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89.002

Message concernant la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises

du 11 janvier 1989

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral sur la ratification de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises conclue à Vienne le 11 avril 1980.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

11 janvier 1989

1988 - 740

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Delamuraz Le chancelier de la Confédération, Buser

49 Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

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Condensé Dans notre économie, le nombre de contrats de vente avec une composante à caractère international est très élevé. Outre ses nombreux avantages, le commerce international de marchandises pose aussi quelques problèmes. En effet, il n'est pas toujours facile de savoir à quel ordre juridique de tels échanges doivent être soumis.

Les premières tentatives d'unifier les règles sur la vente internationale de marchandises ont été faites il y a déjà bien longtemps. Ce sujet a été abordé pour la première fois de manière scientifique au début des années trente par l'Institut international pour l'unification du droit privé (UNIDROIT). Cette première approche a abouti à la création des lois uniformes de La Haye de 1964 surla vente, qui n'ont pourtant pas eu le succès escompté. Par conséquent, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI; United Nations Commission on International Trade Law, UNC1TRAL) a repris l'étude de la question vers la fin des années soixante.

Après de longs travaux préparatoires basés sur les lois uniformes de La Haye sur la vente, la Convention sur la vente internationale de marchandises a été adoptée le 11 avril 1980 au cours d'une conférence diplomatique qui s'est tenue à Vienne. Cette convention a reçu un accueil positif dans de nombreux pays, ce qui permet dépenser qu'elle aura un champ d'application très étendu. A ce jour, 21 Etats ont signé cette convention. 17 Etats l'ont déjà ratifiée et elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1988.

Le vif intérêt que la convention a suscité dans les milieux commerciaux et scientifiques suisses et internationaux amène le Conseil fédéral à proposer à l'Assemblée fédérale de la ratifier.

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*

Message I II

Partie générale Le point de la situation

En présence d'un contrat de vente à caractère international, on se demande en premier lieu à quel ordre juridique ce contrat doit être soumis. En Suisse, il faut pour obtenir une réponse à cette question se reporter à la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (RS 0.221.211.4).

Il convient de décrire brièvement le champ d'application de la Convention de La Haye de 1955. Il s'agit d'une convention multilatérale à validité erga omnes et pourvue du caractère de loi uniforme. Cela signifie que, dans les limites de son champ d'application matériel, la Convention ne laisse aucune place aux règles de conflit nationales et que ses dispositions sont applicables même lorsque le droit désigné n'est pas celui d'un Etat signataire de la convention. Le champ d'application de la Convention de La Haye est limité à plusieurs égards.

La Convention de La Haye ne désigne que le droit applicable aux contrats de vente portant sur des objets mobiliers corporels. Elle ne s'applique pas aux ventes de titres, de navires, de bateaux et d'aéronefs enregistrés, ni aux ventes par autorité de justice ou sur saisie (art. 1er, 2e al.). Les contrats de livraison d'objets mobiliers corporels à fabriquer ou à produire sont assimilés aux contrats de vente au sens de la convention lorsque la partie qui s'oblige à livrer doit fournir les matières premières nécessaires à la fabrication ou la production (art. 1er, 3e al.).

La convention ne porte ni sur la capacité des parties ni sur la forme des contrats.

En outre, sont exclus de son champ d'application les transferts de propriété ainsi que les effets de la vente à l'égard de tiers (art. 5).

Lorsque l'objet d'une vente n'entre pas dans le champ d'application de la convention, ou lorsque celle-ci ne permet pas de répondre à une question, on applique les règles de conflit internes développées par la jurisprudence. Depuis peu, ces règles sont, en Suisse, celles de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP, RS 291). Aux termes de l'article 116 LDIP, le contrat est régi en premier lieu par le droit choisi par les parties (rattachement subjectif). A défaut d'élection de droit, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits
(art. 117 LDIP; rattachement objectif). Ces liens sont déterminés en fonction de la prestation caractéristique de chaque contrat. En ce qui concerne le contrat de vente - le vendeur fournit la prestation caractéristique en remettant la chose vendue à l'acheteur - le droit applicable est en principe celui de l'Etat dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle (art. 117, 3e al., let. a, LDIP).

Les principes de la Convention de La Haye de 1955 sont les mêmes: à défaut d'élection de droit, elle soumet le contrat de vente au droit de l'Etat dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle. Toutefois, cette convention prévoit que la vente est régie par la loi de l'Etat dans lequel l'acheteur a sa résidence habituelle lorsque le contrat a été conclu dans cet Etat.

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Une fois la question du droit applicable tranchée, il faut encore résoudre le litige conformément à l'ordre juridique désigné. Il en résulte une situation difficile à prévoir tant pour les parties au contrat que pour le juge appelé à trancher en cas de litige. Très souvent, les parties ne conviennent pas du droit applicable parce qu'elles ne désirent pas soulever cette question au cours de leurs pourparlers.

Fréquemment aussi, elles ne songent même pas à élire le droit applicable parce qu'elles partent de l'idée que l'exécution du contrat ne posera aucun problème. Il faut alors déterminer le droit applicable au moyen des règles de conflit, puis résoudre les questions litigieuses au moyen du droit ainsi désigné. La Convention de Vienne, en revanche, présente l'avantage de contenir des règles matérielles directement applicables pour certaines parties importantes du droit de la vente.

La Suisse n'a pas ratifié les lois uniformes de La Haye de 1964 sur la vente, à savoir la loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels (LUVI) et la loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels (LUFC). La Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente, que nous vous proposons de ratifier, offre à notre pays la possibilité de participer dès le départ à l'ordre juridique international de l'avenir.

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Genèse de la Convention de Vienne sur les contrats de vente

Pendant des décennies, les milieux commerciaux ont rêvé d'une «lex mercatoria» qui serait applicable dans le monde entier. Des efforts concrets pour unifier le droit de la vente n'ont pourtant été entrepris qu'au début des années trente. Les plus importants ont été les travaux de l'Institut international de Rome pour l'unification du droit privé (UNIDROIT) ainsi que les lois uniformes de La Haye.

Compte tenu de l'importance que ces travaux ont eue pour la Convention de la CNUDCI, il se justifie de les décrire brièvement.

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UNIDROIT

A la suite de longs travaux préparatoires, l'unification du droit matériel des lettres de change et des chèques a été réalisée sous l'égide de la Société des Nations au moyen des Conventions de Genève de 1930 et 1931. La SdN s'est alors intéressée à l'unification du droit de la vente. L'Institut de Rome UNIDROIT a été chargé des travaux préparatoires. Le grand juriste allemand Ernst Rabel y a joué un rôle déterminant. Son ouvrage de droit comparé sur la vente de marchandises, qu'il avait réalisé avec ses collaborateurs de l'Institut Kaiser Wilhelm de Berlin, a servi de fondement scientifique aux travaux. Des juristes de renom, originaires d'Angleterre, de France, d'Italie, d'Allemagne, des pays Scandinaves et de Suisse ont participé aux discussions qui se sont déroulées au sein d'UNIDROIT. En 1935, le comité de direction de l'Institut a adopté un projet de loi uniforme sur les ventes internationales de marchandises et l'a présenté à la SdN. Ernst Rabel a qualifié ce projet d'«étape décisive» dans l'évolution du droit privé et du droit international.

Il rendait ainsi hommage non seulement aux diverses solutions particulières qui avaient été adoptées, mais surtout au fait que, pour la première fois, un travail de droit comparé approfondi avait pu être entrepris et avait abouti à un résultat 712

concret. La SdN a ensuite envoyé le projet de 1935 aux divers gouvernements, puis l'a revu pour tenir compte des remarques qui avaient été faites («projet de Rome» de 1939). Lorsque UNIDROIT a repris ses travaux à la fin des années quarante, après une interruption due à la guerre, l'unification du droit de la vente était toujours sa préoccupation première. Les travaux de la Commission sur le droit de la vente qui ont eu lieu en 1950 ont révélé qu'il n'était pas nécessaire que le «projet de Rome» subisse des modifications fondamentales, malgré les nouvelles lois nationales entrées en vigueur dans l'intervalle.

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Les lois uniformes de La Haye sur la vente

Le gouvernement des Pays-Bas convoque une conférence diplomatique en 1951.

Le second projet UNIDROIT de 1939 y sert de base aux discussions devant aboutir à une loi uniforme sur la vente. 21 Etats européens prennent part à cette Conférence, qui adopte le «projet de Rome» dans ses grandes lignes. En fait, les seules modifications découlaient du fait qu'il importait de prendre en considération les usages commerciaux nés après la guerre. En 1956, le groupe de travail mis en place par la Conférence présente une version corrigée du projet; celle-ci est révisée une nouvelle fois compte tenu des opinions exprimées par les divers Etats.

La mise au point du projet se termine en 1963, avec la rédaction d'un message explicatif.

Au cours des discussions de 1956, les 21 Etats avaient décidé de poursuivre aussi les travaux d'UNIDROIT relatifs à l'unification du droit applicable à la formation des contrats de vente. Ces travaux avaient connu en 1936 un aboutissement provisoire sous la forme d'un projet peu prometteur. UNIDROIT avait dès lors pour tâche de revoir les problèmes relatifs à la formation des contrats. Bien que les travaux se soient limités à la formation des contrats de vente internationaux, les dispositions devaient rester à part et ne constituer qu'un complément à la loi uniforme sur la vente. Un projet UNIDROIT relatif à ces questions a été présenté en 1958 et accompagné d'un message explicatif.

Au printemps 1964, le gouvernement des Pays-Bas convoque une nouvelle conférence diplomatique. 28 Etats y participent Elle se termine le 25 avril 1964 par l'adoption de deux lois uniformes: la loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels (LUVI) et la loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels (LUFC).

Les espoirs suscités par les lois uniformes de La Haye sur la vente ont cependant été déçus. Les Etats signataires sont restés peu nombreux puisque seuls neuf Etats (Belgique, Gambie, Grande-Bretagne, Israël, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, République fédérale d'Allemagne et San Marino) ont ratifié les deux traités. Les raisons de l'échec des lois uniformes de La Haye sur la vente sont nombreuses: les normes n'avaient été adoptées que par un nombre très limité d'Etats, qui, en plus, étaient tous européens, et étaient rejetées par les Etats du tiers monde et par les Etats à.économie étatique.

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CNUDCI

L'échec des lois uniformes de La Haye sur la vente n'a pas découragé ceux qui souhaitent la création d'un droit de la vente applicable dans le monde entier. En 1967, l'Assemblée générale des Nations Unies met en place la Commission pour le droit commercial international (CNUDCI). Celle-ci s'attaque à nouveau à l'unification du droit de la vente, cette fois-ci avec l'appui de toutes les parties du monde.

Les travaux de la CNUDCI se fondent sur l'oeuvre d'Ernst Rabel et d'UNIDROIT d'une part et sur les lois uniformes de La Haye sur la vente d'autre part. En outre, ils tiennent compte des principes établis par l'Uniform Commercial Code (UCC) des Etats-Unis et par les diverses conditions uniformes appliquées au sein du COMECON. S'étant inspiré de ces modèles, le groupe de travail de la CNUDCI présente en janvier 1976 un premier projet («projet de Genève»). Lors de la dixième conférence annuelle de la CNUDCI, tenue à Vienne en 1977, le projet est adopté après avoir subi quelques modifications («projet de Vienne»). Un troisième projet, corrigé une nouvelle fois et adopté lors de la onzième conférence annuelle à New York («projet de New York»), est mis en consultation auprès des divers Etats participants. C'est finalement de ce projet que discute la Conférence diplomatique qui se tient à Vienne dès le 10 mars 1980. Plus de soixante Etats y participent, à savoir l'Argentine, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, la République socialiste soviétique de Biélorussie, la Birmanie, la Bolivie, le Brésil, la Bulgarie, le Canada, le Chili, la Chine, Chypre, la Colombie, la République de Corée, le Costa Rica, le Danemark, l'Egypte, l'Equateur, l'Espagne, la Finlande, la France, le Ghana, la Grande-Bretagne, la Grèce, la Hongrie, l'Inde, l'Irak, l'Iran, l'Irlande, Israël, le Japon, le Kenya, la Libye, le Luxembourg, le Mexique, le Nigeria, la Norvège, les Pays-Bas, le Pakistan, le Pérou, les Philippines, la Pologne, le Portugal, la République démocratique allemande (RDA), la République fédérale d'Allemagne (RFA), la Roumanie, Singapour, la Suède, la Suisse, la Tchécoslovaquie, la Thaïlande, la Tunisie, la Turquie, la République socialiste soviétique d'Ukraine, l'URSS, l'Uruguay, les Etats-Unis d'Amérique, la Yougoslavie et le Zaïre. Le Venezuela, ainsi que diverses organisations interétatiques, assistent à la
conférence comme observateurs. Il s'agit de la Banque mondiale, de l'Office central pour les liaisons ferroviaires internationales, du Conseil de l'Europe, de la CEE, de la Conférence de La Haye pour le droit international privé, d'UNIDROIT, de la Banque pour les règlements internationaux et de la Chambre internationale du commerce.

Lors du vote final, 42 Etats se prononcent en faveur de la convention. Il y a dix abstentions. L'acte final, qui porte le texte de la Convention sur les contrats de vente internationale de marchandises, est signé le 11 avril 1980.

La convention a été rédigée et signée en langues anglaise, arabe, chinoise, espagnole, française et russe. En janvier 1982, lors d'une réunion, l'Autriche, la RDA, la RFA et la Suisse en établissent une traduction allemande commune.

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Structure et contenu de la Convention de Vienne

La Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises est divisée en quatre parties. La première partie contient des règles sur son champ d application ainsi que les dispositions générales (art. 1er à 13). La deuxième partie comprend les dispositions relatives à la formation des contrats de vente (art. 14 à 24) alors que la troisième est consacrée aux prescriptions sur le contenu des contrats de vente (art. 25 à 88). La quatrième partie contient les traditionnelles dispositions finales (art. 89 à 101).

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Première partie (art. 1er à 13)

Le champ d'application de la convention est régi par les articles 1er à 6. Dans un premier temps, elle s'applique aux contrats de vente de marchandises entre les parties ayant leur établissement dans des Etats contractants différents (art. 1er, 1er al., let. a). Dans un second temps, elle s'applique aussi lorsque les règles de droit international privé du juge saisi mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant (art. 1er, 1er al., let. b). Dans cette dernière hypothèse, la convention est donc applicable même si une seule des parties est établie dans un Etat contractant et même si aucune d'elles n'y est établie. Il suffit que la loi du tribunal saisi désigne le droit d'un Etat contractant comme étant applicable. Par ailleurs, il faut préciser que ni la nationalité des parties, ni le caractère civil ou commercial des parties ou du contrat ne sont pris en considération (art. 1er, 3e al.). Seule la composante internationale du contrat (art. 1er, 2e al.) est déterminante.

Le champ d'application matériel de la Convention de Vienne est limité à divers égards. D'abord, elle régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur (art. 4). D'autres problèmes, tels la validité du contrat, les vices du consentement et le transfert de propriété, ont été exclus de son champ d'application car les différences entre les solutions appliquées dans les divers pays paraissaient trop importantes pour que l'on puisse espérer tomber d'accord sur des dispositions communes. Ensuite, la convention ne régit pas les ventes de certains biens: marchandises destinées à l'usage personnel, papiers-valeurs, bateaux et électricité. Les ventes aux enchères, sur saisie ou d'une autre manière par autorité de justice, ne tombent pas non plus sous le coup de la convention (art. 2). L'article 3 définit la limite entre vente et contrats de fourniture de marchandises à fabriquer d'une part et contrats de travail d'autre part.

La première partie contient enfin des dispositions générales sur l'interprétation de la convention, le comblement des lacunes, l'interprétation des déclarations de volonté, les usages commerciaux et la forme des contrats (art. 7 à 13).

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Deuxième partie (art. 14 à 24)

Cette partie, règle la formation du contrat de vente. Les principes de la loi uniforme de La Haye sur la formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels (LUFC) y ont pour la plupart été repris. On a maintenu en particulier la conception, traditionnelle en matière de vente, d'offre et d'acceptation.

Aux termes de la convention, une offre doit être suffisamment précise et indiquer la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation (art. 14). La question de savoir si le prix doit être fixé est restée longtemps controversée. Finalement, on a adopté une solution de compromis en décidant que chaque fois que l'offre ne contiendra pas de prix, il y aura une présomption en faveur du prix usuel. Pour qu'il y ait acceptation d'une offre, il faut que tous ses éléments aient été acceptés sans aucune réserve, addition ou limitation. Ce principe est précisé en ce sens qu'une acceptation qui diffère de l'offre sans l'altérer substantiellement crée le contrat, à moins que l'auteur de l'offre ne relève les divergences sans retard (art.

19).

Selon la convention, le contrat est conclu au moment où l'acceptation d'une offre prend effet (art. 23). En ce qui concerne le contrat entre absents, il est considéré comme conclu au moment où l'acceptation parvient à l'auteur de l'offre (art. 24).

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Troisième partie (art. 25 à 88)

La troisième partie de la convention est la plus longue. Elle est divisée en cinq chapitres.

Le premier chapitre (art. 25 à 29) énonce quelques dispositions générales. Il définit notamment la notion, très importante pour la convention, de contravention essentielle au contrat.

Le deuxième chapitre règle les obligations du vendeur (art. 30 à 44). Les obligations de l'acheteur sont régies par le troisième chapitre (art. 53 à 66). Le vendeur est tenu de livrer la marchandise et, le cas échéant, de remettre les documents qui la concernent (art. 31 à 34). Il doit livrer les marchandises conformément à ce qui avait été convenu et exemptes de tous les droits et prétentions que pourraient faire valoir des tiers (art. 35 à 44). De façon synallagmatique, l'acheteur est tenu de payer le prix et de prendre livraison des marchandises (art. 53 à 60). Le lieu et le moment où le vendeur doit effectuer la livraison sont également réglés. La convention traite en outre de la responsabilité du vendeur pour les éventuels défauts de la chose. Enfin, elle édicté les règles selon lesquelles l'acheteur doit agir pour faire valoir ses droits en cas de défauts.

Le troisième chapitre, qui énonce les obligations de l'acheteur, règle de manière analogue les moyens dont dispose le vendeur pour faire valoir ses droits.

Le quatrième chapitre (art. 66 à 70) traite du transfert des risques. Contrairement à ce qui est prévu à l'article 185 du code des obligations (CO), les profits et les risques de la chose ne passent pas à l'acquéreur dès la conclusion du contrat, mais 716

seulement lors de son exécution par le vendeur. La convention contient aussi des règles plus nuancées au sujet du transfert des risques en cas de vente à distance et de vente de marchandises qui se trouvent en cours de transport. Enfin, le cinquième chapitre, aux articles 71 à 88, contient des dispositions communes aux obligations du vendeur et de l'acheteur. On y trouve notamment des règles sur la résolution anticipée des contrats (art. 71 et 72), la résolution des contrats à livraisons successives (art. 73), le calcul des dommages-intérêts (art. 74 à 77), l'exonération (art. 79), les effets de la résolution (art. 81 à 84) et la conservation des marchandises en cas de refus de prendre livraison ou de présence de défauts (art. 85 à 88).

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Quatrième partie (art. 89 à 101)

Les dispositions finales règlent la ratification, l'entrée en vigueur et la dénonciation de la convention. Elles règlent aussi les relations entre la convention et les lois uniformes de La Haye sur la vente ainsi que les réserves qu'il est possible de faire. Ainsi, tout Etat contractant peut déclarer (art. 92) qu'il n'accepte que la deuxième partie de la convention (formation du contrat, art. 14 à 24) ou la troisième (contenu du contrat, art. 25 à 88). En outre, tout Etat contractant peut déclarer qu'il ne veut pas être lié par la lettre b, du 1er alinéa, de l'article 1er de la convention, aux termes de laquelle la convention s'applique aussi lorsque le droit international privé du juge saisi mène à l'application de la convention (art. 95).

14 141

Résultats de la procédure de consultation Ouverture

Par lettre du 17 novembre 1982, l'Office fédéral de la justice a invité les facultés de droit suisses, différentes associations économiques et l'Institut suisse de droit comparé à se prononcer sur la Convention sur le droit de la vente.

Les réponses sont parvenues jusqu'en septembre 1983. Toutefois tous les organes consultés n'ont pas répondu.

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En général

Les réponses reçues sont très différentes tant en ce qui concerne leur volume que pour ce qui est de leur contenu. Alors que la moitié des réponses sont brèves et s'en tiennent aux généralités, les autres analysent la convention en détail le plus souvent chapitre par chapitre.

A l'exception de la Fédération suisse des avocats, de la Fédération de l'industrie horlogère suisse et de l'entreprise anonyme, les groupements consultés se sont tous exprimés en faveur de la ratification de la Convention de Vienne sur les contrats de vente. Les avis exprimés vont de l'acceptation sans réserve (OFAE, Université de Berne, FSICG, SSIC, VSM), en passant par des formes plus nuancées (Vorort, Pool suisse de l'automation, Chambres zurichoise et bernoise 717

du commerce, USAM), jusqu'au constat que la question de la ratification de la Convention est de nature purement politique et économique (Université de Lausanne).

Les trois opinions négatives ne sont pas catégoriques. La Fédération de l'industrie horlogère suisse estime qu'au stade actuel, une ratification est sans intérêt pour la Suisse. L'entreprise anonyme, qui fait également remarquer le caractère politique d'une éventuelle ratification, admet, malgré des critiques, que la convention peut être utile lors de transactions avec des Etats à économie étatique et les Etats du tiers-monde. La Fédération suisse des avocats critique la qualité rédactionnelle de la Convention, mais se prononce néanmoins en faveur de sa ratification dans le cas où nos plus importants partenaires commerciaux (pays de la CEE, USA, Japon) décideraient de la ratifier.

Presque tous les organismes consultés déplorent le style très laborieux de la convention qui complique son application de manière excessive. A plusieurs reprises, on fait remarquer des dispositions contradictoires ou difficiles à comprendre (p. ex. l'art. 15,2e al, en relation avec l'art. 16,2e al., let. a; l'art. 35,2e al., let. b).

En résumé cependant, on peut dire que la convention sur les contrats de vente a reçu, dans l'ensemble, un accueil favorable.

143

Champ d'application et dispositions générales

L'Université de Lausanne fait remarquer que le titre de la convention est trop large. Celle-ci se limite en effet à la conclusion du contrat et aux droits et obligations qui en découlent pour le vendeur et l'acheteur. De grandes parties du droit de la vente (transfert de propriété, validité du contrat, défauts dans la formation de la volonté) restent régies par les droits nationaux (cf. art. 4).

Le Pool suisse de l'automation craint que le fait que la réglementation soit limitée du point de vue matériel crée trop de divergences dans les pratiques juridiques.

L'USAM et la Chambre bernoise du commerce relèvent que le champ d'application est limité, mais n'émettent pas de jugement de valeur. Les autres organismes regrettent dans l'ensemble la limitation du champ d'application, notamment en relation avec le contrat d'entreprise. L'Université de Lausanne aussi, tout comme l'entreprise anonyme, est entrée en matière sur les limites tracées par les articles 2 et 3. Elle fait remarquer les problèmes que créera le critère de la «part prépondérante» de main-d'oeuvre ou de services pour une délimitation précise entre contrat de vente et contrat d'entreprise.

La Fédération suisse des avocats souhaite que l'on utilise la faculté de faire une réserve au sens de l'article 95. Ainsi on éviterait l'application de l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, selon lequel la convention est valable aussi pour les contrats de vente entre des parties ayant leur établissement dans des Etats non contractants différents lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant. La Chambre bernoise du commerce se demande de son côté si le champ d'application plus restreint ne serait pas préférable, alors que l'Université de Berne laisse ouverte la question expressément. L'Université de Lausanne fait remarquer que l'on ne pourra pas contrôler l'application que les 718

juridictions supérieures d'un Etat non contractant feront de la convention. Seul le VSM juge cette règle positive. On se félicite généralement de manière expresse de l'article 6 (opting- out). La Fédération suisse des avocats estime même que cette règle forme le «principe sacramentel» de la convention et considère que l'article 6 constitue l'un des rares points positifs de la convention. Seule la Fédération de l'industrie horlogère suisse émet des réserves et croit que sa formulation est trop floue. Alors que le Pool suisse de l'automation se déclare satisfait de l'introduction de l'article 9 (force contraignante de ces usages), l'USAM fait remarquer que l'on ne saurait exiger des petites entreprises qu'elles aient connaissance de tous les usages commerciaux. Dans l'ensemble cependant, la prise en compte de ces usages est considérée comme un progrès (Chambre zurichoise du commerce, VSM, Vorort).

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Formation du contrat

Peu de remarques ont été faites sur ce chapitre. Il n'y a pas d'oppositions fondamentales, sans doute, comme le souligne l'Université de Berne, parce que les dispositions de la convention correspondent dans l'ensemble à celles qui sont en vigueur en Suisse. Sur certains points particuliers quelques remarques ont pourtant été faites, mais elles sont souvent diamétralement opposées. Ainsi l'Université de Berne fait remarquer en particulier le caractère contraignant de l'offre (art. 16) qu'elle considère comme un grand progrès pour le commerce avec les pays anglophones. L'Université de Lausanne de son côté, juge que l'article 16 est une concession pas très heureuse faite au système juridique anglo-américain.

La Chambre zurichoise du commerce se limite à une comparaison avec notre code des obligations sans émettre, dans l'ensemble, de jugement de valeur. Le VSM estime que les différences existant avec le code des obligations (les art. 16,18, 20 p. ex.) sont favorables pour le commerce international, alors que la SSCI juge les dispositons citées comme «incompatibles» avec notre ordre juridique.

L'article 14, 1er alinéa, en particulier, qui a par ailleurs fait l'objet de longues discussions lors de l'élaboration de la convention, est qualifié de peu heureux.

145

Vente de marchandises

Ce chapitre n'a pas suscité de commentaires ou de critiques d'ensemble. Si l'Université de Berne fait allusion aux principes issus de la tradition romaine qui ont été fixés dans la convention, ses remarques sur le fait que l'on laisse le choix entre les moyens d'actions en dommages-intérêts découlant de la tradition juridique anglophone et ceux prévus par les systèmes juridiques d'Europe continentale, sont peu précises. Les auteurs des autres réponses se contentent de relever les avantages et les inconvénients de l'une ou l'autre disposition. Faire la synthèse des avis exprimés n'est pas possible en raison de la complexité de la matière. Seuls quelques points seront donc évoqués ici à titre d'exemples.

La notion de contravention essentielle au contrat (art. 25) a été longuement discutée lors de l'élaboration de la Convention. Seules quatre critiques ont été émises à ce sujet, mais elles sont contradictoires: la Fédération suisse des avocats 719

pense que la notion de contravention essentielle constitue un progrès par rapport à la situation actuelle. Le VSM est lui aussi favorable aux dispositions de l'article 25. Le Pool suisse de l'automation par contre craint que cet article crée des divergences dans la jurisprudence et, par là, une certaine confusion. La SSCI redoute des difficultés et critique la règle parce qu'elle estime qu'elle défavoriserait très nettement la partie fidèle au contrat.

Peu de remarques ont été faites au sujet des obligations du vendeur, à savoir la livraison de la marchandise et la remise des documents (art. 30 à 44). La SSCI fait remarquer que la traduction allemande de l'article 34 est imprécise et que l'article 35 manque de clarté. En ce qui concerne les obligations de l'acheteur (art. 53 à 66), le VSM estime que la définition normative du devoir qu'a l'acheteur de prendre livraison de la marchandise constitue un progrès par rapport à notre ordre juridique. La Chambre zurichoise du commerce en revanche, fait remarquer qu'il n'y a dans certaines conditions aucun moyen d'exiger l'accomplissement de cette obligation.

Les dispositions réglant la garantie contre les défauts sont, dans l'ensemble, perçues comme étant des règles satisfaisantes.

Presque tous les organismes consultés soulignent, pour la rejeter ou la critiquer, la façon dont l'avis des défauts a été conçue.

Les moyens dont disposent les parties en cas de contravention au contrat n'ont donné lieu à aucune opposition de principe. Onze réponses relèvent que la réglementation du transfert des risques (art. 66 à 70) est différente de celle prévue à l'article 185 CO. Six organes consultés jugent cela positif et trois s'abstiennent de tout jugement de valeur. Seules la SSCI et l'USAM pensent que la réglementation des Nations Unies est mauvaise.

Les dispositions sur les dommages-intérêts (art. 74 à 77) sont perçues unanimement comme très positives.

146

Dispositions finales

Dans la mesure où des remarques sur les réserves (art. 92 à 96) ont été faites, elles tendent presque toutes au même résultat. On souhaite que la Suisse ratifie la Convention de Vienne sans faire de réserves. La Fédération suisse des avocats et la SSCI estiment pourtant que faire usage de la réserve prévue à l'article 95 (exclusion de l'art. 1er, 1er al., let. b) serait une bonne chose, alors que la Chambre bernoise du commerce pense qu'il faudrait étudier la question.

Tous les organes consultés soulignent l'importance pratique de la Convention de Vienne et apprécient les efforts de la CNUDCI. Seule la Fédération suisse des avocats semble penser que les défauts de la présente convention sont plus importants que les avantages d'un droit unifié sur la vente.

720

2 21 211

Partie spéciale Champ d'application et dispositions générales Champ d'application (art. 1er à 6)

Le chapitre 1 (art. 1er à 6) comprend les dispositions relatives au champ d'application à raison de la personne, du lieu et de la matière de la convention. En même temps, ce chapitre décrit l'étendue de cette dernière, ce qui signifie qu'il précise les questions auxquelles elle répond concernant la vente de marchandises.

Les règles relatives à la durée d'applicabilité se trouvent dans les dispositions finales (art. 100 et 101). Le champ d'application de la convention est limité de nombreuses manières. Il faut dès lors étudier très soigneusement ce chapitre.

211.1

Champ d'application à raison de la personne

Ce n'est pas la nationalité des parties, mais le fait qu'elles aient leur établissement dans des Etats différents, qui est déterminant pour l'application de la convention (art. 1er, 3e al). Cependant, il est essentiel que les parties au contrat soient conscientes du fait qu'elles ont leur établissement dans des Etats différents. En outre, le caractère international du contrat doit ressortir du contrat lui-même, des transactions antérieures des parties ou de renseignements qu'elles se sont données à un moment quelconque avant ou pendant la conclusion du contrat (art. 1er, 2e al.). Cette énumération est exhaustive. Elle est aussi alternative: il suffit que les parties puissent déduire le caractère international de leur contrat d'une seule des circonstances mentionnées. Le fait que le contrat d'une part, et les relations antérieures entre les parties d'autre part, mènent à des résultats différents ne posera que rarement des problèmes complexes de délimitation. Dans de tels cas, il faudra interpréter les déclarations et le comportement des parties conformément à l'article 8. On verra ainsi si elles étaient conscientes du caractère international de leur contrat lorsqu'elles l'ont conclu. La Convention de Vienne peut aussi s'appliquer à une vente passée entre citoyens suisses, à condition qu'ils aient leur établissement dans des Etats différents. Lorsqu'une partie n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle en tient lieu (art. 10, 2e al.).

Pour tenir compte des ordres juridiques qui connaissent des règles spéciales applicables aux commerçants, la convention prévoit que le caractère civil ou ' commercial des parties ou du contrat ne sont pas pris en considération (art. 10, 3e al.).

211.2

Champ d'application à raison du lieu

Le champ d'application à raison du lieu est en relation très étroite avec le champ d'application à raison de la personne. Comme cela a été précisé ci-dessus, la convention ne s'applique que lorsque les parties ont leur établissement dans des Etats différents. L'élément personnel se trouve ici dans le fait que les parties connaissent le caractère international de leurs relations. Il suffit en principe qu'elles soient conscientes d'avoir leur établissement dans des Etats différents.

721

D'autres éléments internationaux, tels la livraison de la marchandise au-delà d'une frontière, ne sont pas nécessaires. Ainsi la convention s'applique même lorsqu'un vendeur établi en Suisse livre des marchandises en Suisse, pour autant que l'acheteur ait son établissement dans un autre Etat et que le vendeur connaisse ce fait.

Pour décrire le champ d'application à raison du lieu, la convention énonce deux critères. D'une part, la convention s'applique lorsque les parties ont leur établissement dans des Etats différents et qu'il s'agit d'Etats contractants (art. 1er, 1er al., let. a). D'autre part, il suffit que les règles de conflit du juge saisi désignent la loi d'une Etat contractant (art. 1er, 1er al., let. b). Le premier cas constitue une règle d'application autonome. Cela signifie que, lorsque les parties ont leur établissement dans des Etats contractants différents, la convention s'applique sans recours préalable aux règles de conflit du juge saisi. Ce dernier doit cependant être une autorité judiciaire d'un Etat contractant. Le second cas constitue une règle d'application avec recours préalable à une règle de conflit. Dans ce cas, le juge doit, en appliquant son droit international privé, arriver à la conclusion que le contrat de vente est soumis, quant à la matière, au droit d'un Etat contractant. Par ce détour, il aboutira à l'application de la convention.

Il est alors sans importance qu'une partie ait son établissement dans un Etat contractant. Il suffit que les règles de conflit du juge saisi désignent le droit d'un Etat contractant. Peu importe aussi que cette désignation soit le résultat d'un rattachement objectif (prestation caractéristique du contrat) ou d'une élection de droit.

L'article 1er, 1er alinéa, lettre b, étend très largement le champ d'application de la convention. Cette disposition a pour but de faire appliquer les règles de la convention à toutes les ventes internationales de marchandises possibles et de leur donner une portée même en relation avec des Etats non contractants. Le corollaire de cet article 1er, 1er alinéa, lettre b, est bien sûr que l'on ne pourra pas éviter d'appliquer la convention, même lorsque le droit d'un Etat non contractant favorise les personnes établies sur son territoire. Cela résulte du fait que l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, oblige
l'Etat contractant à appliquer la convention tandis que l'Etat tiers ne s'engage d'aucune façon à appliquer la convention dans la situation inverse. Au cours de la conférence diplomatique, on a aussi fait remarquer que le droit international privé d'un Etat peut prévoir des règles de conflit différentes pour la formation et le contenu des contrats de vente. La convention ne serait donc applicable qu'en partie à certaines relations contrac-, tuelles. Des problèmes de délimitation pourraient ainsi surgir (cf. Schlechtriem Peter, Einheitliches UN-Kaufrecht, Tübingen 1981, p. 10 s.). C'est pour tenir compte de cette critique que le droit de faire des réserves a été accordé. Selon l'article 95, tout Etat peut en effet déclarer, au moment de la ratification ou de l'adhésion, qu'il ne sera pas lié par l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, de la convention.

La possibilité de faire cette réserve a rendu l'application de la convention bien plus compliquée. Des cas semblables peuvent connaître des solutions différentes à cause de l'article 95. Il a déjà été démontré que l'application conjointe des articles 1er et 95 peut conduire à 27 constructions différentes (cf. Vekas Lajos, Zum 722

persönlichen und räumlichen Anwendungsbereich des UN-Einheitskaufrechts, in: Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts, 1987, p. 342 s.). Ainsi, un contrat de vente conclu entre deux parties dont l'une est établie dans un Etat contractant et l'autre dans un Etat non contractant, peut être soumis à la convention ou non, selon que le juge saisi est une autorité judiciaire d'un Etat contractant ordinaire ou d'un Etat qui a fait usage de la réserve. Si le droit international privé du juge désigne le droit d'un Etat contractant, la convention s'appliquera dans le premier cas, mais probablement pas dans le second. Lorsque les parties à un contrat ont fait une élection de droit en faveur d'un Etat contractant, le contrat est soumis à la convention dans un cas et ne l'est pas dans un autre, selon que l'Etat concerné a fait usage de son droit de réserve ou non. Si la réserve entre en jeu, l'élection de droit ne conduira en principe qu'à l'application du droit interne de cet Etat. On doit ainsi recommander aux parties de tirer ces questions au clair avant de procéder à une élection de droit.

Deux Etats parmi les 17 qui ont déjà ratifié la convention ont fait usage du droit de réserve prévu à l'article 95. Nous estimons que la Suisse devrait s'abstenir d'en faire usage et cela pour deux raisons: la règle de l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, augmente notablement la fréquence d'application de la convention. Or, plus le champ d'application de la Convention de Vienne sera étendu, plus grande sera la sécurité du droit en matière de vente internationale de marchandises. Il est donc souhaitable d'étendre ce champ d'application. En outre, on ne comprendrait que difficilement pourquoi des contrats internationaux de vente seraient soumis à la lex specialis (Convention de Vienne) dans un cas, mais pas dans l'autre.

211.3 211.31

Champ d'application à raison de la matière Marchandises

Le titre de la convention évoque déjà son champ d'application à raison de la matière. Celui-ci est répété à l'article 1er, 1er alinéa: la convention s'applique aux contrats de vente qui ont pour objet une marchandise. Cette première description correspond à celle qui figurait dans les lois uniformes de La Haye de 1964 sur la vente. Celles-ci parlaient de la vente d'objets mobiliers corporels. Relevons que la Convention de Vienne ne définit ni le contrat de vente ni la marchandise. Dans le droit uniforme de La Haye sur la vente, on avait aussi renoncé à définir ces notions, sans que cela n'ait provoqué de difficultés. En effet, la définition du contrat de vente découle indirectement de la description des droits et obligations des parties: aux termes de l'article 30, l'une des parties doit livrer la marchandise, en transférer la propriété et remettre les documents qui la concernent, alors que selon l'article 53, l'autre partie doit payer le prix de vente et prendre livraison de la marchandise. Il n'y a là aucune différence matérielle avec les articles 184 et 211 CO, mise à part l'évocation expresse du devoir qu'a le vendeur de remettre les documents.

Alors que le droit uniforme de La Haye utilisait le terme d'«objets mobiliers corporels», la Convention de Vienne ne parle que de «marchandises». On n'a recherché ici qu'une mise à jour linguistique, sans vouloir procéder à un changement de fond. Le texte anglais parle dans les deux cas de «goods».

723

Le droit suisse décrit la vente d'objets mobiliers de manière négative. Selon cette définition, on se trouve en présence d'une vente d'objets mobiliers à chaque fois que le contrat ne concerne ni un immeuble ni un droit inscrit au registre foncier (art. 187, 1er al., CO). Cette définition peut aussi être appliquée au champ d'application matériel de la Convention de Vienne. Selon l'article 187, 2e alinéa, CO, certains éléments d'un immeuble, comme les fruits ou les matériaux provenant d'une démolition ou d'une carrière, peuvent faire l'objet d'une vente mobilière si, après leur séparation, ils doivent passer à l'acheteur en tant qu'objets mobiliers. Le même raisonnement peut être fait pour la Convention de Vienne.

Divers objets de vente sont exclus expressément du champ d'application de la convention bien qu'ils doivent être considérés comme des marchandises au sens habituel du terme: - A l'article 2, lettre e, sont énumérés les navires, les bateaux, les aéroglisseurs et les aéronefs. Le droit uniforme de La Haye excluait déjà ces objets de son champ d'application à condition qu'ils soient inscrits dans un registre ou tenus d'être inscrits, sans doute afin d'en garantir la valeur de crédit. Ces objets peuvent en effet servir le garantie hypothécaire au même titre que des immeubles. Il a été déterminant, pour la genèse de la règle, que plusieurs ordres juridiques considèrent ces véhicules comme des immeubles ou les soumettent à des règles spéciales.

La Convention de Vienne, quant à elle, exclut ces objets d'une manière générale. La raison de la suppression de l'obligation d'inscrire l'objet dans un registre réside dans les différences existant entre les conditions auxquelles les ordres juridiques nationaux soumettent de telles inscriptions. Cette innovation pourrait conduire à de graves problèmes de délimitation et ne fait que déplacer les difficultés: la convention ne saurait avoir pour but d'exclure de son champ d'application tous les bateaux, même les canots et les bateaux à rames. Il faudra donc se reporter aux règles particulières du droit national pour tracer la limite entre les moyens de locomotion soumis à la convention et ceux qui tombent sous le coup de l'article 2, lettre e.

