes qui ont été réalisées jusqu'ici doivent être examinées dans le contexte offert par le présent rapport et sur la base des missions attribuées. De nouveaux plans directeurs doivent être élaborés, et la disponibilité opérationnelle exigée doit être obtenue aussi rapidement que les bases légales et que les circonstances le permettent. Nous ne devons pas craindre non plus d'affronter, au moyen de nouvelles méthodes de direction, de nouvelles techniques et d'une utilisation différenciée des

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ressources, les menaces et les risques identifiés au moyen d'une détection précoce améliorée.

Le Conseil fédéral est conscient que le processus intellectuel et matériel engagé ici prendra beaucoup de temps et qu'il exigera la recherche de solutions à des problèmes particuliers difficiles, notamment pour les cantons, qui assumeront une coresponsabilité plus élevée qu'à présent en matière de politique de sécurité. Il sait également que l'évolution rapide qui caractérise notre époque rend particulièrement difficile la préparation de solutions et de structures prévues à long terme. Les certitudes apparentes que l'on peut acquérir dans le domaine de la politique de sécurité doivent toujours être réexaminées. C'est pourquoi le Conseil fédéral espère que le passage à une nouvelle politique de sécurité, moderne et conforme aux besoins et aux intérêts de notre pays, sera adopté par la population tout entière, hommes et femmes. Puissent-ils accepter les importants défis et contribuer à les maîtriser dans la mesure de leurs responsabilités! Le maintien de la sécurité du pays et du peuple par rapport à l'éventail étendu et instable de risques et de dangers, mais également la mise à profit des chances qui s'offrent, justifient notre important engagement.

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Liste des abréviations AELE AIE AIEA BERD CEE (ONU) CENCOOP CJTF CPEA EEE FCE FMI GBM IFOR INF ISN OIT OMC OMS ONU OPCW OSCE OTAN PESC PNUD PPP SALT SFOR START UE UEO UNSCOM

Association européenne de libre échange Agence internationale de l'énergie Agence internationale de l'énergie atomique Banque européenne de reconstruction et de développement Commission économique pour l'Europe (ONU) Central European Peace-Keeping Initiative Combined Joint Task Force Conseil de partenariat euro-atlantique Espace économique européen Forces conventionnelles en Europe Fonds monétaire international Groupe de la Banque mondiale Implementation Force (ex-Yougoslavie) Intermediate-Range Nuclear Forces International Relations and Security Network Organisation internationale du travail Organisation mondiale du commerce Organisation mondiale de la santé Organisation des Nations Unies Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe Organisation du traité de l'Atlantique Nord Politique étrangère et de sécurité commune (de l'UE) Programme des Nations-Unies pour le développement Partenariat pour la paix Strategic Arms Limitation Talks Stabilisation Force (ex-Yougoslavie) Strategic Arms Reduction Talks Union européenne Union de l'Europe occidentale United Nations Special Commission (for Iraq)

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Définitions Armée de milice Armée composée essentiellement de militaires accomplissant leur service en vertu de l'obligation générale de servir et non en tant que professionnels. Le service s'échelonne généralement sur une certaine période.

Capacité d'extension Capacité d'augmenter avec souplesse et en temps opportun la présence, la disponibilité opérationnelle, la disponibilité et la résistance des moyens d'engagement, notamment de l'armée, si la situation l'exige. L'extension peut être prévue de manière sélective, échelonnée ou en une seule fois.

Continuité des mesures prises en matière de politique de sécurité Eventail de mesures se complétant réciproquement que peuvent prendre les Etats ou les communautés internationales pour prévenir des conflits armés, gérer des crises, mettre fin à des conflits armés et empêcher leur déploiement. Elles englobent notamment la diplomatie préventive, les bons offices, la conciliation, l'engagement d'observateurs militaires, d'observateurs de la police civile et d'observateurs électoraux, les opérations militaires en faveur de la promotion de la paix, le soutien à la démocratisation et à la reconstruction des sociétés victimes de la guerre.

