16.452 Initiative parlementaire Développement de la production d'électricité d'origine hydraulique. Revoir la situation de référence des études d'impact Rapport de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national du 30 avril 2019

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet ci-joint.

30 avril 2019

Pour la commission: Le président, Roger Nordmann

2019-2258

5361

Condensé Tout projet de renouvellement de la concession hydraulique d'une centrale d'accumulation ou d'une centrale au fil de l'eau dont la puissance installée est supérieure à 3 MW doit être soumis à une évaluation de sa compatibilité environnementale au moyen d'une étude de l'impact sur l'environnement (EIE). Dans la pratique, on a constaté certaines incertitudes quant à la signification de l'«état initial» visé à l'art. 10b, al. 2, let. a, LPE. L'initiative parlementaire demande que la notion d'état initial soit clairement définie et corresponde à l'état prévalant au moment du dépôt de la demande (état actuel). La définition de l'état initial en tant qu'état actuel a pour conséquence que cet état servira de base aux contrôles requis lors de l'élaboration d'un rapport d'impact sur l'environnement en relation avec une procédure visant à octroyer une concession pour la première fois comme lors du renouvellement d'une concession. Parallèlement, cet état servira de référence pour déterminer si et dans quelle mesure il convient de prendre les mesures de reconstitution ou de remplacement visées à l'art. 18, al. 1ter, LPN. Cette réglementation permettra d'instaurer la sécurité juridique nécessaire.

5362

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Rapport 1

Historique

Le 16 juin 2016, le conseiller national Albert Rösti a déposé une initiative parlementaire intitulée «Développement de la production d'électricité d'origine hydraulique.

Revoir la situation de référence des études d'impact». Sa demande visait à adapter la législation de manière à ce que les études d''impact sur l'environnement requises pour le renouvellement ou la modification de concessions hydrauliques se fondent non pas sur l'état qui prévalait avant la mise en place des centrales, dont la concession remonte souvent à plusieurs décennies, mais sur l'état tel qu'il se présente au moment du renouvellement ou de la modification de concession demandés.

Le 26 septembre 2013, M. Rösti avait déjà déposé la motion 13.3883 «Faire en sorte que les études d'impact sur l'environnement ne compromettent pas le développement de l'énergie hydraulique nécessaire à la production et au stockage de l'électricité». Celle-ci avait été classée le 25 septembre 2015, car le conseil n'avait pas achevé son examen dans un délai de deux ans. Ces interventions parlementaires ont été motivées par les questions récurrentes relatives à la définition de l'état initial lors du renouvellement de concessions hydrauliques.

Le 27 juin 2017, dans le cadre de la procédure d'examen préalable (art. 109, al. 2, de la loi sur le Parlement; LParl1), la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-N) a décidé, par 15 voix contre 7 et 3 abstention, de donner suite à l'initiative. Le 18 août 2017, son homologue du Conseil des États s'est ralliée à cette décision par 5 voix contre 4. La CEATE-N a ensuite élaboré un avant-projet. Le 9 octobre 2018, elle a approuvé l'avant-projet par 17 voix contre 7 et 1 abstention et l'a envoyé en consultation.

Le 30 avril 2019, la commission a pris acte des résultats de la consultation. Après avoir examiné les avis d'un oeil critique, la majorité de la commission a constaté que l'avant-projet avait recueilli le soutien requis auprès des participants à la consultation. La proposition de minorité contenue dans l'avant-projet a toutefois été rejetée par une majorité des membres de la commission. Une partie de la commission est restée convaincue de la nécessité d'une telle disposition et a proposé de compléter l'art. 58a, al. 5, sur la base d'une
proposition issue de la consultation. Ainsi, les conditions qui doivent être remplies pour que des mesures en faveur de la nature et du paysage soient prises ont été redéfinies, et l'ampleur de ces mesures ainsi que le périmètre dédié à leur réalisation ont été limités. Cette proposition complémentaire a été rejetée par 12 voix contre 11 et 1 abstention et déposée comme nouvelle proposition de minorité. Finalement, la commission a adopté le projet par 14 voix contre 9 et 1 abstention.

1

RS 171.10

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Lors de l'élaboration du projet, la commission a bénéficié du soutien de l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) et de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), tous deux rattachés au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

2

Cadre juridique et pratique actuelle

2.1

Droit de concession

La loi sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH)2 régit tant la procédure d'octroi initial d'une concession (octroi d'une nouvelle concession) que celle du renouvellement d'un droit d'utilisation de l'eau existant (renouvellement d'une concession; cf.

à ce propos notamment l'art. 58a LFH).

S'agissant du renouvellement d'une concession, il convient de faire la distinction entre les cas suivants: ­

renouvellement de la concession sans modification ni de la structure ni de l'exploitation (poursuite de l'exploitation sans changement);

­

renouvellement de la concession sans modification de la structure mais avec modification de l'exploitation;

­

renouvellement de la concession avec modification de la structure mais sans modification de l'exploitation;

­

renouvellement de la concession avec modification de la structure et de l'exploitation.

Dans la pratique, on reconnaît en outre l'avenant à la concession qui permet d'étendre dans une mesure limitée un droit d'utilisation de l'eau déjà octroyé pendant la durée de validité de la concession, sans qu'il ne soit nécessaire de renouveler la concession pour l'ensemble de l'installation3.

Par le fait de la concession, le concessionnaire acquiert dans les limites de l'acte de concession le droit d'utiliser à titre exclusif le cours d'eau pour une période donnée (art. 43, al. 1, LFH). En vertu de l'art. 58 LFH, la durée d'une concession est de 80 ans au plus. Passé cette échéance, le droit d'utilisation du concessionnaire s'éteint. Limiter dans le temps le droit d'utilisation permet à la collectivité titulaire du droit de disposer des eaux de se prononcer à nouveau sur son utilisation au plus tard après 80 ans. Elle peut ainsi soit octroyer à nouveau le droit d'utilisation de l'eau au concessionnaire qui le détenait jusqu'alors, l'octroyer à un tiers, exploiter elle-même la force hydraulique ou renoncer à l'exploitation du cours d'eau. Le concessionnaire jusqu'alors titulaire de la concession ne dispose pas d'un droit à son renouvellement. A l'inverse, il n'existe pas non plus de droit à ce que l'autorité concédante n'octroie pas la concession à nouveau.

