09.021 Message relatif à l'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention de Lugano révisée concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 18 février 2009

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, le projet d'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention de Lugano révisée concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 février 2009

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-2706

1497

Condensé La Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Convention de Lugano, CL) est en vigueur pour la Suisse depuis le 1er janvier 1992. Le présent rapport a pour objet la révision de ce texte.

La conclusion de la Convention de Lugano et, avant elle, de l'accord pertinent pour les Etats de l'UE qu'est la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 au contenu à peu près identique à celui de la CL a été un grand pas vers une meilleure sécurité juridique des transactions transfrontalières entre les Etats de l'UE et de l'AELE. L'unification des règles en matière de for et la mise en place d'un système efficace de reconnaissance et d'exécution des décisions étrangères ont constitué deux progrès majeurs. Si la Convention de Lugano a fait ses preuves dans l'ensemble, certaines dispositions de ces deux conventions parallèles sont controversées ou créent des difficultés dans leur application. De plus, de nouveaux développements, tels que les transactions électroniques d'un Etat à l'autre et le désir d'accroître l'efficacité de la procédure de reconnaissance et d'exécution, ont incité les Etats parties à s'atteler à une révision de ces textes.

La Convention de Lugano révisée se fonde sur un projet de révision parallèle des Conventions de Bruxelles et de Lugano présenté par le groupe de travail UE/AELE en avril 1999. Se fondant sur les nouvelles compétences que lui a attribuées le Traité d'Amsterdam, l'UE a décidé de mettre en oeuvre ce projet non pas sous la forme d'une convention, mais sous la forme d'un règlement communautaire ­ dit règlement «Bruxelles I» ­ lequel est entré en vigueur le 1er mars 2002 pour ses Etats membres. La Convention révisée concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Lugano le 30 octobre 2007 et actuellement soumise à ratification, permettra de mettre en oeuvre les solutions trouvées en 1999 dans les Etats AELE que sont la Suisse, la Norvège et l'Islande. Elle correspond donc largement sur le fond au règlement «Bruxelles I».

La Convention de Lugano révisée comprend plusieurs modifications des règles relatives aux fors, notamment dans les domaines suivants: ­

le for contractuel et le for en matière de contrats conclus par les consommateurs (surtout dans le domaine des transactions électroniques);

­

une définition autonome de la litispendance et du siège des personnes morales;

­

des adaptations mineures concernant le for en matière de contrats de travail et en matière d'assurances, le for exclusif en matière immobilière et en matière de propriété intellectuelle et des dispositions coordonnant les procédures connexes.

1498

Dans le domaine de la reconnaissance et de l'exécution des décisions, les modifications principales sont les suivantes: ­

les objections matérielles à l'encontre de la déclaration d'exequatur ne seront examinées qu'en deuxième instance;

­

un défaut formel mineur dans la transmission de l'acte introductif d'instance ne suffira plus à empêcher la reconnaissance et l'exécution.

En pratique, la nouveauté la plus importante est l'extension du champ d'application territorial de la convention aux Etats qui ont adhéré à l'UE depuis l'élargissement à l'Est (dont seule la Pologne a ratifié la CL). Il sera possible par la suite à des Etats hors UE/AELE de ratifier la convention. De plus, le champ d'application de celle-ci sera automatiquement étendu à d'éventuels nouveaux Etats membres de l'UE.

Le présent message traite des nouveautés introduites par la révision de la Convention de Lugano et des modifications apportées à la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) et au Code de procédure civile (CPC) approuvé par l'Assemblée fédérale le 19 décembre 2008. Ces adaptations concernent principalement la création d'un nouveau cas de séquestre et l'extension de la compétence territoriale et matérielle du juge de l'exécution.

L'entrée en vigueur de la convention révisée sera aussi l'occasion d'adapter les dispositions de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) concernant le for non seulement à la convention mais aussi au projet de code de procédure civile.

Il s'agit d'éliminer les divergences entre cette loi et les autres sources juridiques lorsqu'elles ne se justifient pas et de combler certaines lacunes concernant les fors.

1499

Table des matières Condensé

1498

1 Présentation 1.1 Contexte 1.2 Genèse et contexte juridique de la CLrév 1.3 Vue d'ensemble des nouvelles dispositions de la CLrév 1.4 Vue d'ensemble des modifications du droit suisse 1.5 Résultat de la procédure de consultation

1502 1502 1503 1504 1504 1505

2 Commentaire détaillé des modifications de la convention 2.1 Champ d'application de la convention 2.2 For en matière contractuelle 2.2.1 For de l'exécution 2.2.1.1 Remarques générales 2.2.1.2 Litiges en matière contractuelle, contrats de vente de marchandises et de fourniture de services 2.2.1.3 Délimitation entre la let. a et la let. b 2.2.1.4 L'obligation qui sert de base à la demande 2.2.1.5 Détermination du lieu d'exécution 2.2.2 For en matière d'assurances 2.2.3 For en matière de contrats conclus par les consommateurs 2.2.4 For en matière de contrats individuels de travail 2.3 Autres modifications concernant les fors 2.3.1 For en matière d'obligation alimentaire 2.3.1.1 Procédures relatives à la responsabilité parentale 2.3.1.2 Coordination avec le Règlement européen sur les aliments 2.3.2 For en matière d'actions provisoires en cessation de l'atteinte en cas d'acte illicite 2.3.3 For en matière d'actions connexes 2.3.4 For en matière de demande en garantie et de demande en intervention 2.3.5 Fors exclusifs en matière de droit des sociétés, de droits immatériels et d'exécution des décisions 2.3.6 Prorogation de compétence 2.4 La litispendance 2.5 Définition autonome du siège des personnes morales 2.6 Reconnaissance et exécution 2.6.1 Aperçu des nouveautés 2.6.2 Motifs de refus de la reconnaissance 2.7 La procédure d'exequatur révisée et sa mise en oeuvre en Suisse 2.7.1 Remarques préliminaires 2.7.1.1 La CLrév dans le droit suisse de l'exécution forcée 2.7.1.2 Aperçu de la mise en oeuvre 2.7.1.3 La procédure incidente d'exequatur en tant qu'alternative 2.7.2 La procédure d'exequatur en première instance

1506 1506 1507 1507 1507

1500

1507 1508 1509 1509 1510 1511 1513 1515 1515 1515 1515 1516 1516 1517 1517 1519 1519 1521 1522 1522 1523 1525 1525 1525 1526 1527 1528

2.7.3 Les voies de recours contre la décision d'exequatur 2.7.3.1 Objectifs de la convention 2.7.3.2 Le recours CLrév 2.7.3.3 Le recours devant le Tribunal fédéral 2.7.4 Dispositions communes à la procédure d'exequatur et à la procédure de recours 2.7.5 Mesures conservatoires à disposition du créancier dans la procédure d'exequatur 2.7.5.1 Exigences de la CLrév 2.7.5.2 Mesures conservatoires CLrév pour la Suisse 2.8 Jurisprudence relative à la CL et au R 44/2001

1529 1529 1530 1531 1531 1532 1532 1533 1534

3 Réserves et déclarations relatives à la convention

1535

4 Modifications de la LP et du CPC 4.1 Modifications de la LP 4.2 Modifications du Code de procédure civile

1537 1537 1541

5 Modifications de la LDIP 5.1 Arrière-plan et but des modifications 5.2 Commentaire détaillé

1543 1543 1544

6 Appréciation 6.1 Nouveautés de la CLrév par rapport à la CL en vigueur 6.2 Compatibilité de la convention avec l'ordre juridique suisse 6.3 Les avantages de la procédure d'exécution LP révisée pour les créanciers en Suisse 6.4 Adaptations correspondantes de la LDIP

1547 1547 1548

7 Conséquences 7.1 Conséquences en matière de finances et de personnel pour la Confédération, les cantons et les communes 7.2 Conséquences pour l'informatique 7.3 Conséquences économiques

1549

8 Liens avec le programme de la législature

1549

9 Aspects juridiques 9.1 Constitutionnalité 9.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse et rapport avec le droit européen

1550 1550

1548 1548

1549 1549 1549

1550

Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention de Lugano révisée concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Projet)

1551

Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

1557

1501

Message 1

Présentation

1.1

Contexte

La Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Convention de Lugano, CL)1 est en vigueur pour la Suisse depuis le 1er janvier 1992. Le présent rapport traite de la révision de cette convention.

Pour ce qui est de la genèse de la CL, de ses caractéristiques principales ­ largement préservées ­ et des dispositions non modifiées par la révision, nous renvoyons au message du 21 février 19902. Les développements de la jurisprudence doivent également être pris en considération. Il n'en sera pas fait mention ici, à moins qu'ils ne concernent une disposition modifiée.

De l'avis général, la CL a fait ses preuves, tant en Suisse que dans les autres Etats parties. Une révision s'est toutefois avérée nécessaire pour différentes raisons. Le for contractuel, d'abord, a soulevé des problèmes dans la pratique en raison de sa complexité et de son manque de prévisibilité. Ensuite, l'absence de définition, notamment des actions faisant débuter la litispendance ou du siège de la personne morale, ont suscité des problèmes d'interprétation. Enfin, plusieurs éléments importants développés par la jurisprudence n'apparaissaient pas dans la convention.

En outre, la CL s'applique à seulement seize des 27 Etats membres de l'Union européenne (UE)3, les nouveaux Etats qui ont adhéré au titre de l'élargissement à l'Est ne l'ayant pas ratifiée (sauf la Pologne).

La Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (CLrév) représente l'aboutissement de négociations commencées en 1997 entre l'UE, ses Etats membres et les Etats de l'AELE parties à la CL. Elle améliore, clarifie et simplifie la CL actuelle sur plusieurs points. En avril 1999, un groupe mixte UE/AELE avait mis au point un projet de révision commun que seule l'UE a mis en oeuvre à ce jour, mettant fin au parallélisme entre la CL et les sources juridiques déterminantes pour les Etats de l'UE. La CLrév rétablit ce parallélisme.

La loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)4 n'a pas été adaptée à la CL lorsque celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 1992. Ce fait, qui a suscité des critiques dans la doctrine et la jurisprudence, a eu pour
inconvénients de laisser sans réponse certaines questions importantes et controversées et de mener à des solutions cantonales différentes. Le présent projet y remédie.

Il ne faudrait pas que, faute d'adaptation de la LP, les efforts en vue d'accélérer et de simplifier la procédure d'exécution soient réduits à néant.

1 2 3

4

RS 0.275.11 FF 1990 II 269, tiré à part 90.017.

La désignation «Union européenne» (UE) a remplacé le concept de «Communauté européenne» (CE) dans le langage courant. En principe, l'expression UE est utilisée ici dans un sens courant, et non dans un sens juridique.

RS 281.1

1502

Etant donné que les négociations relatives à la nouvelle CL étaient en cours, on avait renoncé, dans le cadre des travaux d'élaboration du Code de procédure civile (CPC) du 19 décembre 20085, à modifier les règles sur les fors dans la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)6. A la lumière de la CLrév et surtout des dispositions du CPC sur les fors, il est aujourd'hui nécessaire de le faire afin d'harmoniser les textes aux différents échelons normatifs. Ces adaptations ne sont pas directement liées à la révision de la CL mais forment une «petite révision» du droit international de la procédure civile en relation avec la CLrév.

1.2

Genèse et contexte juridique de la CLrév

Le groupe de travail UE/AELE a été chargé en décembre 1997 des travaux de révision de la CL et de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Convention de Bruxelles). Constitué en janvier 1998, il a achevé ses travaux et présenté un texte commun le 23 avril 1999, juste avant l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam7.

En juillet 1999, la Commission européenne, se fondant sur les nouvelles compétences que lui donnait le Traité d'Amsterdam, a décidé de mettre en oeuvre les propositions du groupe de travail non pas sous la forme d'une convention mais sous la forme d'un règlement communautaire. Le Conseil de l'Union européenne a donc adopté, le 22 décembre 2000, le règlement (CE) no 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale8 (règlement «Bruxelles I», R 44/2001). Ce règlement est entré en vigueur le 1er mars 2002 et s'applique de manière contraignante à tous les Etats de l'UE. Sur le fond, le R 44/2001 s'inspire du texte de la révision du 23 avril 1999.

L'adaptation de la CL, qui devait se faire en parallèle, a pris du retard. Pendant un certain temps, la question s'est posée de savoir si l'UE disposait d'une compétence externe exclusive ou seulement «mixte» pour la conclusion de la CLrév. Ce n'est que le 7 février 2006 qu'un avis de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a conclu en faveur d'une compétence externe exclusive. La Suisse, la Norvège et l'Islande ont donc eu pour unique partenaire de négociation l'UE, agissant au travers de la Commission européenne. Par conséquent, c'est l'UE qui figure comme partie contractante dans le texte de la CLrév en lieu et place des Etats membres. Seul le Danemark est partie contractante autonome, en raison de son statut spécial. Les autres parties contractantes sont la Suisse, le Royaume de Norvège et l'Islande.

Suite à l'avis de la CJCE du 7 février 2006 les négociations ont pu reprendre. Le texte révisé définitif a été signé le 30 octobre 2007 à Lugano lors d'une conférence diplomatique. Un rapport sur la CLrév du rapporteur nommé par le groupe de travail UE/AELE, le prof. Fausto Pocar, est actuellement disponible9.

5 6 7 8 9

RS 272; FF 2009 21 RS 291 JOCE C 340 du 10 novembre 1997, p. 1.

JOCE L 12 du 16 janvier 2001, p. 1­23.

Le rapport Pocar est accessible sur internet sous l'adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/themen/wirtschaft/ref_internationales_privatrecht /ref_lugano_uebereinkommen/ref_0.html

1503

1.3

Vue d'ensemble des nouvelles dispositions de la CLrév

Sur le plan matériel, les modifications de la CL portent d'abord sur les normes de compétence, notamment sur le for contractuel et le for en matière de contrats conclus par les consommateurs (surtout dans le domaine des transactions électroniques).

Elles touchent également la question de la litispendance et celle de la détermination du siège des personnes morales, en prenant souvent la forme de dispositions autonomes visant à écarter des imprécisions ou à éviter des renvois peu satisfaisants.

Un autre domaine ayant subi des modifications importantes est celui de la reconnaissance et l'exécution des décisions. Les adaptations visent à accélérer les procédures tout en garantissant les droits du défendeur dans la procédure d'exécution.

On peut encore relever des modifications de moindre importance concernant les fors en matière de contrats de travail et en matière d'assurances ainsi que la compétence exclusive en matière immobilière et la comparution.

Sur le plan formel, les modifications sont également importantes. La Convention a repris la numérotation des articles du R 44/2001. L'ensemble des énumérations, telles que la liste des autorités judiciaires compétentes des Etats contractants (cf.

art. 3, al. 2, 4, al. 2, 32, 37 et 40 CL), a été placé en annexe, afin, d'une part, d'améliorer la lisibilité de la convention et, d'autre part, de pouvoir adapter ces listes sans avoir à réviser formellement la CLrév.

1.4

Vue d'ensemble des modifications du droit suisse

Pour pouvoir éviter les difficultés dans la mise en oeuvre de la CL en Suisse, il est nécessaire de procéder à des adaptations ponctuelles du droit interne de la procédure et de l'exécution, notamment dans la LP et dans le CPC.

Les adaptations de la LP concernent principalement la création d'un nouveau cas de séquestre pour les créanciers bénéficiant d'une décision exécutoire prise en vertu de la CLrév ou d'un autre titre de mainlevée définitive. En même temps, le tribunal de l'exécution se voit transmettre la fonction qui était jusqu'alors celle du tribunal du séquestre, ainsi que la compétence d'assortir la demande de séquestre de l'exequatur au sens de la CLrév. A maints égards, la procédure du séquestre a été améliorée.

Ainsi, à l'instar de la situation prévue par le CPC pour les mesures conservatoires, le tribunal de l'exécution pourra désormais ordonner le séquestre de valeurs patrimoniales se trouvant dans toute la Suisse (et non plus seulement de celles situées dans son arrondissement judiciaire). En outre, la compétence territoriale du tribunal de l'exécution chargé d'autoriser le séquestre a été étendue au for de la poursuite du débiteur.

Si aucune mesure conservatoire n'est demandée avec l'exequatur ou que cette mesure ne concerne pas des créances pécuniaires, l'exequatur est alors prononcé ­ comme le prévoit de manière générale le CPC ­ par le tribunal de l'exécution compétent en vertu de l'art. 339 CPC.

Les adaptations du CPC concernent essentiellement les voies de recours prévues par la CLrév. Le recours limité au droit y est adapté aux particularités de la CLrév, notamment en ce qui concerne le pouvoir de cognition de l'autorité de recours. Ce 1504

recours (qui demeure inchangé) pourra être utilisé par ailleurs comme voie de recours contre les décisions en matière d'exécution et de mesures conservatoires.

Les adaptations de la LDIP, qui ne sont pas en relation directe avec la CLrév, sont commentées au ch. 5.

1.5

Résultat de la procédure de consultation

La procédure de consultation sur la Convention de Lugano révisée et sur les adaptations qui en découlent dans la LP, le CPC et la LDIP s'est déroulée du 30 mai 2008 au 12 septembre 200810. Les opinions qui ont été émises au sujet de la CLrév et des adaptations de la LP et du CPC peuvent se résumer comme suit: ­

tous les participants à la procédure de consultation ont accueilli favorablement la Convention de Lugano révisée. L'extension géographique du champ d'application à onze nouveaux Etats de l'UE qui n'étaient pas partie à l'actuelle CL en constitue l'un des points positifs qui a été le plus souvent mis en relief;

­

tous les participants à la procédure de consultation se félicitent que le législateur fédéral ait coordonné la mise en vigueur de la Convention avec une unification des mesures conservatoires tout en harmonisant les dispositions de procédure de la Convention avec le droit de procédure suisse (LP et CPC). Ils ont relevé que cela avait contribué à l'élimination de l'insécurité juridique qui prévalait jusqu'alors;

­

une grande majorité des participants s'est prononcée en faveur du choix du séquestre comme mesure conservatoire mise à la disposition du créancier de l'exécution dans la CLrév. Il en va de même en ce qui concerne l'amélioration de la procédure de séquestre (séquestre suisse, compétence au for de la poursuite) et le fait d'étendre cet avantage à un créancier suisse muni d'un titre de mainlevée;

­

dans le cadre de l'adaptation de la LP, quelques-uns des organismes consultés souhaiteraient une réglementation plus étoffée et plus explicite de certaines nouvelles dispositions légales;

­

enfin, le voeu a été émis dans certaines prises de position que l'entrée en vigueur de la CLrev et des nouvelles dispositions soient coordonnée avec celle du CPC et n'intervienne dès lors qu'en 2011.

Les propositions relatives à l'adaptation de la LDIP ont été également accueillies favorablement attendu que ces modifications n'ont suscité que de rares réactions.

Quelques critiques ont été cependant émises ­ malgré un soutien explicite ­ quant à la proposition de restreindre le for de l'exécution (art. 113 LDIP) au lieu de la prestation caractéristique et, de ce fait, d'abolir le for du demandeur au lieu du paiement.

Les avantages qui consistent à déterminer le for à l'avance et à assurer la cohérence des sources juridiques ont cependant prévalu sur l'adjonction d'un hypothétique forum actoris.

10

Les dossiers de la procédure de consultation sont accessibles sur internet sous l'adresse suivante: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/themen/wirtschaft/ref_gesetzgebung/ ref_lugano_uebereinkommen.html

1505

Compte tenu des avis émis lors de la consultation, le présent projet a été adapté sur le points suivants: ­

la LP (art. 81, al. 3) a été complétée par une mention explicite selon laquelle l'opposant ne peut plus faire valoir d'exceptions dans le cadre de la procédure de mainlevée si celles-ci ont déjà été examinées dans la procédure d'exequatur (res judicata);

­

la faculté de requérir au tribunal de l'exécution du for de la poursuite le séquestre de biens patrimoniaux situés en dehors de la Suisse a été étendue au tribunal de l'exécution du lieu où se trouvent les valeurs à séquestrer. Ce nouveau cas de figure est expressément prévu par la loi (art. 271, al. 1, LP);

­

le CPC (art. 327, al. 3) a été complété par un renvoi explicite relatif à la primauté des délais applicables dans le cadre des recours limités au droit prévus par la CLrév;

­

comme dans le droit actuel, l'action visant à obtenir une prestation caractéristique doit être introduite en principe uniquement au for de l'exécution (art. 113 LDIP). La formulation du texte légal a en revanche été légèrement modifiée et la disposition correspondante sur la compétence indirecte (art. 149, al. 2, let. a, LDIP) adaptée au nouvel art. 113 LDIP.

