Rapport 2019 du Conseil fédéral sur les activités de politique migratoire extérieure de la Suisse du 24 juin 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le rapport 2019 sur les activités de politique migratoire extérieure de la Suisse, en vous invitant à en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 juin 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-1043

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Rapport 1

Introduction

La politique migratoire extérieure constitue, avec les mesures de politique intérieure, un instrument important pour protéger les intérêts de la Suisse dans le domaine migratoire. Elle repose sur trois principes1. Premièrement, la Suisse promeut une approche globale de la migration qui tient aussi bien compte des opportunités économiques, sociales et culturelles de la migration que de ses défis (migration irrégulière, retour, traite des êtres humains, etc.). Deuxièmement, la Suisse promeut une étroite coopération entre pays d'origine, de transit et de destination et une prise en compte équilibrée des intérêts de tous les acteurs. Troisièmement, la Suisse assure une étroite coopération interdépartementale pour garantir une politique migratoire cohérente et pour mettre en oeuvre de manière adéquate les instruments d'une approche globale de la migration.

Cette coordination interdépartementale est essentielle parce que les activités de politique extérieure déployées par la Suisse dans le domaine migratoire sont multiples et variées et qu'elles concernent, entre autres, différents offices du Département fédéral de justice et police (DFJP), du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et du Département fédéral des finances (DFF). Dans ce contexte, le Conseil fédéral a renforcé, en février 2011, la collaboration au sein de l'administration fédérale en créant la structure interdépartementale de coordination de la coopération migratoire internationale (structure IMZ). Cette structure, qui a été remodelée en 2017 à la suite d'une évaluation externe, comprend trois niveaux:

1

­

L'orientation stratégique et les priorités de la politique migratoire extérieure de la Suisse sont définies par la présidence IMZ, qui est codirigée par le secrétaire d'État aux migrations et le secrétaire d'État du DFAE et comprend également le secrétaire d'État à l'économie et le directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC).

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Subordonné à la présidence, le comité IMZ traite les aspects opérationnels de la collaboration interdépartementale et les différents instruments de la politique migratoire extérieure. Ce comité, dont les séances sont ouvertes à tous les offices fédéraux intéressés, est codirigé par le sous-directeur du Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et l'ambassadeur chargé du développement, du déplacement forcé et de la migration, qui fait partie du DFAE.

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Le troisième niveau de la structure IMZ est formé par les groupes de travail désignés pour les régions, pays et thèmes prioritaires, qui sont chargés de la mise en oeuvre concrète des projets et des mesures.

Rapport sur la coopération en matière de migration internationale à l'intention du Conseil fédéral (février 2011), ch. 3, consultable à l'adresse: https://www.sem.admin.ch .> Publications et services > Rapport du Conseil fédéral 2011­2012 sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse.

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La structure IMZ a défini trois objectifs pour les années 2017 à 2020: ­

Mettre en oeuvre le lien stratégique entre politique migratoire et coopération internationale de la Suisse. Le lien stratégique entre ces deux domaines politiques répond à la volonté du Conseil fédéral de consolider la cohérence politique par une approche systémique de la gestion des opportunités offertes par la migration et des défis qu'elle occasionne, de même que de la défense des intérêts propres à la Suisse. Le Conseil fédéral a décidé de renforcer davantage le mandat sur le lien stratégique dans son message sur la stratégie de la coopération internationale 2021­2024 (stratégie CI 2021­2024).

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Conclure de nouveaux partenariats et accords migratoires.

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Participer à la gouvernance des migrations et des flux de réfugiés.

C'est dans ce contexte que se placent les activités de la Suisse exposées dans le présent rapport.

2

Synthèse des domaines prioritaires en 2019

Le recul de la migration irrégulière vers l'Europe observé ces dernières années s'est poursuivi en 2019. Il fournit toutefois une image déformée de la réalité dans la mesure où le nombre des débarquements a progressé sur les berges de la Méditerranée orientale à partir de l'été 2019. De même, le nombre de demandes d'asile déposées par des ressortissants de pays dont les citoyens sont exemptés de l'obligation de visa est également en hausse dans toute l'Europe. Les défis qui se posent dès lors à la frontière extérieure de l'Europe ­ notamment dans la région méditerranéenne et les Balkans occidentaux ­ ont une fois encore clairement montré qu'il était urgent de mettre en place une politique migratoire européenne commune. Compte tenu de son association à Schengen et à Dublin, la Suisse a, d'une part, accordé un soutien bilatéral à des États partenaires particulièrement touchés et, d'autre part, continué de participer aux discussions portant sur cette question en s'engageant en faveur d'une réforme du système Dublin visant à une répartition équitable des responsabilités entre les États européens en ce qui concerne les personnes à protéger. Dans le domaine Schengen, la priorité a été accordée à la protection de la frontière extérieure de Schengen, notamment au renforcement des systèmes d'information et à l'endiguement de la migration irrégulière.

Alors que les chiffres n'ont cessé de baisser en Europe, les mouvements de fuite occasionnés en particulier par des conflits armés et des violations des droits de l'homme ont continuer à progresser. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a dénombré pour la première fois plus de 70 millions d'individus en fuite, dont environ 26 millions de réfugiés et plus de 40 millions de personnes déplacées dans leur propre pays. Dans le cadre de la mise en oeuvre du Pacte de l'ONU sur les réfugiés, le HCR et la Suisse ont été les hôtes, en 2019, du premier Forum mondial sur les réfugiés, qui s'est tenu à Genève. Cette manifestation a permis de débattre de mesures visant à garantir la protection internationale, à réduire la pression qui s'exerce sur les pays d'accueil, à renforcer sur place l'autonomie des réfugiés et à trouver des solutions durables, parmi lesquelles figure le retour au pays 5921

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d'origine dans la sécurité et la dignité. La Suisse a exposé les modalités de la poursuite de sa participation au programme de réinstallation du HCR ­ décidée par le Conseil fédéral durant l'année sous revue ­ sur la base d'un plan de mise en oeuvre élaboré par la Confédération, les cantons, les villes, les communes et d'autres acteurs. Le Pacte de l'ONU sur les réfugiés ainsi que le Forum mondial sur les réfugiés qui en a résulté sont des instruments qui renforcent, conformément au troisième objectif IMZ, la coopération internationale dans le domaine des réfugiés.

Durant l'année sous revue, la priorité a été accordée à l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale, au Moyen-Orient, à l'Afrique du Nord et aux Balkans occidentaux et une attention particulière a été portée à la route migratoire allant de la Corne de l'Afrique à la Libye. Dans ces contextes régionaux, la Suisse a poursuivi, en 2019, les coopérations en matière de retour et s'est efforcée d'améliorer, dans l'optique du lien stratégique et au moyen de différents instruments, la protection et l'intégration sur place tout en agissant à long terme sur les causes complexes de la migration irrégulière et de la fuite. En tout, plus de 200 millions de francs alloués à la coopération internationale ont été investis dans des contextes liés à la migration.

Concrètement, elle a lancé un programme interdépartemental visant à soutenir, principalement en Somalie et en Éthiopie, des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées. Toujours en 2019, les bons offices de la Suisse ainsi que d'autres activités en matière de promotion de la paix ont contribué à la mise en oeuvre du lien stratégique. En Libye, par exemple, la Suisse a soutenu des projets destinés à promouvoir le dialogue et à documenter les violations des droits de l'homme à l'égard des migrants.

