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FEUILLE FÉDÉRALE

72e année.

Berne, le 24 novembre 1920. Volume V.

Parait une fols par semaine. Prix: SOfrancs« par an; IO franc» pour six mola plus la finance d'abonnement on de remboursement par la poste.

Insertions: 5O centime» la ligne on son espace: doivent être adressées franco a l'imprimerie K.-J. Wyss Erben, & Berne.

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1336

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

la revision de l'article 44 de la Constitution fédérale (mesures à prendre pour assurer l'assimilation des étrangers en Suisse).

(Du 9 novembre 1920.)

Messieurs, La commission de gestion du Conseil national pour 1908 a. adopté, le 15 juin 1909, la proposition suivante : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport sur « la question de savoir comment la naturalisation pourrait «être facilitée aux étrangers établis et aux étrangers nés en « Suisse. Il aura à examiner spécialement la création d'un « indigénat détaché du droit de bourgeoisie communal, ainsi « que la naturalisation obligatoire des étrangers nés en « Suisse. » Le Conseil fédéral ne crut pas pouvoir se rallier sans réserve à ce texte; il fit observer que la perspective d'un indigénat suisse ne reposant pas sur sa base historique, le droit de cité communal, aurait pour effet d'éveiller immédiatement « les méfiances et les hostilités d'un grand nombre de nos concitoyens » profondément attachés aux principes traditionnels qui gouvernent la nationalité en droit suisse.

Il proposa en conséquence de supprimer complètement la seconde phrase de la proposition et de la rédiger de la manière suivante : Feuille fédérale. 72» année. Vol. V.

1

« Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport sur « la question de savoir comment la naturalisation pourrait « être facilitée aux étrangers établis et aux étrangers nés en « Suisse. » .

Ce texte présentait sur le précédent l'avantage évident de ne pas faire apparaître notre future législation sur la naturalisation comme orientée d'emblée vers une 'suppression de l'indigénat communal pour une catégorie de nos concitoyens; il fut accepté dans cette teneur par le Conseil national, dans sa séance du 21 juin 1910.

I.

Travaux préparatoires.

La nécessité de la revision de notre loi sur la naturalisation et des facilités plus grandes qu'il y aurait lieu d'é ménager aux étrangers afin de les transformer en nationaux, a fait l'objet d'un grand nombre de manifestations dans: les milieux suisses les plus divers. Nous croyons pouvoir nousdispenser de les énumérer toutes et de reproduire les nombreux voeux et résolutions qui sont parvenus au gouvernement fédéral à ce sujet. Nous croyons néanmoins opportun de relever les iplus typiques de ces manifestations, car elles suffisent, à elles seules, à démontrer la portée générale du problème que le législateur fédéral doit résoudre, son.importance et son urgence.

Vers la fin de 1908, il se forma à Genève un petit comité d'initiative pour rechercher les mesures législatives les plus propres à combattre l'excès de l'immigration étrangère; il organisa, à Berne, deux conférences intercantonales en 1909' et 1910 et aboutit à la constitution d'un comité d'action de neuf membres, dit « Commission des Neuf », composé de trois Bâlois, trois Genevois et trois Zurichois; le 17 décembre 1912, une délégation de cette commission a présenté au président de la Confédération une pétition contenant un projet complet de revision constitutionnelle ainsi que des propositions précises pour absorber les colonies étrangères en Suisse; ce travail a provoqué dans la presse de fécondés discussions et nous aurons encore à en exposer les lignes fandamentales.

Le 13 septembre 1910, la Société suisse des juristes, a, adopté la résolution suivante : «La Société suisse des., ju-

« listes, convaincue de l'importance de la question de l'assi·i milation et de la naturalisation des étrangers, exprime le « voeu que l'étude de la revision de la loi fédérale du 25 juin « 1903 soit activement poursuivie afin d'apporter un remède « efficace aux réels dangers de la situation actuelle. » Le 2 septembre 1911, c'est au tour de l'Union des Villes suisses de se prononcer de la manière suivante sur le problème de l'immigration étrangère : « L'Union des Villes « suisses estime que le souci de notre conservation nationale « et de l'équité sociale exige, que, par des mesures fédérales « rapides, les étrangers nés en Suisse et ceux qui ont forte« ment subi l'influence du milieu suisse ensuite d'un long « établissement soient nationalisés. » Les 18/19 mai 1912, l'Assemblée du parti radical suisse recommandait, pour résoudre la question des étrangers, l'incorporation jure soli de certaines catégories d'enfants nés en Suisse de parents étrangers, ainsi que l'adoption de mesures destinées à ficiliter la naturalisation des étrangers établis en Suisse de longue date.

Dans les milieux universitaires également, des juristes ne laissèrent pas de consacrer des études parfois très étendues à la question des étrangers. Pendant la guerre, l'intérêt du peuple suisse pour ce problème n'a pas. diminué, ainsi que l'attestent les nombreux articles que la presse y a consacré et les multiples brochures dénonçant l'influence excessive exercée par les étrangers en Suisse tant au point de vue économique qu'au point die vue moral.

Toutes ces manifestations prouvent surabondamment que la situation de la Suisse saturée d'étrangers est des plus sérieuses et que des mesures énergiques sont indispensables pour y porter remède.

Dès1 que le Bureau fédéral de statistique lui eut fourni les résultats du recensement fédéral de 1910, le département politique présenta au Conseil fédéral, le 30 mai 1914, un rapport sur les mesures à prendre pour lutter contre l'envahissement des étrangers; ce rapport fut discuté et approuvé le 2 juillet 1914, sous quelques réserves; le message
Mais la guerre qui éclata quelques semaines plus tard vint complètement entraver les travaux des autorités fédérales en les mettant en présence de tâches nouvelles, multiples et exigeant toutes d'êti-e résolues sans délai.

Dans son rapport du 19 mai 1916, la commission de gestion du Conseil national exprima cependant l'avis que la révision de la législation suisse sur la naturalisation était pressante et demanda au Conseil fédéral d'accélérer les travaux préliminaires que la situation internationale ne lui avait pas permis de continuer.

Nous avons en conséquence poursuivi tous les travaux préliminaires de cette revision de manière à être en mesure de soumettre la question aux Chambres fédérales et au peuple suisse, dès que la situation internationale se serait éclaircie; nous ne (pouvions pas nous dissimuler que la guerre ·avait fait passer un courant peu favorable aux étrangers dans une grande partie du pays; il était donc indispensable de soumettre à un nouvel examen l'ensemble du problème ainsi que les principes fondamentaux de la future législation, en tenant compte des expériences faites au cours de la guerre mondiale qui avaient mis en relief quelques laspects nouveaux de la question des étrangers. En considération des mouvements migratoires provoqués par les événements internationaux de ces dernières années et qui ont amené en Suisse une population étrangère fort nombreuse, sans attaches véritables avec notre pays, nous avons estimé qu'il y 'avait lieu de prolonger le stage des candidats à la naturalisation suisse; conformément à nos propositions, vous avez adopté, le 26 juin 1920, une loi fédérale modifiant l'article 2 de la loi fédérale du 25 juin 1903 sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité suisse. Cette revision partielle et particulièrement urgente, destinée à éviter des naturalisations peu sincères, doit être suivie d'une revision totale permettant le remaniement fondamental de toute notre législation sur l'indigénat; la nécessité en résultera sans autre d'un exposé tout à fait objectif, basé sur les statistiques les plus récentes, de l'immigration étrangère en Suisse.

IL Exposé démographique.

D'après le (recensement fédéral du 1« décembre 1910, 552.011 étrangers résidaient en Suisse et formaient le li,7 % d'une population totale de 3.753.293 âmes. L'augmentation continue de l'immigration résulte manifestement des deux tableaux statistiques suivants, l'un concernant l'ensemble de la Suisse et l'autre fournissant des indications détaillées par canton :

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Année

; Population totale

1850 1860 1870 1880 1888 1900 1910

2.392.740 2.510.494 i 2.655.001 2.8:31.787 2.917.754 3.315.4-13 3.753.293

Population suisse

2.821.170 2.395.511 2.518.240 2.635.067 2.688.104 2.932.019 3.201.282

Population étrangère

| Ì i j !

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71.570= 2,9% 114.983 = 4,6 % 150.907 = 5,7% 211.035= 7,4% 229.650= 7,9% 383,424 = 11,6% 552.011 = 14,7%

Dans aucun Etat européen les contingents d'étrangers n'ont jamais été .aussi compacts. En France, ils n'ont jamais dépassé le 3,2 % de la population totale et le recensement de 1906 accuse le chiffre de 2,7 % seulement; en Allemagne, le recensement de 1905 a révélé la présence d'une population immigrée de 1,7 % ; en Autriche, selon le recensement de 1910, il y avait 2,1 % d'étrangers; en Italie, 2 %., d'après le recensement de 1901, et en Belgique, 3,1 %, selon le recensement de 1905.

Les cantons présentant au 1er décembre 1910 une proportion supérieure à la moyenne de la Suisse sont les suivants : Cantons

1910 Etrangers

1900 %

Genève . .

62.611 40,4 Baie-Ville .

51.101 37,6 Tessin . . l 43.983 28,2 !

Schaffhouse ! 10.757 23,3 Zurich . .

102.456 20,3 Thurgovie .

25.664 19,0 St-Gall . .

53.171 | 17,5 Grisons. .

20.091 j 17,2

Etrangers

52.644 42.781 30.457 7.654 70.026 15.038 28.444 14.937

,

1888 %

Etrangers

39,7 38,1 22,0 18,4 16,3 13,3 11,4 14,3

39.910 25.210 18.283 4.986 33.983 10.040 18.111 7.564

----

%

37,8 34,2 14,4 13,2 10,1 9,6 7,9 8,0

Dans nos villes, la proportion est aussi très fréquemment supérieure à la moyenne de la Suisse :

Villes

Population totale

Population étrangère

«/O

12.961 6.542 50,5 Lusrano 10.299 4.747 Arbon 46,1 51.740 123.153 Genève aggi. . . .

42,0 22.308 9.011 40,4 Tablât 132.276 50.003 37,8 Baie 18.101 6.189 33,9 Schaffhouse . . . .

190.733 64.387 i Zurich 33,8 10.406 3.470 : Bellinzone 33,3 11.764 St-Gall 37.869 31,1 18.800 Montreux aggi. . . .

5.779 30,7 64.446 15.799 24,5 Lausanne 7.046 Lucerne 39.339 17,9 2.597 Coire 14.639 17,7 4.349 · Winterthour . . . .

25.250 17,2 3495 i Pribourg 20.293 17,2 23.741 3.483 Neuchâtel 14,7 La presque totalité de nos hôtes, soit le 95,5 % proviennent des quatre Etats contigus à nos frontières; voici la progression des quatre colonies allemande, française, italienne et austro-hongroise depuis 1888 : Année

Allemands

Italiens

Français Austro-Hongrois y compris Monégasques yeompris IiiechtïDsteinois

41.881 53.627 14.181 117.059 58.522 25.437 202.809 63.708 41.422 La population allemande représente le 39,8 % des colonies étrangères en Suisse, la population italienne le 36,7 %, la population française le 11,5 %, et la population austrohongroise le 7,5%; les 4,5% restants sont surtout composés de Russes (8457), d'Anglais (4118), de ressortissants de l'Amérique du Nord (1847), de Hollandais (1363), etc.

Sur nos 552.011 hôtes, 383.424 professent la foi catholique, 142.463 la religion protestante, 12.187 se rattachent au culte israélite, et 13.937 sont des adeptes d'autres religions ou des athées.

Ce qu'il importe au législateur de connaître, c'est l'augmentation annuelle des étrangers et la durée de leur séjour en Suisse, afin qu'il puisse savoir à quelles mesures il doit 1888 1900 :1910

112.342 168.461 219.530

recourir pqjir éviter une progression que les statistiques indiquent comme étant constante. Or, de 1850 à 1910, la population étrangère a augmenté tant par immigration que jpar naissance de 690 %, alors que la population totale du pays n'accuse qu'une augmentation de 56 % ; depuis 1880, l'accroissement des étrangers est de 161 %, celui de la population d'origine de 21 %. On peut calculer d'ores et déjà que si le eoëfficient d'augmentation restait le même pour les étrangers, dans 77 ans la moitié de la population de la Suisse serait d'origine étrangère.

De 1850 à 1910, l'augmentation moyenne des étrangerspar année est de 7916 personnes en chiffres absolus, ou de 34,2 °/oo, ainsi que cela résulte du tableau suivant : Cantons

Baie-Ville Genève Zurich Neuchâtel St-Gall Soleure Zoug Baie-Campagne....

Vaud Valais Uri Thurgovie Berne Fribourg Appenzell Rh.-Ext. . .

Tessin Schwyz Schaffhouse Grisons Appenzell Rh.-Int. . . .

Lucerne Obwald Nidwald Argovie Glaris Swsse

Accroissement annuel moyen des étrangers °°° âme$ Pendant la Période 1850-1910 Population totale Population suisse | ^ff^lffi1"

par 1

25,4 14,6 11,6 10,6 9,6 8,6 7,9 7,7 7,7 7,5 7,0 6,9 5,7 5,5 4,7 4,7 4,6 4,4 4,4 4,3 8,8 3,6 3,2 2,4 1,6 7,4

21,8 10,5 8,2 9,8 6,7 7,7 6,1 5,8 5,6 5,9 5,8 3,8 5,0 4,9 3,7 0,3 3,5 0,7 1,7 3,9 2,7 2,8 2,3 1,3 0,3 5,3

33,7 23,7 49,1 17,7 47,1 34,3 56,9 30,1 36,1 35,9 62,1 43,7 27,5 28,4 35,7 28,9 50,7 34,6 37,2 30,7 50,6 62,9 53,4 30,4 40,7 34,2

Si l'on considère les différentes périodes auxquelles il a été procédé à des recensements entre 1850 et 1910, notamment la période décennale de 1900 à 1910, les chiffres sont fréquemment beaucoup plus élevés : Accroissement moyen annuel des étrangers : de 1850 à 1860 4.050 äoit 45,2 par mille habitants » » de 1860 à 1870 3.603 » 27,6 » » » de 1870 à 1880 6.013 » 34,1 » » » de 1880 à 1888 2.327 » 10,6 » » » de 1888 à 1900 12.815 » 43,6 » » » de 1900 à 1910 16.859 » 37,1 » En prenant pour base de calcul l'augmentation des étrangers de 1900 à 1910, la moyenne de l'accroissement aunuel sera de 16.859 âmes dont 7165 par naissance et 9694 par immigration : Accroissement ou diminution en nombre absolu du 1" décembre 1900 au Ier décembre 1910

Po,.UÖM

ei tout

en j moyenne annuelle

par excédent d'immigration on de naissance d'émigration1) en tont

ta nolane moelle

en tont

Accroissement on diminnlioa annuelle sur 1000 habitants par excédent en toit

d'imde migra ta nais- on d'e'misance gralioa1)

8,8 37,1

9,4 --0,6 15,8 +21,3

» mojtoit aoaoelle

misse 269.263 26.926 286.965 28.696 --17.702 --1.770 einigere 168.587 16.859 71.643 7.165 +96.944 +9.694

Si élevés que soient ces chiffres, tous basés sur le dernier recensement fédéral de 1910, ils sont certainement audessous de la réalité actuelle, car l'augmentation annuelle des allogènes par naissance a été fréquemment supérieure à 7165 au cours de ces dernières années; cette moyenne
L'immigration n'est pas près de prendre fin non plus.

Certes, pendant la guerre, la population étrangère a quelque peu diminué ensuite des prélèvements opérés dans la population masculine par l'impôt du sang. Cette régression, particulièrement marquée dan» nos grands centres, a d'ailleurs été compensée par lephénomène inverse de fortes immigrations dans certaines villes suisses comme Baie, Zurich, ') Abstraction faite des naturalisations qui viennent augmenter la population suisse et diminuer la population étrangère.

10

Année 1905 1906 1907

12.869 13.722 14.855 14.896 14.568 14.842 14.845 15.613 15.680 14.111

1908 1909 1910 1911 1912 1913 1914 Total |

145.502

Moyenne annuelle j

14.550

; «* «"·"·«

Excédent de natalité

6.232 6.579 6.585 6.433 6.793 6.566 7.350 6.654 6.742 6.165 66.099 6.610

6.637 7.143 7.770 8.463 7.775 8.276 7.495 8.959 8.938 7.946 79.402 7.940

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Berne. Mais la raison profonde de l'immigration subsistera après que ces mouvements migratoires, derniers remous de la grande guerre, se seront apaisés; elle réside dlans le développement de notre industrie; la grande majorité des immigrés se recrutent parmi des personnes qui viennent mettre leur travail à la disposition de la Suisse. Au «ours de ces dernières décades, l'économie de la Suisse s'est rapidement transformée; de rurale qu'elle était, elle est devenue en grande partie industrielle; les énormes besoins de main-d'oeuvre qui en sont résultés n'ont pas pu être couverts par la population aborigène, et quelles que soient les mesures que l'on prendra pour favoriser et protéger le travail national, il est peu probable que, limité à ses propres forces, et même en apportant de sérieuses entraves à l'émigration des ressortissants suisses, notre pays puisse, trouver tous les éléments indispensables au développement de SOM industrie.

Par leur seule augmentation naturelle, les étrangers pourraient d'ailleurs à la longue majoriser la population suisse; l'excédent de natalité de cette dernière n'est que de 9,4°/oo, alors qu'elle est de 15,8°/oo pour les immigrés; l'augmentation annuelle de la population suisse est en outre réduite à 8,8°/oo ensuite de l'émigration qui, bon an, mal an, nous enlevait 5000 compatriotes environ avant la guerre, alors que celle de la population étrangère est augmentée jusqu'à 37,1 °/oo ensuite d'une immigration annuelle de 21,3 °/oo.

11

III.

Influence des étrangers en Suisse.

L'augmentation continue des étrangers, telle qu'elle résulte de cet exposé démographiqite, ne peut ouvrir à la Suisse que des perspectives très peu rassurantes. Reconnaissons d'ailleurs qu'un Etat comme le nôtre, basé sur le principe fédératif et unissant des populations de races, langues et confessions diverses, pourra supporter une proportion très forte de colonies étrangères; des siècles d'histoire ont orienté l'esprit de notre peuple vers la tolérance, la compréhension des idées étrangères, et la dernière et plus haute signification ipolitique de notre pays, c'est le démenti vivant qu'il oppose aux préjugés religieux, linguistiques et ethniques. Ces traditions libérales expliquent les très forts conglomérats d'étrangers que certains de nos cantons ont pu supporter dès le début du 19e siècle, sans qu'il en soit résulté des dissensions à l'intérieur; rappelons-nous, qu'en 1837, le canton de Baie-ville comptait une population étrangère du 21 % de la population totale, et que les allogènes formaient alors déjà, le 32 % de la population du canton de Genève.

Mais si on veut exactement apprécier l'indéniable danger que comporte pour l'existence même de la Suisse une multiplication aussi formidable d'étrangers, il ne faut pas omettre de remarquer que cet envahissement présente la double caractéristique d'être surtout concentré sur quelques points de notre pays et que, dans ceux de nos cantons et cités qui «ont le plu« exposés, les conglomérats sont homogènes, en sorte qu'une seule nationalité prédomine sur toutes les autres. Les colonies étrangères en Suisse ne sont pas extrêmement mélangées, ni éparpillées sur tout le pays; leurs tendances divergentes ne réussissent point à s'annuler. Dans chacun des cantons situés aux frontières il y a un conglomérat principal qui sera allemand au nord et à l'est, français à l'ouest, italien au sud et qui n'est parfois pas loin dr> ma.joriser la population d'origine suisse; à Lugano c'est dé;i;i le cas, ainsi qu'à Garouge et dans quelques communes du canton de Genève, comme Vernier et Chêne-Bourg. Le danger certain et urgent qui nous menace -- et la guerre l'a rendu manifeste -- c'est celui d'un malentendu croissant «ntre les diverses parties du pays : des Suisses fortement influencés par des majorités badoise à Baie, savoyarde à Genève, lombarde au Tessin ne réiissiraient plus à s'entendre.