Enfin, pour donner suite aux requêtes de divers participants à la procédure de consultation, le présent message contient quelques éclaircissements et précisions complémentaires qui ne figurent pas dans le rapport soumis à la consultation.

2

Commentaire détaillé des modifications de la convention

2.1

Champ d'application de la convention

Concernant le champ d'application matériel, la CLrév reste applicable en matière civile et commerciale. En vertu de l'art. 62 CLrév, ce champ d'application englobera désormais certaines décisions qui n'ont pas été rendues par un tribunal mais par une autorité administrative (cf. le ch. 2.3.5, commentaire de l'art. 22, ch. 5).

Les modifications du champ d'application territorial de la convention apparaissent à l'art. 1, al. 3. De plus, les nouvelles dispositions des art. 18 et 60 (cf. les ch. 2.2.4 et 2.4) pourraient entraîner indirectement des extensions ponctuelles du champ d'application territorial et personnel de la convention.

Le nouvel al. 3 de l'art. 1 est devenu nécessaire du fait que c'est désormais l'UE ­ et non plus ses Etats membres ­ qui est partie à la convention, alors que la convention continue de créer des obligations directes pour les tribunaux des Etats membres. On ne parle donc plus, dans la convention, d'Etats contractants mais d'«Etats liés par la présente convention». Cette formule, assez lourde, inclut tant les Etats membres de l'UE que les autres parties à la convention que sont l'Islande, la Norvège et la Suisse. Le Danemark a lui aussi rang de partie contractante en raison de son statut spécial au sein de l'UE. La 2e phrase de l'al. 3 couvre le cas hypothétique où des tribunaux ou autres autorités de l'UE reprendraient à l'avenir certaines tâches des tribunaux étatiques; ils seraient alors directement assujettis à la convention.

1506

Le champ d'application de la CLrév englobera 30 Etats, soit onze de plus que la convention actuelle. Ces onze Etats sont ceux qui sont entrés dans l'UE ces dernières années: la Tchéquie, la Slovaquie, la Slovénie, la Hongrie, Malte, Chypre, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie et la Roumanie (la Pologne a déjà ratifié la CL). En vertu de la compétence externe de l'UE, la CLrév est la seule possibilité pour intégrer dans l'«espace Lugano» les nouveaux Etats de l'UE et d'éventuels futurs Etats membres.

Des Etats extracommunautaires pourront à l'avenir aussi ratifier la CLrév, sous réserve de l'accord unanime des parties contractantes. Les éventuels nouveaux membres de l'UE intégreront pour leur part automatiquement le champ d'application de la CLrév.

2.2

For en matière contractuelle

2.2.1

For de l'exécution

2.2.1.1

Remarques générales

La modification de l'art. 5, al. 1, a été motivée par les problèmes d'application insolubles que créait la règlementation actuelle du for contractuel. Tant l'analyse de la jurisprudence de la CJCE concernant la Convention de Bruxelles, que celle des arrêts les plus récents sur la CL montrent bien ces problèmes; la moitié des jugements porte en effet sur le for contractuel. Lors des négociations, plusieurs délégations étaient dès lors de l'avis que ce for était au fond inutile et pouvait être purement et simplement supprimé. Faute de consensus, on s'est borné à en limiter la portée. On s'est surtout efforcé de restreindre la compétence au lieu d'exécution de l'obligation de payer, compétence qui a été, à maintes reprises et sous divers aspects, critiquée par la doctrine. La position de la Suisse, à savoir supprimer le for au lieu de paiement pour ne plus admettre que le for au lieu d'exécution de l'obligation caractéristique du contrat, s'est imposée pour ce qui est des contrats de vente de marchandises et de fourniture de services, mais non pour les autres types de contrat ni pour les contrats innommés.

La nouvelle règle combine la proposition évoquée ­ se fonder uniquement sur la prestation caractéristique du contrat ­ et le système actuel. La let. a est reprise mot pour mot du texte actuel; la let. b désigne comme for le lieu d'exécution de la prestation caractéristique lorsque celui-ci porte sur la vente de marchandises ou la fourniture de services. La let. c tente de définir la relation entre les let. a et b.

2.2.1.2

Litiges en matière contractuelle, contrats de vente de marchandises et de fourniture de services

Comme dans la convention actuellement en vigueur, la disposition s'applique en principe «en matière contractuelle» (let. a). Aucune modification n'a été apportée à l'interprétation autonome de cette notion. La CJCE l'interprète sciemment lato sensu, y incluant par exemple les litiges sur l'existence d'un lien contractuel en tant que tel11. Le lieu de l'exécution est aussi défini de manière autonome à la let. b pour 11

CJCE, Arrêt du 4 mars 1982, Aff. C-38/81, Effer/Kantner, Rec. 1982, p. 825.

1507

ce qui est des contrats de vente de marchandises et de fourniture de services. Il s'agit de notions larges: pour la vente de marchandises, on peut se référer à la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises12 et à la directive européenne sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation13. L'art. 50 du Traité de Nice14 et la jurisprudence relative à l'art. 13 CL servent de base à la définition du contrat de fourniture de services. Ce terme recouvre tous les contrats ­ nommés ou innommés ­ qui ont pour objet une prestation liée à une activité fournie contre rémunération à l'autre partie, ce qui inclut les contrats d'entreprise et les contrats de livraison dans le cadre d'un contrat d'entreprise, ainsi que le mandat sous presque toutes ses formes.

2.2.1.3

Délimitation entre la let. a et la let. b

Aux termes de la let. c, la let. a s'applique lorsque la let. b ne s'applique pas. Pour déterminer le champ d'application de la let. a, il faut donc considérer que cette règle, reprise de l'actuelle convention, ne s'applique plus qu'aux relations contractuelles autres que les contrats portant sur la vente de marchandises ou la fourniture de services. Certes, la volonté d'étendre le champ d'application de la let. a s'est fait jour à plusieurs reprises dans la doctrine et la jurisprudence, mais il convient de ne pas se fonder sur cette analyse historique, car la révision était sous-tendue par l'idée de créer une règle unique de compétence pour les contrats de vente de marchandises ou de fourniture de services.

Si l'on analyse la let. c sous l'angle grammatical, on peut en déduire une autre restriction du champ d'application de la let. b, du point de vue territorial. En effet, lorsque, en vertu de la let. b, la compétence est située en dehors du territoire d'un des Etats membres, par exemple lorsque les marchandises doivent être livrées au Brésil, c'est bien la let. a, donc l'ancienne règle, qui s'applique15. L'idée est que la compétence peut incomber au tribunal du lieu de paiement, soit au domicile du vendeur, lorsque l'obligation de ce dernier doit être accomplie en dehors du territoire des Etats membres, à condition bien sûr que les deux parties aient leur domicile dans un Etat membre et que le droit matériel applicable considère l'obligation pécuniaire envers le vendeur comme une dette portable. Cette règle peut jouer en faveur de l'exportateur qui livre des marchandises en dehors de l'Europe. Cependant, le fait qu'elle désavantage en même temps l'acheteur ­ lui aussi européen ­ et qu'il soit difficile à ceux qui appliquent la convention de distinguer ce double sens de la let. c va à l'encontre d'une interprétation aussi large de la disposition.

12 13 14 15

Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises; RS 0.221.211.1.

Directive (CE) 1999/44 du 25 mai 1999.

Traité instituant la Communauté européenne (version consolidée), JOCE C 325 du 24 décembre 2002.

Proposition de règlement (CE) du Conseil, présenté par la Commission le 14 juillet 1999, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, COM/99/0348 final, p. 15.

1508

2.2.1.4

L'obligation qui sert de base à la demande

La let. a est reprise mot pour mot du texte actuel, dont la CJCE déduit que l'obligation qui sert de base à la demande détermine la compétence au lieu de l'exécution. Il est en principe possible de déduire un critère de rattachement de chaque obligation particulière du contrat16. Prenons comme exemple le contrat de vente: la demande de l'acheteur porte sur la livraison de la marchandise achetée, celle du vendeur sur le paiement du prix d'achat. En vertu du contrat, la marchandise doit être livrée à Rotterdam et la somme versée auprès d'une banque à Zurich. Selon ce système, il existe donc plusieurs fors possibles pour le même contrat. Comme les obligations pécuniaires sont des dettes portables selon le droit suisse et celui de nombreux Etats étrangers, le for au lieu d'exécution de l'obligation de payer fait que le tribunal auprès duquel le vendeur doit intenter une action est souvent étranger à l'affaire. La CJCE ne s'est écartée de ce principe que dans le cas des contrats de travail. C'est, en ce cas, la prestation de travail qui caractérise le contrat qui détermine le for, quelle que soit l'obligation qui sert de base à la demande17.

La révision fait de la règle jurisprudentielle applicable aux contrats de travail une disposition générale qui vaut pour toutes les demandes relevant de la let. b, et qui prévoit ainsi une concentration du for au lieu d'exécution de l'obligation caractéristique pour les contrats de vente de marchandise et de fourniture de services18. Certes, de nouveaux problèmes peuvent se poser dans les cas de contrats multiples et complexes ­ cas au demeurant peu fréquents ­ dans lesquels il peut être difficile de déterminer la prestation caractéristique. Un for unique pour un même contrat représente ainsi une énorme simplification et améliore nettement la prévisibilité en matière de compétence pour les parties au contrat. Cette prévisibilité n'est plus entachée par les incertitudes liées à la détermination de l'obligation qui sert de base à la demande. Le lieu de l'obligation de payer étant écarté, la compétence ne dépend plus non plus du fait que le droit national applicable considère les obligations pécuniaires comme des dettes portables ou des dettes quérables.

2.2.1.5

Détermination du lieu d'exécution

Comme la teneur de l'art. 5, al. 1, let. a, correspond à celle de la CL et de la Convention de Bruxelles, on peut présumer que le lieu d'exécution continuera d'être déterminé de la même manière qu'aujourd'hui. Selon une jurisprudence ancienne, celui-ci se détermine en principe selon la lex causae, c'est-à-dire selon la législation applicable en vertu du droit international privé de l'Etat saisi19.

La question de savoir s'il fallait abandonner cette approche en faveur d'une définition autonome du lieu d'exécution a fait l'objet de vives discussions au début des 16

17 18 19

CJCE, Arrêt du 6 octobre 1976, Aff. 14/76, De Bloos/Bouyer, no 13 s., Rec. 1976, p. 1497; Arrêt du 15 janvier 1987, Aff. 266/85, Shenavai/Kreischer, Rec. 1987, p. 239, no 9; Arrêt du 5 octobre 1999, Aff. 420/97, Leathertex, Rec. 1999, p. 6747; ATF 124 III 188, 189 s.

CJCE, Arrêt du 25 mai 1982, Aff. 133/81, Ivenel/Schwab, Rec. 1982, p. 1891.

CJCE, Arrêt du 3 mai 2007, Aff. C-386/05, Color Drack, no 26, 30 et 39.

CJCE, Arrêt du 6 octobre 1976, Aff. C-12/76, Tessili/Dunlop, Rec. 1976, p. 1473; confirmé par CJCE, Arrêts du 29 juin 1994, Aff. C-288/92, Custom Made Commercial/Stawa Metallbau, Rec. 1994, p. 2913 et du 28 septembre 1999, Aff. C-440/97, GIE Concorde; cf. ATF 124 III 188, 189.

1509

négociations. Plusieurs propositions rédigées ont été faites, visant à la détermination «factuelle» du lieu d'exécution, fondée sur le lieu d'exécution réel, circonstanciel ou convenu entre les parties; mais celles-ci n'ont pas fait l'unanimité lors des négociations. Il s'avère en effet difficile de trouver une manière de déterminer le lieu d'exécution indépendamment du droit matériel. Cela étant, les jurisprudences allemande et autrichienne ainsi qu'une vaste majorité de la doctrine dans ces deux pays considèrent qu'il faut maintenir le droit matériel applicable comme base de la détermination. Par contre, dans le cas plus rare où le lieu d'exécution ne peut pas se fonder sur un accord (même implicite) entre les parties au contrat mais doit être défini uniquement en fonction d'une norme légale dispositive, la majorité des avis exprimés dans la jurisprudence et la doctrine préconisent une détermination autonome et factuelle.

Dans un arrêt récent concernant l'art. 5, al. 1, let. b, du R 44/2001, la CJCE s'est exprimée en faveur d'une détermination autonome ­ mais non factuelle ­ du lieu d'exécution (lieu de livraison), sans toutefois s'étendre sur le sujet20. Vu la réserve générale avec laquelle la jurisprudence et la doctrine s'expriment sur la méthode, on peut dire que la situation est ouverte. Il faut cependant supposer, vu les problèmes évoqués, que les tribunaux ne pourront pas éviter de tenir compte des considérations de droit matériel pour la détermination du lieu d'exécution.

2.2.2

For en matière d'assurances

A l'exception des dispositions commentées ci-après, la section 3 CLrév (art. 8 à 14) correspond sur le fond aux art. 7 à 12a CL.

Art. 9

Compétence en cas d'action contre l'assureur

L'art. 9 correspond en grande partie à l'art. 8 CL. Un ajout important a été fait à l'art. 9, al. 1, let. b. Si, aujourd'hui, le preneur d'assurance (cocontractant de l'assureur) peut attraire l'assureur devant le tribunal de son domicile, cette possibilité sera désormais aussi ouverte à l'assuré (en faveur duquel ou pour le compte duquel le preneur d'assurance a conclu l'assurance objet du litige) et à tout tiers désigné comme bénéficiaire de l'assurance. Le bénéficiaire est par exemple celui qui doit recevoir la prestation d'une assurance-vie ou d'une assurance accidents. Il peut aussi être l'assuré lui-même. La disposition ne s'applique bien sûr que lorsque le domicile ou le siège du demandeur et du défendeur sont dans des Etats différents.

Art. 14, ch. 5

Grands risques

Lorsqu'un contrat d'assurance couvre des «grands risques», il est alors exclu des restrictions faites au choix du for en vertu de l'art. 13. On présuppose en effet qu'aucune des parties n'a besoin d'une protection particulière en matière d'assurance des grands risques. Pour interpréter la notion de grands risques, on peut prendre pour point de départ leur définition telle qu'elle ressort des directives communautaires pertinentes21 dans leur version au moment de la conclusion de la CLrév.

20 21

CJCE, Color Drack, op. cit., no 39; v. aussi les no 24, 26 et 30.

Directive 73/239/CEE du Conseil, modifiée par les directives 88/357/CEE et 90/618/CEE.

1510

Le droit suisse a repris cette définition à l'art. 101b, al. 6, de la loi sur le contrat d'assurance (LCA)22 dans le cadre de l'accord avec la Communauté économique européenne concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie23.

2.2.3

For en matière de contrats conclus par les consommateurs

La section 4 comprend, comme dans la convention actuelle, des règles de compétence particulières applicables à des litiges découlant de contrats conclus par des consommateurs. Le champ d'application de ces dispositions sera dorénavant étendu, notamment pour faire face aux nouveaux moyens de communication et aux nouvelles formes de conclusion des contrats (art. 15, al. 1, let. c). L'art. 15, al. 3, contient une précision en matière de contrats de voyage à forfait.

Les dispositions qui traitent à proprement parler du for (art. 16 et 17) reprennent à la lettre la réglementation des art. 14 et 15 CL actuellement en vigueur. On se référera de ce fait à la jurisprudence et à la doctrine élaborées dans ce domaine.

Art. 15

Champ d'application matériel

La réglementation portant sur la vente à tempérament et les opérations de crédit qui se trouvait jusqu'alors aux art. 13, al. 1, ch. 1 et 2, CL a été reprise telle quelle dans l'art. 15, al. 1, let. a et b. Ici aussi, on se référera à l'interprétation des dispositions en vigueur, y compris pour la notion de consommateur.

En revanche, les modifications intervenues à la let. c sont d'une portée non négligeable en comparaison avec l'ancien ch. 3 de l'art. 13, al. 1, CL. Elles se justifient par la volonté d'étendre le champ d'application des dispositions de la section 4 d'une part et de tenir compte de l'utilisation de moyens de communication modernes d'autre part.

Désormais, ce ne seront plus «uniquement» les contrats de fourniture de services et de vente de marchandises qui seront visés, mais tous les types de contrats de consommation (y compris les contrats innommés; cf. cependant art. 15, al. 3, CLrév). Cela mettra fin aux controverses portant sur l'interprétation du contrat de fournitures de services (cf. ATF 133 III 395 sur la problématique des opérations bancaires). Compte tenu du fait que les jurisprudences suisse (cf. l'ATF déjà cité) et européenne24 tendent à interpréter cette notion toujours plus largement, la suppression de cette limitation ne modifiera pas fondamentalement la pratique, si ce n'est qu'il en résultera un renforcement bienvenu de la sécurité du droit.

Contrairement aux cas décrits aux let. a et b, la let. c prévoit comme par le passé la réalisation d'éléments de fait supplémentaires. L'exigence de publicité ou d'une offre par le vendeur, liée à la conclusion du contrat dans l'Etat de domicile du consommateur, a été abandonnée au profit d'une disposition plus large. Pour tous ces contrats (qui ne sont pas soumis aux modalités de paiement particulières décrites

22 23 24

RS 221.229.1 RS 0.961.1 CJCE, Arrêt du 20 janvier 2005, Aff. C-464/01, Johann Gruber/Bay Wa AG, Rec. 2005, p. 439.

1511

aux let. a ou b), la nouveauté réside dans l'exigence alternative, et non plus cumulative: ­

que l'autre cocontractant exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, ou

­

que le vendeur, par tout moyen, dirige ses activités commerciales ou professionnelles vers cet Etat ou vers plusieurs Etats et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

Hormis la réserve de l'al. 1 relative à la compétence du lieu de situation d'un établissement découlant de l'art. 5, ch. 5, la première alternative n'a qu'un champ d'application restreint. Elle pourrait s'appliquer dans l'hypothèse d'une activité déployée dans l'Etat de domicile du consommateur alors qu'il n'existe pas d'établissement, par exemple sous la simple forme d'une prestation de services. Une transaction effectuée par l'entremise de l'établissement ou de la succursale qui serait sans lien avec son activité, mais qui aurait un lien avec celle du siège principal, tomberait également sous le coup de cette disposition.

La seconde alternative sera en revanche d'une grande importance dans la pratique.

Elle trouve application si les deux éléments suivants sont réunis cumulativement.

Il faut tout d'abord que l'activité soit «dirigée» vers l'Etat de domicile du consommateur. L'activité en question doit consister en une opération effectuée dans l'Etat de domicile du consommateur qui ne vise pas nécessairement à la conclusion effective du contrat, mais qui est globalement rattachée au secteur commercial dans lequel est exercée ladite activité. La présence physique du vendeur dans l'Etat de domicile du consommateur n'est pas nécessaire.

Il faut ensuite que la conclusion effective ­ ou litigieuse ­ du contrat entre dans le cadre de l'activité professionnelle du vendeur. A ce stade, le lieu de conclusion du contrat n'est pas déterminant. Attendu que la conclusion du contrat dans l'Etat du consommateur ne constitue pas une condition, le consommateur «actif» sera également protégé, soit qu'il utilise un moyen de communication depuis son domicile pour conclure le contrat, soit même qu'il se rende dans l'Etat du cocontractant (ou dans un autre Etat) pour signer le contrat.