Dans le cadre de la coopération bilatérale, les travaux de mise en oeuvre des partenariats migratoires se sont poursuivis et les négociations sur de nouveaux accords migratoires et de nouveaux accords de réadmission ont progressé. L'accord de réadmission et l'accord visant à faciliter la délivrance de visas, qui avaient été conclus avec l'Ukraine en 2017, sont entrés en force le 1 er mars 2019. Il a par contre fallu interrompre jusqu'à fin 2019 les négociations avec le Soudan sur
un accord migratoire. S'agissant de l'Afghanistan, la mise en oeuvre de l'accord en matière de réadmission conclu entre ce pays, la Suisse et le HCR a pu être poursuivie et concrétisée pour la première fois par des rapatriements non volontaires. Enfin, la coopération concernant le retour de personnes séjournant irrégulièrement en Suisse a pu être réglée sur le plan juridique avec le Bangladesh.

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Contexte migratoire en 2019

La migration irrégulière vers l'Europe a globalement diminué en 2019. Au total, 118 600 personnes sont entrées dans l'espace Schengen par la Méditerranée (contre 137 000 l'année précédente). Cependant, l'évolution n'a pas été la même dans tout l'espace méditerranéen. Alors que la migration a considérablement diminué en Méditerranée occidentale (de 65 500 à 32 500 migrants) et centrale (de 23 400 à 11 500 migrants), elle a sensiblement augmenté en Méditerranée orientale à partir de la mi-juillet. Là, elle a atteint son point culminant au mois de septembre, au cours duquel on a enregistré quelque 12 500 passages de la Turquie vers la Grèce par voie 5922

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maritime ou terrestre. En tout, 74 600 migrants sont parvenus en Europe par ce chemin (contre 50 500 l'année précédente). Cette progression des mouvements migratoires vers la Grèce s'explique par le fait que la Turquie a durci sa lutte contre la migration irrégulière, tout en respectant formellement ses engagements découlant de l'accord conclu en mars 2016 avec l'UE. En raison de ces mouvements migratoires, le système d'asile de la Grèce a été mis à rude épreuve. Fin 2019, l'occupation des hébergements sur les îles de la mer Égée était quatre fois supérieure aux capacités prévues. C'est pourquoi les autorités grecques ont transféré sur le continent plus de 37 000 personnes, pour beaucoup avant qu'une décision d'asile ne soit rendue. Cette mesure a engendré une augmentation des mouvements migratoires par les Balkans durant l'automne 2019, celle-ci ne se répercutant toutefois pas sur le nombre de nouvelles demandes d'asile déposées en Europe de l'Ouest (Suisse comprise). Depuis quelques années, les États européens doivent faire face à une hausse du nombre de demandes d'asile déposées par des ressortissants de pays exemptés de l'obligation de visa (cf. ch. 4.3). Avant 2017, ce phénomène concernait principalement les pays des Balkans occidentaux, puis il s'est étendu à la Géorgie dès 2017 et progressivement aux pays d'Amérique latine à partir de 2018.

En Suisse, 14 269 demandes d'asile ont été déposées en 2019. Ce chiffre est le plus bas enregistré depuis 2007. Une part non négligeable des demandes d'asile fait suite à des regroupements familiaux ou à des naissances. Par exemple, sur les 2899 demandes d'asile formées par des ressortissants érythréens, 1434 concernaient des naissances, 1053 des regroupements familiaux et 107 des demandes multiples. La baisse du nombre de demandes d'asile relevée en 2019 ne constitue toutefois qu'un instantané. Le potentiel migratoire des principales régions de provenance des requérants d'asile situées autour de l'Europe reste élevé. En 2019, 5551 personnes ont obtenu l'asile, soit un taux de reconnaissance de 31,2 % (2018: 25,9 %). Le taux de protection (octroi de l'asile ou admission provisoire après une décision d'asile de première instance) s'élevait à 59,3 % (contre 60,8 % en 2018). En 2019 toujours, 1631 requérants d'asile ont quitté volontairement la Suisse (2018:
1613), 2985 personnes ont été rapatriées dans leur pays d'origine ou conduites dans un pays tiers (2018: 3266) et 1521 autres ont été transférées vers un État Dublin (2018: 1560).

Principales routes migratoires vers l'Europe Routes par la Méditerranée

orientale

centrale

occidentale

(Turquie-Grèce)

(principalement Libye-Italie)

(principalement Maroc-Espagne)

mer

terre

mer

mer

terre

2016

173 450

3780

181 440

8160

6440

2017

29 720

6590

119 370

22 100

6250

2018

32 500

18 010

23 370

58 570

6810

2019

59 730

14 890

11 470

26 170

6350

Source: HCR

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Source: SEM

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Graphique 2 Demandes d'asile déposées en Suisse: principaux pays de provenance

Source: SEM

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Politique migratoire européenne

Durant l'année sous revue, les pays européens ont dû faire face à de nombreux défis en lien avec les divers mouvements de migrants et de réfugiés en direction de l'Europe. Dans le cadre de sa collaboration bilatérale avec les États européens particulièrement affectés par les problèmes migratoires, la Suisse a poursuivi son aide à la mise en place de structures d'asile robustes, à l'amélioration des procédures de retour et de réintégration dans les pays de provenance ainsi qu'à l'augmentation des capacités d'accueil de réfugiés. En parallèle, elle a participé, dans le cadre de son association à Schengen et à Dublin, aux efforts déployés pour développer une politique migratoire européenne commune et assurer la protection des frontières extérieures.

4.1

Coopération bilatérale avec les États membres de l'UE

Durant l'année sous revue, la Suisse a apporté un soutien à la Grèce et à l'Italie dans le cadre du crédit d'engagement alloué à la coopération internationale en matière de 5925

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migration et de retour et par le biais de l'aide humanitaire. En Grèce, la Suisse a contribué à la mise en place de structures d'accueil et d'encadrement en faveur de mineurs non accompagnés, au soutien des femmes particulièrement menacées et à l'offre de soins médicaux aux migrants hébergés dans le camp Moria, sur l'île de Lesbos. Dans une action directe, du matériel de secours a été livré aux autorités grecques pour améliorer les conditions humanitaires sur les îles de l'Égée. La Suisse a notamment soutenu financièrement les activités du HCR et de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Grèce. En Italie, un échange de compétences italo-suisse a été mis en place dans le domaine du retour, en coopération avec l'OIM. En outre, des rencontres régulières ont eu lieu avec les pays voisins ­ notamment l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie ­ sur les plans bilatéral et multilatéral afin d'approfondir et d'élargir la coopération dans le domaine migratoire.

Un élargissement de la coopération bilatérale sera possible dans le cadre de la deuxième contribution de la Suisse en faveur de certains États membres de l'UE2, qui a été adoptée par le Parlement le 3 décembre 2019. Cette contribution s'élève à 1,302 milliard de francs sur une période de dix ans. Sur ce montant, le Conseil fédéral consacrera 1,102 milliard au renforcement de la cohésion en faveur des pays de l'UE-13 et 200 millions à des mesures destinées à améliorer la gestion des flux migratoires dans les États membres de l'UE particulièrement affectés par les mouvements migratoires. Cependant, des engagements ne pourront être contractés sur la base de ces crédits-cadres si l'UE adopte des mesures discriminatoires à l'encontre de la Suisse et tant que ces mesures seront appliquées.