- Comme le faisait déjà le droit uniforme de La Haye, la Convention de Vienne exclut expressément la vente
d'électricité de son champ d'application (art. 2, let. f). Les ventes d'autres sources d'énergie, le pétrole ou le gaz, sont en revanche régies par la convention.

- Les valeurs mobilières, les effets de commerce et les monnaies sont eux aussi exclus du champ d'application de la convention (art. 2, let. d). Ce sont les règles nationales souvent contraignantes sur le commerce des devises et des titres qui ont dicté cette disposition. Le rapport explicatif du Secrétariat de la CNUDCI (Conférence des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, Documents officiels, A/CONE 97/19) précise toutefois que les contrats de vente qui concernent une marchandise représentée par un document (p. ex. un titre représentatif de marchandises) et qui citent ce document comme objet du contrat sont régis par la Convention, même si certains ordres juridiques considèrent qu'il s'agit là d'une vente de papier-valeurs (op. cit. p. 17 N 8). Le droit suisse prévoit que tous les droits patrimoniaux transmissibles peuvent faire l'objet d'un contrat de vente. Les droits patrimoniaux se divisent 724

en deux catégories: les droits incorporés dans un document (papier-valeurs) d'une part et les droits de la propriété immatérielle (brevets d'invention, droits sur les marques) d'autre part. Quant à savoir dans quelle mesure les créances sont soumises, en tant que droits patrimoniaux transmissibles, aux règles sur la vente mobilière, les experts ne sont pas unanimes.

D'autres problèmes de délimitation pourront surgir quand il s'agira de vendre en même temps des objets mobiliers et des immeubles. Dans une telle situation, il faudra examiner si les objets mobiliers ont une valeur économique plus importante que les immeubles. Si tel est le cas, l'ensemble du contrat de vente sera régi par la convention. Lorsqu'une entreprise entière fera l'objet d'une vente, les mêmes réflexions s'imposeront. Si les valeurs immatérielles, comme la clientèle, les relations commerciales ou le savoir-faire technique non incorporé dans un brevet, se trouvent au premier plan, on ne pourra pas considérer que l'entreprise est une marchandise au sens de la convention.

211.32

Ventes particulières

Certains contrats de vente, notamment les ventes d'objets de consommation, les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer et les contrats de fourniture de services, sont soumis à une réglementation particulière dans la Convention de Vienne. Selon l'article 2, lettre a, la convention ne régit pas les ventes de marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou domestique (ventes d'objets de consommation). Seuls font exception à cette règle les contrats où le vendeur ne savait pas et n'était pas censé savoir que les objets étaient destinés à un usage personnel, familial ou domestique. Les problèmes de délimitation doivent être résolus par l'interprétation du contrat (art. 8).

En outre, la convention exclut de son champ d'application les ventes qui se font aux enchères (art. 2, let. b), sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice (art. 2, let. c). Cette règle a été adoptée afin de tenir compte des nombreuses dispositions contraignantes que les ordres juridiques nationaux ont édictés dans ce domaine.

L'article 3,1er alinéa, règle les ventes de marchandises à fabriquer ou à produire.

Cette disposition correspond à l'article 6 LUVI. Selon les termes de cette règle, les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire sont réputés être des ventes, à moins que la partie qui en fait la commande n'ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires. On examinera dans chaque cas particulier ce qu'il faut considérer comme une part essentielle des éléments matériels. La jurisprudence établie autour de l'article 6 LUVI aidera à distinguer un contrat de fourniture de marchandises à fabriquer d'un contrat d'entreprise proprement dit.

A première vue, l'application de la Convention de Vienne aux contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ne correspond que très peu à la tradition juridique suisse. Le Code des obligations soumet un tel contrat, par lequel une partie fabrique pour l'autre certains objets bien définis à partir de matériel lui appartenant, aux dispositions sur le contrat d'entreprise (cf. art. 365,1er al., CO).

Il ne s'agit cependant pas d'un contrat de fourniture de marchandises à fabriquer 50 Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

725

proprement dit, mais d'un contrat mixte, réglé par la loi, qui mélange des éléments des contrats de vente et d'entreprise. L'article 365,1er alinéa, CO prévoit ainsi que l'entrepreneur est responsable de la matière qu'il livre comme un vendeur. Le fait d'inclure le contrat de fourniture de marchandises à fabriquer dans le champ d'application de la convention ne devrait donc poser aucun problème aux yeux de la tradition juridique suisse.

L'article 3, 2e alinéa, contient une précision au sujet du contrat de fourniture de services. La convention ne s'applique pas lorsque la partie qui fournit les marchandises exécute une part prépondérante des travaux ou autres services.

Cette disposition est nouvelle par rapport au droit uniforme de La Haye sur la vente. Elle a été adoptée pour éviter les problèmes complexes posés par les contrats de fourniture de marchandises assortis d'une obligation de procéder au montage. Si, dans un cas particulier, il ressort de l'appréciation des faits que la fourniture de matériel n'a joué qu'un rôle tout à fait secondaire par rapport à la fourniture de travail, le contrat entier sera soumis au droit du contrat d'entreprise et non à la convention. On pourrait cependant se demander si, dans un tel cas, on n'est pas en présence de deux contrats, l'un de livraison et l'autre de montage. En définitive, seule la volonté des parties permettra de répondre à cette question.

Il convient d'examiner aussi si les contrats de vente que le code des obligations soumet à des règles particulières, rentrent dans le champ d'application de la convention.

Dans la vente sur échantillon (art. 222 CO), la remise d'un échantillon garantit la présence de certaines qualités dont le vendeur répond. L'article 222,3e alinéa, CO règle le fardeau de la preuve. Il ressort clairement de l'interprétation correcte de cette règle que l'acheteur prouve, échantillon à l'appui, que la marchandise doit présenter certaines qualités, et qu'il démontre ensuite que la marchandise livrée ne correspond pas à l'échantillon (cf. à ce sujet Cavin Pierre, Traité du droit privé, tome VII/1, Baie et Stuttgart 1977, p. 152 ss). La Convention de Vienne parle de la vente sur échantillon dans la section relative à la conformité des marchandises et aux droits ou prétentions de tiers. L'article 35, 2e alinéa, lettre c, précise
que les marchandises ne sont conformes au contrat que si elles possèdent les qualités de la marchandise que le vendeur a présentée à l'acheteur comme échantillon ou modèle. Cette réglementation correspond donc à celle du droit suisse.

La vente à l'essai ou à l'examen (art. 223 à 225 CO) est une vente soumise à une condition suspensive. Le contrat n'est parfait que lorsque la condition est remplie.

L'acheteur est libre d'accepter la chose ou de la refuser.

Il peut même la refuser lorsqu'elle ne présente aucun défaut. Aux termes de la Convention de Vienne (art. 35 et 53), l'acheteur ne peut refuser la marchandise que si elle n'est pas conforme au contrat. Aucune exception n'est prévue. Mais les parties ont la possibilité de modifier ces dispositions d'un commun accord (opting-out). Lorsqu'une telle modification a été convenue, la vente à l'essai ou à l'examen reste par ailleurs soumise à la Convention de Vienne.

Les ventes à tempérament (art. 226a à 228 CO) concernent en général des biens de consommation. Ceux-ci sont exclus du champ d'application de la convention (cf. art. 2, let. a). Si une vente à tempérament devait exceptionnellement porter sur des biens autres que des biens de consommation, elle serait réglée en principe 726

·f

par la convention. Elle serait alors qualifiée de vente pour laquelle les parties ont prévu des modalités spéciales de paiement.

Les contrats de location-vente sont assimilés aux contrats de vente et ils sont régis par la convention, à moins que la réserve prévue à l'article 2, lettre a, (vente de biens de consommation) n'entre en jeu.

Les contrats d'échange par contre ne sont pas compris dans le champ d'application de la convention. Il faut cependant se demander si la convention ne devrait pas s'appliquer à certains contrats mixtes d'échange et de vente, ainsi qu'aux affaires de compensation. On peut étudier alors, en s'inspirant de l'article 3, si la prestation d'échange est prépondérante ou si la prestation en argent l'emporte. Si la prestation en argent représente une part essentielle ou prépondérante de la prestation globale, on appliquera la convention. Il ne fait aucun doute qu'une évolution internationale notable se fera dans les années à venir dans ce domaine.

211.33

Les limites du champ d'application à raison de la matière

La convention ne règle que la formation des contrats de vente et les droits et les obligations qui en découlent pour l'acheteur et le vendeur. Elle ne concerne en particulier ni la validité des contrats ou des usages (art. 4, let. a), ni les effets que le contrat peut avoir sur la propriété des marchandises vendues (art. 4, let. b). Bien que la convention règle le devoir du vendeur de transférer la propriété des marchandises vendues (art. 30), elle laisse à la loi du lieu ou un bien est situé (lex rei sitae) le soin de déterminer les effets réels que le contrat de vente, conçu comme un simple engagement obligationnel, produira sur la marchandise vendue.

Cette attitude est la conséquence des conceptions différentes que les ordres juridiques nationaux ont du transfert de propriété.

Le terme de validité du contrat ou de certaines de ses clauses désigne les règles autres que les dispositions sur la formation du contrat qu'il faut respecter pour que le contrat soit valable. On peut citer à ce titre la jouissance et l'exercice des droits civils, les vices du consentement dus à l'erreur, au dol ou à la crainte fondée, ainsi que la nullité des contrats dont le contenu est impossible, immoral ou constitutif d'une atteinte aux bonnes moeurs. En ce qui concerne les usages commerciaux, il faut distinguer la question de leur validité (art. 4, let. a) de celle de leur définition. Cette dernière se détermine d'après l'article 9 de la convention.

L'énumération figurant à l'article 4 ne se veut pas exhaustive. Le terme «en particulier», utilisé dans le corps de l'article, impose cette interprétation. Si une question se pose dans un domaine que l'article 4 ne mentionne pas, il faut se demander si la convention a voulu régler cette question et si elle ne l'a fait qu'imparfaitement. Si la réponse est affirmative, on est en présence d'une lacune qu'il faut combler en appliquant l'article 7,2 e alinéa. Si la réponse est négative, on se trouve en dehors du champ d'application matériel de la convention. Il appartient alors aux règles de conflit nationales de désigner le droit applicable à cette question.

Selon l'article 5, la convention ne s'applique pas à la responsabilité du vendeur pour décès ou lésions corporelles (graves) causés à quiconque par les marchan727

dises. Il ne s'agit là que d'une mise au point, du moins pour le droit suisse: aux yeux de notre ordre juridique en effet, l'article 4 exclut déjà la responsabilité du fait du produit, puisque celle-ci est considérée comme une responsabilité extracontractuelle. Mais comme certains ordres juridiques donnent un fondement contractuel à la responsabilité du fait du produit, on a préféré l'exclure expressément de la convention.

Une autre limitation du champ d'application matériel provient de ce que les parties peuvent prévoir que la convention, ou une partie de celle-ci, ne s'appliquera pas à leur contrat (opting-out). Si les parties ne se prononcent pas sur l'application de la convention et que les conditions d'une telle application sont données, la convention s'applique de plein droit. Si elles désirent que la convention ne s'applique pas, les parties doivent par conséquent conclure un accord dans ce sens. On admet que les parties peuvent aussi exclure tacitement l'application de la convention, bien que l'article 6 ne le mentionne pas expressément.

Les parties ont la faculté d'exclure l'application de la convention en général, de déroger seulement à une de ses dispositions ou d'exclure son application pour un seul de leurs contrats. L'article 12 est réservé. Selon cet article, chaque Etat contractant peut, sur la base d'une déclaration expresse (art. 96), prescrire impérativement la forme écrite pour la conclusion, la modification ou l'annulation d'un contrat de vente. Dans un tel cas, la forme écrite est nécessaire aussi pour faire un opting-out.

Il est possible d'exclure partiellement l'application de la convention au moyen de conditions générales annexées à un contrat, pour autant que celles-ci respectent les principes généraux de validité (cf. Huber Ulrich, Der UNCITRAL-Entwurf eines Übereinkommens über internationale Warenkaufverträge, in: Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht, vol 43 [1979], p. 427). Ces principes sont ceux qui sont établis par le droit matériel désigné par les règles de conflit (cf.

Schlechtriem P. op. cit., p. 21).

Les parties sont libres de soumettre un aspect déterminé de leur contrat de vente, par exemple les modalités de paiement, à des règles particulières. Si elles prévoient des règles déterminées pour dire quand, comment, où et dans quelle
monnaie l'acheteur devra payer le prix de vente, ces règles prendront la place des articles 54 à 59 de la convention. Si elles prévoient seulement que les articles 54 à 59 de la convention ne s'appliquent pas à leur contrat, mais qu'elles ne désignent pas les règles qui doivent les remplacer, les règles de conflit du juge saisi devront désigner, en cas de litige, le droit national applicable aux modalités de paiement.

Mais si les parties prévoient qu'un droit national déterminé, par exemple le droit suisse, doit s'appliquer aux modalités de paiement, un problème délicat d'interprétation peut se poser. En effet, une telle convention entre parties peut constituer un opting-out, ce qui signifie qu'on appliquera le code des obligations en lieu et place des articles 54 ss. Mais il se peut aussi que les parties aient désiré faire une élection de droit partielle. Les règles de conflit du juge saisi diront alors si cette élection de droit a été effectuée valablement. Si tel est le cas, le droit choisi, en l'espèce le droit suisse, devra dire lesquelles de ses règles doivent s'appliquer aux modalités de paiement. Dans des Etats comme la Suisse, qui n'ont pas fait de réserve contre l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, on appliquera à nouveau 728

la Convention de Vienne, qui est une loi spéciale pour les ventes internationales de marchandises, et on ne se reportera pas au droit matériel interne.

Lorsqu'elles font une convention d'arbitrage ou de for, les parties n'excluent pas d'emblée l'application de la Convention de Vienne. Dans chaque cas particulier, il faudra, en analysant les circonstances, rechercher ce que les parties ont voulu. Si le juge d'un Etat contractant est saisi de l'affaire, il prendra comme point de départ la règle d'interprétation de l'article 8. Même lorsque les parties font une élection de droit en faveur d'un droit matériel national, elles n'excluent pas forcément l'application de la convention. Cela est encore plus vrai si le droit choisi est celui d'un Etat contractant qui n'a pas fait de réserve au sujet de l'article 1er, 1er alinéa, lettre b. Ici aussi, l'interprétation devra déterminer si les parties, en désignant un droit national, ont voulu choisir les règles matérielles internes de cet Etat ou le droit de la Convention de Vienne devenu partie intégrante du droit de cet Etat. Contrairement aux Etats signataires des lois uniformes de La Haye sur la vente, les tribunaux suisses n'ont encore jamais eu à trancher ce genre de question.

212

Dispositions générales (art. 7 à 13)

Le chapitre II, qui contient les dispositions générales (art. 7 à 13), est applicable sans distinction aux deux parties de la convention, aussi bien à celle sur la formation du contrat (art. 14 à 24) qu'à celle sur la vente de marchandises (art. 25 à 88). Il traite de l'interprétation et du comblement des lacunes (art. 7,8,10 et 13) ainsi que du rôle des usages commerciaux (art. 9). Enfin, les articles 11 et 12 concernent les questions de forme.

212.1

Interprétation de la convention! et comblement des lacunes

L'article 7 établit deux principes pour l'interprétation de la convention. L'un concerne l'interprétation en général (1er al.), l'autre règle le comblement des lacunes (2e al).

L'article 8 concerne l'interprétation des manifestations de volonté. L'article 10 contient des règles d'interprétation pour les cas où une partie a plusieurs établissements ou n'en a aucun. Enfin, l'article 13 définit la notion de forme écrite.

L'article 7, 1er alinéa, prévoit que, pour l'interprétation de chacune des dispositions de la convention, il sera tenu compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l'uniformité de son application ainsi que d'assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international.

La recommandation adressée au juge, lui enjoignant de tenir compte du caractère international de la convention n'a qu'une fonction secondaire. Son but effectif est de justifier la nécessité d'appliquer la convention de manière uniforme dans le monde entier. Dans l'optique de l'application uniforme, il est demandé au juge saisi de faire du droit comparé et d'être prêt à donner la priorité à une interprétation qui s'est imposée dans un nombre important d'Etats, même si elle 729

ne correspond pas à son interprétation personnelle. Ce devoir est lié étroitement au respect de la bonne foi. On peut se demander s'il existe une bonne foi reconnue dans le monde entier et définie de manière uniforme. Le développement de règles uniformes, admises par tous, pour protéger la bonne foi, ne sera cependant possible que si les parties peuvent s'appuyer, dans le commerce international, sur un tronc commun de règles de comportement généralement admises. L'interprétation uniforme de la Convention de Vienne est un premier pas dans cette direction.

Si le juge saisi découvre une lacune dans le texte de la convention ou en analysant une de ses dispositions, l'article 7, 2e alinéa, l'oblige à tenir compte des principes généraux dont la convention s'inspire avant de se servir de la loi matérielle désignée par ses propres règles de conflit pour combler la lacune. Cette disposition est destinée à rendre aussi difficile que possible le recours au droit national «connu». Seule la pratique montrera jusqu'à quel point des principes universels pourront être dégagés de la convention elle-même. Il est cependant certain que l'on ne respecte pas l'esprit de la convention en l'intégrant simplement dans la doctrine interne sur la vente. Par ailleurs, il convient de faire remarquer une dernière fois que seules les questions concernant un objet réglé par la convention pourront être résolues au moyen des dispositions du 2e alinéa, qui prévoient le comblement des lacunes.

L'article 8 traite de l'interprétation des déclarations de volonté. En règle générale, les indications et les autres comportements d'une partie doivent être interprétés selon l'intention de celle-ci lorsque l'autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention (1er al.). Si cette dernière condition fait défaut, on les interprétera selon le sens qu'une personne raisonnable de même qualité que l'autre partie, placée dans la même situation, leur aurait donné (2e al.). Dans ce cas, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment des négociations qui ont pu avoir lieu entre les parties, des habitudes qui se sont établies entre elles, de leur comportement ultérieur, mais aussi des usages commerciaux.

L'article 8 correspond en fait à la théorie suisse du principe de la confiance. Selon cette théorie, la déclaration
ou le comportement d'une partie sont valables conformément à sa volonté, à condition que l'autre partie ait connu ou ait été censée connaître cette volonté. Selon la jurisprudence suisse, si cette condition n'est pas remplie, le comportement ou la déclaration a le sens qui pouvait lui être donné de bonne foi par l'autre partie (cf. Guhl/Merz/Kummer, Das Schweizerische Obligationenrecht, 7e éd., Zurich 1980, p. 91). La convention se sert de termes plus compliqués: elle demande que l'on interprète la déclaration d'une partie selon le sens qu'une personne raisonnable, placée dans la même situation que l'autre partie, lui aurait donné dans les mêmes circonstances (2e al.). Pour faire cette interprétation, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment des négociations qui ont pu avoir lieu entre les parties, des habitudes qui se sont établies entre elles, des usages commerciaux et de tout comportement ultérieur des parties (art. 8, 3e al.).

La théorie suisse du principe de la confiance a été modifiée dans la mesure où on ne cherche plus vraiment à protéger la confiance que peut avoir le destinataire de la déclaration dans le comportement de celui qui l'émet, mais on protège la 730

confiance que peut avoir celui qui émet la déclaration que celle-ci sera comprise conformément à sa volonté (cf. p. ex. Bucher E., Schweizerisches Obligationenrecht, Allegemeiner Teil, Zurich 1979, p. 105). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le destinataire d'une déclaration de volonté doit tenir compte de tous les faits qu'il peut déduire des circonstances afin de reconnaître une éventuelle erreur dans la déclaration de l'autre partie et de dégager la véritable volonté de celle-ci (cf. ATF 106 II 16).

Seule la pratique pourra montrer dans quelle mesure ce principe de la confiance modifié est en harmonie avec les règles d'interprétation posées par la Convention de Vienne sur la vente.

La notion d'établissement est importante dans le cadre de la Convention de Vienne dans la mesure où l'application de celle-ci dépend en partie du fait que les parties sont établies dans des Etats différents ou non (cf. art. 1er, 1er al., let. a).

Pourtant, on ne trouve aucune définition de l'établissement dans la convention.

L'article 10, 1er alinéa, contient seulement une règle pour le cas où une partie a plusieurs établissements. On prend alors en considération l'établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat ou son exécution eu égard aux circonstances connues des parties avant ou pendant la conclusion du contrat. Si une partie n'a pas d'établissement - cas qui ne se présentera que très rarement - sa résidence habituelle en tiendra lieu (art. 10, 2e al.).

Enfin, selon l'article 13, le terme «écrit» s'applique également aux communications adressées par télégramme ou par télex.

212.2

Usages commerciaux (art. 9)

Les usages commerciaux ont une importance primordiale pour le commerce international. L'article 9 prend ce fait en considération (cf. à ce sujet Bonell M. J., Die Bedeutung der Handelsbräuche im Wiener Kaufrechtsübereinkommen von 1980, in: Juristische Blätter, 1985, p. 385 s.). En premier lieu, il y est dit que les parties sont liées par les usages dont elles ont convenus. Cette règle n'est guère surprenante si l'on tient compte de la grande autonomie que la convention laisse aux parties (cf. art. 6). Le 1er alinéa prévoit en outre que les parties sont liées par les habitudes qui se sont établies entre elles. Cette règle peut aussi se déduire de l'autonomie des parties puisqu'il ne s'agit en fait là que d'une convention tacite.

Il est précisé au 2e alinéa, et c'est là un point central, que les parties sont réputées s'être tacitement référées à tout usage dont elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé. Mais cela ne suffit pas. L'article 9, 2e alinéa, exige en outre que les usages en question soient largement connus et régulièrement observés par les parties à des contrats du même type dans la branche considérée. Ces limitations sont le reflet de la méfiance des pays du tiers-monde devant les usages commerciaux qui pourraient leur être inconnus.

La convention ne contient aucune définition des usages commerciaux. Il faut cependant comprendre par ce terme les règles qu'observent les parties qui font du 731

commerce dans une situation donnée. Pour qu'il y ait usage commercial, il faut qu'il y ait une pratique effective, condition essentielle pour la naissance de tout usage.

La doctrine et la jurisprudence suisses sont fondées sur l'idée que la validité d'un usage dépend de la volonté des parties. Ainsi, un usage ne peut être invoqué que dans les cas où une volonté des parties peut être constatée ou du moins présumée.

La Convention de Vienne prévoit que seuls les usages largement connus et régulièrement observés qui étaient ou auraient dû être connus des parties les lient.

Il ne devrait donc en résulter aucune différence notable avec le droit suisse.

La Convention de Vienne, contrairement au droit uniforme de La Haye sur la vente (art. 9, LUVI), ne précise pas dans quelle mesure les usages commerciaux ont priorité sur les dispositions de la convention elle-même. Toutefois, comme il y a une présomption légale que de tels usages ont été convenus tacitement, il faudra, eu égard à l'autonomie des parties, accorder la priorité aux usages commerciaux. Le droit uniforme de La Haye sur la vente avait d'ailleurs déjà adopté cette solution.

212.3

Prescriptions de forme

En principe, le contrat de vente n'est soumis à aucune condition de forme (art.

11). Pour garantir cette liberté, la preuve par témoins est expressément autorisée pour prouver la formation d'un contrat de vente.

L'absence de toute contrainte de forme entraîne obligatoirement la renonciation à toute contrainte de forme indirecte. Ainsi, même la «considération» pour les contrats «non scellés» que connaît le droit anglo-américain est abolie.

Pour tenir compte des Etats qui prescrivent la forme écrite obligatoirement pour les contrats de vente, la Convention de Vienne prévoit la possibilité de faire une réserve (art. 12 et 96). Tout Etat contractant qui prévoit la forme écrite pour la formation ou la preuve d'un contrat de vente peut ainsi exclure l'application de l'article 11 au moyen de cette réserve. La même procédure est valable pour l'article 29 qui concerne la modification ou l'annulation du contrat, ainsi que pour la deuxième partie de la convention (art. 14 à 24) qui concerne la formation du contrat. Si un Etat contractant fait usage de cette réserve, la question de la forme devra, en ce qui le concerne, être résolue par le droit matériel désigné par la règle de conflit (statut de la forme). Le statut de la forme est applicable chaque fois qu'une partie contractante a son établissement dans un Etat qui a fait usage de la réserve (art. 1er, 1er al., let. a). Si le droit international privé du juge saisi désigne le droit d'un Etat contractant qui a usé de la réserve, la forme écrite est obligatoire et les parties ne peuvent conclure d'accord contraire. Mais si le juge est amené à appliquer le droit d'un Etat contractant qui n'a pas fait de réserve, la liberté de forme selon l'article 11 est rétablie par une application analogique de l'article 1er, 1er alinéa, lettre b.

La possibilité de faire une réserve (art. 96) se limite aux articles 11 et 29 et à la deuxième partie de la convention (art. 14 à 24). On a limité ainsi la réserve du statut de la forme à la formation et à la preuve des contrats, à leur modification et à leur annulation, ainsi qu'aux communications que les parties se font durant la 732

négociation du contrat. Les autres communications nécessaires durant l'exécution du contrat, par exemple l'avis des défauts ou le fait d'impartir un délai, sont valables en l'absence de toute forme, même si l'ordre juridique national prévoit le contraire.

L'article 13 précise que le terme «écrit» s'entend également des communications adressées par télégramme ou par télex. Si la forme écrite est prescrite par une réserve selon l'article 96, les exigences de cette réserve sont satisfaites aussi par un télégramme ou un télex, même si le droit national concerné prévoit des exigences plus sévères.

22

Formation du contrat

Une des grandes réussites de la Convention de Vienne provient de ce qu'elle contient à la fois les règles sur la formation du contrat et les règles matérielles sur la vente de marchandises. Néanmoins, ce succès est relativisé par la faculté de faire une réserve qu'offre à ce sujet l'article 92. Cet article permet aux Etats contractants de ne ratifier que la deuxième partie de la convention (formation du contrat) ou la troisième (droit matériel de la vente).

Ce sont surtout les Etats Scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège et Suède) qui ont insisté pour introduire l'article 92 dans la convention. Ces Etats ont l'intention de ne pas ratifier la deuxième partie de la convention. Il existe en effet entre les Etats Scandinaves des règles uniformes sur la formation du contrat qui divergent en partie de celles de la Convention de Vienne.

La Suisse n'a aucune raison de ne pas ratifier l'une des parties de la convention.

Aucun des organismes consultés ne s'est prononcé dans ce sens. Les raisons qui parlent en faveur de l'adhésion de la Suisse à la convention sont valables aussi bien pour les règles sur la formation du contrat que- pour les dispositions matérielles sur la vente.

221

En général

La deuxième partie (formation du contrat, art. 14 à 24) traite de l'offre aux articles 14 à 17 et de l'acceptation aux articles 18 à 22. L'article 23 décrit en peu de mots le moment où le contrat est conclu, tandis que l'article 24 indique à quel moment et à quelles conditions il faut considérer qu'une manifestation de volonté est parvenue à son destinataire.

La convention maintient la conception traditionnelle d'offre et d'acceptation, comme le faisait déjà l'article 3 de la loi uniforme de La Haye sur la formation des contrats. La règle qui dit que deux volontés concordantes sont nécessaires pour qu'un, contrat soit conclu correspond sans doute au sentiment juridique de tout le monde. Néanmoins, les critiques au sujet du maintien de la notion très théorique d'offre et d'acceptation n'ont pas manqué. Ces critiques ont fait remarquer que de longues transactions précèdent généralement la conclusion d'un contrat, surtout s'il est complexe et étendu, de sorte que le moment exact de la formation du contrat ne peut plus être déterminé après coup. On a dit aussi que les déclarations 733

de volonté importantes qui ont finalement conduit à la formation du contrat ne pourront être dégagées que difficilement de l'ensemble. Malgré ces critiques justifiées, le schéma traditionnel de la formation du contrat a été maintenu, notamment parce que le modèle de l'offre et de l'acceptation peut être appliqué dans la plupart des situations.

La convention règle la formation des contrats de manière exhaustive. Dès qu'elle est applicable, les autres formes de conclusion d'un contrat prévues par les ordres juridiques nationaux ne peuvent plus entrer en jeu. Enfin, il convient de rappeler que si la convention règle de manière exhaustive à quelles conditions un contrat est conclu, elle ne se prononce pas sur sa validité.

222

L'offre (art. 14 à 17)

222.1

Définition

La réglementation de l'offre commence par sa définition: aux termes de l'article 14, 1er alinéa, la proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre. La déclaration de volonté doit avoir un contenu suffisamment précis et indiquer les points essentiels du contrat ainsi que la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Contrairement à ce que prévoit le code des obligations, les points essentiels du contrat sont expressément mentionnés. Selon l'article 14, une proposition est ainsi suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et qu'elle fixe, expressément ou implicitement, la quantité et le prix ou qu'elle donne des indications permettant de les déterminer.

En règle générale, l'offre s'adresse à une ou plusieurs personnes déterminées.

Selon le droit suisse, on peut être en présence d'une offre même lorsque la personne du cocontractant n'est pas encore déterminée.

La Convention de Vienne permet aussi l'offre publique, mais elle exige que l'auteur de la proposition indique clairement qu'il entend être lié (art. 14, 2e al.).

Les exigences posées pour qu'il y ait une offre publique sont donc plus sévères qu'en droit suisse. Cela est valable aussi pour les objets exposés en vitrine avec indication de leur prix. L'article 7, 3e alinéa, CO, établit la présomption qu'une exposition avec indication du prix est une offre. Si les circonstances montrent que la volonté d'être lié fait défaut, par exemple lorsqu'une indication expresse signale que l'objet est réservé, la présomption devient caduque.

Selon la Convention de Vienne par contre, l'exposition en vitrine est soumise aux conditions strictes que l'article 14, 2e alinéa, établit pour l'offre publique. On est ainsi en présence d'une présomption qu'il ne s'agit que d'une invitation à faire une offre, à moins que certaines circonstances laissent apparaître clairement la volonté de l'exposant d'être lié.

La détermination ou la possibilité de déterminer la quantité de marchandise font partie des éléments essentiels. Outre la détermination expresse de la quantité, on admet aussi la détermination implicite de celle-ci. Même la possibilité implicite de déterminer la quantité suffit. Cette formule, intentionnellement très large, permet 734

de considérer qu'une offre est suffisamment déterminée même lorsque, dans une vente de chose de genre, la quantité ne doit être fixée que lors de l'exécution du contrat. On devra cependant se demander si la volonté de contracter est encore suffisante lorsqu'une telle offre ou une offre semblable est faite et que la détermination de la quantité de marchandise dépend d'un trop grand hasard.

Mais grâce aux méthodes d'interprétation de l'article 8, les questions qui se posent au sujet de la volonté de contracter seront résolues aisément.

Alors que l'article 14 prévoit qu'une offre valable doit fixer le prix ou donner des indications permettant de le déterminer, l'article 55 règle le cas des contrats qui ont été valablement conclus sans que le prix des marchandises n'ait été fixé et sans qu'il soit possible de le déterminer. Cette règle concerne les contrats où les parties n'ont pas convenu d'éléments, mêmes tacites, permettant d'établir le prix. Dans un tel cas, les parties sont réputées s'être tacitement référées aux prix habituellement pratiqués pour les mêmes marchandises (prix du marché). La contradiction évidente entre les articles 14 et 55 est un reflet: des différences qui existent entre les systèmes juridiques. Dans plusieurs Etats, on admet qu'un contrat peut être conclu sans que les parties ne décident du prix, alors que selon d'autres conceptions, un tel contrat est nul.

Selon le droit suisse, le prix fait partie des éléments essentiels. On ne saurait imaginer la conclusion d'un contrat si les parties ne manifestent pas de volonté concordante au sujet du prix. Mais selon l'article 184,3e alinéa, CO, il suffit que le prix puisse être déterminé d'après les circonstances. Le contrat est donc valable si l'on peut calculer le prix en se référant à celui du marché ou à d'autres éléments concrets. Si l'acheteur fait une commande ferme sans indiquer de prix, la vente est même expressément présumée conclue au cours moyen du jour et du lieu d'exécution (cf. art. 212, 1er al., CO). Il est essentiel que le prix ne dépende pas uniquement de la volonté de l'une des parties. La pratique suisse ne devrait pas connaître de grands problèmes pour l'interprétation de l'article 55. L'interaction des articles 14 et 55 reste néanmoins difficile. A cause de la formulation de l'article 14, on ne peut pas admettre
que l'article 55 établit une présomption légale semblable à celle de l'article 212, 1er alinéa, CO. On pourrait obvier à la contradiction existante en affirmant que l'article 55 n'est applicable que lorsque l'article 14 ne l'est pas (cf. Herber Rolf, Wiener Übereinkommen über internationale Warenkaufverträge vom 11. April 1980, Köln 1983, p. 15; Honnold John, Uniform Law for International Sales, Deventer 1982, n° 1937 ad 14). Cet argument est correct lorsque les parties ont exclu expressément ou tacitement l'application de l'article 14. En outre, on pourra le retenir lorsque les usages commerciaux ou les habitudes qui se sont installées entre les parties prévoient qu'un contrat peut être conclu sans que le prix soit fixé. Une telle habitude doit par exemple être admise pour les livraisons d'uranium.

En relation avec la détermination du prix, une autre question se pose. Dans chaque cas où le prix n'est pas déterminé, il faudra se demander si le contrat a été conclu valablement. Comme la validité du contrat est exclue du champ d'application de la convention (art. 4), il faut se reporter au droit désigné par les règles de conflit du juge saisi. Si le droit ainsi désigné prévoit qu'un contrat qui ne fixe pas le prix est nul, il faudra considérer que ce contrat n'a pas été valablement conclu au sens de l'article 55 de la convention.

735

222.2

Révocation

II résulte des dispositions du code des obligations qu'une offre lie en principe son auteur. Celui-ci n'est pas libre de révoquer l'offre. Si l'auteur d'une offre entend ne pas être lié et qu'il fait une déclaration allant dans ce sens ou que l'absence de la volonté d'être lié découle de la nature de l'affaire ou des circonstances, on n'est pas en présence d'une offre au sens strict, mais on a affaire à une invitation à faire une offre. La durée pendant laquelle l'auteur de l'offre est lié dépend des circonstances. Le code des obligations distingue entre l'offre avec délai d'acceptation et l'offre sans délai. Dans le deuxième cas, on distingue en outre l'offre faite entre présents et celle faite entre absents. L'offre émise entre absents peut être révoquée aussi longtemps qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire ou lorsque la révocation est communiquée au destinataire avant qu'il n'ait pris connaissance de l'offre.

La Convention de Vienne, quant à elle, part du principe qu'une offre est révocable (art. 16,1er al), mais elle prévoit deux exceptions importantes. Une offre ne peut ainsi pas être révoquée si elle indique, en fixant un délai déterminé pour l'acceptation ou d'une autre manière, qu'elle est irrévocable (art. 16,2e al, let. a).

En outre, la révocation est exclue s'il était raisonnable que le destinataire considère l'offre comme irrévocable et qu'il a agi en conséquence (art. 16, 2e al., let. b). Cette réglementation est le reflet des divergences profondes qui existent entre les systèmes juridiques au sujet de l'offre. Le résultat pourrait être que la possibilité de révoquer une offre dépende de l'ordre juridique. Il importe dès lors, eu égard à l'article 16,1er alinéa, lettre a, d'insister sur le fait que la fixation d'un délai déterminé pour accepter l'offre n'a pas pour conséquence automatique que celle-ci est irrévocable. Il s'agit bien plutôt d'une indication donnant à penser qu'éventuellement l'auteur de l'offre a voulu que celle-ci soit irrévocable (cf.

Herber R., op. cit., p. 16; Schlechtriem P., op. cit., p. 39).

Même une offre irrévocable peut être rétractée par la suite si la rétractation parvient au destinataire avant ou en même temps que l'offre (art. 15, 2e al.). La convention appelle ce procédé «déclaration de rétractation», ce qui le distingue de la révocation
proprement dite qui est régie par l'article 16,1er alinéa. Selon cet article, une offre qui n'est pas irrévocable au sens de l'article 16, 2e alinéa, peut en principe être rétractée tant que son destinataire n'a pas expédié une acceptation.

L'article 17 précise qu'une offre, même irrévocable, prend fin lorsque son rejet parvient à l'auteur de l'offre.

La convention ne dit pas ce qu'il advient de la validité de l'offre si son auteur perd la capacité civile active ou décède immédiatement après l'avoir faite. Il faut donc voir si, selon l'article 7, cette question entre dans le champ d'application de la convention. Si tel est le cas, elle doit être résolue au moyen du comblement des lacunes, sinon elle est soumise au droit national désigné par les règles de conflit.

Il convient de retenir en premier lieu que l'incapacité de discernement et le décès de l'auteur de l'offre concernent les effets de l'offre et par conséquent aussi sa validité. La question de savoir si le destinataire peut encore accepter l'offre et conclure ainsi un contrat valable est expressément exclue du champ d'application de la convention. On ne peut donc se reporter à cette dernière pour connaître 736

l'influence de l'incapacité de discernement ou du décès de l'auteur de l'offre sur la validité de celle-ci. Il faut par conséquent se reporter au droit national (Schlechtriem P., op. cit., p. 38). Le raisonnement qui tend à tirer un parallèle entre l'incapacité de discernement ou le décès d'une part, et la révocation de l'offre d'autre part, et qui permettrait de trouver une solution par l'application des dispositions de la convention sur le comblement des lacunes, ne saurait s'imposer.

Si on se réfère aux travaux préparatoires de la convention, on se rend compte que la majorité des participants a refusé de reprendre les règles du droit uniforme de La Haye sur l'incapacité de discernement et le décès d'une partie. On a renoncé intentionnellement à une nouvelle réglementation. La raison principale en était que les ventes internationales de marchandises se font essentiellement entre des personnes morales, de sorte qu'il paraissait superflu de régler cet état de fait qui ne concerne que les personnes physiques.

Le même raisonnement s'applique à l'incapacité de discernement et au décès de l'acceptant.

223

L'acceptation (art. 18 à 22)

223.1

En général

Une déclaration du destinataire indiquant qu'il acquiesce à une offre constitue une acceptation. La Convention de Vienne et le code des obligations partent du principe qu'une acceptation doit être expresse. Selon le droit suisse, un comportement totalement passif ne saurait aboutir à la conclusion d'un contrat. Il en va autrement lorsqu'il ressort des circonstances qu'une acceptation expresse n'est pas attendue. Dans ce cas, l'acceptation tacite suffit pour qu'un contrat soit conclu. L'article 18,1er alinéa, de la convention dit que «le silence ou l'inaction à eux seuls» ne peuvent valoir acceptation. Mais une acceptation tacite reste possible d'après la convention si on se trouve en présence de circonstances particulières. Selon le code des obligations, l'acceptation peut se faire en outre au moyen d'actes concluants. Il suffit que le destinataire de l'offre montre d'une quelconque manière qu'il entend accepter celle-ci. La même chose est valable pour la convention. L'article 18, 3e alinéa, prévoit que le destinataire de l'offre peut indiquer qu'il acquiesce en accomplissant certains actes, pour autant que cette possibilité soit prévue par l'office, les habitudes qui se sont établies entre les parties ou les usages. Le droit uniforme de La Haye sur la vente établissait déjà une solution semblable (cf. art. 6, 2e al., LUFC).

L'acceptation peut être rétractée selon les mêmes modalités que l'offre irrévocable (art. 22).

223.2

Contenu de l'acceptation

L'acceptation doit correspondre à l'offre quant au contenu. Si elle contient un nouvel élément ou si un élément a été modifié, il s'agit alors d'un rejet de l'offre et de la présentation d'une contre-offre. Ce principe découle non seulement du code 737

des obligations, mais aussi expressément de la convention (art. 19, 1er al.). La jurisprudence suisse n'admet en principe pas d'exceptions à cette règle. La convention est moins sévère puisque l'article 19, 2e alinéa, prévoit que le contrat est néanmoins conclu si les conditions contenues dans l'acceptation ne modifient pas fondamentalement l'offre.

