20.063 Message concernant la modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (Restriction des voyages à l'étranger et modification du statut de l'admission provisoire) du 26 août 2020

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet de modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2018 M

18.3002

Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire (E 14.3.18, Commission des institutions politiques du Conseil des États; N 12.6.18)

2018 M

15.3953

Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine (N 1.6.17, Pfister; E 11.6.18)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 août 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2020-1178

7237

Condensé Le projet vise à supprimer les obstacles à l'intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire en facilitant le changement de canton. Il a également pour objectif de restreindre et de réglementer par la loi les voyages à l'étranger entrepris par les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger.

Contexte La motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire de la Commission des institutions politiques du Conseil des États charge le Conseil fédéral de présenter un projet de loi comportant des modifications ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire afin d'éliminer les obstacles les plus importants à l'intégration dans le marché du travail des personnes qui restent en Suisse à long terme. Elle prévoit notamment que soient mis à l'étude, d'une part, une modification de l'appellation «admission provisoire» et, d'autre part, des allègements en matière de changement de canton en vue de l'exercice d'une activité lucrative. La motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine, du conseiller national Gerhard Pfister, demande également que soit modifiée la réglementation concernant les personnes admises à titre provisoire. Elle a pour objectif d'aménager les bases légales de façon à interdire de manière générale aux personnes admises à titre provisoire de se rendre dans leur pays de provenance ou d'origine, comme c'est le cas pour les réfugiés reconnus. Les deux motions concernent donc le même groupe de personnes, raison pour laquelle le présent projet vise à les mettre en oeuvre ensemble.

Contenu du projet Afin de mettre en oeuvre la motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire, le projet propose une nouvelle réglementation autorisant une personne admise à titre provisoire qui exerce une activité lucrative ou suit une formation professionnelle initiale en dehors de son canton de résidence à changer de canton ­ à condition, d'une part, que cette personne ne perçoive des prestations de l'aide sociale ni pour elle ni pour les membres de sa famille et, d'autre part, que les rapports de travail existent depuis au moins douze mois ou que l'horaire de travail ou le trajet pour se rendre au travail ne
permettent pas d'exiger raisonnablement qu'elle reste dans son canton de résidence. Le Conseil fédéral a étudié la question d'une modification de l'appellation «admission provisoire», mais a décidé de renoncer à cette modification pour diverses raisons.

Pour mettre en oeuvre la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine, le projet vise à interdire aux personnes admises à titre provisoire de se rendre dans leur État de provenance ou d'origine, comme c'est déjà le cas pour les réfugiés reconnus. Ce genre de voyage ne pourra être autorisé, au cas par cas, que s'il est nécessaire à la préparation du départ autonome et définitif de l'intéressé et de son retour dans son État d'origine ou de provenance. Les

7238

personnes auxquelles une protection provisoire a été octroyée seront également soumises à cette règle.

Outre la mise en oeuvre proprement dite de la motion 15.3953, le projet vise à inscrire dans la loi, pour des raisons de sécurité juridique, les dispositions qui règlementent actuellement les voyages des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance. À la différence des réfugiés reconnus, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger ont déjà besoin d'une autorisation pour se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance.

Une interdiction de voyager sera érigée en principe, assorti d'exceptions fondées sur la pratique restrictive actuelle en matière d'autorisations.

Ces exceptions seront inscrites au niveau de l'ordonnance. Il restera possible d'autoriser les voyages dans d'autres États que l'État d'origine ou de provenance pour des raisons personnelles particulières, notamment à des fins d'intégration, et au cas par cas pour les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger. Les requérants d'asile, par contre, ne pourront être autorisés à se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance que si la procédure d'asile ou de renvoi le requiert, en particulier pour préparer le retour dans l'État d'origine ou de provenance (par ex. afin d'obtenir des documents de voyage auprès d'une représentation étrangère dans un pays limitrophe de la Suisse).