4.2

Développements dans les domaines Schengen et Dublin

Dans le cadre de son association aux accords de Schengen et Dublin, la Suisse a continué à participer activement aux consultations tenues au niveau européen sur le développement de la coopération. Dans le domaine migratoire, les discussions ont notamment porté sur la réforme du système de Dublin, le renforcement de la protection des frontières extérieures et le développement et la modernisation des systèmes d'informations. En outre, la Suisse a participé financièrement au Fonds européen pour la sécurité intérieure (FSI)3 et en a bénéficié. Elle a également continué à préparer sa participation au Fonds européen pour la gestion intégrée des frontières (FGIF-IGFV)4, qui sera appelé à succéder au FSI.

2 3

4

Arrêtés fédéraux relatifs à la deuxième contribution de la Suisse en faveur de certains États membres de l'UE (crédits-cadres pour la cohésion), FF 2020 739 741.

Règlement (UE) n° 515/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 portant création, dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure, de l'instrument de soutien financier dans le domaine des frontières extérieures et des visas et abrogeant la décision n° 574/2007/CE, JO L 150 du 20.5.2014, p. 143.

Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant, dans le cadre du Fonds pour la gestion intégrée des frontières, l'instrument de soutien financier dans le domaine de la gestion des frontières et des visas, du 24 avril 2020.

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Réforme du Régime d'asile européen commun (RAEC) Dans le domaine de l'asile, les travaux de réforme du règlement Dublin III5, qui prévoient l'introduction d'un mécanisme de répartition des requérants d'asile dans l'UE, en situation de crise, sont restés bloqués sous les présidences roumaine et finlandaise. Pour la Suisse, cette réforme reste une préoccupation constante parce que seule une répartition équilibrée des responsabilités entre les États européens dans le domaine migratoire garantit la résistance du système en cas de crise et la stabilisation à long terme du régime Dublin. Durant l'année sous revue, la nouvelle Commission européenne n'a pas signalé si elle allait poursuivre l'actuelle proposition de réforme6 ou la remplacer par une autre.

Comme les années précédentes, la Suisse a soutenu en 2019 le Bureau européen d'appui en matière d'asile (European Asylum Support Office, EASO)7, notamment en détachant des experts en matière d'asile en Italie (cinq missions de trois mois) et à Chypre (une mission de trois mois).

Fonds pour la sécurité intérieure dans le domaine des frontières extérieures et des visas La Suisse a poursuivi en 2019 la mise en oeuvre du programme national relatif au Fonds pour la sécurité intérieure dans le domaine des frontières extérieures et des visas (FSI-Frontières; période 2014­2020). Elle participe officiellement depuis 2018 à ce fonds8. Les dotations à hauteur d'environ 30 millions de francs (26,4 millions d'euros) reçues à ce jour ont permis d'encourager divers projets conformes aux objectifs dudit fonds. Durant l'année sous revue, la Suisse a touché quelque 7 millions de francs supplémentaires (6,4 millions d'euros) pour mettre en place de nouveaux systèmes informatiques servant à gérer les frontières extérieurs de Schengen.

Gestion des frontières et protection des frontières extérieures En novembre 2019, l'UE a adopté le règlement révisé relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (EBCG)9 (Frontex). Ledit règlement vise à créer d'ici à 2027 un corps permanent comptant jusqu'à 10 000 agents opérationnels.

L'extension du mandat de Frontex inclut le soutien des États Schengen dans toutes 5

6

7

8

9

Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), version du JO L 180 du 29.6.2013, p. 31.

Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride; COM(2016) 270 final, 4.5.2016.

La Suisse participe à l'EASO depuis le 1er mars 2016; Arrangement du 10 juin 2014 entre la Confédération suisse et l'Union européenne sur les modalités de sa participation au Bureau européen d'appui en matière d'asile, RS 0.142.392.681.

Accord additionnel sur la participation de la Suisse au Fonds pour la sécurité intérieure et de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise du règlement (UE) n° 514/2014 (développement de l'acquis de Schengen).

Règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) n° 1052/2013 et (UE) 2016/1624, JO L 295 du 14.11.2019, p. 1.

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les phases de la procédure de rapatriement, y compris la préparation des décisions de rapatriement et l'obtention de documents de voyage de remplacement. La Suisse participe elle aussi à des opérations Frontex. En 2019, les agents suisses ont ainsi accompli 1300 jours d'intervention en faveur de Frontex dans des aéroports français, italiens, géorgiens et espagnols, à la frontière maritime en Grèce, en Italie et en Espagne, ainsi qu'aux frontières terrestres entre l'Albanie et le Monténégro, la Bulgarie et la Serbie, la Croatie et le Monténégro ainsi qu'entre la Grèce et l'Albanie et entre la Grèce et la Macédoine du Nord.

Refonte de la directive sur le retour La refonte de la directive sur le retour10, qui vise à améliorer, au moyen de normes élevées, l'efficacité des renvois tout en garantissant les droits fondamentaux (par ex.

en ajustant les délais de recours, en décrétant l'obligation de collaborer ou d'offrir des programmes d'aide au retour), a progressé durant l'année sous revue.

Révision du code des visas La Suisse est également concernée par la révision du code des visas à laquelle l'UE a procédé en 201911. L'un des changements importants du nouveau code des visas est la liaison de la politique des visas et de la politique de retour au niveau européen.

Celle-ci prévoit en effet la possibilité d'adopter des mesures restrictives en matière d'obtention de visa à l'encontre des ressortissants d'États tiers dont la coopération en matière de réadmission est jugée insuffisante. Le 14 août 2019, le Conseil fédéral a décidé d'adapter le droit suisse au code des visas révisé.

4.3

Défis liés à la protection de la frontière extérieure

Sauvetages en mer Méditerranée Depuis janvier 2019, en raison de la politique restrictive de fermeture des ports menée par l'Italie et Malte et du blocage persistant de la réforme du système de Dublin, des efforts ont été engagés au niveau européen pour établir un mécanisme de répartition des personnes secourues en Méditerranée centrale. Ainsi, en janvier 2019 la Commission européenne a proposé de mettre sur pied des arrangements temporaires proposant un mécanisme de relocalisation et l'instauration de procédures accélérées d'asile et de retour aux points de débarquement. Cette proposition n'a pas été suivie car la majorité des États européens s'est opposée à la clé de répartition envisagée.

La discussion a repris de l'élan avec la proposition d'instaurer un mécanisme de répartition temporaire de gestion des débarquements des navires de sauvetage actifs en Méditerranée formulée par la France, l'Allemagne, l'Italie et Malte lors d'une 10

11

Proposition de la Commission européenne pour une directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (refonte), COM(2018) 634 final.

Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant modification du règlement (CE) n° 810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 188/25 du 12.7.2019, p. 25.

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conférence ministérielle tenue à Malte le 23 septembre 2019. Cette initiative n'a toutefois pas obtenu suffisamment de soutien parmi les États Schengen. Pour sa part, la Suisse a adopté une position retenue quant à l'établissement d'un mécanisme de répartition ad hoc des personnes secourues en Méditerranée. Pour le Conseil fédéral, une relocalisation de personnes n'ayant pas de perspectives d'asile pourrait provoquer de fausses incitations. Il estime que la réforme structurelle du système de Dublin doit demeurer l'objectif premier de l'action menée au niveau européen.

Néanmoins, la Suisse est disposée à contribuer de manière constructive aux débats relatifs à l'établissement d'un tel dispositif et à assumer ses responsabilités dans le cadre d'une réponse européenne apportée aux défis posés par la migration irrégulière et la fuite. Pour le Conseil fédéral, il est primordial que ce mécanisme ne contrecarre aucunement les efforts engagés pour réformer le système de Dublin et qu'il permette de parvenir à une solution durable comblant les lacunes systémiques actuelles.