Coopération globale et souple en matière de sécurité Il s'agit de l'un des principaux éléments de la stratégie de la Suisse en matière de politique de sécurité. Elle définit, au cas par cas, la coopération et la coordination des propres moyens de la politique de sécurité en fonction des besoins dictés par la situation de menace concrète. Dans le cadre de la coopération globale et souple en matière de sécurité, il est prévu d'harmoniser un engagement préventif ou réactif, raisonnablement équilibré en fonction de la situation, de tous les moyens dont dispose la Suisse, sur la base d'une collaboration entre la Confédération, les cantons et les communes; cet engagement sera assorti, au besoin, de mesures prises par les milieux économiques afin de lutter contre la violence de portée stratégique.

Dangers existentiels Graves mises en danger de l'identité, des intérêts et de l'existence de l'Etat, de la population et de ses conditions d'existence.

Diplomatie préventive Mesures diplomatiques ayant pour but de prévenir les conflits entre certaines parties, d'empêcher l'escalade de conflits existants en conflits ouverts et de les
délimiter si ces derniers devaient se produire.

Dissuasion Stratégie de l'effet de dissuasion par une capacité de se défendre et de résister. Elle a pour but de faire comprendre à l'adversaire potentiel qu'en cas d'attaque contre la Suisse, il pourrait se trouver dans une situation gravement disproportionnée par rapport à l'avantage qu'il vise et le risque qu'il encourt. La Suisse a suivi cette stratégie au cours du 20e siècle, de manière implicite avant la guerre froide, et explicitement par la suite.

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Droits de l'homme Les droits de l'homme sont des droits revenant à chaque individu. Les droits de l'homme sont la reconnaissance de la dignité et de la liberté de décision d'un individu. On distingue traditionnellement entre les droits civils et politiques, ainsi qu'entre les droits économiques, sociaux et culturels. Ceux-ci sont cependant reconnus comme droits universels, indivisibles et reliés les uns aux autres.

Engagement de sûreté sectoriel et défense Partie du mandat attribué à l'armée en matière de politique de sécurité. Déjà au niveau infraguerrier, l'armée surveille l'espace aérien de la Suisse, protège les zones frontières menacées, les secteurs stratégiques importants, les artères transversales et les installations vitales pour notre pays. Elle contribue ainsi à la sécurité et à la stabilité du pays et de notre propre contexte stratégique. Si la Suisse est militairement menacée, l'armée défend la population, le territoire et l'espace aérien et procure au gouvernement un maximum de liberté de manoeuvre. Au besoin, elle peut être autorisée par les autorités fédérales à assurer la défense avec d'autres Etats, selon un système de partenariat.

Eventail des tâches selon Petersberg Eventail des tâches de l'UE dans le cadre de la politique de sécurité, comprenant les tâches humanitaires et les engagements de sauvetage, les tâches liées aux opérations de maintien de la paix et aux engagements de combat lors de la gestion des crises, y compris les mesures de promotion de la paix. L'éventail des tâches selon Petersberg est en concordance avec les tâches désignées par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, art. J.7, al. 2, qui concernent la sécurité de l'UE, cette dernière pouvant recourir aux services de l'UEO pour l'exécution desdites tâches. La désignation des tâches découle de la rencontre ministérielle de l'UEO qui a eu lieu au Petersberg, près de Bonn, le 19 juin 1992.

Forces alliées de l'OTAN (Combined Joint Task Forces) Désignation utilisée pour des groupes de forces armées formés en vue de certains engagements et qui comprennent des éléments provenant de plusieurs Etats et d'éléments de forces armées (forces terrestres, forces aériennes, marine). Il est aussi possible à d'autres Etats n'appartenant ni à l'OTAN ni à l'UEO de participer, dans le cadre des Forces alliées de l'OTAN, à des
opérations dirigées par l'OTAN ou par l'UEO.

Gestion des crises Somme des mesures saisies sur les plans politique, économique et militaire en vue de maîtriser une situation critique ou de venir à bout de tensions sérieuses entre des Etats.

Efforts politiques entrepris pour transformer des crises aiguës en une gestion des crises à long terme Interopérabilité Capacité des forces armées à coopérer avec des forces armées d'autres pays. Cette capacité est importante notamment dans la perspective d'engagements communs.

L'interopérabilité se rapporte en particulier à la conduite, à l'instruction, à l'équipement, aux structures et aux déroulements.