12

La concentration des colonies étrangères par nationalités résulte clairement des constatations suivantes : 61.872 Allemands résident dans le canton de Zurich, 49.054 dans les cantons de Baie-Ville et Campagne, 24.146 dans le canton de St-Gall, 14.486 » » » » Thurgovie, 9.539 » » » d'Argovie, 8.047 » » » de Schaffhouse.

Au total 167.144, soit plus du 76 % des Allemands en Suisse sont établis dans nos cantons bordant le Rhin. La presque totalité de la population étrangère du Tessin est italienne : 41.869 sur 43.983 immigrés. Approximativement les 60 % des Français sont établis 'sur territoire genevois, soit 37.688.

Au point de vue économique, on ne peut guère se dissimuler que les étrangers jouent dans ce domaine un rôle de ' plus en plus important, qui, envisagé dans ses conséquences extrêmes, pourrait aboutir à mettre certaines contrées de la Suisse sous l'étroite dépendance économique des puissances qui nous environnent. Si le septième de la population est allogène en Suisse, c'est le sixième, soit le 16,7 %, qui, âgé de 15 à 59 ans, peut faire une âpre concurrence aux ressortissants suisses; c'est le 18 % des individus du sexe masculin en âge de productivité qui n'est pas suisse; c'est même le 23 % du monde ouvrier et le 26,4 % des ouvriers du sexe masculin qui est d'origine étrangère. Ces chiffres s'expliquent par la composition même des colonies étrangères qui comprennent surtout des adultes aptes à la lutte pour l'existence, plus d'hommes que de femmes, et toutes proportions gardées, moins d'enfants et de vieillards que la population suisse. On compte en effet 285.180 étrangers du sexe masculin et 266.831 du sexe féminin, c'est-à-dire que le 15,5 % de la population masculine en Suisse est d'origine étrangère et pour le sexe féminin le 14%; la plus forte colonie masculine en Suisse est la colonie italienne, ainsi que cela ressort du tableau suivant : Allemagne

Italie

Hommes 104.198 , 118.103 Femmes i 115.332 84.706

France avec Monaco 28.850 34.858

Autriche-Hongrie avec Liechtenstein 22.0191^ 19.403 i

13

Considérés selon leur âge, les étrangers se divisent en 399.155 adultes et 152.856 enfants mineurs qui se répartissent de la manière suivante pour ce qui concerne nos quatre Etats voisins : Allemagne

78.869 Hommes adultes 83.620 Femmes adultes Enf. du sexe masc. 30.829 31.712 » » » fera.

Total 219.530

16

88.988 55.673 29.115 29.033 202.809

; aïec Monaco

21.453 27.100 7.397 7.758 63.708

Autriche-Hongrie avec Liechtenstein

16.149 13.580 5.870 5.823 41.422

Si l'on compare la composition des colonies étrangères selon leur âge et leur productivité économique à la composition de la population d'origine suisse, on obtient les indications suivantes, d'après le recensement fédéral de 1910 : Population totale

Population suisse

Population étrangère

Répartition de 1000 personnes d'après les classes d'âge de

Total Sexe masculin Sexe féminin

0-14 15-59 60 et plus

014

312 319 307

319 328 310

599 601 596

89 80 97

15-59 60 et i 014 plus 585 584 586

96 277 88 266 104 | 288

15-59 60 et

plus

680 698 661

43 36 51

La classe productive, qui fait la force économique du pays, est bien plus faible chez les Suisses (585°/oo) que chez les étrangers (680°/oo), et cette infériorité est encore plus accentuée chez les individus du sexe masculin : 584 °/oo pour les Suisses et 698°/oo pour les étrangers.

Les statistiques sur la participation des étrangers dans les diverses branches de notre activité économique ne font que confirmer cette constatation :

14 Etrangers Occupations 1910

Sexe

Population totale

Suisses

o/oo

delà Nombres . absolus ptpulitioi

totale '

Nombre total

. . . . .

1. Personnes vivant directement du produit acquis . . .

Total 3753293 3201282 552011 285180 Masc. 1845529 1560349 Fém. 1907764 1640933 266831

147 155 i 140

Total 1758872 1478187 280685 Masc. 1198868 998264 200604 80081 Fém. 560004 479923

160 167 143

1421498 979903 441595 467068 368459 98609 622928 396849 226079 152357 83074 69283 76985 71608 5377

271533 179326 74207 16126 13264 2862 186186 142245 43941 41743 24850 16893 7749 7617

160 168 144 33 35 28 230 264 163 215 230 196 91 96 24

1. Personnes exerçant une profession 40 un métier

Total Masc.

Fém.

A. Production du sol Total Masc.

Fém.

B. Arts et métiers et Industrie . Total Masc.

Fém.

C. Commerce . . . Total Masc.

Fém.

D. Transports . . . Total Masc.

Fém.

E. Administration pnbliqne et professions libérales . . . .

F. Serrìcus pedonitela et oeenpatioos prdessionelles -- sas déBoitltn prteise

2. Personnes de situation indépendante " SUDS profession (Rentiers et antre! chefs de ménage 8. profess.)

II. Personnes vivant indirectement du produit acquis 1. Domesticité

. . .

2. Membres de famille 3. Personnes sans profession dans des familles étrangères et établissements .

1693031 1177229 515802 483194 381723 101471 809114 539094 270020 194100 107924 86176 84734 79225 5509

132

Total Masc.

Fém.

Total Masc.

Fém.

9675C 61747 35009 25133 7516 17617

82523 54016 28507

14233 7731 6502

19637 5897 13740

5496 1619 3877

147 125 186 219 215 220

Total Masc.

Fém.

65841 21639 44202

56689 18361 38328

9152 3278 5874

139 151 133

Total Masc.

Fém.

Total Masc.

Fém.

Total Masc.

Fém.

Total Masc.

Fém.

1994421 646661 1347760 89616.

1508 88107 1778766 579420 1199346

1723095 271326 84576 562085 186750 1161010 25300 64315

136 131 139 2S2 447 280 124 124 125 197 184 210

834

674

24626 63481 1557515 221215 71779 502641 149472 1049874 24775 126040 101265 12123 53610 65733 12652 60307 47655

15-

Les cocupations dans lesquelles les étrangers sont le plus fortement représentés, sont le commerce (21,5 %), les services de manoeuvres (21,9 %), les arts et métiers et l'industrie (23%), les services domestiques (28,2%); le nombre des rentiers ou personnes à situation indépendante est un peu plus faible que celui des Suisses; la proportion dans laquelle nos hôtes sont représentés dans les professions libérales correspond exactement à celle de l'immigration étrangère pour tout le pays, .14,7%. Les occupations agricoles, par contre, n'en, attirent qu'une faible partie, soit le 3,3 %.

Toute cette pénétration de notre vie économique par les étrangers est de nature à singulièrement faciliter l'intrusion des capitaux étrangers dans l'industrie et le commerce suisses. Ceci ne peut être une source de développement quelorsque l'argent étranger est placé dans des entreprises qui restent suisses par leurs traditions, leur personnel, leur direction, leur administration. Mais les capitaux étrangers servent parfois à fonder de nouvelles entreprises qui ont pour but de supprimer la concurrence .de maisons suisses; ou s'efforce d'accaparer ces-dernières, de les transformer en sociétés par actions au moyen de capitaux étrangers; le personnel suisse est alors peu à peu changé par un personnel étranger; le capital suisse se perd dans les capitaux étrangers; les directeurs, chefs d'entreprises, ingénieurs ne sont p]us suisses en grande- partie, en sorte que l'influence étrangère est hors de proportion avec l'importance économique de l'entreprise pour la nation. Cette action du capital étranger en Suisse échappe à la statistique; on peut néanmoins s'en rendre approximativement compte à l'aide de l'état des sociétés industrielles et commerciales en Suisse. Au 1er janvier 1918, on comptait 6256 société anonymes suisses représentant un capital de 4.170.013.499 francs1 et 139 sociétés étrangères avec un capital de 1.642.090.790 francs; il en résulte que chaque société suisse représente un capital de 670.000 francs environ, alors que chaque société étrangère dispose d'un capital presque dix-huit fois plus considérable,, soit de plus de 12.000.000 de francs en moyenne; celles-ci sont donc d'ordinaire des entreprises fort puissantes qui peuvent faire une concurrence efficace au commerce et à l'industrie suisses.

Les devoirs militaires auxquels les citoyens suisses doivent satisfaire permettent aussi fréquemment aux étrangers .de prendre une avance sensible dans la lutte écono-

16

miqwe, malgré que les obligations militaires soient eom"binées en Suisse de manière à exercer une répercussion économique aussi faible que possible sur l'activité de l'individu. Ainsi les étrangers établis en Suisse ne sont pas toujours convoqués avec leur classe d'âge dans leur pays d'origine, mais bénéficient, de sursis qui équivalent souvent en fait à la dispense de tout service militaire en temps de paix; souvent encore ils sont libérés du service dans la réserve; les individus reconnus inaptes sont plus favorisés que les Suisses puisqu'ils ne sont le plu&souvent astreints au paiement d'aucune taxe spéciale dans leur patrie. Lorsque les étrangers se rendent sous les drapeaux de leur patrie, ils doivent remplir, il fatit le reconnaître, des charges militaires plus lourdes que celles des Suisses. On peut d'ailleurs s'attendre à ce que l'activité économique d'une .grande partie des étrangers soit de moins eu moins ·entravée par leurs devoirs militaires ensuite des traités île paix de Versailles et de St-Germain qui ont déjà limité les armements de l'Allemagne et de l'Autriche.

Les colonies étrangères peuvent encore compromettre "toute l'oeuvre de l'unification de notre droit civil; elle a en pour but essentiel de remédier à l'instabilité des rapports juridiques résultant de l'extrême variété des droits cantonaux; cette instabilité réapparaît lentement sous une forme ïiouvelle, non plus dans les relations intercantonales, mais dans nos relations internationales. Le code civil suisse (art.

59, titre final) s'est rallié dans ses grandes lignes au principe de la territorialité du. droit déjà adopté par la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour, toujours en vigueur, et applicable par analogie, en vertu de l'article 32, aux étrangers domiciliés en Suisse; d'ordinaire, le droit civil suisse est donc applicable aux étrangers en Suisse. Mais, dans les relations internationales, le principe de la territorialité du droit tend, de plus en plus, à être abandonné au profit de celui de la sversonn alité du droit qui garantit à l'étranger l'application de sa loi nationale, quel que soit le lieu de sa résidence.

Les immigrés sont ainsi fréquemment régis pa,r les lois de leur patrie et relèvent souvent de leurs seuls tribunaux nationaux (art. 8 loi
féd. rapp. dr. civ. de 1891).

Cette ingérence du droit étranger et de la juridiction «étrangère trouble forcément l'application de notre loi; plus les ressortissants étrangers sont nombreux, plus leurs

17

divers droits nationaux acquièrent d'importance, et plus augmente aussi l'incertitude dans le domaine juridique; notre souveraineté légale et juridictionnelle est donc sensiblement mise en : échec par le droit spécial dont nos hôtes peuvent réclamer l'application et par le déclinatoire qu'ils peuvent fréquemment soulever devant nos tribunaux. Ce n'est donc que par une diminution du nombre des étrangers en Suisse que nous pouvons espérer remédier à cette complication de l'administration de la justice, car il n'est guère à prévoir que l'évolution ultérieure du droit international privé aboutisse à restreindre le champ d'application de la loi nationale dans une Europe reconstituée, dans ses grandes lignes, en application du principe des nationalités.

Mais pour mesurer la véritable portée des dangers que fait 1 courir à la Suisse la présence d'une population étrangère aussi considérable, c'est le côté éthique du problème qu'il faut mettre au premier plan. Notre peuple doit résister à des influences qui lentement risquent de le dénationaliser.

Tout peuple fort et sain peut et doit vivre d'échanges actifs avec l'étranger, tant dans le domaine moral et politique que dans le domaine matériel; mais un certain équilibre ne doit pas être rompu; lorsque le fléau de la balance incline trop en faveur de l'étranger, il y a péril pour un peuple d'aliéner son individualité et die devenir, non seulement matériellement, mais intellectuellement tributaire d'autres Etats. Les moeurs, les usages, les idées politiques, les valeurs morales elles-mêmes et surtout les sentiments de dévouement à la patrie risquent alors de se modifier, de s'estomper.

Encore qu'il faille espérer que la Société des Nations réussisse à éviter de futures guerres, il faut prévoir le cas où notre armée serait appelée à défendre la neutralité perpétuelle qui a été, récemment encore, reconnue par des traités internationaux. Dépourvue d'absolue sécurité à l'arrière, elle serait' obligée de manoeuvrer au milieu de populations en partie hostiles ou indifférentes, et ses opérations risqueraient d'être éventées ou même compromises; sa force de résistance pourrait être diminuée pour contenir des séditions à l'intérieur. Il n'est guère contestable que l'existence de grandes masses d'étrangers à nos frontières pourrait être alors une source inépuisable
de difficultés, de dommages, de graves périls.

No'tre peuple se rend instinctivement compte de tous les dangers éthiques et matériels que comporte la multiplicaFeuille fédérale. 72e année. Vol. V.

2

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tion anormale des étrangers en Suisse. S'il accueille parfois ces derniers avec quelque appréhension, on ne peut pas attribuer cette attitude uniquement au mécontentement qu'il aurait de voir surgir d'incommodes concurrents, ni à une susceptibilité nationale par trop ombrageuse; cette réserve lui est dictée par la crainte dont il est animé de voir, à. la longue, les fondements même de notre indépendance ébranlés et détruits par les éléments étrangers.

IV.

Insuffisance de la politique de naturalisation.

Les mesures à prendre par le législateur doivent viser à faciliter l'assimilation des étrangers, à désigner les éléments assimilables ensuite de l'influence que l'ambiance suisse a exercée sur eux, à permettre au peuple suisse, par une action continue, d'exercer une action décisive sur l'esprit et les moeurs de nos hôtes.

Il ne faut pas oublier qu'une grande partie des colonies, établies sur notre sol sont sédentaires. Le recensement fédéral de 1910 nous fournit à cet égard de précieuses indications :

Domicile ininterrompu Etrangers ininterrompu Etrangers nés à Domicile tés en en Suisse en Suisse Suisse l'étranger

depuis 1910 101358 depuis 1910 de 1*06-1909 100236 de 1906-1909 de 1901-19"5 54.961 de 1901-1905 de 1895-iaOO 38.552 de 1896-1900 de Ii91-l<«5 21.858 de 1891-1895 depuis 1890 41.041 depuis 18jO OU. auf)

' Total

l

358.006

ou unt

'Total

Naissance

Etrangers ne's en Suisse »t y Mtiliéi sans interruption depuis lene ntissance

14.640 en 1910 42509 de 1906-19U9 38.109 : de 1901-1905 28.016 ' de 1896-1900 16.803 de 1891-1895 53.928 depuis Ib90

11.412 37.247 34.411 25 221 i 15.3121 50815

Total

174.418.

194.005

ou ant

\

Sur un total de 552.011 étrangers, les 64,9 % sont donc nés hors de Suisse, les 35,1 % ont vu le jour sur notre sol

19

et les 31,5 % sont nés en Suisse et y résident sans interruption depuis leur naissance. Un grand nombre de ces derniers ont perdu le contact avec leur mère-patrie au point de n'avoir pas été élevé» dans la langue de leur pays; on peut les estimer, en. chiffres ronds, à 45.000, dont 7000 Allemands environ, 30.000 Italiens, près de 5000 Français et quelques milliers d'Autrichiens qui, tous, sont évidemment des candidats tout désignés à la naturalisation suisse; en voici le tableau détaillé : allemand Ressort, » I t »

allemands .

italiens .

français .

autri'ehiens

.

.

.

.

.

.

.

.

552 011 219530 202.809 63.708 41.422

268048 212.329 13856 3.976 33.411

Langue rnaternelle italien français 84-614 6.524 15.685 59.393 628

177.242 199 172.716 203 3.951

antres laognes 22107 478 552 136 3.432

Si nous présumons l'anîmus remanendi non seulement chez les natifs, mais aussi chez ceux qui résident en Suisse depuis plus de dix ans sans interruption et qui représentent 101.451 personnes, soit le 18,4 % de la population immigrée, on arrive au résultat que le 53,5 % du total des étrangers sont établis à demeure en Suisse. 256.555 allogènes sont nés à l'étranger et sont domiciliés en Suisse depuis moins de dix années; ils représentent le 46,5 % du total des étrangers dont la forte proportion de 101.358, soit le 18,4 %, ne résident chez nous que. depuis une année; ceux-ci forment évidemment une population flottante, avec laquelle nous devrons toujours compter; elle ne se compose qu'en petite partie d'étrangers vivant dans les hôtels et alimentant l'industrie dite des étrangers; il s'agit bien plutôt de personnes qui ne sont attirées passagèrement en Suisse que pour de raisons économiques.

Ce qu'il faut relever en présence de ces chiffres, c'est l'insuffisance de nos moyens de lutte. Le salut de la Suisse, saturée d'étrangers, ne saurait résider dans une volonté d'excommunication. Il faut donc songer à incorporer à l'Etat les personnes qui, chaque année, viennent augmenter les contingents étrangers.

Nous avons déjà publié dans notre message du 28 juin 1919, concernant la modification de l'article 2, alinéa 1er, de la loi fédérale du 25 juin 1903 sur la naturalisation des étran-

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gers et la renonciation à la nationalité (voir Feuille féd..

1919, vol. IV, p. 237), les statistiques concernant les naturalisa tions de 1901 à 1918. Ajoutons et rappelons seulement qu'en 22 années, soit de 1889 à 1910, nous avons accordé 19.349 naturalisations comprenant 60.013 personnes, ce qui fait une moyenne de 879 cas et de 2728 naturalisés par année, et que de 1801 à 1910, la. moyenne a été plus élevée puisque nous avons accordé par an 1154 naturalisations pour 3458 naturalisés, soit 62 par dix mille. Pour la période qui a immédiatement précédé le début de la guerre, la moyenne annuelle, calculée sur une courte période de trois ans, 1911 à 1913, était sensiblement plus favorable; nous rencontrons 1655 cas avec 4804 personnes, soit 87 par dix mille. Si nous considérons toute la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la naturalisation des étrangers du 25 juin 1903, soit de 1904 à 1913, on compte en moyenne 1387 cas par an avec 4093 naturalisés ou 74 par dix mille étrangers.

Même en faisant usage des résultats les plus élevés de ces diverses statistiques, notre politique de naturalisation avant la guerre était donc loin d'être süffisante pour absorber l'augmentation annuelle des étrangers que nous avons fixée en moyenne, pour les années 1900 à 1910, à 16.859 personnes; elle boucle quel que soit le mode de calcul que l'on adopte par un déficit de plus de 10.000 âmes, soit 13.401 si l'on se base sur la moyenne des naturalisations de 1901 à 1910, et 12.055 si l'on veut tabler avec la moyenne accusée par les trois années de 1911, 1912 et 1913.

Les statistiques publiées dans notre message du 28 juin 1919 sur les naturalisation pendant les quatre années 1915 à 1918 accusent, en tout, 13.303 cas de naturalisation comprenant avec les membres des familles des requérants 37.102 personnes, soit en moyenne 3326 cas par année et 9275 personnes; nous tenons ces moyennes, (présentant la forte proportion de 179 par dix mille, comme des maxima qui ne seront pas dépassés sous l'empire des dispositions légales actuelles; mais ces chiffres, eux aussi, sont insuffisants, puisqu'il nous faudrait assurer l'assimilation de plus de 7000 étrangers encore chaque année si nous voulons, non pas entamer le bloc formidable d'un demi-million d'allogènes en Suisse, mais seulement empêcher qu'il ne s'accroisse encore.

Les résultats si peu satisfaisants de notre politique de naturalisation tiennent essentiellement à trois causes.

2l

La première provient du grand nombre d'étrangers nés hors de Suisse et qui résident depuis moins de dix années sur notre sol; il y en avait, au 1er décembre 1910, 256.555, soit près de la moitié du total des immigrés; on peut admettre que ces personnes ne sont pas encore assimilées; le peu d'empressement qu'elles mettent à se faire naturaliser ne laisse p-as d'être naturel et ne fait paraître que plus anormale l'abstention des deux autres catégories d'allogènes, celle des 194.005 natifs et celle des 101.451 personnes qui sont établies chez nous depuis ,plus de dix années.