Balkans occidentaux Aux frontières situées sur la route des Balkans, qui mène de la Grèce et la Bulgarie vers la Hongrie et la Slovénie par divers itinéraires dans les Balkans occidentaux et la Roumanie, quelque 100 000 migrants irréguliers ont été appréhendés en 2019. En Bosnie et Herzégovine ainsi qu'en Serbie, les nouveaux arrivants ont été à peu près aussi nombreux que l'année précédente; en Bosnie et Herzégovine, en particulier, il est de plus en plus fréquent qu'ils prolongent leur séjour dans le pays. Vu que beaucoup d'entre eux ne peuvent plus poursuivre leur périple pour entrer dans l'espace Schengen et qu'un retour dans leur pays d'origine ne constitue pas une option valable à leurs yeux, la gestion de la migration représente un grand défi pour la Serbie et la Bosnie et Herzégovine; selon différentes sources, il serait notamment difficile d'accéder à la procédure d'asile. La Suisse s'est engagée avec véhémence pour que la protection des frontières ne se fasse pas au détriment des normes internationales et européennes en matière de droits de l'homme.

Si le Kosovo a été moins touché que ses voisins par la migration de transit, il a tout de même enregistré le passage de 1000 personnes, soit deux fois plus qu'en 2018.

Par ailleurs,
les États des Balkans occidentaux ont également dû gérer le retour et la réintégration de nombre de leurs citoyens.

Demandes d'asile émanant de ressortissants de pays exemptés de l'obligation de visa Par son association à Schengen, la Suisse est liée à la politique des visas de l'UE pour la réglementation des séjours de courte durée. La libéralisation des régimes des visas peuvent donner lieu à des effets non désirés. Plusieurs États membres de l'espace Schengen enregistrent depuis quelques années une hausse du nombre de demandes d'asile de ressortissants de pays tiers récemment libérés de l'obligation de visa. En 2019, quelque 185 000 personnes issues de pays exemptés de l'obligation de visa ont déposé une demande d'asile en Suisse (2018: 115 000). Le Venezuela (45 000 demandes), la Colombie (32 200 demandes), l'Albanie (22 800 demandes) et la Géorgie (21 900 demandes), qui sont concernés, figurent parmi les onze principaux pays d'origine des requérants d'asile en Europe. La plus forte hausse de demandes de cette nature a été enregistrée par l'Espagne, où sont déposées près de 90 % des demandes d'asile formées par des citoyens de pays d'Amérique latine.

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Malgré différentes mesures d'endiguement, les États Schengen ne sont pas parvenus à réduire sensiblement le nombre de demandes d'asile émanant de ressortissants kosovars et géorgiens. Par contre, les rapatriements de requérants d'asile issus de ces deux pays se sont déroulés sans accrocs dans la plupart des cas. Pour la Suisse des défis ont subsisté avec la Géorgie, dont les ressortissants ont été libérés de l'obligation de visa en mars 2017. La Suisse a enregistré 601 demandes d'asile de ressortissants géorgiens en 2019, qui représentent ainsi le septième groupe de demandeurs d'asile en Suisse (2018: 873; cinquième groupe de demandeurs d'asile).

Ces demandes d'asile sont en grande partie infondées. Le taux de reconnaissance est nul. Lors du voyage de service que le secrétaire d'État Mario Gattiker a effectué en septembre 2019 à Tbilissi, la Suisse et la Géorgie ont confirmé leur volonté de combattre la migration irrégulière et signé une déclaration commune en ce sens. La coopération avec le gouvernement géorgien dans le domaine du retour a également parfaitement fonctionné durant l'année sous revue.

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Régions prioritaires de la politique migratoire extérieure de la Suisse

5.1

Gros plan sur la route migratoire de la Corne de l'Afrique vers la Libye

Contexte et défis Depuis des années, la Corne de l'Afrique est un épicentre d'importants mouvements migratoires et de fuite qui ont principalement lieu au sein même de cette région, mais également vers d'autres parties du continent africain, les pays du Golfe et, parfois, jusqu'en Europe. La migration irrégulière et les mouvements de fuite sont délenchés ou aggravés par des conflits armés persistants, des violations graves des droits de l'homme, les effets du changement climatique, des catastrophes naturelles, des pénuries de ressources ou l'absence de perspectives. Les réfugiés, les déplacés internes et les migrants empruntent parfois les mêmes routes, requièrent les services des mêmes passeurs et sont souvent exposés aux mêmes dangers.

La grande majorité des personnes en fuite cherche une protection au sein de la région dont ils sont issus, les pays étant à la fois des pays de provenance, de transit et d'accueil. L'Éthiopie dénombre, outre les 2,8 millions de déplacés internes, 900 000 réfugiés. Au Kenya, on compte 500 000 réfugiés, au Soudan 1 million de réfugiés et 2 millions de déplacés internes. Depuis des années, la Somalie fait face à une situation de crise en lien avec les déplacés internes (2,6 millions de personnes).

La crise économique et politique au Soudan ­ qui a attisé la migration soudanaise vers la Libye ­ s'est encore aggravée en 2019. Malgré la déclaration de paix signée en 2018 entre l'Érythrée et l'Éthiopie, aucune réforme n'a été engagée en Érythrée, où les violations des droits de l'homme, la durée indéterminée du service national, l'absence de perspectives d'avenir et la pression sur la liberté d'expression demeurent les principaux motifs d'émigration.

La plupart des réfugiés et des déplacés internes cherchent, parfois depuis des décennies, des solutions durables pour régulariser leur situation. Les réfugiés et les migrants qui quittent la Corne de l'Afrique empruntent principalement la route 5930

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migratoire orientale qui mène vers la péninsule arabique, au Yémen et au MoyenOrient. D'autres routes partent en direction du sud vers le Kenya, la Tanzanie et parfois jusqu'en Afrique du Sud; une autre, en direction du Nord, traverse le Soudan et aboutit en Égypte ou en Libye. Moyennant un renforcement des contrôles aux frontières et un durcissement des lois, l'Égypte a mis un terme aux traversées périlleuses de la Méditerranée à partir de ses côtes. Depuis lors, ce pays est devenu de facto un pays de destination des migrants. C'est pourquoi les migrants en provenance de l'Afrique de l'Est tentent encore de gagner l'Europe par la Libye et la Méditerranée centrale. Le nombre de traversées par cet itinéraire a toutefois sensiblement diminué pa rapport à l'année précédente.

La situation des réfugiés et des migrants en Libye, qui était déjà précaire, a empiré en avril 2019 à la suite de la reprise des combats. Selon les estimations des Nations Unies, quelque 680 000 migrants, requérants d'asile et réfugiés vivent aujourd'hui en Libye, dont seuls environ 45 000 sont enregistrés auprès du HCR. Près de 4500 personnes sont retenues dans des conditions inhumaines dans des centres de détention, où elles sont exposées à la torture, au viol, au rançonnement et au travail forcé voire à l'esclavage. Une grande partie des réfugiés et des migrants bloqués en Libye sont issus de la Corne de l'Afrique (Soudan compris) et d'Afrique occidentale. Par ailleurs, le pays comptait fin 2019 quelque 345 000 déplacés internes.