2 3

RS 721.80 Cf. postulat 12.3223 (CN Guhl) «Améliorer l'efficacité des centrales hydrauliques sans obligation de renouvellement de la concession».

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Un nouveau rapport de droit naît du renouvellement de la concession. Les conditions du droit d'utilisation doivent être renégociées et redéfinies. Il convient alors de veiller au respect des dispositions légales en vigueur (en particulier ici de la LFH et de la législation relative à la protection de l'environnement). La notion de renouvellement d'une concession est indépendante de la personne du concessionnaire. Lors du renouvellement de la concession, le droit d'utilisation peut être octroyé au même concessionnaire ou à une autre personne.

Le renouvellement de la concession n'équivaut pas à la construction d'une nouvelle installation qui, outre une concession, requiert également un permis de construire.

Les centrales hydroélectriques existantes au moment du renouvellement de la concession disposent déjà d'un permis de construire en vigueur; il n'est pas nécessaire d'en demander un nouveau, hormis pour la construction de nouvelles parties d'installation.

2.2

Cadre en vigueur en matière de droit de l'environnement

2.2.1

Principes relatifs à l'étude d'impact sur l'environnement

Avant de prendre une décision sur la planification, la construction ou la modification d'installations susceptibles d'entraîner des atteintes importantes à l'environnement, l'autorité examine le plus tôt possible leur compatibilité avec les dispositions en matière d'environnement (art. 10a, al. 1, de la loi fédérale sur la protection de l'environnement LPE)4. Dans le cadre de l'octroi d'une nouvelle concession, soit d'une première concession, les centrales à accumulation, au fil de l'eau ou à pompage-turbinage d'une puissance installée supérieure à 3 MW sont soumises à une étude d'impact sur l'environnement (EIE; art. 1, en relation avec le ch. 21.3 de l'annexe de l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement, OEIE 5).

Selon une pratique établie, une EIE est également menée pour le renouvellement des concessions des centrales hydroélectriques d'une puissance installée supérieure à 3 MW.

L'EIE est effectuée sur la base d'un rapport d'impact sur l'environnement (RIE) et se déroule dans le cadre de la procédure au fond. Les centrales électriques implantées sur des cours d'eau internationaux font l'objet d'une procédure de concession et d'approbation des plans coordonnée menée en une étape par la Confédération (art. 62 ss LFH). Les centrales électriques implantées sur les autres cours d'eau sont soumises à une procédure en une ou deux étapes, en fonction des dispositions cantonales (art. 60 et 61 LFH, annexe OEIE, type d'installation, ch. 21.3). S'il est prévu dans le droit cantonal que l'EIE doit être effectuée par étapes, chacune de celles-ci doit permettre à l'autorité compétente d'obtenir toutes les informations dont elle a besoin pour pouvoir se prononcer au terme de la procédure en question (art. 6 OEIE).

4 5

RS 814.01 RS 814.011

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Le RIE contient toutes les informations nécessaires à l'appréciation du projet selon les dispositions sur la protection de l'environnement, notamment celles portant sur l'état initial (art. 10b, al. 2, let. a, LPE). L'état initial désigne généralement l'état de l'environnement avant qu'il n'ait été influencé par le projet, avec ses caractéristiques naturelles propres au site avant la construction de l'installation et ses nuisances préexistantes. L'impact environnemental de l'installation est déterminé en comparant l'état antérieur à sa construction et celui après sa construction. Les mesures de protection de l'environnement sont planifiées sur cette base.

L'élaboration d'un RIE en vue d'un renouvellement de concession est aussi pertinente s'il n'est pas prévu de modifier l'installation, puisqu'il convient de toute manière de vérifier le respect des dispositions en vigueur de la LFH et de la législation relative à la protection de l'environnement dans le cadre de la procédure de renouvellement de la concession. L'enquête préliminaire peut être soumise au titre de RIE lorsqu'elle a démontré et exposé tous les effets du projet sur l'environnement ainsi que les mesures de protection nécessaires (art. 8a, al. 1, OEIE). Cette règle peut aussi s'appliquer aux cas simples de renouvellement de concessions de centrales hydroélectriques, permettant ainsi d'alléger la procédure.

2.2.2

Commentaires relatifs au droit de l'environnement

Outre les mesures de protection à prendre durant la phase de construction et d'exploitation (p. ex. protection contre le bruit et le rayonnement non ionisant), la protection de l'environnement comprend notamment les mesures d'assainissement, de reconstitution et de remplacement visées dans la loi sur la protection des eaux (LEaux)6, la loi sur la pêche (LFSP)7, et la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Tandis que l'assainissement des biotopes aquatiques est régi par la LEaux et la LFSP, l'art. 18, al. 1bis et 1ter, LPN prescrit le remplacement adéquat des biotopes terrestres ou semi-terrestres dignes de protection ayant subi des atteintes (mesures de compensation).

2.2.2.1

Art. 18, al. 1ter, LPN

L'art. 18, al. 1bis, LPN énonce qu'il y a lieu de protéger tout particulièrement les rives, les roselières et les marais, les associations végétales forestières rares, les haies, les bosquets, les pelouses sèches et autres milieux qui jouent un rôle dans l'équilibre naturel ou présentent des conditions particulièrement favorables pour les biocénoses. En vertu de l'art. 14, al. 3, de l'ordonnance sur la protection de la nature et du paysage (OPN)8, les biotopes dignes de protection sont déterminés sur la base de la liste des milieux naturels dignes de protection figurant à l'annexe 1, des espèces de la flore et de la faune protégées en vertu de l'art. 20 OPN, des poissons et écrevisses menacés conformément à la législation sur la pêche, des espèces végé6 7 8

RS 814.20 RS 923.0 RS 451.1

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tales et animales rares et menacées énumérées dans les listes rouges ainsi que sur la base d'autres critères, tels que les exigences en matière de migration des espèces et de connectivité des habitats.

Si, tous intérêts pris en compte, il est impossible d'éviter des atteintes d'ordre technique aux biotopes dignes de protection, l'auteur de l'atteinte doit veiller à prendre des mesures particulières pour en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat (art. 18, al. 1ter, LPN).