La deuxième cause réside dans le régime extrêmement libéral dont bénéficient les étrangers en Suisse. Au moment où les plus fortes immigrations se sont produites, le 99 % de nos hôtes vivaient sous un régime contractuel; la Suisse était liée envers 23 Etats par des traités d'établissement, et les seuls1 Européens qui ne pouvaient 'en bénéficier en droit, mais qui, en fait, jouissaient des mêmes avantages que les autres, étaient les ressortissants de la Bulgarie, du Luxembourg, de Monaco, du Monténégro, du Portugal, de la Suède, de la Turquie, Etats qui ne nous envoyèrent jamais que de faibles contingents. Ces traités assuraient aux immigrés uno situation juridique presque analogue à celle des Suisses établis hors de leur canton d'origine. Les étrangers sont même mieux traités en Suisse que les enfants du pays à deux points de vue : ils sont dispensés de tout service personnel dans l'armée et du paiement de toute taxe militaire; ils bénéficient enfin, dans un grand nombre de cantons, de privilèges d'ordre fiscal, immunité de l'impôt communal dos pauvres (Armensteuer) dans un grand nombre de cantons de la Suisse allemande, ou immunités spéciales à certaines catégories d'immigrés, comme à Baie, Genève, Vaud, Neuchâtel et Obwald. La naturalisation n'améliore donc que dans une très faible mesure la condition de l'étranger; elle le prive par contre d'avantages importants.

La troisième cause tient incontestablement à nos lois surannées sur l'acquisition de la nationalité suisse. Jamais Etat ne fut en effet plus démuni de moyens dans son arsenal législatif pour résister à une invasion qui ne devait pas tarder à se révéler menaçante; la Confédération n'a aucun pouvoir pour provoquer la naturalisation des étrangers; elle ne peut que l'empêcher.

Lors de la promulgation de la première loi fédérale sur le droit de cité, celle du 3 juillet 1876, on procéda à une ré-

22

partition des compétences entre la Confédération et les cantons dans le seul souci d'éviter autant que possible les cas de double nationalité et les conflits internationaux qui en résultent; le Conseil fédéral fut chargé d'examiner les rapports du candidat avec son pays et l'existence des conditions de domicile exigées. Par contre, au cours des travaux préparatoires de la loi fédérale du 25 juin 1903, actuellement en vigueur, on partit de l'idée qu'il fallait absolument faciliter les naturalisations, car le péril de l'immigration étrangère se dessinait déjà, menaçant.

En exécution du postulat Curti, accepté par le Conseil national le 9 décembre 1898, et l'invitant à étudier les moyens de faciliter la naturalisation des étrangers, le Conseil fédéral adressa le 28 mars 1899 une circulaire aux divers gouvernements cantonaux pour leur demander s'il leur paraissait opportun de le faire. Six cantons seulement, ceux de Zurich, Baie-Ville, Schaffhouse, St-Gall, Tessin et Genève, répondirent affirmativement. On a beaucoup incriminé cette attitude de la majorité des gouvernements cantonaux; mais elle est explicable si l'on considère qne les cantons ne pouvaient s'inspirer que des résultats du recensement fédéral de 1888; à cette époque, la proportion des étrangers dans les cantons qui s'opposaient à l'élargissement de notre système de naturalisation variait entre le 1,9 et le 9,1 % (le canton de Neuchâtel accusait le chiffre le plus élevé).

Le législateur fédéral estima avoir affaire à une sérieuse opposition dans le pays et, dans la crainte d'un vote populaire défavorable, il recula devant une revision constitutionnelle devant donner à la Confédération le droit d'introduire le principe de l'incorporation jure soli en Suisse; en dehors de cette innovation législative, seule efficace pour lutter contre la surpopulation étrangère, on ne pouvait avoir recours qu'à des mesures timides. La loi du 25 juin 1903 n'apporta en effet que des modifications de détails à la naturalisation suisse.

Elle a, il est vrai, introduit en Suisse le principe de l'incorporation jure soli; mais, respectueuse de la souveraineté cantonale, elle a reconnu aux seuls cantons « le « droit de statuer, par voie législative, que les enfants nés «sur leur territoire d'étrangers domiciliés sont de droit « citoyens du canton et partant citoyens suisses, sans que « l'autorisation du Conseil fédéral soit nécessaire :

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« a. si la mère est d'origine suisse; « b. si, à l'époque de la naissance de l'enfant, ses parents « étaient domiciliés dans le canton deptiis cinq ans
La majorité de la commission du Conseil national proposa d'imposer aux cantons l'obligation de réserver le droit d'option que ne prévoyait pas le projet du Conseil fédéral et cette réserve passa dans la loi sans opposition sérieuse; la loi accorde au Conseil fédéral et aux cantons le droit d'annuler en tout temps une nationalité jure soli obtenue d'une manière frauduleuse.

Le législateur fédéral s'était (proposé de créer une période de transition pendant laquelle les cantons devaient faire l'expérience de l'incorporation jure soli, puis, si les résultats numériques étaient insuffisants, d'opérer alors de plus vastes transformations en généralisant l'application de cette institution. La loi permettait donc aux cantons d'attribuer au fait de la naissance sur leur sol une force juridique qu'il n'avait jamais eue auparavant : il devenait directement attributif du droit de cité suisse; mais la loi fédérale n'imposait pas aux cantons l'obligation d'introduire le jus soli dans leur droit, ceux-ci n'étaient pas obligés d'adopter ou de rejeter en bloc ces deux modes d'acquisition du droit de cité par naissance en Suisse; ils avaient la faculté d'adopter l'un, de rejeter l'iautre; ils pouvaient aussi les subordonner à des conditions plus sévères que celles prévues par la loi fédérale, exiger par exemple des parents un stage de dix années; il ne leur était par contré pas possible de faciliter encore ·davantage l'acquisition de leur indigénat jure soli; la législation fédéral leur avait imposé un minimum de conditions auxquelles il ne leur était pas loisible de renoncer. La loi devait donc pouvoir être exécutée avec une certaine souplesse, escomptée par le législateur, afin que chaque canton puisse l'adapter aux besoins de sa politique d'assimilation des étrangers, certaines parties du pays comptant plus de 40 % d'immigrés, alors qu'iailleurs la proportion n'atteint pas le 10 %.

Mais les expériences faites avec la loi fédérale du 25 juin 1903 démontrent d'une manière irréfutable que l'on a fait fausse route en abandonnant aux cantons le soin de résoudre la question des étrangers. L'article 5 n'a pas répondu aux espérances du législateur fédéral; aucun canton suisse n'en a fait usage et n'a introduit dans ses lois le principe

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de l'incorporation des natifs avec droit d'option; cette disposition de droit fédéral est restée lettre morte ensuite, de l'indifférence des cantons. Les enfants trouvés, et eux seulement, acquièrent actuellement notre indigénat ensuite de leur naissance sur sol suisse (article 23 de la loi fédérale du 3 décembre 1850 sur le heimatlosat).

Seuls les cantons de Genève et du Tessin ont tenté de' mettre leurs lois en harmonie avec la loi fédérale du 25 juin 1903. Par l'article 3 de la loi sur la naturalisation genevoiseet la renonciation à la nationalité genevoise du 21 octobre 1905, on a donné à l'étranger, né dans le canton de Genève, le droit de réclamer, dès l'âge de sa majorité et sans que l'autorisation du Conseil fédéral soit nécessaire, la qualité de citoyen genevois dans la commune où il est né : 1° si sa mère est d'origine suisse ou 2° si ses parents, à l'époque de la naissance, étaient domiciliés dans le canton depuis cimi ans au moins sans interruption. Mais les autorités fédérales ne purent pas donner leur approbation à cette loi cantonale,, en application de l'article 14 de la loi fédérale du 25 juin 1903, car, en permettant aux cantons d'introduire le jus soli avec réserve d'option et sans autorisation fédérale de naturalisation, le législateur fédéral n'a pas entendu dispenser de cette dernière formalité les étrangers qui conservent cette qualité jusqu'à leur majorité et qui ne sont pas considérés comme Suisses dès leur naissance. Par une loi complémentaire du 9 octobre 1909, le législateur genevois rétablit la nécessité de l'autorisation fédérale pour les candidats en question. Au Tessin, une loi du 19 novembre 1907 (art. 6 et 7) prévoyait la possibilité de la concession du droit de cité tessinois sans autorisation fédérale pour l'enfant né sur le territoire tessinois d'étrangers domiciliés dans le canton, pourvu que sa mère fut d'origine suisse ou qu'au moment d* sa naissance ses parents eussent été domiciliés dans le canton depuis au moins cinq années sans interruption. Comme pour la loi genevoise de 1905, le Conseil fédéral déclara qu& ces articles ne correspondaient pas à l'article 5 de la loi fédérale du 25 juin 1903 et que par conséquent ils ne pouvaient être approuvés.

D'une enquête menée par les autorités fédérales auprès des cantons intéressés au premier chef par l'immigration
étrangère, il résulte que les causes pour lesquelles l'expérience du jus soli n'ia pas été faite tiennent essentiellement à la crainte de conflits d'ordre international. Dans le eau-

ton de Genève, le législateur ne crut pas devoir introduire* le jus soli en raison de l'article 6 de }a loi fédérale de 1903 qui prévoit que les personnes à, double nationalité ne sont pas protégées contre les autorités de leur seconde patrie tant et aussi longtemps qu'elles y résident; les nombreux Français établis à Genève qui deviendraient Suisses ensuite de leur naissance sur territoire genevois ne manqueraient pas de rejeter l'indigénat suisse et d'opter pour la France, car ce serait le seul moyen à leur disposition d'éviter les inconvénients de la double nationalité. De son côté, le gouvernemnet de Baie-Ville exposa qu'il n'était pas opportun de modifier la loi bâloise de 1902, entrée en vigueur avant ht revision de la législation fédérale de 1903; il fallait à tout IP moins savoir quels avaient été ses résultats pratiques, lesquels se révélèrent favorables; il ajoutait que l'introduction du jus soli eût entraîné une multiplication considérable de cact de double nationalité et qu'il appartenait à la Confédération.

mais non pas aux cantons, d'inaugurer une politique de naturalisation entraînant de semblables conséquences et d'en éliminer les inconvénients internationaux.

Mais une des raisons les plus puissantes qui ont encore incité les cantons à faire abstraction de l'incorporation jure soli dans leurs lois, c'est la crainte d'une répercussion onéreuses de cette innovation sur le régime de l'assistaucc publique. Comme l'application de l'article 5 de la loi fédérale du 25 juin 1903 eut augmenté sensiblement le nombre des bourgeois de nos communes, on craignit que l'accroissement de leurs ressources n'allât pas de pair avec l'augmentation du nombre des personnes à assister.

Enfin les cantons reculèrent aussi devant l'introduction de cette institution, afin de ne pas mettre les enfants d'étrangers au bénéfice d'un droit refusé aux Suisses établis hors de leur canton d'origine; cette dernière considération ne doit évidemment pas être retenue, car l'immigration dos.

citoyens suisses d'un canton dans un autre, si considerabili qu'elle soit, ne crée pas un danger national; la question des étrangers ne doit pas être mêlée à celle des Suisses établi.-?

ou en séjour, encore que celle-ci ne soit point dénuée d'importance puisque 761.509 Suisses étaient, en 1910, domiciliés hors de leur canton d'origine.

Miais lier les deux problèmes, ce serait le meilleur moyev; de n'arriver à les résoudre ni l'un ni l'autre. La réglementa

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lion de la naturalisation intercantonale entraîne, comme corollaire nécessaire, une nouvelle réglementation de toute l'assistance .publique dans les relations entre cantons; cette modification ne pourra guère être réalisée -avant une décade ·au moins. La question des étrangers ne peut pas s'accommoder d'un si long retard, à peine de ne plus pouvoir être résolue, pour peu que l'immigration se maintienne dans les mêmes proportions que par le passé. Les problèmes d'assistance qu'elle soulève peuvent être résolus sans modification fondamentale du régime actuel de l'assistance publique. Les mesures à prendre contre l'immigration ne sauraient être rendues dépendantes de tentatives d'unification dans ce domaine, car le succès de ces tentatives est extrêmement aléatoire et lointain, en égard aux traditions plusieurs fois centenaires qui ont persisté dans notre droit concernant l'assistance publique.

L'acquisition du droit de cité suisse resta donc pour l'essentiel régie par les dispositions, pour la plupart surannées, des lois cantonales. La concession de l'autorisation fédérale de naturalisation n'est qu'une sorte de brevet attestant ·qu'un candidat >a qualité pour être reçu citoyen suisse, mais seulement si les cantons et commîmes jugent à propos de lui octroyer cette qualité; par elle-même l'autorisation du Conseil fédéral n'a donc pas le poiivoir de conférer à ua étranger le droit d'exiger sa naturalisation, à moins que la législation cantonale ne lui attribue cette conséquence.

Le candidat doit toujours se soumettre à de longues procétiures dans les cantons et communes, puisque ceux-ci peuvent poser telles conditions que bon leur semble pour la naturalisation des étrangers; aucune prescription légale fédérale notamment n'oblige un candidat à ne se faire naturaliser que dans le canton ou la, commune où il est domicilié.

Ce qui constitue le plus grand obstacle ù la naturalisation, ce sont les hautes taxes que doivent acquitter les candidats; elles varient au cantonal depuis la complète gratuité jusqu'à la somme de fr. 3000 et au communal, là où les lois fixent des limites, elles sont de fr. 50 à fr. 3000; dans douze cantons, la fixation de la taxe ·d'agrégation communale est abandonnée à la libre discrétion des communes.

De 1909 à 1913, les cantons et communes ont accordé 6733 naturalisations pour lesquelles ils ont touché la somme glo-

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baie de fr. 2.791.885, soit fr. 415 par cas; sur >eette somme, les cantons ont prélevé fr. 719.186, soit fr. 107 par cas, et les communes fr. 2.072.699, soit fr. 308 par cas. Les statistiques n'existent pas pour 1914; mais de 1915 à 1917, les sommes touchées par les cantons et communes atteignent le chiffre de fr. 5.517.258, soit fr. 587 ,par cas, dont fr. 1.363.651 pour les «antons on fr. 145 par cas et fr. 4153.607 pour les communes ou fr. 442 par cas. Relevons toutefois que le canton de Baie-ville est celui qui naturalise le plus (157°/oo par an), qu'il n'exige aucune taxe cantonale, qu'il admet largement l'agrégation communale gratuite des étrangers, et; que ce droit d'admission gratuite est encore reconnu dans les cantons de Genève et Zurich où la proportion annuelle des naturalisations est aussi parmi les plus hautes de la Suisse (87 °/oo pour Genève et 69 °/oo pour Zurich) ; il faut en conclure que les moyennes sus-indiquées sont trop basses, lorsque la naturalisation est payante; les cantons naturalisent en effet gratuitement le 36,8 % des candidats; les communes seulement le 29,7 % ; les premiers réclament rarement des taxes supérieures à fr. 500; ce n'est le cas que pour le 1,7 % des candidats; chez les secondes, ce sont au contraire les taxes supérieures à fr. 500 qui ne sont pas très rares; on les réclame à peu près au 20 % des candidats. Le tableau suiArant fournira un aperçu du montant des taxes payées pour les années 1909 à 1913 : Taxes Gratuité 1 - 1 0 0 tra.

101- 200 fra.

201-- 500 frs.

501-1000 frs.

1001-2000 frs.

2001 et au-dessus

Communales i Ì Personnes % i 29,7 9,7 12,4 28,4 11,1 7,1 1,6

Cas % 31,8 11,1 13,4 26,7 11,7 4,7 0,6

Cantonales I Personnes °/o 36,8 29,7 16,1 15,7

Cas o/o 41,2 28,5 14,8 14,1

1,4

1,7

^Plusieurs cantons ont d'ailleurs pris des mesures spéciales pour faciliter l'assimilation des étrangers, mais soûles celles adoptées à Baie-ville ont réussi à enrayer l'invasion étrangère. La loi bâloise sur le droit de cité du 39 juin 1902, a donné à l'étranger âgé de quarante-cinq ans au plus et domicilié dans le canton depuis quinze années au moins le droit d'exiger son admission gratuite dans la commune où il réside depuis un an; s'il n'a résidé que douze ans dans le canton, l'immigré n'a plus le droit d'exiger sa naturalisation, mais la

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commune où il est domicilié depuis une année au moins a la faculté de l'admettre gratuitement au nombre de ses ressortissants; enfin s'il réside depuis moins de douze ans dans le canton, sa naturalisation est soumise à une taxe de 800 francs, celle-ci étant réduite de moitié lorsque l'impétrant >a épousé une Bâloise
L'effet de ces mesures s'est révélé suffisamment efficace pour entraîner une légère diminution des étrangers sur un des points les plus menacés de la Suisse. A partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi bâloise la moyenne annuelle des naturalisés est passée de 161 cas avec 509 personnes à 298 cas avec 879 personnes; la proportion de la population étrangère est tombée de 38,16 % en 1900 à 37,6 % en 1910. Genève a fait l'expérience inverse en portant clans sa loi du 21 octobre 1905 de fr. 100 à fr. 2000, alors qu'ils étaient auparavant de fr. 50 à fr. 1000, les droits d'admission à payer aux municipalités; la moyenne annuelle des naturalisations tomba de 206 cas avec 597 personnes à 196 cas avec 52? personnes.

Les tendances générales qui se dégagent d'autres actions législatives entreprises dans les cantons de Zurich, Berne, Grlaris, Soleure, Argovie et Tessin sont les suivantes : On traite avec une faveur manifeste les natifs, soit en leur accordant des exemptions ou des diminutions de taxes, soit en soumettant leurs requêtes à des procédures plus simples, soit en les dipensant de certaines conditions imposées aux autres candidats. De même, on n'apporte pas d'entrave à la naturalisation d'étrangers établis de longue date en Suisse ou évidemment assimilés; souvent même on la facilite par des réductions de taxes, voire par des dispenses d'observer certaines conditions prévues par les lois cantonales. Le droit à la naturalisation reconnu dans quelques cantons à certaines catégories-d'immigrés n'a été nulle part supprimé; le législateur lucernois n'a pas craint d'introduire cette innovation dans un projet de loi sur le droit de cité du 13 avril 1918.

Par contre, ni avant ni a.près le début de la guerre, nos
cantons n'ont eu recours à l'article 5 de la loi fédérale du 25 juin 1903 pour accorder jure soli leur droit de cité aux personnes nées sur leur territoire, et ce n'est pas porter un

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jugement trop absolu sur le résultat total de ces diverses mesures cantonales que de reconnaître, en définitive, leur manifeste insuffisance.

V.

Nécessité d'âne révision constitutionnelle.

Pour rétablir une proportion plus normale entre la population nationale et la population étrangère, la Suisse ne doit pas hésiter à employer tous les moyens, petits et grands, aucun.,n'est à écarter. Ces moyens sont de deux sortes; les uns préventifs doivent entraîner une diminution de l'immigration; les seconds doivent faire un national de l'immigré et agir sur la population étrangère déjà établie en Suisse.

Cette politique d'assimilation ne pourra être poursuivie avec succès en Suisse que si on réussit à entraver l'établissement d'une population étrangère par trop nombreuse sur notre territoire. Ceci est la condition de cela. Une action diplomatique devra donc être engagée pour reviser le régime international de l'établissement, en même temps qu'une action législative doit être poursuivie pour modifier le régime de l'acquisition de notre indigénat.

Cette action diplomatique est d'ailleurs déjà engagée, ensuite de l'initiative prise par la France, le 10 septembre 1918, de dénoncer le traité d'établissement du 23 février 1882 ; le 10 avril 1919 se furent les traités des 13 novembre 1909 et 31 octobre 1910 avec l'Allemagne qui furent dénoncés par la Suisse, et, le 10 avril 1919 également, nous avons résilié le traité du 22 juillet 1868 avec l'Italie. Les principes d'après lesquels l'établissement des étrangers devra être réglé à l'avenir seront encore soumis à un examen approfondi de la part de tous les départements intéressés, en sorte qu'ils ne sauraient faire l'objet d'un exposé dans le présent message.