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Menace Menace pour nos intérêts et nos objectifs fixés dans le domaine de la politique de sécurité, qui trouve son origine dans les développements ou événements naturels, techniques, sociaux ou politico-militaires, et qui pourrait porter préjudice aux Etats, aux hommes et à leurs conditions d'existence. Des menaces peuvent aussi surgir sans aucune intention hostile.

Mise en danger Mise en danger de nos intérêts et de nos objectifs en matière de politique de sécurité, qui trouve son origine dans les intentions ou les activités de personnes, de groupes de personnes, d'Etats ou de groupes d'Etats. De telles intentions ou activités peuvent être suivies d'intentions hostiles (p. ex. une attaque militaire), ou d'une intention d'utiliser nos infrastructures sans tenir compte des conséquences nuisibles pouvant en découler (p. ex. le crime organisé).

Mondialisation A l'origine, notion économique désignant la réticulation internationale croissante des marchés ayant trait aux marchandises, aux capitaux, ainsi qu'au travail. Cette notion est cependant toujours plus fréquemment utilisée pour ce qui concerne la réticulation croissante et la dépendance commune d'autres domaines. En politique de sécurité, la mondialisation signifie, par exemple, que des conflits armés, bien qu'ayant lieu dans des contrées géographiquement éloignées, peuvent avoir des incidences directes sur la Suisse, notamment par l'augmentation de l'afflux des demandeurs d'asile ou par des perturbations dans le domaine du ravitaillement.

Neutralité Non-participation d'un Etat à des conflits armés interétatiques. La neutralité permanente d'un Etat découle du statut particulier du droit international auquel il est soumis. Le principe de sa politique étrangère le contraint à s'écarter, en temps de paix déjà, de tout fait de guerre. Elle est incompatible avec toute participation à des alliances la contraignant à fournir, sous certaines conditions, une assistance militaire et à admettre l'installation de bases militaires étrangères.

Organe de direction pour la sécurité Organe d'état-major préparatoire du Conseil fédéral chargé des tâches suivantes dans le domaine de la sécurité: suivi permanent de la situation dans les domaines de la sécurité, de l'appréciation de l'éventail de la violence et des possibilités d'évolution dans le contexte stratégique;
détection précoce et alerte rapide en ce qui concerne de nouvelles formes de menaces et de potentiels de risques pour la Suisse, notre contexte stratégique et nos intérêts; élaboration d'options à l'intention du Conseil fédéral visant à agir dans le domaine de la sécurité; coordination des affaires en rapport avec la politique de sécurité au sein et à l'extérieur de l'administration fédérale (en particulier les cantons), notamment dans les situations particulières; examen des besoins, de l'étendue, de l'efficacité et du succès des dispositions prises, des mesures prise et des activités exercées dans le domaine de la sécurité.

Politique étrangère et de sécurité commune Elément des traités de Maastricht (1993) et d'Amsterdam (1997) concernant l'Union européenne ayant pour but d'harmoniser et d'intégrer la politique étrangère et la po6976

litique de sécurité de chacun des Etats membres de l'UE. Dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, il est prévu de développer, à long terme, une politique de défense pouvant aboutir à une défense commune.

Politique de sécurité Ensemble de toutes les mesures étatiques prises en vue de prévenir et de maîtriser toute menace directe et indirecte ou toute utilisation de la violence de portée stratégique contre la Suisse, sa population et ses conditions d'existence.

Polyvalence Capacité d'un instrument de gérer plusieurs missions de nature différente.

Prévention générale En règle générale, travaux effectués à long terme et destinés à empêcher toute origine d'un conflit. La coopération au développement en fait notamment partie.

Prévention spéciale Mesures destinées à diminuer des potentiels conflictuels aigus. Elles englobent notamment l'aide aux réfugiés et aux personnes déplacées, l'aide à la reconstruction, la promotion des droits de l'homme, les principes de l'Etat de droit et la démocratie, la démobilisation et la réinsertion des combattants dans la société, les réformes policières.

Promotion de la paix Elle correspond au terme anglais «peace support operations» et englobe un vaste éventail de mesures civiles et/ou militaires propres à renforcer la paix, à achever des conflits armés et à empêcher une réactivation de conflits armés.