Si l'auteur de l'offre ne veut pas conclure le contrat avec les modifications minimes qui ont été apportées, il doit en faire part immédiatement à l'acceptant.

S'il néglige de le faire, les termes du contrat sont ceux de l'offre, avec les modifications proposées par l'acceptant (art. 19, 2e al.).

L'article 19, 3e alinéa, contient les éléments permettant de dire quels compléments et quelles modifications altèrent substantiellement l'offre. La délimitation entre modifications substantielles et modifications minimes ne sera cependant pas toujours facile, malgré les indications complémentaires du 3e alinéa.

Outre les points énumérés, à savoir le prix, les modalités de paiement, la quantité et la qualité des marchandises, le lieu et le moment de la livraison, l'étendue de la responsabilité, ainsi que le règlement des différends, qui sont toujours considérés comme des éléments substantiels, il n'y a aucune règle relative à la délimitation entre les modifications substantielles et les modifications minimes. Il faudra alors se référer aux circonstances particulières de chaque cas. La jurisprudence relative au droit uniforme de La Haye sur la vente et au Uniform Commercial Code américain (UCC) ne pourra être consultée que dans une mesure restreinte. En effet, bien que ces deux ordres juridiques fassent la distinction entre les modifications substantielles et les modifications minimes, ils ne décrivent pas les états de fait pour lesquels il'y a une présomption que la modification est substantielle.

Si des conditions générales (CG) contradictoires sont à l'origine de divergences entre l'offre et l'acceptation, le problème doit être résolu par l'application de l'article 19. Si l'interprétation établit que les CG de l'acceptant ne divergent que peu de celles de l'auteur de l'offre, il appartient à ce dernier d'agir rapidement pour signaler que le contrat n'a pas été conclu valablement. S'il s'agit des différences essentielles, il devra expressément accepter la
contre-offre s'il veut conclure le contrat.

S'il y a des divergences entre l'offre et l'acceptation dues à la langue employée, il faudra établir si les parties ont néanmoins manifesté une volonté concordante. Si tel est le cas, on admet que les différences d'ordre linguistique ne sont pas essentielles au sens de l'article 19, 2 e alinéa. Lorsqu'il y a une divergence entre la déclaration et la volonté des parties, il faut se reporter à l'article 19, 2e et 3e alinéas. Par ailleurs, les divergences de volonté dont on ne trouve pas trace dans les déclarations des parties concernent la validité du contrat. Elles doivent donc être résolues par les règles nationales sur l'erreur.

223.3

Délai d'acceptation

L'acceptation doit se faire dans le délai établit à cet effet par l'auteur de l'offre.

S'il omet de fixer un délai, l'acceptation doit intervenir dans un délai raisonnable.

Lorsque l'offre a été faite oralement, elle doit être acceptée immédiatement, à moins que les circonstances n'impliquent le contraire.

738

L'article 18,2e alinéa, de la convention indique comment établir ce qu'est un délai raisonnable. Il faut tenir compte des circonstances de la transaction et de la rapidité des moyens des transmission utilisés par l'auteur de l'offre. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence suisse au sujet du temps pendant lequel l'auteur de l'offre est lié par celle-ci. On peut dès lors faire appel à cette jurisprudence pour interpréter l'article 18, 2e alinéa.

L'article 20 fixe les modalités selon lesquelles le délai doit être calculé. Les jours fériés et chômés au lieu d'établissement de l'auteur de l'offre n'ont en principe aucune influence sur la longueur du délai. Cependant, si le dernier jour du délai est un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'au premier jour ouvrant suivant. Cette règle tient compte des particularités du commerce international.

On ne saurait en effet attendre des parties qu'elles connaissent les jours fériés dans le monde entier.

223.4

Acceptation tardive

Selon le code des obligations, le contrat n'est pas conclu si l'acceptation ne parvient pas à l'auteur de l'offre dans le délai fixé. Si l'auteur de l'offre n'a pas fixé de délai pour l'acceptation ou si celle-ci arrive après l'expiration du délai, il faut distinguer deux cas. Soit l'acceptation expédiée à temps parvient avec du retard à l'auteur de l'offre ou encore il s'agit d'un retard minime et l'offrant doit alors immédiatement informer l'acceptant qu'il ne veut pas être lié (art. 5, 3e al., CO), soit il s'agit d'une acceptation manifestement tardive et elle doit être considérée comme une nouvelle offre soumise à une acceptation expresse.

La Convention de Vienne contient aussi des règles sur les effets d'une acceptation tardive. Elle distingue également entre l'acceptation expédiée tardivement et l'acceptation expédiée à temps mais parvenue tardivement à son destinataire.

L'article 21, 2e alinéa, correspond à l'article 5, 3e alinéa, CO. Ainsi, l'auteur de l'offre doit informer immédiatement l'acceptant qu'il considère que son offre avait pris fin s'il se révèle qu'en cas de transmission régulière l'acceptation lui serait parvenue à temps. Il ressort en outre du texte de la convention que la déclaration de l'auteur de l'offre qui entend ne pas être lié n'est pas sujette à réception. Selon l'article 21,1er alinéa, une acceptation expédiée tardivement est néanmoins valable en tant que telle si l'auteur de l'offre en informe l'acceptant sans délai. Il s'agit là d'une possibilité légale offerte au destinataire de l'acceptation de prolonger le délai pour accepter (cf. Schlechtriem P., op. cit., p. 42). Par analogie avec le 2e alinéa, l'expédition de cet avis suffit à le rendre valable.

224

Formation du contrat (art. 23 et 24)

Selon l'article 23 de la convention, le contrat est conclu au moment où l'acceptation d'une offre prend effet. L'article 18 précise à ses 2e et 3e alinéas les conditions qui doivent être remplies afin que l'acceptation d'une offre prenne effet. En principe, il faut pour cela que l'acquiescement parvienne à l'auteur de l'offre.

L'article 24 règle le moment où une déclaration «parvient» à son destinataire.

739

224.1

Les conditions auxquelles une déclaration de volonté «parvient» à son destinataire

L'article 24 concerne les déclarations de volonté aussi bien écrites qu'orales. Il dit qu'une déclaration orale est parvenue à son destinataire dès qu'elle lui a été faite, quel que soit le lieu où elle est faite. Les déclarations écrites doivent parvenir dans la sphère d'influence de leur destinataire pour être valables. Cela peut se faire quant la déclaration est délivrée au destinataire lui-même, à son établissement ou à son adresse postale. Subsidiairement, lorsqu'il n'y a ni établissement ni adresse postale, la délivrance au lieu de la résidence habituelle suffit. Au sujet de cette dernière possibilité, on a objecté au cours des discussions qu'il n'arrive presque jamais qu'une partie à un contrat international n'ait ni établissement ni adresse postale. L'envoi au lieu de la résidence habituelle a néanmoins été maintenu pour garantir que le système aura aussi peu de lacunes que possible. Mais un tel envoi n'est valable que si son auteur ne connaissait pas ni ne pouvait connaître l'établissement ou l'adresse postale du destinataire. Ce dernier peut faire valoir l'invalidité de la déclaration dans le cas contraire.

L'article 24 ne concerne pas seulement l'acceptation, mais aussi l'offre (cf. art. 15, 1er al.) ainsi que d'autres manifestations de volonté qui sont faites au cours des transactions devant aboutir à la conclusion du contrat. La question de savoir si l'article 24 peut être étendu aux manifestations de volonté de la troisième partie, qui ne contient aucune règle à ce sujet, sera traitée en relation avec l'article 27 (cf.

ch. 231.3).

L'article 24 est conçu de manière très large lorsqu'il dit qu'une manifestation de volonté «parvient» à son destinataire si elle lui est délivrée à lui-même, à son établissement, à son adresse postale, ou subsidiairement à son lieu de résidence habituelle. Il correspond aux conditions auxquelles une déclaration entre dans la sphère d'influence de son destinataire et devient valable selon le droit suisse. La Convention de Vienne ne dit par contre ni quelles personnes sont habilitées à représenter le destinataire pour prendre réception de la déclaration, ni ce qu'il advient en cas d'arrivée en dehors des heures d'ouverture habituelles, ni ce qui se passe si le destinataire empêche cette arrivée ou la retarde.

La première question, à savoir la remise à un
représentant, se règle selon le droit national désigné par les règles de conflit puisqu'elle concerne un domaine qui ne tombe pas dans le champ d'application de la convention. Il en va différemment des autres questions. Elles sont en relation avec les circonstances extérieures qui font qu'une manifestation de volonté sujette à réception est valable. Elles ne concernent pas les conditions qui doivent être remplies dans la personne même de l'auteur de la déclaration, comme la formation de la volonté ou l'incapacité de discernement subséquente. Il faut donc les résoudre en comblant les lacunes (art.

7,2 e al.). Pour juger de la réception en dehors des heures habituelles d'ouverture, il faudra, par analogie avec l'article 20 de la convention concernant la computation des délais, considérer que l'on ne saurait exiger de la partie déclarante qu'elle connaisse les heures d'ouverture utilisées dans le monde entier.

740

224.2

Moment de la conclusion du contrat

II a déjà été dit qu'un contrat est conclu au moment où l'acceptation d'une offre prend effet. La réception de l'acceptation est nécessaire pour que celle-ci soit valable (cf. ch. 224.1). Mais l'acceptation peut aussi intervenir au moyen d'actes concluants ou, dans certaines circonstances, tacitement. Pour le premier de ces cas, la convention prévoit que l'acceptation prend effet au moment où cet acte est accompli, pour autant qu'il le soit dans les délais prévus (art. 18, 3e al).

La convention ne dit pas expressément à quel moment le contrat est conclu lorsque l'acceptation se fait tacitement. Il faut donc procéder au moyen du comblement des lacunes. En application de l'article 7,2 e alinéa, il faut faire appel en premier lieu aux principes généraux dont la convention s'inspire. On se demandera par conséquent si les règles contenues dans l'article 18, 2e et 3e alinéas, sont assez substantielles pour en tirer des principes capables de régler la validité de l'acceptation tacite. En effet, l'interprétation de cet article démontre que la validité d'une acceptation dépend d'une manifestation de volonté extérieurement reconnaissable. Une acceptation expresse doit parvenir à son destinataire pour être valable alors que l'acceptation par actes concluants est valable dès le moment où ces actes ont été exécutés. Mais dans les deux cas, on a affaire à un comportement dont l'auteur de l'offre peut prendre connaissance.

Cette reconnaissance extérieure fait défaut lorsque l'acceptation est tacite. Il semble donc qu'il n'y a là aucun point de rattachement possible. Une acceptation tacite n'est cependant possible qu'en présence de circonstances particulières. Or, ce sont ces circonstances qui permettront dans chaque cas d'espèce de dire à quel moment un contrat a été conclu. Pour arriver à cette conclusion, il faudra analyser le comportement des parties. Dès lors, bien que les règles existantes ne permettent pas de dégager de principe général relatif à la conclusion du contrat par acceptation tacite, on trouvera des solutions satisfaisantes en appliquant les règles d'interprétation de l'article 8. Dans tous les cas, il vaut mieux renoncer à se servir du droit matériel national, notamment à cause de la diversité des réglementations.

224.3

Effets du contrat

Selon la Convention de Vienne, le contrat produit ses effets dès qu'il est conclu.

Ce principe est très différent des solutions préconisées par le droit suisse (cf.

art. 10 CO). Par référence à l'autonomie des parties, il faut admettre que les parties peuvent convenir de reporter le moment où le contrat doit produire ses effets au-delà de celui où il est conclu.

225

Points non réglés

Outre les questions que la convention ne règle pas qui ont été traitées ci-dessus, à savoir l'incapacité de discernement ou le décès d'une partie, ainsi que la remise à un représentant ou en dehors des heures habituelles d'ouverture, il convient d'examiner de plus près les questions, importantes en droit suisse, de la lettre de confirmation, de la faute commise en contractant et du règlement des points secondaires.

5l

Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

741

En droit suisse, la lettre de confirmation peut servir de moyen de preuve pour établir la formation antérieure d'un contrat oral. Si l'autre partie ne réagit pas après avoir reçu une lettre de confirmation, cette dernière est présumée contenir les éléments du contrat. Si la lettre de confirmation modifie légèrement ce qui a été convenu oralement et que son destinataire ne réagit pas lorsqu'il la reçoit, elle peut être considérée comme une contre-offre. D'autre part, une lettre qui n'est pas suivie d'une opposition vaut comme une acceptation tacite si l'auteur de la lettre devait croire de bonne foi que le destinataire serait d'accord avec son contenu (cf. dans le même sens Bucher E., op. cit., p. 122; dans une optique plus étroite Guhl/Merz/Kummer, op. cit., p. 98). D'autres ordres juridiques aussi (p. ex.

celui de RFA) accordent une grande importance à la lettre de confirmation pour la formation des contrats. Malgré cela, la convention ne parle pas de ce type de lettre. La formation des contrats étant réglée de manière exhaustive par la convention, il n'y a pas de place pour la formation d'un contrat au moyen d'une lettre de confirmation. Une telle lettre ne pourra donc être prise en considération que dans les cas où les conditions restrictives de l'article 9 (usages commerciaux) sont remplies.

La question de savoir si la faute commise en contractant relève de la responsabilité délictuelle, contractuelle ou sui generis est controversée en droit suisse (cf.

Guhl/Merz/Kummer, op. cit., p. 93; Von Thur/Peter, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, vol. 1,3e éd., Zurich 1979, p. 193; Bucher E., op. cit., p. 253). La convention n'en parle pas, pas plus que le droit uniforme de La Haye (cf. pour ce dernier Dolle Hans, Kommentar zum Einheitlichen Kaufrecht, München 1976, N 11 ad art. 8 LUVI et N 21 ad art. 4 LUFC; pour la convention A/CN 97/C.1/L95). Comme il n'est pas possible de tirer de la convention les principes nécessaires au comblement de cette lacune, la partie lésée devra recourir au droit national désigné par les règles de conflit si elle entend faire valoir une responsabilité pour faute commise en contractant.

Selon le droit suisse, un contrat est conclu lorsque les parties sont tombées d'accord sur tous les points essentiels. Pour le contrat de vente, seuls l'objet de
la vente, le transfert de propriété et le prix sont considérés comme éléments essentiels. Si les parties ont la volonté d'être liées, la conclusion du contrat n'est pas empêchée parce qu'il n'y a pas d'accord au sujet de points secondaires.

L'article 2, 1er alinéa, CO, établit même une présomption de droit dans ce sens.

Les choses se présentent autrement dans la convention: l'article 19, 3e alinéa, contient une liste de tous les points qui sont présumés être essentiels pour que l'on soit en présence d'un accord. Cette liste est bien plus longue que celle qui est établie par l'article 184 CO: outre l'objet de la vente et son prix, on y compte le mode de paiement, le lieu et le moment de la livraison, l'étendue de la responsabilité ainsi que le règlement des différends. La convention (cf. art. 4) ne dit pas si un contrat est conclu même lorsque les parties ont réservé la réglementation de points secondaires. Cette question doit en effet être résolue selon le droit matériel désigné par les règles de conflit du juge saisi. Ce droit matériel devra dire aussi si le juge est habilité à compléter le contrat à l'exemple de ce que prévoit l'article 2, 2e alinéa, CO.

742

23

Vente de marchandises

La troisième partie de la convention contient les règles matérielles sur la vente.

Très circonstanciée, elle est divisée en cinq chapitres: - Dispositions générales (art. 25 à 29), - Obligations du vendeur (art. 30 à 52), - Obligations de l'acheteur (art. 53 à 65), - Transfert des risques (art. 66 à 70), - Dispositions communes aux obligations du vendeur et de l'acheteur (art. 71 à 88).

231

Dispositions générales (art. 25 à 29)

Les cinq premiers articles du chapitre premier (art. 25 à 29) complètent les dispositions générales de la première partie (art. 1er à 13). Ils contiennent des règles de nature générale et des définitions. En relation avec l'article 27, il s'agira de voir dans quelle mesure ces règles peuvent être utilisées pour interpréter la deuxième partie sur la formation des contrats (cf. ch. 231.3).

Les règles du chapitre premier définissent la contravention essentielle au contrat (art. 25), la résolution du contrat (art. 26), le principe de l'expédition (art. 27), l'action en exécution de l'obligation (art. 28), la modification et la résiliation du contrat (art. 29).

231.1

Contravention essentielle au contrat

La notion de contravention essentielle au contrat (art. 25) joue un rôle primordial dans le système des droits et obligations réciproques des parties. La gravité de la contravention détermine les moyens dont peut se servir la partie lésée: la résolution du contrat (art. 49) ou la réparation ultérieure (art. 46) ne peuvent être demandées que dans les cas où la contravention au contrat est essentielle. En outre, cette notion joue un rôle important pour le transfert des risques (art. 70).

Ainsi que cela est prévu par l'ensemble de la convention, l'autonomie des parties est déterminante pour la contravention essentielle au contrat. Les parties peuvent par conséquent convenir de ce qui doit être considéré comme une rupture essentielle du contrat. Elles peuvent alors demander la résolution du contrat sur la base de leurs conventions. Les parties peuvent aussi convenir que certaines contraventions au contrat ne seront pas considérées comme essentielles. Si une telle contravention se produit, on pourra donc s'abstenir de l'examiner à la lumière de l'article 25. On peut aussi imaginer que les usages commerciaux considèrent qu'une contravention déterminée au contrat est essentielle. L'article 25 n'intervient par conséquent que dans les cas où ni le contrat ni les usages ne déterminent les conséquences d'une contravention au contrat.

La définition de la contravention essentielle au contrat est très complexe. Une contravention est essentielle lorsqu'elle cause à l'autre partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce qu'elle était en droit d'attendre du contrat, 743

à condition que la partie en défaut ait prévu ou pu prévoir un tel résultat. Cette définition implique donc que la contravention ait été prévisible et importante et qu'elle touche un aspect de la prestation que la partie en défaut pouvait reconnaître comme étant essentiel pour l'autre.

La notion et la définition de la contravention essentielle au contrat étaient très controversées au sein de la Conférence diplomatique. De longues discussions ont finalement abouti à un compromis entre ceux qui préconisaient une formule objective et ceux qui préféraient introduire une définition subjective. Par conséquent, ni le préjudice objectif qu'une partie subit à la suite de la rupture du contrat, ni son préjudice subjectif ne suffisent à eux seuls. Ce sont bien plutôt les attentes de la partie lésée, telles qu'elles ressortent du contrat lui-même, qui sont déterminantes. Il sera sans importance pratique que l'on parle d'une définition objective qui prend en considération les éléments subjectifs contenus dans le contrat ou d'une définition subjective que le contenu du contrat rend objective. Il est par contre fondamental, pour que l'on soit en présence d'une contravention essentielle, qu'à cause de cette contravention la partie lésée n'ait plus d'intérêt à l'exécution du contrat. L'élément de la prévisibilité joue aussi un rôle primordial puisque seules sont prises en considération les conséquences négatives que la partie en défaut pouvait prévoir ou qu'une personne raisonnable de même qualité placée dans la même situation aurait pu prévoir.

Le texte de la convention ne permet pas de dire à quel moment cet élément de prévisibilité doit être réalisé. En bonne logique cependant, il ne peut s'agir que du moment de la formation du contrat et non de celui où intervient la contravention.

En effet, chaque partie devrait être capable d'évaluer les risques qu'elle prend au moment où elle conclut le contrat.

231.2

Résolution du contrat

L'article 26 est en relation très étroite avec la contravention essentielle au contrat puisque celle-ci permet à la partie lésée de résoudre le contrat. En effet, une contravention essentielle ne provoque pas de plein droit la résolution du contrat.

L'article 26 prévoit que, pour être valable, cette volonté de résolution doit être notifiée à l'autre partie. La déclaration de résolution doit être expédiée, elle n'est pas sujette à réception. Elle correspond donc au principe de l'article 27. Son seul rôle est de clarifier la situation.

Il y a là une différence notable avec le droit suisse. Le code des obligations prévoit en effet que la résolution du contrat ne peut se faire qu'au moyen d'une déclaration sujette à réception. Il convient de faire remarquer cependant que le principe de l'expédition prévu aux articles 26 et 27 est de caractère dispositif et que les parties peuvent le modifier conventionnellement.

231.3

Principe de l'expédition

Selon l'article 27, les notifications, demandes et autres communications au sens de la troisième partie de la convention sont, par principe, valables dès qu'elles sont 744

expédiées par un moyen approprié aux circonstances (principe de l'expédition).

Ces déclarations ne sont pas sujettes à réception, sauf si la convention contient une disposition contraire expresse. Un retard ou une erreur dans la transmission de la communication ne privent pas son auteur du droit de s'en prévaloir. Cette conception se trouve en opposition complète avec celle du droit suisse, qui prévoit que les manifestations de volonté sont sujettes à réception. Bien que le code des obligations ne contienne aucune disposition expresse prévoyant la nécessité d'une réception, elle est exprimée de manière indirecte aux articles 3, 5 et 9. Selon ces articles, une manifestation de volonté doit parvenir dans la sphère d'influence de son destinataire pour être valable. Il est par contre sans importance que le destinataire prenne effectivement connaissance de la déclaration. Le risque inhérent à la transmission est par conséquent à la charge de l'expéditeur, qui choisit aussi le moyen de communication. Le destinataire de son côté supporte le risque lié à la prise de connaissance de la déclaration.

La Convention de Vienne par contre prévoit qu'une manifestation de volonté est valable dès qu'elle est expédiée. C'est donc le destinataire qui supporte les risques liés à la transmission ainsi que ceux liés à la prise de connaissance de la déclaration. La règle selon laquelle la communication doit être faite par un moyen approprié aux circonstances garantit cependant une protection élémentaire du destinataire. Elle oblige en effet l'expéditeur à utiliser un moyen de communication approprié. A défaut d'accord entre parties, le moyen approprié aux circonstances sera déterminé par les habitudes qui se sont installées entre elles ou par les usages de la branche considérée. Certaines circonstances particulières peuvent rendre inadéquat un moyen de communication approprié en soi.

Si plusieurs moyens de communication sont appropriés, l'expéditeur peut faire son choix librement. L'article 27 est ainsi suffisamment souple pour s'adapter aux particularités du commerce international.

Le moment où une déclaration orale produit ses effets n'est pas réglé expressément par la convention. Ce cas ne devrait pourtant pas créer de grands problèmes puisque la déclaration et la réception sont simultanées. Il faut néanmoins
examiner brièvement dans quelle mesure les théories de l'expédition et de la réception sont applicables. En se référant au principe de l'expédition prévu pour les déclarations matérialisées, on peut affirmer que la déclaration orale ne doit pas nécessairement être comprise par son destinataire. La déclaration suffit à elle seule pour être valable. Le déclarant doit néanmoins utiliser un moyen adapté aux circonstances. S'il connaît ou aurait dû connaître des circonstances particulières qui font que le destinataire n'est pas en mesure de prendre connaissance de la déclaration (p. ex. surdité partielle ou totale, méconnaissance de la langue utilisée), celle-ci n'est pas valable. On aboutit ainsi en définitive à une théorie de l'expédition affaiblie.

En introduction, il a été retenu que l'article 27 prévoit le principe de l'expédition à moins que la convention ne dise expressément le contraire. De telles dispositions contraires sont édictées pour le délai supplémentaire imparti au vendeur (art. 47, 2e al.), pour les notifications faites par le vendeur en cas d'exécution tardive (art.

48, 4e al), pour l'avis de l'acheteur qui se refuse à exécuter son obligation dans le délai supplémentaire (art. 63, 2e al), pour la spécification (art. 65) et pour la 745

notification d'un empêchement d'exécuter (art. 79, 4e al.). Tous ces avis sont sujets à réception.

Si l'on interprète l'article 27 littéralement, il ne s'applique qu'aux notifications qui sont faites «conformément à la présente partie», c'est-à-dire conformément à la troisième partie de la convention. Il ne concernerait donc pas les communications qui ne sont pas réglées par le droit matériel de la vente, tels les rappels, les injonctions de venir prendre livraison de la chose et l'exécution d'un droit contractuel de résolution ou de choix. Il faut donc se demander s'il est possible d'avoir recours à l'article 27 pour ces communications ou s'il convient de les régler par analogie avec les déclarations sujettes à réception de l'article 24. Cette question d'interprétation doit être résolue en application de l'article 7.

L'ensemble des dispositions de la Convention de Vienne qui traitent de la validité des déclarations de volonté se présente comme il suit: la deuxième partie sur la formation des contrats (art. 14 à 24) part du principe qu'elles sont sujettes à réception. Elle contient cependant quelques exceptions expresses, où il suffit que la déclaration soit expédiée (cf. art. 19 et 21). La troisième partie sur le droit matériel de la vente (art. 25 à 88), par contre, part du principe de l'expédition et réserve les déclarations expressément sujettes à réception (art. 27). Compte tenu de cet état de faits, on ne saurait privilégier l'un des principes pour combler les lacunes. Il faudra au contraire analyser chaque cas en particulier pour dire quelles déclarations sont sujettes à réception et lesquelles ne le sont pas (cf. à ce sujet et au sujet de ce qui suit Noussias Konstantinos, Die Zugangsbedürftigkeit von Mitteilungen nach den Einheitlichen Kaufgesetzen und nach dem UN-Kaufgesetz, Heidelberg 1982).

Si les règles citées permettent de dégager des principes généraux, on peut appliquer ceux-ci aux déclarations qui ne sont pas réglées. Sinon, le juge saisi devra recourir au droit matériel désigné par ses règles de DIP.

Les règles sur la formation des contrats partent du principe qu'une communication est sujette à réception. Il faut donc admette que toutes les déclarations juridiquement importantes pour la conclusion d'un contrat sont sujettes à réception. Les communications faites par la partie
fidèle au contrat pour réagir aux comportements dérogeant à la procédure normale de l'autre partie ne sont pas soumises à ce principe. Il suffit donc que l'auteur de l'offre expédie la déclaration par laquelle il refuse de conclure le contrat aux conditions modifiées proposées dans l'acceptation (art. 19, 2e al.). De même, l'expédition suffit lorsque l'auteur de l'offre peut valider une acceptation tardive (art. 21,1er al.), ou lorsqu'il veut refuser une acceptation expédiée à temps qui lui est parvenue tardivement (art. 21, 3e al.). On peut tirer les principes suivants de cette règle: les déclarations qui concernent la formation du contrat et qui ne sont pas mentionnées expressément dans la deuxième partie sont en principe sujettes à réception à moins qu'il ne s'agisse d'une réponse de la partie fidèle au contrat au comportement de l'autre partie. Ainsi, une lettre de confirmation autorisée devrait être sujette à réception, alors que l'opposition à une lettre de confirmation serait valable dès son expédition, par analogie avec l'opposition à une acceptation modifiée. La troisième partie part du principe de l'expédition. Les exceptions prévues concernent les déclarations qui provoquent l'échéance d'une obligation contractuelle. La spécification et la fixation d'un délai de livraison sont ainsi sujettes à réception.

746

D'autres exceptions sont prévues pour les communications faites par la partie qui ne s'est pas conformée au contrat (p. ex. le refus d'exécuter), alors que pour les communications de la partie lésée (p. ex. l'avis des défauts), leur seule expédition suffit.

Cette interaction entre les principes et leurs exceptions permet de trouver suffisamment d'éléments concrets permettant d'éviter de consulter le droit national pour combler d'éventuelles lacunes. L'exercice d'un choix convenu contractuellement sera ainsi sans aucun doute sujet à réception parce qu'il provoque l'échéance de l'obligation de livrer du vendeur. Les communications concernant les perturbations dans l'exécution du contrat devront être classées en deux groupes, selon qu'elles proviennent de la partie fidèle au contrat ou de la partie qui ne tient pas ses engagements. L'expédition seule ne suffira que pour les communications du premier groupe.

231.4

Action en exécution

Selon l'article 28, un tribunal n'est tenu d'ordonner l'exécution en nature que s'il le ferait en vertu de son propre droit pour des contrats de vente de même genre.

Cette règle tient compte d'une particularité du droit anglo-américain qui ne connaît en principe aucune action en exécution, mais seulement des prétentions en dommages-intérêts. L'Uniform Commercial Code (UCC) par exemple, qui est appliqué à quelques différences près de la même façon dans tous les Etats des Etats-Unis, ne donne à l'acheteur le droit d'actionner en exécution que dans les cas où des «unique goods» sont en jeu. Il précise en outre qu'une prétention en exécution existe «in other proper circumstances» (cf. sec. 2-716 (1) UCC).

L'article 28 est un corps étranger dans la Convention de Vienne puisqu'il intervient dans le droit de procédure des Etats contractants. Cette intervention est pourtant nécessaire. On peut en effet douter qu'en matière de commerce international un acheteur insistera souvent pour obtenir l'exécution de sa prétention puisque cette procédure serait liée à une importante perte de temps. Mais pour des objets irremplaçables ou difficiles à acquérir, l'acheteur aura un intérêt évident à obtenir l'exécution en nature. Une réglementation adéquate, qui soit acceptable aussi pour les Etats anglo-américains, s'est donc imposée.

L'article 28 est par conséquent formulé d'une manière très large: le tribunal saisi peut parfaitement admettre une action en exécution même si son droit national ne le permet pas, mais il n'y est pas obligé et peut aussi rejeter l'action en exécution.

Comme l'article 28 est une disposition de procédure, les parties ne peuvent y déroger valablement. Le juge saisi ne sera en effet pas lié par un tel accord entre parties.

L'application de l'article 28 présuppose qu'il existe une prétention à l'exécution en nature. Celle-ci peut découler de la convention elle-même ou du contrat passé entre parties. En ce qui concerne la Convention de Vienne, il faut considérer que toutes les obligations du vendeur tendant à la livraison, la livraison tardive ou la livraison de remplacement, mais aussi le devoir de remettre des documents, peuvent être exigés en nature. Il n'est par contre pas clair si le prix, notamment s'il a été convenu qu'il devait être payé dans une monnaie déterminée, constitue une 747

prétention devant être exécutée en nature. Cette question était déjà controversée dans le droit uniforme de La Haye sur la vente (cf. Dolle H., op. cit., N 27 et 28 ad art. 16 LUFC).

Compte tenu du peu d'importance pratique de cette question, il n'y a pas lieu d'entrer en matière. En effet, un vendeur n'exigera qu'exceptionnellement le paiement du prix en nature.

231.5

Modification et résiliation du contrat

L'article 29,1er alinéa, établit le principe qu'un contrat peut être modifié ou résilié sans aucune contrainte de forme par accord amiable entre les parties. Ce principe a été retenu pour écarter le droit anglo-américain. Par opposition à la tradition juridique romaine, le common law n'admet en effet les modifications des contrats que dans les cas où un «contre-poids» est prévu. Or, un tel contre-poids serait absent lorsqu'une modification technique n'est pas accompagnée d'une modification simultanée du prix.

Le principe de la modification libre de toute forme n'est pas valable si les parties ont convenu d'utiliser la forme écrite. Si une partie a son établissement dans un Etat qui prévoit la forme écrite obligatoire et qui a fait une réserve au sens de l'article 96, la modification et la résiliation du contrat doivent respecter cette forme (cf. art. 12). Toutefois, on admet l'exception de dol contre une partie qui fait valoir une telle disposition lorsqu'elle a eu un comportement particulier sur lequel l'autre partie s'est fondée. Elle est ainsi empêchée de faire appel à l'exception de la forme écrite.

232

Obligations du vendeur (art. 30 à 52)

Le deuxième chapitre commence par la description des obligations du vendeur (art. 30). Il se divise ensuite en trois sections. La première section (art. 31 à 34), intitulée «livraison des marchandises et remise des documents», contient les dispositions sur la livraison, notamment le lieu et le moment où celle-ci doit se faire. La deuxième section (art. 35 à 44), intitulée «conformité des marchandises et droits ou prétentions de tiers», décrit la responsabilité du vendeur pour les défauts de la chose. Enfin, la troisième section (art. 45 à 52) règle les moyens dont dispose l'acheteur en cas de contravention au contrat commise par le vendeur.

232.1

Obligations du vendeur en général

Le deuxième chapitre contient en introduction les obligations principales du vendeur. Aux termes de l'article 30, le vendeur doit livrer les marchandises, remettre les documents s'y rapportant et transférer à l'acheteur la propriété des marchandises. Cette dernière obligation est exécutée si le vendeur entreprend toutes les démarches nécessaires pour assurer Te transfert de propriété à l'acheteur. Les conditions auxquelles ce transfert se réalise sont déterminées pour le surplus par le droit matériel désigné par les règles de conflit (art. 4, let. b).

748

Ces obligations principales du vendeur correspondent dans l'ensemble à celles prévues par le droit suisse sur la vente. Il convient cependant de relever quelques divergences: la Convention de Vienne établit expressément le devoir de remettre les documents qui se rapportent aux marchandises, alors que, selon le code des obligations, ce devoir découle de l'obligation de remettre les marchandises. La convention parle en outre de la livraison (Lieferung) alors que le texte allemand du code des obligations utilise le terme de remise (Übergabe). Cette différence n'a aucune importance pratique. Le texte français utilise par ailleurs deux fois le terme de livraison.

232.2

Livraison des marchandises et remise des documents

L'article 31 règle le lieu de livraison, l'article 32 énumère les obligations liées à l'expédition, l'article 33 traite du moment de la livraison et l'article 34 concerne la remise des documents.

232.21

Lieu de la livraison

La Convention de Vienne prévoit différentes solutions pour les cas où les parties n'ont rien prévu au sujet du lieu de la livraison. Elle distingue entre les contrats qui impliquent un transport des marchandises et les autres contrats de vente.

Lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises, le vendeur remplit son obligation de livrer en remettant les marchandises au premier transporteur (art. 31, let. a). Lorsque les parties ont conclu un contrat n'impliquant pas de transport, le vendeur doit en principe mettre les marchandises à la disposition de l'acheteur au lieu où le vendeur avait son établissement au moment de la conclusion du contrat (art. 31, let. c).

Lorsque le contrat porte sur un corps certain ou sur une chose de genre qui doit être prélevée sur une masse déterminée et que les parties savaient, lorsqu'elles ont conclu le contrat, où se trouvaient les marchandises, le vendeur doit les mettre à la disposition de l'acheteur en ce lieu (art. 31, let. b). Cela signifie que le vendeur doit procéder à tous les actes nécessaires pour que l'acheteur puisse prendre possession des marchandises. Cette manière de faire correspond aux conceptions du droit suisse.

Il est essentiel pour le transfert des risques de distinguer les ventes qui impliquent un transport de la marchandise de celles où le vendeur s'occupe «volontairement» du transport de la marchandise. Il faut donc examiner chaque fois si l'on est en présence d'une vente qui implique un transport au sens de la convention. Cette formule concerne les ventes où il a été convenu que la marchandise serait transportée par un tiers en un lieu autre que le lieu d'exécution. On n'est pas en présence d'une vente impliquant un transport lorsque le vendeur expédie la marchandise en passant par un expéditeur qui fait partie de son commerce. En effet, la remise au premier transporteur ne peut se faire que si la marchandise sort de la sphère d'influence du vendeur. La notion de vente impliquant un transport correspond ainsi à celle de vente à distance développée par la doctrine suisse.

749

232.22

Obligations liées à l'expédition

L'article 32 décrit quelques obligations qui incombent au vendeur lorsque la vente implique un transport de la marchandise. Le premier alinéa oblige le vendeur à donner à l'acheteur un avis d'expédition en désignant en détail les marchandises si celles-ci ne sont pas clairement identifiées par le contrat. Selon le 2e alinéa, le vendeur est tenu de conclure les contrats nécessaires pour que la marchandise soit transportée par des moyens appropriés et selon les conditions usuelles. Si le vendeur n'est pas tenu de souscrire lui-même une assurance de transport, il doit fournir à l'acheteur tous les renseignements qui sont nécessaires pour conclure cette assurance (3e al.).

Toutes ces obligations découlant d'une vente qui implique un transport correspondent à celles établies par le droit suisse. En cas de vente à distance aussi, la remise au transporteur ne libère pas encore le vendeur. Selon le droit suisse, ce dernier doit encore prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la marchandise arrive en bon état à son lieu de destination.

232.23

Moment de la livraison

L'article 33 distingue trois cas, à savoir le contrat à terme fixe, celui où une certaine période est donnée pour la livraison et le contrat où aucun moment n'est fixé pour livrer. Si une date est fixée par le contrat ou déterminable par référence à celui-ci (art. 33, let. a), le vendeur ne remplit ses obligations qu'en livrant à cette date. S'il livre avec du retard, l'acheteur peut utiliser les moyens qui lui sont donnés en cas de défaut de livraison. L'acheteur n'est pas tenu d'accepter une livraison anticipée (cf. art. 52, 1er al). S'il le fait, la livraison anticipée est considérée en principe comme une exécution conforme au contrat.

Si une période de temps est fixée par le contrat ou déterminable par référence à celui-ci, le vendeur peut livrer à un moment quelconque au cours de cette période (art. 33, let. b). Durant cette période, il a même la possibilité d'améliorer une livraison défectueuse (cf. art. 37). Ces facultés ne sont pas données dans les cas où il résulte des circonstances que c'est à l'acheteur de choisir la date de livraison exacte à l'intérieur de la période fixée.

S'il n'y a aucune convention au sujet du moment de la livraison, le vendeur doit livrer dans un délai raisonnable (art. 33, let. c). Les circonstances concrètes diront dans chaque cas ce qu'est un délai raisonnable. Il faut pour cela prendre en considération les intérêts des parties tels qu'ils ressortent de leurs discussions précontractuelles.

232.24

Remise des documents

L'article 34 énonce une évidence lorsqu'il dit que le vendeur doit remettre les documents au moment, au lieu et dans la forme prévus par le contrat. Si les documents sont remis de façon anticipée, la correction de documents entachés d'erreurs est possible jusqu'à l'écoulement du délai contractuel, à moins que cela n'ait pour l'acheteur des inconvénients qu'on ne saurait lui faire subir..

750

En outre, l'acheteur conserve le droit de demander des dommages-intérêts. La même règle est prévue par l'article 37 en cas de livraison anticipée des marchandises.

232.3

Conformité des marchandises et droits ou prétentions de tiers

La section sur la conformité des marchandises contient les règles sur la garantie pour les défauts de la chose (art. 35 à 40) ainsi que celles sur la garantie en cas d'éviction (art. 41 à 43). Au sujet de celle-ci, la Convention de Vienne distingue entre l'éviction ordinaire (art. 41) et l'éviction fondée sur la propriété industrielle ou intellectuelle (art. 42). Les règles sur la garantie pour les défauts commencent par une définition (art. 35). Elles fixent ensuite le moment où le défaut de conformité doit être apparu (art. 36).

L'article 37 règle la possibilité, déjà évoquée ci-dessus, de réparer les défauts en cas de livraison anticipée. L'article 38 établit le devoir de l'acheteur de contrôler la marchandise alors que l'article 39 fixe les conséquences de l'omission de l'avis des défauts. L'article 43 contient une disposition semblable pour la garantie contre l'éviction. Le vendeur ne peut cependant pas se prévaloir de ce que le contrôle et l'avis des défauts aient été omis s'il connaissait ou aurait dû connaître les défauts (art. 40).

L'article 44 enfin contient une règle importante aussi bien pour la garantie pour les défauts que pour la garantie contre l'éviction: les conséquences de l'absence d'avis des défauts sont reportées si l'acheteur a une excuse raisonnable pour ne pas y avoir procédé.

232.31

Garantie à raison des défauts

a. En général En droit suisse, la responsabilité pour les défauts oblige le vendeur à garantir l'acheteur tant en raison de l'utilité et de la conformité de la chose vendue qu'en raison de l'absence de certaines qualités ou de la présence de certains défauts (cf.

art. 197 CO; Guhl/Merz/Kummer, op. cit., p. 342).

