# S T #



1 0

4 4 5

FEUILLE FÉDÉRALE 116e année

Berne, le 13 mars 1964

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 33 francs par an; 18 francs pour six mois, plue la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis ; 50 centimes la ligne ou son espace ; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

# S T #

8945

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la participation aux frais de transport pour les régions de montagne et l'extension de la contribution allouée aux détenteurs de bétail bovin de ladite région (Du 2 mars 1964) Monsieur le Président et Messieurs, Le 4 octobre 1962, les chambres prorogeaient pour deux années, soit jusqu'à fin 1964, l'arrêté fédéral du 20 septembre 1957 concernant l'allocation de subsides pour le transport de marchandises de consommation courante dans les régions de montagne (RO 1958, 1 ; 1963, 40). L'idée était alors de profiter de ce temps pour examiner à fond si une reconduction de ce régime s'imposerait et, dans l'affirmative, sous quelle forme. On y voyait deux raisons fondamentales. La première était que le rapprochement des tarifs de transport par rail (arrêté fédéral du 5 juin 1959 concernant le rapprochement des tarifs d'entreprises de chemins de fer concessionnaires de ceux des chemins de fer fédéraux ; RO 1959, 830) profite peu, en général, aux localités non rattachées au réseau ferroviaire. Cela soulevait la question --- à laquelle il n'était cependant pas encore possible de répondre -- d'une réglementation spéciale en leur faveur. La seconde raison était qu'au cours des débats parlementaires, on avait une fois de plus exprimé le voeu de voir s'instaurer un régime semblable pour les moyens de production et les matières auxiliaires de l'agriculture.

Nous traiterons d'abord la question de la prorogation du régime de compensation des frais de transport pour les marchandises de consommation courante et examinerons ensuite celle de l'instauration d'un régime semblable pour les moyens de production agricoles. Un autre chapitre sera consacré au problème de l'extension de la contribution allouée aux détenteurs de bétail bovin en montagne.

feuille fédérale, 116e année. Vol. I.

29

446

I. Participation aux frais de transport pour les régions de montagne A. Pour les marchandises de consommation courante

1. Question de la prorogation du régime, Le système de la participation aux frais de transport pour les marchandises de consommation courante dans les régions de montagne a été institué en 1943, en vertu des pouvoirs extraordinaires du temps de guerre.

Ce système, qui a pour but de compenser en partie les frais supplémentaires de ces transports, a été transféré en 1952 dans la législation ordinaire au titre de mesure temporaire et prorogé deux fois, en 1957 et en 1962. Il arrive à expiration à la fin de cette année.

Les subventions sont versées pour le sucre, le café, le cacao, le riz, le maïs, les produits à base d'orge et d'avoine, les légumineuses, les conserves de légumes et de fruits de fabrication suisse, les pâtes alimentaires, les graisses et les huiles comestibles, ainsi que pour le savon et les produits à lessive. Elles sont allouées aux grossistes et aux fabricants qui livrent ces marchandises aux détaillants, ménages collectifs et maisons de transformation non industrielles de la montagne. Est réputée région de montagne celle où se trouvent des localités habitées toute l'année qui supportent, pour les transports effectués par des entreprises officielles de la gare de plaine au lieu de destination, des frais supplémentaires de 3 francs et plus par 100 kilos de marchandises. La somme excédant 3 francs est, en règle générale, remboursée. Si elle est supérieure à 4 francs, le remboursement peut porter sur la totalité des frais de transport, et non seulement sur ce surplus. Tel est le cas des cantons des Grisons, du Valais et du Tessin, eu égard à leurs conditions particulières.

Le but visé, soit l'ajustement des prix desdites marchandises à ceux qui sont appliqués en dehors de la région de montagne, a été largement atteint.

Dans l'ensemble, cette mesure a cependant une portée économique très limitée. La subvention ne se chiffre même pas à 3 francs en moyenne par année et par habitant de la montagne et ne fait vraiment sentir ses effets que dans de rares cas particulièrement défavorables. Ces dernières années, la Confédération a versé quelque 800 000 francs.

Différentes mesures importantes prises récemment en faveur de la montagne ont encore diminué la portée relative du régime de compensation dea frais de transport. Nous citons en premier lieu l'encouragement de la vente du bétail et
l'octroi d'une contribution aux détenteurs de bétail bovin de la montagne. Le rapprochement des tarifs des chemins de fer et des tarifsvoyageurs de l'entreprise des postes, téléphones et télégraphes avec ceux qui sont appliqués en plaine mérite d'être mentionné ici. Cette seule mesure a réduit en 1963 les frais de transport par chemin de fer de 30 millions de francs en tout. Le stimulant économique qui en résulte procure à,la montagne

447

des avantages indirects qui ne s'expriment pas en chiffres, mais qui, dans l'ensemble, dépassent de loin ceux qu'offre la participation aux frais de transport.

On doit dès lors se demander si une prorogation de ce régime de compensation se justifie. Pour en juger, il faut mesurer les conséquences d'une éventuelle suppression. La question est de savoir notamment si pareille opération ferait monter les prix des marchandises de consommation courante.

Les effets de la participation aux frais de transport étant en général des plus modestes, il ne faudrait pas s'attendre que lesdites marchandises renchériraient d'une façon notable. L'âpre concurrence qui se fait dans les régions où le placement des marchandises présente quelque intérêt exclura totalement ou partiellement un report des frais. Pour ce qui est des marchandises qui sont l'objet d'une convention sur les prix de seconde main, leurs prix ne changeront en tout cas pas ; elles ont, en effet, été livrées jusqu'ici en montagne sans majoration bien qu'aucune subvention n'ait pu être demandée pour leur transport.

On doit admettre aussi que l'approvisionnement de la région de montagne ne sera affecté en rien par la suppression du régime de compensation.

Si des modifications interviennent dans le système de répartition des marchandises, elles ne seront pas dues à cette mesure ; elles seront, au contraire, le résultat d'un mouvement général de rationalisation du système de distribution.

Le tourisme, qui est, avec l'agriculture, la plus importante source de revenus de la montagne, ne se ressentirait guère d'une éventuelle suppression du régime. Celui-ci, à vrai dire, profite en partie aussi aux touristes, et non pas à la seule population de la montagne. Mais les modestes hausses de prix qui pourraient résulter de sa suppression n'auraient aucun effet sur un budget de vacances moyen.