Protection de la population Structures civiles pour la gestion, la protection et l'aide destinées à la protection de la population, à ses conditions d'existence et à son patrimoine culturel en cas de catastrophes naturelles et anthropiques, ainsi que dans d'autres situations de nécessité et lors de menaces relevant du domaine politico-militaire. La protection de la population relève en premier lieu de la compétence des cantons et des communes et couvre les domaines d'activités suivants: le sauvetage et la lutte contre les incendies, la remise en état, la sécurité des infrastructures techniques, leur protection et leur maintenance, ainsi que les domaines de la santé et de la logistique.

Risque Le risque est le produit d'un dommage éventuel (dû à un danger ou une menace) et de la probabilité avec laquelle il peut se produire.

Schengen (ensemble de la Convention de) Dispositif conventionnel désigné d'après le lieu viticole de Schengen, au Luxembourg,
et signé en 1985 par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. La convention et la convention d'exécution de Schengen concernent la réduction progressive des contrôles aux frontières communes et l'introduction de la libre circulation des citoyens des Etats signataires, de tous les autres Etats membres de la Communauté, ainsi que de pays tiers. Les pays suivants ont en outre adhéré à 6977

la convention: l'Italie (en 1990), l'Espagne et le Portugal (en 1991), la Grèce (en 1992), l'Autriche (en 1995), la Suède, la Finlande et le Danemark (en 1996). Avec le Traité d'Amsterdam, le dispositif conventionnel passera dans la compétence de l'UE, devenant ainsi «collectif».

Sécurité En matière de sécurité, on distingue couramment la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. La sécurité intérieure est concernée lorsque l'existence et la fiabilité des dispositifs politiques constitutionnels de l'Etat, l'ordre fondamental institué par l'Etat en vue d'une libre démocratie et le fonctionnement régulier de ces dispositifs, ainsi que la sécurité des habitants de la Suisse, sont menacés. La sécurité extérieure est concernée lorsque sont menacés l'existence et l'intégrité de l'indépendance d'un Etat, sa capacité de défendre, contre les attaques extérieures, ses frontières et son ordre constitutionnel, ainsi que son entente cordiale avec d'autres pays. Les questions de la sécurité intérieure et extérieure ont cependant de plus en plus tendance à se confondre. Les questions liées à la sécurité deviennent de plus en plus complexes, d'où la nécessité de prévoir une coordination efficace.

Situations Situation normale: situation dans laquelle les processus administratifs ordinaires suffisent à gérer les problèmes et à relever les défis.

Situation particulière: situation dans laquelle les processus administratifs normaux ne suffisent plus à gérer certaines tâches de l'Etat. A la différence de la «situation extraordinaire», l'activité gouvernementale touchée n'est cependant que sectorielle.

Ici, ce sont les besoins visant une concentration rapide des moyens et une simplification de la procédure qui s'imposent.

Situation extraordinaire: situation dans laquelle les processus administratifs normaux en usage dans de nombreux domaines et secteurs ne suffisent pas à résoudre les problèmes et à relever les défis, tels que les catastrophes naturelles affectant sérieusement l'ensemble du pays, ou les faits de guerre.

Stratégie Conception fondamentale, action et comportement de principe dans les questions ayant trait à la politique de sécurité. Nos principes de politique générale et nos objectifs et intérêts en matière de politique de sécurité constituent les données incontournables pour la nouvelle stratégie
de la coopération globale et souple en matière de sécurité en Suisse et de la coopération internationale dans le domaine de la sécurité.

Subsidiarité Le principe de la subsidiarité veut que l'engagement des moyens de la politique de sécurité dans le pays soit tenu au niveau le plus bas possible et qu'il ait lieu, en ce qui concerne l'armée, si possible sur le plan civil. Ainsi, un examen régulier doit déterminer si un engagement de l'armée est réellement justifié compte tenu des autres possibilités d'action au niveau national, cantonal ou communal. Les principes de la proportionnalité et de la nécessité sont liés à celui de la subsidiarité. Des formations militaires peuvent par conséquent être engagées à la demande des autorités civiles si les moyens civils à la disposition de tous les échelons ne permettent pas de

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maîtriser la situation de menace présente, que ce soit pour des raisons de personnel, de matériel ou pour une question de temps.