Selon l'article 35,1er alinéa, de la Convention de Vienne, le vendeur doit livrer les marchandises de telle sorte que la quantité, la qualité, le type, l'emballage et le conditionnement correspondent à ce que prévoit le contrat. Si le contrat ne prévoit rien, il faut se servir des critères établis par l'article 35, 2e alinéa: en premier lieu, les marchandises doivent être propres à l'usage auquel elles sont destinées habituellement (art. 35, 2e al., let. a). Si elles sont destinées à un usage spécial qui a été porté à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, elles doivent également être propres à cet usage (let. b). Lorsqu'il s'agit d'une vente sur échantillon, la marchandise doit posséder les qualités de l'échantillon (let. c). Enfin, l'article 35, 2e alinéa, lettre d, dit que les marchandises doivent être emballées selon le mode habituel ou d'une manière propre à les conserver et à les protéger.

751

Alors que le droit suisse fait la distinction entre les qualités prévues et les qualités promises, l'article 35, 2e alinéa, de la Convention de Vienne distingue entre l'usage habituel et l'usage spécial. Les qualités que l'acheteur suisse peut s'attendre à trouver correspondent aux qualités que présente un objet propre à l'usage habituel. Il ne faut donc pas envisager des interprétations divergentes en ce qui concerne les qualités prévues et l'usage habituel. Il en va différemment pour les qualités promises et l'usage spécial. La formule utilisée par la convention permet de déduire que l'usage spécial attendu ne doit pas expressément ressortir du contrat. Il suffit que le vendeur ait su ou ait dû savoir que l'acheteur destinait la marchandise à un usage spécial. L'acheteur peut en appeler à cette circonstance sauf «s'il ne s'en est pas remis à la compétence ou à l'appréciation du vendeur ou qu'il n'était pas raisonnable de sa part de le faire» (art. 35, 2e al, let. b). Cette définition correspond aux conditions sévères que le droit suisse pose pour le sérieux d'une qualité promise. On peut donc parler d'un parallèle entre les deux ordres juridiques. Il convient néanmoins de remarquer que seules les promesses qui concernent l'usage spécial peuvent fonder la responsabilité du vendeur aux termes de la Convention de Vienne. Selon le code des obligations, il est essentiel que la promesse ait influencé la décision de l'acheteur. Si tel est le cas, le vendeur est tenu de sa garantie même si l'absence de la qualité promise ne diminue en rien l'utilité ou la valeur de la chose vendue. Le lien de causalité entre la promesse et la décision de l'acheteur est seul déterminant. Dans leur application pratique, le code des obligations et la Convention de Vienne devraient aboutir dans de nombreux cas au même résultat. Il est cependant plus facile de faire appel au lien de causalité existant entre la promesse et la décision d'acheter si la qualité promise doit être en relation avec l'utilité ou la valeur de la chose. Le juge suisse présumera par conséquent qu'il y a un lien de causalité adéquate lorsqu'il aura affaire à une promesse qui, selon l'expérience de la vie, est apte à convaincre l'acheteur. Le vendeur peut apporter la preuve du contraire. Lorsqu'il s'agit d'une promesse qui, objectivement, n'a en général
aucune influence sur l'acheteur, le fardeau de la preuve appartient à ce dernier. On remarquera encore que la Convention de Vienne ne dit mot au sujet du fardeau de la preuve pour les défauts. On a renoncé à l'unification de ce fardeau de la preuve parce que ce sujet provoquait de trop grandes difficultés à cause des différences existant entre les systèmes juridiques.

L'article 35, 3e alinéa, établit la règle, familière pour le juriste suisse, que le vendeur n'est pas responsable d'un défaut que l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat (cf. art. 200, 1er al, CO).

La convention dit en outre que la responsabilité du vendeur est indépendante au moment où le défaut se révèle, que ce soit lors de la livraison ou seulement par la suite. Il suffit que le défaut soit présent au moment du transfert des risques à l'acheteur (art. 36, 1er al.). Des discussions eurent lieu au sein de la Conférence pour décider si une garantie pour la persistance d'une qualité pouvait être étendue à ce qui arrive après le transfert des risques. On se mit finalement d'accord sur une règle aux termes de laquelle le vendeur est, dans certaines circonstances, responsable de ce que les marchandises restent propres à leur usage pendant une certaine période. Il ressort des termes du 2e alinéa que cette garantie peut découler également d'une promesse tacite.

752

Il n'est pas exclu que des problèmes d'interprétation se posent à ce sujet. Le texte de la convention dit que la garantie du vendeur pour l'utilité de la marchandise s'étend sur une certaine période. Cette formule ne dit pas si les parties doivent fixer la longueur de cette période dans leur contrat ou si le juge saisi doit la déterminer d'après les circonstances. Dans l'intérêt de l'application précise de cet article, il faudra exiger que les parties fixent à l'avance la période pendant laquelle le vendeur répond de la qualité de la marchandise.

b. Devoir d'examen de l'acheteur

Selon l'article 201 CO, l'acheteur a l'obligation de vérifier l'état de la chose reçue aussitôt qu'il peut d'après la marche habituelle des affaires. S'il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l'en aviser sans délai. S'il s'agit de défauts cachés, ils doivent être signalés immédiatement après avoir été découverts.

De même, la Convention de Vienne oblige l'acheteur à examiner les marchandises dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances. La question de savoir si ce bref délai commence à courir avant l'échéance lorsque l'acheteur a accepté une livraison anticipée n'est pas tranchée. Selon le droit uniforme de La Haye, qui prévoit également l'obligation de l'acheteur d'examiner les choses dans un bref délai (art. 38 LUVI), l'opinion dominante résout cette question par la négative (cf. Dolle H., op. cit., N l ad art. 38). On peut admettre qu'il en va de même pour la Convention de Vienne. Ainsi, le délai de vérification ne commence à courir qu'à la fin du délai prévu pour la livraison, même lorsque celle-ci a été faite de manière anticipée. Pour fixer le temps durant lequel il faut procéder à cet examen, il est déterminant de savoir si le contrat de vente implique un transport des marchandises. L'article 38, 2e alinéa, permet à l'acheteur, si le contrat implique un transport, de différer l'examen jusqu'à l'arrivée des marchandises à destination. Le 3e alinéa permet un report encore plus étendu lorsque les marchandises sont réexpédiées par l'acheteur sans que celui-ci ait eu le possibilité de les examiner et que, au moment de la conclusion du contrat, le vendeur connaissait ou aurait dû connaître l'éventualité de cette réexpédition. L'examen est alors différé jusqu'à l'arrivée des marchandises à leur nouvelle destination. Le début du délai n'est donc pas réglé de manière uniforme. En ce qui concerne la durée du délai, la Convention de Vienne se fonde sur des critères objectifs.

Les circonstances de chaque cas particulier doivent être prises en considération pour établir la longueur de la période d'examen. Les éléments subjectifs existant dans la personne même de l'acheteur (absence pour cause de vacances, manque.

de personnel, manque d'expérience) n'ont aucune influence sur la longueur de cette période.

L'ampleur de l'examen se détermine aussi d'après les
circonstances particulières de chaque cas. D'une part, l'acheteur est tenu de procéder à un examen approfondi afin de se faire une opinion sur l'état des marchandises. D'autre part, il doit procéder à l'examen dans un délai aussi bref que possible. Il appartient au juge de dire si l'acheteur a procédé à cet examen de manière correcte. Pour cela, il se fondera sur les circonstances du cas particulier et sur les usages internationaux en la matière. Contrairement à ce que prévoyait le droit uniforme de La Haye (art. 36, 4 LUVI), la Convention de Vienne ne dit pas que l'examen doit se faire 753

selon les modalités prévues par le droit du lieu où il est effectué. On pourra cependant souvent admettre les modalités d'examen du lieu où il faut procéder à cet examen.

C'est le droit du juge saisi qui dira dans quelle mesure un examen par échantillonnage peut influencer le fardeau de la preuve concernant l'état des marchandises livrées en grande quantité. L'acheteur doit supporter les frais d'examen. Si la marchandise présente des défauts et que le vendeur en a été informé, l'acheteur peut demander à ce dernier le remboursement des frais d'examen. En relation avec l'avis des défauts, on a aussi réglé dans quelle mesure l'acheteur peut faire valoir des défauts cachés.

c. Avis des défauts En droit suisse, l'avis des défauts est une déclaration de volonté sujette à réception. L'acheteur doit y procéder dans un certain délai s'il ne veut pas perdre les prétentions qu'il peut faire valoir en raison de la garantie pour les défauts. En outre, l'acheteur est tenu en principe d'énumérer tous les défauts, afin que le vendeur puisse se faire une idée du genre et de l'importance du défaut et en reconnaître l'étendue. L'avis des défauts n'est soumis à aucune forme. Il ne peut pas se faire tacitement. Selon le texte légal, il doit intervenir sans délai, c'est-àdire sans hésitation fautive. La période pendant laquelle il faut procéder à l'avis des défauts est déterminée en fonction de la marche habituelle des affaires et des habitudes de la branche considérée. La jurisprudence est très tolérante en ce qui concerne les exigences de l'avis immédiat des défauts. S'il s'agit de défauts cachés, l'acheteur doit en aviser le vendeur immédiatement après les avoir découverts.

L'action en garantie se prescrit par un an dès la livraison (art. 210 CO). Des défauts découverts par la suite ne peuvent plus entrer en considération. Après l'écoulement du délai d'un an pour agir, l'acheteur peut encore faire valoir la garantie pour les défauts au moyen d'une exception, s'il a procédé à l'avis des défauts en temps utile.

Selon la Convention de Vienne, l'avis des défauts n'est pas sujet à réception, il doit seulement être expédié. L'article 39 ne contient pas d'exception à la règle générale de l'article 27. Les prétentions en garantie que peut faire valoir l'acheteur sont en relation étroite avec l'avis de défauts. Si l'acheteur
omet de procéder à l'avis des défauts dans un certain délai, il est déchu du droit se se prévaloir du défaut de conformité de la marchandise. Le délai raisonnable se détermine d'après les habitudes et la marche habituelle des affaires dans la branche considérée. On peut se référer aussi à des délais établis par les usages commerciaux au sens de l'article 9. Malgré des textes différents, le code des obligations et la Convention de Vienne ne présentent donc en fin de compte aucune divergence essentielle au sujet du délai pour l'avis des défauts. Ce délai commence à courir dès la fin de l'examen des marchandises.

L'article 39, 1er alinéa, oblige l'acheteur à préciser la nature du défaut. La Convention de Vienne exclut ainsi un avis général des défauts. On ne saurait cependant déduire de cette règle, tout comme on ne peut pas le déduire du droit suisse, que l'acheteur devrait préciser lors de l'avis des défauts les prétentions qu'il entend faire valoir.

754

La convention ne contient aucune règle sur la forme de l'avis des défauts. Il faut en conclure que l'avis des défauts n'est soumis à aucune forme. Cette conclusion est valable même si une partie a son établissement dans un Etat contractant qui a fait usage de la réserve de l'article 96 et dont le droit interne connaît des prescriptions de forme pour l'avis des défauts. En application de l'article 27, l'acheteur est tenu de procéder à l'avis des défauts par un moyen approprié aux circonstances. Comme en droit suisse, l'avis des défauts ne peut pas se faire tacitement.

Si un défaut caché apparaît par la suite, l'acheteur doit en informer le vendeur dans un délai raisonnable. Il est en outre déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date de livraison (art. 39,2e al.). Ce délai de prescription est deux fois plus long que celui du code des obligations. Cette situation peut s'avérer insatisfaisante pour l'acheteur qui veut agir en garantie devant les tribunaux suisses. En effet, bien qu'il puisse procéder à l'avis des défauts dans un délai de deux ans selon la Convention de Vienne, il ne pourrait plus faire valoir ses prétentions en justice si le délai d'un an prévu à l'article 210 CO est échu. Aussi bien la Convention de Vienne que le code des obligations admettent que ces délais sont de nature dispositive. Les parties peuvent donc les modifier conventionnellement. Il paraît indiqué, compte tenu des délais de prescription différents pour l'avis des défauts et l'action en garantie, d'adapter conventionnellement ces délais l'un à l'autre.

A ce sujet, il convient de faire remarquer ce qui suit: en droit suisse, il faut examiner très soigneusement les accords par lesquels les parties fixent des délais dits de garantie. Le vendeur accepte souvent de cette manière une garantie limitée pour la conformité de la marchandise au contrat. En général, il s'agit là de permettre une qualité particulière. Mais on ne saurait admette qu'un délai de garantie constitue un délai modifié pour l'avis des défauts, sauf dans les cas où cela ressort clairement du contrat (cf. Giger Hans, Berner Kommentar, vol. VII, N 89 ad art 201 CO). Il n'est pas exclu que des confusions résultent du fait que la Convention de Vienne utilise le terme
de «délai de garantie».

Le vendeur ne peut pas se prévaloir de l'omission de l'avis des défauts, que cet avis ait été omis dans le délai légal ou conventionnel, lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait on ne pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur (art. 40). Cette règle est formulée de manière plus large que celle de l'article 203 CO qui exige que le vendeur ait induit l'acheteur en erreur intentionnellement. Selon l'opinion dominante, cette règle doit être interprétée d'après les critères que la jurisprudence a développés en relation avec la dissimulation frauduleuse conformément à l'article 199 CO. Le vendeur doit ainsi avoir une connaissane certaine du défaut ou compter sérieusement avec sa présence. En outre, il doit s'agir d'un défaut dont le vendeur devait aviser l'acheteur. Enfin, le vendeur doit avoir intentionnellement omis d'en parler à l'acheteur. La négligence grave ne suffit pas pour que l'acheteur conserve ses prétentions en garantie malgré l'ommission de l'avis des défauts. Les deux premières conditions s'appliquent aussi pour la Convention de Vienne. Mais l'article 40 n'exige pas la dissimulation intentionnelle ou dolosive des défauts. Une dissimulation par négligence grave suffit pour que le vendeur soit déchu du droit de se prévaloir de l'omission de l'avis des défauts.

755

La convention ne dit pas à quel moment le vendeur devait connaître ou ne pouvait ignorer le défaut de conformité. Comme l'article 40 fait référence aux articles 38 et 39 et que ceux-ci se fondent sur le moment de la livraison, ce moment est aussi déterminant pour l'article 40. En ce qui concerne la garantie pour l'éviction, la même solution est expressément prévue (cf. art. 42). Par conséquent, si on est en présence d'un défaut que le vendeur n'a appris ou n'aurait pu apprendre qu'après la livraison, l'article 40 n'est pas applicable.

232.32

Garantie en cas d'éviction

a. En général La garantie en cas d'éviction protège l'acheteur dans les cas où un tiers revendique l'objet acheté ou fait valoir des droits qui entraînent une diminution des droits découlant de la propriété. Selon le droit suisse, il n'y a lieu à garantie que lorsque les droits du tiers ont existé déjà au moment de la conclusion du contrat, que le tiers a fait valoir son droit et que l'acheteur s'est défendu contre les prétentions du tiers.

Aux termes de l'article 192, 2e alinéa, CO, le vendeur est libéré de sa garantie si l'acheteur connaissait les risques d'éviction au moment de la conclusion du contrat. Cette règle ne dit pas si le vendeur est libéré lorsque l'acheteur aurait dû s'apercevoir des risques d'éviction d'après les circonstances. Selon certaines opinions l'interprétation téléologique de l'article 192, 2e alinéa, CO aboutit au résultat que l'acheteur perd sa prétention lorsqu'il aurait dû connaître les risques d'éviction, mais que ce cas ne se présente que lorsque l'acheteur s'est dérobé de manière dolosive aux explications que le vendeur était tenu de lui fournir (cf.

Giger H., op. cit., N 54 ad art. 192 CO).

Selon le droit suisse, il incombe en outre à l'acheteur de dénoncer l'instance au vendeur lorsqu'un tiers fait valoir des prétentions sur l'objet (cf. 193 et 194 CO).

Enfin, le code des obligations prévoit des conséquences différentes pour les cas d'éviction totale et ceux où l'éviction n'est que partielle (art. 195 et 196 CO).

La Convention de Vienne contient deux règles sur la garantie contre l'éviction, à savoir l'éviction ordinaire (art. 41) et l'éviction due à des droits de la propriété industrielle ou intellectuelle (art. 42). Dans les deux cas, il n'y a lieu à garantie que si le défaut, c'est-à-dire la prétention du tiers, existait déjà au moment de la formation du contrat. Comme en droit suisse, la responsabilité du vendeur n'est engagée que dans les cas où le tiers fait valoir ses droits. La convention ne permet pas de dire dans quelle mesure il appartient à l'acheteur ou au vendeur d'assurer la défense contre le tiers en cas de litige. Il faudra se référer sans doute au droit national pour résoudre cette question.

b. Eviction ordinaire Selon l'article 41, le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d'un tiers, à moins que l'acheteur
n'accepte de prendre les marchandises dans ces conditions. Ainsi, contrairement au code des obligations, le vendeur n'est pas libéré lorsque l'acheteur connaissait ou devait connaître le risque 756

*

d'éviction. Il faudra cependant examiner dans chaque cas si l'acheteur qui accepte la marchandise n'accepte pas en même temps tacitement le risque d'éviction.

c. Eviction liée aux droits de la propriété industrielle ou intellectuelle La responsabilité du vendeur est limitée de plusieurs manières lorsque les droits et prétentions des tiers sont fondés sur la propriété industrielle ou une autre propriété intellectuelle. En premier lieu, il n'est responsable que dans la mesure où il connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence de tels droits au moment de la conclusion du contrat. D'autre part, il ne répond que des droits fondés sur la loi de l'Etat où les marchandises doivent être utilisées ou sur la loi de l'Etat où l'acheteur a son établissement (art. 42, 1er al., let. a et b). Cette dernière restriction est jusifiée parce qu'on ne saurait exiger du vendeur qu'il examine les droits de la propriété immatérielle de tous les Etats du monde.

Le vendeur n'est au surplus pas tenu de son obligation de garantie lorsque l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence du droit ou de la prétention au moment de la conclusion du contrat (art. 42, 2e al., let. a). L'article 42, 2e alinéa, lettre b, règle le cas particulier où le vendeur s'est conformé aux plans techniques, dessins, formules ou autres spécifications analogues de l'acheteur. Dans ce cas, il est également libéré de sa garantie.

d. Avis des défauts Selon l'article 43, l'acheteur perd le droit de se prévaloir de la garantie contre l'éviction s'il ne dénonce pas au vendeur le droit ou la prétention du tiers dans un délai raisonnable (art. 43,1er al). Là encore, l'avis des défauts doit être détaillé en ce sens que l'acheteur est tenu de préciser la nature du droit ou de la prétention du tiers.

L'article 43, 2e alinéa, correspond à l'article 40. La prétention en garantie de l'acheteur est par conséquent maintenue si le vendeur connaissait le droit ou la prétention du tiers. Contrairement à ce qui est prévu pour la garantie contre les défauts, le fait que le vendeur aurait dû connaître le droit du tiers ne suffit pas pour ce maintien.

232.33

Disposition commune aux garanties contre les défauts et contre l'éviction

L'article 44 constitue une extension importante du droit de garantie. L'acheteur peut encore faire valoir ses prétentions après l'écoulement du délai de deux ans s'il a une excuse raisonnable pour n'avoir pas procédé à la dénonciation requise.

Cette disposition est un compromis résultant de discussions serrées entre les Etats industrialisés et les Etats du tiers-monde. Les prétentions que l'acheteur peut faire valoir tardivement se limitent cependant à la réduction du prix et aux dommages-intérêts, à l'exclusion du gain manqué.

232.34

Exclusion conventionnelle de la garantie

La Convention de Vienne ne contient aucune règle semblable aux articles 192, 2e alinéa, et 199 CO. Mais les parties peuvent exclure totalement ou partiellement 52 Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

757

la garantie du vendeur en appliquant l'article 6. Il appartiendra au juge saisi de dire si l'exclusion ou la restriction de la garantie est valable en cas de comportement dolosif. Pour ce faire, il se servira du droit désigné par ses règles de conflit.

232.4 232.41

Moyens dont dispose l'acheteur en cas de contravention au contrat par le vendeur Remarques préliminaires

Le système des moyens dont dispose l'acheteur est clair et plus simple qu'en droit suisse. La convention part de la seule notion de contravention au contrat. Elle ne distingue pas entre l'exécution imparfaite, la demeure, les défauts de la chose et l'éviction comme le fait le code des obligations. La notion unique de contravention au contrat comprend toutes les ruptures de contrat de nature qualitative, quantitative et temporelle. On n'y trouvera donc pas les problèmes de délimitation et de concurrence que connaît le droit suisse.

En principe, l'acheteur peut utiliser tous les moyens qui sont à sa disposition en même temps, à moins qu'ils ne s'excluent mutuellement. Il peut donc demander l'exécution (art. 46,1er al), la livraison de marchandises de remplacement (art. 46, 2e al.) ou la réparation du défaut (art. 46,3e al.). Il a aussi la faculté de déclarer le contrat résolu (art. 49, 1er al.) ou de demander la réduction du prix (art. 50). En complément de ces droits, il peut toujours demander des dommages-intérêts.

Selon le droit suisse, l'acheteur a le choix entre la résolution, la réduction et la livraison de remplacement ou la réparation. Selon l'opinion qui nous paraît correcte, ce droit d'option n'est pas un droit formateur. Il repose sur la volonté concordante des parties d'éliminer les défauts sans avoir recours à un juge.

L'acheteur exerce par conséquent son droit d'option au moyen d'une déclaration de volonté sujette à réception. Si le vendeur n'entend pas accepter l'offre de l'acheteur et que la contestation aboutit à un procès, le juge rend un jugement formateur. La question de la nature du droit d'option n'est pas sans importance.

En effet, outre la forme que l'acheteur doit respecter pour exercer ce droit, le déroulement ultérieur du droit d'option dépend aussi de la nature de cette institution. A titre d'exemple, en droit suisse, l'étendue du dommage à réparer en cas de résolution du contrat se détermine notamment d'après la nature juridique du droit d'option.

La question de la nature juridique du droit d'option ne joue aucun rôle essentiel dans la Convention de Vienne. Les raisons de cet état de fait seront exposées plus loin. Pour l'instant, il suffit de constater que la convention prévoit un droit d'option libre de toute contrainte et que ce droit est exercé au moyen d'une
déclaration sujette à l'expédition.

Selon l'article 45, 1er alinéa, l'acheteur est fondé à exercer les droits prévus aux articles suivants (let. a) et à demander des dommages-intérêts (let. b). Le 2e alinéa précise que l'acheteur ne perd pas le droit de demander des dommagesintérêts lorsqu'il exerce son droit de recourir à un autre moyen. Il y a là déjà une première différence avec le droit suisse qui sera traitée de manière détaillée ci-dessous.

758

Le 3e alinéa exclut les dispositions nationales permettant au juge d'accorder un «délai de grâce» au vendeur qui a commis une contravention au contrat pour réparer celle-ci. Il faut distinguer ce délai de celui qui est prévu à l'article 47 et par lequel l'acheteur peut impartir au vendeur un délai supplémentaire pour l'exécution de ses obligations. Bien que l'article 45 ne le dise pas expressément, l'application d'autres droits offerts à l'acheteur par un droit national est également exclue.

232.42

Exécution

Le droit suisse ne prévoit en principe aucun droit à l'exécution qui découlerait de la prétention en garantie. Il contient seulement une règle qui diverge des règles générales sur la demeure. Au surplus, l'article 190 CO ne concerne que les ventes commerciales. Il prévoit qu'en cas de demeure, l'acheteur est présumé renoncer à l'exécution du contrat de vente. S'il n'entend pas y renoncer, il doit en informer l'acheteur immédiatement. Pour les ventes ordinaires, l'acheteur est renvoyé aux règles des articles 107 ss CO. Cependant, l'acheteur n'exige en général l'exécution du contrat que lorsque le vendeur ne respecte pas ses obligations liées aux délais, c'est-à-dire lorsqu'il est en demeure. Il est donc à première vue sans importance que le droit suisse ne permette d'agir en exécution qu'à partir des règles sur la demeure et non à partir des règles sur la garantie.

Selon l'article 46, 1er alinéa, de la Convention de Vienne par contre, l'acheteur peut exiger du vendeur l'exécution de ses obligations, sauf s'il s'est prévalu d'un moyen incompatible avec cette exigence. Il y a par exemple incompatibilité dans les cas de résolution et de réduction. Au vu de l'article 28, on doit considérer aussi que la prétention en exécution est limitée dans la mesure où les Etats qui ne connaissent pas d'action en exécution ne sont pas tenus de donner suite à une telle action.

Les règles générales du code des obligations sur la demeure du débiteur exigent que l'acheteur ou les autorités compétentes fixent un délai au vendeur pour qu'il exécute ses obligations. Ce délai supplémentaires ne peut être omis qu'en cas de circonstances particulières. Il en est ainsi lorsqu'il ressort du comportement du débiteur qu'un délai supplémentaire serait inutile (cf. art. 108, eh. I, CO). La Convention de Vienne contient une règle semblable: l'article 47, 1er alinéa, permet à l'acheteur d'impartir un délai supplémentaire de durée raisonnable au vendeur pour l'exécution de ses obligations. A moins qu'il n'ait reçu du vendeur une notification l'informant que celui-ci n'exécuterait pas ses obligations dans le délai ainsi imparti, l'acheteur ne peut, avant l'expiration de ce délai, se prévaloir d'aucun des moyens dont il dispose (2e al.). On remarquera que cette communication est, en dérogation à la règle générale, sujette à
réception. L'article 47, 2e alinéa, précise en outre l'acheteur ne perd pas le droit de demander des dommages-intérêts pour retard dans l'exécution si le vendeur lui notifie son intention de ne pas exécuter.

En résumé, il faut faire remarquer ce qui suit au sujet de la prétention en exécution de l'acheteur: la Convention de Vienne donne à l'acheteur un droit à l'exécution lors de chaque contravention au contrat, qu'elle soit essentielle ou 759

non, et qu'elle soit due aux délais ou à une autre raison. L'acheteur ne peut exercer ce droit s'il entend le faire valoir parallèlement à un autre qui est incompatible avec la prétention en exécution. L'acheteur a en outre la possibilité d'impartir un délai supplémentaire pour l'exécution, mais il n'en a pas l'obligation. S'il impartit un délai supplémentaire, ses autres droits sont mis en attente. La prétention en exécution est donc conçue d'une manière plus large qu'en droit suisse. Notre ordre juridique ne donne une prétention en exécution qu'en cas de demeure du vendeur. Cette prétention est limitée dans la mesure où elle va à rencontre de la présomption légale établie pour la vente entre commerçants, ce qui exige, contrairement à ce que prévoient les règles générales, que l'acheteur la fasse valoir immédiatement. Dans la vente ordinaire, l'acheteur est renvoyé aux règles sur la demeure pour faire valoir ses prétentions en exécution. Il est ainsi dans une position plus défavorable que lorsqu'il fait appel à la garantie du vendeur pour les défauts.

232.43

Livraison de remplacement

En droit suisse, on ne peut demander une livraison de remplacement que dans la mesure où elle est possible; l'article 206 CO parle par conséquent uniquement de choses fongibles. Mais selon la doctrine dominante, cette notion est trop étroite et il faudrait plutôt parler de choses déterminées seulement par leur genre. Par ailleurs, les parties ont la faculté de décrire d'après leur genre des objets qui, objectivement, ne sont pas des choses fongibles. Elles peuvent ainsi fonder le droit de l'acheteur de demander une livraison de remplacement. D'autre part, les parties peuvent aussi considérer la vente d'une chose de genre comme étant celle d'un objet déterminé. Une prétention en remplacement ne saurait ainsi entrer en considération.

Selon la Convention de Vienne, l'acheteur ne peut exiger du vendeur la livraison de marchandises de remplacement que si le défaut de conformité constitue une contravention essentielle au contrat selon l'article 25 (art. 46,2e al.). Le devoir de livrer des marchandises de remplacement constitue en effet une charge très lourde pour un vendeur dans le commerce international. L'article 46, 2e alinéa, exige en outre que cette livraison de remplacement soit demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation. On peut ainsi éviter que l'acheteur ne se livre à des présomptions en défaveur du vendeur. En ce qui concerne la livraison de remplacement, la convention est d'une part plus étroite et d'autre part plus large que le droit suisse. La prétention tendant à la livraison de remplacement n'est accordée qu'en cas de contravention essentielle et, dans ses termes, elle n'est pas limitée aux choses non fongibles. La pratique montrera cependant dans quelle mesure on peut obtenir une livraison de remplacement pour des choses de genre qui n'en sont pas vraiment. Néanmoins, il est certain qu'il n'y aura jamais de livraison de remplacement lorsqu'il s'agira réellement d'une vente d'un objet certain.

760

232.44

Réparation

Selon la doctrine suisse, il est controversé de savoir si l'acheteur a un droit à obtenir la réparation, ou si le vendeur a le droit de procéder à la réparation. Il faut en principe s'en tenir aux circonstances concrètes de chaque cas. Dans la mesure où la réparation permet de faire disparaître les défauts de l'objet, ont doit l'assimiler à la livraison de remplacement. Cette circonstance se réalisera le plus souvent dans les ventes d'objets certains, de sorte que la réparation constitue alors l'équivalent de la livraison de remplacement pour les choses de genre.

Selon la Convention de Vienne, la possibilité de demander la réparation des défauts est soumise à deux conditions. D'une part, elle ne peut être demandée que si cela est raisonnable eu égard à toutes les circonstances. D'autre part, la réparation doit être demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation (art. 46, 3e al.).

L'article 48 donne ensuite au vendeur le droit de procéder à la réparation. Mais ce procédé ne doit entraîner aucun retard déraisonnable pour l'acheteur. En outre, il ne doit causer à l'acheteur ni inconvénients majeurs ni incertitude quant au remboursement des frais engagés. En plus, l'acheteur conserve le droit de demander des dommages-intérêts pour le retard, même si le vendeur remplit par la suite toutes ses obligations découlant du contrat (1er al.).

Le droit du vendeur de procéder à la réparation n'exclut pas que l'acheteur procède au préalable à la résolution du contrat, dans la mesure où les conditions nécessaires pour cela sont remplies. L'article 48,2e alinéa, permet par conséquent au vendeur de se faire une idée précise au sujet de sa faculté de procéder à la réparation. Il peut demander à l'acheteur de se déterminer sur sa proposition de réparer les défauts et lui indiquer dans quels délais il compte remplir ses obligations contractuelles. Par cette communication, qui est sujette à réception (4e al.), les autres droits de l'acheteur, dans la mesure où ils sont incompatibles avec la réparation, sont suspendus durant tout le délai indiqué. Si l'acheteur ne répond pas dans un délai raisonnable, le vendeur peut exécuter ses obligations dans le délai qu'il a indiqué dans sa demande. L'exercice du droit de procéder à la réparation exige
du vendeur un comportement très minutieux. L'article 48, 2e alinéa, contient par conséquent un certain allégement en sa faveur. S'il communique à l'acheteur seulement son intention d'exécuter ses obligations dans un certain délai, il y a une présomption que cette communication contient un avis au sens du 2e alinéa. Le fait que le vendeur omette d'inviter l'acheteur à se déterminer ne doit pas avoir comme effet de le priver de son droit de procéder à la réparation. Mais le vendeur doit dans tous les cas indiquer dans quel délai il entend procéder à l'exécution. La communication n'a aucune valeur si aucun délai n'y est indiqué. Si l'acheteur ne réagit pas après avoir reçu une telle déclaration, le vendeur n'est pas autorisé à procéder à la réparation. Cette sévérité est justifiée parce que la communication provoque la suspension de tous les autres droits de l'acheteur.

761

232.45

Résolution du contrat

En droit suisse, la résolution est exclue si l'objet de la vente a péri par la faute de l'acheteur ou si ce dernier l'a revendu ou transformé en ayant connaissance du défaut. En outre, la résolution est exclue si l'acheteur a besoin de la marchandise dans la mesure où ce besoin constitue un renoncement à la résolution. Par ailleurs, le juge a la possibilité de prononcer la réduction du prix en lieu et place de la résolution si les circonstances ne justifient pas la résolution du contrat (cf.

art. 205, 2e al, et 207 CO).

La Convention de Vienne prévoit deux restrictions à la résolution du contrat.

D'une part, une contravention essentielle au contrat (art. 25) est nécessaire pour que les parties puissent faire valoir ce droit. D'autre part, la convention pose des limites temporelles pour la résolution du contrat. L'article 49,1er alinéa, lettre a, énonce le principe que la résolution du contrat n'est possible qu'en cas de contravention essentielle au contrat. L'article 49, 1er alinéa, lettre b, permet à l'acheteur de déclarer le contrat résolu en cas de défaut de livraison lorsque le vendeur ne livre pas les marchandises dans le délai supplémentaire qui lui a été imparti ou qu'il déclare qu'il ne les livrera pas dans le délai ainsi imparti. La possibilité de faire d'une contravention au contrat une contravention essentielle en impartissant un délai supplémentaire au vendeur n'existe donc que lorsque ce dernier est en mesure de faire une livraison de remplacement, c'est-à-dire lorsqu'il est en demeure. Si le vendeur a livré une marchandise de mauvaise qualité ou autre que convenue, l'acheteur ne peut résoudre le contrat que dans les cas où cette livraison constitue une contravention essentielle au contrat.

Les limites temporelles pour la résolution du contrat sont fixées par l'article 49, 2e alinéa. Ainsi, l'acheteur est déchu du droit de déclarer le contrat résolu s'il ne le fait pas dans un délai raisonnable à partir du moment où il a su que la livraison tardive avait été effectuée (2e al., let. a). Là encore, la livraison tardive doit constituer une contravention essentielle au contrat. En cas de contravention autre que la livraison tardive, l'acheteur doit également déclarer le contrat résolu dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu connaissance de cette contravention, qu'il
s'agisse d'un cas de réparation exécutée par le vendeur (1er al, let. b) ou d'un autre cas (cf. 2e al., let. i, ii, iii).

Les limites posées à la résolution du contrat sont adaptées aux nécessités du commerce international. Le droit de résolution constitue une charge très lourde pour le vendeur, surtout en cas de livraison défectueuse, parce que cette résolution implique nécessairement la reprise de la marchandise défectueuse. Par conséquent, les conditions dans lesquelles l'acheteur peut user de ce droit sont très strictes.

En droit suisse, la résolution est aussi soumise à diverses limitations. En général, il s'agit d'une concrétisation du principe de la bonne foi par laquelle on empêche la partie lésée de faire valoir ses droits en usant de mauvaise foi (cf. art. 205, 2e al, CO).

762

232.46

Réduction

En droit suisse, l'acheteur peut demander la réduction du prix de vente lorsqu'il fait valoir des défauts, à moins que la réduction demandée ne soit équivalente au prix de vente (cf. art. 205, 3e al., CO). Une autre limitation de la prétention en réduction découle de l'article 2 CC. Ainsi, l'acheteur ne pourra pas demander de réduction lorsque, les défauts étant faciles à éliminer, le vendeur lui offre une réparation immédiate et qu'il n'en découle aucun inconvénient pour l'acheteur.

Selon la doctrine dominante, le montant de la réduction est établi selon ce que l'on appelle la méthode relative de calcul. Cela veut dire que le prix de vente est réduit dans la proportion qu'il y a entre la valeur objective de l'objet sans défaut et la valeur objective du même objet entaché de défauts. Cette méthode de calcul permet de tenir compte du prix convenu par les parties, celui-ci ne correspondant pas forcément au prix objectif. Le moment de la conclusion du contrat est déterminant pour l'évaluation du prix de l'objet vendu, mais lorsque les risques ont passé à l'acheteur à une date ultérieure, c'est cette date qui est prise en considération (cf. ATF 45 II 60).

La Convention de Vienne permet à l'acheteur de demander la réduction du prix.

Une contravention grave au contrat n'est pas nécessaire (art. 50). En outre, une communication non sujette à réception lui suffit pour déclarer sa volonté de procéder à une réduction.

Ce droit de réduction est refusé à l'acheteur si le vendeur répare ultérieurement tout manquement à ses obligations, que ce soit en cas de livraison anticipée (art. 37) ou dans le cadre du droit de réparation autorisé (art. 48). Selon le texte de la règle, le droit de réduction n'est donné que pour les défauts de conformité des marchandises. On doit se demander par conséquent si l'acheteur n'a pas droit à la réduction lorsqu'il fait valoir un vice juridique. Lors des débats, les discussions qui ont eu lieu à ce sujet sont restées sans résultat. De toute manière, que l'on admette le droit de réduction pour les vices juridiques ou non, on aboutit au même résultat. En effet, si on admet que l'article 50 ne concerne que la garantie pour les défauts de la marchandise, on est en présence d'une lacune en ce qui concerne la garantie contre l'éviction. Cette lacune doit être comblée par l'application
de l'article 7, 2e alinéa. Il est exclu de se reporter au droit national puisqu'il s'agit d'une question qui relève du champ d'application de la convention.

Les principes généraux de la convention ne permettent pas d'arriver à la conclusion que le droit de réduction est exclu pour les vices juridiques. Par conséquent, il faudra se reporter aux principes généraux qui sont à la base du droit de réduction. L'application analogique de l'article 50 s'impose alors tout naturellement.

La méthode de calcul prévue par la convention pour la détermination du montant de la réduction est très différente de celle qui est utilisée en droit suisse: c'est la différence entre la valeur de la marchandise entachée de défauts et celle de la marchandise qui est conforme au contrat qui est déterminante, et non pas la proportion entre ces deux valeurs. En outre, le droit suisse tient compte du moment de la livraison et non de celui de la conclusion du contrat pour faire le calcul. La règle de la convention a pour conséquence que l'acheteur respectueux du contrat pourrait éventuellement perdre les avantages d'une bonne affaire. Par 763

ailleurs, elle ne tient pas compte des accords entre parties, alors que ceux-ci peuvent prévoir des différences considérables par rapport aux prix usuels.

232.47

Dommages-intérêts

Outre les moyens de droit évoqués ci-dessus, l'acheteur a toujours la possibilité de demander des dommages-intérêts. Il y a là une différence avec le code des obligations, qui n'évoque pas les dommages-intérêts en cas de réduction de prix.

La question de savoir s'il est malgré tout possible d'en demander en se fondant sur l'article 97 CO est controversée.

Selon la Convention de Vienne, chacune des parties peut avoir droit à des dommages-intérêts. Les questions qui s'y rapportent ne sont par conséquent pas traitées dans la section relative aux moyens dont dispose l'acheteur en cas de contravention au contrat par le vendeur, mais dans le dernier chapitre relatif aux dispositions communes (art. 74 à 77; cf. ch. 235.2).

232.48

Contravention au contrat en cas d'exécution partielle

Selon l'article 51, les droits de l'acheteur sont limités à la partie manquante ou non conforme (1er al.). L'acheteur ne peut déclarer le contrat résolu dans sa totalité que si l'exécution défectueuse constitue une contravention essentielle au contrat (2e al.).

232.49

Livraison anticipée

Ainsi que cela a été dit ci-dessus (cf. ch. 232.23, let. c), l'acheteur est libre d'accepter une marchandise livrée avant la date fixée. S'il le fait, la livraison anticipée est considérée en principe comme étant conforme au contrat (art. 52, 1er al). Selon l'article 52,2e alinéa, l'acheteur peut accepter ou refuser de prendre livraison d'un quantité excédentaire livrée par le vendeur mais s'il l'accepte, il doit la payer selon le tarif convenu et le prix est augmenté d'autant. L'acheteur peut se faire rembourser par le vendeur les dépenses supplémentaires qui ont résulté de l'acceptation d'une livraison anticipée ou excédentaire. Sont exclus les cas où l'acheteur, en acceptant la livraison, accepte une offre du vendeur qui modifie le contrat. Pour décider s'il y a modification du contrat ou si l'on se trouve en présence d'un cas d'application de l'article 52, il faut tenir compte de toutes les circonstances et appliquer les règles d'interprétation de l'article 8 (cf. ch. 212.1).

233

Obligations de l'acheteur (art. 53 à 65)

Le troisième chapitre des règles matérielles sur la vente (art. 53 à 65) est construit de la même manière que le chapitre sur les obligations du vendeur qui le précède.