Bornons-nous à relever qu'une pratique plus stricte de notre politique d'établissement dans nos relations internationales nous paraît devoir entraîner les trois conséquences suivantes : premier résultat, l'immigration diminuera quelque peu; second avantage, plus important encore, les colonies étrangères seront plus facilement expurgées des éléments louches qui peuvent s'y trouver; troisième conséquence enfin, l'émigration des Suisses à l'étran-

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ger diminuera. Cette émigration est, elle aussi, excessive; elle nous enlève chaque année, en moyenne, plus de 5000 nationaux, alors que l'immigration nous amène chaque année, en moyenne, 17.000 étrangers; retenir les premiers, c'est éloigner nombre des seconds.

La revision du régime actuel de l'établissement ne pourra évidemment pas suffire pour. conjurer le danger, car il ne «aurait être question de fermer hermétiquement nos frontières; mais elle contribuera à assurer le succès des autres mesures cardinales auxquelles il faudra recourir, les mesures législatives.

Cette action législative devra être entreprise en deux étapes; elle doit débuter par une revision de l'article 44 de la constitution fédérale afin d'élargir les compétences de la Confédération en matière d'acquisition et de perte de la nationalité suisse; elle doit se poursuivre, en second lieu, par la revision totale de la loi fédérale sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité suisse du 25 juin 1903, afin d'y introduire les réformes nécessaires pour lutter avec efficacité contre l'envahissement pacifique dont souffre la Suisse. C'est la première de ces deux actions qui fait .seule l'objet du présent rapport.

L'article 44 de la constitution fédérale a la teneur suivante : « Aucun canton ne peut renvoyer de son territoire un de « ses ressortissants, ni le priver du droit d'origine ou de cité.

« La législation fédérale déterminera les conditions aux« quelles les étrangers peuvent être naturalisés1, ainsi que «celles auxquelles un Suisse peut renoncer à sa nationalité « pour obtenir sa naturalisation dans un pays étranger. » Ce texte constitutionnel a été interprêté, à maintes reprises d'une manière stricte par les Chambres fédérales; elles estimèrent constamment qu'il conférait seulement à la Confédération un droit de contrôle, d'une part sur les naturalisations au sens technique du mot, afin d'éviter les abus, et d'autre part sur l'expatriation afin de garantir aux individus le droit de changer de nationalité. Cet article 44 de la constitution fédérale ne donne à la Confédération le pouvoir de légiférer que sur la naturalisation des étrangers et non pas sur les naturalisations intereantonales.

La naturalisation des étrangers suppose en effet deux.

actions de la part des candidats : dans la première, ils se

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libèrent des liens qui les rattachent à leur patrie et sollicitent leur admission dans le pays de leur choix; elle a donc une portée internationale; dans la seconde, il s'agit pour le candidat d'obtenir un droit de cité cantonal et communal; elle est uniquement d'ordre interne. On s'est donc tout naturellement conformé à cette double nature de la naturalisation pour répartir les compétences; on confia à la, Confédération par les lois fédérales de 1876 et 1903 qui ont réglementé son droit de contrôle l'examen de la situation internationale du candidat à la naturalisation et le droit de donnei* ou de refuser son approbation aux lois cantonales sur l'acquisition de la nationalité par naissance sur sol suisse; on réserva aux cantons et communes le droit d'accorder on non,, en dernier lieu, leur droit de cité aux étrangers. Une seule exception fut apportée à ces principes, pour des raisons d'équité : la Confédération eut le pouvoir de prononcer 'directement la réintégration dans leurs anciens indigénats cantonaux et communaux, de certaines catégories de personnes, d'origine suisse mais devenues étrangères, soit par mariage,, soit par renonciation.

La perte de la nationalité suisse fut aussi soustraite à la souveraineté cantonale afin de reconnaître aux individus, le droit d'expatriation qui leur était contesté dans quelques cantons. Ce droit de rompre les liens de la nationalité, la constitution fédérale de 1874 et les lois de 1876 et 1903 lereconnurent à l'individu, mais le contestèrent aux cantons; ceux-ci ne peuvent pas priver leurs ressortissants du droit de cité; cette perte ne peut intervenir que sur requête expresse du citoyen suisse intéressé. Les liens de l'indigenat ne sont donc pasi indélébiles en Suisse; la perpétuelle allégeance a' complètement disparu de notre droit public.

L'acquisition dérivée de l'indigénat suisse par mariage a fait l'objet d'une disposition spéciale de la constitution fédérale (art. 54, al. 4) et rentre aussi dans les compétences fédérales; enfin la revision constitutionnelle du 13 novembre 1898 a encore donné à la Confédération (art. 64, al. 2) le droit d'unifier tout le droit civil, les modes d'acquisition originaire de la nationalité par filiation légitime, par légitimation, par filiation naturelle, sont désormais fixés par le code civil suisse (art. 263, 270,
324 et 325).

Les compétences des cantons et communes n'en sont pas moins fort étendues encore : elles comprennent le droit de décider si l'adoption attribuera ou non à l'adopté l'indigena 1

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<ìe l'adoptant, question qui n'est pas tranchée par le code «vil suisse (art. 268); elles comprennent, moyennant observation de l'article 5 de la loi fédérale du 25 juin 1903, le droit d'édicter les conditions auxquelles les individus acquièrent originairement la nationalité suisse par naissance sur le sol suisse sous réserve de l'option, ainsi que celui de déterminer à, quelle« conditions est subordonnée la naturalisation intereantonale et la naturalisation des étrangers.

La Confédération ne trouve donc pas dans notre arsenal législatif les armes qu'il faut pour lutter contre l'invasion ·étrangère. Elle ne possède pas les compétences nécessaires pour introduire l'incorporation jure soli dans nos lois, car cette attribution de la nationalité par naissance sur le st)l n'étant pas une naturalisation ne rentre aucunement dans l'art. 44 de la constitution fédérale; l'incorporation jure soli et la naturalisation obligatoire ne sont en effet point notions identiques; la première opère dès la naissance de. l'individu pour lui attribuer la nationalité de l'Etat où il naît, en sorte que l'intéressé, à aucun moment, n'a pu être un étranger pour cet Etat; c'est un mode (l'acqms,ition originaire de l'indigénat analogue à celui résultant de la filiation; la naturalisation lau contraire est un mode d'acquisition dérivée de la nationalité, qui n'opère sur les individus que postérieurement à leur naissance, en sorte que les intéressés seront étrangers jusqu'au jour où ils auront acquis un nouvel indigénat, la naturalisation obligatoire ou ex lege consiste donc dans une nationalité imposée à des individus qui en ont déjà une; elle n'a rien de commun avec l'incorporation jure noli.

Les législateurs cantonaux ont parfois confondu les deux institutions.

La Confédération n'a pas même les compétences nécessaires pour faciliter les naturalisations; elle peut seulement les empêcher; en 1900, le département fédéral de justice et police crut pouvoir fournir une interprétation littérale -- et non pas historique -- de l'article 44 de la constitution fédérale et voulait faire reconnaître à la Confédération le droit de déterminer toutes les conditions auxquelles l'acquisition et la perte de la nationalité suisse étaient subordonnées; il soutenait que le droit fédéral pouvait fixer toutes, les circonstances par lesquelles la
nationalité suisse est attribuée à une personne sans sa participation active, par ex., à la femme par mariage, aux enfants naturels par reconnaissance ou par légitimation; partant de ce point

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· de vue, il estimait qu'il était constitutionnel de promulguer une loi fédérale embrassant tous les casi analogues d'acquisition de la nationalité, au nombre desquels il rangeait l'in. corporation jure soli, c'est-à-dire le fait de la naissance sur territoire suisse. Cette argumentation ne fut pas adoptée par le Conseil fédéral et, au cours des débats parlementaires sur la loi fédérale du 25 juin 1903, le chef du département da .justice et police l'abandonna; après le Conseil fédéral, l'Assemblée fédérale Eidmit, à son tour, que la Confédération ne pouvait pas fixer les conditions auxquelles les cantons devaient 'accorder leur droit de cité aux étrangers, en sorte que le problème peut être considéré comme définitivement tran\ché en faveur de la compétence cantonale.

La révision constitutionnelle est inévitable si l'on veut lutter avec efficacité contre l'immigration étrangère; sinon, le législateur fédéral n'aurait pas d'autres ressources que ·de laisser aux cantons le soin d'élargir la naturalisation et l'incorporation jure soli, que de leur reconnaître des droits qu'ils ont de tout temps possédés et dont ils n'ont jamais fait usage. Une intervention législative aussi limitée ne conduirait pas au but. L'expérience est faite. Il n'est pas possible ·de confier aux cantons la réalisation d'une réforme rendue nécessaire par une situation qui compromet l'Etat tout entier; chaque canton ne pourrait prendre que les mesures appropriées à sa situation particulière; nous ne tarderions pas -à nous trouver en présence de situations juridiques extrêmement compliquées en raison d'une foule de dispositions dissemblables sur l'incorporation hvre soli. En mettant les choses au mieux, la réforme d'ensemble ne pourrait être que manquée, et c'est une réforme d'ensemble qu'exigé la solution de la question des étrangers, car elle comporte l'admission de principes inconnus dans notre tradition juridique; ils ne pourront être introduits que pour tout le pays ou ils ne le seront pas; cela entraînera en outre, en matière d'assistance publique, des conséquences financières qui devront elles aussi être réglementées de la même manière pour toute la nation; enfin les inévitables conflits internationaux que provoque le jus soli ne pourraient guère être aplanis par une action diplomatique de la Confédération, car la diversité
même des lois cantonales empêcherait les autorités fédérales d'invoquer des principes juridiques d'une application générale en Suisse pour défendre notre politique d'assimilation des étrangers vis-à-vis des autres Etats. La lutte Feuille fédérale. 72» année. Vol. V.

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ne saurait donc être menée avec chances de succès par d'«sactions législatives morcelées.

La revision constitutionnelle dont nous avons démontré la nécessité pourrait avoir lieu de l'une ou l'autre des deux: manières suivantes : 1° ou bien par une disposition d'ordre général donnant simplement à l'Etat fédéral des compétences nouvelles; 2° ou bien par une disposition détaillée introduisant la réforme in extenso dans la constitution.

Cette dernière solution est celle de la Commission des IX qui a proposé les modifications constitutionnelles suivantes : « Art. di. Aucun canton ne peut renvoyer de son terri« toire un de ses ressortissants, ni le priver du droit d'ori« gine ou de cité.

« Art. iîbis. L'enfant légitime qui naît en Suisse d'un « étranger établi reçoit droit de cité dans la commune de « l'établissement de son père, si l'un des parents est né lui « même en Suisse, si la mère est née suisse ou si, au moment «de la naissance de l'enfant, l'établissement du père et de <: la mère en Suisse a été d'au moins dix ans sans interrup« tion.

« La législation fédérale détermine les cas dans lesquels « les enfants illégitimes reçoivent le droit de cité à leur nais« sance.

« Le droit de cité communal ainsi acquis implique le « droit de cité cantonal. Les nouveaux citoyens ont les même?

« droits et devoirs que les bourgeois de la commune ou du « canton. Toutefois, il dépend des cantons de les faire béné« ficier des biens des bourgeoisies.

« Art. Uter. Les étrangers nés en Suisse et ceux qui y « sont établis depuis quinze ans, qu'Us jouissent de la pleine « capacité civile ou qu'ils soient des mineurs capables de dis« cernement, peuvent revendiquer le droit de cité de la com« mune où ils sont établis depuis cinq ans au moins, moyen« nant le paiement d'une taxe de naturalisation« La commune est libérée de son obligation si l'étranger « a subi une peine privative de liberté, s'il a été assisté- à un « âge où il pouvait gagner sa vie ou s'il est en retard dans« le paiement de ses impôts.

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« La taxe de naturalisation est fixée par le Conseil fédé« ral; elle ne peut cependant dépasser trois cents francs.

« Art. 44quater. La Confédération rembourse aux com« munes la moitié des dépenses d'assistance faites, suivant « les usages locaux, pendant les quinze premières années à «partir de leur naturalisation pour les étrangers naturalisés << en vertu de l'article 44bis, et pendant les cinq premières an« nées pour ceux naturalisés en vertu de l'article 44ter.

« Art. 44quinquies La législation fédérale règle l'acquisi« tion du droit de cité en raison de la nationalité suisse des « parents et les conditions dans lesquelles les cantons peu« vent accorder la naturalisation à des étrangers. Elle fixe « de même les règles de la renonciation au droit de cité, de « la perte de ce droit et de la réintégration dans la nationa« lité suisse. Elle peut édicter des dispositions plus détaillées « sur l'application des articles 44bis, ter et quater.

« Est établi, dans le sens des articles 44bis et ter, celui <: qui est muni d'un permis de séjour ou d'établissement dé« livré par l'autorité compétente de la commune dans laquelle « il habite.

« Dispositions transitoires. Les communes sont tenues « d'accorder, sur la demande qu'ils en feront et moyennant la « taxe de naturalisation, le droit de cité aux enfants mineurs « et légitimes, nés avant le 1er janvier 191..., d'un père étran« ger établi chez elles au moment de la naissance, si l'un des « parents est né en Suisse ou si la mère est née suisse.

« Jusqu'à ce que l'enfant ainsi naturalisé ait atteint sa << seizième année, et en tout état de cause pendant les cinq « années qui suivent la naturalisation, la Confédération rem« bourse à la commune de l'établissement la moitié des frais « d'assistance qu'il lui occasionne. » Lors de certaines revisions partielles de la constitution fédérale, on a, il est vrai, introduit dans les nouveaux articles constitutionnels les principes mêmes de la future législation; on a procédé de cette manière pour l'article 32bis concernant la fabrication et la vente des boissons distillées, ainsi que pour l'article 39 concernant la Banque nationale; cette voie a aussi été adoptée plus récemment pour l'article 24bis concernant les forces hydrauliques. Mais des dispositions constitutionnelles aussi détaillées se sont constamment rêvé-

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lées par la suite comme des obstacles très gênants pour adapter le droit aux circonstances toujours en mouvement de la vie. Une saine compréhension du droit constitutionnel veut en effet qu'il ne contienne que des principes directeurs dont ]p développement doit être assuré dans des lois spéciales; d'ailleurs, lors de l'élaboration d'un texte de loi constitutionnelle, l'étude des problèmes à résoudre ne peut jamais être assez fouillée pour qu'il soit possible d'affirmer que la nécessité de modifications de détails ne surgira pas. La solution consistant à n'introduire dans la constitution que les principes fondamentaux de la réforme présentera cet autre avantage, et il est capital, de permettre une revision totale, générale de notre loi sur la naturalisation, afin d'en coordonner toutes les dispositions et d'introduire en matière de naturalisation ordinaire, de réintégration, d'incorporation des heimatloses, toutes les réformes dont de longues expériences ont démontré la nécessité.

Enfin une dernière considération doit, à notre avis, emiiorter la conviction. Les mesures qui sont prises pour combattre l'accroissement de la population étrangère pourront se révéler insuffisantes, soit d'une manière générale, soit eu égard aux expériences particulières qui seraient faites dans tel ou tel canton. Des modifications pourront paraître opportunes, ou indispensables, ou mêmes urgentes. D'ores et déjà, il faut donc compter avec la nécessité d'adapter la loi future aux événements qui pourront se produire. Or, des modifications législatives sont plus facilement et plus rapidement réalisables que des modifications constitutionnelles.

Il faut relever pourtant qu'une revision constitutionnelle portant sur la seule question de compétence n'est guère de nature à répondre à l'intérêt manifesté jusqu'à présent par le peuple suisse pour le problème politique qui fait l'objet du présent message.

La majorité des électeurs accueilleraient probablement avec indifférence des projets dépourvus de propositions précises, ne leur permettant pas de prendre catégoriquement position dans le débat et leur soumettant la réglementation d'une pure question de technique législative. Mais il est facile de conjurer ce danger en donnant à l'article constitutionnel à adopter assez de relief pour que le corps électoral se rende immédiatement
compte quelle sera l'orientation générale de la réforme que nécessite la solution de la question des étrangers, et en indiquant, comme nous le ferons, les grandes lignes des modifications législatives à

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adopter. Nous exposerons donc clairement et franchement quel est le but à poursuivre, par quels moyens il faut le réaliser, et de quelle manière seront réglementées les diverses conséquences financières et politiques qu'entraînera cette réalisation. La loi rédigée après approbation de ses principespar le corps électoral ne sera guère exposée à un échec référendaire; que si l'on objectait que l'adoption d'un texte constitutionnel détaillé éviterait d'exposer le projet aux risques d'une votation constitutionnelle d'abord, et peut-être d'un referendum ensuite, ou peut répondre que cette procédure nécessiterait néanmoins l'élaboration ultérieure d'une loi spéciale, afin de résoudre des questions de détail et d'apporter à ,la loi actuelle les modifications dont elle a un urgent besoin; dans les deux alternatives, le peuple pourra donc avoir à se prononcer pao- deux fois.

VI.

L'incorporation des étrangers établis en Suisse (jus soli).

L'introduction de l'incorporation jure soli dans notre économie législative doit être la mesure capitale de notre politique d'assimilation des étrangers; c'est elle qui sortira les effets les plus efficaces pour combattre les dangers de l'immigration, car elle doit absorber automatiquement la population allogène la plus stable, celle qui est issue d'immigrés établis chez nous depuis très longtemps et ayant fait souche sur notre sol.

Nous croyons devoir répéter que l'incorporation des natifs n'est pas une naturalisation, mais un mode d'acquisition originaire de la nationalité, analogue à la transmission de l'indigénat par filiation (jus sanguinis). L'origine étrangère que l'enfant possède par filiation doit rester ignorée, et dès son premier jour il doit être considéré comme Suisse, ce qui est de nature à activer singulièrement l'assimilation, laquelle recevra son couronnement à l'âge de majorité par la participation à notre vie politique et par la prestation du servies militaire.

Le système du jus sanguinis d'après lequel l'individu est rattaché, par les liens du sang, au pays auquel ressortit son père, est de tradition en Suisse; on le considère fréquemment comme le seul qui soit compatible avec les exigences éthiques que comporte l'appartenance à un Etat. Ce système présente

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le grand avantage de fortifier l'unité de la famille en attribuant à tous ses membres une seule et même nationalité; il évite de la morceler en fractions relevant de plusieurs pays, ainsi que de soumettre ses divers membres à des législations différentes.

Mais le jus sanguinis prête à de très sérieuses critiques, tar il permet à des immigrés de transmettre à l'infini à leurs descendants la qualité d'étranger et facilite la constitution, au coeur même du pays, de ces colonies d'allogènes dont la Suisse présente un exemple; il contribue aussi à multiplier les sans-patrie, car un grand nombre de ces immigrés renoncent à leur droit de cité ou le perdent par un séjour de quelques (années hors de leur pays d'origine, et, comme la nationalité, le heimatlosat se transmet à l'infini de père en fils.

Il est donc absolument logique et conforme à la nature des choses de restreindre l'application du jus sanguinis pour assurer l'assimilation des étrangers, et ce but peut être atteint par l'incorporation jure soli; la nationalité est alors complètement indépendante des liens du sang et est déterminée par le fait de la naissance sur un territoire déterminé.