En principe, l'obligation de protection, de reconstitution ou de remplacement prévue à l'art. 18, al. 1ter, LPN concerne tous les biotopes dignes de protection visés à l'al. 1bis du même article, soit les biotopes aquatiques, semi-terrestres et terrestres dignes de protection qui remplissent les critères listés à l'art. 14, al. 3, OPN. Il convient ainsi de reconstituer ou de remplacer tous les biotopes dignes de protection ayant subi des atteintes lors de la construction de nouvelles installations ou de parties d'installations. À cet effet toutefois, seuls les espaces aquatiques dignes de protection tels que les frayères importantes devront être reconstitués ou remplacés, et non l'intégralité du corps du cours d'eau.

2.2.2.2

Obligation de remplacement des objets d'importance nationale visés à l'art. 5 LPN et des biotopes d'importance nationale visés à l'art. 18a LPN

Outre les biotopes dignes de protection, la LPN définit d'autres biens à protéger, dont les inventaires fédéraux d'objets d'importance nationale (art. 5 LPN).

Il s'agit notamment de l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (OIFP)9, de l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger (OISOS)10 et de l'inventaire fédéral des voies de communication historiques de la Suisse (OIVS)11.

Les objets figurant dans ces inventaires doivent être conservés intacts ou en tout cas être ménagés le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates. La règle suivant laquelle ces objets doivent être conservés intacts ne souffre d'exception que si des intérêts équivalents ou supérieurs, d'importance nationale également, s'opposent à cette conservation (art. 6, al. 2, LPN).

Les biotopes d'importance nationale visés à l'art. 18a LPN comprennent les zones alluviales, les sites de reproduction des batraciens ainsi que les pâturages et prairies secs. L'obligation de remplacer les biotopes d'importance nationale (art. 18a LPN), pour autant qu'un remplacement soit possible, est inscrite explicitement dans les ordonnances correspondantes (cf. notamment l'art. 4, al. 2, de l'ordonnance sur les zones alluviales12).

9 10 11 12

RS 451.11 RS 451.12 RS 451.13 RS 451.31

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Dans la pratique actuelle, les mesures de compensation à prendre pour les objets d'importance nationale visés à l'art. 5 LPN et pour les biotopes visés à l'art. 18a LPN sont toujours définies par rapport à l'état actuel. Le projet ne prévoit pas d'y changer quoi que ce soit.

2.2.2.3

LEaux et LFSP

Dans le champ d'application de la LEaux et de la LFSP, il convient également de vérifier le respect du droit en vigueur au moment du renouvellement d'une concession. La LEaux prévoit notamment que les débits résiduels requis doivent être restitués et les impacts négatifs des éclusées éliminés, si cela n'a pas déjà été fait. En outre, le concessionnaire doit veiller au rétablissement du régime de charriage. La LFSP impose, pour les installations existantes, de prendre des mesures propres à créer des conditions de vie favorables à la faune aquatique, à assurer la libre migration du poisson et à favoriser sa reproduction naturelle. Le concessionnaire doit également déployer des mesures de protection des poissons. Les exigences de la LEaux et de la LFSP en matière d'assainissement doivent être remplies, même si cela ne coïncide pas dans le temps avec une procédure de renouvellement de concession13. Contrairement à ce qui prévaut dans le domaine de la LPN, la détermination de l'état initial dans le champ d'application de la LEaux et de la LFSP n'a jamais soulevé de questions.

2.3

Pratique actuelle

S'agissant de nouvelles installations, l'état initial selon l'art. 10b, al. 2, let. a, LPE correspond à l'état actuel, soit à l'état avant la construction de l'installation. Dans la pratique, l'état initial pris en compte lors du renouvellement d'une concession pour ce qui a trait aux biotopes dignes de protection est celui qui prévaudrait si la concession précédente n'avait jamais été octroyée et que l'installation n'avait jamais été construite. D'un point de vue juridique, cette pratique découle du fait qu'il n'y a pas de droit au renouvellement d'une concession.

Certains biotopes qui seraient aujourd'hui considérés comme dignes de protection au sens de la LPN actuellement en vigueur ont fait l'objet d'atteintes à l'époque de la construction puis de l'exploitation d'une installation. Pour déterminer les mesures de compensation visées à l'art. 18, al. 1ter, LPN, l'OFEV et les services cantonaux de l'environnement ont considéré, en se fondant sur un arrêt du Tribunal fédéral concernant le lac de Lungern14, que l'état initial était l'état naturel avant la construction de l'installation et que des mesures de compensation devaient être prises en raison du fait que les atteintes engendrées par l'installation se poursuivraient durant la nouvelle concession, soit pour une durée de 80 ans au plus. En conséquence, l'OFEV a décrit dans son manuel EIE de 2009 l'état initial à considérer lors du renouvellement d'une concession comme étant celui qui prévaudrait si la concession 13 14

Voir à ce propos les exigences formulées à l'art. 83a LEaux.

Arrêt du Tribunal fédéral 1A.59/1995 du 28 avril 2000.

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précédente n'avait jamais été octroyée et que l'installation n'avait jamais été construite.

Pour les cas de renouvellement d'une concession sans nouvel impact sur l'environnement, des mesures de compensation ont dès lors aussi été exigées pour compenser le maintien des atteintes subies par les biotopes terrestres et semiterrestres proches des cours d'eau visés à l'art. 18, al. 1bis, LPN. Pour ce faire, il convenait de déterminer la différence entre l'état qui aurait prévalut si la concession précédente n'avait jamais été octroyée et que l'installation n'avait jamais été construite, et celui au moment du renouvellement de la concession. Il s'agissait cependant uniquement de pallier les atteintes causées par l'installation aux biotopes dignes de protection et non celles causées par des tiers, comme les dommages causés par des mesures de protection contre les crues. La pratique antérieure contraignait déjà les autorités à fixer les mesures de compensation en tenant compte du principe de proportionnalité. Bien qu'il n'ait pas toujours été aisé d'estimer l'état qui prévalait avant la construction d'une centrale électrique existante, des solutions pertinentes ont en pratique toujours pu être trouvées.

Suite à des demandes concernant l'état initial déterminant déposées en prévision du renouvellement de concessions à venir, à savoir pour la centrale hydroélectrique frontalière de Reckingen et celle de l'Etzel exploitée par les CFF (sur le lac de Sihl) et suite à une vive controverse concernant le bien-fondé de la pratique des autorités, l'OFEV a mandaté M. Peter Keller, docteur en droit, au printemps 2015 pour se pencher de plus près sur les notions d'état initial et d'état de référence dans le cadre de l'étude d'impact sur l'environnement des centrales hydroélectriques.