Comme l'indique la nouvelle formule «par tout moyen», cette disposition révisée a pour but d'englober les modes de conclusion d'un contrat par le biais de moyens de communication tels qu'internet, mais sans pour autant exclure d'autres moyens techniques comme le télémarketing. La révision vise surtout à traiter de la même manière les opérations publicitaires ou les offres faites par internetet celles effectuées au moyen des supports traditionnels telles que l'affichage, la presse ou la télévision. Une activité de prospection du marché
dans l'Etat de domicile du consommateur demeure nécessaire. L'offre du vendeur doit y être publique et par conséquent accessible aux consommateurs quels que soient les moyens utilisés. Le consommateur doit en outre avoir la possibilité de conclure sans difficultés depuis son Etat de domicile un contrat avec le cocontractant.

La question se pose de savoir, dans le cadre du commerce électronique, si une page web qui, par définition, est accessible depuis n'importe quel Etat, doit être considérée comme un «acte de diriger» l'activité commerciale qui y figure vers tous les Etats dans lesquels se trouvent des consommateurs potentiels. Cette question doit être résolue de cas en cas à la lumière de toutes les circonstances particulières pertinents en l'espèce. On peut considérer qu'on se trouve en présence d'un «acte de 1512

diriger» si la page web en question ne limite pas son offre à une région spécifique et qu'elle donne à l'usager la possibilité de conclure immédiatement le contrat. La limitation géographique d'une offre sur le web peut apparaître de manière expresse sur la page web elle-même (c'est le cas d'un avertissement relatif à la limitation de la zone de livraison ou de la prestation de services, ou lorsque la possibilité de choisir un autre Etat est exclue) ou résulter de l'ensemble des circonstances. Parmi ces circonstances, on peut relever en premier lieu le choix de la langue, notamment si la page web n'est rédigée que dans une langue régionale ou dans une langue qui n'est parlée que dans un seul Etat contractant, ou la nature de l'activité si celle-ci n'est possible que dans un Etat déterminé, comme par exemple un service de notariat, la livraison de produits frais ou un service de courrier à vélo. En revanche, une fenêtre publicitaire supplémentaire sur le web qui ferait usage de méta-balises rédigées dans une langue étrangère ou qui donnerait accès à des répertoires internationaux constituerait un indice d'une activité dirigée sur le marché international.

Dans les deux cas couverts par la let. c, il est désormais prévu expressément que le vendeur doit exercer une activité commerciale. Les contrats conclus entre des parties qui n'exercent pas une activité à titre commercial (y compris ceux qui ont été conclus par le biais d'une plate-forme commerciale professionnelle) ne tombent pas dans le champ d'application de la section 4.

L'exclusion des contrats de transport prévue par l'art. 13, al. 3, CL ne subsiste à l'art. 15, ch. 3, CLrév que dans la mesure où il ne s'agit pas de voyages à forfait, ceux-ci restant soumis aux dispositions de la section 4. On est parti de l'idée que les consommateurs avaient besoin d'une protection particulière dans ce domaine car les conventions en vigueur en matière de transports ne les protègent pas suffisamment.

Le champ d'application de cette exception devrait ainsi englober tous les cas envisagés par la loi fédérale du 18 juin 1993 sur les voyages à forfait25. Contrairement à l'art. 1, al. 1, de cette loi, la définition du voyage à forfait telle qu'elle figure à l'art. 15, al. 3, CLrév ne prévoit ni durée minimale, ni nuitées, ni prix global.

2.2.4

For en matière de contrats individuels de travail

Jusqu'à présent dispersées, les normes relatives au contrat de travail (art. 5, ch. 1, art. 17, al. 5, CL) sont désormais réunies dans une section unique (section 5, art. 18 à 21). La systématique de cette section est similaire à celle sur la compétence en matière d'assurances qui se trouve deux sections plus haut.

Art. 18

Champ d'application

L'art. 18 porte sur le champ d'application de la section 5. Par rapport à la disposition qu'il remplace (art. 5, ch. 1, CL), l'art. 18, al. 2, élargit dans l'intérêt du travailleur le champ d'application des dispositions particulières applicables aux contrats de travail. Ainsi, les «succursales, agences et autres établissements» sis dans un Etat contractant sont désormais soumis aux dispositions de la section 5 et ce, même si le siège principal (art. 60) ne se trouve pas dans un Etat contractant. Le champ d'application matériel de ces dispositions spéciales (contrat individuel de travail et

25

RS 944.3

1513

prétentions qui en découlent) reste inchangé dans sa substance par rapport à la CL.

C'est pourquoi ici aussi il peut être renvoyé à la jurisprudence et à la doctrine.

A la différence de l'art. 5, ch. 1, 2e phrase, CL, la nouvelle section 5 opère une distinction entre le for pour les actions ouvertes contre l'employeur (art. 19) et celui pour celles ouvertes par l'employeur (art. 20). L'art. 21 traite de l'élection de for en lieu et place de l'art. 17, al. 4 et 5, CL.

L'idée d'inscrire une règle de compétence applicable aux travailleurs détachés telle qu'elle figure dans la directive de l'UE concernant le détachement de travailleurs26 n'a pas été retenue. En revanche, le ch. 3 du Protocole no 3 autorise désormais la Suisse à reprendre dans son droit interne cette compétence résultant de la législation de la Communauté européenne de manière à lui permettre de reconnaître et d'exécuter les décisions d'après la CLrév. Cela a pour conséquence que les décisions rendues en Suisse en vertu de l'art. 115, al. 3, LDIP pourront être exécutées dans d'autres Etats contractants selon les dispositions de la CLrév (art. 67 en relation avec ch. 3 du Protocole no 3).

Art. 19

For des actions ouvertes par le travailleur

L'art. 19 détermine les tribunaux devant lesquels le travailleur peut intenter une action. L'art. 19, ch. 2, reprend presque sans modifications le contenu de l'art. 5, ch. 1, 2e phrase, CL, à savoir le for alternatif spécial du travailleur qui lui permet d'agir soit au lieu où il accomplit habituellement son travail, soit au lieu où se trouve l'établissement qui l'a embauché. On renvoie pour le surplus à la jurisprudence et à la doctrine développées sur ce point.

L'ajout au ch. 2, let. b in fine, des termes «ou se trouvait» signifie que le travailleur peut ouvrir son action au nouveau siège de l'établissement qui l'a engagé dans l'hypothèse où cet établissement a été transféré entre-temps.

Art. 20

For des actions ouvertes par l'employeur

L'art. 20 fixe devant quels tribunaux l'employeur peut attraire le travailleur.

Il postule dorénavant un for contraignant au lieu de domicile du travailleur. Est réservée l'action reconventionnelle portée à l'encontre d'une action du travailleur auprès d'un autre for.

Art. 21

Conventions d'élection de for

La première partie de l'art. 21 correspond intégralement au contenu de l'art. 17, ch. 5, CL. Une convention d'élection de for prévue dans un contrat de travail est inopérante si elle ne remplit pas les conditions prévues à l'art. 21, ch. 2.

L'art. 21, ch. 2, remplace l'art. 17, al. 4, CL ­ la disposition correspondante n'étant pas reprise au nouvel art. 23 ­. On abandonne ainsi le critère, sujet aux critiques, de la stipulation en faveur d'une partie («qu'en faveur de l'une des parties») au profit de critères plus clairs que l'on trouve déjà à l'art. 17, ch. 1 et 2, CLrév (art. 13, ch. 1 et 2, CL) dans le cadre des dispositions applicables aux contrats d'assurances. On se

26

Directive 96/71/CE, JOCE L 018 du 21 janvier 1997, dont l'art. 6 prévoit un for au lieu où le travailleur est détaché.

1514

référera également à la doctrine et à la jurisprudence relatives à l'art. 13, ch. 1 et 2, CL.

2.3

Autres modifications concernant les fors

2.3.1

For en matière d'obligation alimentaire

2.3.1.1

Procédures relatives à la responsabilité parentale

La réglementation sur le for en matière d'aliments de l'art. 5, ch. 2, a été complétée par une let. c pour les cas où la demande d'aliments est en relation avec la question de l'autorité parentale (droit de garde). Ce complément permet de combler une lacune importante puisque, jusqu'à présent, seules étaient visées les procédures en relation avec l'état des personnes (divorce). Une réglementation correspondante pour les Etats parties à l'UE est contenue dans le Règlement du Conseil relatif à ce sujet (voir ch. 2.3.1.2). En Suisse, la compétence relative aux questions de l'autorité parentale devrait découler en règle générale de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs27 et, à l'avenir, de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 sur la protection des enfants28. Une décision rendue sur cette base et qui se prononce accessoirement sur une demande d'aliments pourra être exécutée en vertu des dispositions de ladite CLrév dans les Etats liés par la CLrév.

2.3.1.2

Coordination avec le Règlement européen sur les aliments

Le 18 décembre 2008, l'UE a adopté le Règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires29 («Règlement européen sur les aliments»). Le Règlement européen sur les aliments doit entrer en vigueur pour les Etats membres à la mi-2011. Du point de vue de la CLrév il s'agit d'une «Convention sur des matières particulières» au sens de l'art. 67 CLrév. Dans leur domaine d'application (qui comprend territorialement les Etats membres de l'UE et matériellement les questions relatives aux aliments), les dispositions du Règlement relatives à la compétence ont le pas sur celles de la CLrév. Les décisions qui ont été rendues sur la base des compétences prévues dans le Règlement, doivent, selon la CLrév, être reconnues et exécutées en Suisse, sauf si la compétence du tribunal qui a rendu la décision ne serait reconnue ni en vertu de la LDIP ni en vertu de la CLrév et que la décision est dirigée contre une personne domiciliée en Suisse (art. 67, al. 3 et 4 CLrév).

Malheureusement, les fors du Règlement européen sur les aliments ne s'accordent pas sur tous les points avec ceux de la CLrév. Ainsi, l'art. 4 du Règlement (voir en 27 28

29

RS 0.211.231.01 Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, FF 2007 2497.

Règlement (CE) no 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires (JOCE L 7 du 10.01.2009).

1515

particulier ch. 5 in fine) contient des limitations au choix du for plus larges que l'art. 23 CLrév. De cette absence de coïncidence peuvent découler des conflits de compétence positifs et négatifs30. Pour les éviter, les Etats contractants doivent encore négocier et mettre en vigueur, avant l'entrée en vigueur de la CLrév et du Règlement européen, un protocole additionnel sur les rapports entre la CLrév et le Règlement européen sur les aliments, qui coordonnera les deux instruments sur les aliments.

Le protocole additionnel prévu devra modifier ponctuellement les dispositions de la CLrév sur la prorogation de compétence en lien avec les questions d'aliments et consacrer la validité du principe de la litispendance (lis pendens) dans les rapports entre la CLrév et le Réglement européen sur les aliments. Il devra s'agir d'un protocole indépendant à la CLrév, qui s'ajoutera au trois protocoles mentionnés à l'art. 75 CLrév31. C'est pourquoi, dans le contexte de la ratification de la CLrév, le Conseil fédéral est autorisé à conclure un tel protocole additionnel qui devra encore être négocié en détail dans le cadre des principes mentionnés ci-dessus.

2.3.2

For en matière d'actions provisoires en cessation de l'atteinte en cas d'acte illicite

En complétant l'art. 5, ch. 3 par l'expression «ou risque de se produire» (in fine), on a écarté l'incertitude régnant sous le régime actuel de la CL relative à la question de savoir si les actions provisoires en cessation de l'atteinte sont comprises dans le champ de la convention. Tel est désormais clairement le cas, ce qui correspond à l'interprétation de l'ancienne disposition par la doctrine dominante.

2.3.3

For en matière d'actions connexes

La précision des conditions de la compétence à l'art. 6, ch. 1, en matière d'actions connexes constitue une codification de la jurisprudence établie de la CJCE32, qui a été également suivie par les tribunaux suisses. Cette adaptation n'implique ainsi aucune modification matérielle de la situation juridique. Les dispositions de la loi du 24 mars 2000 sur les fors en matière civile33 (LFors, art. 7) et du CPC (art. 15) vont également dans le sens de cette jurisprudence, qui a pour objectif d'éviter des déci-

30

31

32 33

On peut penser au cas dans lequel un tribunal suisse accepterait une élection de for au profit d'un tribunal européen sur la base de l'art. 23 CLrév, alors que le tribunal désigné par les parties devrait refuser la prorogation sur la base des dispositions plus sévères de l'art. 4 du Règlement européen sur les aliments (conflit de compétence négatif). Le cas inverse est également imaginable, dans lequel un tribunal européen se déclare compétent malgré la prorogation en faveur d'un tribunal suisse (qui, d'après le règlement doit être prise en compte) alors que le tribunal suisse se considère aussi compétent (sur la base de la prorogation conforme à l'art. 23). Ce conflit de compétence positif se liquide toutefois par le biais de la litispendance.

Le protocole additionnel prévu ne sera pas mentionné dans l'art. 75 CLrév, parce qu'un tel complément ­ en principe, opportun ­ aurait nécessité une modification formelle de la Convention. Une telle révision doit pourtant justement être évitée (pour le moment) par le biais du protocole additionnel.

CJCE, Arrêt du 27 septembre 1988, Aff. C-189/87, Kalfelis/Schröder, Rec. 1988, p. 5565.

RS 272

1516

sions contradictoires et de mettre fin aux litiges de manière efficace et à moindres coûts.

2.3.4

For en matière de demande en garantie et de demande en intervention

A l'entrée en vigueur du CPC qui prévoit à son art. 16 un for pour l'appel en cause, la réserve émise par la Suisse en raison des réglementations cantonales ne prévoyant pas ce for (Protocole no 1, art. 5, désormais dans l'annexe IX) tombera. Le for de l'art. 6, ch. 2, aura désormais toute son importance pour la Suisse.

2.3.5

Fors exclusifs en matière de droit des sociétés, de droits immatériels et d'exécution des décisions

Les compétences exclusives de l'art. 16 CL ont été reprises telles quelles ­ hormis les adaptations mentionnées ci-après ­ dans le nouvel art. 22. La situation actuelle ainsi que la jurisprudence découlant des dispositions sur les droits réels et sur les baux d'immeubles (ch. 1), sur les inscriptions dans les registres publics (ch. 3) et sur les exécutions des décisions (ch. 5) restent de ce fait inchangées, tout comme celles, plus spécifiques, relatives à l'exécution des décisions en Suisse.

Art. 22, ch. 2

Litiges en matière de droit des sociétés

La compétence exclusive en matière de litiges relevant du droit des sociétés découle de l'art. 16, ch. 2, CL, qui est repris sans modifications par l'art. 22, ch. 2.

L'indication du renvoi aux règles de droit international privé du for pour la détermination du siège de la société (2e phrase) signifie que la nouvelle définition autonome du siège figurant à l'art. 60 n'est pas applicable ici. La situation demeure ici aussi inchangée et permet ainsi le renvoi à la jurisprudence et à la doctrine à ce sujet.

Art. 22, ch. 4

Litiges en matière de droits immatériels

L'art. 22, ch. 4, présente deux modifications par rapport à l'art. 16, ch. 4, CL.

La modification la plus importante consiste dans l'ajout, dans chacun des deux alinéas, d'un élément indiquant que le fait «que la question soit soulevée par voie d'action ou par voie d'exception» n'est pas déterminant. Elle a pour but de reprendre dans la convention une jurisprudence récente de la CJCE34. Il résulte de cette jurisprudence ­ qui ne fait pas l'unanimité ­ que le tribunal du for du lieu de l'inscription du brevet dispose encore d'une compétence exclusive lorsque la question de la validité de la patente est soulevée à titre d'exception devant un autre tribunal. Le premier tribunal saisi d'une action en violation en rapport avec une procédure d'examen de la validité du brevet doit ainsi surseoir sa compétence en faveur du tribunal du lieu d'inscription du brevet, ou se déclarer incompétent. Si la procédure est suspendue, un délai est imparti au défendeur pour introduire devant la juridiction ou l'autorité compétente une requête ou une action (en vertu de l'art. 22, ch. 4) sur la question de la validité de la patente, à défaut de quoi l'exception est écartée. La 34

CJCE, Arrêt du 13 juillet 2006, Aff. C-4/03, GAT/LuK, Rec. 2006, p. 6501.

1517

procédure est reprise après que la décision sur la question de la validité a été tranchée et est entrée en force. La jurisprudence de la CJCE a déjà été reprise et appliquée par le Tribunal de commerce de Zurich. Cette règle, qui n'était précédemment applicable qu'en matière de brevets, l'est désormais à tous les litiges en matière d'inscription ou de validité de droits immatériels couverts par le ch. 4.

La seconde adaptation est d'ordre formel: le deuxième alinéa du ch. 4 a été repris dans une large mesure de l'actuel art. Vquinquies du Protocole no 1 à la CL. Cette disposition contient une réglementation spéciale applicable aux brevets européens délivrés sur la base de la Convention du 29 novembre 2000 sur le brevet européen (CBE)35. Il convient de préciser à ce sujet que les dispositions du Protocole du 5 octobre 1973 sur la reconnaissance36 relatives à la compétence et à la reconnaissance priment, dans leur champ d'application celles de la CLrév (art. 67, al. 1). Le brevet communautaire, qui n'est à ce jour toujours pas réalisé ­ et qui n'est pas prévu à l'art. Vquinquies du Protocole no 1 ­, n'est cependant plus mentionné, et la règle de compétence a été complétée, de manière analogue à l'alinéa précédent, par la jurisprudence mentionnée ci-dessus.

Art. 22, ch. 5

Litiges en matière d'exécution des décisions

Controversée dans la jurisprudence et la doctrine, la question de savoir si certains instruments et actions de la LP doivent être reconnus et tombent sous le coup du for de l'exécution de l'art. 16, ch. 5, CL demeure irrésolue avec le texte resté inchangé de l'art. 22, ch. 5, CLrév. Dans ce cadre, modifier la LP pour résoudre ce problème n'aurait pas de sens, ne serait-ce qu'en raison du fait que la CL prime la LP. Il n'en demeure pas moins que la jurisprudence s'apprête à résoudre bon nombre de questions restées ouvertes, notamment celles qui touchent à la qualification et au régime de la mainlevée provisoire de l'opposition et de l'action en libération de dette à la lumière de la CL37.

Il n'est pas exclu que le nouvel art. 62 CLrév puisse avoir une incidence sur les instruments qu'offre la LP pour requérir l'ouverture d'une poursuite. L'art 62 CLrév, qui remplace l'art. Vbis du Protocole no 1, dispose que certaines dispositions rendues par des autorités administratives (notamment en Norvège, au Danemark, en Islande et en Finlande) doivent être considérées comme des décisions rendues par une «juridiction» au sens de la convention. On a supprimé dans le nouvel article l'énoncé des Etats et de leurs règles respectives en laissant au droit national interne la liberté d'attribuer à des autorités administratives des tâches juridiques comprises dans le champ d'application de la convention.

Alors que le fait d'examiner si une décision émanant d'une autorité administrative ou judiciaire était déterminant, la question de savoir si une décision doit être rendue ou non en vertu de la convention ne se posera plus avec la CLrév. Un commandement de payer pourra désormais tomber dans le domaine de compétence de la CLrév à condition qu'il se rapporte à une prétention liée à une affaire civile ou commerciale. Dans ses arrêts Klomps38 et Hengst39, la CJCE a considéré que la décision 35 36 37 38 39

RS 0.232.142.2 RS 0.232.142.22 ATF 130 III 285 CJCE, Arrêt du 16 juin 1981, Aff. C-166/80, Klomps/Michel, Rec. 1981, p. 1593.

CJCE, Arrêt du 13 juillet 1995, Aff. C-474/93, Hengst Import/Campese, Rec. 1995, p. 2113.

1518

d'exécution (Vollstreckungsbescheid) rendue dans une procédure allemande d'injonction (Mahnverfahren) et que le décret d'injonction (decreto ingiuntivo) rendu dans une procédure italienne d'injonction (procedimento d'ingiunzione) devaient être considérés comme une décision d'exequatur au sens de la Convention de Bruxelles, décision qui doit obligatoirement être rendue selon les prescriptions en matière de fors résultant du traité. Bien que les procédures allemande et italienne d'injonction présentent des similitudes avec la procédure suisse du commandement de payer, cette dernière s'en distingue cependant principalement en ceci que le commandement de payer est établi par une autorité administrative et non pas judiciaire. Si cette différence a son importance sous l'empire de la CL actuelle40, elle ne devrait plus jouer aucun rôle avec l'art. 62 CLrév. Dans la pratique, cette question n'a cependant qu'une portée limitée car le commandement de payer est généralement dressé au for prévu par la CLrév, soit le plus souvent au domicile du débiteur.