Pour ces raisons, nous ne pensons pas que l'abolition du régime puisse avoir des conséquences fâcheuses. Mais cela pourrait être la cas, il est vrai, pour quelques régions écartées dans des vallées dépourvues de voies de chemin de fer, où les frais de transport pèsent plus que dans les autres régions.

Le rapprochement tarifaire a encore, par endroit, augmenté cet écart.

Aussi a-t-il fallu examiner si le régime actuel ne devrait être maintenu que pour ces vallées.
Selon des évaluations sérieuses, les sommes versées au titre de participation aux frais causés par le transport des marchandises de consommation courante vers ces vallées n'excèdent guère 150 000 francs par année.

Les résultats de la participation sont si modestes qu'ils sont hors de proportion avec les dépenses administratives de la Confédération et des autres organismes intéressés.

448

A noter en outre que dans lesdites vallées, les paysans représentent une fraction particulièrement élevée de la population, qui profite donc davantage des mesures spéciales prises en faveur de l'agriculture. Comme mesure à but bien défini, nous citons le système de la contribution allouée depuis quelques années aux détenteurs de bétail bovin et qu'on envisage de développer. Nous reviendrons sur cette question au chapitre II, Vu ce qui précède, il nous semble indiqué de renoncer à toute reconduction du régime de compensation des frais de transport pour les marchandises de consommation courante.

Si nous envisageons de supprimer ce régime pour améliorer celui de la contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin, cela ne signifie nullement que les problèmes de l'agriculture de la montagne retiennent uniquement notre attention ou que nous cherchions à les résoudre eux seulement.

Encourager cette seule branche pour enrayer le dépeuplement progressif de la montagne ne suffit pas; il faut, bien plus, qu'une saine collaboration s'établisse entre elle et les autres secteurs de l'économie. Sans les possibilités de gain offertes par d'autres activités économiques, il n'y aurait souvent pas moyen d'améliorer les conditions d'existence des paysans de la montagne.

Ceux-ci ont donc tout intérêt à voir se maintenir et se développer ces autres activités.

A notre avis, la Confédération se doit aussi de faire progresser autant que possible les branches artisanales de la montagne. Mais pour y parvenir, il faut d'abord améliorer les conditions permettant de stimuler l'activité économique en général, comme le rapprochement tarifaire nous en fournit un exemple. La prorogation du régime de compensation pour les frais de transport, dont les effets sont limités et qui n'a pas de buts bien définis, n'est pas le moyen adéquat.

2. L'avis des cantons et des .groupements économiques Faut-il proroger ou supprimer le système de la participation aux frais de transport pour les marchandises de consommation courante ? Telle est la question qui a été posée aux cantons et aux associations centrales de l'économie, ainsi qu'aux autres groupements que ce problème intéresse. L'idée de la suppression a recueilli le plus de suffrages.

Différents milieux, mais en particulier les cantons des Grisons, du Tessin et du Valais, l'union
suisse des négociants de gros en denrées coloniales (COLGRO) et l'union suisse des sociétés coopératives de consommation ont objecté que l'abolition de cette mesure ferait monter les prix des marchandises de consommation courante. La première des deux associations estime qu'une hausse des frais de transport inciterait les grossistes à rationaliser leurs entreprises et à renoncer à livrer des marchandises aux petits acheteurs, ce

449 qui pourrait entraîner la disparition de magasins. A ce sujet, nous renvoyons aux explications fournies dans le chapitre précédent.

L'union des coopératives de consommation redoute un report des frais notamment sur les prix du pain, de la farine, des légumes et des fruits. Or, dans le cas du pain et de la farine, les prix, en montagne, sont réduits et surveillés en vertu de la loi sur le blé; les campagnes de vente organisées, en vertu de la loi sur l'alcool, pour les fruits et les pommes de terre ne seraient pas non plus touchées par la suppression du régime de la compensation des frais de transport.

Certains organismes consultés ont relevé que ce régime profite à toute la population montagnarde, tandis que les agriculteurs seraient les seuls à bénéficier du nouveau régime décrit au chapitre II ci-après. Au sujet de cette objection, nous renvoyons également aux considérations qui précèdent.

Prétendant que le droit de douane supplémentaire perçu sur le café sert à couvrir les dépenses résultant de cette compensation des frais de transport, certains milieux ont demandé que, si ce régime était aboli, ce droit le soit aussi. Nous répondons que lesdites dépenses sont couvertes par les ressources générales de la Confédération et qu'en outre, le droit sur le café est perçu en vertu du nouveau tarif douanier du 19 juin 1959 et n'a aucune affectation spéciale. C'est pourquoi l'article 10 de l'arrêté fédéral du 20 septembre 1957 concernant l'allocation de subsides pour le transport de marchandises de consommation courante dans les régions de montagne, qui fixait le taux du droit de douane perçu sur le café, n'a pas été prorogé jusqu'à fin 1964 en même temps que l'arrêté fédéral. Le droit sur le café n'a donc plus aucun rapport direct avec le régime de la compensation des frais de transport, et il n'y a aucune raison de le modifier en cas d'abolition de ce régime.

B. Compensation des frais de transport pour les moyens de production agricoles Nous avons dit, au début, qu'en 1962, lorsque fut étudié le projet de prorogation du régime de la compensation des frais de transport pour les marchandises de consommation courante, on a demandé une fois de plus que le transport des moyens de production agricoles soit aussi subventionné. Il fallait donc examiner si et comment ce voeu, légitime, pouvait être satisfait.
1. Considérations générales Le problème de l'abaissement des frais causés par le transport des moyens de production agricoles vers la région de montagne a été examiné à fond avec les groupements paysans intéressés. Il a fallu admettre d'emblée, et cette constatation concorde avec des demandes et recherches précédentes, qu'une réduction de ce genre n'entrerait en ligne de compte que pour

450 les moyens de production les plus importants, tels que les engrais vendus dans le commerce, les concentrés, le foin, le regain et la paille. Mais pareille compensation ne répond pas pour chaque produit à un même besoin. Pour certaines marchandises, la différence de prix par rapport à la plaine est nulle ou négligeable. Les engrais chimiques fabriqués en Suisse, par exemple, sont livrés par chargements de 10 tonnes à des pris uniformes franco gare de chemin de fer à voie normale. Les aliments mélangés sont livrés également à des prix uniformes franco domicile de l'acheteur ou du revendeur. Dans d'autres cas, l'acheteur doit supporter tout ou partie des frais de transport supplémentaires. L'expédition des engrais vendus dans le commerce et des concentrés est assurée par quelques fournisseurs seulement, tandis que de nombreux intermédiaires s'occupent du placement du foin et de la paille.