Achevée au printemps 2016, l'expertise15 a conclu que l'état initial découlait avant tout de ce qu'il advient des éléments construits de l'installation au terme de la concession. Les concessions de droits d'eau et les lois cantonales sur le droit des eaux sont déterminantes pour répondre à cette question.

L'OFEN n'a pas adhéré à cette argumentation juridique portant sur l'état initial déterminant en cas de renouvellement d'une concession. L'OFEV n'était pas non plus satisfait du résultat de l'expertise, puisqu'ainsi l'état initial
déterminant varierait d'un canton à l'autre.

Dans une déclaration commune de 2016 annexée à l'expertise Keller, les deux offices ont par conséquent notamment recommandé de considérer à l'avenir, lors du renouvellement d'une concession, l'état actuel pour déterminer les mesures de compensation visées à l'art. 18, al. 1ter, LPN. En outre, il est conseillé d'évaluer l'adéquation de ces mesures en tenant compte du potentiel écologique de la zone concernée par la centrale hydroélectrique pour le choix du type de mesures écologiques à prendre. Enfin, les marges de manoeuvre disponibles dans le cadre de l'évaluation, de l'appréciation et de la négociation doivent être utilisées de manière optimale afin de trouver au cas par cas des solutions pertinentes et proportionnées.

15

www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/eie/droit/avis.html

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2.4

Aperçu des mesures de compensation et de revalorisation prévues pour les différents types de concessions

2.4.1

Généralités

Considérer l'état initial comme étant celui qui prévaut lors du dépôt de la demande (état actuel) afin de déterminer les mesures de compensation selon l'art. 18, al. 1ter, LPN revient à modifier la pratique actuelle. Les mesures prévues par la LEaux et la LFSP découlent de dispositions légales claires et ne sont pas concernées par le projet de modification de la LFH. Ainsi, les considérations ci-après portent avant tout sur le remplacement et la revalorisation des biotopes terrestres (p. ex. les prairies sèches riches en espèces) et semi-terrestres (p. ex. les roselières) dignes de protection.

2.4.2

Nouvelles concessions

S'agissant de la construction d'une nouvelle installation, l'état initial est l'état actuel. S'il est impossible d'éviter une atteinte à des biotopes dignes de protection au sens de l'art. 18, al. 1bis, LPN lors de la construction d'une installation (meilleure protection possible), il convient en premier lieu de reconstituer ces biotopes ou, à défaut, de les remplacer de manière adéquate (art. 18, al. 1ter, LPN).

La reconstitution et le remplacement sont réputés écologiquement équivalents ou adéquats s'ils permettent de restaurer l'état antérieur à l'atteinte, de rendre le biotope disponible à temps et d'assurer son maintien à long terme. Le caractère adéquat implique toutefois aussi que la charge (économique) pour les personnes soumises à l'obligation de remplacement réponde au principe de proportionnalité.

2.4.3

Avenant à la concession

L'avenant à la concession est une modification d'une concession en cours permettant un changement limité de l'utilisation de la force hydraulique. En principe, l'avenant à la concession ne prolonge pas la durée initiale de la concession. Si la modification de l'utilisation entraîne une nouvelle atteinte à des biotopes dignes de protection, ceux-ci doivent être reconstitués ou remplacés de manière adéquate conformément à l'art. 18, al. 1ter, LPN. L'état initial est l'état actuel. Dans le cadre de l'avenant à la concession, seules les nouvelles atteintes sont compensées.

D'autres mesures éventuelles ne peuvent être étudiées avant le renouvellement de la concession. Ainsi, pour autant que l'avenant à la concession n'entraine pas de nouvelles atteintes au sens de l'art. 18, al. 1ter, LPN, le concessionnaire n'est tenu à aucune compensation selon la LPN.

5370

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2.4.4

Renouvellements de concessions sans modification de la structure ou de l'exploitation (poursuite de l'exploitation sans modification)

Pour les renouvellements de concessions sans nouveaux impacts sur l'environnement, la pratique actuelle exige, en principe, une compensation entre l'état qui prévaudrait si la concession précédente n'avait jamais été octroyée et l'installation jamais construite et l'état au moment du renouvellement de la concession.

2.4.5

Renouvellements de concessions avec modification de la structure et/ou de l'exploitation

Pour les renouvellements de concessions ­ indépendamment du fait qu'elles causent ou non de nouvelles atteintes à des biotopes terrestres dignes de protection ­, la pratique actuelle exige, en principe, une compensation entre l'état naturel avant la construction de l'installation hydroélectrique et l'état après le renouvellement de la concession.

2.5

Consultation

Quelque 125 organisations, cantons, associations actives dans le domaine de l'énergie, de protection de la nature et de l'environnement ainsi que d'autres milieux intéressés ont été invités à se prononcer sur l'avant-projet de la commission. Le projet a suscité un vif intérêt. Tous les cantons ont pris position, et 99 avis ont été transmis au total.

Deux tiers des participants ­ à savoir quinze cantons et l'ensemble des participants issus de la branche de l'électricité ­ se sont déclarés favorables à l'objectif de l'initiative, à savoir définir l'état initial comme l'état existant au moment du dépôt de la demande de renouvellement de la concession. Les partisans du projet ont notamment souligné que la pratique actuelle n'était pas satisfaisante et qu'il était dès lors nécessaire de définir une réglementation légale se fondant sur l'état actuel. Ils considèrent que la réglementation proposée permettrait de garantir une certaine sécurité, tant sur le plan juridique qu'au niveau de la planification, et, partant, qu'une telle solution serait judicieuse. Certains participants sont d'avis que la réglementation en vigueur désavantage les installations de production d'électricité d'origine hydraulique par rapport à d'autres infrastructures. Selon eux, la modification prévue permettrait de mettre un terme à ce traitement défavorable.

Près d'un tiers des participants, dont cinq cantons et l'ensemble des organisations de protection du paysage et de l'environnement, s'opposent au projet. Certains d'entre eux estiment qu'il va à l'encontre de l'exigence constitutionnelle de conservation des biotopes et des espèces végétales dignes de protection et qu'il viole le principe de causalité. Ils déplorent également le fait que des atteintes à l'environnement qui étaient auparavant ­ à savoir avant l'entrée en vigueur des dispositions visées à l'art. 18, al. 1ter, LPN ­ autorisées pour une période limitée pourraient devenir per5371

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manentes, puisqu'il ne serait plus possible d'ordonner des mesures de revalorisation.