Il est notoire en effet qu'une famille immigrée ne peut pas résister indéfiniment à l'ambiance du pays où elle vit; qu'elle en prenne conscience ou non, elle en subira l'influence moral« et même physiologique, et un moment viendra, inéluctable, où les immigrés auront subi une évolution complète, où ils n'auront plus que vague souvenance de leur Etat d'origine et où ils se sentiront .attachés par des liens moraux et matériels très forts à leur pays d'adoption. Le jus sanguinis ne reposera plus alors que sur une fiction et le jus soli pourra très légitimement lui être substitué. Le moment à partir duquel cette substitution peut avoir lieu sans inconvénient dépend de facteurs très divers : tout d'abord de la faculté d'assimilation du peuple qui ia accueilli les immigrés, ensuite de sa puissance politique (une grande puissance pourra agir plus énergiquement qu'un petit pays), do la proportion numérique des étrangers par rapport à la population totale (là où les colonies sont peu nombreuses, on peut intégralement appliquer le jus soli, car les personnes de souche étrangère seront noyées dans la population de souche nationale), de la proximité enfin du pays
d'origine des immigrés, car dans les pays d'outre-mer ceux-ci ont perdu tout contact avec la mère-patrie, ce qui n'est pas le cas en Europe, surtout en Suisse. Chaque Etat peut ainsi donner, selon

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ses intérêts politiques, une efficacité plus ou moins énergique à l'incorporation jure soli.

Ce système a été consacré de longue date par de nom"breuses lois en Europe et en Amérique. C'est l'arme politique par excellence des Etats à forte immigration qui redoutent la prédominance numérique des allogènes sur les régnicoles.

C'est surtout dans les Etats de l'Amérique centrale et méridionale qu'on le rencontre sous sa forme la plus absolue; en Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Guatemala, Haïti, Panama, Paraguay, Pérou, St-Domingue, Uruguay et Venezuela tout natif est irrévocablement ressortissant du pays de sa naissance et la détermination de la nationalité par filiation ne joue plus qu'un rôle très effacé.

En Europe et dans qixelques Etats américains, on a eu recours à des mesures moins énergiques et on a combiné l'attribution de la nationalité par naissance sur le sol d'un Etat avec un droit d'option qui peut être exercé de deux manières : Ou bien le natif n'est pas, dès sa naissance, national du pays où il est né, mais peut opter, généralement à sa majorité, en faveur de la nationalité du pays où il a vu le jour, en sorte que, s'il n'opte pas, il reste définitivement étranger jure sanguinis; le jus soli est suspensivement conditionné par l'option. Ou bien le natif est dès sa naissance national du pays où il est né, mais peut répudier cet indigénat, le plus souvent à sa majorité, et opter en faveur de la patrie de son auteur, en sorte que s'il n'opte pas, il reste définitivement un national jure soli; le ju$ soli est alors résolutoirement conditionné par l'option. Sept Etats se sont ralliés au premier système; ce sont le Costa-Rica, l'Espagne, la Grèce, le Nicaragua, la Perse et la Turquie. Sept Etats également s'en tiennent au second; ce sont la Belgique, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le Honduras, le Mexique, le Portugal, le San Salvador. Enfin, six Etats ont adopté un système mixte et font prévaloir, selon les cas, le système du jus soli absolu, du jus soli avec option suspensive ou du jus soli avec option résolutoire; ce sont la Bulgarie, le Danemark, la France, l'Italie, le Luxembourg, la Suède; dans quatre de ces derniers Etats (Bulgarie, Danemark, France, Suède), le natif de la seconde génération qui est né sur le ierritoire de l'Etat d'un père qui y est lui-même né, n'a plus aucun droit d'option et devient irrévocablement ressortissant du pays de sa naissance.

Le grand avantage de l'incorporation jure soli pour toute

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politique d'assimilation des étrangers, c'est d'atteindre les enfants des immigrés; plus malléables que leurs auteurs, ils pourront facilement être gagnés d'une manière définitive à notre patrie, pour peu .que nous les choisissions bien. Les principales propositions qui ont été faites à ce sujet dans le monde politique et scientifique suisse présentent toutes ceci de commun de ne pas s'inspirer des exemples des Etats de l'Amérique du Sud qui ont admis une incorporation jure soli absolue. Il ne saurait en effet être question en Suisse d'admettre ce système sans le conditionner par des exigences qui doivent, dans la mesure du possible, exclure' ce que ce mode d'acquisition de notre indigénat pourrait avoir de hasardeux. La naissance en Suisse ne suffira donc jamais, à elle seule, pour être attributive de notre nationalité; il faudra qu'elle soit accompagnée de certaines conditions concernant le domicile des parents du natif, leur naissance en Suisse, l'origine suisse de la mère, etc.

Ces propositions s'inspirent des deux conceptions suivantes : les unes ne recommandent l'incorporation jure soli que d'un cercle retreint de personnes, et refusent à ces incorporés le droit d'option; les autres au contraire ne craignent pas de préconiser une large application du jus soli, car elles ne l'admettent qu'avec un correctif, le droit d'option.

Dans les conclusions, déjà reproduites, de sa pétition du 17 décembre 1912, la Commission des IX recommande d'exclure complètement le droit d'option ; elle prévoit que l'enfant légitime, né en Suisse, d'un étranger établi en Suisse, acquiert le droit de cité de la commune d'établissement de son père : a. si un de ses parents est né en Suisse; b. si la mère est d'origine suisse; c. si l'établissement des deux parents a duré depuis dix; ans sans interruption lors de la naissance de l'enfant.

Le département politique fédéral avait adopté cette solution dans ses propositions de 1914 au Conseil fédéral.

Dans son rapport au Conseil fédéral, du 23 octobre 1900, le département fédéral de justice et police préconisait au contraire de réserver un droit d'option à certains étrangers incorporés jure soli en Suisse. Les incorporés devaient comprendre :

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a. les enfants nés eu Suisse de parents étrangers, pourvu que le père y soit lié lui-même et y soit domicilié a« moment de la naissance de l'enfant; b. les enfants nés en Suisse de parents étrangers y domiciliés depuis dis ans sans interruption au moment de la naissance de l'enfant.

Les natifs de la première génération devaient avoir le droit d'opter en faveur du pays d'origine pendant leur vingtet-unième année, à condition d'établir que leur patrie les considérait toujours comme ses ressortissants; ceux de la seconde génération devaient être définitivement Suisses.

Nous ne pouvons nous rallier entièrement à ces propositions. On ne saurait en effet méconnaître que, depuis la guerre, l'accueil réservé par le peuple aux mesures destinées à assurer l'assimilation des étrangers est plus réservé qu'auparavant. Il faut donc procéder avec une prudence extrême et limiter les cas où le principe du jus soli peut être appliqué. Avant la guerre, il y avait un courant d'idées très favorable à l'incorporation des étrangers nés en Suisse; il n'en est phis tout à fait de même 'aujourd'hui pour les enfants nés en Suisse de parents qui y sont domiciliés sans y avoir été élevés eux-mêmes; ces enfants, passeront par nos écoles le plus souvent et subiront par conséquent d'une manière incontestable l'influence de nos moeurs et de nos idées; mais cela ne suffit pas encore pour permettre de présumer leur complète assimilation; elle se réalisera souvent, ce n'est pas niable; mais cette influence du milieu suisse pourna fréquemment être neutralisée par l'influence du milieu familial où des traditions de fidélité à la patrie absente ipourront être pieusement cultivées, ainsi que c'est d'ailleurs le cas pour la plupart des familles suisses à l'étranger; remarquons aussi que le simple domicile des parents en Suisse n'est pas toujours suffisant pour justifier l'application du jus soli à leurs enfants nés en Suisse, car fréquemment toute la famille, après un très long séjour dans notre pays, repart pour l'étranger sans avoir pris un contact intime avec notre peuple; enfin l'application du jus soli conditionné par un long domicile des parents, présente l'inconvcnient de rompre à l'extrême l'unité de nationalité de la famille; si nous exigeons par exemple un domicile en Suisse de dix années consécutives de la part des parents, tous les enfants nés en Suisse avant l'expiration de ce délai de dix ans seront étrangers, ceux nés en Suisse postérieurement à l'expi-

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ration de ce stage seront Suisses et, en cas d'émigration ultérieure de la famille, une troisième catégorie d'enfants, ceux nés hors de Suisse, resteraient derechef étrangers. De semblables résultats ne sont guère à encourager, et, comme l'application du jus soli constituera en Suisse une innovation considérable eu égard aux traditions juridiques de notre peuple, il faut reconnaître qu'il serait opportun d'en restreindre l'application à ceux des natifs dits de la seconde génération, pourvu que leurs parents soient établis à demeure en Suisse, c'est-à-dire : a. à ceux nés de parents qui ont eux-mêmes vu le jour en Suisse, et b. à ceux issus d'une mère d'origine suisse.

Il est en effet patent que ces deux catégories de personnes ayant vu le jour sur notre territoire sont tout à fait qualifiées pour être investies dès leur naissance de notre indigénat. Le plus souvent leurs grands-parents auront déjà habité la Suisse ou auront déjà été investis de notre nationalité; leur père ou leur mère aura déjà avant eux subi l'influence de nos écoles et vécu dans la plupart des cas toute une vie parmi nous; il n'y a pas à craindre dans ces cas que l'influence de la famille vienne paralyser la lente infiltration d'idées et ·de sentiments suisses qui s'opérera en eux par l'éducation scolaire et la fréquentation de milieux suisses.

Nous ne pensons pas qu'il faille limiter l'incorporation .jure soli aux natifs de la deuxième génération dont le père a lui-même vu le jour sur sol suisse; il nous semble aussi ·équitable de tenir compte de la naissance de la mère sur notre territoire, en sorte qu'il suffira que l'un ou l'autre des deux auteurs de l'enfant soit né en Suisse pour que l'incorporation jure soli soit applicable. Il est certain que nous attribuerions un peu plus d'effet que ce n'est le oas en France, par exemple, à ce mode d'acquisition de l'indigénat : dans ce pays, seul l'enfant qui naît en France d'un père qui y a lui-même vu le jour est irrévocablement Français; si c'est la mère seule qui est aussi née en France, le natif peut répudier l'indigénat français entre 21 et 22 ans. Mais il faut remarquer que si le système d'incorporation que nous proposons est un peu plus énergique que celui en vigueur chez nos voisins de l'ouest lorsque un des parents du natif est né en 'Suisse, il l'est beaucoup moins lorsque ni l'un ni l'autre d<; ces parents n'a vu le jour sur notre sol; en France, dans des 'Cas de ce genre, le natif petit opter pour l'indigénat français;

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'Chez nous, il restera étranger à moins que sa mère ne soit Suissesse d'origine. Apprécié dans son ensemble, le système que nous recommandons institue donc une application moins rigoureuse du jus soli que ce n'est le cas en droit français.

Nous ne pourrions, d'autre part, prévoir l'incorporation jure soli lorsque l'enfant est issu d'une mère Suissesse avant son mariage, que pour autant qu'il s'agirait d'une femme d'origine suisse, qui possédait elle-même notre indigénat par naissance, et non pas d'une femme d'origine étrangère, devenue notre compatriote par un premier mariage avec un Suisse et qui aurait convolé plus tard avec un étranger domicilié sur notre sol; en effet, celle-ci sera loin d'avoir-des sentiments patriotiques suisses aussi accentués qu'une Suissesse d'origine; si son premier mariage avec un Suisse n'a été que de ·courte durée, l'influence de ce 'dernier aura été à peu près nulle; bref, nous n'avons pas alors cette condition, à laquelle il faut subordonner toute notre, politique d'assimilation, d'une influence familiale venant fortifier celle de l'école et non pas la combattre.

Nous vous proposons donc d'introduire dans l'article constitutionnel à adopter le principe de l'incorporation jure soli; il constituera la mesure cardinale de la réforme à réaliser par une loi ultérieure. Le législateur devra dans l'exécution de cette réforme s'inspirer des exemples d'incorporation mentionnés dans l'article constitutionnel dont est question ; il pourra donc prévoir l'incorporation jure soli des deux catégories de personnes sus-désignées qui présentent toutes les garanties d'une complète et rapide assimilation. Si, par la suite, les mesures prises se révélaient insuffisantes pour lutter contre l'augmentation persistante de la population étrangère, une extension du jus soli serait tou.lours possible. Le projet d'article constitutionnel que nous vous soumettons en réserve expressément le droit au législateur fédéral.

Nous voudrions cependant encore ajouter un complément ù ces propositions fondamentales afin d'éviter que notre législation ne soit tournée par un simple accouchement à l'étranger, ce qui pourrait facilement être le cas dans nos cantons frontières. Il faut éviter que les femmes dont les enfants doivent être Suisses jure soli puissent les soustraire ù notre indigénat en ayant
leurs couches à Loerrach, Jestetten, Constance, Bregenz, Còme, Domo d'Ossola, St-Julien ou Annemasse. Dans ce but, on peut s'inspirer de l'article 3 de la loi italienne sur la nationalité du 13 juin 1912 qui prévoit encore la collation de l'indigénat italien aux étrangers

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nés à l'étranger de parents domiciliés dans le royaume depuis au moins dix ans au moment de leur naissance. Lors donc que les parents sont établis en Suisse d'une manière indiscutable, mais que la naissance de l'enfant aura lieu hors de Suisse, il faudra'tout simplement ignorer le transfert de la mère à l'étranger et assimiler la naissance à l'étranger à celle qui a lieu sur notre sol. Telle est la raison pour laquelle, dans le texte de l'article constitutionnel que nous, vous soumettons, nous conditionnons l'application du jus noli par le domicile effectif des parents en Suisse et non pas.

par la naissance même sur notre territoire. Dans l'immense majorité des cas, cette naissance aura lieu en Suisse, mais la rédaction que nous vous proposons permettra d'éviter que l'attribution de notre nationalité ne soit éludée par l'acquisition d'un simple billet de chemin de fer.

Passons maintenant à l'examen de la question de savoir s'il faut, sous une forme quelconque, réserver un droit d'option aux personnes devant bénéficier de l'incorporation jure noli en Suisse. Cette institution juridique présente inévitablement l'inconvénient d'augmenter le nombre des personnes investies de deux nationalités. Les incorporés conserveront en effet, à côté de notre droit de cité, la nationalité de leurs parents, laquelle leur sera transmise par filiation; le droit d'option permet d'éviter non pas tous, mais un grand nombre de ces cas de double indigénat, et cela sans risque do heimatlosat, car l'exercice de cette faculté devrait être subordonnée à la persistance de l'indigénat d'origine; il sauvegarde aussi la liberté de l'individu et permettrait aux personnes qui ressentiraient malgré tout de fortes sympathies pour l'Etat auquel ressortit leur père de se refuser à être investies de la nationalité suisse.

Nous vous recommandons néanmoins de ne pas réserver le droit d'option et, si nous le faisons, ce n'est pas que nous méconnaissions les quelques avantages qu'il présente, ni que nous l'écartions à la légère; mais, après un examen approfondi, les inconvénients qui lui sont inhérents nous ont paru absolument déterminants.

Nous proférons en effet procéder à une application très .modérée dta jus soli afin d'incorporer des personnes de' souche étrangère qui ont en fait la qualité de Suisses,.

plutôt que d'en incorporer
une plus grande quantité qui ne l'auraient pas; que si on se décidait, par la suite, à étendre encore l'incorporation à d'autres catégories de natifs, on pourra discutei- sur l'opportunité du droit d'option:;

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mais dès l'instant où on la limiterait aux deux seules catégories que nous avons indiquées, l'option ne se justifie plus; psychologiquement, en effet, ces natifs sont de véritables enfants du pays, et leur donner le droit d'option, ce serait leur fournir l'occasion de soupeser en quelque sorte leurs deux nationalités et de se déterminer peut-être dans leur choix par des mobiles qui ne s'inspireraient pas du patriotisme le.

plus élevé; au lieu d'orienter toutes leurs pensées, toutes leurs actions vers la vie suisse, nous les rejetterions nous-mêmes dans une indécision qui pourrait être fatale à notre politique d'assimilation. Nous fournirions du même coup aux colonies étrangères la possibilité d'exercer une forte pression morale sur l'incorporé afin de l'amener à opter pour sa patrie d'origine.

Au point de vue numérique, les mesures que nous envisageons suffiront pour absorber plus de la moitié des étrangers nés en Suisse et pour réduire considérablement l'accroissement moyen des étrangers par année qui est, au total, de 16.859 tant par naissance que par im'migration. Ainsi que cela ressort du tableau statistique suivant, elles nous vaudraient chaque année au moins 6300 nouveaux citoyens de plus.

Etrangers nés en Suisse dont

:

Année

père et mère nés en Suisse

père seul né en Suisse

mère stnle née en Suisse

Total

1901

885 884 876 911 921 988 1.028 1.067 1.043 1.063 966

278 277 275 284 289 307 321 333 326

4.651 4.643 4.601 4.782 4.839 5.160 5.398 5.601 5.479 5.581 5.074

G.342

1902

1903 1904 , 1905 !

1906 1907 1908 ] 1909 1910 Moyenne i

1

O Of) OOû

302 1

Cette moyenne est probablement un peu trop faible, car elle ne comprend pas les enfants nés en Suisse de mères Suissesses d'origine, mais nées à l'étranger. Le chiffre exact des enfants d'étranger domiciliés en Suisse et dont la mère

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est Suissesse de naissance ne peut en effet pas être fourni,, car, lors du recensement fédéral de 1910, le pays d'origine des femmes mariées n'a pas été demandé; celles-ci durent indiquer seulement l'indigénat acquis par leur mariage. Cependant presque toutes ces anciennes Suissesses sont comprises parmi les mères d'enfants étrangers qui sont ellesmêmes nées en Suisse, en sorte que la statistique que nous, vous soumettons correspond, pour l'essentiel, iaux conséquences numériques que produira l'incorporation jure soli en Suisse.

Celle-ci ne sortira cependant que graduellement ses effets et ne modifiera guère au début la situation actuelle; ou peut accentuer son efficacité en donnant pour cinq tannées, effet rétroactif à la loi qui l'introduira. Il en résultera, d'après les tableaux suisses de survie, que 26.815 enfants de souche étrangère seraient ainsi incorporés en une seule fois en Suisse.

Comme ce n'est qu'au bout d'une génération que l'incorporation jure soli produira des résultats numériques satisfaisants, nous pensons qu'il est opportun de procéder à cette incorporation rétroactive, afin de diminuer immédiatement l'importance des colonies étrangères. En France, le législateur n'avait pas expressément tranché la question de la rétroactivité de la loi du 29 juin 1889 instituant le jiis soli; mais la jurisprudence a donné rétroaction à cette loi et l'a appliquée à tous les. individus nés en France qui n'avaient pas encore révolu leur 22e année au moment de sa promulgation. Nouspensons donc qu'on peut sans appréhension donner à la loi une rétroactivité de cinq années. Cela entraînera l'incorporation de près de 27.000 natifs pour lesquels la Confédération, ainsi que nous aurons encore à l'exposer, devra verser un dédommagement aux cantons ou communes pour couvrir leurs risques d'assistance.

Néanmois, pour les individus ainsi atteints par les dispositions transitoires de la nouvelle loi, la répudiation denôtre indigénat devra être réservée, car il s'agira d'une acquisition en masse de notre nationalité par des personnes qui n'en auront pas été investies dès leur naissance. Les modalités de ce droit de répudiation seront insérées dans la loi à élaborer.

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VII.

Le droit à la naturalisation.

La naturalisation ordinaire subsistera comine par le passé; elle sera toujours réglementée par les lois cantonales et les ordonnances communales, la Confédération se bornant à exercer son droit de contrôle préalable sur les candidats..