Cela étant, il est très difficile de déterminer la charge supplémentaire résultant pour les paysans de la montagne du fait que les frais de transport y sont plus élevés qu'en plaine. Pour les moyens de production agricoles, la charge supplémentaire pourrait atteindre par année quelque 3 millions de francs.

2. Réglementation individuelle II semblait tout indiqué d'examiner d'abord si, comme dans le cas des marchandises de consommation courante, on ne pourrait pas envisager un régime de compensation qui consisterait dans le fait qu'on rembourserait les frais de transport pour chaque envoi à destination de la montagne, tels qu'ils résultent de la longueur du trajet et du poids de l'envoi.

Pareille solution serait réalisable en principe, mais son application susciterait diverses difficultés. Si nous comparons les deux cas, marchandises de consommation courante et moyens de production agricoles, nous voyons que le second est beaucoup plus difficile à régler du fait, par exemple, qu'il n'y aurait pas de tarif unique pour les transports par chemin de fer ; les taux varient, en effet, d'une catégorie de moyens de production à l'autre. Pis encore, des taux différents pourraient intervenir pour une seule et même marchandise selon qu'elle est d'origine indigène ou étrangère. Le nombre des cas individuels et, par conséquent, la mise à contribution des organes d'exécution dépasseraient de loin l'ampleur actuelle, car
plusieurs moyens de production sont livrés directement à la ferme, tandis que dans le cas des marchandises de consommation courante, seules les fournitures aux détaillants doivent être prises en considération.

Ces difficultés interdisent, à notre avis, d'envisager un tel système de compensation pour chaque acheteur de moyens de production agricoles. Son application serait trop compliquée, donc trop onorouso. C'est pourquoi nous avons renoncé à aller plus avant dans cette voie.

451

3, Indemnisation à forfait Une solution toute différente, quant au fond, consisterait à verser annuellement à chaque exploitation agricole un montant forfaitaire destiné à compenser les frais de transport supplémentaires. Ce montant pourrait être calculé d'après l'étendue de l'exploitation, le cas échéant, dans certaines limites, et échelonné suivant la zone de montagne. Si l'on fait abstraction des problèmes que poserait la délimitation de ces zones, une solution de ce genre aurait l'incontestable avantage d'être simple à appliquer.

Sur quels critères faudrait-il se fonder pour délimiter ces zones ? La question étant d'abaisser les frais de transport, leur niveau est l'élément essentiel. Il devrait donc servir de critère.

Si la région de montagne n'était pas déjà subdivisée en zones bien circonscrites, il serait logique de procéder ainsi. Le cadastre de la production animale, fondé sur l'ordonnance du 23 juin 1961 concernant le cadastre de la production agricole et la délimitation de la région de montagne (RO 1961, 509), a établi trois zones distinctes. Pour ce faire, il a pris en considération une quinzaine de critères. Outre l'altitude, la déclivité du terrain, la durée de la période de végétation et d'autres facteurs de cet ordre, il a fait aussi intervenir des éléments tels que la situation générale par rapport aux voies de communication, les conditions des routes et chemins, la distance jusqu'aux places de marché, ainsi que les frais de transport jusqu'à la principale région de vente. Ce dernier critère des frais de transport a donc déjà été retenu pour la subdivision faite par le cadastre de la production animale, de sorte qu'il n'est pas juste de fonder sur ce seul critère l'échelonnement d'une nouvelle mesure.

Voilà pourquoi on a examiné ensuite un système de réglementation s'inspirant largement de l'actuelle délimitation adoptée par le cadastre de la production animale, mais impliquant, en plus, une subdivision de la zone III en deux ou plusieurs zones selon l'échelle des frais de transport. Cette subdivision devrait tenir compte des différences notables qu'on rencontre surtout dans cette dernière zone, différences qui sont dues, pour une bonne part, à la situation par rapport aux voies de communication ; elle aurait pour but d'éviter des injustices.

Le problème ne serait cependant
pas non plus résolu de façon satisfaisante. Toute solution d'ensemble et toute subdivision d'une région en zones comporte fatalement certaines injustices. Les mesures prises sur la base de l'actuelle subdivision ne font pas exception: telle région ou telle ferme se trouve, par la force des choses, quelque peu favorisée ou désavantagée par ce régime. Il ne faudrait pas exagérer l'importance de ces inégalités de traitement et il serait surtout fans:, comme nous l'avons vu, de vouloir les éliminer par une nouvelle délimitation fondée sur un seul et unique facteur. L'établissement de nouvelles zones et le tracé de nouvelles limites augmente-

452 raient le nombre des mécontents. C'est un fait à ne pas perdre de vue. Nous pourrions sans doute appliquer les mesures avec une plus grande précision en subdivisant davantage cette région, mais ce serait faire naître un plus grand nombre d'injustices (rigueur excessive et cas limite). Et surtout, cette subdivision plus poussée provoquerait des complications dans le régime actuel des zones. En subdivisant la zone III, on en créerait une quatrième, voire une cinquième, ce qui conduirait tôt ou tard à la revision générale de toutes les zones actuelles. Cela exigerait de très longs travaux préparatoires.

Des années passeraient à les mener à chef. Etant données les modestes améliorations qui en résulteraient et les craintes que nous venons d'exprimer, une pareille entreprise ne se justifierait pas.

Ces raisons nous amènent à vous recommander de compenser les frais de transport supplémentaires qui grèvent les exploitations de montagne en instituant un système de contribution qui serait fondé non pas sur des zones spéciales fixées selon les frais de transport, mais directement sur celles qui ont été délimitées par le cadastre de la production animale.

Cela pose une question: celle des critères qui serviraient de base au paiement d'une éventuelle participation aux frais de transport, échelonnée d'après les zones existantes. Le nombre des unités de gros bétail semble tout indiqué. Pour l'essentiel, un tel système correspondrait à celui de la contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin.