Ils soulignent les besoins importants en matière de conservation et de revalorisation des milieux naturels ayant subi une altération. À leurs yeux, la pratique actuelle a fait ses preuves et des solutions appropriées et économiquement durables ont toujours pu être trouvées par le passé. D'autres participants s'opposant à l'avant-projet estiment que la modification proposée porterait atteinte à la souveraineté des cantons sur leurs eaux telle que prévue par la Constitution. Certains participants approuvent la réglementation visée à l'art. 58a, al. 5, sous réserve que l'al. 6 soit également intégré au projet.

La proposition de minorité relative à l'al. 6 est rejetée par les trois quarts des participants. Nombre d'entre eux déplorent, contrairement à la disposition visée à l'al. 5, le manque de clarté dans la formulation, l'utilisation de termes juridiques non définis et l'insécurité juridique qui en en résulte. Il est impossible d'évaluer les effets de la réglementation en question et, partant, de tenir compte de sa viabilité économique.

D'autres participants, en particulier les organisations de protection de la nature et de l'environnement, sont certes d'avis que les dispositions visées à l'al. 6 apportent une amélioration qualitative par rapport à la réglementation visée à l'al. 5, mais ils estiment cependant que, globalement, le projet péjore la situation par rapport à la pratique actuelle.

Après examen des avis, la majorité de la commission constate que l'objectif de l'initiative, qui vise à définir clairement l'état initial à prendre en considération lors du renouvellement d'une concession comme l'état actuel tel qu'il se présente au moment du dépôt de la demande de renouvellement, a recueilli le soutien nécessaire. L'objectif visé par la minorité, qui figure à l'al. 6 de l'avant-projet, a été légèrement modifié sur la base des avis transmis lors de la consultation et intégré à l'al. 5.

3

Grandes lignes du projet

3.1

Nouvelle réglementation demandée

La pratique actuelle a démontré que la notion d'état initial selon l'art. 10b, al. 2, let. a, LPE est sujette à controverse. L'initiative parlementaire motive comme suit la réglementation qu'elle demande: Les avis divergent aujourd'hui sur l'état initial ou l'état de référence à prendre en compte pour l'étude de l'impact sur l'environnement (EIE) et pour la détermination de l'ampleur des mesures compensant les atteintes au milieu naturel. La législation actuelle ne tranche pas la question. Les seuls éléments concrets dont on dispose sont ceux définis dans le Manuel EIE de l'Office fédéral de l'environnement. Ce manuel indique, sans plus d'explications, qu'«en matière de force hydraulique (...), où le droit d'exiger le renouvellement de la concession n'existe pas, l'état initial est l'état qui existerait si l'ancienne concession n'avait jamais été octroyée et si l'installation

5372

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n'avait jamais été construite»16. Cette pratique a des conséquences majeures sur l'exploitation de la force hydraulique. S'il faut, dans le cadre d'un renouvellement ou d'une modification importante d'une concession, prendre des mesures de compensation adéquates non seulement pour les atteintes aux espaces naturels dignes d'être protégés causées par la nouvelle installation, mais aussi pour celles occasionnées lors de la mise en place de l'installation initiale, le surcoût sera énorme et augmentera considérablement les coûts de production de l'électricité d'origine hydraulique.

Il est en outre pratiquement impossible de déterminer l'état initial tel qu'il se présentait avant la construction des centrales hydrauliques, dont la plupart datent de plusieurs décennies, ce qui crée des divergences d'interprétation et allonge considérablement les procédures. Pour ne pas freiner inutilement le développement de la production d'électricité d'origine hydraulique voulu par le Conseil fédéral, il serait judicieux et cohérent qu'à l'avenir l'état initial pris en compte pour les études d'impact soit l'état actuel, tel qu'il se présente au moment du renouvellement ou de la modification de concession demandés.

L'initiative parlementaire demande ainsi que les bases légales soient adaptées de manière à ce qu'en cas de renouvellements de concessions ou de modifications de concessions hydrauliques, l'état initial corresponde à l'état au moment où la demande a été déposée (état actuel).

L'art. 58a LFH traite déjà sous le titre marginal «Renouvellement de la concession» de certaines conditions à respecter lorsque l'on octroie une nouvelle fois un droit d'utilisation de l'eau (renouvellement de concession). Il semble évident de régler au même endroit un autre critère à prendre en compte dans ce contexte. Compléter l'art. 58a LFH par un nouvel al. 5 définissant l'état initial permettrait de limiter à l'essentiel la réglementation.

3.2

Motivation et évaluation de la nouvelle réglementation

Le présent projet propose de compléter l'art. 58a LFH par un al. 5 qui aurait la teneur suivante: L'état initial au sens de l'art. 10b, al. 2, let. a, de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement17 à prendre en considération pour définir des mesures de protection, de reconstitution et de remplacement selon la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN) est l'état existant au moment du dépôt de la demande.

Lors de la construction d'une centrale hydroélectrique et de l'octroi de la première concession y afférente tout comme pour le renouvellement d'une concession, les autorités vérifient le respect des dispositions légales en vigueur notamment en ma16

Office fédéral de l'environnement 2009: Manuel EIE, Directive de la Confédération sur l'étude de l'impact sur l'environnement, L'environnement pratique no 0923, p. 120(module 5, p. 22).

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tière de protection de l'environnement. Dans ce cadre, il n'y a pas de différence entre un renouvellement de concession avec ou sans transformation ou agrandissement de l'installation. Il en va de même pour les modifications de concessions en cours requises par des transformations importantes, p. ex. l'expansion significative d'une centrale hydroélectrique existante. Du point de vue matériel du moins, ces cas s'apparentent à l'octroi d'une nouvelle concession et exigent donc un nouvel examen complet de toute l'installation, notamment pour ce qui a trait aux potentiels impacts sur l'environnement.

Définir l'état initial comme étant l'état qui prévaut au moment du dépôt de la demande de renouvellement de la concession (l'état actuel) clarifie cette notion. Cela est essentiel pour évaluer les biens à protéger dans le champ d'application de l'art. 18, al. 1ter, LPN. Dans les domaines des art. 5 et 18a LPN, de la LEaux et de la LFSP, les états déterminants font déjà l'unanimité et ne sont donc pas concernés par la nouvelle réglementation.