Comme le fait l'article 30 pour le vendeur, l'article 53 énumère les obligations principales de l'acheteur. Celles-ci sont ensuite précisées dans les sections 764

suivantes. Sous le titre «paiement du prix», la première section (art. 54 à 50) traite des modalités de paiement. La deuxième section (art. 60) règle la prise de livraison. Enfin, la dernière section (art. 61 à 65) décrit les moyens dont dispose le vendeur en cas de contravention au contrat par l'acheteur.

233.1

Obligations de l'acheteur en général

Selon l'article 53, l'acheteur s'oblige à payer le prix et à prendre livraison des marchandises. La Convention de Vienne, contrairement au code des obligations, ne considère pas le fait de prendre livraison comme une participation de l'acheteur à l'exécution (cf. von Thur/Siegwart, Allg. Teil des schweizerischen Obligationenrechts, vol. II, p. 508), mais comme une de ses obligations principales. Bien que l'article 53 ne le dise pas expressément, les parties peuvent prévoir d'autres obligations pour l'acheteur, par exemple l'obligation de fournir des sûretés, l'obligation de demander la marchandise lors de ventes avec livraisons successives, l'obligation de donner des indications pour l'expédition ou le respect de règles de distribution. Cette possibilité résulte aussi bien du caractère dispositif de la convention que du libellé de l'article 61, 1er alinéa. On doit dès lors se demander si les obligations supplémentaires convenues par les parties concernant le contenu et les modalités de la vente sont soumises à la convention ou s'il faut analyser ces questions sous l'angle du droit désigné par les règles de conflit. Ce problème doit être résolu à la lumière de l'article 7, 2e alinéa. Il faut donc voir en premier lieu si les obligations contractuelles de l'acheteur tombent dans le champ d'application de la convention sans être expressément réglées par celle-ci. Dans l'affirmative, il faut résoudre les problèmes posés en se servant des principes généraux tirés de la convention. S'il n'existe pas de principes généraux ou si la question n'est pas couverte par le champ d'application de la convention, la solution doit être apportée par le droit matériel désigné par les règles de droit international privé. La validité des obligations de l'acheteur est expressément exclue du champ d'application de la convention par l'article 4, lettre a. Il faudra donc se référer au droit national désigné par les règles de conflit pour résoudre ce genre de questions. Il reste à déterminer dans quelle mesure le contenu et les modalités des obligations conventionnelles supplémentaires sont régis par la convention. Il ressort de la définition du champ d'application matériel (art. 4), que la convention règle en principe toutes les obligations qui incombent à l'acheteur. On ne peut pas dire d'une manière générale si la convention
permet de dégager des principes généraux pour toutes ces obligations ou s'il faut, pour certaines d'entre elles, avoir recours au droit national désigné. Il conviendra de voir dans chaque cas particulier si les règles existantes suffisent pour trouver une solution satisfaisante en passant par les principes généraux. Dans la doctrine, il a déjà été soutenu que les obligations conventionnelles supplémentaires de l'acheteur ne tombent pas dans le champ d'application de la convention (cf. Schlechtriem P., op. cit., p. 72, note 317).

* 233.2

Paiement du prix de vente

La première section établit d'abord l'obligation de l'acheteur de payer le prix de vente (art. 54). Elle prévoit ensuite une solution pour le cas où les parties n'ont 765

pas convenu de prix (art. 55). En outre, elle contient des règles d'interprétation pour fixer le prix d'après le poids des marchandises (art. 56), ainsi que des dispositions sur le lieu (art. 57), le moment (art. 58) et l'échéance du paiement (art. 59).

233.21

En général

L'obligation de payer le prix (art. 54) comprend aussi celle de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre le paiement du prix. On y inclut par exemple l'obligation de l'acheteur de présenter un accréditif, de trouver une garantie bancaire ou d'obtenir une autorisation en matière de devises. Ne pas remplir une telle obligation signifie dans tous les cas l'inexécution du contrat, ce qui entraîne les conséquences prévues par les articles 62 ss.

Vu l'article 54, il convient d'examiner très soigneusement la limite qui existe entre les obligations qui sont nécessairement liées à celle de payer le prix et les autres mesures qui sont en relation avec l'obligation de payer le prix. Les obligations nécessaires tombent sous le coup de l'article 54 alors qu'en ce qui concerne les autres mesures, il faut examiner à chaque fois si la convention est applicable.

233.22

Règles sur le montant du prix de vente

Relevons tout d'abord que la convention ne se détermine pas expressément au sujet de la monnaie de paiement. On doit cependant admettre que celle-ci fait partie de la fixation du prix et qu'elle doit par principe être au moins déterminable. Le même raisonnement est valable pour les clauses de valeur ou d'indexation, sous réserve des règles de droit imperatives qui interdisent de telles clauses.

Deux articles de la convention (art. 55 et 56) facilitent l'interprétation de la fixation du prix. L'article 55 doit être lu en relation avec l'article 14. Alors que l'article 14 exige qu'une offre valable contienne un prix déterminé ou déterminable, l'article 55 règle le cas où les parties n'ont convenu ni expressément ni tacitement d'un prix et n'ont fixé aucun élément permettant de le déterminer.

Ainsi que cela a été dit au chiffre 222.4, l'article 55 n'est applicable que lorsque l'article 14 ne l'est pas. Les parties sont alors réputées s'être tacitement référées au prix habituellement pratiqué pour les marchandises considérées dans des circonstances comparables. L'article 55, à l'instar de l'article 212, 2e alinéa, CO, suppose donc que la marchandise ait un prix courant. On doit comprendre par prix courant le prix à payer pour la même marchandise dans des circonstances semblables dans la branche considérée, mais pas nécessairement dans le même lieu. Le prix doit être determinatale de manière objective. Celui qui entend se fonder sur l'article 55 doit par conséquent prouver l'existence d'un prix courant et le montant de celui-ci.

^ L'article 56 contient une autre règle d'interprétation. Si le prix est fixé d'après le poids des marchandises, c'est le poids net qui, en cas de doute, est déterminant. Le code des obligations (art. 212,2e al.) prévoit la même solution. Il faut donc mettre en déduction le poids de l'emballage. On pourra se référer à la doctrine et à la jurisprudence suisse relative à l'article 212, 2e alinéa, CO pour dire ce qu'est un 766

poids net au sens de la convention. On pourra en particulier fixer la limite entre l'emballage et la marchandise en se référant à la notion de rapport dépassant le lien fonctionnel et donnant à «l'emballage» un caractère d'accessoire.

L'article 56 ne traite que du poids. Le terme peut sans hésitation être interprété de manière extensive. On y inclura donc toutes les unités de mesure. Il n'y a aucune indication permettant de dire si l'acheteur peut conserver l'emballage. Toutefois, la réponse à cette question sera en général affirmative. Le contraire peut néanmoins découler du contrat, des usages commerciaux ou des habitudes qui se sont établies entre les parties. La convention ne dit pas non plus si le vendeur peut facturer les frais d'emballage en sus ou si ceux-ci sont compris dans le prix de vente. Parmi les règles sur les obligations du vendeur, l'article 35, 2e alinéa, lettre d, précise que la marchandise n'est conforme au contrat que si elle est emballée d'une manière habituelle ou propre à la protéger. On peut en déduire que les frais d'emballage sont en général compris dans le prix de vente. Là encore, les usages commerciaux et les habitudes établies entre parties sont réservés.

Le code des obligations contient par contre une règle expresse sur les frais d'emballage. Ceux-ci font partie des frais de la délivrance et sont à la charge du vendeur sauf usage ou convention contraire (art. 188 CO).

233.23

Lieu du paiement

Si aucun lieu de paiement n'a été convenu de façon expresse ou tacite, l'acheteur est tenu de payer le vendeur à l'établissement de celui-ci (art. 57, 1er al, let. a).

Comme le code des obligations, la Convention de Vienne part donc du principe que le prix est une dette portable.

Les frais liés à la remise du prix de vente sont à la charge de l'acheteur, qui supporte aussi les risques y relatifs. Si le vendeur a plusieurs établissements, il faut prendre en considération celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat. Si le vendeur n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle en tient lieu (cf. art. 10).

Le contrat, les usages commerciaux ou les habitudes peuvent imposer un autre lieu de paiement. Les conditions nécessaires pour que l'on puisse parler d'une habitude qui se serait établie entre les parties sont en l'espèce aussi sévères que dans les autres cas. Ainsi, si le vendeur indique une relation bancaire, on admettra au premier abord qu'il se déclare seulement d'accord d'accepter un paiement en ce lieu. L'acheteur a cependant toujours la possibilité d'exécuter sa prestation au lieu d'établissement du vendeur. Ce n'est que si l'acheteur a effectué à plusieurs reprises successives ses paiements en passant par cette relation bancaire que l'on admettra qu'il y a une habitude qui s'est établie. L'acheteur sera alors obligé de passer par cette relation bancaire.

Si le paiement doit être fait contre remise des marchandises ou des documents, le lieu de cette remise constitue le lieu de paiement (art. 57, 1er al., let. b). Le 2e alinéa contient une règle visant à protéger l'acheteur. Le vendeur doit supporter toute augmentation des frais accessoires au paiement qui résultent de son changement d'établissement après la conclusion du contrat.

Il faut examiner à la lumière de l'article 57 et des autres règles de la convention si le fait de payer le prix à un lieu non valable constitue une contravention au contrat 767

et si cette contravention est essentielle. Lorsque par exemple les parties sont convenues de payer «caisse contre documents» au lieu d'établissement du vendeur et que cet échange est reporté, on pourra admettre que l'acheteur a commis une contravention au contrat. Mais lorsque le lieu de la remise ne se trouve pas à l'établissement du vendeur et qu'un report résulte du transfert du prix du lieu de remise à cet établissement, l'acheteur ne devra pas supporter les conséquences de ce retard. La convention ne dit pas si l'acheteur commet une contravention au contrat lorsque le vendeur ne lui indique pas à temps son changement d'établissement et que le paiement arrive en retard à ce nouvel établissement. Il s'agit de voir si cette communication est sujette à réception ou non. Vu ce qui a été dit au sujet de l'article 27 (cf. ch. 231.3), il faut admettre que cette communication est sujette à réception. C'est donc le vendeur qui devra supporter les conséquences d'un retard dans la communication. Il ne pourra pas se prévaloir d'une contravention au contrat si l'acheteur a entre-temps exécuté sa prestation à l'ancien établissement.

Mais lorsque le retard ne résulte pas de la transmission de l'avis du vendeur, mais du transfert de l'argent de l'ancien au nouvel établissement, il faut admettre que l'acheteur est responsable d'une contravention au contrat. Il lui reste cependant la possibilité de se libérer en application de l'article 79.

233.24

Moment du paiement et échéance

L'article 58,1er alinéa, établit le principe de l'exécution simultanée. Cette relation synallagmatique entre l'obligation de livrer et celle de payer correspond à l'article 184, 2e alinéa, CO. Sous réserve d'une convention contraire, l'acheteur doit payer le prix lorsque le vendeur met à sa disposition soit les marchandises soit des documents représentatifs des marchandises (art. 58,1er al., première phrase). La deuxième phrase du 1er alinéa précise en outre que le vendeur peut faire du paiement une condition de la remise des marchandises ou des documents. La convention exclut ainsi tout devoir de l'une ou l'autre partie de fournir une prestation préalable.

Le rappel exprès que cette règle n'est applicable qu'en l'absence d'un accord entre parties démontre qu'en ce qui concerne les modalités de paiement, le contrat contient souvent suffisamment d'indications. Dans ce domaine, les usages commerciaux et les habitudes, de même que les accords sur les clauses de livraison unifiées (Incoterms) sont très fréquents. Les documents représentatifs des marchandises comprennent tous les documents qui permettent à leur porteur de disposer de la marchandise. Il faut donc les interpréter de manière fonctionnelle, sans s'attacher à leur dénomination.

Le principe énoncé au 1er alinéa est modifié pour les contrats qui impliquent un transport des marchandises. Le vendeur peut faire l'expédition des marchandises en se réservant le pouvoir d'en disposer aussi longtemps que l'acheteur n'a pas procédé au paiement du prix. En pratique, on utilise pour cela souvent la clause «marchandise contre documents».

Le 3e alinéa prévoit enfin que l'acheteur doit avoir eu l'occasion d'examiner la marchandise. Les modalités de livraison ou de paiement qui ne lui accordent pas cette possibilité sont réservées. La faculté du vendeur de ne remettre les 768

marchandises ou les documents que contre le paiement du prix et celle de l'acheteur d'examiner la marchandise peuvent être parfaitement compatibles entre elles.

L'article 59 règle l'échéance. L'acheteur doit payer le prix à la date fixée dans le contrat ou résultant du contrat et de la convention, sans qu'il soit besoin d'aucun rappel ou autre formalité de la part du vendeur. Si le contrat ne contient aucune règle contraire, l'échéance tombera après un délai raisonnable dès la livraison.

Mais lorsque l'acheteur peut prévoir d'une manière certaine le moment de la livraison (vente à terme fixe), l'échéance tombera à ce moment. Si le paiement n'est pas effectué dans les délais, le vendeur peut faire usage des droits que lui confèrent les articles 61 à 65.

233.3

Prise de livraison

La deuxième section du chapitre traitant des obligations de l'acheteur est consacrée aux actes préparatoires (art. 60, let. a) et à la prise de livraison proprement dite (art. 60, let. b). L'acceptation de la livraison est une obligation principale de l'acheteur dans le système de la Convention de Vienne. Selon le code des obligations, il ne s'agit en principe que d'une faculté et exceptionnellement seulement d'une obligation principale (cf. Giger H., op. cit., N 4 s. ad art. 211 CO). Aux termes de l'article 60 de la convention, la prise de livraison a une double fonction: l'acceptation comprend d'une part tous les actes nécessaires pour que le vendeur puisse procéder à la livraison et d'autre part tous les actes nécessaires pour que l'acheteur puisse prendre possession des marchandises. Les actes préparatoires comprennent notamment la spécification lorsque le contrat de vente la prévoit, ainsi que la demande de ventes avec livraisons successives.

La convention ne règle pas les questions de transfert de possession et de propriété. La prise de livraison ne peut donc être qualifiée que d'action de fait sans relation avec les effets réels qu'elle entraîne.

L'article 60 ne dit pas à quel moment la prise de livraison doit avoir lieu. On peut cependant trouver un indice à l'article 69, selon lequel les risques sont transférés à l'acheteur à partir du moment où les marchandises sont mises à sa disposition et «où il commet une contravention au contrat en n'en prenant pas livraison».

En parallèle avec l'article 59, il faudra donc laisser à l'acheteur un certain délai pour procéder à la prise de livraison, à moins que les circonstances n'exigent une prise de livraison immédiate. Là encore, il faut tenir compte des usages commerciaux et des habitudes qui se sont établies entre les parties.

233.4 233.41

Moyens dont dispose le vendeur en cas de contravention au contrat par l'acheteur En général

Le système des droits du vendeur en cas de contravention au contrat par l'acheteur est plus simple (art. 61 à 65) que celui des droits de l'acheteur (cf. art. 45 à 52). En effet, les moyens dont dispose le vendeur sont plus restreints de par la 769

nature même de la vente. Dans ce cas aussi, la convention part de la notion de contravention au contrat. Elle construit ainsi un système synallagmatique des droits des deux parties.

Le vendeur peut en principe faire valoir tous ses droits de manière simultanée, à moins qu'ils ne s'excluent les uns les autres. Il peut demander le paiement du prix (art. 62) ou, au lieu d'exiger l'exécution, décider la résolution du contrat (art. 64).

Il a en outre la possibilité de procéder à la spécification nécessaire en lieu et place de l'acheteur (art. 65). Dans tous les cas, le vendeur peut demander des dommages-intérêts.

233.42

Principe

Selon l'article 61,1er alinéa, le vendeur est fondé à exercer les droits prévus aux articles 62 à 65 (let. a) et à demander des dommages-intérêts (let. b). Par analogie aux droits de l'acheteur, l'article 61, 2e alinéa, précise que le vendeur ne perd pas le droit de demander des dommages-intérêts lorsqu'il exerce son droit de recourir à un autre moyen. De même, le juge ne peut accorder aucun «délai de grâce» à l'acheteur qui a commis une contravention au contrat (art. 61, 3e al.). Enfin, l'article 61 exclut tacitement l'application d'autres moyens de droit, que le droit national du juge saisi pourrait prévoir en faveur de l'acheteur (cf. par analogie l'art. 45, ch. 232.41 in fine).

233.43

Exécution

La Convention de Vienne accorde au vendeur le droit de demander l'exécution du contrat quelle que soit la gravité de la contravention (art. 62). Ce droit n'est limité que dans la mesure où il serait incompatible avec un autre moyen, par exemple la résolution du contrat. Cependant, dans les cas où il ne s'agit pas du paiement du prix de vente proprement dit, le droit à l'exécution peut être mis en échec par l'article 28. En effet, les Etats qui ne connaissent pas d'action en exécution ne sont pas tenus de donner suite à une telle requête (cf. ch. 231.4).

Selon l'article 63, le vendeur peut impartir à l'acheteur un délai supplémentaire de durée raisonnable pour l'exécution de ses obligations (1er al.). Tant que court ce délai, le vendeur ne peut faire usage d'aucun des moyens dont il dispose, à moins qu'il n'ait reçu de l'acheteur une notification l'informant que celui-ci n'exécuterait pas ses obligations dans le délai imparti. Cette communication est sujette à réception. Elle diverge donc ainsi du principe général qui régit la troisième partie de la convention, mais correspond aux prescriptions édictées pour les droits de l'acheteur (art. 47, 2e al.). Toutefois, en accordant un délai supplémentaire, le vendeur ne perd pas le droit de demander des dommages-intérêts pour retard dans l'exécution (art. 63, 2e al.).

233.44

Résolution du contrat

En droit suisse, le vendeur possède, outre le droit de demander l'exécution, celui de se retirer du contrat. Cependant, les conditions dans lesquelles un tel retrait 770

peut se faire diffèrent en fonction des besoins liés à chaque type de vente: on distingue la vente avec paiements préalables, l& vente avec paiement immédiat et la vente à crédit. Dans ce dernier cas, le vendeur ne peut se départir du contrat que s'il s'en est expressément réservé le droit (art. 214,3e al., CO). Pour les ventes avec paiement immédiat, le retrait n'est possible qu'au moment prévu pour l'échange des prestations. Si les parties sont convenues d'un paiement préalable, le vendeur doit immédiatement informer l'acheteur qu'il entend utiliser son droit de résolution. S'il ne le fait pas, l'article 107 CO l'oblige à impartir un délai supplémentaire à l'acheteur.

La Convention de Vienne n'autorise pas non plus la résolution du contrat dans tous les cas. Elle pose comme condition que. l'acheteur doit avoir commis une contravention essentielle au contrat (art. 64, 1er al, let. a) ou qu'il n'exécute pas ses obligations dans le délai supplémentaire imparti par le vendeur (art. 64,1er al., let. b). C'est l'article 25 qui dit ce qu'est une contravention essentielle qui permet au vendeur de déclarer la résolution immédiate du contrat. Il faudra donc examiner dans chaque cas particulier si l'acheteur, en ne respectant pas l'une de ses obligations, a commis une contravention essentielle. On peut ainsi imaginer que l'acheteur qui ne paie pas en temps voulu des marchandises dont le prix courant est soumis à de fortes variations contrevient de manière essentielle au contrat. Le droit du vendeur de déclarer le contrat résolu est cependant encore limité à plusieurs égards. Ainsi, lorsque l'acheteur en demeure exécute ses obligations tardivement, le vendeur ne peut faire usage de son droit qu'aussi longtemps qu'il ne sait pas que l'exécution a eu lieu (art. 64, 2e al., let. a). Dans tous les autres cas, le vendeur perd son droit de résoudre le contrat s'il ne le fait pas dans un délai raisonnable dès le moment où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la contravention (art. 64,2 e al., let. b, eh. i). Il perd enfin son droit s'il n'en fait pas usage dans un délai raisonnable après l'expiration de tout délai supplémentaire imparti à l'acheteur (art. 64, 2e al., let. b, ch. ii). Ces limitations formulées de façon relativement compliquée, visent à contraindre le vendeur à une décision rapide.

Les avis de résolution obéissent au principe général qui régit cette partie de la convention, à savoir le principe de l'expédition.

233.45

Spécification par le vendeur

L'article 65 règle le cas particulier de la vente avec spécification. Si l'acheteur ne procède pas à la spécification nécessaire, le vendeur peut y procéder à sa place.

Cette possibilité n'est donnée que si l'acheteur ne procède pas à la spécification à la date convenue ou dans un délai raisonnable à compter de la réception d'une demande du vendeur l'invitant à agir dans ce sens. En dérogation au principe général, cette demande du vendeur est sujette à réception. En outre, l'acheteur dispose d'un délai raisonnable pour s'exécuter.

Le vendeur doit effectuer la spécification en fonction des besoins de l'acheteur dont il peut avoir connaissance (1er al.). Par la suite, le vendeur doit aviser l'acheteur de la spécification intervenue et lui impartir un délai raisonnable. Cet avis est à nouveau sujet à réception. Si l'acheteur ne procède pas à une 771

spécification différente dans le délai imparti, celle du vendeur est définitive (2e al.).

Le texte de l'article 65, 2e alinéa, ne permet pas de dire si la communication de l'acheteur qui informe le vendeur d'une spécification différente est sujette à réception ou si elle obéit au principe de l'expédition. On doit ainsi se demander si le fait que deux des déclarations énumérées à l'article 65 soient sujettes à réception est valable aussi pour la troisième ou si celle-ci obéit de nouveau au principe de l'expédition établi par l'article 27. A notre avis, toutes les déclarations prévues à l'article 65 sont sujettes à réception. On peut en effet difficilement imaginer qu'un seul article prévoie l'application de deux principes opposés. En outre, cette manière de voir les choses correspond à l'interprétation des principes généraux sur la validité de déclarations soutenue ci-dessus. Ainsi que cela a été dit, la troisième partie de la convention prévoit en général le principe de l'expédition. Les cas où les déclarations sont sujettes à réception sont ceux où elles provoquent l'échéance d'une obligation et ceux où elles émanent de la partie qui a commis une contravention au contrat. En l'espèce, il s'agit d'un acheteur en demeure qui n'est pas d'accord avec la spécification proposée par le vendeur et qui en informe ce dernier. Il a donc la position de la partie qui n'a pas tenu ses engagements et doit par conséquent supporter le risque lié à la validité de sa déclaration.

234

Transfert des risques (art. 66 à 70)

234.1

En général

Dans la pratique, c'est essentiellement la partie qui supporte le risque du prix qui est concernée par le problème du transfert des risques. Il est dans la nature des choses que le risque du prix ne puisse se concrétiser que dans la période relativement brève qui se situe entre la formation du contrat et le transfert de la marchandise. Avant la formation du contrat, c'est toujours le vendeur qui supporte le risque du prix alors que, dès le transfert de la marchandise, ce risque passe à l'acheteur. Mais en ce qui concerne la brève période qui se situe entre la formation du contrat et le transfert des marchandises, on peut imaginer de nombreux systèmes. Les règles de la Convention de Vienne ont par conséquent fait l'objet de discussions longues et détaillées. Elles constituent un compromis qui essaye de tenir compte des intérêts des deux parties. Elles présentent une différence importante avec le droit suisse. En effet, le code des obligations règle le transfert des risques en faveur du vendeur, en ce sens que le risque passe à l'acheteur dès la conclusion du contrat (art. 185,1er al., CO). Mais il convient de remarquer que la conception du code des obligations n'est pas très répandue dans les autres ordres juridiques. Toutefois, le système du transfert des risques prévu par la Convention de Vienne n'aura probablement pas une grande audience non plus puisque les parties peuvent prévoir une réglementation différente, notamment en se référant aux Incoterms. Ainsi, les règles de la convention n'apportent en pratique aucun changement essentiel pour des parties contractantes suisses.

772

·*

L'article 66 de la convention règle le risque, les articles 67 à 69 définissent le moment du transfert des risques et l'article 70 traite de la relation qui existe entre le risque et la contravention au contrat. Il y a lieu d'insister sur le fait que, en application de l'article 6, les parties peuvent déroger aux règles de ce chapitre.

234.2

Principe

L'article 66 dit que la question du risque ne concerne que le risque du prix. La perte ou la détérioration de la marchandise suivenue après le transfert des risques à l'acheteur ne libèrent pas celui-ci de son obligation de payer le prix. Mais l'acheteur conserve les prétentions qui découlent d'une action ou d'une omission du vendeur dont ce dernier est responsable. On citera par exemple la détérioration d'une marchandise déjà livrée lorsque le vendeur vient reprendre les conteneurs dans lesquels elle se trouvait. Selon l'opinion dominante, il est sans importance de savoir si, par son comportement, le vendeur a commis une contravention au contrat pour que le transfert des risques n'ait pas lieu. Dans l'exemple évoqué ci-dessus, si les parties ont convenu une clause FOB (free on board), la détérioration de la marchandise par le vendeur ne peut pas être considérée comme une contravention au contrat. Mais il s'agit éventuellement d'un comportement illicite. L'acheteur ne serait donc pas tenu de payer le prix. En outre, il pourrait faire valoir des dommages-intérêts sur la base de la responsabilité extracontractuellé du vendeur.

Dans la plupart des cas, un comportement du vendeur qui provoque la perte ou la détérioration de la marchandise constituera en même temps une contravention essentielle au contrat. L'article 70 dit clairement que les règles sur le transfert des risques ne portent pas atteinte aux moyens dont dispose l'acheteur en raison d'une contravention essentielle au contrat. L'acheteur a ainsi la faculté, même si le transfert des risques a eu lieu, de déclarer la résolution du contrat et de rendre ainsi caduc son devoir de payer le prix. Il a aussi la possibilité de demander une livraison de remplacement si les conditions de celle-ci sont remplies (art. 46, 2 e al.). Lorsque la marchandise est transférée à l'acheteur ou au premier transporteur, les risques passent en principe à l'acheteur (art. 67 à 69). Mais en cas de résolution justifiée du contrat ou de demande de livraison de remplacement, les risques sont transférés avec effet rétroactif au vendeur.

234.3

Moment du transfert des risques

234.31

En général

Comme la Convention de Vienne ne régit pas les effets de la vente sur le transfert de propriété (art. 4, let. b), le moment du transfert des risques ne pouvait être réglé en relation avec le transfert de propriété. En outre, la CNUDCI a renoncé à relier le transfert des risques à la notion juridique de livraison, comme le faisait le droit uniforme de La Haye. Les risques sont bien plutôt transférés au moment de la livraison effective de la marchandise à l'acheteur (art. 69, 1er al.).

La Convention est construite en fonction des relations internationales. Elle règle d'abord la vente à distance (art. 67) ainsi que la vente de marchandises en cours de 53 Feuille fédérale. 141e année. Vol. 1

773

transport (art. 68). Le principe de l'article 69 (1er al.), selon lequel les risques sont transférés à l'acheteur lorsqu'il prend livraison de la marchandise, n'a donc qu'une fonction subsidiaire. Cette hiérarchie des règles tient compte de la situation réelle dans les ventes internationales.

234.32

Vente à distance

Selon l'article 67,1er alinéa, lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises et que le vendeur n'est pas tenu de les remettre en un lieu déterminé, les risques sont transférés à l'acheteur à partir de la remise de la marchandise au premier transporteur. Lorsque le vendeur est tenu de remettre les marchandises en un lieu déterminé, les risques sont transférés à partir de la remise en ce lieu. Le fait que le vendeur soit autorisé à conserver les documents de transport n'affecte pas le transfert des risques (art. 67, 1er al.).

Cette réglementation correspond à celle que prévoit le code des obligations pour la vente à distance (art. 185, 2e al., CO). En accord avec le droit suisse, la Convention de Vienne dit que l'on est en présence d'une vente à distance lorsque, selon le contrat, la marchandise doit être transportée en un lieu autre que le lieu d'exécution et qu'un tiers assure ce transport (art. 31, let. a; ch. 232.2). Comme il a été précisé ci-dessus on n'est pas en présence d'une vente à distance lorsque le vendeur assure le transport en passant par un expéditeur faisant partie de sa propre maison. En effet, la remise de la marchandise à un tiers pour qu'il en assure le transport implique que la marchandise sort de la sphère d'influence du vendeur. Parallèlement, il ne doit pas non plus y avoir indentile entre le transporteur et l'acheteur ou un de ses auxiliaires. Mais cette seconde délimitation est moins importante parce que l'acheteur doit supporter les risques à partir du même moment dans les deux cas. Le fait que la marchandise doive être remise pour le transport à un expéditeur indépendant peut conduire à des problèmes délicats de délimitation. Souvent, la réponse dépendra de l'organisation juridique interne du vendeur. Dans un groupe, la société-mère qui a conclu le contrat de vente doit-elle se laisser imputer le comportement de sa filiale chargée du transport? Doit-on considérer cette dernière comme un transporteur indépendant ou entre-t-elle encore dans la sphère d'influence du vendeur? Dans la première hypothèse, les risques seraient transférés à l'acheteur avant le transport, mais dans la seconde hypothèse il en irait autrement. On ne saurait trouver une réponse générale à cette question et à d'autres qui lui sont semblables. Mais on peut éviter une solution trop
injuste pour le vendeur en appliquant la possibilité d'exonération prévue à l'article 79 (cf. ch. 235.4).

L'article 67, 2 e alinéa, exige, pour le transfert des risques en cas de vente de choses fongibles, que la marchandise puisse être clairement identifiée aux fins du contrat, «que ce soit par l'apposition d'un signe distinctif sur les marchandises, par un avis donné à l'acheteur ou par tout autre moyen». Cet avis donné par le vendeur n'est soumis qu'au principe de l'expédition. La Convention de Vienne ne permet pas de soutenir l'opinion, rencontrée parfois dans la doctrine suisse sur la vente à distance, selon laquelle on peut renoncer à la séparation de la marchandise si l'expéditeur procède à un transport de groupe. Cependant, même en droit suisse, la renonciation à la séparation de choses fongibles ne peut se faire que si 774

l'acheteur en est informé et a donné son accord. Un tel accord peut pourtant facilement être admis. En effet, le transport de groupe a des incidences très nettes sur les frais de transport qui sont à la charge de l'acheteur. Néanmoins, la renonciation à la séparation de choses fongibles exige l'accord, même tacite, de l'acheteur. Mais à condition que ces règles soient respectées, la convention permet aussi une dérogation aux exigences de l'article 67, 2e alinéa.

234.33

Marchandise en cours de transport

La règle d'exception pour le transfert des risques en ce qui concerne les marchandises en cours de transport est le résultat de longues discussions. L'article 68 présente donc tous les éléments d'un compromis. Selon cet article, les risques sont transférés à l'acheteur à partir du moment où le contrat est conclu. Toutefois, si les circonstances l'impliquent, les risques peuvent être mis à la charge de l'acheteur à compter du moment où les marchandises ont été remises au transporteur. Si, au moment de la conclusion du contrat de vente, le vendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que les marchandises avaient péri ou avaient été détériorées, la perte ou la détérioration sont à sa charge.

Plusieurs difficultés découlent de cette formule de compromis. L'exception, selon laquelle le moment du transfert des risques est anticipé «lorsque les circonstances l'impliquent», ne sera pas facile à interpréter. On a admis que l'on est en présence d'une telle circonstance lorsqu'une assurance de transport couvre les risques du vendeur. En effet, dans de tels cas, aucune autre règle sur les risques ne peut entrer en considération étant donné que l'assurance de transport couvre les risques pendant tout le temps que dure le transport. Divers points restent néanmoins en suspens. L'assurance de transport ne doit-elle par exemple influencer le moment du transfert des risques que lorsque l'acheteur est mis en possession des documents d'assurance? D'autres circonstances que l'assurance de transport peuvent-elles provoquer une exception? Il faut en outre y ajouter des questions de nature dogmatique.

La convention ne veut pas décider si un contrat de vente sur des marchandises en cours de transport qui ont déjà péri au moment de la conclusion du contrat est nul (art. 4, let. a), alors que le droit suisse admet que tel est le cas. L'article 68 suppose pourtant implicitement qu'un contrat sur une marchandise qui a déjà péri est valable. On peut déduire ce fait de la dernière phrase de l'article 68, selon laquelle la perte ou la détérioration de la marchandise sont à la charge du vendeur s'il en avait connaissance ou aurait dû en avoir connaissance au moment de la conclusion du contrat.

Il faudra voir à l'usage s'il est possible de trouver un moyen terme entre les articles 4 et 68.

Enfin, il convient
de relever encore ce qui suit au sujet de la dernière phrase de l'article 68. La Convention de Vienne ne se prononce pas sur la répartition du fardeau de la preuve. Il manque en particulier une règle générale sur la présomption de la bonne foi. Malgré cela, on peut admettre qu'il appartient à l'acheteur d'apporter la preuve de la mauvaise foi du vendeur. Cette preuve sera cependant difficile à apporter.

775

234.34

Réglementation subsidiaire

Comme relevé préliminairement, l'article 69, 1er alinéa, contient une règle de .principe permettant de déterminer le moment où les risques passent à l'acheteur.

Mais ce principe n'est applicable que lorsqu'il n'y a ni vente à distance (art. 67) ni vente de marchandises en cours de transport (art. 68). En cas de vente sur place, les risques sont transférés à l'acheteur au moment de la remise effective des marchandises. S'il ne remplit pas ses obligations liées à la prise de livraison, les risques lui sont néanmoins transférés. On tient alors compte du moment où l'acheteur commet une contravention au contrat en n'en prenant pas livraison. Le fait que le vendeur lui impartisse un délai supplémentaire (art. 63,1er al.) ne fait pas obstacle au transfert des risques. On ne voit pas bien si l'article 69,1er alinéa, ne concerne que la demeure de l'acheteur ou s'il s'applique aussi, malgré sa teneur restrictive, aux autres contraventions au contrat. A notre avis, nous sommes ici en présence d'une lacune qui doit être comblée par l'application de l'article 7. Il s'agit sans nul doute d'une question qui tombe dans le champ d'application de la convention. Si on fait abstraction de la règle exceptionnelle sur la marchandise en cours de transport, les articles existants permettent de dégager le principe suivant: le vendeur supporte le risque du prix aussi longtemps qu'il n'a pas abandonné le pouvoir de fait sur la marchandise. Ainsi, le risque passera à l'acheteur au moment où il obtient le pouvoir de fait sur la marchandise ou fait obstacle à ce passage par un comportement contraire au contrat. Par conséquent, s'il omet de donner un accréditif convenu contractuellement, le risque du prix passe néanmoins à son compte.

L'article 69, 2e alinéa, parle de la vente à distance. Dans ce cas, les risques passent à l'acheteur au plus tôt dès le moment où il peut prendre livraison de la marchandise. On suppose ainsi que la livraison est due et que l'acheteur sait que les marchandises sont à sa disposition. Lorsque la marchandise a été livrée de manière anticipée, que l'acheteur le sait et qu'il accepte cette livraison, le transfert des risques se fait aussi de manière anticipée.

Le dernier alinéa de l'article 69 est valable aussi bien pour la vente sur place (1er al.) que pour la vente à distance (2e al.). Il contient
une règle parallèle à l'article 65, 2 e alinéa: des marchandises non encore individualisées ne sont réputées avoir été mises à la dispositions de l'acheteur que lorsqu'elles ont été clairement identifiées aux fins du contrat.

235

Dispositions communes aux obligations du vendeur et de l'acheteur · (art. 71 à 88)

Le dernier chapitre du droit matériel sur la vente (art. 71 à 88) a pour but de décrire les droits et obligations communs aux deux parties. Il est divisé en six sections. La première section traite de la contravention anticipée et des contrats à livraisons successives (art. 71 à 73). La deuxième section parle des dommagesintérêts (art. 74 à 77) alors que la troisième règle les intérêts (art. 78). La quatrième section concerne l'exonération, matière importante s'il en est (art. 79 et 776

80). Les effets de la résolution du contrat sont régis par la cinquième section (art.

81 à 84). Enfin, la dernière section parle de la conservation des marchandises (art.

85 à 88).

235.1

Contravention anticipée et contrats à livraisons successives

Les trois articles de cette section concernent des situations dans lesquelles l'exécution du contrat ne peut plus être exigée de l'une des parties, en raison de circonstances particulières. L'article 71 concerne l'exception de l'aggravation, l'article 72 traite le cas de la résolution du contrat par suite d'une future contravention essentielle manifeste et l'article 73 vise la violation anticipée en cas de contrat à livraisons successives.

235.11

Exception d'aggravation

De manière semblable au droit suisse (art. 83,1er al, CO), une partie peut différer l'exécution de ses obligations lorsqu'il apparaît, après la conclusion du contrat, que l'autre partie n'exécutera pas une partie essentielle de ses obligations. Le 1er alinéa enumero les raisons d'une non exécution prévisible, à savoir une grave insuffisance de la partie «défaillante» dans sa capacité d'exécution ou sa solvabilité (let. a) ou la manière dont elle exécute ou s'apprête à exécuter le contrat (let. b).

L'article 71,1er alinéa, est surtout important lorsqu'une partie est tenue de faire une prestation préalable mais qu'elle ne s'est pas encore exécutée. Elle peut ainsi retenir sa prestation préalable lorsqu'il y a des circonstances particulières. Tel est le cas lorsqu'il apparaît que l'autre partie n'exécutera pas une partie essentielle de ses obligations. Il convient de voir de plus près s'il doit y avoir un danger réel de contravention au contrat. Le droit uniforme de La Haye prévoit expressément le danger d'une contravention essentielle au contrat comme condition pour faire valoir l'exception d'aggravation (art. 73 LUVI). Au cours des discussions au sein de la CNUDCI, une telle proposition a été formulée, mais elle a finalement été écartée. On a souhaité que l'article 71, qui prévoit la sanction relativement légère de la rétention, puisse s'appliquer aussi dans les cas où il n'y a pas encore lieu de craindre une contravention essentielle au contrat. En outre, la distinction entre la contravention essentielle imminente d'une part et l'inexécution imminente d'une partie essentielle des obligations contractuelles d'autre part, ne serait probablement pas possible dans la pratique.

L'article 71,1er alinéa, décrit, du point de vue tant subjectif qu'objectif, les raisons qui dispensent une partie de faire une prestation préalable. La convention prévoit comme raison objective l'aggravation de la situation économique et financière de la partie cocontractante (let. a). En effet, le fait qu'une partie ne sera pas en mesure d'exécuter ses obligations à cause d'une insuffisance grave dans sa capacité d'exécution représente une aggravation de sa situation économique. On peut aussi imaginer des cas où la partie cocontractante, bien que sa situation financière soit bonne, est menacée d'une limitation de ses exportations ou d'une grève qui l'empêchera d'effectuer sa livraison à temps. Il n'est pas nécessaire 777

qu'une faute soit commise pour que l'on puisse faire valoir l'exception d'aggravation. La constatation objective que la solvabilité d'une partie s'est détériorée ne devrait en principe présenter aucune difficulté. Il suffira pour cela d'une requête d'ouverture de faillite ou de pourparlers devant aboutir à un concordat.

L'article 71,1er alinéa, lettre b, concerne le comportement subjectif d'une partie.

Celui-ci doit laisser apparaître des doutes sérieux au sujet de l'intention d'exécuter le contrat. Là encore, aucune faute n'est nécessaire pour que l'on puisse faire valoir l'exception d'aggravation.

Dans tous les cas, les raisons invoquées doivent laisser apparaître l'incapacité d'exécuter. Afin d'en juger, on se reportera à l'appréciation qu'une personne raisonnable, placée dans la même situation, ferait des circonstances. Il est déterminant que l'incapacité d'exécuter ne doit pas forcément avoir pris naissance après la conclusion du contrat. L'exception peut être admise aussi si les circonstances négatives existaient déjà avant la conclusion du contrat mais ne sont apparues qu'après. C'est à nouveau l'appréciation qu'une personne raisonnable ferait de la situation qui est déterminante. Si le créancier aurait dû se rendre compte, en usant du soin nécessaire, que l'autre partie avait des difficultés, il ne peut pas se prévaloir de l'exception d'aggravation par la suite. Cette réglementation était très controversée au sein de la Conférence.