Rappelons que, dans les Années qui ont .précédé la guerre,, la moyenne annuelle des personnes naturalisées en Suisse s'est élevée à 4093 pour la période de 1904 à 1913 et à 4804 pour la période de 1911 à 1913. Depuis la guerre, cette moyenne est passée à 9897; c'est là un maximum. L'incorporation jure soli aura pour effet de faire baisser les naturalisations. En moyenne, plus du tiers des demandes de naturalisations émanent de personnes nées en Suisse et qui y ont vécu pendant plus de dix ans (34 % en 1917) ; celles.-«!

ne sont pas toutes issues de Suissesses d'origine ou de parents étrangers dont l'un au moins a vu lui-même le jour en Suisse; mais en tenant compte des effets rétroactifs quenous nous proposons d'attribuer à la loi introduisant l'incorporation des natifs, on peut évaluer approximativement à 30 % la diminution du nombre des demandes denaturalisations qui se produira à l'avenir. En tablant sur les statistiques les plus élevées d'avant la guerre, nous pourrions compter sur environ 3500 naturalisations par année;, en tablant sur celles dressées pendant la guerre, sur 6000 a 6500. Les étrangers augmentent en Suisse de 16.859 personnespar année alors que cet accroissement ne devrait pas dépasser 3521 pour que la proportion actuelle de 14,7 % entre les populations suisse et immigrée ne continue pas à se déplacer au détriment de la première; chaque année nous devrions donc, pour obtenir ce résultat, absorber au moins 13.338 étrangers (16.859--3521) ; il pourrait être considéré comme atteint par les seuls effets de l'incorporation jure soli combinés avec ceux des naturalisations ordinaires, si 1« chiffre de ces dernières pendant la guerre se maintenait; la question des étrangers serait alors résolue; mai» on n'y peut giière compter et nous croyons plus exact, en dressant le bilan de notre politique d'absorption des étrangers, de prévoir qu'elle bouclera, même avec les nouvelles mesures que nous préconisons, par un déficit de 3500 personnes environ; nous pourrons approximativement compter par année sur 6300 incorporés jure soli et 3500 naturalisés, soit au total

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:3ur 9800 nouveaux citoyens contre 13.338 à absorber pour que la proportion actuelle ne s'aggrave pas, et 16.859 pour que la population étrangère n'augmente plus.

D'autres mesures paraissent encore s'imposer. Dans son rapport de 1914, le département politique fédéral avait fait siennes les propositions de la Commission des IX et recommandé d'accorder un véritable droit à la naturalisation par achat : * 1° aux étrangers nés en Suisse et qui sont établis depuis cinq ans dans la même commune suisse; 2o aux étrangers nés à l'étranger et qui sont établis en Suisse depuis quinze ans, dont cinq dans la commune où ils veulent se faire recevoir.

Ce droit à la naturalisation ne devait être accordé qu'à îles étrangers remplissant de sévères conditions de moralité, réserve nécessaire si l'on considère que la proportion des étrangers condamnés de 1909 à 1911 est de 22,3 °/oo, contre 9,3 "Ino pour les Suisses, et 11,2 °/oo pour la population totale; enfin, pour éviter que les communes ne découragent ces candidats ·en leur demandant des taxes d'agrégation exorbitantes, celles-ci ne devaient pas pouvoir dépasser le maximum de 300 francs.

Nous estimons toutefois que donner à un étranger, même, «é en Suisse ou y établi depuis nombre d'années, le droit d'être naturalisé sans examen, c'est aller trop loin et priver les cantons d'un précieux droit de contrôle. L'introduire dans .la future législation, ce serait susciter une grande opposition dans la majorité de notre peuple; celui-ci consentira bien à concéder le droit de cité à des candidats qui le sollicitent lorsqu'ils lui eu paraîtront dignes, mais il se refusera dans sa majorité à être obligé de l'accorder à des étrangers qui le réclament. Nous sommes donc d'avis qu'il convient d'abandonner cette question aux cantons qui la résoudront au mieux de leurs intérêts et qui pourront introduire le droit à la naturalisation dans leurs lois s'ils le jugent à propos. La loi fédérale ne devra contenir, aucune disposition à ce sujet, ni pour interdire, ni pour imposer ce droit à la naturalisation.

Jusqu'à présent, en raison du montant élevé des taxes cantonales et communales d'agrégation, ce sont surtout les personnes vivant dans l'aisance qui ont recouru ù la naturalisation; or, c'est en grande partie dans la classe

49 ouvrière que se recrutent les éléments étrangers; il faut donc élargir notre système de naturalisation pour qu'il soit rendu accessible aux personnes à revenus modestes et, dans ce but, encourager l'agrégation gratuite d'étrangers manifestement assimilés; nous nous proposons donc de mettre, dans la loi future, à la charge de la Confédération une partie des dépenses d'assistance des naturalisés si les cantons et communes se résolvent à concéder gratuitement leur droit de cité à certaines catégories d'immigrés spécialement qualifiés pour devenir de bons citoyens.

De même, il est peu équitable de refuser, pour des motifs d'assistance publique, la réintégration des femmes d'origine suisse dans le droit de cité qu'elles ont perdu par mariage ou par renonciation de leur époux à la nationalité suisse; pour faciliter ces réintégrations, la Confédération devra assumer une partie des charges d'assistance qui pourront «n résulter pour les cantons ou communes.

Sans avoir recours au droit à la naturalisation, on peut espérer voir se rétablir, grâce à ces mesures, une proportion plus normale entre les populations aborigène et étrangère.

VIII.

Situation des incorporés en droit public interne.

Le succès des mesures à prendre pour résoudre la question des étrangers dépendra
Trois solutions doivent être envisagées : 1° M. Speiser, ancien conseiller national, a proposé- de créer un indigénat fédéral, indépendant, tant dans sa genèse que dans ses effets, des droits de cité cantonaux et communaux; l'étranger investi de notre indigénat en vertu du droit fédéral serait uniquement ressortissant suisse; il ne serait ni citoyen cantonal, ni citoyen communal.

Feuille federalo. 72e armée. Vol. V.

4

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2° On pourrait aussi créer une catégorie de citoyens dépourvus du droit de «Hé communal, mais investi d'un indigénat fédéral et d'un indigénat cantonal.

3<> Enfin on pourrait attribuer aux incorporés jure soli* comme aux Suisses, un indigénat à la fois fédéral, cantoaal; ßt communal.

Ad 1. La création d'un indigéuat uniquement fédéral nécessiterait une révision de l'article 43, al. 1er, de la constitution fédérale ; en prévoyant que tout citoyend'un canton est citoyen suisse, cet article ne prescrit pas que le droit de cité cantonal doit précéder l'indigénat fédéral et ,que celui-ci n'est que la conséquence de celui-là; mais il résulte certainement des articles 43, 44 et 68 const. féd.

qu'un indigénat fédéral sans indigénat cantonal n'est pas possible en droit suisse, ce qui est d'ailleurs conforme à la nature federative de l'Etat.

Les personnes à indigénat fédéral jouiraient juridiquement dans nos cantons de la 'situation des citoyens établis ou en séjour, à deux exceptions près concernant l'établissement et l'assistance.

En matière d'établissement, les citoyens fédéraux seraient privilégiés; ils ne pourraient que jouir d'une absolue liberté de s'établir sur tout le territoire de la Confédération, dans toutes les communes de nos cantons, sans que ce droit d'établissement puisse être limité par l'article 45 de la constitution fédérale; leur expulsion de la commune où ils seraient établis serait impossible.

La réglementation de l'assistance de ces ressortissants fédéraux serait aussi fort compliquée. L'incligénat fédéral présupposerait ou bien l'introduction de l'assistance par la commune du domicile, ou bien l'obligation pour les communes de concéder leur droit de cité aux ressortissants fédéraux afin de les rattacher à une corporation publique ayant l'obligation de les assister en cas de besoin,.

ou bien enfin l'organisation d'une assistance publique en leur faveur par la Confédération elle-même.

On ne saurait songer à adopter la première de ces solutions, car si la substitution de l'assistance par la commune d'origine à l'assistance par la commune du domicile est actuellement à l'étude, elle est loin d'être réalisée et la ratification de cette réforme par le peuple reste problématique«.

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La deuxième solution consistant à donner aux personnes s'ayant que l'indigénat fédéral le droit d'exiger leur agrégation dans une commune suisse enlèverait à la proposition Speiser son principal avantage, puisqu'elle susciterait à nouveau l'opposition des communes; elle serait compliquée et laisserait subsister une catégorie de citoyens fédéraux sans assistance lorsqu'il ne serait pas fait usage de ce droit à la naturalisation communale; mieux vaudrait alors attribuer aux intéressés un indigénat communal.

Keste la troisième hypothèse, celle de l'acceptation par la Confédération des charges d'assistance de cette catégorie de citoyens. Pour remplir ses obligations à cet égard, on ne «aurait demander à la Confédération de créer des organes spéciaux d'assistance, car cela nécessiterait un appareil administratif extrêmement compliqué. L'Etat fédéral ne pourrait donc que se servir des organes et des institutions d'assistance qui existent déjà. L'assistance des citoyens fédéraux se ferait par l'intermédiaire des autorités cantonales et communales du canton du domicile, mais aux frais de la Confédération. Celle-ci se bornerait donc à payer l'assistance fournie par des organes qui ne seraient pas intéressés à ménager ses deniers; l'opération ne pourrait être que fort onéreuse pour elle. Tout, dans la réglementation de ce droit d'assistance, serait lourd, coûteux, difficilement réalisable.

Si l'on ajoute que la création d'un indigénat fédéral est contraire aux bases historiques de notre droit de cité» qu'elle est incompatible avec notre Etat fédératif en ce qu'elle comporterait une catégorie de citoyens qui, sans lien avec nos cantons, ne tarderaient pas, à mesure que leur nombre augmenterait, de réclamer la transformation de la Suisse en Etat unitaire, si l'on Fe rend compte enfin que l'assimilation des immigrés ne pourrait être qu'entravée par une mesure qui créerait deux classes de ressortissants suirses, force est bien de constater que la création d'un indigénat uniquement fédéral se heurterait à d'insurmontables obstacles.

Ad 2. Les enfants de souche étrangère incorpores jure soli pourraient aussi être investis de l'indigénat cantonal sans droit de cité communal. Le rôle des cantons consisterait alors à éviter la répercussion sur les communes des mesures prises par la Confédération pour résoudre la question des étrangers. Cette proposition comme la precèdente ne serait pas conforme aux bases historiques de notre in-

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digémat. Elle comporterait une rupture avec nos traditions juridiques. Mais elle présenterait le grand avantage sur l'indigénat du système Speiser, de n'être contraire ni à la constitution, ni aux principes du fédéralisme.

La constitution fédérale en effet ignore l'indigénat communal; elle ne lie la nationalité suisse qu'à l'appartenance à un canton; la concession du droit de cite communal pourrait donc être refusée sans revision de la constitution. La question de savoir s'il est indispensable d'être ressortissant communal pour être citoyen cantonal est une question de droit public interne cantonal; la Confédération l'abandonnerait aux cantons qui auraient alors à décider s'il y aurait lieu d'attribuer l'indigénat communal à ces ressortissants cantonaux et fédéraux; chaque canton pourrait alors adapter très exactement le statut juridique de nos futurs compatriotes à sa réglementation de la participation ia
Les citoyens cantonaux pourraient avoir un droit d'établissement absolu dans toutes les communes de leur canton d'origine, mais non pas sur tout le territoire de la Suisse, comme ce serait le cas pour les ressortissants uniquement fédéraux; dans leur propre canton d'origine, leur situation serait analogue à celle des citoyens établis et en séjour; eu cas d'expulsion d'un canton, celui de leur origine aurait l'obligation de les recevoir et devrait astreindre une de ses ·communes à tolérer la présence de l'intéressé.

Mais on ne peut pas méconnaître que la plupart des inconvénients signalés à propos de l'iadigémat uniquement fédéral réapparaîtraient si on admettait des citoyens
à la fois fédéraux et cantonaux, sans appartenance à une commune; ils seraient atténués il est vrai, puisqu'ils ne se produiraient qu'à l'intérieur de certains cantons et non pas sur

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tout le territoire de la Confédération; ce néanmoins,^ cette solution doit être rejetée, car elle présente un inconvénient d'ordre psychologique certain : elle entraverait l'assimilation complète des incorporés, car elle créerait différentes castes de citoyens.

Ad 3. La solution que nous vous recommandons et qui reste dans la ligne de l'évolution historique de notre droit d-9 cité, c'est celle qui consiste à attribuer aux incorporés un indigénat à la fois fédéral, cantonal et communal. Ils devront être mis au bénéfice du droit de cité de la commune où, au moment de leur naissance, sont établis leurs parents sur la base d'une autorisation officielle; ce n'est donc pas le domicile des articles 23 et suiv. CCS, mais l'établissement OH le séjotir de droit public qui sera déterminant.

Convient-il de faire à ces nouveaux concitoyens une situation en tous points semblables à celle des autres Suisses, ou faut-il leur enlever le droit de participation aux biens bourgeoisiaux ou corporatif s ? Cette réserve semble nécessaire si l'on ne veut pas susciter l'opposition de tous les bénéficiaires actuels de ces biens et compromettre la réforme, .dans le but d'assurer aux incorporés des avantages que leur généralisation même ne pourrait rendre que minimes.

Cette restriction au statut juridique de nos futurs concitoyens n'est pas contraire au principe 'de l'égalité devant la loi garanti par l'article 4 de la constitution fédérale; il est de doctrine et de jurisprudence 'que ce principe n'a rien d'absolu; le législateur peut régler différemment des situations différentes, et tout le problème juridique résultant de ce principe constitutionnel consiste précisément à savoir quand la différence est suffisante dans les faits pour justifier une différence dans le droit; l'égalité devant la loi ne sera certainement pas violée si la différenciation dans le traitement juridique est déterminée par des considérations objectives, et si certains privilèges sont accordés non pas à des personnes individuellement déterminées pour ne disparaître qu'avec elles, mais à, certaines situations sociales, de telle manière que chaque citoyen puisse en bénéficier qui se trouve dans la situation prévue par la loi. Les qualités différentes de Suisses d'origine et de Suisses incorporés de par le droit fédéral légitiment le refus d'admettre ces derniers à la participation aux biens bourgeoisiaux ou corporatifs, et cela d'autant plus que «e droit est déjà dénié par la constitution

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(art. 43, al. 4) aux Suisses résidant hors de leur commune d'origine, c'est-à-dire à une immense catégorie de citoyens.

La situation des nouveaux bourgeois serait presque égale à celle des anciens bourgeois puisqu'ils auraient un droit d'établissement absolu dans la commune où ils seraient incorporés, ainsi qu'un droit à l'assistance par cette commua» en cas de besoin, et puisque leur droit de vote en matière communale n'y serait pas subordonné à l'établissement de trois mois prévu par l'article 43, al. 5, const. féd.

Le droit d'assistance communale reconnu aux incorporés doit conduire à leur reconnaître également le droit de participer à l'administration des affaires bourgeoisiales, notamment à leur conférer dans une certaine mesure le droit de vote, le droit de surveiller l'emploi des fonds bourgeoisiam: et celui de voter sur les agrégations au droit de bourgeoisie tous ces actes peuvent avoir une répercussion directe ou indirecte sur les fonds bourgeoisiaux et par conséquent sur le droit à l'assistance que les incorporés ont intérêt à sauvegarder. Ce sera à chaque législateur cantonal qu'il incombera de trouver la solution au problème du droit de vote en matière bourgeoisiale des incorporés jure soli. Le législateur fédéral ne saurait en effet s'occuper de toutes les particularités que présente, dans nos cantons, l'organisation communale; il lui suffira d'acquérir la certitude qu'en adoptant 1» décision d'exclure nos nouveaux compatriotes des biens bourgeoisiaux, il leur fera une situation digne de citoyens suisses et qu'il ne mettra pas les cantons en présence de difficultés insurmontables; ceci ne sera certainement pas le cas, ainsi qu'il appert de l'exposé suivant : Les incorporés pourraient avoir exactement les mômes droits communaiTx que les bourgeois actuels : a. dans les cantons où il n'y a pas de biens bourgeoisiaux et où l'assistance publique incombe 'au canton ou à la commune politique (Genève, Neuchâtel, Vaud, sauf quelque» communes) ; 6. dans ceux où l'obligation d'assistance est à la charg» de la commune bourgeoise dont les biens se composent exclusivement de fonds d'assistance, les autres biens appartenant à la commune politique et donnant lieu à des droits d'usufruit en faveur de tous les habitants de la commune (Grisons); c. dans ceux où l'assistance incombe à des eommunjes

»5

"bourgeoises ne procédant, en fait ou en droit, à aucune distribution de revenus entre leurs membres (Zurich, Baie-Ville) ; d. dans ceux où il y a des biens corporatifs spéciaux qui ne so confondent pas avec les biens bourgeoisiaux ni communaux et où l'obligation d'assistance est, soit à la charge de la commune politique (Uri pour les « unausgeschiedenen Gemeinden», Schwyz, Tessin), soit à la charge de la commune bourgeoise dont la fortune se compose alors presque exclusivement de fonds d'assistance (Lucerne, Uri pour les « ausgeschiedenen Gemeinden », Obwald, Zougt, Fribourg-, Schaffhouse, Appenzell Rh.-Ext.), soit à la charge du district (Appenzell Eh.-Int.), ou enfin d'une commune spéciale (« Armengemeinde » de Nidwald).

Dans ces 17 cantons et demi-oantons, l'attribution aux incorporés jure soli d'un indigénat communal avec effets complets ne se heurterait à aucune difficulté insurmontable.

Dans les 8 autres cantons et demi-cantons de Berne (sauf 126 communes surtout dans l'Emmenthal où il n'y a plus de biens bourgeoisiaux), Glaris, Soleure, Baie-Campagne, StGalî, Argovie, Thurgovie et Valais, ainsi que dans quelques rares communes des cantons de Vaud et Obwald, et enfin ·dans le district uranais d'Urseren, la situation sera plus complexe. La commune bourgeoise y a conservé des fonctions de droit public dont le nouveau citoyen ne doit pas · être exclu, mais, d'autre part, elle procède sur une partife des revenus de ses biens à des répartitions entre ses membres dont les nouveaux ressortissants devront être privés.

Trois solutions pourraient alors être envisagées : a. Ou bien le législateur cantonal laisserait subsister ·côte à côte les deux communes politique et bourgeoise; il ·enlèverait alors aux nouveaux bourgeois incorporés jure soli le droit de voter dans toutes les affaires concernant l'administration des biens bourgeoisiaux, même lorsque ceux-ci doivent, accessoirement, servir à couvrir les frais de l'assistance publique; dans toutes les autres affaires bourgeoisiales, même dans celles exerçant indirectement une influence sur les revenus des biens bourgeoisiaux comme la concession du droit de bourgeoisie, les nouveaux bourgeois auraient le droit de voter; anciens et nouveaux bourgeois pourraient siéger ensemble, mais ces derniers s'abstiendraient simplement de voter dans les affaires
touchant directement l'administration des biens bourgeoisiaux; leur droit de vote serait un peu sacrifié, mais, au besoin on pourrait leur accorder voix consultative.

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b. Ou bien le législateur cantonal créerait une nouvellelîommune pour les anciens bourgeois, c'est-à-dire constituerait de toutes pièces des corporations spéciales de droit public, chargées d'administrer les biens bourgeoisiaux, de pro céder aux répartitions bourgeoisiales et de verser le surplus des revenus à la commune bourgeoise à laquelle incomberait l'assistance publique; on aurait alors trois collectivités, la commune politique, la commune bourgeoise, la communecorporative.

c. Ou bien enfin, le législateur cantonal pourrait modifier encore plus profondément la constitution communale, supprimer la commune bourgeoise et ne laisser subsister que deux communes, la commune politique formée de tous les habitants et une commune corporative qui n'aurait pas d'autres fonctions de droit public que la répartition des revenus de ses biens aux anciens bourgeois; elle serait alors entièrement déchargée de l'assistance, des affaires de naturalisation et de tutelle qui passeraient, ainsi que les autres attributions de droit public, à la commune politique; les incorporés jure soli seraient alors attribués à cette dernière se\ilement et ne feraient pas partie de la commune corporative.

Les problèmes eu présence desquels, la solution que nous vous proposons mettra le législateur cantonal sont certes difficiles, mais nous croyons vous avoir démontré qu'ils ne sont pas insolubles. Il en résultera le plus souvent la création de deux catégories de ressortissants communaux, les uns ayant droit aux biens bourgeoisiaux et les autres ne pouvant pas y participer. Cela pourra aussi entraver quelque peu l'assimilation ; néanmoins, l'obstacle n'aura pas une portée aussi générale que si on ne conférait que le seul indigénat cantonal aux incorporés, car il ne se présentera d'une manière inéluctable que dans les huit cantons où les biens bourgeoisiaux donnent encore lieu à des répartitions aux bourgeois. On laissera d'ailleurs au législateur cantonal le soin de décider s'il veut éviter cet inconvénient en ouvrant libéralement aux intéressés l'accès des bourgeoisies, ou tout au moins en ne faisant plus aucune différence pourla deuxième génération, c'est-à-dire pour les descendants des incorporés jure soli.