Fixer comme état initial l'état actuel implique que tant les études relatives à l'élaboration d'un RIE dans le cadre d'une procédure d'octroi d'une première concession que celles destinées à un renouvellement de concession doivent se baser sur cet état. Parallèlement, celui-ci sert de valeur de référence pour déterminer la nécessité de prendre des mesures de compensation visées à l'art. 18, al. 1ter, LPN et, le cas échéant, en définir la portée.

Si, dans le cadre d'un premier octroi de droits d'utilisation de l'eau, de nouvelles atteintes d'ordre technique sont portées à des biotopes dignes de protection visés à l'art. 18, al. 1bis, LPN, l'auteur des atteintes doit veiller à prendre des mesures particulières pour en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat, conformément à l'art. 18, al. 1ter, LPN.

Lorsqu'un renouvellement de concession entraîne des modifications de la structure ou de l'exploitation d'une installation avec de nouveaux impacts sur des biotopes dignes de protection qu'il convient de compenser, l'auteur des atteintes doit veiller à prendre des mesures équivalentes en ce sens.

En revanche, un renouvellement de concession qui n'entraîne aucune modification de la structure ou de l'exploitation ne
cause pas non plus de nouvelles atteintes à des biotopes dignes de protection. En conséquence, l'état avant et après le renouvellement de la concession est identique. Ainsi, et contrairement à la pratique actuelle, un renouvellement de concession sans nouvelles atteintes causées par la centrale électrique à des biotopes dignes de protection ne requiert pas de mesures de compensation visées à l'art. 18, al. 1ter, LPN puisqu'il ne creuse pas de nouvel écart. Il en va de même lorsque le droit d'utilisation de l'eau n'est pas octroyé au concessionnaire précédent mais à un tiers.

Pour ne pas freiner inutilement le développement de la production d'électricité hydraulique voulu par le Conseil fédéral, il serait judicieux et cohérent qu'à l'avenir l'état initial pris en compte pour les études d'impact soit l'état actuel.

5374

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3.3

Proposition de minorité: Art. 58a, al. 5, LFH (deuxième phrase)

3.3.1

Teneur de la demande

Une minorité a demandé d'ajouter une deuxième phrase à l'art. 58a, al. 5, dont la teneur est la suivante: L'état initial au sens de l'art. 10b, al. 2, let. a, de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement à prendre en considération pour définir des mesures de protection, de reconstitution et de remplacement selon la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN) est l'état existant au moment du dépôt de la demande. En pareils cas, des mesures en faveur de la nature et du paysage pour les biotopes affectés par l'installation hydraulique seront convenues ou ordonnées, dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné.

L'octroi d'une nouvelle concession ou le renouvellement d'une concession octroie au concessionnaire le droit d'utiliser pour plusieurs décennies l'installation et le bien commun que représente l'eau. Les partisans de la proposition de minorité exigent ainsi, dans ce type de cas, que, dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné, des mesures en faveur de la nature et du paysage soient convenues ou ordonnées, indépendamment du fait que l'octroi du droit d'utilisation de l'eau génère ou non de nouvelles atteintes à des biotopes dignes de protection. L'ampleur de ces mesures ne doit cependant pas être déterminée, comme actuellement, en fonction de la différence entre l'état avant la construction de l'installation et l'état actuel avec l'installation, mais sur la possibilité de prendre des mesures. Les mesures doivent réduire l'impact de la centrale hydroélectrique sur les biotopes naturels et reposer sur le potentiel écologique que présente actuellement la zone dans laquelle se trouve l'installation (périmètre de la concession et ses abords immédiats). Les mesures doivent être définies de manière consensuelle ou ordonnées en l'absence de consensus.

Par rapport à la situation actuelle, cela permettrait de limiter l'ampleur des mesures et le périmètre dédié à leur réalisation dans l'optique de décharger économiquement la centrale hydroélectrique. Le fait que l'ampleur des mesures convenues dans le cadre de la concession doit être réduite et que le concessionnaire doit avoir un droit de participation plus grand s'exprime aussi par le fait que des mesures proportionnées doivent être
tout d'abord convenues à l'amiable entre l'autorité concédante et le concessionnaire. En l'absence de consensus, cette même autorité serait toutefois libre d'ordonner, dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné, des mesures en faveur de la nature et du paysage.

En cas de nouvelles atteintes à des biotopes dignes de protection, il convient néanmoins de procéder à des mesures de protection, de reconstitution ou de remplacement, en application de l'art. 18, al. 1ter, LPN.

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3.3.2

Mesures sui generis

Les mesures de compensation prévues à l'art. 18, al. 1ter, LPN doivent compenser les atteintes aux biotopes dignes de protection de manière la plus équivalente possible tant qualitativement que quantitativement. Elles doivent être déployées dans la même région.

La réglementation demandée par la minorité concernant des mesures en faveur de la nature et du paysage selon l'art. 58a, al. 5, 2e phrase, LFH créerait une catégorie de mesures sui generis. Elle ne se rapporterait pas à l'art. 18, al. 1ter, LPN mais posséderait une portée propre. L'autorité concédante et le concessionnaire conviendraient de telles mesures dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné. Celles-ci devraient reposer sur le potentiel de revalorisation écologique de la zone de concession. Sans consensus à cet égard, l'autorité concédante serait libre d'ordonner des mesures.

3.3.3

Mesures possibles

Il est possible de déployer des mesures dans certains espaces disposant d'un potentiel de revalorisation écologique. Le potentiel écologique se mesure en déterminant quelles mesures sont nécessaires pour atteindre une situation proche de l'état naturel (revalorisation écologique).

Il convient de partir de l'hypothèse qu'il y a potentiellement plus de mesures à prendre dans des zones de concession actuellement fortement appauvries au plan écologique que dans des zones possédant déjà des étendues proches de l'état naturel qui ont pu être préservées et entretenues ces dernières décennies. Ces mesures ne doivent pas nécessairement produire un effet de remplacement identique à ce qu'exige l'art. 18, al. 1ter, LPN puisque le renouvellement de la concession ne cause pas de nouvelles atteintes. De surcroît, les mesures en faveur de la nature et du paysage ne doivent pas forcément épuiser le potentiel de revalorisation.