2.3.6

Prorogation de compétence

D'une manière générale, les modifications ponctuelles opérées à l'art. 23 représentent une codification de la situation juridique qui prévalait déjà, du moins pour la Suisse, sous l'art. 17 CL. Cela vaut en premier lieu pour la précision apportée par l'al. 1, selon lequel le tribunal prorogé dispose en principe d'une compétence exclusive, les parties pouvant néanmoins convenir d'un for non exclusif sous réserve que ce caractère non exclusif soit expressément mentionné.

Le nouvel al. 2 place la conclusion d'une convention par voie électronique à égalité avec la forme écrite (al. 1, let. a). L'insécurité sur ce point existant dans la CL, et qui était contournée par un rapprochement des let. b et c, est ainsi éliminée.

Le critère d'exclusion, relativement obscur, du caractère «unilatéral» de la convention prévu à l'art. 17, al. 4, CL a été supprimé dans la CLrév. Les limitations relatives à la liberté de prorogation de compétence sont ainsi réglées exhaustivement aux art. 13, 17, 21 et 22.

2.4

La litispendance

Les art. 27 ss (art. 21 ss CL) règlent la question de la priorité entre des procédures parallèles qui sont soit identiques, soit connexes, et qui se trouvent être pendantes auprès de différents tribunaux. Le but visé est en particulier d'éviter que les tribunaux des Etats contractants ne rendent des décisions exécutoires contradictoires et, dans la mesure du possible, d'écarter d'emblée une situation telle que celle réglée à l'art. 34, ch. 3 (art. 27, ch. 3 CL). Alors que les art. 21, 22 et 23 CL sont repris aux art. 27, 28 et 29, la révision prévoit l'introduction d'un nouvel art. 30. A l'exception de l'art. 28 (art. 22 CL) et du nouvel art. 30, la teneur des articles actuellement en vigueur (art. 21 ss CL) reste quasi inchangée. C'est pourquoi, sous réserve de la modification commentée ci-après de l'art. 28 et du nouvel art. 30, l'on peut renvoyer ici à la jurisprudence et à la doctrine développées relativement aux normes correspondantes de la CL.

40

Cf. ATF 130 III 285, consid. 5.1.

1519

Art. 28

Connexité

Le nouvel art. 28 a pris en compte les nombreuses critiques émises à l'encontre de la formulation maladroite de l'art. 22 CL qui exigeait que les instances soient pendantes «au premier degré» pour que le juge soit habilité à suspendre la cause. La limitation au «premier degré» est donc renvoyée à l'al. 2, ce qui s'explique du simple point de vue de la systématique. Dès lors, il n'est plus nécessaire que les procédures concernées soient pendantes «au premier degré» pour que la juridiction saisie puisse surseoir à statuer. Toutefois, pour ce qui est du dessaisissement prévu à l'al. 2, la limitation «au premier degré» se justifie dans la mesure où elle permet d'éviter le risque de priver une partie d'un degré de juridiction. Il serait en effet inadmissible qu'un juge de premier degré, dont la décision serait susceptible d'appel, se dessaisisse au bénéfice d'une juridiction de recours étrangère (voir cependant l'art. 27, qui reprend le libellé de l'art. 21 CL, concernant les demandes ayant le même objet et la même cause).

Art. 30

Litispendance

Un des éléments ayant motivé la révision de l'actuel texte de la convention porte sur le problème qui s'est posé dans la jurisprudence concernant la détermination du moment à partir duquel une procédure est pendante. En effet, l'art. 21 CL ne précise pas à quel stade de la procédure la litispendance est créée. La CJCE a pour sa part considéré que l'art. 21 CL devait être interprété en ce sens qu'était première saisie la juridiction devant laquelle ont été remplies en premier lieu les conditions permettant de conclure à une litispendance définitive, ces conditions devant être appréciées selon la loi nationale de chacune des juridictions concernées41. Ainsi alors que dans l'espace juridique anglo-américain on se base sur le moment de la notification du «writ», dans la plupart des ordres juridiques continentaux on se base sur le moment de l'introduction de la demande, soit auprès du tribunal, soit auprès du défendeur.

Une telle appréciation, dans la mesure où elle est basée sur les spécificités nationales, peut donc aboutir à des résultats très différents et souvent insatisfaisants. Cette jurisprudence a été l'objet d'interprétations différentes qui ont été relevées par le TF dans son ATF 123 III 414. Il, consid. 5. d. Le TF a soutenu une interprétation partiellement autonome, faisant valoir qu'il était nécessaire que l'ouverture d'action définitive lie, à un certain degré, le demandeur à l'action et implique une certaine obligation de continuer la procédure. Malgré une telle interprétation, ce renvoi au droit national s'est avéré lacunaire en pratique, dans la mesure où le demandeur à une procédure en Suisse, dans le cadre de laquelle le lien minimal requis entre demandeur et procès apparaît tardivement (comme par exemple après une procédure de conciliation), se voit alors discriminé par rapport au demandeur à une procédure parallèle à l'étranger qui, elle, prévoit l'établissement de ce lien beaucoup plus tôt selon ses règles nationales applicables. C'est donc dans la perspective de pouvoir réaliser le plus largement possible l'égalité des chances entre les parties qu'un nouvel art. 30 a été rédigé, le but étant de se référer à des étapes fixes et facilement identifiables de la procédure.

La règle de priorité prévue par l'art. 21 CL en cas de demandes formées entre les mêmes parties et ayant la même cause et le même objet reste inchangée; elle est fixée dans lenouvel art. 27. La particularité de la révision est d'introduire, selon la 41

CJCE, Arrêt du 7 juin 1984, Aff. C-129/83, Zelger c. Salintri, Rec. 1984, p. 2397.

1520

nouvelle disposition prévue à l'art. 30, des éléments permettant d'identifier de manière autonome le moment à partir duquel une juridiction est réputée saisie. Cette nouvelle réglementation se réfère ainsi à deux étapes de la procédure qui sont facilement identifiables, à savoir l'introduction de la demande auprès du tribunal (ch. 1) et la notification de l'acte introductif d'instance au défendeur (ch. 2). Il s'agit là des principales conceptions prévalant au sein des ordres juridiques européens et entre lesquelles il n'a pas été possible de choisir. La révision permet donc d'identifier, quelles que soient les règles de droit nationales, l'action qui crée la litispendance, qu'il s'agisse de l'introduction de la demande auprès du tribunal ou de la notification de l'acte introductif d'instance au défendeur.

Le choix s'est porté sur la première étape initiant la procédure afin de pouvoir soustraire cette détermination, dans toute la mesure possible, aux aléas du déroulement pratique de la procédure (célérité des autorités, etc.) et autres manipulations des parties. La procédure doit en outre démontrer un certain ancrage et le demandeur est également soumis à une obligation de continuer la procédure. Il doit ainsi prendre les mesures nécessaires pour que l'acte introductif d'instance déposé auprès de la juridiction soit par la suite notifié au défendeur et, inversement, dans les systèmes dans lesquels la notification au défendeur a lieu avant que l'acte ne soit déposé auprès de la juridiction. La norme ne couvre toutefois pas totalement cette problématique puisqu'elle ne détermine pas la durée durant laquelle la deuxième étape de la procédure doit être effectuée, ce point devant être réglé par le droit national.

Bien que le nouvel art. 30 fixe le stade de la procédure à partir duquel la litispendance est créée, la détermination de l'acte introductif d'instance correspondant à ce stade relève quant à elle du droit de procédure national. Bien que la conciliation ne ressorte pas expressément du texte de l'art. 30, il est indiscutable, au vu de la teneur des négociations à ce sujet, qu'elle constitue un acte introductif d'instance au sens du ch.1. Ainsi, lorsque la conciliation représente une étape obligatoire de la procédure, sa réalisation crée alors une situation de litispendance, situation soumise
à la condition que le demandeur entreprenne les démarches ultérieures nécessaires. Il s'agit encore de relever que le CPC s'inscrit également dans cette ligne et prévoit que l'instance est introduite d'une manière uniforme par le dépôt de la requête en conciliation (art. 62 CPC). Lorsqu'une procédure de conciliation n'est pas prévue, c'est le dépôt de la demande en justice qui est déterminant. La notion de dépôt de la demande comprend elle tout acte introductif ou préparatoire demandant pour la première fois la protection au juge dans la forme requise, l'introduction d'une action auprès du tribunal en constituant un exemple typique.

2.5

Définition autonome du siège des personnes morales

Si, s'agissant de la détermination du domicile des personnes physiques, la solution du renvoi au droit international privé de l'Etat du for a été maintenue (art. 59, qui reprend sans changement le contenu de l'art. 52 CL), ce n'est pas le cas pour les sociétés et les autres personnes morales qui bénéficient désormais d'une définition autonome inscrite dans la convention.

La détermination du siège par renvoi au droit international privé du for (art. 53, al. 1, CL) n'a jamais été une solution satisfaisante car les différentes approches prévalant dans les Etats contractants (théorie du siège contre théorie de l'incorporation ou de la constitution) pouvaient conduire à des conflits de compétence positifs ou négatifs.

1521

La révision a ainsi intégré ces différentes approches dans une définition autonome figurant dans le nouvel art. 60.

L'art 60, al. 1, se distingue par le fait que le principe du siège ­ fondé sur des éléments factuels ­ et celui de l'incorporation ­ résultant de la loi ­ sont combinés alternativement. Si l'administration centrale, l'établissement principal ou le siège statutaire se situent dans des Etats contractants différents, le demandeur est libre d'introduire l'action dans chacun de ces Etats. Ces termes sont repris de l'art. 48, al. 1, du Traité CE. Il en ressort que le siège statutaire découle des statuts de la société, que l'administration centrale est celle où se prennent les décisions et où se trouve la direction d'exploitation de la société ou d'autres personnes morales ­ soit en règle générale au siège de ses organes ­ et que l'établissement principal est celui où se déroule en pratique l'activité essentielle de la société, c'est-à-dire le lieu où se concentrent son personnel et ses ressources matérielles.

Les spécificités du droit anglais et écossais ont rendu nécessaire l'énonciation d'une définition du siège statutaire pour le Royaume-Uni à l'art. 60, al. 2.

Cette solution supprime l'inconvénient du système actuel qui crée une lacune due aux deux différentes approches nationales existant dans les Etats européens, à savoir la théorie de l'incorporation qui s'oppose à celle du siège. Les conflits négatifs de compétence seront ainsi éliminés. L'existence plus fréquente de conflits positifs de compétence sera par contre résolue par le choix accordé au demandeur.

La notion élargie du siège telle qu'elle figure à l'art. 60 mise en relation avec l'art. 2 contribuera à étendre le champ d'application personnel et territorial de la convention. On peut dès lors imaginer que celle-ci pourra s'appliquer à des sociétés qui, sans avoir leur siège dans un Etat contractant, ont leur administration effective dans l'un de ceux-ci.

L'art. 60 n'est pas applicable dans le cadre de la compétence exclusive prévue à l'art. 22, ch. 2. La solution prévoyant le renvoi reste dans ce cas-là applicable.

2.6

Reconnaissance et exécution

2.6.1

Aperçu des nouveautés

Contrairement aux tendances récentes au sein de l'UE en faveur d'une suppression pure et simple de toute procédure de reconnaissance42, la procédure de reconnaissance et d'exécution est maintenue. Les nouveautés du titre III (Reconnaissance et exécution) visent plutôt une plus grande simplification et un raccourcissement de la procédure de reconnaissance et d'exécution. La révision permet d'atteindre ces buts de deux manières: d'une part, par une limitation des motifs matériels de refus de reconnaissance (cf. ci-après ch. 2.6.2) et, d'autre part, par une simplification de la procédure (ch. 2.7).

42

Le règlement (CE) no 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées crée, dans son champ d'application, une procédure d'exequatur entre les États membres. Un créancier peut dorénavant faire certifier un titre en tant que titre exécutoire européen dans son État d'origine, en conséquence de quoi il deviendra alors, sans autre examen, exécutoire dans les autres États membres.

1522

Les nouveautés prévues à la section 1 (Reconnaissance) apportent des restrictions ponctuelles mais significatives au niveau des éventuels motifs de refus (art. 34). Le principe fondamental selon lequel toute décision étrangère doit, par principe, être reconnue, a été conservé. En conséquence, l'art. 33 a été repris tel quel de l'art. 26 CL. Comme c'est déjà le cas à présent, l'art. 33, al. 2, contient une base légale pouvant fonder une action en constatation portant sur la reconnaissance. De même, le principe inscrit à l'art. 31 CL selon lequel les décisions rendues dans un Etat contractant sont en principe exécutables dans un autre Etat contractant a également était repris tel quel à l'art. 38.

Les dispositions suivantes, relatives à la procédure de déclaration d'exécution (procédure d'exequatur), ont par contre subi d'importantes modifications. La révision de la procédure d'exequatur et sa mise en oeuvre en droit suisse font ainsi l'objet d'un chapitre particulier du présent rapport (ch. 2.7).

2.6.2 Art. 34, ch. 1

Motifs de refus de la reconnaissance Violation manifeste de l'ordre public

Le motif de refus fondé sur l'ordre public matériel et formel prévu à l'art. 34, ch. 1, (art. 27, ch. 1, CL) a été réduit aux violations «manifestes». L'adaptation est de nature purement rédactionnelle. Le texte modifié reprend la jurisprudence, qui prévaut également en Suisse, selon laquelle le motif de l'ordre public en matière de reconnaissance ne peut être invoqué que dans des cas exceptionnels (ATF 127 III 300).

Art. 34, ch. 2

Notification irrégulière de l'acte introductif d'instance

Il existe d'importantes nouveautés concernant le droit d'être entendu en matière de notification. Selon le texte actuel de la convention, le juge saisi de la demande de reconnaissance peut examiner la notification de l'acte introductif d'instance sous l'angle de sa «régularité» (art. 27, ch. 2, CL). Il est dès lors nécessaire de procéder à un examen complet du respect des règles relatives à la notification en vigueur dans l'Etat de jugement. Il s'ensuit que le défendeur dans la procédure d'exécution peut se prévaloir de défauts accessoires au niveau de la notification qui, matériellement, n'entament en rien ses droits de défense, créant par là-même un effet de blocage de la reconnaissance et de l'exécution. Un des buts de la révision était notamment d'éliminer cette possibilité d'abus tout en maintenant la garantie des droits du défendeur. C'est pour cette raison que la reconnaissance au sens du texte révisé pourra désormais n'être refusée que si le défendeur ne s'est pas vu notifier l'acte introductif d'instance en temps utile et d'une manière telle qu'il puisse se défendre.

Il est ainsi possible de garantir des exigences de forme minimales en matière de notification mais fonctionnellement essentielles pour la procédure. En règle générale, de graves défauts dans la notification doivent toutefois être considérés comme de forts indices que le droit d'être entendu du débiteur n'a pas été respecté de manière satisfaisante.

Cet assouplissement au niveau des conséquences d'une irrégularité formelle de la notification ne délie toutefois pas le défendeur, au sens de l'art. 34, ch. 2, de l'obligation de se défendre par tous les moyens de droit disponibles contre une 1523

décision régulièrement notifiée43 au sens de la première partie de la phrase.

L'art. 34, ch. 2, in fine, («à moins qu'il ...») en fait même une obligation à la charge du défendeur. Si ce dernier omet de recourir contre la décision à exécuter correctement notifiée, alors qu'il en était en mesure de le faire, il ne pourra par la suite plus se prévaloir des irrégularités de la notification au stade de la procédure de reconnaissance.

Du point de vue suisse, cette restriction supplémentaire des droits du défendeur va trop loin. La position d'un défendeur déjà débouté en première instance et qui, devant un tribunal étranger, ne peut se prévaloir de la violation de ses droits procéduraux qu'au stade de la procédure de recours, n'est pas comparable avec la situation procédurale d'un défendeur invité pleinement à participer à la procédure de première instance. On peut relever notamment la brièveté des délais de recours ­ prévus pour exposer pour la première fois sa position juridique ­ ou les éventuelles limitations de la cognition qui peuvent être imposées dans la procédure de recours.

Dans la mesure où le défendeur est renvoyé devant une instance de recours pour faire valoir son objection découlant d'un défaut de notification, l'art 34, ch. 2, a pour conséquence de privilégier le demandeur qui, sur la base d'une notification irrégulière, dispose alors d'un jugement par défaut. Le fait que le jugement par défaut doive quant à lui être correctement notifié au sens de l'art. 34, ch. 244, ne change rien à cela.

La Suisse a en conséquence, à l'art. III du Protocole no 1, revendiqué le droit d'émettre une réserve à l'encontre de cette relativisation trop grande des droits du défendeur et compte en faire usage (cf. ch. 3). La deuxième partie de l'art. 34, ch. 2, ne sera dès lors pas applicable à l'égard d'un défendeur dans une procédure de reconnaissance domicilié en Suisse. A l'inverse, les autres Etats contractants peuvent exciper de la même situation juridique à l'égard de la Suisse. De même que le défendeur domicilié en Suisse, le défendeur à l'étranger peut également se prévaloir de l'objection de l'art. 34, ch. 2, lorsque, après la notification ­ correcte ­ de la décision, il a omis de contester la citation irrégulière.

Art. 34, ch. 3

Exception de res iudicata dans l'Etat de l'exécution

Comme l'art. 27, ch. 3, CL, l'art. 34, ch. 3, CLrév indique clairement que, de manière générale, une décision contradictoire dans la même cause issue d'un Etat contractant ne peut pas être reconnue.

Art. 34, ch. 4

Exception de res iudicata dans un Etat autre que celui de l'exécution

L'art. 34, ch. 4, a fait l'objet d'une clarification par rapport à l'art. 27, ch. 5, CL, ce qui a permis de combler une lacune du texte actuel. La reconnaissance d'une décision n'est dorénavant plus seulement refusée lorsqu'elle est inconciliable avec la décision d'un Etat tiers qui n'est pas Etat contractant, mais également lorsqu'elle est inconciliable avec une décision rendue dans un autre Etat contractant que l'Etat contractant requis.

L'art. 27, ch. 4, CL ­ reste d'une «révision au fond» ­, compliqué dans son application et d'une pertinence pratique quasi-nulle, a été supprimé.

43 44

Telle est l'exigence établie par la CJCE dans son arrêt ASML/SEMIS du 14 décembre 2006, Aff. C-283/05, Rec. 2006, p. 2041.

Cf. l'arrêt cité à la note précédente.

1524

2.7

La procédure d'exequatur révisée et sa mise en oeuvre en Suisse

2.7.1

Remarques préliminaires

2.7.1.1

La CLrév dans le droit suisse de l'exécution forcée

Comme la CL, la CLrév est directement applicable et supplante, dans leur champ d'application, les normes de droit national relatives à la compétence, à la reconnaissance et àl'exécution, à savoir la LDIP pour la Suisse.

La CLrév contient des dispositions détaillées, mais non exhaustives, sur la procédure de déclaration d'éxécution (l'exequatur). Cette procédure a subi dans la CLrév d'importants changements par rapport à la CL qui seront commentés ci-après.

La CLrév prévoit une procédure d'exequatur unifiée qui doit être appliquée indépendamment du fait qu'il s'agisse d'exécuter des décisions ou des titres authentiques et que ces titres ou décisions portent sur des prestations en argent ou sur d'autres prestations. La procédure d'exécution suisse, quant à elle, est caractérisée par la séparation entre prestations en argent et autres prestations. C'est pourquoi il est nécessaire d'harmoniser la procédure d'exequatur de la CLrév avec le futur CPC suisse et avec la LP.