Il sera par ailleurs possible de sanctionner les personnes qui se seront rendues sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance ou dans un autre État. En particulier, l'admission provisoire prendra automatiquement fin, par analogie avec la réglementation applicable aux réfugiés, si la personne ne rend pas vraisemblable le fait qu'elle s'est vue contrainte d'accomplir ce voyage. Si des obstacles s'opposent malgré tout à l'exécution du renvoi de la personne concernée et que cette dernière est à nouveau admise à titre provisoire, elle ne pourra plus, pendant dix ans, obtenir d'autorisation de séjour pour des motifs individuels d'une extrême gravité à partir du moment où l'admission provisoire lui aura été à nouveau accordée. Tout voyage à l'étranger accompli sans
autorisation sera en outre puni d'une amende.

Par ailleurs, les règles relatives à l'octroi d'autorisations de retour en Suisse sous la forme de visas de retour, qui figurent actuellement dans une ordonnance, seront à l'avenir définies au niveau de la loi.

Le projet n'a pas de conséquences majeures en termes de finances ni de personnel.

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Table des matières Condensé

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1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectif visés 1.2 Solutions étudiées et solutions retenues 1.3 Rapport avec le programme de la législature et la planification financière, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

7242 7242 7245

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Mise sur pied d'un groupe de suivi externe 2.2 Résultat de la procédure de consultation et suite des travaux 2.2.1 Remarques d'ordre général 2.2.2 Principaux résultats relatifs à la modification du statut de l'admission provisoire 2.2.3 Principaux résultats relatifs à la restriction des voyages à l'étranger 2.3 Modifications apportées en sus après la consultation

7248 7248 7249 7249

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 3.1 Modification du statut de l'admission provisoire 3.2 Restrictions des voyages à l'étranger

7259 7260 7261

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.1.1 Modification du statut de l'admission à titre provisoire 4.1.2 Restriction des voyages à l'étranger 4.2 Adéquation des moyens requis 4.3 Besoin de coordination

7264 7264 7264 7265 7266 7267

5

Commentaire des dispositions 5.1 Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI) 5.2 Loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)

7267

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération Modification du statut de l'admission provisoire Restriction des voyages à l'étranger 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques, sociales et environnementales

7282 7282 7282 7283

2

6

7240

7247 7248

7249 7252 7258

7267 7280

7283 7284

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7

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Délégation de compétences législatives

7284 7284 7284 7285 7286 7286

Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) (Restriction des voyages à l'étranger et modification du statut de l'admission à titre provisoire) (Projet)

7287

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectif visés

Modification du statut de l'admission provisoire (motion 18.3002) En octobre 2016, le Conseil fédéral a adopté un rapport1 qui fait le point sur le statut de l'admission provisoire. Il y a présenté trois options pour modifier le statut juridique de l'admission provisoire2 afin de mieux correspondre à la réalité actuelle. Le nombre de personnes admises à titre provisoire n'a cessé d'augmenter après 2014, mais cette hausse s'est considérablement ralentie depuis 2018. Aujourd'hui, la Suisse compte 48 779 personnes admises à titre provisoire, dont 10 075 sont des réfugiés (état fin avril 2020). L'expérience montre que ces personnes restent très souvent de manière durable en Suisse, car les motifs de l'octroi de l'admission provisoire restent valables (guerre civile, situation de violence généralisée, etc.). Il est donc important que les personnes admises à titre provisoire s'intègrent le plus rapidement possible en Suisse, en particulier dans le marché du travail, pour pouvoir mener une vie indépendante sur le plan financier. Elles doivent aussi exercer une activité lucrative durable, entre autres conditions, pour pouvoir demander une autorisation de séjour (cas de rigueur) à l'issue d'un séjour d'au moins cinq ans en Suisse. Les personnes admises à titre provisoire font donc partie des groupes cibles de l'Agenda Intégration Suisse3, que la Confédération et les cantons ont lancé conjointement en 2018.