57-

IX.

Contribution de la Confédération aux Irais d'assistance.

En concédant aux incorporés Jure soli un droit de cité à la fois fédéral, cantonal et communal, on leur reconnaîtra le droit, avons-nous dit, d'être assistés en cas de besoin dans les mêmes conditions que le sont actuellement les ressortissants suisses. Il en résultera pour la plupart des communes suisses une augmentation sensible des débours d'assistances; or, elles n'ont pas de réserves financières suffisantes pour assumer seules ces nouvelles charges. La Confédération ne peut pas, purement et simplement, ordonner 'aux cantons et aux communes de se charger de ce siirplus de frais, car ils seront la conséquence directe de dispositions de droit fédéral; il est donc équitable qu'elle en assume une partie.

Il ne peut pas être question de mettre à la charge de la Confédération la totalité des frais d'assistance des incorporés jure soli, ceci pour de multiples raisons. Tout d'abord, il faut relever que presque nulle part les communes ne supportent entièrement le coût de l'assistance et que le canton leur vient en aide, soit en entretenant des établissements hospitaliers, soit en leur versant des subsides. En outre, lorsque les fonds d'assistance ne sont pas suffisants, des impôts spéciaux (Armensteuern) doivent être prélevés, en sorte que Fréquemment à l'augmentation des charges d'assistance correspondra une augmentation des personnes imposables, ensuite de l'incorporation jure soli. Des considérations de principe qui tiennent à notre Etat fédératif ne peuvent pas non plus être négligées; les cantons et communes en tant que parties de l'Etat fédératif ne peuvent pas plus se soustraire que la Confédération aux obligations nationales qui résultent de la situation politique de l'Etat tout entier; il est indéniable que la réforme serait plus facilement acceptée si la Confédération supportait toutes les charges qui en résulteront; mais c'est un précédent qu'il ne faut pas introduira que celui d'inciter la Confédération à acheter en quelquesorte le consentement des cantons en leur promettant une indemnisation complète des conséquences d'une loi nécessaire. Enfin, au point de vue économique, n'oublions pas que l'assistance des étrangers est actuellement déjà supportée on grande partie par la population suisse, cantons, communes, associations ou fondations privées, et que la plupart des frais qui résulteront de la loi future ne constitueront

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pas en réalité des charges supplémentaires. Toutes ces considérations justifient suffisamment l'idée que le coût de l'assistance des personnes! incorporées ne peut pas être supporté en entier par les finances fédérales.

La subvention à verser par la Confédération pourrait l'être de l'une ou l'autre des deux manières suivantes : ou bien la Confédération aurait l'obligation de payer à forfait pour chaque incorporé une somme fixe, de manière à couvrir eu partie le risque d'assistance; ou bien l'Etat central reinbourperait aux cantons ou communes une partie des dépenses d'assistance qu'ils ont effectivement faites, suivant les usages locaux, pendant une période à déterminer à, partir de l'incorporation.

Le système de la subvention à forfait présenterait l'avantage d'une beaucoup plus grande simplicité dans le calcul des frais d'assistance et dans la répartition des deniers fédéraux; cela permettrait d'éviter l'institution d'un contrôle administratif sur les dépenses d'assistance, puisque les subsides seraient versés en capital, une fois pour toutes pour chaque incorporé, en prenant pour base le coût moyen de l'assistance par personne, soit dans toute la Suisse, soit dans chaque canton; les subsides seraient versés aux cantons qui auraient à les faire parvenir aux communes et à en contrôler l'emploi. Mais il faut convenir que cette solution présente aussi de grands inconvénients; dans le détail, les subsides fédéraux ne correspondront pas toujours aux débours effectifs causés par les indigents, car ils seront basés sur une taxation moyenne, nécessairement approximative, et qui ne pourrait guère tenir compte du coût de l'assistance selon les localités, du montant des fonds spéciaux destinés à la charité publique, de l'importance de l'assistance privée, des subventions cantonales, etc. La subvention à forfait ne serait pas applicable pans difficulté aux cantons ayant introduit l'assistance ù domicile, car lorsque les secours effectifs seraient fournis par une autre commune que celle dont les assistés sont originaires, la subvention fédérale irait à faux, puisqu'elle serait versée à la commune d'origine au moment de la naissance de l'incorporé; la commune assistante ne la toucherait pas. Enfin, il ne faut pas se dissimuler qu'il n'est guère possible de fixer actuellement, même en prévoyant des revisions
périodiques, un prix moyen de l'assistance en raison de l'instabilité des valeurs monétaires.

Le second système, celui du remboursement par la 'Confédération d'une quote-part des dépenses effectives d'as-

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sïstance a pour lui de permettre une répartition mathématiquement exacte des subsides fédéraux, puisque le montant en sera établi d'après les débours d'assistance payés par les cantons et communes, en tenant compte de toutes les circonstances locales qui font de l'assistance une opération plus ou moins onéreuse, et sans qu'il y ait de différence à faire selon que l'assistance es.t basée sur le principe de l'origine ou sur celui de la territorialité; il est un peu plus compliqué que le système précédent; il exige de minutieux calculs et comporte un contrôle assez délicat sur les débours des communes afln que les subsides versés soient mesurés à la situation des nécessiteux. Mais il est somme ioute plus exact, plus équitable, et pèsera pins modérément ·que l'autre sur les finances fédérales.

Quel sera le montant exact de la dette que la Confédération assumerait ainsi ? On en est réduit à des conjectures, car il n'existe pas de statistique sur le coût total de l'assislanee aux étrangers en Suisse. Voici comment noris croyons pouvoir l'établir : II est normal que l'obligation d'assistance des incorporés par la Confédération soit limitée dans le temps; on peut la fixer à 18 ans, c'est-à-dire jusqu'à l'âge où l'intéressé sera préparé à la lutte pour la vie. Pour la proportion des cas d'assistance, nous croyons pouvoir arrondir à 7 % le chiffre de 7,3 % qui résulte de la statistique de l'assistance intercantonale de 1912, publiée en 1916 ; cette proportion, nous ·estimons pouvoir la justifier de la manière suivante : il est certain que parmi les étrangers il y a moins de personnes à assister que parmi les Suisses; par contre, dans les ·cantons où les colonies étrangères sont les plus nombreuses et qui sont aussi des centres d'attraction pour les ressortissants d'autres cantons, la proportion des assistés intercantoaaux est supérieure à cette moyenne (Genève 12,3 %, BaieVille 11%, Zurich 10,1%, St-Gall 8,3%); il n'y a. donc rien d'excessif à admettre une moyenne de 7 % pour les assistés d'origine étrangère. Le coût de l'assistance est en moyenne, dans les relations intercantonales, de fr. 116 par cas et fr. 61 par personne pour l'année 1912, en tenant compte du renchérissement de la vie, on peut le fixer à fr. 100 par personne, en moyenne; il ne faut pas oublier toutefois que l'assistance aux enfants est plus coûteuse que celle aux adultes, car ils ont le plus souvent besoin d'une assistance non pas passagère comme ces derniers, mais durable : orphelins, en-

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fants moralement abandonnés, enfants malades ou infirmes; pour les incorporés jure soli, nous ne croyons pas être loin de la réalité en fixant à fr. 200 par enfant le coût de l'assistance. En supposant que la Confédération prenne à sa charge la moitié ou les deux tiers des frais d'assistance, et en tablant sur 6300 incorporés par au, puis en établissant les probabilités de survie d'après les tables suisses de survie publiées par le bureau fédéral de statistique en 1917 (moyenne pour les deux sexes), nous arrivons aux résultats suivants : i



Incorporés j Cas et coût total de l'assistance

Va à 'a charge di la Coni.

70/0 = 111 à fr. 200 -- 88.200 70/0 = 1949 à fr. 200 = 389.800 7 o 0 = 3783 à fr. M r = 756.600 70/0 = 5,ï!'3 à fr. a,o = 1 118.600 7 »/o = 66C8 à fr. 2(iO = 1 333600

Francs 44.100 194 HOO 378.300 559.HOO 666.800

6300 87.838 54.040 79.904 95.255

année 15» année IO"- année 15«» année 18°' année

' ; , !

a

II /sâlarblrge ìiì la Ciuf.

Francs 1!

58.800 259.80J 504.400 J 745.700 889.100

Pour les naturalisés gratuitement par les cantons et communes, on pourrait par exemple limiter à cinq année», la participation de la Confédération, également jusqu'à concurrence de la moitié ou des deux tiers, aux frais d'assistance; le nombre de ces naturalisations ne peut être supputé qu'approximativement; les 29,7 % du total des naturalisations sont entièrement gratuites actuellement ; mais il faut en tout cas ramener ce chiffre au 20 % pour les catégories d'étranger ù assister aux frais de la Confédération,, soit pour 3500 naturalisés par an, à environ 700; les frais seraient alors les suivantes : 1

1« année 2me année 3ms année 4">e année 5me année

naturalisés gratuitement 700 1.400 2100 2.800 3.500

i

|

Cas et coût total de l'assistance · 7 »/o = 49 à fr. 100 = J 7 »/o = 98 à fr. 100 == Ì 7 70 147 à fr. 100 = ; 7 »/O = 196 à fr. 100 = ' 7 »/0 = 245 à fr. 100 = .!/

4.900 9.800 14.700 19.600 24.500

Va i II ebanfe s /3äla rhaige ili U Coni. di 1» teiL i

Frßncs 2.450 4.900 7..H50 9.800 12.250

Francs 3.3.0 6500 9.800 13.000 16.300

Les frais annuels de la Confédération s'élèveraient donc, à partir de la dix-huitième année dès la promulgation de la loi de 689.050 francs à 905.400 francs, soit :

61 Incorporés frais à la ch»rge de la Confédération 1/3

l?e année 5TM° année 10TMe année 15TM année 18TM" année

.

.

.

.

et

. .

. .

. .

. .

suiv.

Francs 44.100 194.9UO 378.300 559.300 66B.800

|

a

/3

Francs 58.800 259,800 504.400 745.700 869.100

Naturalisés frais à la charge de la Conféjcraiion V> 1 1» Franse Francs 2.450 3.300 12.250 16.300 16.3UO 12.2: .0 12250 16.300 12.250 16.300

Total frais à la chnrgc de la Confédération 1/2

Francs 46.550 207.150 390.550 571.550 689.050

1

s

/3

Francs 62.100 276.100 520.700 76-2.000 905.400

Mais à ce chiffre, il faudrait encore ajouter les sommes résultant de l'assistance aux 26.815 incorporés en vertu des dispositions transitoires devant assurer à la loi future une rétroactivité de cinq années. En prenant pour base les tables suisses de survie, les frais approximatifs d'assistance que la Confédération aurait à supporter de ce chef s'élèverait pour chacune des quatorze premières années de fr. 178.800 à 187.700 voire de fr. 238.400 à 250.300, pour redescendre graduellement d'année en année jusqu'à ne plus atteindre, dix-huit ans après la promulgation de la loi, que la somme de fr. 35.300 voire 47.000, ensuite de la mortalité des incorporés et de l'arrivée "à l'âge de 18 ans des survivants : Année

Va des (rais */a ÌK frais ;\ la S 11 Confedera UD CnIMralloi

Incorporés Cas et coût total de l'assistance 1

Promulgation de lu loi ît e année (survivant*) !, 15° année (survivants moins nne classe de pins de 18 ans) . .

16 année (survivants moins im claies de pins de 18 ans) . .

11' année (survivants moins trois classes de plus de 18 ans) . .

18" année (survivants noir quatre classes de piai de 18 ans) . .

Francs

Eranrc

26.815 70 ,, = 1877 à fr 200 = 375.400 fr. 187 700 250.300 25.546 7o/0 = 1788 à fr. 200 = 357.600 fr. 178.800 238.400

1 20.399

7 Yo = 1428 à fr. 200 = 285.600 fr. 142.800 1 190.400

15.265 70/0 TT-- 1068 à fr. 200 = 213.700 fr. 106.850 142.500 10.143

7»/o= 710 à fr. 200 = 142.000 fr. ! 71.000

94.700

t

5.040

70;0=; 353 à fr. 200= 70.600 fr. i 35300

47.000

Comme nous avons adopté des bases de calculs très larges, il est certain que la Confédération n'aurait pas à verser une somme supérieure à un million de francs par an pour faire face aux nouvelles charges d'assistance et résoudre ainsi la question des étrangers, même en donnant à la loi nne rétroactivité de cinq années.

62

En adoptant les mêmes bases de calcul pour établir les, débours que la Confédération aurait à supporter avec le système de la subvention à forfait, c'est-à-dire en fixant également à 7 % les cas d'assistance, à fr. 200 en moyenne les frais annuels d'assistance pour les incorporés jure soif et à fr. 100 pour les personnes bénéficiant de la naturalisation gratuite, on arrive à la somme totale de 931.000 de subvention par année. Mais il faut remarquer que la Confédération devrait alors verser immédiatement aux cantons ou communes une somme de 3.754.000 francs pour couvrir les risques d'assistance des 26.815 incorporés en une seule fois en vertu des dispositions rétroactives de la loi, alors que d'après Je système précédent, le paiement de cette assistance serait réparti sur une période de dix-huit années.

X.

Les droits politiques.

Sous réserve d'une légère atteinte à leur droit de vote en matière bourgeoisiale et corporative, les incorporés jure soli jouiront donc de droits politiques aussi complets que tous les autres ressortissants suisses; pour la Suisse, ils ne seront jamais des étrangers; ils seront ses ressortissants dès leur naissance; de plus larges restrictions à leurs droits politiques ne se juslilient donc pas; il faudra leur reconnaître en matière communale, cantonale et fédérale tous les droits politiques dont bénéficient les ressortissants du pays, tant le droit de vote que l'éligibilité.

Pour ce qui est par contre des personnes nées avec la.

qualité d'étrangers et qui ont échangé leur indigénat d'origine contre le nôtre par naturalisation, nous pensons que quelques mesures de précaution doivent être prises pour, éviter que la direction politique du pays, ou même de certains cantons ne tombe aux mains de naturalisés de fraîche date. Dans un grand nombre de législations étrangères on distingue, dan« ce but, entre la naturalisation simple et la grande naturalisation; on y accorde aux naturalisés les droits civiques de moindre importance, comme l'électorat municipal, en réservant aux seuls bénéficiaires de la grande naturalisation la plénitude des droits politiques; ce système est en vigueur en Belgique, Bolivie, Equateur, E<=pagner Grèce, Hongrie, Japon, Pays-Bas, San Salvador, Uruguay; mais, l'Italie y a renoncé en 1912, et la Grande-Bretagne en

6&;

1914. Dans d'autres Etats on se montre plus large; on accorde complètement aux nouveaux citoyens les droits de vote actifs, mais on limite quelque peu leur droit d'être élus; on trouve des restrictions de ce genre jusque dans les Etats les plus démocratiques : aux Etats-Unis, l'étranger naturalisé n'est jamais éligible à la présidence de la république et il ne peut être membre de la Chambre des représentants que sept ans après sa naturalisation; en France, le naturalisé n'est éligible aux assemblées législatives qu'à l'expiration d'un délai de dix ans, à partir de son admission à l'indigénat, délai qui peut être abrégé par une loi spéciale.

De semblables restrictions ont déjà existé en droit suisse sans avoir jamais été considérées comme contraires au principe de l'égalité devant la loi. Ce principe était consacré en termes formels par l'article 4 de la constitution fédérale de .1848, et cependant l'article 64, al. 2, de cette même constitution disposait de ce qui suit : « Les Suisses devenus citoyens « par la naturalisation ne sont éligibles (au Conseil national) « qu'après cinq ans de possession du droit de cité. » Cette disposition a été reproduite par l'article 13, al. 2, de la loi fédérale du 19 juillet 1872 sur les élections et votations fédérales, mais elle doit être considérée comme implicitement ·abrogée actuellement par l'article 75 de la constitution fédérale de 1874 qui correspond à l'article 64 de la constitution de 1C48, mais ne contient pas cette restriction. Elle fut supprimée parce que l'article 44, al. 2, de la nouvelle constitution donnait à la Confédération le droit de légiférer en matière de naturalisation en sorte qu'il n'y avait plus à craindre que le droit de cité ne fût accordé par trop facilement.

Les qualités de Suisses d'origine et de Suisses naturalisés constituent, en fait, une différence suffisante pour justifier une différence dans la situation juridique. Les précédents ne manquent pas : l'impossibilité, par exemple, pour des ecclésiastiques d'être élus au Conseil national n'a jamais été considérée comme une règle contraire au principe de l'égalité devant la loi. Un retrait partiel du droit d'éligibilité à nos nouveaux concitoyens n'est pas contraire à la constitution; il l'est d'autant moins que dans nos propositions il ne s'agirait pas d'une atteinte permanente
aux droits politiquesdés naturalisas. On ne saurait en effet les exclure leur vie durant de l'éligibilité. Les restrictions que rous voulons apporter à cette dernière doivent servir, elles aussi, à assurer l'assimilation complète des néophytes; dans notre

projet, quelques aimées après sa naturalisation, le naturalisé doit être investi de droits politiques complets ; il lui sera possible de débuter à la vie politique suisse dans l'arène municipale; il pourra être élu à des-fonations communales; il y fera l'apprentissage des droits politiques suisses; il y contractera le respect de nos traditions de droit public; il sera ainsi bien préparé à exercer les magistratures cantonales et fédérales que des citoyens suisses pourraient lui confier par la suite.

Nous ne voulons donc entièrement exclure aucune catégorie de naturalisés de la participation à la vie publique en Suisse et nous n'entendons donner notre appui à aucune mesure visant à leur enlever l'éligibilité pendant toute leur vie; nous estimons au contraire que si l'on voulait entourer les naturalisés d'une telle atmosphère de suspicion, il serait préférable de fermer entièrement notre droit de cité aux étrangers.

Entre cet extrême et celui qui consiste à concéder sans auenne réticence tous nos droits politiques aux naturalisés, il y a un juste milieu où nous vous recommandons de vous engager, en décrétant que, pendant les cinq années qui suivront leur naturalisation, les étrangers naturalisés ne seront pas éligibles aux autorités législative» et executives de la Confédération et des cantons.

XI.

La double nationalité.

En vertu de sa souveraineté, la Suisse possède incontestablement le droit de réglementer avec la plus entière indépendance la concession de son indigénat, sans en rendre compte à personne; elle peut librement déterminer les personnes qu'elle entend considérer comme ses ressortissants, fixer à son gré les conditions d'acquisition et de perte de sa nationalité.

La faculté d'un Etat de légiférer à sa guise en matière de nationalité n'est limitée que par un seul principe de droit des gens, qui doit dominer toutes les relations du droit public aussi bien que celles du droit privé, celui de la bonne foi. Autrement dit, aucun Etat ne doit faciliter l'accès de son indigénat au point de permettre aux ressortissants d'Etats étrangers de l'acquérir dans la seule intention de se

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soiistraire aux obligations qu'ils ont envers leur patrie, non plus qu'il ne doit prévoir la persistance de son indigénat dans le seul but de permettre à certains de ses ressortissants de s'assurer des avantages d'ordre économique par une naturalisation ad hoc dans un Etat étranger.

Les interventions diplomatiques en matière de réglementation de l'indigénat sont d'ailleurs assez rares; elles ont échoué le plus souvent devant l'énergie avec laquelle l'Etat dont la loi ou le projet de loi était visé défendait ses prérogatives de souveraineté législative et déclarait considérer l'élaboration de ses lois sur la. nationalité comme une affaire de politique intérieure, incompatible par conséquent avec toute intervention étrangère.

Les .règles que nous vous proposons d'introduire dans le droit suisse pour absorber la population immigrée n'ont rien de contraire aux exigences de la bonne foi internationale; elles sont claires, loyales, ne visent pas à créer des situation» équivoques ou ambiguës, en sorte qu'on ne saurait nous contester le d.roit de les adopter, alors même qu'ensuite des conflits entre les lois divergentes d'Etats souverains, des cas de double nationalité en seront la conséquence.