Par exemple, il serait possible de réaménager en zones riches en espèces des espaces non construits à la végétation relativement banale et ainsi rétablir la connectivité. À proximité des cours d'eau. Par ailleurs, une lisière de forêt peu structurée et monotone dans la zone d'une concession pourrait, une fois débroussaillée, être réensemencée et ainsi revalorisée sur le plan écologique. La revalorisation écologique peut aussi consister à aménager et entretenir les abords d'un cours d'eau de contournement de manière à lui conférer un état proche de l'état naturel.

3.3.4

Biotopes naturels affectés par l'installation

L'évaluation de l'impact sur les biotopes naturels de l'existence de l'installation doit reposer sur l'état prévalant au moment du dépôt de la demande. Il n'est dès lors pas nécessaire d'investiguer, comme la pratique le voulait jusqu'à présent, sur l'état initial et donc historique.

5376

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Seuls les biotopes et le potentiel écologique dans le périmètre de l'installation et ses abords immédiats doivent être pris en compte lors de l'évaluation.

Il convient donc de déterminer, dans le cadre de la demande, si le périmètre de l'installation et ses abords immédiats présentent des possibilités de revalorisation, où et comment des états indésirables peuvent être corrigés, et s'il est possible de développer des états plus proches de l'état naturel.

3.3.5

Consensus et droit de recours

Bien que les avis divergent quant à sa nature juridique, la concession pour l'utilisation de la force hydraulique est généralement traitée, dans le droit procédural, comme une décision nécessitant le concours de l'intéressé. En effet, elle contient tant des éléments caractéristiques de la décision que d'autres relevant du contrat (de droit public)18. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, cela vaut aussi lorsque la teneur de la concession ne découle pas directement de l'application des prescriptions légales déterminantes, mais peut être négociée par les parties concernées et que la concession comporte, par conséquent, aussi des éléments contractuels. Les dispositions de la concession qui relèvent de la décision sont celles fixées principalement dans la loi, qui règlent les obligations du concessionnaire et dont le respect revêt un intérêt public majeur. Les parties de la concession relevant du contrat sont celles pour lesquelles la base légale est moins précise, laissant ainsi une marge d'appréciation plus importante pour l'élaboration des rapports de concession au cas par cas19. L'autorité concédante et le concessionnaire peuvent convenir librement des éléments contractuels sous réserve du respect des dispositions impératives du droit public. Les éléments de décision et ceux qui ont été négociés sont consignés dans l'acte de concession et en font partie intégrante.

Indépendamment du fait que l'autorité ordonne les mesures par voie de décision de manière unilatérale ou que ces dernières fassent l'objet d'un consensus, la démarche doit se fonder sur une base légale. Si les mesures de revalorisation sont fixées d'entente entre l'autorité concédante et le concessionnaire, ce dernier donne son accord sur ce point en principe dans le cadre d'une convention et ne devrait plus pouvoir le contester ultérieurement. En revanche, si les mesures de revalorisation sont fixées unilatéralement par l'autorité et ordonnées par la puissance publique, le concessionnaire peut en contester le type et l'ampleur. La réglementation proposée ne change rien à la possibilité de recourir contre les autres éléments de la concession.

Les intéressés peuvent contester la concession pour l'utilisation de la force hydraulique auprès du Tribunal administratif fédéral ou du Tribunal administratif cantonal
compétent. Les décisions y afférentes peuvent ensuite être portées devant le Tribunal fédéral. Le concessionnaire peut renoncer à une concession qui lui a été octroyée indépendamment du fait qu'un recours ait été déposé.

18 19

P. ex. ATF 130 II 18, consid. 3.1.

Arrêt du Tribunal administratif fédéral A-8516/2010 du 15.11.2011, consid. 7.1.

5377

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La proposition de minorité prévoit qu'en l'absence d'un accord avec le concessionnaire, l'autorité concédante pourrait ordonner, dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné, des mesures en faveur de la nature et du paysage.

Ainsi, les associations environnementales habilitées à faire recours auraient ainsi la possibilité de faire examiner par un tribunal l'application de la nouvelle réglementation, que les mesures de revalorisation aient été le fruit d'un consensus ou d'une décision unilatérale de l'autorité. Néanmoins, en cas de recours, un tribunal ne pourrait examiner que la légitimité du renoncement de l'autorité compétente à définir des mesures, le fondement effectif de celles-ci sur le potentiel de revalorisation ainsi que leur proportionnalité. Il devrait tenir compte de la marge d'appréciation de l'autorité concédante.

3.3.6

Absence de mesures possibles

Des mesures en faveur de la nature et du paysage doivent être convenues ou ordonnées, dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné. Il est très improbable qu'un périmètre de concession ne présente aucun potentiel écologique.

Si cela devait toutefois être le cas, l'autorité pourrait renoncer à imposer des mesures, en particulier si le concessionnaire a déjà fortement contribué à revaloriser la zone.

3.4

Comparaison juridique

Dans le Haut-Rhin, le land du Bade-Wurtemberg est un partenaire clé pour la Suisse en matière d'utilisation de la force hydraulique. Tous les projets dans ce domaine doivent être approuvés conjointement, nécessitant un esprit de concordance sur tous les points. Là-bas, le droit reconnaît uniquement l'état actuel comme état initial. La définition de l'état initial comme état l'état actuel entraînerait un rapprochement du cadre légal qui permettrait d'alléger le déroulement des procédures. Il n'existe en revanche pas de réglementation analogue à celle figurant à l'art. 58a, al, 5, 2e phrase, LFH (proposition de minorité) dans les pays voisins de la Suisse.

4

Commentaires des différentes dispositions

4.1

Art. 58a, al. 5, 1re phrase, LFH

L'al. 5 dispose que l'état initial à prendre en considération au sens de l'art. 10b, al. 2, let. a, LPE pour définir des mesures de protection, de reconstitution et de remplacement au sens de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN) est l'état existant au moment du dépôt de la demande.

En d'autres termes, cela signifie que l'état initial à considérer au sens de l'art. 10b, al. 2, let. a, LPE est toujours celui qui prévalait au moment du dépôt de la demande de concession ou de renouvellement de la concession. Aujourd'hui déjà, l'état initial à considérer pour des mesures de compensation selon l'art. 18, al. 1ter, LPN lors de 5378

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l'octroi initial comprenant la réalisation de nouvelles constructions doit être l'état au moment du dépôt de la demande, pour autant que la législation spéciale n'en donne pas une autre définition (p. ex. pour les débits résiduels selon l'art. 4, let. h, LEaux).