Cela étant, il ne nous paraît plus indiqué de maintenir deux systèmes distincts. Il serait plus juste de ne pas instituer un système de compensation spécial et de tenir compte des conditions de production généralement défavorables, en développant celui de la contribution allouée aux détenteurs de bétail bovin. Cette idée a été généralement bien accueillie par les organes consultés. Le problème est l'objet du chapitre suivant.

II. Elargissement de la portée de la contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin de la région de montagne A. La réglementation actuelle La contribution aux frais allouée aux détenteurs de bétail bovin de la région de montagne a été instituée par l'arrêté fédéral du 19 juin 1959 sur les mesures complémentaires d'ordre économique et financier applicables à l'économie laitière
(arrêté sur l'économie laitière 1959; RO 1959, 936). La mesure avait été prise pour encourager l'approvisionnement domestique et l'utilisation du lait à la ferme, et devait notamment permettre de tenir compte des conditions de production difficiles en montagne, donc, pour une bonne part également, des inconvénients de la situation de cette région par rapport aux voies de communication. Ce système, simple et pratique, a déjà été considérablement développé depuis lors: l'arrêté fédéral du 21 décembre 1961

453

(RO 1961, 1171) a porté de 40 et 60 francs à 80 et 120 francs par unité de gros bétail la contribution allouée dans les zones II et III du cadastre de la production animale, et a accordé en plus une contribution de 40 francs à la.

zone I. Il a aussi relevé de quatre à cinq le nombre des unités y donnant droit. Cette réglementation a été reprise dans l'arrêté fédéral du 4 octobre 1962 sur l'économie laitière 1962 (RO 1962, 1178). Pour l'exercice allant du 1er novembre 1962 ou 31 octobre 1963, la majoration a porté la dépense à 19,3 millions de francs, contre 6,6 millions pour l'exercice antérieur (1er novembre 1960-31 octobre 1961).

B. La nécessité d'élargir la portée de la contribution Malgré cette amélioration, la situation des exploitations de montagne reste défavorable. Selon les recherches comptables du secrétariat des paysans suisses, le produit du travail moyen par journée d'homme, calculé sur la base des comptabilités de 150 à 200 entreprises, a évolué depuis 1955 comme il suit : Produit du travail par journée d'homme dana les exploitations de montagne 2 à 5 ha 5 à 10 ta 10 à 15 ha 15 à 30 ha Moyenne [') En francs

1955-1957 10.23 14.27 14.75 14.20 14.00 1958-1960 12.58 15.34 14.74 16.20 15.09 1960-1962 ( a ) 12.75 ( a ) 16.40 16.95 17.90 16.95 er Sous l'effet de la contribution aux frais allouée depuis le 1 novembre 1961, le produit du travail dans la moyenne de toutes les exploitations de montagne s'est amélioré de moins d'im franc par jour. Il est vrai que plua une entreprise est petite, plus cette mesure influe sur le résultat final, du fait que la contribution est limitée aux cinq premières unités de gros bétail.

Les allocations familiales versées aux paysans de la montagne, qui ne sont pas comprises dans le produit du travail, modifient quelque peu le& chiffres ci-dessus. Rapportées à un jour de travail d'homme accompli dans l'exploitation, ces recettes représentent, pour 1961, 60 à 70 centimes dans la moyenne des exploitations de montagne. Compte tenu de ce montant, ces exploitations ont donc réalisé, pour l'exercice comptable 1960--1962, un produit du travail moyen de 18 franca environ par jour, des écarts relativement faibles étant admis suivant les classes de grandeur.

Tout examen critique des données comptables impliquerait la nécessité de confronter le produit du travail à la rétribution considérée comme équitable. Or une commission scientifique soumet présentement ce point de comparaison à une étude approfondie, qui porte encore sur d'autres questions en.

( x ) Y compris les exploitations de plus de 30 ha; celles-ci, vu le peu de données disponibles, n'ont pas été groupées à part.

( 2 ) Données provisoires pour 1962. La données pour les entreprises de 2 à S ha.

correspondent à la moyenne des annéûS 1960 ot 1961.

454 .rapport avec le calcul et l'appréciation du revenu paysan. Jusqu'à présent, on a toujours pris comme élément de comparaison une valeur unique attribuée à la rétribution équitable. On se demande toutefois si, les données comptables étant subdivisées d'après leur provenance (plaine ou montagne), :il est possible de continuer à procéder de la sorte. Pour le moment, cette question reste ouverte. Nous devons donc renoncer à juxtaposer les chiffres fournis plus haut pour le produit du travail et une certaine rétribution équitable, qui servirait de terme de comparaison. Si nous nous référons à la situation des exploitations de plaine, la différence apparaît déjà avec assez de netteté : alors qu'en montagne, le produit du travail s'établissait à quelque 18 francs par journée d'homme, les comptabilités contrôlées de 1960 à 1962 par le secrétariat des paysans suisses révèlent qu'il atteignait en plaine environ 29 à 30 francs en moyenne et qu'il restait encore au-dessous de la rétribution comparable calculée actuellement. Cette disparité montre clairement le :retard considérable des revenus des entreprises de la montagne.

Relevons à ce propos que, à la différence de celui de la plaine, le revenu agricole des paysans de la montagne ne varie que faiblement suivant l'étendue des domaines. Seules les exploitations de moins de cinq hectares marquent Tin retard notable. Or les détenteurs de ces exploitations sont précisément ceux qui, en général, peuvent plus facilement que les autres s'assurer, en marge de leurs travaux, un gain accessoire pour compléter leur modeste j-evenu tiré de l'agriculture. C'est ce qu'illustre le fait qu'en 1960, le revenu agricole des exploitations contrôlées de deux à cinq hectares était, en moyenne, inférieur au gain accessoire régulier, alors qu'il représentait le multiple de ce gain dans les entreprises de cinq à quinze hectares. Dans l'enrsemble, les petites exploitations sont souvent mieux loties que celles de grandeur moyenne exclusivement paysannes.

Nous en concluons qu'un élargissement sensible de la contribution aux frais pour améliorer dans l'ensemble les conditions de revenu des paysans de la montagne est conforme à l'équité. Il ne serait en revanche pas juste que ·cette mesure profite plus aux petites unités qu'aux exploitations exclusivement paysanne.