Violence de portée stratégique Objet de la politique de sécurité de la Suisse. On entend par violence celle qui concerne essentiellement l'Etat et la société. Elle comprend notamment les opérations militaires dirigées contre la Suisse, les pressions économiques et politiques exercées à son encontre, le crime organisé à grande échelle, le terrorisme et l'extrémisme violent, ainsi que les catastrophes naturelles et anthropiques. Les actes de violence touchant des particuliers (p. ex. le meurtre, le cambriolage, le vol) ne sont pas considérés comme actes de violence de portée stratégique, sous réserve de la deuxième phrase de la présente définition, et relèvent du domaine politique de la police.

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Table des matières 1 Introduction

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2 La nécessité et le but d'un nouveau rapport 21 Qu'est-ce qui a changé depuis 1990?

211 L'évolution de notre environnement 212 Le développement de la politique de sécurité de la Suisse 22 Les conséquences essentielles

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3 Les risques et les chances 6911 31 L'éventail des menaces et des dangers 6911 311 La diminution des facteurs de menace militaire traditionnelle 6911 312 L'accroissement des conflits intérieurs 6912 313 La prolifération des armes de destruction massive et des systèmes d'armes à longue portée 6912 314 Les restrictions à la liberté des échanges et les pressions économiques 6913 315 Les développements économiques, sociaux et écologiques 6914 316 Les développements technologiques importants en matière de politique de sécurité 6915 317 La menace contre les infrastructures informatiques et de communication6916 318 Le terrorisme, l'extrémisme violent, l'espionnage, la criminalité et le crime organisé 6917 319 L'évolution démographique, les migrations 6919 3110 Les catastrophes naturelles et anthropiques 6920 32 Les structures internationales de sécurité 6920 321 L'Organisation des Nations-Unies 6920 322 L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe 6922 323 L'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale 6923 324 L'OTAN, le Partenariat pour la paix et le Conseil de partenariat euro-atlantique 6924 325 Le Conseil de l'Europe 6926 326 Le rôle des autres Etats européens neutres dans la structure de sécurité de l'Europe 6927 327 Les accords de désarmement et les mesures internationales de contrôle6927 328 Les autres structures importantes en matière de politique de sécurité 6929 33 Les risques et les chances pour la sécurité de la Suisse 6930 4 Les intérêts et les objectifs

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5 La stratégie 6932 51 Les principes fondamentaux et les directives stratégiques 6932 511 Les tâches stratégiques 6935 512 Le maintien de la neutralité sous l'aspect de l'utilisation systématique de la marge de manoeuvre offerte par le droit de la neutralité 6937 52 Les composants principaux de la stratégie 6939 521 Une coopération globale et souple en matière de sécurité dans le pays 6939 522 La coopération en matière de sécurité avec l'étranger 6940 53 La justification de notre stratégie par rapport à d'autres alternatives 6941 6980

54 Les conséquences d'une adhésion à l'UE 6942 541 Les conséquences en matière de politique de sécurité 6942 542 Les conséquences dans les domaines de la justice et de l'intérieur 6943 55 Les conséquences d'une adhésion à l'ONU pour notre politique de sécurité6944 6 Les instruments 61 La politique étrangère 611 La mission 612 La promotion de la paix, la diplomatie préventive et la gestion des crises 613 La politique des droits de l'homme 614 Le désarmement et la maîtrise des armements 615 Le droit international humanitaire 616 La coopération au développement, la coopération avec l'Europe de l'Est et l'aide humanitaire 617 La politique de neutralité 62 L'armée 621 La mission 622 La réalisation de la mission 623 Les prestations de l'armée 63 La protection de la population 631 La mission 632 L'organisation et le mode de fonctionnement 64 La politique économique 641 La mission 642 L'organisation et le fonctionnement 65 L'approvisionnement économique du pays 651 La mission 652 L'organisation et le fonctionnement 66 La protection de l'Etat et la police 661 La mission 662 L'organisation et le fonctionnement 67 L'information et la communication 671 La mission 672 Les organes d'information 673 La sécurité de l'infrastructure informatique et de communication

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7 Les ressources 71 L'obligation de servir 72 Les finances

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8 La conduite stratégique 81 La création d'un Organe de direction pour la sécurité 82 Les situations normale, particulière et extraordinaire 83 Le rôle et l'importance des cantons et des communes

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Liste des abréviations

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Définitions

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