S'agissant de l'exécution de prétentions autres que pécuniaires, les normes procédurales de la CLrév s'accordent sans difficulté avec les normes correspondantes de la procédure civile (art. 338 ss CPC). La primauté de la CLrév est affirmée expressément à l'art. 335, al. 3, CPC. Au niveau de la procédure d'exequatur, cette primauté a pour conséquence que dans le cadre du CPC, le tribunal de l'exécution statue sans audition préalable du débiteur et que les objections de ce dernier ne sont examinées qu'au stade de la procédure de recours (cf. ch. 2.7). Les conditions de la reconnaissance s'apprécient exclusivement au regard de la CLrév (cf. ch. 2.6.2). Les questions non réglées par la CLrév, telles que les mesures conservatoires ­ mais non leurs conditions (cf. ch. 2.7.5) ­, relèvent, quant à elles, du CPC (art 343 ss CPC).

L'expérience a montré que, malgré la primauté des institutions procédurales de la CL (art. 30a LP), il n'allait pas de soi de concilier certaines d'entre elles parmi les plus importantes avec l'actuelle LP 45. On peut mentionner, par exemple, l'exigence du caractère unilatéral de la procédure d'exequatur et l'effet de surprise visé par là.

Même si la procédure est menée unilatéralement devant le juge de la mainlevée, la procédure préalable de la LP, en particulier le commandement de payer, ruine cet effet de surprise.
Contrairement au message du 21 février 1990 relatif à la CL46, le présent projet propose des adaptations ponctuelles de la LP et du CPC afin que la procédure d'exequatur au sens de la CLrév puisse être introduite dans le droit suisse de l'exécution. Ces modifications doivent, d'une part, mettre fin à une prolifération de solutions divergentes au niveau des cantons et, d'autre part,garantir que l'efficacité de la CLrév ne sera pas remise en question par la LP ou le CPC en cas de lacune normative. En outre, elles doivent également offrir aux créanciers titulaires d'un jugement prononcé en Suisse les mêmes avantages que ceux accordés aux créanciers mis au bénéfice d'un jugement rendu à l'étranger.

45 46

ATF 126 III 441.

Cf. note 2.

1525

2.7.1.2

Aperçu de la mise en oeuvre

Le concept proposé en vue d'une procédure d'exequatur et d'exécution conforme à la procédure de Lugano repose sur deux piliers: ­

la compétence du tribunal de l'exécution pour toutes les mesures d'exécution, y compris l'octroi de l'exequatur et les mesures conservatoires afférentes;

­

le séquestre ­ dont la procédure a été améliorée ­ en tant que mesure conservatoire au sens de la CLrév en matière de prestations pécuniaires.

La LP connaît déjà une procédure unilatérale sans participation du défendeur, telle que la prévoit la CLrév pour la procédure d'exequatur, à savoir la procédure de séquestre au sens de l'art. 272 ss LP. Il n'y a de là plus qu'un pas à faire pour déclarer la procédure correspondante applicable à la procédure d'exequatur de la CLrév, en tout cas lorsqu'une mesure conservatoire d'une dette en argent est requise simultanément.

L'actuel juge du séquestre (art. 272, 274 et 278 LP) est simplement qualifié, dans le projet, de juge. Cela exprime le fait qu'il sera désormais possible d'attribuer à ce tribunal la compétence d'ordonner toutes les mesures relatives à l'exécution et toutes les mesures conservatoires qui y sont liées; cette compétence est d'ailleurs attribuée par les déclarations correspondantes faites dans le cadre de la CLrév. 'Les compétences de l'actuel juge du séquestre rejoignent ainsi celles du tribunal de l'exécution visées à l'art. 338 ss CPC.

En outre, la compétence territoriale du juge qui prononce le séquestre selon l'art. 272 LP est adaptée à la CLrév (art. 39) ainsi qu'au CPC (art. 339).

Dans le cas où la procédure d'exequatur n'est pas liée à l'exécution d'une prestation en argent mais à celle d'une autre prestation ­ faire, tolérer ou s'abstenir ­, le tribunal de l'exécution procède selon les dispositions du CPC (art. 335 ss CPC). Il s'agit dans ce cas d'être attentif au fait que la CLrév peut interférer ponctuellement avec la procédure du CPC (art. 335, al. 3, CPC), notamment en ce concerne l'unilatéralité de la procédure.

Puisqu'il n'est plus possible de subordonner une mesure conservatoire requise sur la base d'une procédure d'exequatur à une décision judiciaire particulière supplémentaire47, le tribunal compétent pour l'exequatur doit toujours être autorisé à prononcer cette mesure conservatoire. Pour ce qui des créances pécuniaires, le tribunal de l'exécution ­ en tant que tribunal octroyant l'autorisation de séquestre au sens de l'art. 272 LP ­ prononce ainsi tant l'exequatur que l'autorisation de séquestre. En ce qui concerne les prétentions non pécuniaires, cette compétence appartient au tribunal de l'exécution en vertu de l'actuel art. 340 CPC.

Comme c'est déjà le cas sur la base de l'art. 340 CPC, le tribunal de l'exécution pourra désormais également séquestrer des
biens à l'échelle de l'ensemble de la Suisse en se fondant sur les art. 272 ss LP. L'espace unifié d'exécution créé par le CPC sera dès lors élargi aux mesures conservatoires au sens de la LP. L'octroi simultané de l'exequatur et de l'autorisation de séquestre qui lui est lié devient ainsi tout à fait possible. En effet, si différents biens étaient séquestrés dans des juridic47

CJCE, Arrêt du 3 octobre 1985, Aff. C-119/84, Capelloni/Pelkmans, Rec. 1985, p. 1951.

1526

tions différentes sur la base d'un même jugement, sans que le juge de l'exequatur soit compétent pour l'ensemble des biens, il faudrait alors soit rendre plusieurs décisions d'exequatur ­ éventuellement contradictoires ­ soit des autorisations de séquestre séparées. La nouvelle réglementation entraîne également ­ y compris en-dehors du champ d'application de la CLrév ­ l'élimination d'un obstacle procédural objectivement injustifié pour le créancier séquestrant.

La réunion, proposée par le législateur, des compétences matérielles concernant l'exécution et les mesures conservatoires correspondantes, y compris le séquestre, auprès d'un tribunal ­ in casu le tribunal de l'exécution ­ coïncide avec la pratique largement majoritaire et pertinente prescrite par les lois d'organisation judiciaire cantonales. Il est à espérer qu'au plus tard à l'entrée en vigueur du CPC cette situation juridique sera celle qui prévaudra dans tous les cantons.

L'élargissement de la compétence territoriale et la terminologie ouverte ­ «juge» au lieu de «juge du séquestre» ­ permettent ainsi aisément qu'hors procédure d'exequatur, un tribunal saisi de la cause principale puisse, dans la mesure où les compétences territoriale et matérielle du tribunal principal au sens de l'art. 272 LP sont données, prononcer un séquestre à titre de mesure conservatoire. Dans ce domaine aussi, la LP a subi des adaptations par la législation y relative du CPC (art. 261 CPC).

2.7.1.3

La procédure incidente d'exequatur en tant qu'alternative

Outre la procédure d'exequatur portée devant le tribunal de l'exécution (cf.

annexe II), conforme à la CLrév nouvellement créée et fondée à la fois sur le nouveau texte de la convention et sur les modifications de loi proposées dans le présent projet, il restera à l'avenir possible pour le créancier d'emprunter le chemin de la poursuite ordinaire et de la procédure d'exequatur incidente dans le cadre de la procédure de mainlevée (art. 81 LP). Toutefois, le créancier renonce ainsi à l'application des dispositions de procédure de la CLrév et aux avantages procéduraux qu'elle lui procure. Les exceptions prévues par la CLrév s'appliquent sans autre dans le cadre de l'art. 81, al. 3, LP et peuvent être déjà invoquées à ce stade du procès grâce à l'une ou l'autre des procédures disponibles. Cette procédure restera néanmoins une option valable pour les créanciers qui ne veulent ­ ou ne peuvent ­ prétendre ni à une mesure conservatoire, ni à l'effet de surprise.

Conformément à l'art. 309, let. b, ch. 3, CPC, seul le recours limité au droit est recevable contre une décision de mainlevée. Celui-ci ne comporte en principe pas d'effet suspensif. Le créancier au bénéfice de la mainlevée définitive est autorisé à requérir la saisie (définitive) à l'expiration du délai de paiement prévu par l'art. 88 LP. En comparaison avec ceux de l'art. 43, al. 5, CLrév, les délais de recours relativement courts de l'art. 321, al. 2, CPC sont en outre à l'avantage du créancier.

1527

2.7.2 Art. 39

La procédure d'exequatur en première instance La compétence matérielle et territoriale du tribunal de l'exequatur

L'art. 39 ne comprend qu'une adaptation formelle par rapport à l'art. 32 CL, dont il reprend le contenu. La liste des tribunaux ou autorités compétents n'est plus mentionnée dans la convention même, mais dans une annexe II, à laquelle renvoie l'art. 39. C'est également le cas des art. 43, al. 2, et 44.

La déclaration de la Suisse à ce sujet (cf. ch. 3) sera modifiée à la suite de la règlementation unifiée relative à la procédure d'exequatur au sens de la CLrév et aux mesures conservatoires. Nouveauté pour la Suisse, la requête d'exécution doit maintenant, d'après la CLrév, être adressée en principe au tribunal cantonal de l'exécution (art. 338 ss CPC). Le tribunal de l'exécution ­ actionné également en qualité de juge du séquestre selon la terminologie actuelle ­ peut ainsi prononcer tant l'exequatur qu'un séquestre fondé sur le nouvel art. 271, al. 1, ch. 6, LP (cf.

ch. 2.7.5). Cet article inclut également, dans le champ d'application de la CLrév, le juge compétent pour prononcer l'autorisation de séquestre selon l'art. 272 LP (cf. ch. 2.7.1.2).

La compétence territoriale du tribunal cantonal de l'exécution se fonde directement sur l'art. 39, al. 2. Cela a pour conséquence que le for au lieu d'exécution n'est plus subsidiaire mais alternatif au for du domicile du défendeur. La CLrév correspond ainsi largement, dans son résultat, à l'art. 339 CPC. Elle est toutefois en opposition avec l'art. 272 LP en vigueur dans la mesure où ce dernier ne prévoit pas de for au domicile du débiteur. L'art. 272 LP doit donc être adapté de sorte que le séquestre puisse également être demandé au for de la poursuite, soit en principe au domicile du débiteur (cf. ch. 4.1). La compétence pour le prononcé de l'autorisation de séquestre au sens de l'art. 272 LP est ainsi alignée sur l'art. 39 et l'art. 339 CPC, ce qui permet aussi d'éviter un handicap des créanciers en Suisse qui, hors du champ d'application de la CLrév, ne bénéficieraient sinon d'aucun for du séquestre au siège du débiteur.

Le premier tribunal compétent saisi en vertu de l'art. 272 LP peut prononcer le séquestre sur l'ensemble des biens du débiteur quel que soit le lieu où ils se trouvent en Suisse (art. 271, al. 1, LP). La LP satisfait ainsi à la notion d'espace d'exécution unique en Suisse concrétisée par le CPC. Le créancier qui est soumis à la
CLrév dispose en outre d'une mesure conservatoire efficace qui peut lui être accordée conjointement avec la décision d'exequatur (cf. ch. 4.1, en particulier le commentaire ad art. 271 et 272 LP).

Art. 40

La requête d'exequatur

L'art. 40 correspond presque mot pour mot à l'art. 33 CL. Le renvoi à l'art. 53, pour ce qui est des documents devant être annexés à la requête, recèle toutefois une modification sur le fond. On se réfèrera à ce sujet au commentaire des art. 53 et 54.

Art. 41

Exécution automatique et exclusion des objections

L'art. 41 est une disposition clé de la procédure d'exécution révisée. Celle-ci se caractérise par le fait qu'il n'est procédé à l'examen matériel des motifs d'objections qu'au stade de la deuxième instance. La première instance d'exécution déclare donc l'exequatur nonobstant d'éventuels motifs de refus et ce, même si ceux-ci sont 1528

manifestes. Le tribunal doit toutefois examiner d'office si la requête en question tombe dans le champ d'application de la convention. Comme c'est le cas maintenant, la procédure de première instance se déroule de manière unilatérale, à savoir sans la participation du défendeur, raison pour laquelle, s'agissant de ces questions, le tribunal doit dans un premier temps se reposer sur les affirmations du requérant.

Qui plus est, le pouvoir d'examen du tribunal d'exécution se limite, pour l'essentiel, à l'examen formel des documents mentionnés à l'art. 53 ss.

Pour les tribunaux suisses compétents en matière d'exécution et pour d'éventuelles mesures conservatoires, notamment le séquestre, cela a pour conséquence que le débiteur ne devra pas être entendu dans cette phase. Cela n'est pas une nouveauté pour ce qui est de la procédure d'autorisation de séquestre (art. 272 ss LP) puisque l'autorisation de séquestre résulte depuis toujours d'une déclaration unilatérale du créancier. Cependant, le juge du séquestre pourra, à l'avenir, également prononcer l'exequatur sur laquelle repose la demande de séquestre dans la même procédure unilatérale. Si le tribunal de l'exécution statue sur la base des art. 338 ss CPC, les dispositions procédurales correspondantes de la CLrév (art. 40 ss CLrév) viendront alors se superposer aux dispositions du CPC (art. 335, al. 3, CPC). Sur cette base également, le tribunal de l'exécution ne pourra procéder ni à l'audition du débiteur, ni à l'examen des motifs de refus matériels.

Compte tenu du fait qu'aucun examen matériel des motifs de refus n'est possible, le mémoire préventif de l'art. 270 CPC s'avère sans objet dans le cadre d'une procédure d'exequatur résultant de la CLrév. Le renvoi prévu à ce propos à l'art. 270 CPC, dès lors inutile, est supprimé (cf. ch. 4.2).

Art. 42

Notification au débiteur

L'art. 42, al. 1, a été repris tel quel de l'art 35 CL.

La convention prévoit nouvellement à l'art. 42, al. 2, que la déclaration d'exequatur, de même que, dans la mesure où elle ne l'a pas encore été, la décision à la base de celle-ci, sont notifiées au débiteur. La notification se déroule en Suisse selon le CPC, à l'étranger selon les normes conventionnelles applicables (au sujet de la réserve de la Suisse relative à l'art. 1, al. 2, du Protocole no 1, cf. ch. 3).

2.7.3

Les voies de recours contre la décision d'exequatur

2.7.3.1

Objectifs de la convention

Art. 43

Le recours à «l'autorité supérieure»

L'art. 43 prend la place de l'art. 36 CL (recours du débiteur débouté) et de l'art. 40 CL (recours du créancier débouté). Dans la mesure où on ne fait plus de distinction entre le recours du créancier et celui du débiteur (al. 1), la procédure de recours s'en trouve simplifiée.

La procédure de recours unifiée doit être introduite auprès d'un des tribunaux énumérés à l'annexe III (al. 2). Pour la Suisse, il est nécessaire d'introduire une mention relative à «l'autorité cantonale supérieure», représentante des instances de recours compétentes selon les lois d'organisation judiciaire respectives des cantons pour les décisions rendues en procédure sommaire.

1529

Le défendeur n'étant pas entendu en première instance, il doit obligatoirement avoir la possibilité de se déterminer dans le cadre de la procédure de recours prévue à l'art. 43 (al. 3). Chacune des parties ­ mais plus particulièrement le débiteur ­ doit se voir garantir un droit général d'être entendu. Si le débiteur ne comparaît pas à la procédure de recours introduite par le créancier, le tribunal doit alors, selon l'art. 43, al. 4, en relation avec l'art. 26, al. 2 à 4, surseoir à la procédure jusqu'à ce qu'il soit constaté que les droits de la défense du débiteur ont été respectés. Cette protection s'étend également aux débiteurs dont le domicile ne se trouve pas dans l'un des Etats contractants. Au demeurant, l'organisation de cette voie de recours doit, sous réserve des dispositions propres de la convention, être menée selon les dispositions applicables relatives à la procédure contradictoire de l'Etat de l'exécution. La garantie générale du droit d'être entendu et le fait que le débiteur n'ait pas été entendu auparavant excluent toute limitation du pouvoir de cognition du tribunal comme la restriction de l'examen des faits à la constatation arbitraire des faits (art. 320, let. b, CPC). La voie de recours bénéficie de l'effet suspensif dans la mesure de l'art. 47, al. 3, in fine, puisque aucune atteinte allant au-delà d'un but conservatoire ne peut être faite au patrimoine du débiteur.

Concernant les délais de recours, l'art. 36 CL est repris tel quel sur le fond à l'art. 43, al. 5. Le délai de recours qui est ouvert au débiteur débouté reste donc d'un mois, prolongé à deux mois lorsqu'il n'a pas de domicile dans l'Etat de l'exécution.

2.7.3.2

Le recours au sens de la CLrév

Le CPC prévoit uniquement le recours limité au droit au sens de l'art. 319 s.

(art. 309, let. a, CPC) contre les décisions du tribunal de l'exécution. Dorénavant, le séquestre, sous réserve de l'opposition au séquestre, relève du même moyen de droit que toutes les autres mesures de sûreté (cf. ch. 4.1).

Le nouvel art. 327a CPC (cf. ch. 4.2) garantit que le recours limité au droit tombant dans le champ d'application de la CLrév satisfasse aux exigences de la CLrév en matière d'effet suspensif et de pouvoir de cognition du tribunal.

Les délais fixés à l'art. 43, al. 5, sont d'application immédiate pour le débiteur débouté. A l'inverse, la CLrév restant silencieuse en ce qui concerne les délais auxquels le créancier concerné devrait être soumis, ceux-ci se déterminent d'après l'art. 321 CPC.

Dans les deux cas, les délais ne commencent à courir qu'à la notification de la décision motivée. D'après l'art. 239 CPC, une telle notification n'a lieu que sur requête de l'une des parties. Le délai de dix jours prévu à cet effet doit également être pris en compte lorsque l'on se trouve dans le champ d'application de la CLrév.

Si la partie déboutée renonce à demander la motivation de la décision dans le délai imparti, on doit considérer qu'il s'agit là d'une renonciation à recourir qui déploie ses effets ­ également dans le champ d'application de la CLrév ­ dès l'expiration du délai de l'art. 239 CPC.

Tant le délai mentionné par la CLrév que celui de dix jours prescrit pour l'introduction d'une opposition à l'ordonnance de séquestre (art. 278, al. 1, LP) commencent à courir au moment où le tribunal de l'exécution notifie au débiteur la décision d'exequatur et une autorisation de séquestre fondée sur celle-ci. Ce dernier délai de dix jours, appliqué au recours CLrév et n'est ouvert qu'aux motifs 1530

d'opposition relevant exclusivement du séquestre (contestation de l'objet du séquestre, exception de droit de gage). L'examen des cas de séquestre n'est dans ce cas possible que dans le cadre du recours au sens de la CLrév (art. 327a CPC), et cela dans les limites des objections admissibles.

La décision sur opposition à une autorisation de séquestre relève également du recours limité en droit, selon l'art. 278, al. 3, LP (cf. ch. 4.2). Si tant la décision sur opposition que la décision d'exequatur font l'objet d'un recours, il n'y a qu'un pas à franchir pour joindre les recours comme le prévoit l'art. 125, let. c, CPC.

Lors d'une procédure de recours pendante, il est loisible au créancier d'introduire la procédure d'exécution par une réquisition de poursuite. La mainlevée (définitive) avec saisie ultérieure ne peut toutefois avoir lieu qu'après le rejet du recours CLrév en raison de l'interdiction relative aux mesures pouvant porter atteinte au patrimoine du débiteur (art. 47, al. 3, CLrév). Le juge de la mainlevée n'est pas autorisé à examiner une nouvelle fois (res judicata) les exceptions soulevées à l'encontre de la décision incidente d'exequatur (art. 81, al. 3, LP).

2.7.3.3

Le recours devant le Tribunal fédéral

L'art. 44 règle la voie de droit ouverte contre la décision rendue sur recours (art. 43).