C. La procédure de consultation

1. L'avant-projet du département de l'économie publique Dans le sens des explications qui précèdent, le département de l'économie publique a élaboré un avant-projet de loi instituant une contribution .aux frais des détenteurs de bétail bovin de la région de montagne. Pour l'essentiel, cet avant-projet tendait: -- à relever le taux de la contribution de 25 pour nout, par unité de gros bétail, ce qui aurait porté celle-ci à 50, 100 et 150 francs suivant qu'il s'agit de la zone I, II ou III ;

455 -- à porter de cinq à sept par exploitation le nombre des unités de gros bétail donnant droit à la contribution.

Dans son avant-projet, le département proposait en outre que le Conseil fédéral fût habilité à accorder la contribution encore pour d'autres catégories de bestiaux.

2. Avis des cantons et des groupements écomoniques L'avant-projet du département de l'économie publique a été soumis, avec un commentaire, aux cantons et aux principales associations économiques le 27 septembre 1963. Les consultations ont donné pour l'essentiel ce qui suit : -- A peu d'exceptions près, les organes consultés approuvent généralement les taux de la contribution par unité de gros bétail. Deux cantons montagnards recommandent une majoration encore plus substantielle, tandis qu'un troisième considère qu'il ne faudrait en aucun cas dépasser les taux proposés. Trois cantons et l'union suisse des paysans préféreraient les voir fixés non pas par la loi, mais par le Conseil fédéral en vertu d'une délégation de compétence, ce qui permettrait d'adapter, au besoin, ces taux sans être tenu de reviser la loi; -- la plupart des avis approuvent le projet d'élever à sept le nombre des unités de gros bétail donnant droit à la contribution. Un canton de montagne propose de maintenir le nombre actuel de cinq, mais de majorer plus encore le taux de la contribution par unité. Quatre cantons montagnards et quatre associations agricoles, dont l'union suisse des paysans et le groupement suisse des paysans de montagne, souhaitent au contraire que ce nombre soit porté à dix, alléguant qu'un nombre de huit à dix doit être considéré comme le minimum requis, en montagne, pour toute exploitation viable ; --- l'intention de verser également la contribution pour d'autres espèces animales est en général bien accueillie. Quatre cantons proposent que cette question soit réglée dans le corps même de la loi; -- deux cantons proposent d'accorder le benèfice de ce régime d'une manière générale à tous les «détenteurs de bestiaux» et non seulement aux «détenteurs de bétail bovin». Cela permettrait de tenir compte aussi des fermes sans bétail bovin, dans le groupe desquelles figurent surtout les petites entreprises exploitées accessoirement.

3. Appréciation de la commission consultative La commission consultative pour l'exécution de la loi sur
l'agriculture approuve en principe le projet de conférer plus d'ampleur à la contribution aux frais. Les avis divergèrent sur les quelques points suivants : -- Au sujet du nombre des unités de gros bétail donnant droit à la contribution, la majorité s'est ralliée au nombre de sept (selon l'avant-projet),

456 tandis que les représentants des groupements paysans auraient voulu voir ce nombre fixé à dix ; -- le projet d'étendre le bénéfice de ces mesures à d'autres catégories d'animaux a recueilli l'assentiment de la majorité.

L'idée, exprimée au sein de la commission, d'en limiter la portée aux moutons a été écartée par la plupart des membres. S'agissant de la question d'en consigner le principe dans la loi, la majorité a préféré la version de l'avantprojet (compétence accordée au Conseil fédéral) à toute disposition de caractère impératif et limitatif.

D. Lo nouveau projet Nous motiverons ci-après nos propositions d'extension du système de la contribution aux frais et traiterons les questions soulevées dans la procédure de consultation.

1. Extension de, la, contribution aux dix premières unités de, gros bétail La contribution est allouée pour les cinq premières unités de gros bétail d'une exploitation. Une question se pose : faut-il augmenter le nombre des unités y donnant droit ? Le fait qu'on considère le nombre de huit à dix comme étant un minimum requis pour assurer l'existence d'une famille revêt une importance particulière. Le but étant de créer, également en montagne, des exploitations viables du type familial, il s'agit de chercher une solution ne prévoyant pas le paiement de la contribution seulement pour les cinq premières unités. Ajoutons que les conditions de production ne sont guère plus favorables pour les entreprises de moyenne grandeur que pour les petites.

C'est pourquoi nous proposons, à l'article premier, 2e alinéa, du projet de porter de cinq à dix le nombre des unités de gros bétail donnant droit à la contribution.

Cette modification présente aussi des avantages en ce qui concerne l'application. Ces dernières années, des exploitations comptant plus de cinq unités de gros bétail ont tenté de se scinder, pour la forme, afin de toucher la contribution une seconde fois ou, plus exactement, pour un nombre d'unités pouvant aller jusqu'à dix. Nous continuerons à vouer toute notre attention à cette .éventualité lors de la mise au point des dispositions d'exécution, ainsi que de leur application. Il ne faut cependant pas oublier que des cas d'abus de ce genre sont d'autant plus rares que le nombre des unités donnant droit à la contribution est plus élevé.

2. Pas de relèvement des
taux de la contribution par unité de gros bétail Contrairement à l'avant-projet, qui prévoyait une solution intermédiaire entre une majoration du taux de la contribution et un relèvement du nombre des unités de gros bétail entrant en considération, le projet de loi

457

reprend les taux en vigueur. Si nous renonçons à les relever, c'est en pensant qu'on ne peut développer à volonté le système de la contribution. Toute nouvelle extension complique les problèmes inhérents à la répartition des zones et aggrave ainsi les difficultés d'application. La réglementation doit en outre tenir compte du fait que pour la montagne également, les mesures tendant à accroître la productivité occiipent la première place. Celles qui ont pour but l'amélioration directe du revenu paysan doivent compléter les premières, et non les remplacer. Enfin, l'extension de la contribution est aussi fonction de la dépense globale, qui est, par année, la suivante : E n millions de francs

a. Pour la réglementation en vigueur b. Pour la réglementation prévue par l'avant-projet . . .

c. Pour dix unités de gros bétail, compte tenu d'une majoration du taux de la contribution de 25% d. Pour dix unités de gros bétail, mais sans majoration du taux

19 31 à 34 (*) 36 à 41 ('·) 29 à 33 (!)