Le rapport du Conseil fédéral a d'abord été porté à la connaissance de la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) en janvier 2017. Se fondant sur ses délibérations et auditions, la CIP-N a déposé, en avril 2017, une motion4 dans laquelle elle demande au Conseil fédéral de présenter un projet de loi qui corresponde, dans les grandes lignes, aux propositions figurant dans l'option 2 du rapport. L'objectif est de créer un nouveau statut pour les personnes susceptibles d'obtenir une protection de longue durée et, ainsi, d'améliorer leur situation, notamment sur le marché du travail. En outre, un statut distinct doit être prévu pour les personnes dont il y a lieu de prévoir qu'elles n'auront besoin d'une protection qu'à titre provisoire. Le Conseil national a approuvé la motion le 12 juin 2017.

Le rapport du Conseil fédéral et la motion de la CIP-N ont ensuite été examinés par la
Commission des institutions politiques du Conseil des États (CIP-E). Considérant à la majorité que cette motion ne produirait pas les effets escomptés, la CIP-E a déposé, le 18 janvier 2018, la motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire, qui prévoit le maintien, dans les grandes lignes, 1

2 3 4

Rapport du Conseil fédéral du 12 octobre 2016 Admission provisoire et personnes à protéger: analyse et possibilités d'action. Disponible sur www.sem.admin.ch > Publications & services > Rapports > Rapports divers.

Pour les définitions, voir le rapport du 12 octobre 2016, p. 7 s.

Informations disponibles sur www.agendaintegration.ch Motion de la CIP-N 17.3270 Remplacer le statut des étrangers admis à titre provisoire

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de l'admission provisoire, tout en chargeant le Conseil fédéral de présenter un projet de loi comportant des modifications ponctuelles de ce statut. L'objectif est d'éliminer les principaux obstacles à l'intégration professionnelle des personnes qui restent en Suisse à long terme. Il s'agit en particulier d'examiner la possibilité de modifier l'appellation «admission provisoire» et de faciliter le changement de canton en vue de l'exercice d'une activité lucrative.

Les dispositions en vigueur n'autorisent le changement de canton qu'à des conditions restrictives.

Les étrangers admis à titre provisoire sont attribués à un canton, où ils sont autorisés à choisir librement leur lieu de résidence. Les autorités cantonales peuvent toutefois leur assigner un lieu de résidence ou un logement dès lors qu'ils touchent des prestations d'aide sociale et qu'ils n'ont pas été reconnus comme réfugiés (art. 85, al. 5, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration [LEI]5).

Le changement de canton des personnes admises à titre provisoire est assujetti aux dispositions relatives au changement de canton des requérants d'asile: en vertu de l'art. 21 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE)6, les dispositions prévues aux art. 21 et 22 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile (OA 1)7 sont applicables aux changements de canton des personnes admises à titre provisoire. Le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) ne peut donc approuver le changement de canton d'une personne admise à titre provisoire que si les deux cantons concernés y consentent, à la suite d'une revendication du principe de l'unité de la famille ou en cas de menace grave pesant sur l'intéressé ou d'autres personnes. En pratique, il est rare que le nouveau canton donne son consentement, le changement de canton ayant pour effet de lui transférer la responsabilité en matière d'aide sociale.

En cas de demande de changement de canton, le SEM rend une décision définitive après avoir entendu les cantons concernés. Cette décision ne peut faire l'objet d'un recours que si elle viole le principe de l'unité de la famille (art. 85, al. 3 et 4, LEI).

Le 14 mars 2018, le Conseil des États a adopté la motion 18.3002 de la CIP-E et rejeté, en conséquence, la motion 17.3270 de la
CIP-N. Le 12 juin 2018, le Conseil national a également adopté la motion 18.3002. Le présent projet vise à mettre en oeuvre la motion de la CIP-E.

Restriction des voyages à l'étranger (motion 15.3953) Le 24 septembre 2015, le conseiller national Gerhard Pfister a déposé la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine. Il y charge le Conseil fédéral de modifier les bases légales de manière qu'il soit en règle générale interdit aux personnes admises à titre provisoire de se rendre dans leur pays d'origine, comme c'est le cas pour les réfugiés reconnus. Dans son développement, l'auteur de la motion indique qu'il n'est pas compréhensible que des personnes qui cherchent refuge en Suisse et y sont admises temporairement aient le droit de retourner dans leur pays d'origine. Tout retour dans le pays d'ori5 6 7

RS 142.20 RS 142.281 RS 142.311

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gine doit avoir pour effet la suppression immédiate de l'admission à titre provisoire, précise-t-il. Le Conseil national a approuvé la motion le 1 er juin 2017. Le Conseil des États a fait de même le 11 juin 2018.