Le jus soli est consacré, nous l'avons vu, par un grand nombre de lois étrangères, soit d'une manière absolue, soit sous réserve d'option; il est entré dans les moeurs internationales et nulle autorité étrangère ne serait recevable à intervenir dans la politique d'assimilation des étrangers que nous sommes obligés de poursuivre.

Eu égard, à la politique de repopulation qu'elles devront pratiquer à l'avenir pour combler les immenses pertes de vies humaines résultant de la guerre, il faut prévoir le cas où les puissances les plus intéressées adopteraient, à l'égard de nos compatriotes émigrés, des mesures de rétorsion en les légitimant par notre politique d'assimilation. En droit des gens, les rétorsions ne sont pas conditionnées par la violation d'un droit, mais par une simple méconnaissance des intérêts d'un autre Etat. Nos compatriotes seraient donc exposés à être incorporés jure soli à l'étranger, car ces rétorsions ne pourraient consister qu'à appliquer aux Suisses émigrés les mêmes mesures que celles que nous appliquerons aux étrangers en Suisse. Ces rétorsions ne pourraient avoir un certain effet numérique qu'en France et en Allemagne, car les- Suisses sont peu nombreux qui sont établis dans les Feuille fédérale. 72e année. Vol. V.

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autres Etats d'où proviennent la plupart de nos immigrés.

La France héberge de grandes colonies suisses, mais les rétorsions auxquelles celles-ci resteraient exposées ne pourraient guère être très sévères, puisque déjà maintenant les Suisses nés en France sont irrévocablement Français lorsque leur père y est né lui-même; la France ne pourrait donc que supprimer le droit d'option, qu'elle réserve encore aux Suisses nés en France dont la mère y a elle-même vu le jour. L'Angleterre et l'Italie ne pourraient aussi que supprimer le droit ·d'option qu'elles accordent 'aux natifs suisses incorporés chez elles jure soli, et le nombre des personnes privées désormais de cette faculté ne serait pas très élevé; c'est surtout aux Etats-Unis que se rendent les émigrants suisses et cette nation consacre déjà dans ses lois le principe du jus soli sans option. L'Allemagne et l'Autriche se sont montrées jusqu'à présent peu enclines à adopter le jus soli; une proposition de l'introduire dans la loi allemande du 22 juillet 1913 a été rejetée à une très forte majorité. Il nous semble donc extrêmement peu probable que ces Etats affaiblissent le principe du jus sanguinis intégral qui est à la base de leurs lois, dans l'unique but de répondre aux mesures imposées au législateur suisse par un évident souci de conservation nationale.

L'incorporation jure soli, en imposant notre indigénat à un grand nombre de personnes qui ne l'auront pas sollicité, aboutira, nous ne voulons pas nous le dissimuler, à multiplier les cas de double nationalité, car ce mode d'acquisition de notre droit de cité n'entraînera pas la perte de l'indigénat transmis aux natifs par filiation.

Dans les relations germano-suisses, la double nationalité ne pourrait être évitée que par les Allemands qui demanderont expressément leur congé (Entlassung) au gouvernement impérial. Il appartiendra donc aux Germano-Suisses d'agir pour se débarrasser de leur nationalité allemande; mais il faudra naturellement prévoir beaucoup d'omissions alors même que certaines autorités cantonales (les bureaux de naturalisations, par ex.) pourraient être chargées d'attirer l'attention des incorporés sur la procédure à suivre pour échapper au double indigénat.

Dans les relations austro-suisses, les .cas de double nationalité résultant de l'incorporation jure soli ne seront pas très fréquents, car l'article 32 du C. C. autrichien prévoit que l'indigénat autrichien se perd par émigration sans esprit

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de retour et cette volonté d'expatriation est présumée chez tout Autrichien qui est resté absent pendant dix années ou même pendant cinq années seulement, pourvu qu'il ait transféré à l'étranger le siège de sa famille ou bien tout ou partie de son patrimoine. Comme l'incorporation en Suisse n'atteindra que les natifs de la seconde génération, elle portera le plus souvent sur des personnes qui, dès leur naissance, ne seront pas investies de l'indigénat autrichien ou qui le perdront déjà à l'âge de cinq ans.

Si dans les relations austro-suisses les cas de double nationalité seront plutôt rares, il n'en sera [pas de même dans les relations franco^suisses. Les enfants de souche française, incorporés jure soli à la Suisse, ne pourraient perdre après leur majorité l'indigénat français que de l'une ou l'autre des deux manières suivantes : 1° ou bien, s'ils ont effectivement servi dans l'armée suisse, en faisant prononcer, par la voie judiciaire, leur déchéance de l'indigénat français sur la base de l'article 17, chiffre 4, du CG fr. pour service militaire accompli, sans autorisation du gouvernement français dans une autre armée que l'armée française; 2° ou bien, s'ils sont astreints au service actif en France, en demandant par requête, au président de la République, entre 21 et 34 ans, une autorisation dé se faire naturaliser hors de France. Ces deux modes de perte de l'indigénat français ne sont pas applicables aux individus qui ne font que payer une taxe militaire en Suisse, à ceux qui ne sont pas astreints au service personnel en France, ainsi qu'aux femmes incorporées jure soli à la Suisse; on peut donc s'attendre à ce qu'un certain nombre d'incorporés soient exposés aux inconvénients du double indigénat.

Dans les relations italo-suisses enfin, le double indigénat pourra être évité par les Suisses de souche italienne qui, émancipés ou majeurs, prendront la précaution de renoncer au droit de cité de leurs auteurs conformément à l'article 7 de la loi italienne sur la nationalité du 13 juin 1912; mais, pendant leur minorité, ils seront simultanément investis des deux indigénats suisse et italien et il faut prévoir qu'un certain nombre d'entre eux omettront de faire les formalités de la répudiation prévue par le droit italien.

Pour ce qui est des naturalisés, les conflits subsisteront dans la mesure
où ils existent actuellement.

Dans les relations germano-suisses, les risques de double indigénat ont beoucoup diminué depuis la loi allemande du 22 juillet 1913 qui fait de l'acquisition volontaire d'un nouvel

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indigénat une cause de perte de la nationalité allemande pourvu que l'intéressé n'ait plus ni domicile, ni établissement stable en Allemagne. On pourrait croire que le cumul des indigénats résultera encore du § 25, al. 2, de la loi allemande qui permet à tout Allemand naturalisé à l'étranger de demander expressément aux autorités de l'Allemagne à conserver sa nationalité d'origine; mais cette cause de cumul ne sortira pas ses effets, car nous refusons l'autorisation fédérale de naturalisation aux Allemands qui font usage de cette faculté.

Dans les relations austro-suisses, les conflits de nationalité résultant de la naturalisation ne sont pas très aigus non plus et diminueront d'importance à l'avenir en raison de la limitation des armements qui résulte pour l'Autriche des articles 118 à 148 du traité de paix de St-Germain du 10 septembre 1919. L'indigénat autrichien se perd en effet par naturalisation à l'étranger et, jusqu'à présent cette perte n'a été limitée que par les obligations militaires.

Dans les relations franco-suisses, les cas de double nationalité résultant de la naturalisiation sont par contre assez nombreux. L'indigénat français se perd par naturalisation à l'étranger; mais tout Français encore soumis aux obligations militaires dans l'armée active et la réserve de cette armée, c'est-à-dire âgé de 21 à 34 an®, doit obtenir du Président de la République une autorisation spéciale d'acquérir un indigénat étranger; s'il n'obtient pas cette autorisation, 11 reste Français malgré sa naturalisation. La plupart des Français dïi sexe masculin qui se font naturaliser en Suisse avant 34 ans ont donc deux indigénats, car ils omettent le plus souvent de demander une autorisation présidentielle.

En outre, les mineurs ne peuvent changer d'indigénat même avec le consentement de leur représentant légal.

Enfin, dans les relations italo-suisses, les conflits de nationalité ensuite de naturalisation ne sont pias très fréquents puisque l'article 8 de la loi italienne du 13 juin 1912 sur la nationalité fait de l'acquisition spontanée d'une nationalité étrangère, accompagnée d'émignation, une cause de perte de l'indig-énat italien. Ils seront surtout provoqués par l'interdiction qui est faite, comme en France, aux mineurs de changer de nationalité, même avec le consentement de leur représentant légal. L'Italien naturalisé en Suisse reste cependant redevable du service militaire en Italie, mais non pas ses enfants mineurs compris dans sa naturalisation;

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ceux-ci peuvent demander leur radiation des listes de recrutement dans le royaume. La convention d'établissement du 22 juillet 1868 par laquelle la Suisse avait reconnu à l'Italie le droit d'appeler ces naturalisés sous les armes (voir Déclaration annexée à la convention) a été dénoncée; ces individus ne sont donc plus obligés de :faire du service militaire en Italie en vertu d'un traité international conclu par la Suisse, mais uniquement eu vertu de la législation italienne.

Les inconvénients inhérents à la double nationalité sont notoires; bornons-nous à les résumer : ils sont d'ordre moral en ce qu'elle partage et affaiblit les sentiments de fidélité et de dévouement à l'Etat; diplomatique en ce qu'elle provoque de désagréables réclamations entre les Etats qui se disputent un individu ou refusent de le reconnaître s'il engage leur responsabilité ou réclame leur assistance financière; juridique, en ce qu'elle introduit une dangereuse incertitude dans les relations de droit civil d'un individu soumis à deux lois le plus souvent contradictoires; militaire, en ce qu'elle oblige un individu à servir dans les armées de deux pays et l'expose, quelle que soit sa décision, à des poursuites pénales dans l'une de ses deux patries ; politique, en ce qu'elle permet à un individu d'exercer ses droits civiques dans deux Etats.

C'est par des conventions que nous nous efforcerons de sortir les individus à double nationalité de la situation très embarrassante ou ils se trouvent.

Nous n'avons toutefois pas l'intention de poursuivre, par une action diplomatique, la reconnaissance d'iin droit d'option conventionnel en faveur des Suisses simultanément investis d'un second indigénat. Les raisons qui doivent inciter à écarter l'option légale valent également pour l'option conventionnelle; celle-ci comme celle-là est directement contraire au but d'absorption progressive des conglomérats étrangers que nous poursuivons; celle-ci comme celle-là permettrait aux immigrés d'exercer une forte pression sur leurs compatriotes pour les amener à opter, non pour la Suisse, mais pour un Etat étranger. Nous devons donc en faire abstraction.

Nous ne nous flattons pas non plus de pouvoir amener les seconds pays d'origine des Suisses investis d'indigénats multiples à se résigner par traité à perdre leurs ressortissants; en raison de la situation politique créée par la guerre

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nous ne pouvons attendre des Etats étrangers qu'ils renoncent bénévolement ne fût-ce qu'à certaines catégories de leurs sujets; la Suisse ne pourra pas faire ce sacrifice non plus, car de semblables traités rendraient la loi caduque et l'introduction de l'incorporation jure soli dans notre économie législative deviendrait complètement inutile.

Nous viserons à la suppression, non pas de la multiple nationalité elle-même, mais des inconvénients qui en résultent, en généralisant et en précisant, si possible, par des conventions internationales, la solution consacrée par l'article 6 de la loi fédérale du 25 juin 1903 sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité suisse qui a la teneur suivante : « Les personnes qui, outre la natio« nalité suisse, possèdent encore celle d'un Etat étranger ne « peuvent réclamer vis-à-vis de cet Etat, aussi longtemps « qu'elles y résident les droits et la protection dus à la qua« lite de citoyen suisse. » Une règle analogue est observée dans les pays suivants : Allemagne, Espagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne et Portugal. Elle présente l'avantage de s'appliquer non seulement aux conflits de nationalité résultant de l'incorporation jure soli, mais aussi à ceux qui proviennent de la naturalisation, de divergences de droit de famille, etc. Elle est basée sur l'idée que lorsqu'un individu est investi de deux indigénats, il faut toujours préférer l'indigénat gui n'est pas seulement de droit mais aussi de fait, par quoi il faut entendre celui confirmé par le domicile de l'intéressé. Cette théorie a triompbé en 1903 et 1905 devant les commissions mixtes d'arbitrage auxquelles furent soumises les réclamations des étrangers contre le Venezuela; elle a été également consacrée par la sentence du 3 mai 1912 rendue par la Cour permanente de la Haye dans l'affaire des frères Canevaro qui fut débattue entre l'Italie et le Pérou.

Pour mener avec efficacité cette lutte contre le double indigénat, il est incontestable que notre situation diplomatique serait plus forte, si nous introduisions dans nos lois 1« principe que la naturalisation d'un Suisse à l'étranger entraîne directement la perte de la nationalité suisse. Actuellement celle-ci ne peut se perdre que par renonciation expresse; tous les Suisses naturalisés dans un Etat étnanger sont investis) de deux
indigénats s'ils omettent de renoncer, ce qui est fréquemment le cas.

Déjà lors de la discussion de l'article 43 de la constitution fédérale de 1848, la députation zurichoise proposa d'à-

jouter à la disposition interdisant aux cantons de déclarer leurs citoyens déchus du droit de cité, les mots « à moins « qu'ils ne possèdent un incontestable droit de cité à l'étran«ger». Cette proposition, reprise lors des débats sur la revision constitutionnelle de 1871/1872, fut vivement combattue et reponssée à deux voix de majorité seulement par la commission du Conseil national; on invoqua surtout l'opposition que ferait le peuple à une règle privant un individu de son indigénat suisse sans demande expresse de sa part.

Ce motif ne semble guère concluant, car lia rupture du droit de cité en dehors de toute renonciation expresse existe déjà dans toutes les répercussions sur l'indigénat de règles de droit civil : mariage, légitimation, reconnaissance de paternité.

Le principe qui fait de la naturalisation à l'étranger un cas de perte de l'indigénat originaire est d'origine française (art. 1? du code civil) et a eu un succès mondial; il est consacré par les lois de vingt-six Etats, et l'Allemagne l'a adapté dans sa nouvelle loi sur la nationalité du 22 juillet 1913 (art. 25). La Suisse observe donc une attitude isolée en ne permettant pas la perte de l'indigéniat pour cette cause; le risque du heimatlosat n'est pas à craindre en application du système dit français, puisque la dénationalisation -est liée à une naturalisation parfaite à l'étranger.

Psychologiquement, la naturalisation à l'étranger atteste une volonté aussi évidente de rompre les liens de l'indigénat avec la Suisse qu'une déclaration expresse de renonciation.

Cela résulte de l'article 44, alinéa 2, de la constitution fédérale actuelUe qui n'admet la renonciation que « pour obtenir la naturalisation dans un pays étranger ». La reconnaissance de ce principe français, en droit suisse, exige un élargissement des compétences de la Confédération qui ne peut légiférer que sur la renonciation, à la nationalité; elle présenterait de grands avantages au point de vue international, car, à maintes reprises déjà, nous n'avons pas pu ·donner s/uite, en raison de l'article 44, al. 2, de la constitution fédérale, aux propositions d'Etats étrangers d'abolir les cas de double indigénat dans leurs relations avec la Suisse, en adoptant la règle que la naturalisation volontaire entraîne la perte du droit de cité d'origine.

Seule l'acquisition
volontaire d'un droit de cité étranger -- naturalisation sollicitée ou option -- entraînera la perte de l'indigénat, afin d'exclure le cas où un Suisse à l'étranger se voit attribuer un nouvel indigénat sans ou contre sa volonté.

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XII.

Conclusions.

Pour lutter contre l'augmentation continue des étrangers en Suisse, nous procéderons donc à une revision complète de la loi du 25 juin 1903 sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité, afin d'y introduire les réformes fondamentales suivantes : 1° Introduction de l'incorporation des étrangers (jus soli) en ce sens que l'enfant né de parents étrangers qui sont domiciliés en Suisse acquerra dès sa naissance la nationalité suisse dans les cas suivants : a, lorsque sa mère était d'origine suisse par naissance; b. lorsque l'un de ses parents est lui-même né en Suisse.

2° Inadmissibilité, dans ces cas, de la répudiation du droit 'de cité suisse.

3° Attribution d'une rétroactivité aux dispositions légales sur l'incorporation des étrangers, en ce sens que les enfants rentrant dans l'une ou l'autre des deux catégories de personnes indiquées sous chiffre 1 seront investis de la nationalité suissie, pourvu qu'ils soient nés au cours des cinq années qui précéderont la promulgation de la loi; le représentant légal de l'enfant pourna cependant, dans l'année qui suivra la promulgation de la loi, répudier la nationalité suisse au nom de l'intéressé; la preuve devra alors être fournie que ce dernier possède encore un second indigénat d'origine.

4° Attribution à chaque incorporé du droit de bourgeoisie dans la commune où sesi parents seront domiciliés au moment de sa naissance, le droit de cité communal ainsi acquis impliquant le droit de cité cantonal.

5° Reconnaissance aux incorporés des mêmes droits et devoirs qu'aux bourgeois de la commune et du canton, la participation aux biens purement bourgeoisiaux et corporatifs leur étant cependant refusée, à moins que la législation cantonale n'en décide autrement.

6° Reconnaissance aux incorporés du droit d'être assistés dans les mêmes conditions que les autres ressortissants communaux.

7° Obligation pour la Confédération de rembourser aux cantons ou aux communes une partie des frais effectifs.

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d'assistance déboursés pendant les 18 premières années des étrangers ainsi incorporés.

8° Participation financière de la Confédération pour une durée limitée aux frais d'assistance des cantons et communes, en cas de concession gratuite par ces derniers de leur droit de cité cantonal et communal à certaines catégo.ries d'étrangers longuement domiciliés, en Suisse et dont la mentalité correspond à l'esprit national suisse.

9° Exclusion pour xine durée de cinq, années, des étrangers naturalisés en Suisse de l'éligibilité aux autorités législatives et executives de la Confédération et des cantons.

10° Perte de la nationalité suisse par acquisition volontaire -- naturalisation demandée ou déclaration d'option --, d'une nationalité étrangère par 1111 ressortissant suisse.

Afin de nous permettre de procéder à cette révision législative qui dépasse les compétences actuellement reconnues à la Confédération, nous vous recommandons d'adopter le projet d'arrêté fédéral qui vous est soumis concernant la revision de l'article 44 de la constitution fédérale.

Berne, le 9 novembre 1920.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, MOTTA.

Le chancelier de la Confédération, STEIGER.

(Projet.)

Arrêté fédéral concernant la revision de l'art. 44 de la Constitution fédérale.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, Vu le message du Conseil fédéral du 9 novembre 1920; Vu les articles 84, 85, chiffre 14, 118 et 121 de la constitution fédérale, arrête : Article premier. L'article 44 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par la disposition suivante :

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Art. 44. Aucun ressortissant suisse ne peut être renvoyé du territoire de la Confédération suisse ni de celui de son canton d'origine.

La législation fédérale réglera les conditions de l'acquisition et de la perte du droit de cité suisse.

Pendant les cinq années qui suivront leur naturalisation, les étrangers naturalisés ne seront pas éligibles aux autorités législatives et executives de la Confédération et des cantons; La législation fédérale pourra prévoir l'acquisition du droit de cité suisse par incorporation. Elle pourra statuer en particulier que l'enfant de parents étrangers qui sont domiciliés en Suisse au moment de sa naissance sera ressortissant suisse par incorporation lorsqu'il est issu d'une mère d'origine suisse par naissance ou lorsque son père ou sa mère est lui-même né en Suisse.

L'enfant ainsi incorporé sera investi dès sa naissance du droit de bourgeoisie de la commune du domicile de ses parents au moment où il est né. Il sera assisté, en cas de besoin, dans les mêmes conditions que les autres ressortissants communaux. Il n'aura cependant aucun droit aux biens purement bourgeoisiaux et corporatifs, à moins que la législation cantonale n'en dispose autrement. La Confédération prendra à sa charge une partie des dépenses effectives d'assistance que ces incorporations causeront aux cantons ou aux communes pendant les dix-huit premières année« de chaque enfant incorporé.

Art. 2. Le présent arrêté sera, soumis au vote du peuple et des Etats.

Art. 3. Le Conseil fédéral est chargé de pourvoir à l'exécution du présent arrêté.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 44 de la Constitution fédérale (mesures à prendre pour assurer l'assimilation des étrangers en Suisse). (Du 9 novembre 1920.)

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