Engagement de la Suisse dans les régions de provenance et le long des routes migratoires Dans la Corne de l'Afrique, la Suisse déploie, au titre du lien stratégique, divers instruments pour pouvoir réagir de manière globale et coordonnée aux défis. Elle peut notamment agir par le truchement de la coopération économique au développement, de l'aide humanitaire, de la politique de la paix et des droits de l'homme ainsi que de la gestion de la migration. Ainsi, la Suisse peut améliorer à court terme la protection dans les régions de provenance, renforcer à moyen terme l'intégration dans les pays de premier accueil et réduire à long terme la migration irrégulière et la fuite. En améliorant la protection dans les régions de provenance, il s'agit, d'une part, de garantir les droits de l'homme des personnes
concernées et, d'autre part, de permettre aux personnes déplacées de rester aussi près que possible de leur pays de provenance, leur évitant ainsi de poursuivre un périple souvent dangereux. C'est pourquoi l'une des priorités de la Suisse consisite à améliorer la gouvernance régionale de la migration: une migration sûre et régulière au sein de la région favorise l'intégration régionale et le développement économique, ouvre des perspectives et réduit, à long terme, la migration irrégulière.

Afin d'améliorer encore la coordination des activités, la DDC, en collaboration avec la Division Sécurité humaine (DSH) et le SEM, ont lancé, en 2019, un programme destiné à soutenir des solutions durables pour la crise des réfugiés et les déplacements internes, principalement en Somalie et en Éthiopie.

Le long des routes migratoires, la Suisse a initié et mis en oeuvre en 2019 une série de projets régionaux en collaboration avec les partenaires IMZ. Le projet «East African Migration Routes» est destiné à soutenir les pays traversés par la route migratoire d'Afrique orientale afin de pouvoir garantir la protection des enfants et 5931

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des adolescents. Le soutien suisse à l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans le domaine migratoire a été complété par le détachement d'un expert suisse de la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes naturelles (successeur de l'initiative Nansen). Il s'agit d'aider les États membres de l'IGAD à mieux anticiper et protéger les personnes déplacées à la suite des catastrophes naturelles ou des effets néfastes du changement climatique.

Éthiopie La Suisse soutient l'Éthiopie dans sa politique appelée Out-of-Camp Policy, qui permet aux réfugiés d'accéder au système de formation et au marché du travail éthiopiens et encourage l'intégration sans prétériter la population locale. Le détachement d'un expert suisse au bureau du programme des Nations Unies, à AddisAbeba, contribue lui aussi à consolider la cohésion sociale. Un volet important de l'engagement de la Suisse en Éthiopie (et en Somalie) concerne les déplacés internes. En appuyant l'initiative éthiopienne pour des solutions durables (DSI), la Suisse soutient un changement de paradigme qui consiste à passer d'une aide strictement humanitaire à des approches de développement durable pour surmonter la crise provoquée par les déplacements internes. Avec l'appui du mandat spécial des Nations Unies sur les déplacements internes, confié au spécialiste en droit international Walter Kälin, il s'agit d'élaborer des solutions durables avec le gouvernement et la communauté internationale. Cette interaction entre l'aide humanitaire et la coopération au développement vise à offrir des perspectives aux millions de personnes déplacées au sein de cette région.

Dans le domaine du retour, l'application de l'accord conclu entre l'UE et l'Éthiopie dans le domaine du retour a été formalisée début 2019 au moyen d'un échange de notes verbales. Dans le cadre des consultations politiques, la Suisse a exposé ses attentes concernant la coopération dans le domaine du retour. Afin d'améliorer concrètement cette dernière, le SEM a confié, en juin 2019, des tâches spéciales à un spécialiste du domaine du retour. Depuis lors, la collaboration avec le domaine de l'identification s'est améliorée: en octobre 2019, une délégation éthiopienne s'est ainsi rendue à Berne afin d'y effectuer des entretiens d'identification. Malgré ces progrès, cette
coopération reste pesante et il faudra continuer à l'améliorer en 2020.

Érythrée Durant l'année sous revue, l'Érythrée est restée le principal pays de provenance des requérants d'asile en Suisse (2899 demandes d'asile). Une ventilation des nouvelles demandes d'asile montre que les requérants qui entrent de manière autonome en Suisse ne représentent que 10 % de l'effectif global des demandeurs. Dans la plupart des cas, les demandes concernent des naissances, des regroupements familiaux ou des demandes multiples. S'agissant des nouvelles demandes d'asile, l'Érythrée occupe le dixième rang parmi les pays de provenance. Bien que la position de principe du gouvernement érythréen n'ait pas changé en ce qui concerne les questions migratoires et, en particuler, les rapatriements, et qu'aucun rapatriement ne puisse être effectué en Érythrée à partir d'un État européen, la coopération s'est néanmoins améliorée en 2019 dans le domaine de l'identification de requérants.

Le Suisse s'efforce d'instaurer une dialogue régulier avec l'Érythrée afin de promouvoir la compréhension mutuelle et d'intensifier les realtions bilatérales. À 5932

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cette fin, elle utilise également de manière systématique les forums multilatéraux.

Par exemple, lors de de l'Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2019, le conseiller fédéral Ignazio Cassis et le ministre érythréen des affaires étrangères Osman Saleh ont convenu de mettre en place un dialogue technique bilatéral; à cette occasion, le conseiller fédéral Cassis a également renouvelé l'invitation à une rencontre en Suisse. Dans le cadre du Processus de Khartoum, qui était présidé en 2019 par l'Érythrée, la Suisse et l'Érythrée ont organisé ensemble un atelier sur le thème «Migration for Development: Harnessing the Potential of Diaspora». Les deux séances sur le développement économique et la sécurité régionale en Érythrée, qui ont été préparées avec le concours de la Suisse, de l'Allemagne, de la Suède et de la Norvège, ont permis des échanges avec des représentants haut placés du gouvernement érythréen.

Enfin, la Suisse finance depuis 2016 des projets pilotes dans le secteur de la formation professionnelle afin de créer des perspectives économiques. Des experts externes ont évalué ces projets en 2019. Cet engagement sera maintenu ces trois prochaines années.

Soudan du Sud et Soudan La Suisse s'est engagée pour assurer la pérennité de l'accord de paix au Soudan du Sud, contribuant ainsi à la stabilité de la région. Des projets dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de la promotion de la santé humaine et vétérinaire ont également été menés. Ceux-ci soutiennent le développement économique dans la région. Au Soudan, la Suisse a soutenu plus de 8 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire (dont environ 2 millions de déplacés internes) avec des contributions financières d'un montant global de près de 10 millions de francs aux programmes des Nations Unies, du Comité international de la Croix-Rouge et d'organisations non gouvernementales. En raison de l'instabilité politique, il a fallu interrompre jusqu'à fin 2019 les négociations sur un accord migratoire. La coopération avec le Soudan a néanmoins très bien fonctionné dans le domaine migratoire.

Libye L'activité principale de la Suisse dans le domaine migratoire a porté sur les mesures de protection: soins médicaux dans les centres de détention, prestations de soutien aux communautés d'accueil urbaines et
participation aux campagnes de sensibilisation aux risques et aux alternatives à la migration irrégulière. En outre, la Suisse s'est déclarée prête, en avril 2019, à prendre en charge un groupe d'au plus 50 réfugiés reconnus par le HCR qui ont été évacués de Libye. Durant l'année sous revue, une mission de sélection chargée d'examiner les dossiers des réfugiés proposés par le HCR a eu lieu au Niger, pays de transit de ces réfugiés. Par ailleurs, la Suisse a lancé un projet visant à renforcer la société civile libyenne et s'est engagée, aux côtés du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, pour que le droit international soit appliqué et les violations des droits des migrants soient documentées. Enfin, la Suisse a appuyé, par l'intermédiaire de son délégué à la migration pour la Libye et l'Afrique du Nord, les efforts internationaux coordonnés à Tunis pour que cesse l'emprisonnement automatique et arbitraire de réfugiés et de migrants en Libye. Dans le cadre de sa politique de promotion de la paix, la Suisse a 5933

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soutenu des projets de dialogue et de transformation des conflits ainsi que le processus des Nations Unies.