Selon notre projet, la contribution s'accroîtrait de plus de la moitié si la contribution était versée pour d'autres catégories d'animaux. Elle ne serait pas loin de doubler si les taux étaient encore relevés de 25 pour cent.

Une question se pose ici: notre projet n'aurait-il pas pour effet de désavantager les petites exploitations de la montagne ? Contrairement à une opinion largement répandue, celles-ci, ainsi que nous l'avons vu dans le chapitre traitant de la nécessité d'élargir la portée de la contribution, ne sont, dans l'ensemble, pas plus mal loties que les unités économiques de grandeur moyenne; c'est plutôt le contraire qui est vrai dans bien des cas. ÏÏ n'est donc pas juste de prétendre qu'elles seront désavantagées si la contribution actuelle est versée désormais pour les dix premières unités de gros bétail bovin. Il faut toutefois reconnaître que comparativement aux entreprises plus grandes qui gardent plus de cinq unités, les petites ne profitent pas de l'extension du système de la contribution dans la mesure où il s'agit du bétail bovin. En revanche, le paiement de la contribution pour d'autres catégories de bestiaux, question qui sera traitée dana le chapitre suivant, profiterait en premier lieu aux petites exploitations.

Nous tenons du reste pour probable que la plus grande partie des exploitations paysannes de la montagne, du type familial, gardent plus de cinq unités de gros bétail bovin. Nous ne disposons pas de données statistiques à ce sujet, mais nous pouvons nous faire une idée assez précise en nous fondant sur les chiffres du recensement des exploitations de 1955 relatifs à la répartition des exploitations d'après leur étendue, puisque, dans l'ensemble, on peut compter une unité de gros bétail par hectare de terre cultivable. En 1955, près de 28 pour cent des entreprises de la montagne de plus (') Y compris d'autres catégories d'animaux (cf. chapitre suivant).

458 de trois hectares (parmi les plus petites unités, les entreprises familiales exploitées à titre professionnel sont plutôt l'exception), rentraient dans la catégorie des entreprises de 3 à 5 hectares ; les exploitations de 5 à 10 hectares représentaient quelque 43 pour cent et celles de plus de 10 hectares, 29 pour cent.

On ne peut donc pas prétendre que leg petites exploitations de la montagne soient, à proprement parler, désavantagées. Nous tenons d'ailleurs à rappeler une fois de plus que pour ce qui est de la montagne également, nos efforts tendent avant tout à améliorer la situation des exploitations qui peuvent assurer l'existence d'une famille. L'élargissement du système de la contribution aux frais doit aussi en tenir compte dans une juste mesure.

. 3. Prise en considération d'autres catégories de bestiaux Pour régler le problème de l'élargissement de la contribution -- sur lequel nous reviendrons plus loin -- nous proposons une loi spéciale qui donnerait au système de la contribution, conformément à son but, le caractère d'une mesure indépendante, de portée générale, en faveur des paysans de la montagne. Il faut se demander par conséquent si la contribution doit aussi être allouée pour les chevaux et le menu bétail.

Lorsque les conditions de production sont défavorables, il est aussi difficile de garder d'autres catégories de bestiaux que du bétail bovin, de sorte qu'une extension du système de la contribution paraît fondée en principe.

C'est pourquoi notre projet de loi prévoit, à l'article premier, 3e alinéa, la possibilité d'allouer la contribution pour d'autres espèces encore. La loi ne doit cependant pas donner un caractère impératif à cette mesure, parce que différentes questions liées à son application appellent une étude approfondie.

Nous ignorons encore si l'inclusion d'autres catégories d'animaux n'entraînerait pas des difficultés particulières d'ordre administratif. Or cela est capital dans la question de l'élargissement du système. Contrairement à l'avantprojet, il y aurait lieu de mentionner dans la loi les catégories d'animaux qui entrent sérieusement en ligne de compte, soit les chevaux, les moutons, les chèvres et les porcs d'élevage. En allouant la contribution pour ces derniers, on tiendrait compte des postulats Tschanz et Locher, adoptés en 1962, qui proposent
le paiement annuel de primes de garde pour ces animaux.

4. Incidences financières du projet L'extension de la contribution aux dix premières unités de gros bétail bovin ferait monter de 7 à 9 millions de francs la dépense à la charge de la Confédération, laquelle dépense atteindrait ainsi 26 à 28 millions. Lo aurplua dû à l'inclusion d'autres catégories de bestiaux ne peut être estimé qu'approximativement, faute de données permettant une évaluation plus précise. Il

45&

pourrait être de 3 à 5 millions de francs. La dépense annuelle totale augmenterait ainsi de 10 à 14 millions et oscillerait entre 29 et 33 millions par année..

Elle serait couverte, comme jusqu'ici, par les ressources générales de la.

Confédération.

5. Questions particulières liées au droit à la contribution a. Condition de la garde de bovins Dans la procédure de consultation, on a proposé notamment que la.

contribution soit versée aux «détenteurs de bestiaux», et pas seulement aux «détenteurs de bétail bovin». Le principal argument qui plaide en faveur de l'extension de ce régime à tous les détenteurs de bestiaux est le souci de maintenir le paysan de la montagne attaché à sa terre, pour prévenir un.

dépeuplement excessif de cette région. Les considérations qui s'y opposent, portent en premier lieu sur la difficulté qu'il y a de l'appliquer. Le ternie^ «détenteur de bétail bovin», adopté dans le titre du projet et à l'article premier, fait de la garde de ce bétail une condition et permet ainsi de délimiter de façon claire et simple le droit à la contribution. Sans cette restriction, le nombre des ayants droit augmenterait considérablement et, de surcroît, il se produirait des cas limites où la question du droit serait plus difficile a trancher. L'application des mesures s'en trouverait notablement compliquéeUne autre raison nous dissuade aussi d'en étendre le bénéfice à tous les détenteurs de bestiaux: c'est que la contribution ne devrait être allouée, si possible, qu'aux exploitations qui gardent un minimum de têtes de bétail. Le but visé sera plus sûrement atteint si ce régime profite aux seules agriculteurs gardant des bovins que dans le cas où il s'appliquerait aussi à ceux qui.

gardent une ou deux pièces de menu bétail, mais pas de bovins. Voilà pourquoi seuls les détenteurs de bétail bovin doivent recevoir la contribution.