En vertu du droit en vigueur, les personnes admises à titre provisoire ont déjà besoin d'une autorisation du SEM ­ sous la forme d'un document de voyage (lorsqu'elles ne possèdent pas de documents de voyage en cours de validité de leur État d'origine ou de provenance) ou d'un visa de retour (lorsqu'elles possèdent des documents de voyage en cours de validité de leur État d'origine ou de provenance) ­ pour se rendre à l'étranger, étant donné que, contrairement aux réfugiés reconnus, elles n'ont pas droit à un titre de voyage. L'ordonnance du 14 novembre 2012 sur l'établissement de documents de voyage pour étrangers (ODV)8 prévoit seulement des motifs de voyage restreints pour les personnes admises à titre provisoire (ainsi que pour les requérants d'asile et les personnes à protéger) (art. 9 ODV): raisons humanitaires ­ par exemple, cas particulièrement urgents ou graves telles que la mort ou la maladie d'un membre de la famille ­ ou manifestations scolaires ou sportives organisées à l'étranger. Trois ans après le prononcé de l'admission provisoire, les voyages à l'étranger pour d'autres motifs (par ex. tourisme, réunion d'affaire ou visite à la famille) sont également possibles si l'intéressé est bien intégré en Suisse (art. 9, al. 4, let. b, ODV). Par contre, les voyages dans le pays d'origine ou de provenance ne sont d'ores et déjà autorisés que dans des cas exceptionnels (art. 9, al. 6, ODV).

Chaque demande est étudiée au cas par cas. Si les documents de voyage ou les visas de retour établis ne sont pas utilisés conformément à la finalité, à l'objectif ou aux dates du voyage indiqués, le SEM peut décider de mettre fin à l'admission provisoire ou de refuser de futures demandes d'autorisation de voyage de la part de l'intéressé (art. 84, al. 2, LEI; art. 26 et 26a OERE).

À la faveur de la modification du 14 décembre 2018 de la LEI (normes procédurales et systèmes d'information)9, le Parlement a déjà pris des mesures concernant le problème des réfugiés reconnus qui se rendent abusivement dans leur pays d'origine ou de provenance. La problématique des voyages accomplis par des réfugiés
reconnus dans leur pays d'origine a été abordée à maintes reprises dans le cadre d'interventions parlementaires (cf. motions 15.380310 et 15.384411) et dans les médias. Les modifications ainsi apportées à la LEI sont entrées en vigueur, par étapes, les 1 er juin 2019 et 1er avril 2020. Elles ont notamment consisté à inscrire expressément dans la loi l'interdiction faite aux réfugiés reconnus de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance (art. 59c, al. 1, 1re phrase, LEI). De plus, il existe désormais une présomption légale selon laquelle les réfugiés qui se sont rendus dans leur pays d'origine ou de provenance se mettent volontairement sous la protection de ce pays.

En conséquence, le SEM lance une procédure de retrait de la qualité de réfugié dès qu'il constate que l'intéressé a effectué un tel voyage. L'intéressé ne conserve la qualité de réfugié que s'il rend vraisemblable qu'il s'est vu contraint de se rendre 8 9 10 11

RS 143.5 RO 2019 1413 Motion 15.3803 du 7 septembre 2015 du groupe libéral-radical Domaine de l'asile.

Pas de voyages inopportuns à l'étranger pour les personnes admises en Suisse Motion 15.3844 du 15 septembre 2015 du groupe de l'Union démocratique du centre Interdire les voyages à l'étranger aux requérants d'asile et aux personnes admises à titre provisoire

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dans son État d'origine ou de provenance (cf. art. 63, al. 1bis, de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile [LAsi]12); renversement du fardeau de la preuve). S'il existe un soupçon fondé permettant de penser que l'interdiction de se rendre dans l'État d'origine ou de provenance n'est pas respectée, le SEM peut prononcer à l'encontre de l'ensemble des réfugiés de État en question une interdiction de se rendre dans d'autres États, en particulier dans les pays limitrophes de cet État (art. 59c, al. 1, 2e phrase, LEI).