5.2

Afrique du Nord

Dans le cadre du premier dialogue bilatéral en matière migratoire mené avec l'Égypte, en janvier 2019, il a été question d'un engagement supplémentaire de la Suisse dans les domaines de la protection et de l'intégration locale. L'intérêt que cet important acteur régional du domaine migratoire porte à un soutien de la part de la Suisse a également été confirmé lors de rencontres entre le conseiller fédéral Cassis et le président Abd al-Fattah as-Sisi ou le ministre des affaires étrangères Sameh Shoukry, qui ont eu lieu en mars 2019. Vu qu'un tel soutien est aussi dans l'intérêt de la Suisse, elle a redoublé ses efforts en ce sens. Un projet visant à renforcer les capacités de lutte contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants a par exemple été lancé; il est ouvert aux fonctionnaires (police, services diplomatiques, justice, etc.) de tous les pays africains, la priorité étant toutefois accordée à la région de provenance Corne de l'Afrique. En outre, la Suisse a promu l'occupation de la population migrante, notamment celle des femmes, plus particulièrement dans le secteur alimentaire, et soutenu des réfugiés syriens lors de la création de petites entreprises. Vu le grand nombre de réfugiés et de migrants au Caire, la Suisse a apporté un soutien à des organisations communales qui offrent une assistance médicale, psychologique et juridique.

Durant l'année sous revue, le partenariat migratoire avec la Tunisie a été consolidé au moyen d'un projet mené avec le HCR et destiné à protéger et soutenir les réfugiés et les requérants d'asile. Il s'agit en l'occurrence de personnes venues de Libye ou qui ont été sauvées en mer par les gardes-côtes tunisiens. Par ailleurs, la DDC et le SEM ont initié un projet commun dans le but de mobiliser la diaspora tunisienne, de stimuler la migration circulaire des jeunes qui entrent dans la vie professionnelle et d'améliorer l'efficacité des structures ordinaires dans le domaine de la migration. En outre, la Suisse a poursuivi ses efforts destinés à renforcer les droits de l'homme aux frontières tunisiennes. L'engagement du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) dans le domaine du tourisme durable crée de nouvelle perspectives économiques pour les jeunes Tunisiens et offre une alternative à l'émigration. Conjointement avec l'UE, le SECO a étendu le projet
touristique «Destination Management Organisation» (DMO) de la région du Dahar à d'autres parties du pays. En outre, la Suisse a soutenu la Tunisie en 2019 lors de sa transition vers une société démocratique et pluraliste, et ce, afin d'offrir à la jeune génération des perspectives d'avenir dans leur pays. Le nombre de demandes d'asile formées par des ressortissants tunisiens a été modéré (152 demandes en 2019) et la coopération en matière de retour a bien fonctionné.

Les bouleversements politiques en Algérie pourraient offrir à la Suisse de nouvelles perspectives d'amélioration de la coopération opérationnelle dans le domaine migratoire. Depuis des années, l'Algérie s'inscrit en tête de la statistique des affaires en suspens dans le domaine du retour. La coopération s'est toutefois globalement améliorée et un dialogue migratoire a eu lieu avec ce pays en janvier 2020.

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La coopération avec le Maroc, à la fois pays de provenance, de transit et de destination de la migration, a également revêtu un caractère prioritaire en 2019. Le nombre de cas en suspens dans le domaine du retour a pu être réduit par rapport à l'année précédente. Ces dernières années, la Suisse a, soit remis à d'autres partenaires, soit réduit l'engagement humanitaire de la DDC dans le domaine de la protection. Le SEM finance au Maroc un projet qui encourage, d'une part, les migrants échoués issus de l'Afrique subsaharienne à retourner volontairement dans leur pays d'origine et facilite, d'autre part, leur réintégration.

5.3

Afrique centrale et Afrique de l'Ouest

L'Afrique de l'Ouest est une des régions du monde avec la plus forte croissance démographique. Il s'agit d'une région fortement urbanisée, avec une population très jeune (âge moyen 18 ans) et souvent sans perspectives socio-économiques. Plus de 70 % des migrants ouest-africains s'installent dans un pays de la région. La dégradation de la situation sécuritaire et l'emprise limitée des gouvernements sur les zones périphériques dans le Sahel provoquent également des déplacements forcés importants dans la région.

Les intérêts de la politique migratoire extérieure de la Suisse en Afrique de l'Ouest et du Centre ont trait d'une part aux questions de politique interne, telles que les demandes d'asile ou les personnes en situation irrégulière (un tiers des entrées irrégulières en Suisse concerne des ressortissants des pays de l'Afrique de l'Ouest), et d'autre part, aux intérêts de politique extérieure de la Suisse, comme le soutien de la migration régulière au sein de la région, la protection et l'intégration socio-économique des migrants, la création de perspectives socio-économiques, le respect du droit international et des droits de l'homme. Le lien stratégique entre politique migratoire extérieure et l'engagement de la coopération internationale est mis en oeuvre à trois niveaux: au niveau politique, au niveau géographique à travers les nouveaux programmes de coopération et au niveau opérationnel, à travers plusieurs projets. En Gambie, par exemple, la diaspora est soutenue, et au Nigéria, les capacités des autorités nationales en charge de la migration sont renforcées. Au Mali, la Suisse a poursuivi en 2019 son engagement en faveur de la mise en oeuvre de l'accord de paix ainsi que de la prévention de conflits locaux, lesquels sont souvent la cause de déplacements forcés. Grâce à ses projets de promotion de la paix au Tchad, la Suisse a encouragé la diversité dans le dialogue politique, notamment en favorisant une participation plus forte des femmes. Celles-ci jouent un rôle déterminant dans la gestion des conflits, mais elles sont aussi fortement touchées par les retombées de la fuite et des déplacement forcés.

Le partenariat migratoire avec le Nigéria reste un modèle en matière de mise en oeuvre de la politique migratoire extérieure de la Suisse. Il a été renforcé avec la mise en place de nouveaux
projets en matière de prévention et de sensibilisation à la traite des êtres humains, de prévention de la migration irrégulière et de coopération policière. La 8ème réunion du partenariat migratoire a réuni les délégations des deux pays à Berne le 3 décembre 2019 pour planifier la coopération dans ces domaines.

Par ailleurs, la Commission fédérale des migrations a effectué une mission d'évalu5935

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ation au Nigéria au cours de l'année 2019, avec pour objectif d'évaluer ce partenariat. Au Cameroun, la collaboration s'est intensifiée au cours de l'année sous revue et un projet de formation professionnelle novateur a été lancé. Par ailleurs, la Suisse a offert ses bons offices pour résoudre la crise politique intérieure de manière pacifique.

Compte tenu des structures démographiques ouest-africaines, les jeunes migrants et les mineurs non accompagnés ont été identifiés comme prioritaires. Un mécanisme de protection et de réintégration pour les enfants en mobilité dans la région a été mis en place dans les 15 pays de la CEDEAO et a permis de soutenir 1700 enfants au cours de l'année sous revue. D'autres initiatives de protection de l'enfance sont mises en oeuvre spécifiquement au Mali, au Niger et au Nigéria. Sur la route migratoire de la Méditerranée centrale, au Niger, des projets d'assistance humanitaire aux réfugiés et de réintégration des migrants sont réalisés.