L'instance de recours pour chacun des Etats contractants est à présent précisée à l'annexe IV de la CLrév. En ce qui concerne à la Suisse, à l'art. 41 CL mentionne depuis le 1er janvier 2007 le «recours devant le Tribunal fédéral».

Pour la Suisse, c'est donc avant tout le recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral qui entre en considération selon les art. 72 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)48. Dans les cas particuliers où ce recours n'est pas ouvert, le recourant dispose du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) sous réserve que ses conditions d'application soient remplies.

Le recours devant le Tribunal fédéral n'a en principe pas d'effet suspensif (art. 103, al. 1, LTF). L'exception réglée par l'art. 103, al. 2, let. a (jugement constitutif), n'est pas destinée aux décisions d'exequatur et ne leur est pas applicable, à tout le moins pas dans la mesure où celles-ci sont en rapport avec l'exécution de jugements portant sur une prestation.

2.7.4 Art. 45

Dispositions communes à la procédure d'exequatur et à la procédure de recours Motifs de refus de l'exequatur

L'art. 45, al. 1, reprend le contenu de la réglementation prévue à l'art. 34, ch. 1 et 2, CL. La décision d'exequatur ne peut donc être rejetée que sur la base des motifs énoncés aux art. 34 et 35 CLrév (art. 27 et 28 CL). Il résulte maintenant de manière indiscutable de l'al. 1 révisé que seul le tribunal saisi d'un recours ­ et non pas un tribunal ou une autorité de première instance ­ peut refuser l'exequatur sur la base

48

RS 173.110

1531

des motifs énoncés aux art. 34 et 35 (cf. ci-avant ch. 2.6.2 et commentaire de l'art.

41). Comme jusqu'à présent, le tribunal devra statuer «à bref délai».

L'art. 45, al. 2, correspond mot pour mot à l'art. 34, al. 3, CL (interdiction de la révision au fond).

Art. 46

Sursis à la procédure

L'art. 46 reprend pratiquement tel quel le contenu de l'art. 38 CL. Le nouveau libellé énonce clairement que cette disposition s'applique aux deux recours (art. 43 et 44).

Art. 48 à 52

Dispositions diverses relatives à l'exécution

Les art. 48 à 51 relatifs à divers aspects de la procédure d'exequatur reprennent presque mot pour mot le contenu des dispositions des art. 42 à 45 CL. L'art. 52 était jusqu'à présent contenu à l'art. III du Protocole no 1 de la CL.

Art. 53 et 54

Certificat uniforme

Le nouveau formulaire d'exécution (certificat) sert également à simplifier et à accélérer la procédure d'exequatur. Il devrait permettre d'alléger le travail des autorités d'exécution dans l'examen des formalités nécessaires grâce à des indications précises et parallèlement apporter une certaine garantie quant au caractère complet de la requête. Le formulaire uniformisé est contenu à l'annexe V de la convention. Il vise principalement la première instance de la procédure d'exequatur mais contient également des informations concernant la notification qui ne deviennent pertinentes qu'au stade de la procédure de recours. Ce formulaire ne remplace toutefois pas la présentation de la décision elle-même qui reste l'objet de la procédure d'exécution.

2.7.5

Mesures conservatoires à la disposition du créancier dans la procédure d'exequatur

2.7.5.1

Exigences de la CLrév

Les mesures conservatoires à ladisposition du créancier dans le cadre de la procédure d'exequatur sont nouvellement réglées à l'art. 47. Celui-ci reprend dans ses al. 2 et 3, sans modification de fond, le contenu normatif de l'art. 39.

Comme l'art. 39 CL, l'art. 47, al. 2, garantit au créancier, sur la base d'une déclaration d'exequatur, en première instance et en parallèle à cette même décision, le droit à procéder à des mesures conservatoires. La convention laisse au droit interne de l'Etat de l'exécution le soin de déterminer les mesures conservatoires admissibles et leurs modalités. Celles-ci doivent toutefois constituer au minimum une mesure de sûreté efficace et inconditionnelle ­ c'est-à-dire indépendante d'autres exigences matérielles telles que l'état d'urgence. Qui plus est, l'adoption de ces mesures ne doit pas faire l'objet d'une décision particulière parallèle à celle de l'exequatur49.

L'al. 3 correspond mot pour mot au ch. 2 de l'art. 39 CL. Aussi longtemps que le délai de recours (art. 43) n'a pas expiré ou qu'il n'a pas été statué sur le recours, les 49

CJCE, Arrêt du 3 octobre 1985, Affaire C-119/84, Capelloni/Pelkmans, Rec. 1985, p. 1951.

1532

mesures conservatoires ­ comme c'est le cas à présent ­ ne peuvent pas aller au-delà des mesures de sûretés.

Le nouvel al. 1 concerne la période antérieure à l'octroi en première instance de l'exequatur, non couverte par les al. 2 et 3. L'Etat de l'exécution est déjà compétent, à ce stade, pour accorder au créancier des mesures conservatoires. L'exécutabilité dans l'Etat d'origine n'est pas requise. Les mesures conservatoires sont donc également permises alors que court un délai prévu par le droit de l'Etat d'origine. Cela n'est cependant possible que dans la mesure où le droit interne de l'Etat de l'exécution le prévoit et aux conditions prescrites, ce qui présuppose en principe une situation de mise en danger. Il n'existe donc pas, concernant ces mesures, de droit à leur obtention qui soit fondé sur la convention, contrairement à ce qui es prévu pour les mesures reposant sur une déclaration d'exequatur au sens de l'al. 2. Pour la Suisse, cette disposition n'a qu'un caractère déclaratoire puisque rien n'empêche, sous l'empire du droit actuel, d'exiger des mesures conservatoires lorsque les conditions correspondantes sont satisfaites (cf. art. 271, al. 1, ch. 1 à 4, LP et art. 261 CPC).

2.7.5.2

Mesures conservatoires au sens de la CLrév pour la Suisse

En Suisse, en ce qui concerne les prétentions pécuniaires, les dispositions proposées prévoient avant tout le séquestre, selon les art. 271 ss LP, comme mesure conservatoire au sens de la CLrév. Ce dernier sera adapté ponctuellement aux objectifs de la CLrév. C'est ainsi qu'un nouveau cas de séquestre consacre à l'art. 271, al. 1, ch. 6, LP le droit inconditionnel du créancier au sens de la CLrév à des mesures conservatoires (cf. ci-après ch. 4.2). L'élargissement de la compétence territoriale du tribunal du séquestre au domicile, ou au lieu de la poursuite, du débiteur, ainsi que la possibilité pour ce tribunal de séquestrer, à l'avenir, à l'échelle suisse tous les actifs situés en Suisse, représentent une revalorisation importante du séquestre en tant que mesure conservatoire. Cette revalorisation procédurale profite non seulement aux créanciers de l'espace Lugano, mais également, du fait des adaptations de la LP (cf. ch.

4.2), aux créanciers en Suisse.

Le séquestre au sens de l'art. 271, al. 1, ch. 6, autorisé dans le cadre de la CLrév, ne peut pas être subordonné à la fourniture de sûretés prévue par l'art. 273 LP. Même les autres situations décrites à l'art. 271, al. 1, ch. 6 (mainlevée définitive en Suisse), ne sauraient constituer des cas d'application pouvant fonder l'obligation pour le créancier au bénéfice d'un titre de mainlevée de verser une caution. Il n'en demeure pas moins que le juge conserve en principe le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 273 LP.

Pour les cas plus rares de mesures conservatoires portant sur d'autres prétentions, ce sont les art. 338 ss CPC qui trouvent application. Là encore, la partie adverse ne sera pas entendue en rapport avec une mesure conservatoire du CPC prononcée dans le cadre d'une procédure d'exequatur simultanée (art. 45, al. 1, CLrév en lien avec les art. 335, al. 3, et 340 CPC). En outre, en raison de la CLrév, il n'est pas non plus possible de soumettre les mesures conservatoires au sens de l'art. 340 CPC à des conditions supplémentaires telles que l'urgence ou le danger. Afin de ne pas désavantager, dans ce domaine également, les décisions suisses par rapport aux titres CLrév, nous proposons de modifier l'art. 340 CPC de sorte que, en règle générale, 1533

les mesures conservatoires puissent être ordonnées en présence d'une décision exécutoire (cf. sur ce point ch. 4.2). Il va de soi que les précisions ci-dessus relatives à l'art. 273 LP sont en tout point applicables à l'art. 264, al. 1, CPC.

On a choisi, comme mesure conservatoire au sens de la CLrév en matière de prestations pécuniaires, le séquestre, et écarté la saisie provisoire. Il est vrai que cette dernière présente certains avantages par rapport au séquestre, en particulier pour le créancier, tels que l'absence d'obligation de désigner en substance l'objet de la mesure. Toutefois, une adaptation de cette mesure conservatoire aux objectifs de la CLrév n'aurait pu être réalisée qu'au prix de changements importants de la procédure préalable de la LP. L'utilisation de la saisie provisoire comme mesure conservatoire également contre le débiteur soumis à la faillite se heurte par ailleurs à des réserves d'ordre dogmatique, alors que l'utilisation de l'inventaire des biens se heurte à des réserves d'ordre pratique. A l'inverse, il est possible avec le séquestre d'avoir recours à une mesure encore à formuler, indépendante du droit des poursuites, qui devra toujours être rendue de manière unilatérale, selon une procédure bien rodée. Le choix du séquestre en tant que mesure conservatoire de la CLrév a été dès lors accueilli très favorablement lors de la procédure de consultation.

2.8

Jurisprudence relative à la CL et au R 44/2001

Comme la CL, la CLrév contient dans un Protocole n o 2 des mécanismes encourageant une interprétation aussi uniforme que possible des dispositions de la CLrév et de l'instrument correspondant parallèle de l'Union européenne, le R 44/2001 (cf. sur ce point ch. 1.2). A cela s'ajoute l'obligation des tribunaux prévue à l'art. 1 du Protocole no 2 ­ et qui en constitue l'élément central ­ de «tenir dûment compte» des principes développés par les tribunaux des autres Etats contractants ou de la CJCE.

Selon le libellé de l'art. 1, cette obligation s'impose à tous les tribunaux qui appliquent la Convention, CJCE y comprise; la seule réserve est celle émise à l'art. 1, al. 2, concernant l'obligation faite aux tribunaux des Etats membres de l'UE, en vertu du droit communautaire, de tenir compte de la jurisprudence de la CJCE.

Cette obligation comprend également, comme l'énoncent explicitement les préliminaires du Protocole no 2, les décisions qui ont été rendues sur la base de la Convention de Bruxelles ou de la CL ou qui, s'agissant de la CL, auraient pu l'être.

Il existe, par rapport à la situation juridique actuelle, un changement puisque l'instrument parallèle à la CLrév est maintenant un règlement basé sur l'art. 65 TCE ­ dans sa version du Traité d'Amsterdam ­ et constitue à ce titre une part du droit communautaire secondaire. En tant que tel, ce règlement est donc davantage orienté sur le droit communautaire et les principes intégratifs développés par sa jurisprudence, notamment par la CJCE, que la Convention de Bruxelles, à laquelle il se substitue. Dans la mesure où une décision repose essentiellement sur des principes communautaires ne se déduisant ni de la CLrév ni de l'ordre juridique des Etats contractants, cette circonstance doit «être prise en compte», pour autant que les principes et les conséquences de l'interprétation en découlant ne soient pas transposés sans un examen préalable à la CLrév50.

50

Dans ce sens, voir l'ATF 131 III 227, consid. 3.1., innovateur en la matière.

1534

3

Réserves et déclarations relatives à la convention

Prot. n o 1, art. I

Pas de communication directe entre autorités en matière de notification

La Suisse prévoit de formuler la réserve prévue à l'art. 1, al. 2, du Protocole no 1 concernant la communication directe entre autorités des Etats contractants en tant que voie alternative de notification. La Suisse a déjà émis une réserve identique concernant la disposition correspondante de la CL (art. IV, al. 2, Prot. no 1 de la CL).

En conséquence de cette réserve, les voies de notification entre Etats contractants continuent à être déterminées par les conventions multi- et bilatérales en la matière.

Cette situation juridique peut être considérée comme satisfaisante. La communication directe entre autorités est déjà réalisée avec l'ensemble des Etats voisins; qui plus est, la notification postale directe est même permise à l'égard de l'Autriche.

Avec la plupart des autres Etats contractants perdure une bonne coopération opérant sur la base de traités. Il est à relever, concernant le champ d'application élargi de la CLrév, que l'ensemble des nouveaux Etats englobés ­ à l'exception de Malte ­ sont parties à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale51. Il existe, à l'égard de ces Etats en particulier, une pratique de notification par le biais d'autorités centrales ­ pour la Suisse par l'intermédiaire de l'Office fédéral de la justice ­ qui a fait ses preuves.

La Suisse se réserve le droit de retirer, à l'avenir, son opposition sur ce point compte tenu du développement de la pratique européenne en matière de notification.

Prot. n o 1, art. III

Réserve relative à la reconnaissance et l'exécution

La Suisse a, conformément à l'art. III du Protocole no 1, le droit de déclarer que la partie suivante de la phrase de l'art. 34, al. 2, n'est pas applicable: «à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire».

La Suisse entend faire cette réserve. Elle est d'avis que cette formulation représente une limitation excessive des droits du défendeur. On renvoie ici aux commentaires faits au ch. 2.6.2 relativement à l'art. 34, ch. 2 (défaut de notification de l'acte introductif d'instance).

En raison de la clause de réciprocité fixée à l'art. III, al. 1, dernière phrase, cette réserve peut également trouver application pour les jugements par défaut rendus en Suisse et devant être exécutés dans un autre Etat contractant.

Annexe I

Déclaration de la Suisse relative aux art. 3, al. 2, et 4, al. 2, CLrév

La déclaration de la Suisse est la suivante: ­

en Suisse: l'art. 4 de la loi fédérale sur le droit international privé,

Elle correspond en substance à la déclaration actuelle relative aux dispositions idoines de la CL.

51

RS 0.274.131

1535

Annexe II

Déclaration de la Suisse relative à l'art. 39 CLrév

La déclaration de la Suisse est la suivante: ­

en Suisse: le tribunal cantonal de l'exécution

La déclaration de la Suisse relative au tribunal matériellement compétent en matière de requête d'exequatur est alignée sur la nouvelle réglementation uniforme de la procédure d'exequatur et des mesures conservatoires: la requête d'exécution est ainsi nouvellement à adresser au tribunal cantonal de l'exécution (art. 338 ss CPC).

Cela concerne toutes les requêtes d'exequatur, indépendamment du fait qu'une mesure conservatoire est liée ou non à cette requête et du type de mesure conservatoire en question; peu importe également que la requête vise une prestation pécuniaireou une obligation de faire, de tolérer ou de s'abstenir. La requête d'exequatur au sens de la CLrév sera ainsi examinée par les mêmes tribunaux qu'une requête ­ interne à la Suisse ­ en exécution ou qu'une exequatur reposant sur la LDIP.

La compétence unifiée prévue représente une simplification radicale par rapport à la situation juridique prévalant sous le régime de l'actuelle déclaration relative à la CL.

Il serait particulièrement souhaitable que, lors de l'adaptation prochaine, par les cantons, des lois d'organisation judiciaire au CPC, tous suivent la pratique majoritaire des lois d'organisation judiciaire en vigueur. La compétence en matière d'exécution et de mesures conservatoires serait ainsi en général concentrée fonctionnellement auprès d'un tribunal, le tribunal de l'exécution au sens des art. 338 ss CPC, et cela que la prestation qui fait l'objet de l'exécution ou de la conservation soit pécuniaire ou non. Ce tribunal sera de toute façon, du moins dans le champ d'application de la CLrév, toujours compétent pour prononcer tant l'exequatur qu'une mesure conservatoire fondée sur cette dernière. En dernier lieu, le remplacement dans la LP du concept de «tribunal de l'exécution» par «tribunal» (cf. ci-après ch. 4.1) a notamment pour buts de garantir aux cantons la flexibilité nécessaire pour adapter en ce sens leur droit de l'organisation judiciaire ainsi que d'en dessiner les contours.

Annexe III

Déclaration de la Suisse relative à l'art. 43, al. 2, CLrév

La déclaration de la Suisse est la suivante: ­

en Suisse le tribunal cantonal supérieur,

Cette mention remplace l'actuelle mention de «tribunal cantonal». Celle-ci s'est avérée trompeuse dans la mesure où seuls quelques cantons connaissent cette désignation et où 'ils ne l'utilisent pas toujours pour nommer le tribunal supérieur. La déclaration proposée est dans la droite ligne de la terminologie de la LP et du CPC.

Néanmoins, du fait de la compétence cantonale en la matière, il est inévitable que, dans de nombreux cas, cette désignation ne corresponde pas à celle choisie par les lois d'organisation judiciaire cantonales.

En ce qui concerne la forme du recours prévu par la CLrév, nous renvoyons au ch. 2.7.3.2.

1536

Annexe IV

Déclaration de la Suisse relative à l'art. 44 CLrév

La déclaration de la Suisse est la suivante: ­

en Suisse: un recours devant le Tribunal fédéral,

Cette déclaration correspond à celle faite en rapport avec les dispositions correspondantes de la CL, qui vaut depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le Tribunal fédéral (cf. sur ce point ch. 2.7.1.3).

4

Modifications de la LP et du CPC

4.1

Modifications de la LP

Art. 81, al. 3, LP Absence de réexamen de la décision d'exequatur dans la procédure de mainlevée Le titulaire d'une créance pécuniaire au bénéfice d'une décision d'exequatur rendue par le tribunal de l'exécution peut introduire une poursuite (assortie éventuellement d'une requête de séquestre) et, ensuite, demander la mainlevée définitive en cas d'opposition (art. 81 LP). Au cours de la procédure d'opposition, le débiteur peut certes faire valoir les exceptions citées à l'art. 81, al. 1, telles que l'extinction de la dette, le sursis ou la prescription, mais non pas celles dirigées à l'encontre de la décision incidente d'exequatur (al. 3). Une décision d'exequatur rendue en Suisse dans le cadre d'une procédure particulière en relation avec le séquestre au sens de l'art. 271, ch. 6, LP (cf. art. 271, al. 3, LP) doit également être prise en considération dans le cadre de la procédure de mainlevée (res judicata). Conformément aux souhaits exprimés lors de la consultation, l'art. 81, al. 3, a été complété de sorte à prévoir explicitement ce cas de figure.

Art. 271, LP

Cas de séquestre portant sur des biens situés en Suisse et fondé sur un titre de mainlevée définitive et décision d'exequatur

Lorsque la requête de séquestre porte sur plusieurs biens sis dans des juridictions différentes, c'est le tribunal saisi qui sera compétent pour prononcer le séquestre sur tous les biens patrimoniaux qui se trouvent en Suisse. Il sera ainsi possible, d'une part, de lier le séquestre ­ même lorsque celui-ci est ordonné dans une pluralité de lieux ­ à une (seule) décision d'exequatur et, d'autre part, d'adapter le régime juridique prévalant dans la LP à celui du CPC, qui crée un espace pour les mesures conservatoires et l'exécution à l'échelle suisse. La nouvelle formulation confirme en outre qu'aucun séquestre ne saurait être ordonné sur des biens sis à l'étranger, en dépit de l'extension de la compétence territoriale au for de la poursuite (cf. ci-dessous ad art. 272 LP). La nouveauté de la disposition ­ qui améliore notablement la procédure de séquestre ­ réside dans le fait qu'elle trouve application indépendamment du cas de séquestre. En ce qui concerne la détermination du lieu de situation des biens ou des valeurs, on se réfèrera à la jurisprudence existante.

L'art. 271 LP actuellement en vigueur fait encore dépendre le séquestre d'un état de danger qui est détaillé aux ch. 1 à 5. La CLrév garantit toutefois un droit inconditionnel à des mesures conservatoires en première instance de la procédure d'exequatur.