Dans ce cadre, il faut en outre s'intéresser à la relation qui existe entre les règles nationales sur les contestations fondées sur l'erreur et l'exception d'aggravation prévue par la Convention de Vienne. Il convient de se demander si une partie ne peut se fonder que sur l'article 71, 1er alinéa, ou si elle peut en même temps utiliser les règles nationales sur l'erreur. En principe, la contestation du contrat pour cause d'erreur conduit à la nullité du contrat, du moins en droit suisse.

On aborde ainsi une question qui n'entre certainement pas dans le champ d'application de la convention. Celle-ci contient cependant une règle expresse pour le cas où, au moment de la conclusion du contrat, une partie était dans l'erreur en ce qui concerne la capacité d'exécution de l'autre partie. La sanction prévue par la convention se limite avant tout à un droit de
rétention si la partie qui est dans l'erreur était tenue de faire une prestation préalable. Il faut en conclure que l'on ne saurait se fonder sur des moyens tirés du droit national lorsqu'il y a erreur sur la capacité d'exécution de l'autre partie. Par contre, les autres circonstances qui peuvent conduire à la contestation du contrat, par exemple le dol ou la crainte fondée, restent soumises au droit national.

L'article 71,2e alinéa, traite en particulier du cas du vendeur tenu à une prestation préalable qui a procédé à l'expédition de la marchandise avant que les raisons évoquées au 1er alinéa ne lui aient été révélées. Le vendeur peut alors s'opposer à la remise des marchandises à l'acheteur, même si celui-ci détient un document lui permettant de les obtenir. Le droit du vendeur de bloquer la livraison suppose nécessairement que l'acheteur n'a pas encore pris livraison des marchandises. Le droit de blocage, qui est construit à l'image du «right to stoppage in transitu» du droit anglo-américain, n'a d'effets qu'entre l'acheteur et le vendeur. D'autres prétentions que l'acheteur pourrait faire valoir contre le transporteur en se fondant sur le contrat de transport, ne sont pas touchées par le droit de blocage.

778

Le dernier alinéa de l'article 71 concerne les conséquences du droit de rétention.

Ainsi, la partie qui diffère l'exécution doit adresser à cet effet une notification à l'autre partie. Cette communication est soumise au principe de l'expédition. Si l'autre partie donne des garanties suffisantes de la bonne exécution de ses obligations, le droit de rétention devient caduc. On peut déduire du rapport du Secrétariat de la CNUDCI (op. cit., p. 57, N 13) que les garanties doivent porter soit sur l'exécution proprement dite du contrat, soit sur les prétentions en dommages-intérêts du créancier en cas d'inexécution. La question de savoir si la partie qui exerce son droit de rétention ne peut que retenir sa prestation préalable ou si elle peut aussi attendre pour effectuer ses obligations préparatoires est difficile à résoudre. Si l'on se référait au but de l'exception d'aggravation, il faudrait en conclure que seule la prestation elle-même peut être retenue alors que les autres obligations contractuelles devraient être exécutées de manière à permettre une exécution conforme au contrat. Cependant, le rapport du Secrétariat de la CNUDCI (op. cit., p. 56, N 8) dit expressément que la partie tenue à une prestation préalable est non seulement en droit de retenir la prestation à titre de garantie, mais qu'elle est aussi déchargée du risque d'effectuer les obligations préparatoires en vain.

Le droit de rétention a pour effet que l'obligation du créancier (p. ex. le vendeur) d'effectuer une prestation préalable devient caduque. La partie cocontractante (l'acheteur) n'a donc aucune prétention découlant de l'inexécution du contrat. Si le débiteur (p. ex. l'acheteur) donne par la suite les assurances nécessaires et qu'il met ainsi fin à la suspension, l'obligation du créancier (le vendeur) de faire la prestation préalable renaît à nouveau pleinement. Le retard et le non-respect de l'échéance qui résultent de la rétention n'autorisent pas l'autre partie à demander au créancier des dommages-intérêts pour cause de retard. On admettra bien au contraire que l'échéance est reportée d'une durée équivalant au temps pendant lequel le droit de rétention a été exercé.

Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de donner des garanties suffisantes pour l'exécution de ses obligations, on admettra, après l'expiration d'un délai
raisonnable, qu'il y a une contravention anticipée au contrat (art. 72). Le créancier est alors autorisé à déclarer la résolution du contrat. Tel devrait aussi être le cas si l'incapacité d'exécuter concerne une partie essentielle des obligations contractuelles mais ne constitue pas en même temps une contravention essentielle au contrat. La nécessité de distinguer entre ces deux notions devient par conséquent caduque après l'écoulement d'un délai raisonnable.

Enfin, il convient de remarquer que le créancier exerce son droit de rétention à ses propres risques et périls. Le débiteur a le droit d'exiger la prestation préalable et peut exercer les moyens dont il dispose. Ce n'est que lorsque cette procédure est terminée que le créancier pourra juger si sa rétention était justifiée au sens de l'article 71.

235.12

Contravention anticipée au contrat

Comme le fait aussi le droit suisse, la convention permet au créancier de se retirer du contrat à certaines conditions. La convention exige qu'il soit manifeste que l'autre partie commettra une contravention essentielle au contrat pour qu'une 779

partie puisse déclarer celui-ci résolu (art. 72,1er al.). Il n'est pas nécessaire que la partie retienne au préalable sa prestation.

Cette règle amène trois remarques: On constate en premier lieu que la résolution du contrat n'a aucun lien avec le droit de rétention. Il en va autrement en droit suisse où l'article 83 CO prévoit une interaction étroite entre la rétention (1er al.) et la résolution (2e al.), cette dernière n'étant que la conséquence du défaut de garantie à la suite de la rétention de la prestation. Comme cela a été précisé ci-dessus, la convention permet la résolution du contrat même si la partie qui veut se départir du contrat n'a pas retenu au préalable sa propre prestation. Dans la pratique, il s'avérera cependant souvent que la sanction légère de la rétention sera utilisée avant la résolution du contrat. On obtiendra ainsi entre l'exception d'aggravation et le droit de résolution une relation semblable à celle de notre ordre juridique.

En second lieu, on remarquera que la résolution au sens de l'article 72, par opposition au droit de rétention de l'article 71, exige une contravention essentielle au contrat telle qu'elle est définie à l'article 25. Mais, ainsi que cela a été précisé ci-dessus (cf. ch. 235.11), la distinction entre la contravention essentielle et imminente au contrat (art. 72) et la contravention imminente à une partie essentielle des obligations contractuelles (art. 71) ne pourra se faire que difficilement.

Enfin, la convention décrit l'imminence d'une contravention au contrat d'une manière différente à l'article 71 et à l'article 72. Alors que, selon l'article 71, l'incapacité d'exécuter ne doit qu'«apparaître», l'article 72 exige qu'elle soit «manifeste». Mais plusieurs auteurs pensent que ces formules différentes couvrent au fond la même notion (cf. p. ex. Schlechtriem P., op. cit., p. 89).

On constate ainsi que l'application de la convention ne créera pas de différences notables avec le code des obligations, même si elle établit des distinctions entre la rétention et la résolution.

L'article 72, 2e et 3e alinéas, règle les deux formes de la contravention anticipée au contrat. Il s'agit d'une part du cas où les circonstances laissent apparaître la contravention imminente de façon manifeste (2e al.) et d'autre part du cas où la partie cocontractante déclare
expressément qu'elle n'exécutera pas ses obligations (3e al.).

Le refus d'une partie d'exécuter le contrat (3e al.) donne à l'autre le droit de le résoudre immédiatement. Dans les autres cas, l'intention de résoudre doit être notifiée à l'autre partie au moyen d'une déclaration sujette à réception. Toutefois, cette notification n'est nécessaire que si la partie qui veut résoudre le contrat «dispose du temps nécessaire». Cette notification permet à l'autre partie de donner des assurances suffisantes de la bonne exécution de ses obligations. La garantie doit par conséquent porter aussi bien sur la prestation elle-même que sur les prétentions du créancier en cas d'inexécution du contrat.

L'article 72 ne dit pas si la partie qui résout le contrat peut faire valoir des prétentions en dommages-intérêts. A notre avis, il faut admettre cette possibilité, en tous cas lorsque les conditions des articles 74 à 77 sont remplies. Le seul fait de résoudre le contrat ne crée cependant pas encore une prétention en dommagesintérêts.

780

·#

235.13

Contrats à livraisons successives

L'article 73 prend en considération la situation particulière qui se présente lorsqu'une contravention anticipée est commise dans un contrat à livraisons successives.

Cette réglementation spéciale n'est applicable qu'aux vrais contrats à prestations successives. Ainsi, on doit être en présence d'un contrat qui prévoit plusieurs livraisons échelonnées, de sorte qu'une livraison actuelle peut être aisément distinguée d'une livraison future. En outre, les livraisons individuelles doivent être indépendantes du contrat global. Le moment de chaque livraison partielle peut être fixé d'avance ou laissé à la volonté d'une partie (livraison sur demande). Il apparaît ainsi très clairement que les ventes à tempérament ne sont pas inclues dans la notion de ventes à livraisons successives.

L'article 73, 1er alinéa, corrobore le principe qui découle de l'article 72. Si l'inexécution par l'une des parties d'une obligation relative à une livraison constitue une contravention essentielle au contrat, l'autre partie peut déclarer le contrat résolu pour ladite livraison. Cette résolution est soumise au principe de l'expédition. Selon les circonstances, l'inexécution d'une livraison partielle peut autoriser la partie lésée à résoudre le contrat pour toutes les livraisons futures, éventuellement à résoudre le contrat entier dès le début. Les alinéas 2 et 3 règlent les conditions auxquelles ces possibilités sont données.

La résolution du contrat pour les livraisons futures suppose que l'inexécution d'une livraison partielle donne à l'autre partie «des raisons sérieuses de penser» qu'il y aura aussi une contravention essentielle en ce qui concerne des obligations futures. On doit ainsi se demander à nouveau si l'imminence d'une contravention essentielle future au contrat est la même à l'article 73 qu'à l'article 72. Il y a exception d'aggravation (art. 71), lorsqu'il «apparaît», après la conclusion du contrat, qu'une partie n'exécutera pas une partie essentielle de ses obligations, ce qui n'est pas équivalent à une contravention essentielle au sens de l'article 25. Le droit de résolution par contre, exige qu'il soit «manifeste» qu'une partie va commettre une contravention essentielle au contrat. La «sérieuse raison de penser» représente-t-elle une diminution de l'évidence par rappport à ce qui est «manifeste»? Ainsi
que cela a été noté ci-dessus, même les formules différentes des articles 71 et 72 ne conduisent à aucune divergence dans l'appréciation de l'évidence. Tel ne devrait donc a fortiori pas être le cas entre les articles 72 et 73.

En outre, l'exception d'aggravation n'entraîne qu'une suspension dans le déroulement du contrat, alors que les articles 72 et 73 ont pour résultat la rupture du contrat. Il serait donc choquant qu'une appréciation moins précise et moins claire de la situation suffise pour que l'on puisse annuler les livraisons futures d'une vente à livraisons successives. Par ailleurs, l'appréciation qu'une personne raisonnable, placée dans des circonstances semblables, ferait de la situation servira de modèle pour les trois règles. La résolution du contrat pour l'avenir suppose enfin que la partie qui use de son droit en informe l'autre partie dans un délai raisonnable.

Selon l'article 73, 3e al., l'acheteur peut aussi déclarer le contrat résolu avec effet rétroactif si, en raison de leur connexité, les livraisons reçues ne peuvent être utilisées aux fins envisagées. Le texte parle des fins «envisagées par les parties au 781

moment de la conclusion du contrat». Il faut en déduire que le vendeur devait ou aurait dû connaître la connexité entre les différentes livraisons au moment de la conclusion du contrat. Il paraît en outre indiscutable qu'il appartient à l'acheteur de prouver que le vendeur connaissait ou aurait dû connaître ces faits.

Bien que le 3e alinéa ne le dise pas, l'acheteur doit procéder à la résolution du contrat dès le début au moyen d'un avis expédié dans un délai raisonnable.

235.2

Dommages-intérêts

Les quatre règles sur les dommages-intérêts traitent du principe et des conditions dans lesquelles ils peuvent être requis (art. 74), du calcul du dommage en cas de résolution (art. 75 et 76) et du devoir de diminuer le dommage (art. 77).

235.21

Principe

L'article 74 contraint la partie qui contrevient au contrat à rembourser à l'autre partie la perte subie ainsi que le gain manqué à la suite de cette contravention.

Comme le faisait déjà le droit uniforme de La Haye sur la vente, la convention part du principe que le dédommagement se fait en argent. La formule assez brève qu'elle utilise rie répond qu'indirectement à plusieurs questions. On remarque en premier lieu que l'obligation de verser des dommages-intérêts est édictée indépendamment de la nature et de la gravité des contraventions au contrat. Il n'y a aucune réglementation différenciée: les conditions des dommages-intérêts et la manière de calculer le dommage sont les mêmes, que la contravention résulte de l'inexécution du contrat, de la mauvaise exécution de celui-ci ou de la demeure.

Cette construction unifiée simplifie notablement l'application de la convention.

Celle-ci ne définit pas la notion de dommage et ne fixe pas les conditions dans lesquelles on peut faire valoir une prétention en remboursement, mais les réponses à ces questions peuvent être déduites du texte des articles de la convention. Comme la convention entend que l'on ne répare pas seulement la perte subie mais que l'on compense aussi le gain manqué, la notion de dommage peut être définie comme étant une différence. On doit entendre par là qu'il faut rembourser la différence entre ce que contient réellement un patrimoine au moment du calcul et ce qu'il contiendrait si l'événement dommageable n'avait pas eu lieu. Pour faire valoir une prétention en dommages-intérêts, il doit y avoir un lien entre la contravention au contrat et le devoir de réparer le dommage. On doit par conséquent avoir affaire à une contravention qui touche une obligation découlant du contrat ou de la convention. En outre, il doit y avoir un lien de causalité entre la contravention et le dommage allégué en ce sens que la contravention doit être la condition sine qua non du dommage. Selon la jurisprudence et la pratique, tous les liens de causalité ne suffisent pas pour fonder l'obligation de verser des dommages-intérêts. Bien que le texte de l'article 74, première phrase, se réfère à un lien de causalité ordinaire, la limitation nécessaire découle de l'exigence du dommage prévisible (art. 74, deuxième phrase). On aboutit ainsi à une notion voisine de celle du lien de causalité adéquate. Cette 782

section ne contient aucune règle sur la faute ou l'exonération de celui qui doit verser des dommages-intérêts. Ces questions sont régies par la quatrième section (art. 79 et 80).

235.22

Calcul du montant du dommage

Le droit suisse, qui prend comme point de départ la théorie de la différence, distingue en matière de dommages-intérêts contractuels entre l'intérêt positif et l'intérêt négatif au contrat. La première méthode se réfère au montant que le patrimoine du lésé atteindrait si le contrat avait été exécuté correctement. La seconde méthode par contre cherche à établir le patrimoine du lésé tel qu'il se présenterait si le contrat en question n'avait jamais été conclu. En principe, le dommage est calculé en fonction de l'intérêt positif au contrat. Le paiement selon l'intérêt négatif au contrat n'est possible que dans quelques cas exceptionnels lorsque la relation contractuelle ne doit pas ou ne doit plus être menée à bien (p.

ex. en cas de faute commise en contractant ou lorsqu'un contrat a été conclu par un représentant sans pouvoirs). L'intérêt négatif au contrat permet de faire valoir les frais découlant de la conclusion du contrat, les investissements faits en vue du déroulement du contrat et les dommages subis lors de l'exécution de la prestation ou de l'acceptation de la prestation de l'autre partie. L'intérêt positif au contrat comprend aussi bien le dommage réellement subi (damnum emergens) que le gain manqué (lucrum cessans). Seul le gain que la partie lésée aurait obtenu de manière prévisible selon le cours ordinaire des choses peut être considéré comme un gain manqué. Entre commerçants, la partie lésée peut en outre calculer le dommage selon la méthode suivante: comme acheteur, elle peut procéder à un achat de remplacement; comme vendeur, elle peut faire une vente de couverture.

Ensuite, elle peut exiger la différence qu'il y a entre le prix ainsi payé ou obtenu et le prix convenu dans le contrat (calcul concret). Lorsque la marchandise est cotée en bourse ou qu'elle a un prix courant, il n'est pas nécessaire de procéder à un achat de remplacement ou à une vente de couverture. Un calcul abstrait peut en effet remplacer dans ce cas le calcul concret (cf. art. 191, 2 e et 3e al., CO).

A notre avis, ces deux possibilités peuvent être appliquées par analogie lorsque les parties ne sont pas des commerçants.

L'article 74, première phrase, de la convention se réfère à la perte subie et au gain manqué pour calculer le dommage. Il faut en conclure qu'elle prend comme point de départ l'intérêt positif
au contrat. Il ne semble pas qu'il soit possible de faire valoir l'intérêt négatif au contrat sur la base du texte de l'article 74, première phrase. La partie lésée peut se trouver ainsi dans une position moins bonne que selon le droit suisse.

La deuxième phrase de l'article 74 contient une limitation importante. En effet, elle prévoit que seul le dommage que la partie en défaut avait prévu ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat doit être réparé. Cette limitation était nécessaire parce que la convention se contente en principe d'un lien de causalité ordinaire pour dire qu'il y a lieu de verser des dommages-intérêts.

Cette solution a été reprise du droit uniforme de La Haye où elle a donné satisfaction (cf. art. 82 de la loi uniforme sur les contrats de vente). Il faut par 783

conséquent indemniser la partie lésée de tout le dommage qu'elle subit à cause de la rupture du contrat. La partie en défaut n'est cependant pas responsable de toutes les conséquences négatives qui peuvent découler de sa contravention au contrat. La limite entre le dommage à réparer et celui qu'il n'y a plus besoin de réparer se situe là où la partie lésée n'a plus le droit de faire supporter son manque à gagner à l'autre partie. Cette limite est définie en fonction de la prévisibilité du dommage, tant selon la Convention de Vienne que selon le droit uniforme de La Haye. Il reste à examiner du point de vue de quelle partie il convient de juger cette prévisibilité, sur quels points elle doit porter et à quel moment elle doit exister. Selon le texte de la convention, c'est la partie en défaut ou une personne raisonnable placée dans la même situation qui aurait dû prévoir le dommage. La prévisibilité perçue par la partie lésée peut aider à interpréter les prévisions de la partie en défaut, mais elle ne saurait les remplacer purement et simplement. La prévision doit concerner le dommage ou, plus précisément, les éléments qui influencent le montant du dommage. A notre avis, elle doit concerner aussi le lien de causalité qu'il y a entre les différents événements qui créent le dommage et influencent son montant. Cette prévisibilité doit exister au moment de la conclusion du contrat et pas seulement au moment où la contravention est commise. Cette conception pourra provoquer parfois des cas de rigueur.

Mais, dans l'intérêt d'une réglementation claire, il est indispensable de s'en tenir à une notion uniforme. L'usage qui a été fait de l'article 82 de la loi uniforme sur les contrats de vente pourra servir pour interpréter l'article 74 de la convention. On pourra en particulier se reporter aux catégories de responsabilités du vendeur qui ont été créées dans ce cadre sur la base des travaux d'Ernst Rabel (cf. Dolle H., op.

cit., intr. ad art. 82 à 89, note marginale 61 ss).

Il faut dire ensuite que le devoir de verser des dommages-intérêts ne concerne pas seulement le dommage direct, mais aussi le dommage indirect et, dans une certaine mesure, le dommage consécutif aux défauts. Dans ce cadre, il convient cependant d'attirer l'attention sur l'article 5 selon lequel la convention ne s'applique pas à la
responsabilité du vendeur pour décès ou lésions corporelles causés à quiconque par la marchandise (responsabilité du fait du produit). Le devoir de verser des dommages-intérêts cesse lorsqu'on est en présence d'un dommage que la partie en défaut ne pouvait prévoir lors de la conclusion du contrat, même en tenant compte de toutes les circonstances. Il est intéressant de comparer cette solution avec la définition de la causalité adéquate développée par la doctrine suisse. Selon cette définition, on ne doit considérer une lésion comme la conséquence d'un événement et l'événement comme la cause de la lésion que lorsque cet événement était propre à provoquer une telle lésion et qu'un tiers aurait pu prévoir la possibilité d'un dommage en tenant compte de toutes les circonstances et de l'expérience générale de la vie (Guhl/Merz/Kummer, op. cit., p. 62). Bien que les deux ordres juridiques règlent de manière différente la répartition des risques - la convention demandant la prévisibilité du dommage et le code des obligations un lien de causalité adéquate - le résultat finalement obtenu par l'application des règles de la convention devrait, à notre avis, être semblable à celui obtenu par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

784

235.23

Calcul du dommage en cas de résolution du contrat

Les articles 75 et 76 concernent le calcul du dommage lorsque le contrat est résilié. L'article 75 définit la méthode concrète alors que l'article 76 définit la méthode abstraite pour calculer ce dommage. En ce qui concerne ces méthodes, on peut tout à fait se référer à la doctrine suisse. Il convient néanmoins de relever deux points en relation avec l'article 75. D'une part, il y est dit expressément qu'outre la différence entre le prix du contrat et le prix de l'achat de remplacement ou de la vente compensatoire, il est possible de demander tous les autres dommages-intérêts qui peuvent être dus en vertu de l'article 74. D'autre part, c'est le moment où l'achat de remplacement ou la vente de couverture ont lieu qui est pris en considération pour le calcul du dommage, à condition que ces affaires aient eu lieu «d'une manière raisonnable et dans un délai raisonnable». L'article 76 permet l'utilisation de la méthode abstraite de calcul mais seulement lorsqu'il n'y a effectivement eu ni achat de remplacement ni vente compensatoire. Là encore, il est dit expressément qu'outre la différence calculée abstraitement, il est possible de demander tous les autres dommages-intérêts qui peuvent être dus en vertu de l'article 74. La règle sur le moment déterminant pour le calcul est remarquable. Alors que le code des obligations prévoit que c'est le moment fixé par le contrat pour l'exécution qui est déteminant pour calculer le prix courant, la convention se réfère pour cette question au moment de la déclaration de résolution. Cependant, lorsque le contrat n'est résilié qu'après la livraison de la marchandise, c'est le moment de cette livraison qui est déterminant.

L'article 76, 2e alinéa, définit le prix courant. Il ne contient aucune divergence sensible par rapport au droit suisse.

235.24

Devoir de limiter le dommage

En droit suisse, les dommages-intérêts peuvent être réduits ou supprimés lorsque des faits dont le lésé répond ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter ou ont aggravé la situation du débiteur (art. 99, 3e al., en relation avec l'art. 44,1er al., CO). La convention contient une règle semblable. La partie lésée doit ainsi prendre toutes les mesures raisonnables pour limiter la perte (art. 77). Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction correspondante des dommages-intérêts. Bien que le texte ne le dise pas, le devoir de la personne lésée de limiter le dommage comprend aussi celui de l'éviter. Si la partie lésée oublie son devoir de limiter le dommage, la partie en défaut peut demander la réduction des dommages-intérêts. Il faut en déduire que la personne tenue de verser des dommages-intérêts n'a pas le droit d'exiger de la personne lésée qu'elle respecte son devoir de limiter le dommage. Elle n'a que la possibilité de faire valoir une réduction équivalant à sa propre faute. La violation du devoir de limiter le dommage doit être appréciée selon les circonstances au moment de la contravention au contrat.

235.3

Intérêts

Les intérêts sont définis comme la prestation qu'il faut effectuer pour la mise à disposition ou la rétention illicite d'une somme d'argent, à condition que cette 785

prestation soit calculée en fonction du temps et comme quote-part du capital. En cas de doute, c'est l'année qui sert de temps de référence (cf. Guhl/Merz/Kummer, op. cit., p. 81). Du point de vue du droit suisse, le devoir de verser des intérêts doit en principe être fondé sur un accord contractuel. Mais, dans certains cas, le code des obligations fait aussi naître le devoir de verser des intérêts indépendamment de la volonté des parties. Seul l'intérêt moratoire joue un rôle dans le droit de la vente. L'article 73 CO prévoit qu'à défaut d'usage contraire, le taux de l'intérêt est de cinq pour cent. L'intérêt est considéré comme une prestation secondaire et, par conséquent, comme un droit accessoire. Il faut donc faire valoir des prétentions tendant au versement d'intérêts en même temps que la prétention concernant le capital. En principe, le droit aux intérêts s'éteint avec la prétention en capital.

Lors de la Conférence de Vienne, les règles sur le devoir de verser des intérêts étaient extrêmement controversées. Les réserves contre une réglementation allaient du refus de principe à l'objection que les intérêts, considérés comme la perte de l'usage d'un capital, pouvaient être demandés au titre de dommagesintérêts. On a réussi finalement à se mettre d'accord sur le principe du devoir de verser des intérêts, mais sans donner des précisions sur le taux de celui-ci. L'article 78 a pour effet que les intérêts sont dus sans préjudice des dommages-intérêts. Le devoir d'acquitter l'intérêt existe ainsi même si la partie en défaut peut se disculper en application de l'article 79. En ce qui concerne le taux d'intérêt et les détails du paiement, il faudra se reporter au droit du juge saisi puisque la convention ne contient aucune règle à ce sujet. Cette situation n'est pas satisfaisante. On doit dès lors conseiller aux parties de régler ces questions dans leur contrat. Si l'on n'est pas en présence d'un cas d'exonération (art. 79), la partie lésée peut demander l'intérêt en se fondant sur les règles concernant les dommages-intérêts. Elle peut donc se référer au dommage effectivement subi pour fixer le taux d'intérêt. Il en résulte que ce taux sera celui du lieu où la partie lésée aurait dû recevoir le capital échu. Mais lorsqu'on est en présence d'une exonération, il ne reste que la voie indiquée par le droit national désigné par les règles de droit international privé.

235.4

Exonération

235.41

Principe

L'article 79 a pour but de rassembler sous la forme d'une clause générale toutes les possibilités du débiteur de s'exonérer dans tous les cas de contravention au contrat. Cet article prend comme point de départ l'inexécution d'un devoir et indique dans quelles conditions une partie en est responsable. Ces devoirs peuvent être des obligations principales ou accessoires, voire de simples charges.

Il n'est pas déterminant que ces devoirs découlent du contrat lui-même ou de la convention. L'inexécution peut être le résultat d'une impossibilité initiale ou subséquente d'effectuer la prestation, d'une mauvaise exécution ou de la demeure. Dans tous les cas où il n'arrive pas à respecter son obligation contractuelle, que ce soit de manière définitive ou provisoire, le débiteur peut recourir à l'exonération au sens de l'article 79.

786

On admet l'exonération lorsque l'inexécution du débiteur repose sur un empêchement indépendant de sa volonté. Le débiteur doit apporter la preuve que tel est le cas et prouver en outre que l'on ne pouvait raisonnablement attendre de lui qu'il prenne en considération l'empêchement au moment de la conclusion du contrat ou qu'il le prévienne ou le surmonte lorsqu'il prend naissance.

Les trois éléments de l'exonération, à savoir l'inexécution d'un devoir, l'empêchement et le fardeau de la preuve seront développés ci-dessous.

a. Inexécution d'un devoir Ainsi que cela a déjà été précisé, la convention part, en ce qui concerne les obstacles que rencontre un contrat, de la seule notion de contravention au contrat.

Contrairement au droit suisse, elle ne distingue pas entre la mauvaise exécution, la demeure, les défauts de la chose et l'éviction (cf. ch. 232.4). La contravention au contrat comprend par conséquent toutes les ruptures du contrat de nature qualitative, quantitative et temporelle.

De même, par analogie avec la notion unique de contravention au contrat, l'exonération se réfère seulement à l'inexécution d'un devoir. Il faut entendre par là aussi bien l'inexécution proprement dite que la mauvaise exécution d'un devoir découlant du contrat ou directement de la convention. La notion de devoir doit être interprétée extensivement. Elle comprend tous les devoirs du débiteur, même les devoirs d'information, de surveillance et de diligence.

Tout défaut de conformité de la marchandise au sens de l'article 35 de la convention, toute divergence concernant le lieu et le moment de l'exécution suffit à fonder la responsabilité d'une partie et, par conséquent, à lui donner une possibilité d'exonération.

Quelques questions délicates de délimitation découlent de ces notions très larges de devoir, d'inexécution et d'exonération. Il faut par exemple admettre que l'article 79 traite de la même manière l'impossibilité initiale et l'impossibilité subséquente d'effectuer la prestation. En cas d'impossibilité initiale, il faudra examiner très soigneusement si le débiteur n'a pas donné tacitement la garantie qu'il surmonterait les raisons qui l'empêchent d'exécuter. Si tel est le cas, le devoir de livrer la marchandise fait partie des ses obligations contractuelles malgré l'empêchement et le débiteur ne pourra pas
se prévaloir de l'exonération. Il y a lieu d'admettre une telle garantie lorsque le débiteur aurait dû connaître les raisons qui allaient l'empêcher d'effectuer sa prestation.

L'application de la convention provoquera des difficultés en ce qui concerne l'inexécution des obligations initialement impossibles lorsqu'il s'agit d'une impossibilité initiale objective. Selon le droit suisse (art. 20 CO), mais aussi selon de nombreux autres ordres juridiques, les contrats entachés d'une telle impossibilité sont nuls. La convention ne dit pas s'il est possible de conclure un contrat valable portant sur une prestation qui est objectivement impossible dès le départ. Elle règle seulement les conditions auxquelles le débiteur peut faire valoir l'exonération. Il faut donc se demander si un débiteur suisse, qui ne parvient pas à s'exonérer en application de l'article 79, peut se fonder sur la nullité du contrat selon l'article 20 CO. Selon l'article 4, la convention ne concerne pas la validité des contrats, «sauf disposition contraire expresse de la convention». Même en 787

appliquant l'article 79 de manière extensive, on ne peut y découvrir une telle disposition contraire expresse. Mais on peut utiliser l'argument selon lequel la réserve de la validité ne concernerait que les normes imperatives qui rejettent la validité d'un contrat pour des raisons d'ordre public interne. Un contrat soumis à la convention de pourrait par conséquent être considéré comme nul que si les raisons de nullité de l'article 20 CO avaient un caractère d'ordre public. Or, le Tribunal fédéral ne s'est jamais prononcé sur le fait de savoir si la cause de nullité visée par l'article 20 CO, à savoir l'impossibilité objective initiale d'exécuter le contrat, avait un caractère d'ordre public.

On pourrait aussi admettre que l'article 20 CO constitue une règle d'interprétation qui n'entrerait en jeu que lorsque les parties n'en seraient pas convenues autrement. Il y aurait alors un tel accord tacite contraire à chaque fois que les conditions d'application de la Convention de Vienne seraient remplies.

b. Empêchement La convention s'abstient de décrire les empêchements de manière précise. Elle se contente d'indiquer la localisation de l'empêchement. Celui-ci doit être indépendant de la volonté du débiteur. Même si tel est le cas, l'article 79, 1er alinéa, interdit au débiteur de se prévaloir de l'exonération dans deux situations. Celles-ci sont réalisées lorsque le débiteur avait connaissance de l'empêchement ou que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui qu'il le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat d'une part, et d'autre part, lorsqu'on pouvait attendre du débiteur qu'il surmonte ou évite l'empêchement ou ses conséquences.

Dans chaque cas particulier, il sera difficile de tracer les limites par rapport à la sphère d'influence du débiteur. Cela dépend des détails du contrat et en particulier des garanties contractuelles que le débiteur a données. Très fréquemment, la volonté expresse ou tacite d'une partie ne donnera pas assez de points de repère pour pouvoir délimiter suffisamment la sphère de responsabilité du débiteur. On pourra alors trouver une issue en tenant compte de ce qu'une personne raisonnable placée dans une situation semblable aurait donné comme garanties. On peut en déduire quelques règles: - Il faut préciser d'abord que chaque contravention fautive à une obligation contractuelle entre dans la sphère d'influence du débiteur.

- En outre, chaque événement que le débiteur peut dominer de sa volonté entre en principe dans sa sphère d'influence, qu'il commette une faute ou n'en commette point. Cette conclusion découle de l'idée que le débiteur doit procéder à tous les contrôles qu'on peut raisonnablement lui demander. Il peut ainsi prévenir certains empêchements. Dans certains cas-limite, par exemple une grève dans l'entreprise du débiteur, une investigation fouillée des circonstances précises ne pourra être évitée. Selon que la grève ne touche que cette entreprise-là ou qu'elle est l'expression d'une contestation ouvrière générale, l'empêchement se situera dans la sphère d'influence du débiteur ou en dehors de celle-ci.

- Le caractère général du contrat peut servir d'autre point de repère. On pourra ainsi plus facilement admettre la présence de garanties si le contrat a été conclu

788

par des commerçants que s'il a été fait par des particuliers. Les empêchements qui touchent la personne-même du débiteur (maladie, accident, incapacité de discernement, décès) sont présumés faire partie des risques maîtrisables en ce qui concerne les commerçants. En effet, un commerçant avisé organisera son entreprise de telle sorte que ces événements n'empêchent pas le déroulement des affaires courantes. Il en va autrement des particuliers, dont on ne saurait en principe attendre qu'ils prennent des mesures pour prévenir ces empêchements.

- Les événements maîtrisables comprennent aussi les empêchements qui touchent des personnes dont le débiteur répond, telles que les employés ou les représentants autorisés. Il sera précisé plus loin (ch. 235.42) dans quelle mesure les auxiliaires ou les tiers auquels le débiteur fait appel pour exécuter le contrat entrent dans cette catégorie.

- Une autre indication découle de la nature de la marchandise vendue. Le risque qu'accepté le vendeur en ce qui concerne la livraison sera différent selon la nature de la dette (choses fongibles ou objets certains). La vente de choses fongibles comprend en principe une garantie illimitée pour la livraison. Le vendeur sera par principe tenu de livrer aussi longtemps que la marchandise promise contractuellement existe encore. Il ne pourra se décharger qu'à partir du moment où la marchandise promise ne peut plus être obtenue sur le marché «ordinaire» et qu'il ne pouvait pas prévoir cette circonstance. Au cours de la Conférence de Vienne, on a abordé la question de savoir si le fait que les circonstances ont rendu le prix d'une marchandise «exorbitant» doit permettre l'exonération selon l'article 79. Cette question ne peut être résolue que de cas en cas. Mais, comme le faisait déjà le droit uniforme de La Haye sur la vente (Dolle H., op. cit., note marginale 88 s. ad art. 74), il doit être possible d'admettre l'exorbitance du prix comme cause d'exonération. En ce qui concerne les objets certains, le vendeur sera présumé garantir qu'il prendra toutes les mesures raisonnables pour se procurer l'objet en question. Si l'objet périt par la suite en raison d'un cas fortuit ou de la faute d'un tiers, on admet qu'il s'agit de circonstances indépendantes de la volonté du vendeur. Lorsque la vente porte sur des choses fongibles qui
n'existent qu'en quantité limitée, le vendeur garantit en principe la livraison tant qu'une certaine réserve de ces choses existe encore.

- La responsabilité de l'acheteur pour sa capacité de paiement représente la contre-partie de la garantie du vendeur pour la livraison. La limitation de cette prestation caractéristique de l'acheteur dépend très fortement de sa propre personne. On pourra attendre une meilleure capacité de prévision de la part d'un commerçant que d'un particulier. Par conséquent, la faillite d'une banque avec laquelle l'acheteur collabore fera partie de son risque dans le premier cas mais pas dans le second.

c. Fardeau de la preuve

Les questions relatives au fardeau de la preuve doivent être traitées en relation avec les différentes prestations contractuelles. L'article 79, 1er alinéa, part seulement du principe qu'il appartient au débiteur de donner les preuves de son exonération en cas de litige.

54 Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

789

235.42

Empêchements dans la personne d'un tiers

L'article 79, 2e alinéa, règle les possibilités d'exonération du débiteur lorsque la cause de l'inexécution réside dans la personne d'un tiers. Le débiteur ne peut alors s'exonérer que lorsqu'il ne pouvait ni maîtriser ni prévoir la défaillance du tiers (let. a) et que le tiers serait lui aussi exonéré si les dispositions du 1er alinéa lui étaient appliquées (let. b). Ces conditions apportent un durcissement important de la responsabilité pour les faits d'un tiers. Il devient ainsi crucial de savoir quelles personnes doivent être considérées comme des tiers et quelles personnes entrent dans la sphère d'influence du débiteur. En principe, il faudra considérer les livreurs comme des tiers.

235.43

Autres règles

Selon l'article 79, 3e alinéa, l'exonération ne produit d'effet que pendant la durée de l'empêchement.

Aux termes du 4e alinéa, la partie qui n'a pas exécuté sa prestation doit avertir l'autre partie de son empêchement. L'avertissement est sujet à réception. La violation de ce devoir d'information entraîne l'obligation de verser des dommages-intérêts. Selon le 5e alinéa, l'exonération est limitée aux prétentions en dommages-intérêts. Il ne sera pas facile d'appliquer cette règle dans la pratique.

En effet, elle laisse en principe subsister l'obligation du débiteur d'exécuter sa prestation. Cet état de choses est limité par le fait que le créancier qui persistera à demander l'exécution d'une prestation devenue impossible sera débouté devant un tribunal suisse en raison du défaut d'intérêt juridique. En outre, le problème ne se posera pas dans les Etats qui ne connaissent pas de jugement tendant à l'exécution d'une prestation (cf. art. 28).

Il convient d'examiner de plus près si l'exonération du devoir de verser des dommages-intérêts implique aussi la libération du devoir de verser les dommagesintérêts fixés dans le contrat et les peines conventionnelles. Ces instruments sont des droits et obligations qui prennent naissance dans le contrat. En principe, ils entrent dans le champ d'application de la convention (cf. art. 4). Il n'y a pourtant aucune disposition expresse à leur sujet et les éléments permettent d'établir des principes généraux au sens de l'article 7 de la convention sont insuffisants.

Selon l'article 80, le débiteur est exonéré aussi lorsque l'empêchement a été provoqué par le créancier. Celui-ci ne pourra donc pas, contrairement à l'article 79, se fonder sur le devoir d'exécution du débiteur. La mesure dans laquelle le débiteur peut être exonéré dépend de la responsabilité du créancier concernant les causes de l'empêchement.

235.5

Effets de la résolution

Dans la cinquième section, intitulée «effets de la résolution», la convention règle aussi la livraison de remplacement et la réduction. Il conviendrait par conséquent de parler plutôt de l'exécution à rebours du contrat. L'article 81 contient le principe de cette exécution à rebours. L'article 82 règle les cas où le droit de 790

résoudre le contrat devient caduc ainsi que les exceptions à ces cas. En outre, l'article 83 traite des conséquences de la perte d'un droit. Enfin, l'article 84 oblige les parties à se restituer les avantages tirés de la chose.

235.51

Principe

L'article 81,1er alinéa, dit que la résolution du contrat libère les deux parties de leurs obligations, sous réserve des dommages-intérêts qui peuvent être dus. Les dispositions contractuelles relatives aux conséquences de la résolution ou au règlement des différends (p. ex. les clauses d'arbitrage) ne sont pas touchées par la résolution. Cette formule signifie que dans le système de la Convention de Vienne, la résolution n'a pas d'effets rétroactifs. Il y a donc là une concordance avec le droit suisse.

Selon le 2e alinéa, chaque partie doit restituer à l'autre ce qu'elle a reçu. Cette restitution doit se faire de manière simultanée.

235.52

Perte du droit de résoudre le contrat, exceptions et conséquences

La résolution n'est possible que si l'acheteur est en mesure de restituer les marchandises dans un état «sensiblement» identique à celui dans lequel il les a reçues (art. 82,1er al.). On ne saurait prendre en considération les détériorations peu importantes de la marchandise. Mais lorsque la marchandise n'est pas dans un état sensiblement identique, l'acheteur ne peut demander ni la résolution du contrat ni une livraison de remplacement. Il n'a que la possibilité d'utiliser ses autres droits tels que les dommages-intérêts et la réduction (cf. art. 83). L'article 83, 2e alinéa, énumère les trois exceptions qui permettent à l'acheteur de recourir à tous les moyens de droit, même la résolution ou la réduction, malgré son incapacité de restituer la marchandise. Ces cas exceptionnels se présentent lorsque l'acheteur n'est pas responsable de la détérioration de la marchandise (let. a), que les marchandises ont péri ou sont détériorées en conséquence de l'examen prescrit (let. b) ou que l'acheteur a vendu, consommé ou transformé les marchandises de bonne foi (let. c).