L'état initial correspond toujours à l'état des différents biens à protéger décrit dans les lois de protection tel qu'il prévaut au moment du dépôt de la demande. La comparaison entre l'état initial et l'état une fois tous les travaux et mesures découlant de l'octroi d'une nouvelle concession ou d'un renouvellement de concession mis en oeuvre sert à déterminer l'obligation de compensation visée dans la LPN. La nouvelle réglementation s'applique dans tous les cas, peu importe que le droit d'eau ait été réattribué au concessionnaire précédent ou octroyé à un tiers.

4.2

Proposition de minorité: art. 58a, al. 5, 2e phrase, LFH

Les mesures en faveur de la nature et du paysage visées dans la proposition de minorité constituent des mesures de revalorisation sui generis qui ne doivent pas être confondues avec les mesures de remplacement prévues à l'art. 18, al. 1ter, LPN. La disposition s'applique à toute procédure de renouvellement de concession. L'autorité concédante et le concessionnaire doivent avant tout trouver un consensus sur les mesures à prendre. Si les deux parties ne parviennent pas à un accord, l'autorité concédante doit, dans la mesure du possible et pour autant que cela soit proportionné, ordonner des mesures en faveur de la nature et du paysage. Pour le choix des mesures, l'autorité concédante se fonde sur le potentiel écologique du périmètre de la concession et de ses abords directs. Les mesures de revalorisation doivent être proportionnées.

Les mesures de reconstitution ou de remplacement prévues à l'art. 18, al. 1 ter, LPN doivent en outre être mises en oeuvre en cas de nouvelle intervention ayant des effets sur les biotopes dignes de protection.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

5.1.1

Conséquences financières

Le projet n'a pas d'impact direct sur le budget de la Confédération ou la péréquation financière.

5.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Grâce au projet, les procédures de renouvellement des concessions menées par la Confédération sont simplifiées au niveau de l'évaluation des rapports d'impact sur l'environnement que doivent livrer les futurs concessionnaires. Les autorités fédérales compétentes peuvent se charger de l'exécution de la nouvelle disposition avec 5379

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le personnel dont elles disposent actuellement. La nouvelle règle sera directement appliquée dans le cadre de la procédure de renouvellement des concessions.

La proposition de minorité au sein de la Commission ne nécessiterait pas non plus de personnel supplémentaire.

5.1.3

Autres conséquences

Il n'y a pas d'autres conséquences à attendre pour la Confédération.

5.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Il n'y a pas de conséquences à attendre pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne.

5.3

Conséquences économiques

En renonçant à déterminer et décrire l'état avant l'octroi de la première concession et en limitant l'ampleur des mesures de revalorisation à déployer, le législateur décharge la branche de l'hydroélectricité. Cela constitue un atout lorsque les prix de l'électricité sont bas et la conjoncture difficile.

Par rapport au droit actuel, la nouvelle réglementation n'aura pas d'impact mesurable sur l'économie. Il n'est pas possible de pronostiquer notamment si la clarification de la définition de l'état initial se traduira par une diminution effective des mesures que doivent prendre les requérants en faveur de l'environnement. On peut toutefois partir du principe que la précision apportée à la loi se répercutera positivement sur la durée des procédures ainsi que sur les recours.

5.4

Conséquences environnementales

Selon la proposition de la majorité, la modification prévue entraînerait la suppression des mesures actuelles de remplacement des biotopes dignes de protection au sens de l'art. 18, al. 1bis, LPN, lorsque les renouvellements de concession ne s'accompagnent d'aucune modification structurelle. Certaines portions de paysages ne seraient alors pas revalorisées. La proposition de minorité permettrait au moins, dans la mesure du possible et de manière proportionnée, une revalorisation écologique partielle des zones en question.

5380

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6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet repose sur la compétence de la Confédération d'édicter des règles dans les domaines de la protection de l'environnement (art. 74), des eaux (art. 76), des forêts (art. 77), de la pêche et de la chasse (art. 79), et plus particulièrement dans le domaine de la protection de la nature et du patrimoine (art. 78).

La base constitutionnelle primaire de la LFH se trouve à l'art. 76, al. 2, Cst. Dans le domaine de l'utilisation de l'eau pour la production d'électricité, la Confédération possède une compétence législative de principe. Elle est habilitée à régler dans la LFH des questions fondamentales de manière uniforme. Cette règle s'applique dans la même mesure à la Confédération et à tous les cantons.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Aucune obligation internationale de la Suisse ne s'oppose au projet. La réglementation prévue n'est notamment en conflit ni avec le droit européen en vigueur ni avec d'éventuelles dispositions en cours d'élaboration. Elle n'a pas d'incidence sur les obligations internationales de la Suisse puisque les études d'impact sur l'environnement réalisées dans le cadre des procédures de renouvellement de concessions concernant des centrales hydroélectriques frontalières doivent répondre aux exigences légales des deux pays.

6.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet comporte des dispositions importantes fixant des règles de droit qui, selon l'art. 164, al. 1, Cst. doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

L'Assemblée fédérale édicte sous la forme d'une loi fédérale toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit (art. 22, al. 1, LParl). La révision de la LFH relative à l'état initial aura lieu selon le processus législatif.

6.4

Frein aux dépenses

La précision de l'état initial dans la LFH et la définition de la manière dont les mesures en faveur de la nature et du paysage doivent être fixées n'occasionneront pas de dépenses. La question de l'application du frein aux dépenses ne se pose donc pas ici.

5381

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6.5

Respect des principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Le projet n'a pas d'impact sur la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons ou leur accomplissement.

6.6

Délégation de compétences législatives

La définition de l'état initial dans la LFH et la clarification de la démarche à adopter concrètement dans un renouvellement de concession pour fixer des mesures en faveur de l'environnement et du paysage ne requièrent pas d'autres précisions. Il n'est pas nécessaire de déléguer des compétences législatives au Conseil fédéral.

6.7

Conformité à la législation sur la protection des données

Le projet ne nécessite pas de traiter des données au sens de la loi sur la protection des données (LPD20) pour lesquelles se pose la question de la protection de la personnalité et des droits fondamentaux des personnes.

20

RS 235.1

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