1537

C'est pour cette raison que l'existence d'un titre de mainlevée définitive comme cas de séquestre a été inscrite dans un nouveau ch. 6 de l'art. 271, al. 1, LP. Avec cette adaptation, on tient compte d'une part, de l'art. 47, al. 2, CLrév et d'autre part, on clarifie la situation des mesures conservatoires en droit suisse et les conditions en la matière. Ce cas de séquestre est ouvert à l'ayant-droit d'un jugement étranger (art. 47 CLrév en lien avec l'art. 80, al. 1, LP), mais également à l'ayant-droit d'un acte authentique étranger, qui est exécutoire au même titre qu'une décision judiciaire (art. 57 CLrév).

Le cas de séquestre, proposé pour l'ensemble des titres de mainlevée définitive, dépasse les objectifs de la CLrév puisqu'il est également applicable aux titres de mainlevée suisses (jugements ou titres authentiques exécutoires). Un des buts essentiels de la transposition proposée de la CLrév est que tous les éventuels avantages procéduraux dont bénéficient les créanciers étrangers sur la base de la convention soient également ouverts, dans toute la mesure possible, aux créanciers nationaux (non-discrimination des nationaux). Dans cette perspective, il serait malheureux de garantir à un créancier au bénéfice d'un titre étranger provisoire déclaré exécutoire, des mesures conservatoires plus larges qu'au créancier qui dispose d'un titre de mainlevée définitive. Le nouveau cas de séquestre est en principe aussi applicable à l'ayant-droit d'un jugement étranger ­ ou d'un titre équivalent tel qu'un acte authentique étranger exécutoire ­ émis en dehors du champ d'application de la CLrév.

Un élargissement correspondant est en conséquence également prévu à l'art. 340 CPC concernant les mesures conservatoires du CPC (cf. ch. 4.2).

Le nouveau ch. 6 rend inutile le renvoi du ch. 4 aux jugements exécutoires. Lorsqu'un tel jugement existe, le motif de séquestre du ch. 6 est donné et les conditions supplémentaires prévues au ch. 4 n'ont pas à être examinées. En conséquence, l'expression «ou qu'elle se fonde sur un jugement exécutoire» qui figurait à l'art.

271, al. 1, ch. 4, LP est supprimée.

Le nouvel al. 3 précise clairement que le tribunal qui prononce le séquestre en vertu de l'art. 271, al. 1, ch. 6, LP, sur la base d'un jugement exécutoire rendu d'après la CLrév (et, de ce fait, d'un titre de
mainlevée définitive), doit lui aussi prononcer à chaque fois une décision d'exequatur indépendante (cf. art. 47, al. 2, CLrév) même si aucune requête spécifique n'a été faite sur ce point. La situation est la même en ce qui concerne l'art. 341, al. 1, CPC.

Art. 272 LP

Compétence du tribunal de l'exécution

Le CPC désigne aux art. 338 ss le tribunal de l'exécution comme tribunal compétent pour les mesures d'exécution ainsi que pour les mesures conservatoires en lien avec la procédure d'exequatur (art. 340 CPC). En conséquence, la déclaration prévue relative à la CLrév renvoie à la compétence matérielle de ce tribunal (cf. commentaire de l'annexe II au ch. 3). L'art. 335, al. 3, CPC réserve cependant les dispositions de la LP relatives à l'exécution des créances pécuniaires.

Jusqu'à présent, il était question dans la LP d'un juge du séquestre compétent pour l'octroi de cette mesure conservatoire qu'est le séquestre (art. 272, mais également art. 274 et 278 LP). Cette compétence fait partie, systématiquement et fonctionnellement, des tâches attribuées par le CPC au tribunal de l'exécution, du moins lorsque le séquestre repose sur une prétention titrisée. Il est donc logique qu'en matière de prétentions pécuniaires titrisées, le tribunal de l'exécution au sens de l'art. 338 ss 1538

CPC soit, même en-dehors du champ d'application de la CLrév, le même que celui prévu à l'art. 272 LP pour ce qui est des mesures conservatoires. La plupart des lois cantonales d'organisation judiciaire prévoient depuis toujours ­ et à juste titre ­ un même tribunal matériellement compétent pour toutes les mesures conservatoires, qu'elles aient pour objet une prétention pécuniaire ou une autre obligation. Le législateur ne devrait pas, par une désignation particulière de la juridiction compétente, esquisser une séparation des compétences matérielles si cette dernière n'a pas de sens ou qu'elle n'est pas suivie par les cantons. En conséquence, le terme de «juge du séquestre» est remplacé dans la LP par celui, plus ouvert, de «juge». Le tribunal qui, en application de l'art. 272 LP, prononce un séquestre en vertu de l'art. 271, al. 1, ch. 6 (par analogie avec les mesures conservatoires de l'art. 340 CPC), agit dès lors en tant que tribunal de l'exécution au sens du CPC.

Qui plus est, l'emploi du terme «juge» permet également au tribunal saisi de la cause principale de prononcer une autorisation de séquestre à titre de mesure conservatoire en dehors d'une exécution, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance pendante, dans la mesure où il est compétent à raison du lieu au sens de l'art. 272 LP et à raison de la matière en vertu de la loi d'organisation judiciaire cantonale.

Dans le cadre de la CLrév, il est également possible, sur la base de cette réunion de compétences, de renvoyer, tant pour ce qui est de la compétence du tribunal de l'exécution (art. 39, al. 1), que pour ce qui est des mesures conservatoires qui y sont liées (art. 47, al. 2), à la compétence matérielle du tribunal cantonal de l'exécution (cf. commentaire de l'annexe II, au ch. 3). Si, contrairement à la réglementation actuelle de la plupart des lois d'organisation judiciaire cantonales, il n'y avait pas réunion de compétences auprès du tribunal de l'exécution, celle-ci serait fondée, dans son champ d'application, par la CLrév.

La compétence territoriale du tribunal cantonal d'exécution se détermine en principe, dans le champ d'application de la CLrév, directement selon l'art. 39, al. 2, CLrév (cf. ci-avant ch. 2.7.5 ad art. 39).

Puisque l'autorisation de séquestre est également prononcée par le tribunal de l'exécution,
il est nécessaire qu'une couverture territoriale identique soit prévue pour l'exequatur et pour l'ordonnance de séquestre. C'est pourquoi le séquestre devra maintenant pouvoir être prononcé tant au «lieu où se trouvent les biens» (art. 272 LP) qu'à un des fors de la poursuite au sens des art. 46 ss LP et, le cas échéant, au domicile du débiteur. Le résultat correspond largement à la réglementation de l'art. 39, al. 2, CLrév. L'extension de la compétence territoriale prévue à l'art. 272 est de portée générale et trouve application indépendamment du cas de séquestre.

La condition (autonome) visant à établir la vraisemblance de l'existence de la créance (art. 272, al. 1, ch. 1, LP) pour obtenir le titre de mainlevée est inutile dans le champ d'application de l'art. 271, al. 1, ch. 6. Quant à l'existence de biens appartenant au débiteur (art. 272, al. 1, ch. 3, LP), on ne saurait poser des exigences démesurées pour en apporter la preuve. A cet effet, le devoir du requérant se borne pour l'essentiel à l'obligation de désigner en substance l'objet du séquestre, c'est-à-dire le bien sur lequel doit porter la mesure conservatoire demandée. Pour ce faire, il suffit en principe que l'allégation faite par la partie requérante soit plausible et motivée, sauf si des indices laissent supposer qu'il s'agit d'un séquestre abusif ­ prohibé par la CLrév comme par la CL ­ ou s'il appert que les objets devant faire l'objet du séquestre appartiennent à des tiers. Pour le surplus, on se réfèrera à la jurisprudence et à la doctrine.

1539

Art. 274 LP

Juge au lieu de juge du séquestre

Le terme «juge du séquestre» est remplacé par «juge» à l'al. 1 (cf. commentaire de l'art. 272 LP).

Art. 278 LP

Recours contre la décision sur opposition

La référence au juge du séquestre aux al. 1 et 2 est remplacée par une référence au juge (cf. commentaire de l'art. 272 LP).

Comme toutes les autres décisions du tribunal de l'exécution, la décision sur opposition relative à l'autorisation de séquestre (cf. ci-après le commentaire de l'art. 309 CPC) n'est soumise qu'au recours limité en droit. L'art. 278, al. 3, LP dans sa version du CPC est modifié en conséquence et la référence à l'appel supprimée. De même, l'art. 278, al. 5, LP est également supprimé et son contenu repris à l'art. 279, al. 5, LP.

Art. 279 LP

Début du délai de validation du séquestre

Le créancier qui requiert un séquestre, sur la base de la CLrév, à l'encontre du débiteur ne devrait pas être obligé de valider le séquestre aussi longtemps que le recours intenté à l'encontre de l'exequatur est pendant ou que le délai de recours n'est pas échu. L'art. 47, al. 3, CLrév exige à ce sujet qu'avant l'échéance du délai de recours, aucune atteinte au patrimoine du débiteur allant au-delà d'une mesure conservatoire ne puisse avoir lieu.

En conséquence, le délai de validation fixé à l'art. 279 LP ne peut, au plus tôt, commencer qu'au moment où il a été statué définitivement sur un éventuel recours ou que le délai de recours a expiré sans avoir été utilisé. Il est évident que le créancier a toutefois la possibilité de procéder à la validation du séquestre par la voie d'une poursuite (art. 279, al. 5, ch. 2, LP).

Pour des motifs de systématique législative, la règle concernant le début du délai, contenue jusqu'à présent à l'art. 278, al. 5, LP, est transférée à l'art. 279, al. 5, LP.

La révision de l'art. 279 LP mettra incidemment un terme à une difficulté qui survenait en particulier lorsqu'un commandement de payer était notifié à un débiteur à l'étranger: si le débiteur forme opposition après la notification du commandement de payer, le créancier doit, selon l'actuelle formulation de la disposition, requérir la mainlevée de celle-ci ou intenter une action en reconnaissance de dette dans les dix jours à compter de la date à laquelle l'opposition lui a été communiquée (art. 279, al. 2, LP). Dans ce cas, le délai commence à courir lors de la communication de l'opposition au créancier. En revanche, si le débiteur ne forme pas opposition, cela doit certes figurer sur l'exemplaire destiné au créancier (art. 76, al. 2, LP), mais le délai de dix jours pour requérir la continuation de la poursuite commence à courir (dans tous les cas selon le libellé de l'art. 279, al. 3, LP) à compter de la date où le créancier est en droit de le faire, c'est à dire «à l'expiration d'un délai de 20 jours à compter de la notification du commandement de payer» au débiteur (art. 88, al. 1, LP). Or, si le débiteur ne forme pas opposition et que le créancier n'est informé de ce fait qu'après 20 jours (ce qui est généralement le cas lors d'une notification effectuée à l'étranger), le délai a expiré sans que le
créancier en ait eu connaissance.

Cette situation est en outre aggravée par l'art. 33, al. 2, LP qui ne prévoit une prolongation du délai qu'en faveur de la partie qui habite à l'étranger et non pas en faveur de celle qui réside en Suisse et dont le défendeur se trouve à l'étranger. La 1540

pratique judiciaire a apporté cependant un correctif dans ces cas en faisant courir le délai fixé à l'art. 279, al. 3, LP à compter du moment où le créancier a eu connaissance de la notification du commandement de payer au débiteur (TC GR, PKG 2002, no 32).

La modification du libellé de l'al. 3 a essentiellement pour but de mettre en oeuvre le principe général selon lequel un délai de péremption ne commence à courir qu'à compter du moment où la partie à qui ce délai a été imparti a pris connaissance de l'événement qui le fait courir (dies a quo). Cet évènement survient lorsque le double du commandement de payer est notifié au créancier, ce dernier pouvant ainsi en déduire s'il y a eu ou non opposition (art. 76 LP). Ce n'est qu'à ce moment que le créancier saura s'il doit demander le séquestre en requérant la continuation de la poursuite ou s'il doit requérir la mainlevée ou encore intenter une action en reconnaissance de dette. L'al. 2 est adapté à la formulation plus précise de l'al. 3 mais 'cela n'a aucune incidence sur le régime juridique actuellement en vigueur.

4.2

Modifications du code de procédure civile

Le 19 décembre 2008, le Parlement a approuvé le nouveau code de procédure civile (CPC). Le délai de référendum expire le 16 avril 2009. L'entrée en vigueur du CPC est prévue pour le 1er janvier 2011. Les propositions qui suivent devront entrer en vigueur en même temps.

Art. 270

Pas de mémoire préventif contre la décision d'exequatur

L'art. 270 CPC prévoit expressément l'instrument du mémoire préventif pour le cas «d'une mesure déclarée exécutoire selon les art. 31 à 45 [CL]». Il n'existe cependant plus, dans le cadre de la CLrév, de champ d'application pour le mémoire préventif puisque la CLrév exige ­ contrairement à la CL ­ que les griefs à l'encontre de la déclaration d'exequatur soient entendus au stade de la procédure de recours seulement (art. 41 CLrév). En conséquence, le cas de figure de la déclaration d'exequatur de l'art. 270 CPC doit être supprimé.

La référence au séquestre, à l'art. 270 CPC, est maintenue. Ainsi le défendeur à la procédure de séquestre peut continuer à formuler des griefs, par le biais d'un mémoire préventif, dirigés uniquement contre la menace d'un séquestre (contre le fait, par exemple, que l'objet supposé du séquestre n'est pas assez spécifié ou qu'il n'est pas saisissable), même si l'autorisation de séquestre repose sur un titre CLrév.

Si le mémoire préventif contient également des objections à l'encontre de la déclaration d'exequatur, le tribunal n'a pas à les prendre en considération.

Art. 309, let. b

Pas d'appel contre le refus du séquestre ou la décision sur opposition

L'art. 309, let. a, CPC exclut l'appel contre les décisions du tribunal de l'exécution.

En arrière-plan de cette exception se trouve le fait que ces décisions sont prises en procédure sommaire et qu'elles sont déjà précédées d'une décision sur le fond.

Les réflexions qui ont mené à l'exclusion de l'appel pour les décisions rendues par le tribunal de l'exécution valent également en matière de décisions relatives à l'autorisation de séquestre. Il n'est pas logique que les mesures conservatoires 1541

relatives à l'exécution d'une prestation pécuniaire ­ le séquestre ­ doivent être soumises à un autre moyen de droit que les mesures conservatoires relatives à l'exécution d'autres prestations. De même, cela n'a non plus pas de sens que la décision d'exequatur rendue par le tribunal compétent pour le séquestre soit soumise à un autre moyen de droit que l'exequatur rendu par le tribunal de l'exécution.

D'autant que, désormais, tant le séquestre que les autres mesures devraient de toute façon être validées par le tribunal de l'exécution.

Le nouveau chiffre introduit à l'art. 309, let. b, étend ainsi le catalogue des exceptions à l'appel découlant de la LP aux décisions portant sur le séquestre. Contre les décisions rejetant une autorisation de séquestre ou une décision sur opposition relative à un séquestre autorisé, c'est donc le recours limité au droit qui est ouvert.

Celui-ci n'a en principe pas d'effet suspensif. Le créancier au bénéfice d'un jugement définitif de mainlevée (rendu en première instance) peut demander la saisie après l'expiration du délai de paiement fixé à l'art. 88, al. 1, LP. Sont toutefois réservés les cas d'application prévus par le recours limité au droit au sens de la CLrév (art. 327a CPC, cf. ci-dessous).

Art. 327a (nouveau)

Recours limité au droit comme voie de droit au sens de l'art. 43 CLrév

En sus des délais, l'art. 43, al. 3, CLrév prévoit qu'il est statué sur le recours selon les règles «de la procédure contradictoire». Le tribunal doit certes se limiter à examiner s'il se trouve en présence d'un des motifs listés aux art. 34 et 35 CLrév. Mais le débiteur doit avoir la possibilité, dans le cadre du recours CLrév, de soumettre ces motifs d'exclusion de la reconnaissance à une autorité ayant plein pouvoir de cognition. En font également partie les motifs portant sur les faits, comme celui qu'un acte introductif d'instance n'ait pas été notifié à temps (art. 34, ch. 2, CLrév). Une limitation du pouvoir de cognition à la «constatation manifestement inexacte des faits» qui s'appliquerait dans le cadre d'un recours limité au droit contre une décision d'exequatur rendue par le tribunal de l'exécution, en vertu de l'art. 320, let. b, CPC, n'est pas compatible avec la CLrév.

Qui plus est, l'art. 47, al. 3, CLrév interdit que soient prises, dans le cadre d'une procédure de recours pendante, des mesures portant atteinte au patrimoine du débiteur (cf. toutefois l'art. 325, al. 1, CPC).

Le nouvel art. 327a satisfait à l'exigence de la CLrév puisqu'il adapte à celle-ci, en matière de pouvoir de cognition, le recours limité au droit contre des décisions d'exequatur rendues par le tribunal de l'exécution en application de la CLrév. Le recours au sens de la CLrév empêche en outre l'exécution de la décision d'exequatur attaquée. Sont bien sûr exceptées les mesures conservatoires accordées relativement à la procédure d'exequatur (cf. ch. 2.7.5).

Enfin, à des fins d'exhaustivité, un renvoi explicite est fait aux délais prioritaires de l'art. 43, al. 5, CLrév (al. 3). Ces délais n'entrent cependant en ligne de compte que dans le cadre d'un exequatur qui a été prononcé. Ceux applicables aux requérants déboutés se calculent d'après l'art. 321 CPC.

Art. 340

Mesures conservatoires dans le cas d'une décision exécutoire

La mesure conservatoire inconditionnelle à la disposition du créancier bénéficiaire d'une décision exécutoire, doit ­ pour les décisions CLrév autant que pour les déci1542

sions suisses ­ être garantie, que cette décision porte sur une obligation pécuniaire ou sur une obligation de faire, de tolérer ou de s'abstenir. En conséquence, l'art. 340 CPC, qui fait pendant à l'art. 271, al. 1, ch. 6, LP doit être modifié afin qu'une décision exécutoire donne droit sans conditions à une mesure conservatoire appropriée. Ce droit est inconditionnel dans le cadre de l'application de la CLrév (art. 335, al. 3, CPC).

5

Modifications de la LDIP

5.1

Arrière-plan et but des modifications

S'agissant des fors, le CPC reprend en grande partie la réglementation de la LFors. Il étend toutefois les fors à celui du lieu d'exécution et introduit de nouvelles règles concernant la situation du cumul d'actions.La CLrév contient toutefois également des nouveautés en la matière. L'entrée en vigueur et la mise en oeuvre de la CLrév constituent donc un motif propre pour harmoniser les fors de la LDIP à ceux du CPC et de la CLrév. Le but de ces modifications est d'aplanir les différences entre la LDIP et les autres sources de droit qui ne se justifient pas matériellement et également de combler certaines lacunes en matière de compétence territoriale.

Un problème qui se pose en pratique porte notamment sur le cas de figure dans lequel, malgré plusieurs fors existants en Suisse, il n'est pas possible d'avoir une concentration territoriale de la procédure auprès d'un for suisse unique, parce qu'il manque une réglementation correspondante dans la LDIP ­ contrairement à ce qui est prévu dans la LFors, le CPC et la CLrév. Il s'agit concrètement du for du cumul d'actions objectif et subjectif, de l'action en garantie et des conclusions civiles.

Concernant le for du lieu d'exécution, il s'agit d'éliminer le désavantage injustifié que subit le demandeur impliqué dans un rapport à caractère international. Le for du lieu d'exécution ne lui est ouvert qu'à titre subsidiaire sous le régime de la LDIP, alors que le même for est alternatif dans le CPC. La même question se pose en ce qui concerne le for, moins important en pratique, des actions mobilières au lieu de situation de la chose.

Les modifications proposées visent à supprimer les problèmes pratiques dus à l'absence d'harmonisation des fors entre la LDIP et les autres sources du droit, en particulier la LFors et le CPC. Il s'agit là de ne pas élargir inutilement les chefs de compétence existants et déjà généreux de la LDIP pour les tribunaux suisses en matière internationale. Les différences objectives entre sources du droit restent au demeurant inchangées.