La lettre a comprend aussi bien les cas où la marchandise périt à cause du défaut que ceux où la détérioration ou la disparition de la marchandise sont dus à un cas fortuit. En outre, elle se rapporte aux cas où l'acheteur a apporté la preuve de son exonération selon l'article 79. Cette solution correspond à celle du code des obligations (cf. art. 207; Giger H., op. cit., p. 542 ss). Elle se retrouve aussi dans le droit uniforme de La Haye sur la vente (cf. art. 79, 2e al., let. b, LUVI). D'après la teneur de la lettre a, l'acheteur supporte le fardeau de la preuve en ce qui concerne l'absence de faute pour la détérioration de la marchandise. Pour ce qui est de la lettre b, il convient seulement de remarquer que les modalités d'examen doivent respecter le contrat et, éventuellement, les usages commerciaux. Aux termes de la lettre c, l'acheteur est mieux placé que d'après le droit suisse. En effet, en cas de revente de la chose, l'article 207, 3e alinéa, CO lui permet seulement de demander la réduction. Mais s'il peut demander la restitition de la 791

chose revendue, le code des obligations fait renaître le droit de résolution. En effet, seule l'impossibilité de rendre la chose lui interdit de résoudre le contrat.

Selon la Convention de Vienne par contre, l'acheteur peut exiger la résolution du contrat même lorsqu'il a revendu la marchandise dans le cadre d'une opération commerciale normale et qu'il ne connaissait pas et n'aurait pas dû connaître le défaut à ce moment-là. Les conséquences de ce droit de résolution se feront sentir en relation avec les modalité de l'exécution à rebours du contrat. Si l'acheteur demande des dommages-intérêts, le vendeur exigera en contre-partie la restitution des avantages (art. 84) et devra prouver en dernier lieu dans quelle mesure l'acheteur a réellement subi un dommage. De cette manière, lors de ventes de marchandises soumises à de très fortes fluctuations de prix, l'acheteur peut faire supporter le risque au vendeur.

Ainsi que cela a déjà été précisé, l'acheteur qui perd le droit de résolution en application de l'article 82,1er alinéa, conserve le droit de se prévaloir de tous ses autres moyens (art. 83).

235.53

Restitution des avantages

L'article 84 oblige les parties à restituer les avantages qu'elles ont retiré des prestations contractuelles effectuées. Selon le 1er alinéa, le vendeur est tenu de payer des intérêts sur le montant du prix de vente à compter du jour du paiement.

Aux termes du 2e alinéa, l'acheteur doit au vendeur tous les profits qu'il a retirés des marchandises, peu importe qu'il doive réellement rendre la marchandise (let. a) ou que la restitution de celle-ci soit impossible (let. b). La teneur de l'article 84, 2e alinéa, ne permet pas de dire si l'acheteur doit aussi donner au vendeur les avantages qu'il a négligé de retirer de la chose. Comme il s'agit d'une question qui tombe dans le champ d'application de la convention, il faut la résoudre en application de l'article 7, 2e alinéa. En tenant compte du but de l'article 84, il faut répondre affirmativement à cette question. En parlant de l'équivalent des profits, l'article 84 vise en premier lieu les fruits naturels. Ceux-ci doivent être rendus tels quels, leur contre-valeur en argent ne suffit pas. Cette forme absolue de la restitution des avantages n'est valable que pour les Etats qui admettent l'action en exécution (cf. art. 28). Si les fruits naturels ont été consommés ou revendus, la restitution porte sur une prestation de remplacement. Il faut en déduire que cette dernière est due aussi pour les fruits qui n'ont pas été récoltés. La prestation de remplacement doit être calculée selon les règles sur les dommages-intérêts (a contrario Schlechtriem P., op. cit., p. 103).

235.6

Conservation des marchandises

Là sixiène section du chapitre V règle les obligations accessoires relatives à la conservation des marchandises. On y compte les obligations de conservation proprement dites ainsi que le droit de procéder à une vente de couverture. Les articles 85 à 88 ont le même contenu que les articles 91 à 95 du droit uniforme de La Haye sur la vente. Le droit suisse contient des règles semblables sur de nombreux points. Les quelques divergences qui existent entre le code des 792

*

obligations et le droit de la vente prévu par la Convention de Vienne seront commentées ci-dessous.

L'article 85 règle le devoir du vendeur de conserver la marchandise lorsque l'acheteur ne l'accepte pas ou n'en paye pas le prix. L'article 86 traite du devoir correspondant de l'acheteur qui a déjà les marchandises (1er al.) ou qui doit encore en prendre possession (2e al.). L'article 87 autorise la partie qui doit conserver la marchandise à l'entreposer chez un tiers dans certaines circonstances.

Enfin, l'article 88 fixe les conditions de la vente de couverture.

235.61

Devoir de conservation

Lorsque l'acheteur n'a pas pris livraison de la marchandise conformément au contrat ou qu'il n'en a pas payé le prix alors que ce paiement et la livraison doivent se faire simultanément, le vendeur est tenu aux obligations énumérées à l'article 85. Selon cet article, le vendeur doit, s'il a la marchandise en sa possession ou sous son contrôle, prendre les «mesures raisonnables eu égard aux circonstances» pour en assurer la conservation. Le vendeur est en outre fondé à retenir les marchandises jusqu'à ce qu'il ait obtenu de l'acheteur le remboursement des dépenses provoquées par la conservation. Les circonstances et, éventuellement, les usages commerciaux ou les habitudes, disent quelles sont les mesures raisonnables. On pourra se référer aussi aux mesures de conservation qu'une personne raisonnable prendrait dans une situation semblable. Le vendeur peut décider dans une large mesure pendant combien de temps il entend assurer la conservation (cf. art. 88).

Le vendeur peut exercer son droit de rétention jusqu'à ce que l'acheteur lui ait remboursé les dépenses provoquées par les mesures de conservation. En principe, on admet dans ce cas la simultanéité des prestations.

L'article 86, 1er alinéa, règle les obligations de l'acheteur relatives à la marchandise déjà livrée. S'il entend exercer le droit de retourner les marchandises parce qu'il résout le contrat ou demande une livraison de remplacement, il doit prendre «les mesures raisonnables eu égard aux circonstances» pour leur conservation. Ce devoir présuppose que l'acheteur a les marchandises en sa possession et qu'il a l'intention de les restituer. L'article 86 n'est pas applicable lorsque l'acheteur ne veut demander que la réduction ou des dommages-intérêts. On peut se reporter au commentaires de l'article 85 pour le genre et l'étendue des mesures de conservation. L'article 86, 2e alinéa, concerne le cas particulier où les marchandises ont été expédiées à l'acheteur, mais ne lui ont pas encore été remises. Il suffit alors que la marchandise ait été mise à la disposition de l'acheteur à son lieu de destination et qu'il entend la refuser. Il ne doit cependant en prendre possession et en assurer la conservation que lorsqu'il peut en prendre livraison sans payer le prix et sans subir des inconvénients ou des frais déraisonnables. Le devoir de prendre
possession et d'assurer la conservation de la marchandise est caduc (2e al., deuxième phrase) lorsque le vendeur est présent au lieu de destination. Il en va de même s'il y a en ce lieu une personne ayant qualité pour prendre en charge les marchandises au nom du vendeur. En outre, l'acheteur n'est tenu de procéder à la conservation des marchandises que lorsque lui-même ou l'un de ses auxiliaires se trouvent plus près d'elles que le vendeur en cas de vente à distance.

793

En effet, il est alors mieux à même de prendre les mesures nécessaires. Lorsque l'acheteur a pris possession de la marchandise, le 1er alinéa est applicable par analogie. Il a ainsi le droit de retenir la marchandise jusqu'à ce qu'il ait obtenu le remboursement de ses dépenses.

235.62

Dépôt chez un tiers

L'article 87 s'applique aussi bien à l'acheteur qu'au vendeur. La partie qui est tenue de prendre des mesures conservatoires peut déposer la marchandise dans les magasins d'un tiers aux frais de l'autre partie, «à condition que les frais qui en résultent ne soient pas déraisonnables». Elle n'y est cependant pas obligée. Ce dépôt n'est soumis qu'à une seule condition, à savoir qu'il ne doit pas provoquer de frais déraisonnables. Il n'est soumis à aucun délai. En outre, il n'est pas prévu que l'autre partie doive être avertie de ce dépôt chez un tiers.

La convention ne dit pas si les frais de dépôt peuvent être mis entièrement à la charge de l'autre partie ou si cela n'est possible que dans la mesure où ils restent raisonnables, par exemple lorsque les frais de dépôt dépassent la moyenne en raison de circonstances imprévues. En outre, elle ne se prononce pas sur la relation juridique existant entre le tiers dépositaire et la partie tenue de prendre des mesures conservatoires. Cette relation n'entre pas dans le champ d'application de la convention. Elle est soumise au droit national désigné dans chaque cas particulier. En ce qui concerne l'étendue des frais à mettre à la charge de l'autre partie, il faut pourtant tirer de la convention les principes nécessaires. Ainsi, même des frais dépassant largement la mesure habituelle devraient pouvoir être mis à la charge de l'autre partie tant que les circonstances qui les ont provoqués étaient imprévisibles.

Le texte ne dit pas si la partie qui dépose la marchandise chez un tiers peut la retenir pour obtenir le remboursement de ses frais, mais à notre avis, il faut admettre que tel est le cas.

235.63

Vente de couverture

La convention prévoit des modalités comparables à celles du droit suisse pour la vente de couverture (cf. art. 204, 3e al., CO). La différence essentielle réside dans le fait que le code des obligations prévoit impérativement la coopération d'une autorité.

Selon l'article 88 de la convention, la partie qui doit assurer la conservation des marchandises a le droit de procéder à une vente de couverture. Le 2e alinéa en règle les conditions pour les marchandises périssables alors que le 1er alinéa couvre tous les autres cas. Aux termes de cette règle, la vente de couverture est possible si l'autre partie a apporté un retard déraisonnable à prendre possession des marchandises ou à les reprendre ou à payer le prix ou les frais de leur conservation. Le terme «déraisonnable» comprend tout délai qui dépasse la mesure normale. En outre, l'intention de procéder à une vente de couverture doit être notifiée à l'autre partie en temps utile. Cette notification n'est soumise qu'au 794

principe de l'expédition prévu par l'article 27. Les erreurs et les retards résultant de la transmission sont donc à la charge de la partie en défaut.

La convention ne permet pas de dire quelles sont les conséquences d'un oubli ou d'un retard de la partie qui doit procéder à la notification. Si on admet que la notification de l'intention de vendre est une condition de la validité de la vente de couverture, l'oubli ou le retard de la notification provoqueraient l'invalidité de la vente entre les parties au contrat. Cela n'empêcherait pourtant pas que, selon le droit suisse, le nouvel acheteur ait acquis la marchandise à bon droit s'il était de bonne foi. Il ne resterait à la partie lésée qu'une prétention en dommages-intérêts.

Si on admet par contre que le défaut de notification n'invalide pas la vente de couverture mais donne une prétention en dommages-intérêts à la partie qui n'a pas été avisée, le résultat est le même. Cette prétention en dommages-intérêts doit être calculée selon la méthode concrète (art. 75).

La convention ne précise pas si une partie, lorsqu'elle a été avisée de l'intention de l'autre partie de procéder à une vente de couverture, peut s'opposer à cette vente, ni par quel moyen. Il est certain que les conditions d'une vente de couverture sont caduques lorsque la partie en défaut s'exécute immédiatement. Mais il n'est pas indiqué clairement si la partie chargée des mesures conservatoires doit tenir compte d'une opposition (certainement sujette à réception). Comme cette question entre dans le champ d'application de la convention, la solution découlera du comblement des lacunes (art. 7).

L'article 88, 2e alinéa, simplifie les conditions de la vente de couverture lorsque les marchandises «sont sujettes à une détérioration rapide» ou lorsque leur conservation entraînerait des frais déraisonnables. Il n'est alors nécessaire de notifier l'intention de vendre à l'autre partie que «dans la mesure du possible». Le 2e alinéa concerne les marchandises soumises à une détérioration physique rapide et celles où les circonstances extérieures rendent impossible toute disposition raisonnable. Par opposition au droit suisse, il est possible enfin de revendre des marchandises pour lesquelles il faut craindre une rapide chute des prix.

Alors que, selon le 1er alinéa, la partie chargée des
mesures conservatoires a le droit mais pas l'obligation de procéder à une vente de couverture, elle doit «raisonnablement s'employer à vendre» les marchandises selon le 2e alinéa. Si elle viole cette obligation, elle peut être tenue de verser des dommages-intérêts à l'autre partie.

La partie qui vend des marchandises a le droit de retenir sur le produit de la vente un montant égal aux frais raisonnables de conservation et de vente des marchandises (art. 88, 3e al.).

24

Dispositions finales

Les clauses finales (art. 89 à 101) contiennent quelques règles générales, des conditions d'application temporelle (ratification, entrée en vigueur et dénonciation), les réserves autorisées ainsi que des règles concernant la relation de la Convention avec d'autres traités, en particulier le droit uniforme de La Haye sur la vente.

795

241

Dispositions générales (art. 89, 91, 93 et 97)

Le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies agit en tant que dépositaire de la convention (art. 89). Il reçoit tous les actes de ratification, d'acceptation et d'adhésion et les conserve. Les déclarations doivent être faites par écrit et formellement notifiées au dépositaire (art. 97, 2e al.). Jusqu'au 30 septembre 1981, la Convention de Vienne se trouvait au siège des Nations Unies à New York où elle était ouverte à toute signature. 21 Etats ont fait usage de leur droit. Les Etats qui ne l'avaient pas signée à cette date (p. ex. la Suisse), peuvent y adhérer (art. 91). Jusqu'au 1er août 1988,17 Etats ont ratifié, approuvé ou accepté la Convention de Vienne.

Les dispositions générales comprennent aussi les «clauses fédérées». Ces clauses permettent aux Etats qui comprennent plusieurs unités territoriales dans lesquelles des systèmes de droit différents s'appliquent dans les matières régies par la Convention de Vienne, de déclarer que cette dernière ne s'appliquera qu'à certaines unités territoriales (art. 93). Si un Etat contractant ne fait pas une telle déclaration, la Convention s'appliquera à l'ensemble de son territoire.

242

Champ d'application à raison du temps (art. 99 à 101)

Selon l'article 99, la convention entre en vigueur une année après le dépôt du dixième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion (1er al.). Cette condition s'est réalisée le 1er janvier 1988. En ce qui concerne chaque nouvel Etat contractant, la convention entrera en vigueur un an après le dépôt de l'instrument de ratification (2e al.). Les Etats qui avaient adhéré aux lois uniformes de La Haye sur la vente de 1964 doivent, lorsqu'ils ratifient la convention, dénoncer en même temps les lois uniformes. Leur adhésion à la Convention de Vienne ne prendra effet qu'à la date où les dénonciations précitées prendront elles-mêmes effet (3e à 6e al.).

L'article 100 précise que la convention se s'applique qu'aux contrats conclus le jour de son entrée en vigueur ou par la suite. Il s'agit là de l'entrée en vigueur pour les Etats où les parties au contrat ont leur établissement (cf. art. 1er, 1er al., let. a), ou encore pour les Etats dont le droit est désigné par le droit international privé du juge saisi (cf. art. 1er, 1er al., let. b).

L'article 101 contient les formalités de dénonciation. Celle-ci prend effet au plus tôt un an après avoir été notifiée au dépositaire.

243

Réserves (art. 92, 94 à 96 et 98)

L'article 98 n'autorise pas les Etats contractants à faire des réserves autres que les quatre expressément prévues par la convention.

Il y a d'une part la réserve des règles de droit semblables. Les Etats contractants qui, pour la vente de marchandises, appliquent des règles juridiques identitques 796

ou voisines, peuvent déclarer que leurs propres règles identiques ou voisines s'appliqueront en lieu et place de la convention lorsque les parties ont leur établissement dans ces Etats (art. 94). La Suède, la Norvège et la Finlande ont déjà fait usage de cette réserve. Il faut s'attendre à ce que le Danemark en fasse de même. La Suisse n'a pas à envisager la possibilité d'une telle réserve. En effet, elle n'a en commun avec aucun autre Etat des règles identiques ou voisines dans le domaine de la vente.

En outre, tout Etat contractant peut déclarer, au moment de la ratification de la Convention, qu'il ne sera pas lié par l'article 1er, 1er alinéa, lettre b (art. 95). En d'autres termes, cela signifie qu'il peut dire librement dans quelle mesure il entend appliquer la convention lorsque les règles de conflit du juge saisi désignent son ordre juridique comme étant applicable. Jusqu'à présent, la Chine et les Etats-Unis ont fait usage de cette réserve. Ainsi que cela a été expliqué ci-dessus (cf. ch. 211.2), la Suisse n'a aucune raison de faire une telle réserve. Les arguments invoqués contre l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, paraissent peu convaincants. En particulier, ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'il faut s'attendre à des difficultés de délimitation provoquées par les rattachements différents de la formation des contrats et du droit matériel de la vente. De même, il ne devrait arriver qu'exceptionnellement qu'un Etat favorise manifestement les personnes établies sur son territoire par rapport aux étrangers et que la règle de l'article 1er, 1er alinéa, lettre b, ait dès lors pour conséquence de créer, pour les pays parties à la convention, une obligation de droit public d'appliquer également ladite convention à des personnes établies dans un tel Etat. On soulève parfois l'objection que le passage préalable par les règles de conflit interdit aux Etats contractants de traiter de manière différente des contrats de vente internationaux lorsque le droit international privé du juge saisi désigne le droit matériel d'un Etat contractant (cf.

p. ex. Herber Rolf, Anwendungsvoraussetzungen und Anwendungsbereich des Einheitlichen Kaufrechts, in Einheitliches Kaufrecht und nationales Obligationenrecht, Referate und Diskussionen der Fachtagung Einheitliches Kaufrecht am 16./17. Januar 1987, édité
par Schlechtriem P., p. 100). Cette objection n'est pas convaincante. Il est bien au contraire difficile de comprendre pour quelle raison la convention, en tant que loi spéciale, ne devrait pas s'appliquer à tous les contrats de vente internationale de marchandises. Il ne serait pas raisonnable et il serait contraire à la sécurité juridique de laisser le juge saisi décider dans quelle mesure la convention doit être appliquée aux Etats non contractants. L'article 1er, 1er alinéa, lettre b, par contre, augmentera la fréquence à laquelle la convention sera appliquée. Il favorise ainsi l'utilisation universelle de ce droit de la vente. En outre, les règles de la convention paraîtront plus familières aux parties d'une vente internationale que n'importe quel droit étranger. Faute d'arguments valables et convaincants à l'appui de l'article 95 et dans l'intérêt d'une réglementation simple et uniforme, il convient de renoncer à la réserve prévue à l'article 95.

Une autre possibilité de réserve est offerte par l'article 92. Tout Etat contractant peut ainsi ratifier seulement la partie sur la formation des contrats (deuxième partie) ou celle sur le droit matériel de la vente (troisième partie). Jusqu'à présent, la Finlande, la Norvège et la Suède ont fait usage de cette réserve et n'ont pas ratifié la deuxième partie. Il faut s'attendre à ce que le Danemark en fasse de même.

797

Une dernière possibilité de réserve est donnée par l'article 96. Elle concerne la forme écrite pour la formation ou la preuve d'un contrat de vente. Tout Etat contractant dont la législation connaît de telles prescriptions de forme, peut ainsi déclarer que la forme écrite sera imperative pour les contrats internationaux conclus par une partie qui a son établissement dans cet Etat. Le droit suisse ne connaît aucune prescription de forme pour les contrats internationaux de vente. Il n'est donc pas nécessaire d'envisager une telle réserve.

En principe, les réserves doivent être faites lors de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation de la convention ou de l'adhésion à celle-ci. En ce qui concerne les articles 94 (réserve des règles de droit identiques ou voisines) et 96 (réserve de la forme écrite), une déclaration de réserve est possible en tout temps.

244

Réglementation des conflits entre conventions (art. 90)

Selon l'article 90, la convention ne prévaut pas sur les accords internationaux déjà conclus ou à conclure. Il s'agit là de la clause habituelle destinée à éviter les conflits entre conventions. En ce qui concerne les lois uniformes de La Haye sur la vente, un tel conflit est exclu. En effet, l'entrée en vigueur de la Convention de Vienne est liée expressément à la dénonciation de la loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels et de la loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels (cf. ci-dessus ch. 242).

3

Conclusions

Compte tenu de la grande importance du commerce international de marchandises, l'intérêt d'une réglementation légale claire est évident pour tout le monde.

Très souvent, il n'est pas facile de savoir à quel ordre juridique un contrat de vente contenant des éléments internationaux doit être rattaché. En Suisse, il convient d'appliquer en premier lieu la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (RS 0.221.211.4). Lorsque la convention précitée ne contient aucune règle, il faudra à l'avenir tenir compte de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (RS 297). La Convention de DIP de La Haye permet aux parties de faire une élection de droit. Mais, très souvent, celles-ci n'en feront rien parce que, d'une part, elles pensent que leurs relations commerciales se dérouleront normalement et que, d'autre part, elles ne veulent pas alourdir leurs discussions précontractuelles avec un problème qu'elles jugent secondaire.

La Convention de Vienne apporte une bonne solution à bien des égards. Ses règles d'application autonomes éliminent les règles de conflit et les problèmes qui en découlent. Pour que la convention soit applicable, il suffit que les parties aient leur établissement dans des Etats contractants différents (cf. art. 1er, 1er al., let. a).

Il faut y ajouter les cas où la convention est déclarée applicable par le biais des règles de conflit, à savoir lorsque le droit international privé du juge saisi désigne le droit d'un Etat contractant (cf. art. 1er, 1er al., let. b). La Convention de Vienne 798

a l'avantage de proposer des solutions de droit matériel qui répondent aux besoins du commerce international de marchandises. Ainsi, le droit de l'acheteur de réparer une livraison défectueuse, qui représente une charge considérable pour le vendeur, est limité en comparaison avec ce qu'offre le code des obligations. En outre, lorsque les parties songent à une élection de droit, elles accepteront plus facilement la Convention de Vienne qui est «neutre» que le droit de l'un des Etats où sont établies les parties.

Toutes ces raisons ont contribué à l'entrée en vigueur de la convention le 1er janvier 1988. 17 Etats ont déjà ratifié ou accepté la convention (l'Argentine, l'Autriche, l'Australie, la Chine, l'Egypte, les Etats-Unis, la Finlande, la France, la Hongrie, l'Italie, le Lesotho, le Mexique, la Norvège, la Suède, la Syrie, la Yougoslavie et la Zambie). On y trouve quelques partenaires commerciaux importants de la Suisse. Il serait donc à l'avantage de notre pays d'adhérer également à la Convention de Vienne.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Pour la Suisse, l'adhésion à cette convention n'aura aucune conséquence financière et aucun effet sur l'état du personnel.

La convention contient des règles matérielles sur les contrats de vente internationale de marchandises. Elle n'apportera donc pas de nouvelles obligations aux autorités cantonales et fédérales. Seules les autorités judiciaires devront appliquer dans de nombreux cas la Convention de Vienne à la place du droit national désigné par le droit international privé. Pour les tribunaux, on peut dans ce domaine comparer l'adhésion à la convention à une révision législative interne.

Mais la Confédération et les cantons n'auront aucune nouvelle charge et il ne sera pas nécessaire d'engager du personnel supplémentaire.

5

Relations avec le droit européen.

Les Communautés européennes ont discuté de l'adhésion à la Convention de Vienne et son parvenues à la conclusion qu'il serait souhaitable que les Etats des CE la ratifient. Il est certain que personne n'envisage la création d'un droit de la vente européen, que ce soit au sein des CE ou du Conseil de l'Europe. Les mauvaises expériences faites avec les lois uniformes de La Haye qui se sont limitées à l'Europe occidentale ont au contraire provoqué l'unification du droit de la vente au niveau des Nations Unies.

21 Etats ont signé la convention (l'Autriche, le Chili, la Chine, le Danemark, les Etats-Unis, la Finlande, la France, le Ghana, la Hongrie, l'Italie, le Lesotho, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la RDA, la RFA, Singapour, la Suède, la Tchécoslovaquie, le Venezuela et la Yougoslavie). Cinq des ces Etats sont membres des CE. Deux de ceux-ci (la France et l'Italie) ont déjà ratifié la convention. Dans deux autres (les Pays-Bas et la RFA), la procédure de ratification est en cours.

L'Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suède, membres de l'AELE, ont déjà ratifié la convention.

799

6

Programme de la législature

Le présent projet fait partie du programme de la législature 1987-1991 (cf. FF 1988 I 517).

7

Constitutionnalité

L'arrête fédéral concernant la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises se fonde sur l'article 8 de la constitution qui donne à la Confédération la compétence de conclure des traités internationaux.

L'Assemblée fédérale est compétente en vertu de l'article 85, chiffre 5, de la constitution.

La convention peut être dénoncée en tout temps. Elle n'implique aucune adhésion à une organisation internationale. Par contre, elle mène à une unification multilatérale dans le domaine du droit des ventes internationales de marchandises. Dans les limites de son champ d'application, la Convention de Vienne remplacera ou complétera le droit interne. Ses règles s'appliqueront directement aux particuliers. Elle remplit donc les critères d'une unification multilatérale du droit (cf. FF 1987III83,1986III781 et références). Par conséquent, elle doit être soumise au référendum pour les traités internationaux prévu par l'article 89, 3e alinéa, lettre c, de la constitution.

32668

800

Arrêté fédéral Projet concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises

du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 8 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 11 janvier 1989!\ arrête:

Article premier 1

La Convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises est approuvée.

2

Le Conseil fédéral est habilité à ratifier cette convention.

Art. 2 Le présent arrêté est sujet au référendum facultatif en matière de traités internationaux entraînant une unification multilatérale du droit (art. 89, 3e al., let. c, est.).

32668

') FF 1989 I 709

801

Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises

Texte original

Les Etats parties à la présente Convention ayant présent à l'esprit les objectifs généraux inscrits dans les résolutions relatives à l'instauration d'un nouvel ordre économique international que l'Assemblée générale a adoptées à sa sixième session extraordinaire, considérant que le développement du commerce international sur la base de l'égalité et des avantages mutuels est un élément important dans la promotion de relations amicales entre les Etats, estimant que l'adoption de règles uniformes applicables aux contrats de vente internationale de marchandises et compatibles avec les différents systèmes sociaux, économiques et juridiques contribuera à l'élimination des obstacles juridiques aux échanges internationaux et favorisera le développement du commerce international, sont convenus de ce qui suit:

Première partie Champ d'application et dispositions générales Chapitre I Champ d'application Article premier 1 La présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents: a) lorsque ces Etats sont des Etats contractants; ou b) lorsque les règles de droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant.

2 II n'est pas tenu compte du fait que les parties ont leur établissement dans des Etats différents lorsque ce fait ne ressort ni du contrat, ni de transactions antérieures entre les parties, ni de renseignements donnés par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat.

3 Ni la nationalité des parties ni le caractère civil ou commercial des parties ou du contrat ne sont pris en considération pour l'application de la présente Convention.

802

jg

Contrats de \cnte internationale de marchandises

Article 2

La présente Convention ne régit pas les ventes: a) de marchandises achetées pour un usage personnel, familial ou domestique, à moins que le vendeur, à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat, n'ait pas su et n'ait pas été censé savoir que ces marchandises étaient achetées pour un tel usage; b) aux enchères; c) sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice; d) de valeurs mobilières, effets de commerce et monnaies; e) de navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs; f) d'électricité.

Article 3 1

Sont réputés ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande celles-ci n'ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production.

2 La présente Convention ne s'applique pas aux contrats dans lesquels la part prépondérante de l'obligation de la partie qui fournit les marchandises consiste en une fourniture de main-d'oeuvre ou d'autres services.

Article 4

La présente Convention régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur.

En particulier, sauf disposition contraire expresse de la présente Convention, celle-ci ne concerne pas: a) la validité du contrat ni celle d'aucune de ses clauses non plus que celle des usages; b) les effets que le contrat peut avoir sur la propriété des marchandises vendues.

Article 5

La présente Convention ne s'applique pas à la responsabilité du vendeur pour décès ou lésions corporelles causés à quiconque par les marchandises.

Article 6

Les parties peuvent exclure l'application de la présente Convention ou, sous réserve des dispositions de l'article 12, déroger à l'une quelconque de ses dispositions ou en modifier les effets.

803

Contrats de vente internationale de marchandises

Chapitre II Dispositions générales Article 7 ' Pour l'interprétation de la présente Convention, il sera tenu compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir l'uniformité de son application ainsi que d'assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international.

2 Les questions concernant les matières régies par la présente Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle seront réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.

Article 8 1

Aux fins de la présente Convention, les indications et les autres comportements d'une partie doivent être interprétés selon l'intention de celle-ci lorsque l'autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention.

2 Si le paragraphe précédent n'est pas applicable, les indications et autres comportements d'une partie doivent être interprétés selon le sens qu'une personne raisonnable de même qualité que l'autre partie, placée dans la même situation, leur aurait donné.

3 Pour déterminer l'intention d'une partie ou ce qu'aurait compris une personne raisonnable, il doit être tenu compte des circonstances pertinentes, notamment des négociations qui ont pu avoir lieu entre les parties, des habitudes qui se sont établies entre elles, des usages et de tout comportement ultérieur des parties.

Article 9 1

Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et par les habitudes qui se sont établies entre elles.

2 Sauf convention contraire des parties, celles-ci sont réputées s'être tacitement référées dans le contrat et pour sa formation à tout usage dont elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats de même type dans la branche commerciale considérée.

Article 10

Aux fins de la présente Convention: a) si une partie a plus d'un établissement, l'établissement à prendre en considération est celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat; b) si une partie n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle en tient lieu.

804

Contrats de vente internationale de marchandises

Article 11 Le contrat de vente n'a pas à être conclu ni constaté par écrit et n'est soumis à aucune autre condition de forme. Il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins.

Article 12 Toute disposition de l'article 11, de l'article 29 ou de la deuxième partie de la présente Convention autorisant une forme autre que la forme écrite, soit pour la conclusion ou pour la modification ou la résiliation amiable d'un contrat de vente, soit pour toute offre, acceptation ou autre manifestation d'intention, ne s'applique pas dès lors qu'une des parties a son établissement dans un Etat contractant qui a fait une déclaration conformément à l'article 96 de la présente Convention.

Les parties ne peuvent déroger au présent article ni en modifier les effets.

Article 13 Aux fins de la présente Convention, le terme «écrit» doit s'entendre également des communications adressées par télégramme ou par télex.

Deuxième partie Formation du contrat Article 14 1

Une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Une proposition est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne des indications permettant de les déterminer.

2

Une proposition adressée à des personnes indéterminées est considérée seulement comme une invitation à l'offre, à moins que la personne qui a fait la proposition n'ait clairement indiqué le contraire.

Article 15 1

Une offre prend effet lorsqu'elle parvient au destinataire.

Une offre, même si elle est irrévocable, peut être rétractée si la rétractation parvient au destinataire avant ou en même temps que l'offre.

2

Article 16 1 Jusqu'à ce qu'un contrat ait été conclu, une offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait expédié une acceptation.

55 Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

805

Contrats de vente internationale de marchandises

2

Cependant, une offre ne peut être révoquée: a) si elle indique, en fixant un délai déterminé pour l'acceptation ou autrement, qu'elle est irrévocable; b) s'il était raisonnable pour le destinataire de considérer l'offre comme irrévocable et s'il a agi en conséquence.

Article 17

Une offre, même irrévocable, prend fin lorsque son rejet parvient à l'auteur de l'offre.

Article 18 1 Une déclaration ou autre comportement du destinataire indiquant qu'il aquiesce à une offre constitue une acceptation. Le silence ou l'inaction à eux seuls ne peuvent valoir acceptation.

2 L'acceptation d'une offre prend effet au moment où l'indication d'acquiescement parvient à l'auteur de l'offre. L'acceptation ne prend pas effet si cette indication ne parvient pas à l'auteur de l'offre dans le délai qu'il a stipulé ou, à défaut d'une telle stipulation, dans un délai raisonnable, compte tenu des circonstances de la transaction et de la rapidité des moyens de communication utilisés par l'auteur de l'offre. Une offre verbale doit être acceptée immédiatement, à moins que les circonstances n'impliquent le contraire.

3 Cependant, si, en vertu de l'offre, des habitudes qui se sont établies entre les parties ou des usages, le destinataire de l'offre peut indiquer qu'il acquiesce en accomplissant un. acte se rapportant, par exemple, à l'expédition des marchandises ou au paiement du prix, sans communication à l'auteur de l'offre, l'acceptation prend effet au moment où cet acte est accompli, pour autant qu'il le soit dans les délais prévus par le paragraphe précédent.

Article 19 1

Une réponse qui tend à être l'acceptation d'une offre, mais qui contient des additions, des limitations ou autres modifications, est un rejet de l'offre et constitue une contre-offre.

2 Cependant, une réponse qui tend à être l'acceptation d'une offre, mais qui contient des éléments complémentaires ou différents n'altérant pas substantiellement les termes de l'offre, constitue une acceptation, à moins que l'auteur de l'offre, sans retard injustifié, n'en relève les différences verbalement ou n'adresse un avis à cet effet. S'il ne le fait pas, les termes du contrat sont ceux de l'offre, avec les modifications comprises dans l'acceptation.

3 Des éléments complémentaires ou différents relatifs notamment au prix, au paiement, à la qualité et à la quantité des marchandises, au lieu et au moment de la livraison, à l'étendue de la responsabilité d'une partie à l'égard de l'autre ou au 806

Contrats de vente internationale de marchandises

règlement des différends, sont considérés comme altérant substantiellement les termes de l'offre.

Article 20 1 Le délai d'acceptation fixé par l'auteur de l'offre dans un télégramme ou une lettre commence à courir au moment où le télégramme est remis pour expédition ou à la date qui apparaît sur la lettre ou, à défaut, à la date qui apparaît sur l'enveloppe. Le délai d'acceptation que l'auteur de l'offre fixe par téléphone, par télex ou par d'autres moyens de communication instantanés commence à courir au moment où l'offre parvient au destinataire.

2 Les jours fériés ou chômés qui tombent pendant que court le délai d'acceptation sont comptés dans le calcul de ce délai. Cependant, si la notification ne peut être remise à l'adresse de l'auteur de l'offre le dernier jour du délai, parce que celui-ci tombe un jour férié ou chômé au lieu d'établissement de l'auteur de l'offre, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

Article 21 1

Une acceptation tardive produit néanmoins effet en tant qu'acceptation si, sans retard, l'auteur de l'offre en informe verbalement le destinataire ou lui adresse un avis à cet effet.

2 Si la lettre ou autre écrit contenant une acceptation tardive révèle qu'elle a été expédiée dans des conditions telles que, si sa transmission avait été régulière, elle serait parvenue à temps à l'auteur de l'offre, l'acceptation tardive produit effet en tant qu'acceptation à moins que, sans retard, l'auteur de l'offre n'informe verbalement le destinataire de l'offre qu'il considère que son offre avait pris fin ou qu'il ne lui adresse un avis à cet effet.

Article 22

L'acceptation peut être rétractée si la rétractation parvient à l'auteur de l'offre avant le moment où l'acceptation aurait pris effet ou à ce moment.

Article 23

Le contrat est conclu au moment où l'acceptation d'une offre prend effet conformément aux dispositions de la présente Convention.

Article 24

Aux fins de la présente Convention, une offre, une déclaration d'acceptation ou toute autre manifestation d'intention «parvient» à son destinataire lorsqu'elle lui est faite verbalement ou est délivrée par tout autre moyen au destinataire lui-même, à son établissement, à son adresse postale ou, s'il n'a pas d'établissement ou d'adresse postale, à sa résidence habituelle.

807

Contrats de vente internationale de marchandises

IVoisième partie Vente de marchandises Chapitre I Dispositions générales Article 25 Une contravention au contrat commise par l'une des parties est essentielle, lorsqu'elle cause à l'autre partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce que celle-ci était en droit d'attendre du contrat, à moins que la partie en défaut n'ait pas prévu un tel résultat et qu'une personne raisonnable de même qualité placée dans la même situation ne l'aurait pas prévu non plus.

Article 26 Une déclaration de résolution du contrat n'a d'effet que si elle est faite par notification à l'autre partie.

Article 27 Sauf disposition contraire expresse de la présente partie de la Convention, si une notification, demande ou autre communication est faite par une partie au contrat conformément à la présente partie et par un moyen approprié aux circonstances, un retard ou une erreur dans la transmission de la communication ou le fait qu'elle n'est pas arrivée à destination ne prive pas cette partie au contrat du droit de s'en prévaloir.

Article 28 Si, conformément aux dispositions de la présente Convention, une partie a le droit d'exiger de l'autre l'exécution d'une obligation, un tribunal n'est tenu d'ordonner l'exécution en nature que s'il le ferait en vertu de son propre droit pour des contrats de vente semblables non régis par la Convention.

Article 29 1

Un contrat peut être modifié ou résilié par accord amiable entre les parties.

Un contrat écrit qui contient une disposition stipulant que toute modification ou résiliation amiable doit être faite par écrit ne peut être modifié ou résilié à l'amiable sous une autre forme. Toutefois, le comportement de l'une des parties peut l'empêcher d'invoquer une telle disposition si l'autre partie s'est fondée sur ce comportement.

2

808

Contrats de vente internationale de marchandises

Chapitre II Obligations du vendeur Article 30 Le vendeur s'oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la présente Convention, à livrer les marchandises, à en transférer la propriété et, s'il y a lieu, à remettre les documents s'y rapportant.

Section I Livraison des marchandises et remise des documents Article 31 Si le vendeur n'est pas tenu de livrer les marchandises en un autre lieu particulier, son obligation de livraison consiste: a) lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises, à remettre les marchandises au premier transporteur pour transmission à l'acheteur; b) lorsque, dans les cas non visés au précédent alinéa, le contrat porte sur un corps certain ou sur une chose de genre qui doit être prélevée sur une masse déterminée ou qui doit être fabriquée ou produite et lorsque, au moment de la conclusion du contrat, les parties savaient que les marchandises se trouvaient ou devaient être fabriquées ou produites en un lieu particulier, à mettre les marchandises à la disposition de l'acheteur en ce lieu; c) dans les autres cas, à mettre les marchandises à la disposition de l'acheteur au lieu où le vendeur avait son établissement au moment de la conclusion du contrat.

Article 32 1

Si, conformément au contrat ou à la présente Convention, le vendeur remet les marchandises à un transporteur et si les marchandises ne sont pas clairement identifiées aux fins du contrat par l'apposition d'un signe distinctif sur les marchandises, par des documents de transport ou par tout autre moyen, le vendeur doit donner à l'acheteur avis de l'expédition en désignant spécifiquement les marchandises.

2 Si le vendeur est tenu de prendre des dispositions pour le transport des marchandises, il doit conclure les contrats nécessaires pour que le transport soit effectué jusqu'au lieu prévu, par les moyens de transport appropriées aux circonstances et selon les conditions usuelles pour un tel transport.

3

Si le vendeur n'est pas tenu de souscrire lui-même une assurance de transport, il doit fournir à l'acheteur, à la demande de celui-ci, tous renseignements dont il dispose qui sont nécessaires à la conclusion de cette assurance.