Toujours en 2019, la Suisse a participé aux dialogues régionaux sur la migration menés dans le cadre du Processus de Rabat et comme observatrice au sein du dialogue sur la migration entre 15 pays d'Afrique de l'Ouest (MIDWA). Par ailleurs, la Suisse a cogéré, aux côtés de l'OIM à Dakar, le Groupe thématique international sur la migration en Afrique de l'Ouest. Il s'agit d'une plateforme d'information et de coordination réunissant tous les deux mois les principaux donateurs actifs sur les questions de migration dans la sous-région. Outre l'UE, beaucoup de pays européens y sont représentés tout comme la Banque mondiale, le HCR, ainsi que des ONG de manière ad hoc. Ce rôle a procuré à la Suisse une visibilité lui permettant de se profiler comme un partenaire de référence.

5.4

Moyen-Orient

La situation, qui est restée tendue en raison de la persistance du conflit syrien, a de nouveau occasionné, en 2019, de grandes souffrances au sein de la population civile de cette région du monde. Seul un nombre minime de personnes fuyant le conflit arrivent en Suisse (1100 nouvelles demandes d'asile déposées en 2019 par des ressortissants syriens et 615 personnes venues en Suisse au titre d'un programme de réinstallation). Plus de 5,5 millions de personnes déplacées se tiennent dans les pays voisins de la Syrie. En Syrie même, on dénombre plus de 6 millions de déplacés internes. Les conditions pour un retour volontaire dans la sécurité et la dignité des réfugiés syriens ne sont toujours pas réunies. L'Irak, qui compte plus de 1,6 million de déplacés internes, doit lui aussi faire face à de gros défis.

Compte tenu de la persistance des crises en Syrie et en Irak, il est nécessaire non seulement d'offrir une aide d'urgence mais aussi de développer des solutions à long terme. Celles-ci doivent d'abord être de nature politique. En 2019, la Syrie est restée l'une des priorités de la promotion suisse de la paix, une activité qui contribue également à la mise en oeuvre du lien stratégique. Par ailleurs, dans le cadre de la réalisation du nouveau programme de coopération 2019­2022 pour le MoyenOrient, la Suisse accorde davantage d'attention à des thèmes tels que la protection, l'autonomie, la résilience et la recherche de solutions durables pour les réfugiés.

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En 2019, la Suisse a consacré dans cette région en tout 61 millions de francs au soutien de la population dans le besoin. Dans les domaines de la migration et de la protection, une attention particulière a été vouée au Liban, le pays qui, dans le monde, compte la plus forte proportion de réfugiés au sein de sa population. La vulnérabilité des réfugiés augmente d'année en année. Dans ce contexte et conformément aux décisions du Conseil fédéral du 9 décembre 2016 et du 30 novembre 2018, 573 réfugiés syriens particulièrement vulnérables vivant au Liban ont été transférés en Suisse dans le cadre du programme de réinstallation mené par le HCR.

Par ailleurs, la Suisse a financé des projets portant sur l'enregistrement et la recherche de documents d'identité concernant des réfugiés syriens vivant en Jordanie, au Liban ou en Irak. Un dossier complet constitue en effet une condition pour trouver des solutions durables telles que la réinstallation, le retour volontaire ou l'intégration locale. Dans ce dernier domaine, la Suisse a renforcé ses efforts en matière de formation, de revenu, d'alimentation en eau potable et d'évacuation des eaux usées, ces mesures bénéficiant également à la population vulnérable autochtone. La Turquie abrite depuis des années le plus grand nombre de réfugiés au monde. La Suisse y a soutenu, à travers divers projets, l'intégration des réfugiés dans la société locale et le marché du travail ainsi que le renforcement des capacités des autorités turques dans le domaine de la gestion de la migration.

En ce qui concerne l'Irak, la Suisse met notamment en avant la coopération en matière de retour. En 2019, il a été possible d'organiser pour la première fois une mission visant à identifier des requérants d'asile déboutés, qui a été couronnée de succès. En outre, la Suisse s'est efforcée d'approfondir le dialogue migratoire bilatéral, en particulier dans les domaines du retour et de la sécurité, et d'aider au renforcement des capacités d'accueil. Cette coopération a continué de poser de grands défis.

Enfin, l'engagement de la Suisse au Moyen-Orient en 2019 a également porté sur l'amélioration des conditions de travail et de vie des quelque 37 millions de travailleurs migrants dans cette région du globe.

5.5

Autres pays et régions prioritaires

L'année sous revue était également placée sous le signe de la consolidation de deux partenariats migratoires mis en place de longue date: un dialogue migratoire a eu lieu avec la Bosnie et Herzégovine en octobre, à Berne, et avec la Serbie en novembre, à Belgrade, à l'occasion du dixième anniversaire de la création de ces partenariats. Ces dialogues ont permis de tracer un bilan et de procéder à un échange de vues sur les défis actuels. Durant l'année sous revue, la Suisse a soutenu la Serbie et la Bosnie et Herzégovine (ainsi que le Kosovo) dans leurs efforts visant à renforcer leurs capacités de gestion de la migration, à réintégrer les personnes qui rentrent au pays et à améliorer, avec l'aide d'organisations internationales ou non gouvernementales, la situation des migrants sur place. En Serbie, par exemple, il a été possible d'augmenter le nombre et la qualité des services de soutien en faveur de migrants mineurs et de renforcer les capacités des autorités à combattre la traite des êtres humains. Au-delà des partenariats migratoires, une place importante sera 5937

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maintenant accordée à l'encouragement du dialogue migratoire régional, comme cela a été fixé dans les nouvelles lignes directrices communes pour les Balkans occidentaux (2020­2023).

Après une interruption de 18 mois, les rapatriements non volontaires ont repris en mars 2019 vers l'Afghanistan. En octobre 2019 a eu lieu la deuxième rencontre concernant la mise en oeuvre de l'accord tripartite de 2006 entre la Suisse, l'Afghanistan et le HCR relatif au domaine du retour. Les discussions ont principalement porté sur l'amélioration de la coopération opérationnelle dans le domaine du retour.

La Suisse et le Bangladesh ont formalisé, moyennant un échange de notes daté du 2 avril 2019, leur collaboration concernant le retour des personnes qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire suisse. Cette coopération opérationelle s'appuie sur la Standard Operating Procedure, que le Bangladesh a conclu en septembre 2017 avec l'UE.

Enfin, s'agissant du Sri Lanka, une première rencontre d'experts a eu lieu le 9 septembre 2019, sous les auspices du SEM et avec la participation du DFAE, au sujet de la mise en oeuvre du partenarait migratoire conclu en août 2018. Cet échange de vues a permis de discuter des activités en cours ou prévues et d'identifier de nouvelles idées de projets dans d'autres domaines.

6

Politique migratoire multilatérale de la Suisse

6.1

Processus globaux

La Suisse soutient le Pacte de l'ONU sur les réfugiés, qui s'appuie sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et a été adopté fin 2018 par l'Assemblée générale des Nations Unies. En décembre 2019, la Suisse et le HCR ont été les hôtes, à Genève, du premier Forum mondial sur les réfugiés, qui visait à traduire ledit pacte en actes. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a ouvert le forum conjointement avec le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, et le Haut Commissaire aux réfugiés, Filippo Grandi. Les mesures concrètes annoncées par la communauté internationale lors de cette manifestation doivent améliorer la protection internationale des réfugiés, réduire la pression qui pèse sur les pays d'accueil, renforcer l'autonomie des réfugiés, permettre un retour dans la dignité et la sécurité et dégager d'autres solutions durables. Le secteur privé a également pris activement part au forum: plus de 250 millions de francs seront dégagés et des places de formation créées pour plusieurs milliers de réfugiés. La Suisse a offert son soutien aux États des régions de provenance vu que plus de 80 % des quelque 26 millions de réfugiés (et plus de 41 millions de déplacés internes) vivent dans des pays en développement et des pays émergents. En même temps, la Suisse a réaffirmé qu'elle continuerait à assumer ses responsabilités chez elle, notamment en menant une procédure d'asile efficace et un agenda global en matière d'intégration.