En retenant la proposition de concentrer la procédure dans le cas d'une pluralité de fors suisses, on rejette implicitement l'idée de reprendre dans la LDIP, sur le modèle de la CL/CLrév, des fors internationaux propres qui, en tant que tels, fondent une compétence internationale.

Ces «vrais» fors internationaux, comme celui du cumul d'actions ou des conclusions civiles, sont écartés pour les raisons suivantes: ­

contrairement à ce qui vaut pour les CL/CLrév, qui sont des conventions doubles, la reconnaissance à l'étranger de décisions rendues sur la base d'une telle disposition de la LDIP en matière de for est très incertaine;

1543

­

la LDIP contient un catalogue très large et en règle générale suffisant de compétences directes. Lorsque, comme en cas d'actes illicites, il n'existe en Suisse ni lieu de l'acte, ni lieu du résultat, les points de rattachement pouvant simultanément justifier une procédure pénale en Suisse ­ par exemple le principe de la personnalité active ou passive ­ devraient être considérés comme exorbitants du point de vue de la procédure civile.

Un vrai for international ­ comme l'exige unanimement la doctrine ­ devrait exister sur la base de l'art. 3 LDIP pour certains cas de consorité nécessaire, notamment dans le cas où la poursuite de tous les consorts nécessaires à l'étranger n'apparaît pas possible ou déraisonnable.

5.2 Art. 8a LDIP

Commentaire article par article Concentration territoriale de la procédure (connexité, cumul d'actions, consorité)

Lorsque, concernant plusieurs prétentions tombant sous le coup de l'art. 15 CPC (cumul d'actions objectif et subjectif), il existe différents fors en Suisse et que le CPC permet pour ces cas une concentration territoriale auprès d'un tribunal suisse, cette concentration procédurale doit également être possible dans le champ d'application de la LDIP. Il n'existe pas de raison objective pour laquelle les avantages d'une concentration procédurale ­ qui plus est purement suisse ­ ne pourrait pas être reprise dans le champ d'application de la LDIP.

La norme proposée ne doit pas ­ contrairement à ce qui vaut, notamment, pour l'art. 6, ch. 1, CLrév ­ créer de for international de l'appel en cause. Le cumul d'actions ne fonde pas, selon la modification suggérée de la LDIP, de for suisse; il permet uniquement ­ mais dans tous les cas ­ une concentration territoriale de la procédure. Lorsque plusieurs parties, ou les mêmes parties par rapport à des prétentions différentes, sont actionnées ensemble devant un tribunal suisse sur la base d'un cumul d'actions, il doit exister, pour chaque partie actionnée, ou pour chaque prétention actionnée, un for en Suisse basé sur une autre disposition de la LDIP.

Le renoncement à un vrai for du cumul d'actions, sur le modèle de l'art. 6, ch. 1, CLrév, se justifie par le fait que la LDIP offre déjà une pluralité de fors sur la base desquels il est également possible de réaliser, au moyen du regroupement local proposé, la concentration procédurale visée. En-dehors de la CLrév, un jugement se fondant sur l'une des compétences prévues par une norme s'inspirant de l'art. 6, ch. 1, CLrév ne serait reconnaissable à l'étranger que dans de très rares cas. La LDIP non plus ne reconnaît pas ce chef de compétence en tant que compétence indirecte.

La solution proposée correspond aux règles ponctuelles déjà présentes aux art. 109, al. 2, et 129, al. 3, LDIP, qui deviendront superflues avec la nouvelle réglementation et pourront être supprimées. En conséquence, la formulation de l'effet purement interne de l'art. 8a LDIP proposé s'inspire étroitement du libellé de l'art. 15 CPC et non de celui de l'art. 6, ch. 1, CLrév.

Art. 8b LDIP

Appel en cause

Les dispositions proposées englobent les cas dans lesquels est invoqué, à l'encontre d'un tiers à une procédure en Suisse tombant dans le champ d'application de la 1544

LDIP, l'appel en cause, qui est maintenant généralement admis dans le CPC (art. 16 CPC). Dans ce cas également, l'adaptation de la LDIP ­ qui s'écarte en cela de la situation juridique créée par l'art. 6, ch. 2, CLrév ­ ne mène qu'à une concentration territoriale de la procédure, ou à un ajustement du CPC. Il reste nécessaire qu'il existe, en Suisse, un for à l'encontre de chacune des parties défenderesses, sur la base d'une des autres dispositions de la LDIP.

Le libellé de la disposition s'inspire de celui de l'art. 16 CPC.

Art. 8c LDIP

Conclusions civiles

Lorsque la procédure pénale suisse permet de faire valoir des conclusions civiles par voie d'adhésion et qu'il existe un for en Suisse pour ces prétentions, il devra à l'avenir être possible de faire valoir ces prétentions, même en matière internationale, auprès du tribunal suisse compétent pour la cause pénale.

La LFors que la CLrév prévoient l'une et l'autre une réserve de compétence en faveur des tribunaux pénaux en matière de conclusions civiles. Ces compétences en faveur des tribunaux pénaux sont connues tant au niveau de la procédure fédérale (art. 38, al. 1 LAVI52), qu'au niveau de la procédure cantonale. Le futur code de procédure pénale fédérale53 prévoit une réglementation générale de la compétence territoriale en matière de conclusions civiles. A l'inverse, la LDIP ne contient pas de réserve en faveur d'une compétence pénale. L'art. 129 LDIP (compétence pour les actions en matière d'actes illicites) prévoit bien une compétence suisse au domicile ou (à titre subsidiaire) au lieu de résidence habituelle ou (à titre alternatif) au lieu de l'établissement, ou encore au lieu de l'acte ou du résultat. Il est cependant possible, dans certains cas particuliers, que la procédure pénale en Suisse ne se déroule devant aucun des tribunaux prévus à l'art. 129 LDIP (cf. l'état de fait mentionné dans l'ATF 6P.190/2006).

La disposition proposée permet de réaliser une concentration territoriale de la procédure en matière de conclusions civiles au lieu de la procédure pénale. La condition est qu'il existe un for de l'action civile en Suisse fondé sur la LDIP (à l'inverse, l'art. 6, ch. 3, CLrév fonde également un for international indépendant).

Un tel for devrait souvent exister dans les cas typiques d'actions en dommages et intérêts en matière d'actes illicites en raison du choix prévu par l'art. 129 LDIP.

Concernant les conditions relatives aux conclusions civiles, nous renvoyons aux dispositions correspondantes du CPP.

Le Tribunal fédéral a déjà, dans un arrêt récent, fait référence à la lacune qui sera comblée grâce à la disposition proposée et a introduit, par voie jurisprudentielle, un for en matière de conclusions civiles au lieu de la poursuite pénale54. Cet arrêt laisse toutefois ouverte la question de savoir si le for des conclusions civiles est fondé uniquement lorsqu'existe à l'encontre
du défendeur au moins un for en Suisse sur la base de la LDIP (for international «impropre»), ou si la procédure pénale crée per se une compétence en Suisse en matière de conclusions civiles (for international «propre»). La norme proposée permet de remédier à l'insécurité juridique et aux lacunes législatives encore existantes.

52 53 54

Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), RS 312.5 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale), FF 2007 6583.

ATF 6P.190/2006

1545

Art. 98, al. 2, LDIP

For alternatif au lieu de situation de la chose

L'art. 30 CPC prévoit pour les actions réelles en matière de biens meubles un for au lieu de situation de la chose. Celui-ci est alternatif au for du domicile du défendeur.

A l'inverse, à l'art. 98 LDIP, le for du lieu de situation de la chose n'est que subsidiaire à celui du domicile du défendeur.

Cette inégalité de traitement existe lorsque, dans un cas soumis à la LDIP, tant le domicile du défendeur que l'objet en question se situent en Suisse. Le demandeur a alors un seul for à sa disposition selon la LDIP, celui du domicile du défendeur, et deux selon le CPC: le for du domicile du défendeur et­ le for du lieu de situation de la chose. La limitation des fors résultant de la règle de subsidiarité de l'art. 98, al. 2, LDIP par rapport au CPC ­ alternativité ­ ne peut être justifiée objectivement. C'est pour cette raison que l'art. 98, al. 2, LDIP est modifié afin que le for du lieu de situation de la chose soit à l'avenir ­ comme c'est le cas dans le CPC ­ alternatif et non subsidiaire par rapport au for du domicile du défendeur.

Art. 113 LDIP

For alternatif au lieu d'exécution

L'art. 31 CPC prévoit, pour les prestations découlant d'un contrat, un for au lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée. Dorénavant, ce for devrait, dans les relations internes, être alternatif au for du domicile du défendeur. Le droit interne en matière de for est ainsi aligné sur la situation juridique prévalant sous la CLrév, qui prévoit également à l'art. 5, al. 1, CLrév/CL un for au lieu d'exécution.

Il est vrai qu'il existe déjà dans la LDIP un for du lieu d'exécution (art. 113 LDIP).

Toutefois, celui-ci n'intervient qu'à titre subsidiaire dans le cas où le défendeur n'a ni domicile, ni résidence habituelle en Suisse. Il en résulte une inégalité de traitement, déjà relevée en rapport avec l'art. 98, al. 2, LDIP, entre les demandeurs qui sont soumis à la LDIP et ceux qui sont soumis au CPC ­ plus précisément à leurs dispositions en matière de for. Du fait de la modification proposée de l'art. 113 LDIP, l'exigence de subsidiarité sera ici aussi remplacée par celle d'alternativité.

En outre, c'est le lieu d'exécution de la prestation caractéristique qui est dorénavant déterminant. L'art. 113 LDIP correspond également, dans son contenu, à la réglementation prévue aux art. 31 CPC et à l'art. 5, ch. 1, CLrév (relatif aux principaux types de contrat) 55.

La modification de l'art. 113 LDIP commande que l'on ajuste la disposition y relative sur la compétence indirecte (art. 149, al. 2, let. a, LDIP). Il n'y a aucun raison que le cercle des instances compétentes pour la reconnaissance (du moins à l'égard de personnes qui ne sont pas domiciliées en Suisse) soit plus étendu que celui des instances directement compétentes.

55

Cf. le commentaire du nouvel art. 5, ch. 1, let. b, CLrév sous ch. 2.2.1.4.

1546

Pour circonscrire la notion de prestation caractéristique, on est tenté de rapprocher en l'absence de tout accord contractuel ­ la définition de l'art. 117, al. 3, LDIP, de celle qui a été développée par la jurisprudence. Lorsqu'il n'est pas possible d'isoler la prestation caractéristique en raison des spécificités du contrat ­ ce qui est par exemple le cas pour l'échange ­, il y a lieu de considérer les deux prestations comme telles ou de s'arrêter à celle qui est réclamée56.

6

Appréciation

6.1

Changements apportés par la CLrév par rapport à la CL

30 Etats font partie du champ d'application de la CLrév, dont 11 Etats (République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Hongrie, Malte, Chypre, Estonie, Lettonie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie) qui n'étaient pas parties à la CL jusqu'alors. Du fait de l'extension des accords bilatéraux (I et II), les nouveaux Etats sont déjà, économiquement et juridiquement, en lien étroit avec la Suisse. L'intégration de ces Etats dans l'espace CL améliore considérablement la sécurité juridique dans les relations avec ces derniers, ce qui profite en particulier au commerce, mais également aux consommateurs ou aux créanciers d'aliments.

D'une manière générale, la CL a fait ses preuves en pratique. C'est pourquoi la CLrév en reprend largement la structure et les grandes lignes.

Les nouveautés visent, d'une part, à prendre en compte les moyens de communication et les usages commerciaux modernes. D'autre part, elles prennent en considération la jurisprudence rendue en vertu de la CL et l'intègrent au texte de la convention dans la mesure où elle profite à la sécurité du droit et à son accessibilité. Les nouveautés en matière de reconnaissance et d'exécution ont notamment pour but de faire en sorte qu'il ne soit plus possible pour le débiteur de s'y opposer par le biais d'exceptions abusives, comme, par exemple, le grief d'un vice procédural accessoire. La procédure d'exequatur est en outre simplifiée du point de vue formel.

En raison de la compétence exclusive dévolue à présent à l'UE dans ce domaine, il n'est pas possible pour les Etats membres de l'UE non parties à l'actuelle CL d'y adhérer après coup, ni même de conclure des accords bilatéraux avec la Suisse. Si l'on veut étendre les avantages de la CL aux relations avec ces Etats, il n'y a pas d'autre voie que celle de la CLrév.

56

Contrairement à ce que prévoit la disposition relative au droit applicable (art. 117 LDIP), il ne s'agit pas ici de déterminer le «lien le plus étroit»; il n'a donc pas paru opportun de se référer aux critères de l'art. 117, al. 1, LDIP. En matière de contrats innommés, l'art. 5, ch. 1, CLrév contourne le problème puisqu'il continue à ne viser que la prestation réclamée (cf. ch. 2.2.1.3.). Mais dans ce cas aussi se pose alors le problème lié à l'existence de deux obligations équivalentes. Ce problème a été résolu par la CJCE dans son arrêt Color Drack (cit. sous note 18); elle s'est inspirée de la solution préconisée ci-dessus tout en examinant le rôle déterminant des deux obligations considérées.

1547

6.2

Compatibilité de la convention avec l'ordre juridique suisse

Aucune complication n'est attendue en raison des changements ponctuels introduits par la CLrév. Les nouveautés en matière de fors amènent plutôt à une harmonisation de la réglementation avec celle de la LDIP et du CPC, par exemple en matière de for de l'exécution.

Les difficultés qui apparaissaient déjà sous le régime de la CL pour adapter la procédure d'exequatur et les mesures conservatoires aux exigences de la LP sont enfin résolues (voir ch. 2.7 et 2.7.5 concernant la procédure d'exequatur et les mesures conservatoires prescrites par la CLrév) grâce aux modifications prévues de la LP et du CPC (ch. 4.1 et 4.2).

6.3

Avantages de la procédure d'exécution LP révisée pour les créanciers en Suisse

Un des buts de la mise en oeuvre interne de la CLrév est d'ouvrir les avantages procéduraux découlant de la CLrév, qui sont en règle générale en faveur du créancier, aux parties en Suisse pas dans le champ d'application de la CLrév et d'éliminer ainsi une discrimination à l'égard des indigènes. Au vu des modifications prévues de la LP et du CPC, le débiteur ­ que la CLrév soit appliquée ou non ­ bénéficie notamment des améliorations procédurales suivantes par rapport au droit en vigueur: ­

un for alternatif au for de la poursuite en matière de séquestre;

­

la possibilité de faire prononcer un séquestre, à ce for, portant sur l'ensemble des biens du débiteur en Suisse, et

­

le droit de faire prononcer un séquestre sur la base d'un titre de mainlevée définitive ou d'une autre mesure conservatoire fondée sur un jugement exécutoire.

Grâce à ces améliorations, les règles relatives au séquestre sont adaptées aux dispositions correspondantes du CPC ­ mesures conservatoires visant une obligation de faire, de tolérer ou de s'abstenir ­ qui réalisent déjà un espace suisse de l'exécution.

Parallèlement, le séquestre est maintenu dans sa forme principale. En particulier, l'exigence de détermination de l'objet du séquestre ­ et par là l'interdiction du séquestre exploratoire ­ est conservée.

6.4

Adaptations correspondantes de la LDIP

Suite à la mise en oeuvre de la CLrév, certaines dispositions particulières de la LDIP ont été adaptées au CPC et à la CLrév. Ces adaptations visent à éliminer les problèmes pratiques qui résultent de l'absence de concordance entre les fors de la LDIP et ceux des autres sources de droit (en particulier la LFors et le CPC). Les possibilités de concentration de la procédure auprès d'un for ­ consorité, appel en cause, conclusions civiles ­ prévues dans le CPC (et déjà en partie dans la LFors) ou dans le CPC sont également inscrites dans la LDIP. Les désavantages procéduraux injustifiés du créancier prévus dans la LDIP sont supprimés et les procès parallèles inutiles auprès d'une pluralité de fors en Suisse évités.

1548

L'adaptation du for de l'exécution répond également aux buts précités et aligne la situation juridique sur celle du CPC et sur celle de la CLrév. Il en résulte un droit suisse cohérent en matière de fors.

7

Conséquences

7.1

Conséquences en matière de finances et de personnel pour la Confédération, les cantons et les communes

Aucune conséquence financière ou en matière de personnel n'est attendue, ni au niveau fédéral ni au niveau que cantonal ou communal, du fait de la ratification de la convention. Il n'est pas question de créer une nouvelle base légale justifiant des tâches étatiques. Il s'agit ici plutôt d'une législation en matière civile au sens large.

Il est difficile d'évaluer quelles seront les répercussions de la révision sur la charge de travail des tribunaux. D'une part, compte tenu de l'amélioration des chances de succès, il devrait en résulter une augmentation des demandes de reconnaissance et d'exécution, en particulier en relation avec les nouveaux Etats membres de l'UE.

D'autre part, la ratification apportera une amélioration de la sécurité du droit, ce qui permet un traitement plus rapide des requêtes et facilitera le travail des tribunaux.

L'harmonisation des fors permettra d'éviter des procédures parallèles dans des Etats différents et de faire l'économie de coûteuses recherches de renseignements relatives aux règles étrangères de compétence. S'il est probable que la création d'un nouveau cas de séquestre conduise à un accroissement des requêtes de séquestre, la compétence donnée au tribunal saisi de prononcer un séquestre sur tous les biens situés en Suisse évitera cependant la pluralité de requêtes de séquestre auprès de différents tribunaux.

7.2

Conséquences en matière d'informatique

Aucune conséquence n'est attendue en ce qui concerne l'informatique.

7.3

Conséquences économiques

L'avantage obtenu par la ratification de la convention en matière de sécurité du droit apportera un renforcement de la place commerciale et financière suisse puisque le commerce et les investissements, notamment en relation avec les nouveaux Etats adhérents, opèreront dans le cadre d'un espace de sécurité et de prévisibilité juridiques.

8

Liens avec le programme de la législature

Le présent projet est annoncé dans le message sur le programme de la législature 2007 à 201157.

57

FF 2008 706

1549

9

Aspects juridiques

9.1

Constitutionnalité

L'arrêté fédéral ci-joint se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)58, qui autorise la Confédération à conclure des accords internationaux. La compétence de l'Assemblée fédérale pour l'approbation de ces traités ressort de l'art. 166, al. 2, Cst.

Les modifications législatives prévues par l'arrêté fédéral reposent sur l'art. 122, al. 1, Cst., selon lequel la législation en matière de droit civil et de procédure civile relève de la compétence de la Confédération.

Selon l'art. 141, al. 1, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2) ou contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3). La CLrév est dénonçable (art. 74, al. 2) et n'implique aucune adhésion à une organisation internationale. Elle contient toutefois des règles de droit dans le domaine de la procédure civile internationale. Qui plus est, le présent projet prévoit un arrêté fédéral modifiant deux lois fédérales. Les conditions de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. sont donc remplies.

L'Assemblée fédérale édicte les dispositions fixant des règles de droit sous la forme d'une loi fédérale ou d'une ordonnance. Les autres actes sont édictés sous la forme d'un arrêté fédéral, qui, s'il n'est pas sujet au référendum, est qualifié d'arrêté fédéral simple (art. 163 Cst.). Lorsque l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum, l'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications de lois liées à la mise en oeuvre du traité (art. 141a, al. 2, Cst.).

9.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse et rapport avec le droit européen

Le projet d'arrêté fédéral proposé ici est compatible avec les obligations internationales existantes de la Suisse.

Les rapports de la CLrév avec d'autres instruments internationaux de même qu'avec le droit européen sont réglés dans la convention même (art. 64 ss.).

La CLrév, qui pour l'essentiel est identique au règlement CE no 44/2001, permet de rétablir le parallélisme avec l'instrument correspondant de l'UE. Ce parallélisme avait été rompu lorsque l'UE avait, en 2002, mis en oeuvre dans le règlement précité le résultat de l'accord du mois d'avril 1999, alors que l'adoption de la CLrév prenait plusieurs années de retard pour des motifs internes à l'UE. La CLrév permet en outre d'élargir encore le champ territorial d'un espace européen des fors et de l'exécution.

58

RS 101

1550