Cette condition n'est toutefois pas suffisante. La réglementation actuelle permettrait déjà d'y satisfaire si l'exploitation comptait, au jour de référence, un unique veau à l'engrais. Nous tenons donc pour indispensable d& définir plus rigoureusement ce droit à la contribution et de ne l'accorder qu'aux seuls détenteurs de bétail bovin qui gardent au moins une unité de gros bétail de cette espèce. Notre projet de loi fait de cette restriction une condition de portée
générale, fixée à l'article premier, 2e alinéa.

6. Exclusion des établissements publics Faut-il exclure du droit à la contribution les établissements publics et même, le cas échéant, les collectivités de droit privé ? L'étude de cette question, qui a été soulevée dans la commission consultative, a révélé que pareille mesure appliquée aux établissements publics ne paraît pas toujours fondée, car plusieurs d'entre eux oeuvrent dans l'intérêt d'une agriculture productive (exploitations d'écoles, détenteurs de taureaux d'élevage, etc.). Il ne serait

460

guère possible de distinguer de façon satisfaisante ceux qui peuvent être mis au bénéfice de la contribution de ceux qui n'entrent pas en ligne de compte.

Nous ne saurions donc recommander une pareille restriction. Du point de vue matériel, elle ne présenterait d'ailleurs guère d'intérêt. Une enquête a montré, en effet, que sur les 58 000 à 59 000 bénéficiaires qui se sont partagé 19,3 millions de francs en 1963, 50 à 60 seulement étaient des collectivités de droit public, qui ont touché quelque 16 000 francs en tout; sur cette somme, une dizaine de milliers de francs reviennent uniquement à des communes.

6. Contribution aux frais et encouragement de l'agriculture, de la montagne L'extension considérable du système de la contribution allouée aux détenteurs de bétail bovin de la montagne a incité des membres de la commission consultative à se demander où cette voie conduira et si, en fin de compte, le développement de l'aide directe accordée aux paysans de la montagne n'aura pas pour effet de leur permettre de vivre principalement de subventions fédérales.

Pour répondre à cette objection, il convient de rappeler d'abord l'origine de la mesure. Bile a été instituée en 1959, en lieu et place d'une exonération des paysans des zones de montagne II et III de toute participation aux pertes résultant de la mise en valeur des produits laitiers. On l'adopta pour la bonne raison qu'en cas d'exonération, les détenteurs de bétail bovin qui ne livrent que peu ou même pas de lait ne trouveraient pas leur compte et qu'ils seraient tentés d'augmenter leurs livraisons, ce qu'on voulait précisément éviter. Bien que ces considérations soient toujours valables, la raison principale qui justifie l'extension du système de la contribution réside dans les faibles possibilités de gain des paysans de la montagne. Ici également, le souci prédominant est de relever ce revenu en améliorant les conditions de production. Mais les entreprises paysannes de la montagne se prêtent beaucoup moins bien que celles de la plaine à une telle réforme. Elles sont à tel point désavantagées par des facteurs naturels sur lesquels on n'a en général aucune prise (climat, déclivité du sol, etc.), et les revenus marquent de ce fait un écart si considérable qu'on ne peut se passer d'intervenir directement par le moyen de mesures complémentaires. Le
système de la contribution aux frais est à cet égard un instrument utile et efficace.

7. Le problème de la zone intermédiaire Nous avons déjà relevé qu'on ne pouvait étendre indéfiniment la portée des mesures prises en faveur de l'agriculture de la montagne, ni en particulier majorer de même la contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin. Plus cette contribution est élevée et plus les écarts sontgranda entre les exploitations de la plaine et celles de la montagne, comme aussi entre les

461

zones délimitées par le cadastre de la production animale, plus grand est le nombre des entreprises qui se sentent désavantagées par la délimitation de la région de montagne et leur appartenance a l'une ou l'autre des zones.

Le problème de la zone intermédiaire est étroitement lié à cet état de choses. Il faut entendre par «zone intermédiaire» la région contigue à celle de la montagne, une région qui est moins défavorable que la seconde à la production agricole, mais où les conditions de production sont plus difficiles que dans la plaine proprement dite. Depuis des années déjà, des requêtes émanant de cette région tendent à la création d'une véritable zone intermédiaire. Le développement donné aux mesures spéciales en faveur de la montagne ont encore stimulé ces demandes.

La création d'une zone intermédiaire n'aurait toutefois pas pour effet d'aplanir les difficultés, car le problème subsistera aussi longtemps qu'une région économique est subdivisée en vue de l'application de mesures d'ordre économique. Ce qui importe, c'est non pas qu'une nouvelle zone soit créée, mais que certaines mesures soient prises en faveur des zones intermédiaires désavantagées. Des mesures de ce genre sont déjà appliquées depuis longtemps, d'autres sont en préparation.

Dans le domaine des améliorations foncières, des subventions sont accordées en dehors de la région de montagne, là où la configuration du terrain et la nature du sol rendent l'exploitation difficile, pour des mesures qui, habituellement, ne donnent droit à des subventions qu'en montagne. De même, une série de mesures d'améliorations subventionnées à titre général donnent droit à des prestations des pouvoirs publics qui sont plus élevées quand les conditions d'exploitation sont plus difficiles que normalement.

La loi sur les crédits d'investissement dans l'agriculture et l'aide aux exploitations paysannes oÉfre également la possibilité de tenir compte spécialement des conditions d'exploitation difficiles en dehors de la région de montagne. A noter encore que depuis 1962, la prime de culture pour les céréales fourragères a été majorée en faveur des cultures pratiquées dans des terrains à forte pente. Nous étudions la possibilité de prendre des mesures semblables pour les céréales panifiables et les pommes de terre. Dans le domaine de l'économie animale,
il convient de rappeler que, certaines conditions étant remplies, les campagnes d'élimination en dehors de la région de montagne donnent droit à une subvention même si les vaches éliminées proviennent de la région d'élevage traditionnelle, contigue à la région de montagne. Signalons encore que des contributions sont versées en dehors de cette région aux engraisseurs de veaux qui ne mettent dans le commerce ni lait ni produits laitiers, et que depuis le milieu de 1962, des allocations pour enfants sont allouées non plus seulement aux paysans de la montagne, mais encore aux petits paysans de la plaine. Le droit à l'allocation s'éteignant dès que le revenu atteint une certaine limite, il semble que cette mesure doive profiter Feuille fédérale. 116e année. Vol. I.