809

Contrats de vente internationale de marchandises

Article 33 Le vendeur doit livrer les marchandises: a) si une date est fixée par le contrat ou déterminable par référence au contrat, à cette date; b) si une période de temps est fixée par le contrat ou déterminable par référence au contrat, à un moment quelconque au cours de cette période, à moins qu'il ne résulte des circonstances que c'est à l'acheteur de choisir une date; ou c) dans tous les autres cas, dans un délai raisonnable à partir de la conclusion du contrat.

Article 34 Si le vendeur est tenu de remettre les documents se rapportant aux marchandises, il doit s'acquitter de cette obligation au moment, au lieu et dans la forme prévus au contrat. En cas de remise anticipée, le vendeur conserve, jusqu'au moment prévu pour la remise, le droit de réparer tout défaut de conformité des documents, à condition que l'exercice de ce droit ne cause à l'acheteur ni inconvénients ni frais déraisonnables. Toutefois, l'acheteur conserve le droit de demander des dommages-intérêts conformément à la présente Convention.

Section II Conformité des marchandises et droits ou prétentions de tiers Article 35 1 Le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat, et dont l'emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat.

2 A moins que les parties n'en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si: a) elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type; b) elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s'il résulte des circonstances que l'acheteur ne s'en est pas remis à la compétence ou à l'appréciation du vendeur ou qu'il n'était pas raisonnable de sa part de le faire; c) elles possèdent les qualités d'une marchandise que le vendeur a présentée à l'acheteur comme échantillon ou modèle; d) elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel pour les marchandises du même type ou, à défaut de mode habituel, d'une manière propre à les conserver et à les protéger.

810

Contrats de vente internationale de marchandises

3

Le vendeur n'est pas responsable, au regard des alinéas a) à d) du paragraphe précédent, d'un défaut de conformité que l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat.

Article 36 1

Le vendeur est responsable, conformément au contrat et à la présente Convention, de tout défaut de conformité qui existe au moment du transfert des risques à l'acheteur, même si ce défaut n'apparaît qu'ultérieurement.

2 Le vendeur est également responsable de tout défaut de conformité qui survient après le moment indiqué au paragraphe précédent et qui est imputable à l'inexécution de l'une quelconque de ses obligations, y compris à un manquement à une garantie que, pendant une certaine période, les marchandises resteront propres à leur usage normal ou à un usage spécial ou conserveront des qualités ou caractéristiques spécifiées.

Article 37

En cas de livraison anticipée, le vendeur a le droit, jusqu'à la date prévue pour la livraison, soit de livrer une partie ou une quantité manquante, ou des marchandises nouvelles en remplacement des marchandises non conformes au contrat, soit de réparer tout défaut de conformité des marchandises, à condition que l'exercice de ce droit ne cause à l'acheteur ni inconvénients ni frais déraisonnables.

Toutefois, l'acheteur conserve le droit de demander des dommages-intérêts conformément à la présente Convention.

Article 38 1

L'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances.

2 SI le contrat implique un transport des marchandises, l'examen peut être différé jusqu'à leur arrivée à destination.

3 Si les marchandises sont déroutées ou réexpédiées par l'acheteur sans que celui-ci ait eu raisonnablement la possibilité de les examiner et si, au moment de la conclusion du contrat, le vendeur connaissait ou aurait dû connaître la possibilité de ce déroutage ou de cette réexpédition, l'examen peut être différé jusqu'à l'arrivée des marchandises à leur nouvelle destination.

Article 39 1

L'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater.

2 Dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au plus tard dans le délai de deux ans à compter 811

Contrats de vente internationale de marchandises

de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle.

Article 40

Le vendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions des articles 38 et 39 lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur.

Article 41

Le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d'un tiers, à moins que l'acheteur n'accepte de prendre les marchandises dans ces conditions. Toutefois, si ce droit ou cette prétention est fondé sur la propriété industrielle ou autre propriété intellectuelle, l'obligation du vendeur est régie par l'article 42.

Article 42 1

Le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d'un tiers fondé sur la propriété industrielle ou autre propriété intellectuelle, qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat, à condition que ce droit ou cette prétention soit fondé sur la propriété industrielle ou autre propriété intellectuelle: a) en vertu de la loi de l'Etat où les marchandises doivent être revendues ou utilisées, si les parties ont envisagé au moment de la conclusion du contrat que les marchandises seraient revendues ou utilisées dans cet Etat; ou b) dans tous les autres cas, en vertu de la loi de l'Etat où l'acheteur a son établissement.

2 Dans les cas suivants, le vendeur n'est pas tenu de l'obligation prévue au paragraphe précédent: a) au moment de la conclusion du contrat, l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer l'existence du droit ou de la prétention; ou b) le droit ou la prétention résulte de ce que le vendeur s'est conformé aux plans techniques, dessins, formules ou autres spécifications analogues fournis par l'acheteur.

Article 43 1

L'acheteur perd le droit de se prévaloir des dispositions des articles 41 et 42 s'il ne dénonce pas au vendeur le droit ou la prétention du tiers, en précisant la nature de ce droit ou de cette prétention, dans un délai raisonnable à partir du moment où il en a eu connaissance ou aurait dû en avoir connaissance.

2 Le vendeur ne peut se prévaloir des dispositions du paragraphe précédent s'il connaissait le droit ou la prétention du tiers et sa nature.

812

Contrats de vente internationale de marchandises

Article 44 Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 de l'article 39 et du paragraphe 1 de l'article 43, l'acheteur peut réduire le prix conformément à l'article 50 ou demander des dommages-intérêts, sauf pour le gain manqué, s'il a une excuse raisonnable pour n'avoir pas procédé à la dénonciation requise.

Section III Moyens dont dispose l'acheteur en cas de contravention au contrat pour le vendeur Article 45 1 Si le vendeur n'a pas exécuté l'une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat de vente ou de la présente Convention, l'acheteur est fondé à: a) exercer les droits prévus aux articles 46 à 52; b) demander les dommages-intérêts prévus aux articles 74 à 77.

2 L'acheteur ne perd pas le droit de demander des dommages-intérêts lorsqu'il exerce son droit de recourir à un autre moyen.

3 Aucun délai de grâce ne peut être accordé au vendeur par un juge ou par un arbitre lorsque l'acheteur se prévaut d'un des moyens dont il dispose en cas de contravention au contrat.

Article 46 1 L'acheteur peut exiger du vendeur l'exécution de ses obligations, à moins qu'il ne se soit prévalu d'un moyen incompatible avec cette exigence.

2 Si les marchandises ne sont pas conformes au contrat, l'acheteur ne peut exiger du vendeur la livraison de marchandises de remplacement que si le défaut de conformité constitue une contravention essentielle au contrat et si cette livraison est demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité faite conformément à l'article 39 ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation.

3 Si les marchandises ne sont pas conformes au contrat, l'acheteur peut exiger du vendeur qu'il répare le défaut de conformité, à moins que cela ne soit déraisonnable compte tenu de toutes les circonstances. La réparation doit être demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité faite conformément à l'article 39 ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation.

Article 47 ' L'acheteur peut impartir au vendeur un délai supplémentaire de durée raisonnable pour l'exécution de ses obligations.

2 A moins qu'il n'ait reçu du vendeur une notification l'informant que celui-ci n'exécuterait pas ses obligations dans le délai ainsi imparti, l'acheteur ne peut, 813

Contrats de vente internationale de marchandises

avant l'expiration de ce délai, se prévaloir d'aucun des moyens dont il dispose en cas de contravention au contrat. Toutefois, l'acheteur ne perd pas, de ce fait, le droit de demander des dommages-intérêts pour retard dans l'exécution.

Article 48 1 Sous réserve de l'article 49, le vendeur peut, même après la date de la livraison, réparer à ses frais tout manquement à ses obligations, à condition que cela n'entraîne pas un retard déraisonnable et ne cause à l'acheteur ni incertitude quant au remboursement par le vendeur des frais faits par l'acheteur. Toutefois, l'acheteur conserve le droit de demander des dommages-intérêts conformément à la présente Convention.

2

Si le vendeur demande à l'acheteur de lui faire savoir s'il accepte l'exécution et si l'acheteur ne lui répond pas dans un délai raisonnable, le vendeur peut exécuter ses obligations dans le délai qu'il a indiqué dans sa demande. L'acheteur ne peut, avant l'expiration de ce délai, se prévaloir d'un moyen incompatible avec l'exécution par le vendeur de ses obligations.

3 Lorsque le vendeur notifie à l'acheteur son intention d'exécuter ses obligations dans un délai déterminé, il est présumé demander à l'acheteur de lui faire connaître sa décision conformément au paragraphe précédent.

4 Une demande ou une notification faite par le vendeur en vertu des paragraphes 2 ou 3 du présent article n'a d'effet que si elle est reçue par l'acheteur.

Article 49 1 L'acheteur peut déclarer le contrat résolu: a) si l'inexécution par le vendeur de l'une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la présente Convention constitue une contravention essentielle au contrat; ou b) en cas de défaut de livraison, si le vendeur ne livre pas les marchandises dans le délai supplémentaire imparti par l'acheteur conformément au paragraphe 1 de l'article 47 ou s'il déclare qu'il ne livrera pas dans le délai ainsi imparti.

2 Cependant, lorsque le vendeur a livré les marchandises, l'acheteur est déchu du droit de déclarer le contrat résolu s'il ne l'a pas fait: a) en cas de livraison tardive, dans un délai raisonnable à partir du moment où il a su que la livraison avait été effectuée; b) en cas de contravention autre que la livraison tardive, dans un délai raisonnable: i) à partir du moment où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette contravention; ii) après l'expiration de tout délai supplémentaire imparti par l'acheteur conformément au paragraphe 1 de l'article 47 ou après que le vendeur a

814

Contrats de vente internationale de marchandises

déclaré qu'il n'exécuterait pas ses obligations dans ce délai supplémentaire; ou iii) après l'expiration de tout délai supplémentaire indiqué par le vendeur conformément au paragraphe 2 de l'article 48 ou après que l'acheteur a déclaré qu'il n'accepterait pas l'exécution.

Article 50 En cas de défaut de conformité des marchandises au contrat, que le prix ait été ou non déjà payé, l'acheteur peut réduire le prix proportionnellement à la différence entre la valeur que les marchandises effectivement livrées avaient au moment de la livraison et la valeur que des marchandises conformes auraient eue à ce moment. Cependant, si le vendeur répare tout manquement à ses obligations conformément à l'article 37 ou à l'article 48 ou si l'acheteur refuse d'accepter l'exécution par le vendeur conformément à ces articles, l'acheteur ne peut réduire le prix.

Article 51 1 Si le vendeur ne livre qu'une partie des marchandises ou si une partie seulement des marchandises livrées est conforme au contrat, les articles 46 à 50 s'appliquent en ce qui concerne la partie manquante ou non conforme.

2 L'acheteur ne peut déclarer le contrat résolu dans sa totalité que si l'exécution partielle ou le défaut de conformité constitue une contravention essentielle au contrat.

Article 52 1 Si le vendeur livre des marchandises avant la date fixée, l'acheteur a la faculté d'en prendre livraison ou de refuser d'en prendre livraison.

2 Si le vendeur livre une quantité supérieure à celle prévue au contrat, l'acheteur peut accepter ou refuser de prendre livraison de la quantité excédentaire. Si l'acheteur accepte d'en prendre livraison en tout ou en partie, il doit la payer au tarif du contrat.

Chapitre III Obligations de l'acheteur Article 53 L'acheteur s'oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la présente Convention, à payer le prix et à prendre livraison des marchandises.

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Contrats de vente internationale de marchandises

Section I Paiement du prix Article 54 L'obligation qu'a l'acheteur de payer le prix comprend celle de prendre les mesures et d'accomplir les formalités destinées à permettre le paiement du prix qui sont prévues par le contrat ou par les lois et les règlements.

Article 55 Si la vente est valablement conclue sans que le prix des marchandises vendues ait été fixé dans le contrat expressément ou implicitement ou par une disposition permettant de le déterminer, les parties sont réputées, sauf indications contraires, s'être tacitement référées aux prix habituellement pratiqués au moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues dans des circonstances comparables.

Article 56 Si le prix est fixé d'après le poids des marchandises, c'est le poids net qui, en cas de doute, détermine ce prix.

Article 57 ' Si l'acheteur n'est pas tenu de payer le prix en un autre lieu particulier, il doit payer le vendeur: a) à l'établissement de celui-ci; ou b) si le paiement doit être fait contre la remise des marchandises ou des documents, au lieu de cette remise.

2

Le vendeur doit supporter toute augmentation des frais accessoires au paiement qui résultent de son changement d'établissement après la conclusion du contrat.

Article 58 1 Si l'acheteur n'est pas tenu de payer le prix à un autre moment déterminé, il doit le payer lorsque, conformément au contrat et à la présente convention, le vendeur met à sa disposition soit les marchandises soit des documents représentatifs des marchandises. Le vendeur peut faire du paiement une condition de la remise des marchandises ou des documents.

2 Si le contrat implique un transport des marchandises, le vendeur peut en faire l'expédition sous condition que celles-ci ou les documents représentatifs ne seront remis à l'acheteur que contre paiement du prix.

3

L'acheteur n'est pas tenu de payer le prix avant d'avoir eu la possibilité d'examiner les marchandises, à moins que les modalités de livraison ou de paiement dont sont convenues les parties ne lui en laissent pas la possibilité.

816

Contrats de vente internationale de marchandises

Article 59

L'acheteur doit payer le prix à la date fixée au contrat ou résultant du contrat et de la présente Convention, sans qu'il soit besoin d'aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur.

Section II Prise de livraison Article 60

L'obligation de l'acheteur de prendre livraison consiste: a) à accomplir tout acte qu'on peut raisonnablement attendre de lui pour permettre au vendeur d'effectuer la livraison; et b) à retirer les marchandises.

Section III Moyens dont dispose le vendeur en cas de contravention au contrat par l'acheteur Article 61 1

Si l'acheteur n'a pas exécuté l'une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat de vente ou de la présente Convention, le vendeur est fondé à: a) exercer les droits prévus aux articles 62 à 65; b) demander les dommages-intérêts prévus aux articles 74 à 77.

2 Le vendeur ne perd pas le droit de demander des dommages-intérêts lorsqu'il exerce son droit de recourir à un autre moyen.

3 Aucun délai de grâce ne peut être accordé à l'acheteur par un juge ou par un arbitre lorsque le vendeur se prévaut d'un des moyens dont il dispose en cas de contravention au contrat.

Article 62

Le vendeur peut exiger de l'acheteur le paiement du prix, la prise de livraison des marchandises ou l'exécution des autres obligations de l'acheteur, à moins qu'il ne se soit prévalu d'un moyen incompatible avec ces exigences.

Article 63 1

Le vendeur peut impartir à l'acheteur un délai supplémentaire de durée raisonnable pour l'exécution de ses obligations.

2 A moins qu'il n'ait reçu de l'acheteur une notification l'informant que celui-ci n'exécuterait pas ses obligations dans le délai ainsi imparti, le vendeur ne peut, avant l'expiration de ce délai, se prévaloir d'aucun des moyens dont il dispose en 817

Contrats de vente internationale de marchandises

cas de contravention au contrat. Toutefois, le vendeur ne perd pas, de ce fait, le droit de demander des dommages-intérêts pour retard dans l'exécution.

Article 64 1

Le vendeur peut déclarer le contrat résolu: a) si l'inexécution par l'acheteur de l'une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la présente Convention constitue une contravention essentielle au contrat; ou b) si l'acheteur n'exécute pas son obligation de payer le prix ou ne prend pas livraison des marchandises dans le délai supplémentaire imparti par le vendeur conformément au paragraphe 1 de l'article 63 ou s'il déclare qu'il ne le fera pas dans le délai ainsi imparti.

2

Cependant, lorsque l'acheteur a payé le prix, le vendeur est déchu du droit de déclarer le contrat résolu s'il ne l'a pas fait: a) en cas d'exécution tardive par l'acheteur, avant d'avoir su qu'il y avait eu exécution; ou b) en cas de contravention par l'acheteur autre que l'exécution tardive, dans un délai raisonnable: i) à partir du moment où le vendeur a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette contravention; ou ii) après l'expiration de tout délai supplémentaire imparti par le vendeur conformément au paragraphe 1 de l'article 63 ou après que l'acheteur a déclaré qu'il n'exécuterait pas ses obligations dans ce délai supplémentaire.

Article 65 1

Si le contrat prévoit que l'acheteur doit spécifier la forme, la mesure ou d'autres caractéristiques des marchandises et si l'acheteur n'effectue pas cette spécification à la date convenue ou dans un délai raisonnable à compter de la réception d'une demande du vendeur, celui-ci peut, sans préjudice de tous autres droits qu'il peut avoir, effectuer lui-même cette spécification d'après les besoins de l'acheteur dont il peut avoir connaissance.

2 Si lé vendeur effectue lui-même la spécification, il doit en faire connaître les modalités à l'acheteur et lui impartir un délai raisonnable pour une spécification différente. Si, après réception de la communication du vendeur, l'acheteur n'utilise pas cette possibilité dans le délai ainsi imparti, la spécification effectuée par le vendeur est définitive.

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Contrats de vente internationale de marchandises

Chapitre IV Transfert des risques Article 66 La perte ou la détérioration des marchandises survenue après le transfert des risques à l'acheteur ne libère pas celui-ci de son obligation de payer le prix, à moins que ces événements ne soient dus à un fait du vendeur.

Article 67 1 Lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises et que le vendeur n'est pas tenu de les remettre en un lieu déterminé, les risques sont transférés à l'acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur pour transmission à l'acheteur conformément au contrat de vente.

Lorsque le vendeur est tenu de remettre les marchandises à un transporteur en un lieu déterminé, les risques ne sont pas transférés à l'acheteur tant que les marchandises n'ont pas été remises au transporteur en ce lieu. Le fait que le vendeur soit autorisé à conserver les documents représentatifs des marchandises n'affecte pas le transfert des risques.

2 Cependant, les risques ne sont pas transférés à l'acheteur tant que les marchandises n'ont pas été clairement identifiées aux fins du contrat, que ce soit par l'apposition d'un signe distinctif sur les marchandises, par les documents de transport, par un avis donné à l'acheteur ou par tout autre moyen.

Article 68 En ce qui concerne les marchandises vendues en cours de transport, les risques sont transférés à l'acheteur à partir du moment où le contrat est conclu. Toutefois, si les circonstances l'impliquent, les risques sont à la charge de l'acheteur à compter du moment où les marchandises ont été remises au transporteur qui a émis les documents constatant le contrat de transport. Néanmoins, si, au moment de la conclusion du contrat de vente, le vendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que les marchandises avaient péri ou avaient été détériorées et qu'il n'en a pas informé l'acheteur, la perte ou la détérioration est à la charge du vendeur.

Article 69 1 Dans les cas non visés par les articles 67 à 68, les risques sont transférés à l'acheteur lorsqu'il retire les marchandises ou, s'il ne le fait pas en temps voulu, à partir du moment où les marchandises sont mises à sa disposition et où il commet une contravention en n'en prenant pas livraison.

2 Cependant, si l'acheteur est tenu de retirer les marchandises en un lieu autre qu'un établissement du vendeur, les risques sont transférés lorsque la livraison est due et que l'acheteur sait que les marchandises sont mises à sa disposition en ce lieu.

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Contrats de vente internationale de marchandises

3

Si la vente porte sur des marchandises non encore individualisées, les marchandises ne sont réputées avoir été mises à la disposition de l'acheteur que lorsqu'elles ont été clairement identifiées aux fins du contrat.

Article 70 Si le vendeur a commis une contravention essentielle au contrat, les dispositions des articles 67,68 et 69 ne portent pas atteinte aux moyens dont l'acheteur dispose en raison de cette contravention.

Chapitre V Dispositions communes aux obligations du vendeur et de l'acheteur Section I Contravention anticipée et contrats à livraison successives Article 71 1

Une partie peut différer l'exécution de ses obligations lorsqu'il apparaît, après la conclusion du contrat, que l'autre partie n'exécutera pas une partie essentielle de ses obligations du fait: a) d'une grave insuffisance dans la capacité d'exécution de cette partie ou sa solvabilité; ou b) de la manière dont elle s'apprête à exécuter ou exécute le contrat.

2 Si le vendeur a déjà expédié les marchandises lorsque se révèlent les raisons prévues au paragraphe précédent, il peut s'opposer à ce que les marchandises soient remises à l'acheteur, même si celui-ci détient un document lui permettant de les obtenir. Le présent paragraphe ne concerne que les droits respectifs du vendeur et de l'acheteur sur les marchandises.

3 La partie qui diffère l'exécution, avant ou après l'expédition des marchandises, doit adresser immédiatement une notification à cet effet à l'autre partie, et elle doit procéder à l'exécution si l'autre partie donne des assurances suffisantes de la bonne exécution de ses obligations.

Article 72 1 Si, avant la date de l'exécution du contrat, il est manifeste qu'une partie commettra une contravention essentielle au contrat, l'autre partie peut déclarer celui-ci résolu.

2 Si elle dispose du temps nécessaire, la partie qui a l'intention de déclarer le contrat résolu doit le notifier à l'autre partie dans des conditions raisonnables pour lui permettre de donner des assurances suffisantes de la bonne exécution de ses obligations.

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Contrats de vente internationale de marchandises

3

Les dispositions du paragraphe précédent ne s'appliquent pas si l'autre partie a déclaré qu'elle n'exécuterait pas ses obligations.

Article 73 1

Dans les contrats à livraisons successives, si l'inexécution par l'une des parties d'une obligation relative à une livraison constitue une contravention essentielle au contrat en ce qui concerne cette livraison, l'autre partie peut déclarer le contrat résolu pour ladite livraison.

2 Si l'inexécution par l'une des parties d'une obligation relative à une livraison donne à l'autre partie de sérieuses raisons de penser qu'il y aura contravention essentielle au contrat en.ce qui concerne des obligations futures, elle peut déclarer le contrat résolu pour l'avenir, à condition de le faire dans un délai raisonnable.

3 L'acheteur qui déclare le contrat résolu pour une livraison peut, en même temps, le déclarer résolu pour les livraisons déjà reçues ou pour les livraisons futures si, en raison de leur connexité, ces livraisons ne peuvent être utilisées aux fins envisagées par les parties au moment de la conclusion du contrat.

Section II Dommages-intérêts Article 74 Les dommages-intérêts pour une contravention au contrat commise par une partie sont égaux à la perte subie et au gain manqué par l'autre partie par suite de la contravention. Ces dommages-intérêts ne peuvent être supérieurs à la perte subie et au gain manqué que la partie en défaut avait prévus ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat, en considérant les faits dont elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance, comme étant des conséquences possibles de la contravention au contrat.

Article 75

Lorsque le contrat est résolu et que, d'une manière raisonnable et dans un délai raisonnable après la résolution, l'acheteur a procédé à un achat de remplacement ou le vendeur à une vente compensatoire, la partie qui demande des dommagesintérêts peut obtenir la différence entre le prix du contrat et le prix de l'achat de remplacement ou de la vente compensatoire ainsi que tous autres dommagesintérêts qui peuvent être dus en vertu de l'article 74.

Article 76 1

Lorsque le contrat est résolu et que les marchandises ont un prix courant, la partie qui demande des dommages-intérêts peut, si elle n'a pas procédé à un achat de remplacement ou à une vente compensatoire au titre de l'article 75, obtenir la 56 Feuille fédérale. 141e année. Vol. I

821

Contrats de vente internationale de marchandises

différence entre le prix fixé dans le contrat et le prix courant au moment de la résolution ainsi que tous autres dommages-intérêts qui peuvent être dus au titre de l'article 74, Néanmoins, si la partie qui demande des dommages-intérêts a déclaré le contrat résolu après avoir pris possession des marchandises, c'est le prix courant au moment de la prise de possession qui est applicable et non pas le prix courant au moment de la résolution.

2 Aux fins du paragraphe précédent, le prix courant est celui du lieu où la livraison des marchandises aurait dû être effectuée ou, à défaut de .prix courant en ce lieu, le prix courant pratiqué en un autre lieu qu'il apparaît raisonnable de prendre comme lieu de référence, en tenant compte des différences dans les frais de transport des marchandises.

Article 77

La partie qui invoque la contravention au contrat doit prendre les mesures raisonnables eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué, résultant de la contravention. Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû être évitée.

Section III Intérêts Article 78 Si une partie ne paie pas le prix ou toute autre somme due, l'autre partie a droit à des intérêts sur cette somme, sans préjudice des dommages-intérêts qu'elle serait fondée à demander en vertu de l'article 74.

Section IV Exonération Article 79 1 Une partie n'est pas responsable de l'inexécution de l'une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l'on ne pouvait raisonnablement attendre d'elle qu'elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu'elle le prévienne ou le surmonte ou qu'elle en prévienne ou surmonte les conséquences.

2 Si l'inexécution par une partie est due à l'inexécution par un tiers qu'elle a chargé d'exécuter tout ou partie du contrat, cette partie n'est exonérée de sa responsabilité que dans le cas: a) où elle l'est en vertu des dispositions du paragraphe précédent; et ' b) où le tiers serait lui aussi exonéré si les dispositions de ce paragraphe lui étaient appliquées.

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Contrats de vente internationale de marchandises

3

L'exonération prévue par le présent article produit effet pendant la durée de l'empêchement.

4

La partie qui n'a pas exécuté doit avertir l'autre partie de l'empêchement et de ses effets sur sa capacité d'exécuter. Si l'avertissement n'arrive pas à destination dans un délai raisonnable à partir du moment où la partie qui n'a pas exécuté a connu ou aurait dû connaître l'empêchement, celle-ci est tenue à des dommagesintérêts du fait de ce défaut de réception.

5

Les dispositions du présent article n'interdisent pas à une partie d'exercer tous ses droits autres que celui d'obtenir des dommages-intérêts en vertu de la présente Convention.

Article 80 Une partie ne peut pas se prévaloir d'une inexécution par l'autre partie dans la mesure où cette inexécution est due à un acte ou à une omission de sa part.

Section V Effets de la résolution Article 81 1 La résolution du contrat libère les deux parties de leurs obligations, sous réserve des dommages-intérêts qui peuvent être dus. Elle n'a pas d'effet sur les stipulations du contrat relatives au règlement des différends ou aux droits et obligations des parties en cas de résolution.

2 La partie qui a exécuté le contrat totalement ou partiellement peut réclamer restitution à l'autre partie de ce qu'elle a fourni ou payé en exécution du contrat.

Si les deux parties sont tenues d'effectuer des restitutions, elles doivent y procéder simultanément.

Article 82 1 L'acheteur perd le droit de déclarer le contrat résolu ou d'exiger du vendeur la livraison de marchandises de remplacement s'il lui est impossible de restituer les marchandises dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues.

2 Le paragraphe précédent ne s'applique pas: a) si l'impossibilité de restituer les marchandises ou de les restituer dans un état sensiblement identique à celui dans lequel l'acheteur les a reçues n'est pas due à un acte ou à une omission de sa part; b) si les marchandises on péri ou sont détérioriées, en totalité ou en partie, en conséquence de l'examen prescrit à l'article 36; ou c) si l'acheteur, avant le moment où il a constaté ou aurait dû constater le défaut de conformité, a vendu tout ou partie des marchandises dans le cadre

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Contrats de vente internationale de marchandises

d'une opération commerciale normale ou a consommé ou transformé tout ou partie des marchandises conformément à l'usage normal.

Article 83

L'acheteur qui a perdu le droit de déclarer le contrat résolu ou d'exiger du vendeur la livraison de marchandises de remplacement en vertu de l'article 82 conserve le droit de se prévaloir de tous les autres moyens qu'il tient du contrat et de la présente Convention.

Article 84 1 Si le vendeur est tenu de restituer le prix, il doit aussi payer des intérêts sur le montant de ce prix à compter du jour du paiement.

2 L'acheteur doit au vendeur l'équivalent de tout profit qu'il a retiré des marchandises ou d'une partie de celles-ci: a) lorsqu'il doit les restituer en tout ou en partie; ou b) lorsqu'il est dans l'impossibilité de restituer tout ou partie des marchandises ou de les restituer en tout ou en partie dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues et que néanmoins il a déclaré le contrat résolu ou a exigé du vendeur la livraison de marchandises de remplacement.

Section VI Conservation des marchandises Article 85

Lorsque l'acheteur tarde à prendre livraison des marchandises ou qu'il n'en paie pas le prix, alors que le paiement du prix et la livraison doivent se faire simultanément, le vendeur, s'il a les marchandises en sa possession ou sous son contrôle, doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour en assurer la conservation. Il est fondé à les retenir jusqu'à ce qu'il ait obtenu de l'acheteur le remboursement de ses dépenses raisonnables.

Article 86 1

Si l'acheteur a reçu les marchandises et entend exercer tout droit de les refuser en vertu du contrat ou de la présente Convention, il doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour en assurer la conservation. Il est fondé à les retenir jusqu'à ce qu'il ait obtenu du vendeur le remboursement de ses dépenses raisonnables.

2 Si les marchandises expédiées à l'acheteur ont été mises à sa disposition à leur lieu de destination et si l'acheteur exerce le droit de les refuser, il doit en prendre possession pour le compte du vendeur à condition de pouvoir le faire sans paiement du prix et sans inconvénients ou frais déraisonnables. Cette disposition 824

Contrats de vente internationale de marchandises

ne s'applique pas si le vendeur est présent au lieu de destination ou s'il a en ce lieu une personne ayant qualité pour prendre les marchandises en charge pour son compte. Les droits et obligations de l'acheteur qui prend possession des marchandises en vertu du présent paragraphe sont régis par le paragraphe précédent.

Article 87

La partie qui est tenue de prendre des mesures pour assurer la conservation des marchandises peut les déposer dans les magasins d'un tiers aux frais de l'autre partie, à condition que les frais qui en résultent ne soient pas déraisonnables.

Article 88 1

La partie qui doit assurer la conservation des marchandises conformément aux articles 85 ou 86 peut les vendre par tous moyens appropriés si l'autre partie a apporté un retard déraisonnable à prendre possession des marchandises ou à les reprendre ou à payer le prix ou les frais de leur conservation, sous réserve de notifier à cette autre partie, dans des conditions raisonnables, sont intention de vendre.

2 Lorsque les marchandises sont sujettes à une détérioration rapide ou lorsque leur conservation entraînerait des frais déraisonnables, la partie qui est tenue d'assurer la conservation des marchandises conformément aux articles 85 ou 86 doit raisonnablement s'employer à les vendre. Dans la mesure du possible, elle doit notifier à l'autre partie son intention de vendre.

3 La partie qui vend les marchandises a le droit de retenir sur le produit de la vente un montant égal aux frais raisonnables de conservation et de vente des marchandises. Elle doit le surplus à l'autre partie.

Quatrième partie Dispositions finales Article 89 Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies est désigné comme dépositaire de la présente Convention.

Article 90

La présente Convention ne prévaut pas sur un accord international déjà conclu ou à conclure qui contient des dispositions concernant les matières régies par la présente Convention, à condition que les parties au contrat aient leur établissement dans des Etats parties à cet accord.

825

Contrats de vente internationale de marchandises

Article 91 1

La présente Convention sera ouverte à la signature à la séance de clôture de la Conférence des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises et restera ouverte à la signature de tous les Etats au Siège de l'Organisation des Nations Unies, à New York, jusqu'au 30 septembre 1981.

2 La présente Convention est sujette à ratification, acceptation ou approbation par les Etats signataires.

3 La présente Convention sera ouverte à l'adhésion de tous les Etats qui ne sont pas signataires, à partir de la date à laquelle elle sera ouverte à la signature.

4 Les instruments de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

Article 92 1 Tout Etat contractant pourra, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, déclarer qu'il ne sera pas lié par la deuxième partie de la présente Convention ou qu'il ne sera pas lié par la troisième partie de la présente Convention.

2 Un Etat contractant qui fait, en vertu du paragraphe précédent, une déclaration à l'égard de la deuxième partie ou de la troisième partie de la présente Convention ne sera pas considéré comme étant un Etat contractant, au sens du paragraphe 1 de l'article premier de la Convention, pour les matières régies par la partie de la Convention à laquelle cette déclaration s'applique.

Article 93 1

Tout Etat contractant qui comprend deux ou plusieurs unités territoriales dans lesquelles, selon sa constitution, des systèmes de droit différents s'appliquent dans les matières régies par la présente Convention pourra, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, déclarer que la présente Convention s'appliquera à toutes ses unités territoriales ou seulement à l'une ou plusieurs d'entre elles et pourra à tout moment modifier cette déclaration en faisant une nouvelle déclaration.

2 Ces déclarations seront notifiées au dépositaire et désigneront expressément les unités territoriales auxquelles la Convention s'applique.

3 Si, en vertu d'une déclaration faite conformément au présent article, la présente convention s'applique à l'une ou plusieurs des unités territoriales d'un Etat contractant, mais non pas à toutes, et si l'établissement d'une partie au contrat est situé dans cet Etat, cet établissement sera considéré, aux fins de la présente Convention, comme n'étant pas situé dans un Etat contractant, à moins qu'il ne soit situé dans une unité territoriale à laquelle la Convention s'applique.

4 Si un Etat contractant ne fait pas de déclaration en vertu du paragraphe 1 du présent article, la Convention s'appliquera à l'ensemble du territoire de cet Etat.

826

Contrats de vente internationale de marchandises

Article 94 1 Deux ou plusieurs Etats contractants qui, dans des matières régies par la présente Convention, appliquent des règles juridiques identiques ou voisines peuvent, à tout moment, déclarer que la Convention ne s'applique pas aux contrats de vente ou à leur formation lorsque les parties ont leur établissement dans ces Etats. De telles déclarations peuvent être faites conjointement ou être unilatérales et réciproques.

2 Un Etat contractant qui, dans des matières régies par la présente Convention, applique des règles juridiques identiques ou voisines de celles d'un ou de plusieurs Etats non contractants peut, à tout moment, déclarer que la Convention ne s'appliquera pas aux contrats de vente ou à leur formation lorsque les parties ont leur établissement dans ces Etats.

3 Lorsqu'un Etat à l'égard duquel une déclaration a été faite en vertu du paragraphe précédent devient par la suite un Etat contractant, la déclaration mentionnée aura, à partir de la date à laquelle la présente Convention entrera en vigueur à l'égard de ce nouvel Etat contractant, les effets d'une déclaration faite en vertu du paragraphe 1, à condition que le nouvel Etat contractant s'y associe ou fasse une déclaration unilatérale à titre réciproque.

Article 95

Tout Etat peut déclarer, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, qu'il ne sera pas lié par l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article premier de la présente Convention.

Article 96

Tout Etat contractant dont la législation exige que les contrats de vente soient conclus ou constatés par écrit peut à tout moment déclarer, conformément à l'article 12, que toute disposition de l'article 11, de l'article 29 ou de la deuxième partie de la présente Convention autorisant une forme autre que la forme écrite pour la conclusion, la modification ou la résiliation amiable d'un contrat de vente, ou pour toute offre, acceptation ou autre manifestation d'intention, ne s'applique pas dès lors que l'une des parties a son établissement dans cet Etat.

Article 97 1 Les déclarations faites en vertu de la présente Convention lors de la signature sont sujettes à confirmation lors de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation.

2 Les déclarations, et la confirmation des déclarations, seront faites par écrit et formellement notifiées au dépositaire.

3 Les déclarations prendront effet à la date de l'entrée en vigueur de la présente Convention à l'égard de l'Etat déclarant. Cependant, les déclarations dont le 827

Contrats de vente internationale de marchandises

dépositaire aura reçu notification formelle après cette date prendront effet le premier jour du mois suivant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de leur réception par le dépositaire. Les déclarations unilatérales et réciproques faites en vertu de l'article 94 prendront effet le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de six mois après la date de la réception de la dernière déclaration par le dépositaire.

4 Tout Etat qui fait une déclaration en vertu de la présente Convention peut à tout moment la retirer par une notification formelle adressée par écrit au dépositaire.

Ce retrait prendra effet le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de six mois après la date de réception de la notification par le dépositaire.

5 Le retrait d'une déclaration faite en vertu de l'article 94 rendra caduque, à partir de la date de sa prise d'effet, toute déclaration réciproque faite par un autre Etat en vertu de ce même article.

Article 98

Aucune réserve n'est autorisée autre que celles qui sont expressément autorisées par la présente Convention.

Article 99 1

La présente Convention entrera en vigueur, sous réserve des dispositions du paragraphe 6 du présent article, le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de douze mois après la date du dépôt du dixième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, y compris tout instrument contenant une déclaration faite en vertu de l'article 92.

2 Lorsqu'un Etat ratifiera, acceptera ou approuvera la présente Convention ou y adhérera après le dépôt du dixième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, la Convention, à l'exception de la partie exclue, entrera en vigueur à l'égard de cet Etat, sous réserve des dispositions du paragraphe 6 du présent article, le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de douze mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

3 Tout Etat qui ratifiera, acceptera ou approuvera la présente Convention ou y adhérera et qui est partie à la Convention portant loi uniforme sur la formation des contrats de ventes internationales des objets mobiliers corporels faite à La Haye le 1er juillet 1964 (Convention de La Haye de 1964 sur la formation) ou à la Convention portant loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels faite à La Haye le 1er juillet 1964 (Convention de La Haye de 1964 sur la vente), ou à ces deux conventions, dénoncera en même temps, selon le cas, la Convention de La Haye sur la formation, ou ces deux conventions, en adressant une notification à cet effet au Gouvernement néerlandais.

4 Tout Etat partie à la Convention de La Haye de 1964 sur la vente qui ratifiera, acceptera ou approuvera la présente Convention ou y adhérera et qui déclarera 828

·äs

Contrats de vente internationale de marchandises

ou aura déclaré en vertu de l'article 92 qu'il n'est pas lié par la deuxième partie de la Convention, dénoncera, au moment de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, la Convention de La Haye de 1964 sur la vente en adressant une notification à cet effet au Gouvernement néerlandais.

5 Tout Etat partie à la Convention de La Haye de 1964 sur la vente qui ratifiera, acceptera ou approuvera la présente convention ou y adhérera et qui déclarera ou aura déclaré en vertu de l'article 92 qu'il n'est pas lié par la troisième partie de la Convention, dénoncera, au moment de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, la Convention de La Haye de 1964 sur la formation en adressant une notification à cet effet au Gouvernement néerlandais.

6 Aux fins du présent article, les ratifications, acceptations, approbations et adhésions effectuées à l'égard de la présente Convention par des Etats parties à la Convention de La Haye de 1964 sur la formation ou à la Convention de La Haye de 1964 sur la vente ne prendront effet qu'à la date à laquelle les dénonciations éventuellement requises de la part desdits Etats à l'égard de ces deux conventions auront elles-mêmes pris effet. Le dépositaire de la présente Convention s'entendra avec le Gouvernement néerlandais, dépositaire des conventions de 1964, pour assurer la coordination nécessaire à cet égard.

Article 100 1

La présente Convention s'applique à la formation des contrats conclus à la suite d'une proposition intervenue après l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard des Etats contractants visés à l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article premier ou de l'Etat contractant visé à l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article premier.

2 La présente Convention s'applique uniquement aux contrats conclus après son entrée en vigueur à l'égard des Etats contractants visés à l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article premier ou de l'Etat contractant visé à l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article premier.

Article 101 1

Tout Etat contractant pourra dénoncer la présente Convention, ou la deuxième ou la troisième partie de la Convention, par une notification formelle adressée par écrit au dépositaire.

2 La dénonciation prendra effet le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de douze mois après la date de réception de la notification par le dépositaire. Lorsqu'une période plus longue pour la prise d'effet de la dénonciation est spécifiée dans la notification, la dénonciation prendra effet à l'expiration de la période en question après la date de réception de la notification.

829

Contrats de vente internationale de marchandises

Fait à Vienne, le onze avril mil neuf cent quatre-vingt, en un seul original, dont les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe sont également authentiques.

En foi de quoi les plénipotentiaires soussignés, dûment autorisés par leurs gouvernements respectifs, ont signé la présente Convention.

Suivent les signatures 32668

830

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message concernant la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 janvier 1989

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1989

Année Anno Band

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Volume Volume Heft

11

Cahier Numero Geschäftsnummer

89.002

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

21.03.1989

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709-830

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