À la suite de la décision du Conseil fédéral d'attendre l'issue du débat parlementaire sur le Pacte de l'ONU sur les migrations, la Suisse n'a plus participé en 2019, dans le cadre des Nations Unies, aux discussions sur la mise en oeuvre dudit pacte. Les 5938

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négociations relatives à la résolution sur les modalités de l'International Migration Review Forum, qui se tiendra tous les quatre ans à New York à partir de 2022, ont été suivies de manière passive. La Suisse ne s'est pas non plus exprimée sur d'autres développements liées au Pacte sur les migrations, qui ont notamment porté sur la création d'un fonds international visant à renforcer les capacités en matière de gestion des migrations dans les pays en développement.

Une initiative lancée lors des négociations relatives au Pacte sur les migrations, à laquelle la Suisse avait initialement adhéré, visait une coopération plus efficace et mieux coordonnée entre les différentes agences de l'ONU et un renforcement de l'OIM en tant que coordinatrice de cette coopération au sein du réseau onusien sur les migrations nouvellement créé. Ce réseau étant lié à la mise en oeuvre du pacte, la Suisse n'a suivi que passivement ce développement. Elle ne pourra prendre définitivement position sur ce réseau qu'au terme du débat parlementaire qui aura lieu en 2020 sur la base d'un arrêté fédéral simple. Dans son message sur cet arrêté, le Conseil fédéral présentera également les expériences faites par des pays tiers en lien avec la mise en oeuvre du pacte.

L'engagement global de l'OIM pour améliorer les conditions de vie des migrants et assurer une migration ordonnée, sûre et régulière revêt une grande importance. Aussi la Suisse est-elle favorable à la réforme institutionnelle de la gouvernance de l'OIM, qui a été engagée par son directeur général. L'OIM est un partenaire important de la Suisse dans la mise en oeuvre de sa politique migratoire nationale, par exemple dans le cadre des programmes de retour et de réintégration ou lors de la recherche et de l'identification ­ réalisées en collaboration avec le CICR ­ de migrants échoués sur les routes migratoires. La Suisse s'engage en faveur de normes et de protocoles de coopération internationaux pour que les proches soient informés du sort de leurs parents disparus sur les routes migratoires. Par ailleurs, la Suisse a soutenu, durant l'année sous revue, un projet visant à développer le portail de l'OIM sur les données migratoires12, afin qu'il devienne un point d'accès mondial aux statistiques sur la migration. Ce soutien s'inscrit dans la cadre des efforts déployés par la Suisse pour disposer de données plus complètes et de meilleure qualité sur les mouvements migratoires internationaux.

6.2

Processus régionaux

La Suisse a pris part à divers processus régionaux qui promeuvent le dialogue entre les pays d'origine, de transit et de destination sur les différentes routes migratoires et offrent l'occasion d'approfondir les relations bilatérales. En février 2019, elle a été représentée par le Secrétaire d'État Mario Gattiker à la 6 ème conférence ministérielle du Processus de Budapest qui s'est tenue à Istanbul. Cette conférence a abouti à une déclaration ministérielle signée par plus de 40 États, dont la Suisse. Dans le cadre du processus de Khartoum, la Suisse a organisé en octobre 2019 et conjointement avec la présidence érythréenne une réunion thématique sur le potentiel de la diaspora dans les questions liées à la migration et au développement, ce qui a contribué à renforcer 12

https://migrationdataportal.org/fr?i=stock_abs_&t=2019

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le dialogue dans une approche constructive. Dans le cadre du Processus de Rabat, la Suisse a participé activement aux activités de mise en oeuvre, en particulier dans le domaine de la protection et de l'asile, domaine pour lequel elle s'est engagée lors de la formulation du Plan d'Action de Marrakech 2018­2020.

La Suisse a aussi été active au sein de la conférence des directeurs généraux des services d'immigration (GDISC). Ce réseau offre, tant à l'échelon des directeurs généraux qu'à celui des experts, une plateforme d'échanges directs entre les autorités nationales en charge des questions de migrations et d'asile au niveau européen.

La Conférence annuelle 2019 du GDISC a été organisée par la Suisse à Morschach.

Elle s'est penchée sur la question de savoir comment les perspectives de retour individuel peuvent être intégrées dans les systèmes d'asile nationaux.

Enfin, la Suisse, un des 16 États participants aux consultations intergouvernementales sur la migration, l'asile et les réfugiés (Intergovernmental consultations - IGC), un forum informel pour l'échange d'informations et d'expériences, ainsi que pour l'élaboration de politiques en matière de migration et d'asile, a activement participé aux différentes réunions organisées par l'IGC, telles que la conférence sur la thématique « information sur les pays d'origine: Innovation and Digitalisation », qui a eu lieu les 4 et 5 juin 2019. De plus, l'IGC et la Suisse ont organisé un atelier sur le thème des interprètes et l'interprétation dans la procédure d'asile en mai 2019. La Suisse a également participé à de nombreuses consultations techniques sur différentes thématiques concernant la migration et l'asile.

7

Perspectives pour 2020

Les perspectives pour l'année 2020 doivent tenir compte des effets de la crise sanitaire et économique mondiale causée par le coronavirus (COVID-19). Il y a tout lieu de penser que cette crise globale créera de nouveaux défis dans le domaine des migrations et de la fuite et qu'elle accentuera les défis actuels. La Suisse devra développer des réponses appropriées et adapter ses instruments et activités de politique migratoire extérieure à la nouvelle donne. Grâce à sa structure IMZ, la Suisse est en mesure d'assurer une action rapide, flexible et coordonnée pour répondre à tous les développements liés à la migration et à la fuite.

Au niveau européen, d'importants dossiers migratoires seront mis en avant au sortir de la phase aiguë de la crise sanitaire. Sous la direction de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a été élue à ce poste en 2019, l'on s'attend à une nouvelle approche de la politique migratoire européenne, qui pourrait faire avancer la réforme du système Dublin.

Sur le plan bilatéral, les effets directs de la crise sanitaire et économique se répercuteront également sur la coopération avec les divers pays. Grâce au lien stratégique entre la coopération internationale et la politique migratoire, la Suisse est d'ores et déjà présente dans des régions particulièrement concernées par les migrations et elle pourra ajuster son engagement en fonction des nouveaux défis lorsque cela s'avèrera possible et nécessaire. Le lien stratégique sera également poursuivi dans le cadre de la stratégie de coopération internationale 2021­2024. De même, la coordination entre la politique migratoire et d'autres dossiers de politique extérieure, de politique 5940

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de sécurité ou de politique économique extérieure jouera encore un rôle important pour faire valoir les intérêts de la Suisse dans le cadre des contacts bilatéraux, par exemple dans le domaine du retour. Enfin, la Suisse continuera de soutenir différents partenaires multilatéraux (OIM et HCR) afin qu'ils puissent poursuivre leur travail en l'adaptant au nouveau contexte.

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