30

462 en premier lieu aux petits paysans des régions intermédiaires, en raison des conditions d'exploitation difficiles.

Ces considérations montrent qu'il est tenu compte de diverses manières de la situation particulière des régions intermédiaires. Nous continuerons à vouer à ce problème l'attention nécessaire.

8. Remarques complémentaires quant au projet de loi Titre. -- La contribution aux frais ne peut être développée que par un acte législatif, conformément à l'article 32 de la constitution. La solution la plus judicieuse consiste à créer une loi instituant une contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin de la région de montagne, loi qui réglera dans son ensemble le problème de la contribution. Celle-ci et principalement l'ampleur qui lui est donnée à présent se justifiant en premier lieu par le caractère généralement défavorable des conditions de production, le lien direct qui rattachait ces mesures à l'économie laitière passe au second plan.

Il semble par conséquent logique de les retrancher de l'arrêté sur l'économie laitière, pour les consigner dans un acte législatif de portée générale et de durée illimitée. Notre proposition de les grouper dans le corps d'une loi a été, dans l'ensemble, bien accueillie par les organismes consultés.

Préambule et constitutionnalité. ·-- Notre projet de loi instituant une contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin de la région de montagne se fonde sur les articles Slbis, 3e alinéa, lettre b, 32 et 64&is de la constitution. L'article Slbis, en vertu duquel la contribution est déjà versée, autorise la Confédération, lorsque l'intérêt général le justifie, à édioter des dispositions pour conserver une forte population paysanne et une agriculture productive. L'octroi de la contribution aux frais est un moyen d'améliorer la situation financière des paysans de la montagne, qui auront ainsi moins de peine à rester fidèles à leur région, ce qui, d'une façon générale, est dans l'intérêt de la communauté. Les cantons et les groupements économiques ont été entendus, conformément à l'article 32 de la constitution. Les dispositions pénales sont fondées sur l'article 646is de la constitution.

Article premier, 4e alinéa. -- Aux termes des deux premiers alinéas, une exploitation ne peut toucher la contribution qu'une seule fois, même si elle implique
la participation de plusieurs personnes, père et fils par exemple.

Cette règle doit être maintenue. Appliquée dans le cas de la garde du bétail par un syndicat dans des étables communautaires, elle aurait cependant pour effet, par exemple dans un cas concret enregistré en Valais, que la contribution ne serait allouée que pour dix unités de gros bétail sur les 40 que compte l'étable communautaire appartenant à 19 membres du syndicat. Une telle restriction porterait une atteinte directe aux efforts de rationalisation. On doit donc se demander s'il y aurait lieu de prévoir, en pareils cas, un régime d'exception qui permettrait d'allouer la contribution à chacun des membres

463

du syndicat. Cette question doit encore être soumise à une étude approfondie. Il semble toutefois indiqué que la loi confère au Conseil fédéral la compétence d'instituer, au besoin, un régime de ce genre.

Article 3, 2e alinéa. -- La dépense résultant de la contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin était, au début, portée sur le compte laitier établi pour l'exercice allant du 1er novembre au 31 octobre; c'est donc cette période qui est-encore déterminante pour le paiement de cette contribution.

La nouvelle réglementation prévue étant reprise de l'arrêté sur l'économie laitière, il semble indiqué de verser désormais la contribution pour l'année civile, ce qui implique toutefois la nécessité d'abroger l'article 6 dudit arrêté avec effet au 1er novembre 1964.

Nous fondant sur ce qui précède, nous vous proposons d'adopter le projet de loi ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 2 mars 1964.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le, président de. la Confédération, L. von Moos 15092

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

464 (Projet)

LOI FÉDÉRALE instituant

une contribution aux frais des détenteurs de bétail bovin de la région de montagne

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu lea articles Slbis, 3e alinéa, lettre b, 32 et 646«s de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 2 mars 1964, arrête:

Article premier La Confédération, eu égard aux conditions de production défavorables, alloue une contribution annuelle aux détenteurs de bétail bovin des zones I, II et III du cadastre de la production animale.

2 Par unité de gros bétail, cette contribution est de 40 francs pour la zone I 80 francs pour la zone II 120 francs pour la zone III.

Elle est payée chaque année pour les dix premières unités de gros bétail de l'espèce bovine de l'exploitation, si celle-ci compte au moins une unité de gros bétail bovin.

3 Le Conseil fédéral peut allouer la contribution également pour les chevaux, les moutons, les chèvres et les porcs d'élevage. La condition en est que leurs détenteurs aient déjà droit à la contribution au titre de possesseurs de bétail bovin au sens du 2e alinéa ; dans ce cas, la contribution ne doit pas être versée, en tout, pour plus de dix unités de gros bétail par exploitation.

4 Dans des cas spéciaux tels que la stabulation en commun, le Conseil fédéral peut régler le droit à la contribution par des dispositions spéciales.

6 Les dépenses sont couvertes par les ressources générales de la Confédération.

1

465

Art. 2 Celui qui, dans une demande de contribution, donne intentionnellement des indications fausses ou fallacieuses sera puni des arrêts ou d'une amende de mille francs au plus, s'il ne s'agit pas d'une infraction plus grave.

2 Si le contrevenant a agi par négligence, il sera passible d'une amende de trois cents francs au plus.

3 Au demeurant, les articles 105, 113, 115 et 116 de la loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951 ( l ) sont applicables.

1

Art. 3 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1965.

2 L'article 6 de l'arrêté fédéral du 4 octobre 1962 (a) sur les mesures complémentaires d'ordre économique et financier applicables à l'économie laitière est abrogé avec effet rétroactif au 1er novembre 1964. H continue à s'appliquer aux faits qui se sont produits durant sa validité.

1

Art. 4 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution. Il peut faire appel à la collaboration des cantons et des groupements économiques, et les indemniser.

t1) RO 1953, 1095.

(>) HO 1962, 1178.

16093

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la participation aux frais de transport pour les régions de montagne et l'extension de la contribution allouée aux détenteurs de bétail bovin de ladite région (Du 2 mars 1964)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1964

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

10

Cahier Numero Geschäftsnummer

8945

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

13.03.1964

Date Data Seite

445-465

Page Pagina Ref. No

10 097 277

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.