Le présent projet vise à mettre en oeuvre la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine. Étant donné que les dispositions qui réglementent les voyages des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance ne figurent actuellement qu'au niveau de l'ordonnance, elles seront également inscrites dans la loi, pour des raisons de sécurité juridique.

1.2

Solutions étudiées et solutions retenues

Modification de l'appellation de l'admission provisoire La motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire charge notamment le Conseil fédéral de mettre à l'étude une modification de l'appellation «admission provisoire».

L'appellation admission provisoire exprime le fait que les personnes concernées doivent en principe quitter la Suisse. Elles peuvent toutefois y rester temporairement, tant que l'exécution de leur renvoi n'est pas possible, n'est pas raisonnablement exigible ou n'est pas licite. Dans les faits, la grande majorité de ces personnes restent durablement en Suisse, parce que les motifs pour lesquels l'admission provisoire leur a été accordée restent valables (par ex., situation de guerre civile dans le pays de provenance). L'expérience montre que beaucoup d'employeurs ne sont pas assez informés de cette mesure, ce qui complique la recherche d'emploi pour les personnes concernées. De nombreux employeurs potentiels partent ainsi du principe que les personnes admises à titre provisoire ne restent que peu de temps en Suisse ou qu'elles n'ont pas du tout le droit d'exercer une activité lucrative 13. La réticence qui peut ainsi être induite chez les employeurs compromet les chances de réalisation de l'objectif de réduire la dépendance des intéressés à l'égard de l'aide sociale.

12 13

RS 142.31 Rapport du Conseil fédéral du 12 octobre 2016 Admission provisoire et personnes à protéger: analyse et possibilités d'action, pt 2.6.3; disponible sur www.sem.admin.ch > Publications & services > Rapports > Rapports divers; étude Participation des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire sur le marché suisse du travail (en allemand; résumé en français) B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung et KEK-CDC Consultants, avril 2014, p. 21 s.; disponible sur www.sem.admin.ch > Publications & services > Rapports > Intégration > Rapports et études thématiques > Rapports sur admis provisoires et réfugiés; rapport du groupe de travail AOST/ASM Insertion des personnes admises à titre provisoire et des réfugiés reconnus ­ analyse et recommandations d'action du 28 novembre 2014, y c. appréciation dudit rapport par les comités AOST et ASM du 4 février 2015, pt 3.3.2, p. 18; disponible sur www.aost.ch > Thèmes > Politique des étrangers > Téléchargements

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La désignation de ce statut, qui constitue, dans le droit des étrangers, une mesure de substitution à un renvoi non exécutable, doit refléter correctement le statut juridique des personnes concernées et ne doit pas être trompeuse. L'admission provisoire n'est pas une autorisation de séjourner en Suisse au sens du droit des étrangers. Les personnes concernées restent en effet tenues de quitter la Suisse, mais des obstacles empêchent l'exécution de cette obligation; elles sont donc tolérées en Suisse jusqu'à ce que ces obstacles soient levés. Le fait que de nombreuses personnes admises à titre provisoire restent en Suisse pour une longue durée, voire à titre permanent, n'y change rien. En présence d'un cas individuel d'une extrême gravité, toute demande d'autorisation de séjour déposée après au moins cinq années de résidence en Suisse est examinée de manière approfondie, si l'intéressé est intégré (art. 30, al. 1, let. b, et 84, al. 5, LEI).

Ainsi que le demande la CIP-E dans sa motion, un changement de désignation a été mis à l'étude. Il n'a toutefois pas été possible de trouver une désignation qui tienne compte à la fois de la volonté d'améliorer l'intégration professionnelle des intéressés et de l'exigence d'une délimitation claire de leur statut juridique. Une difficulté supplémentaire réside dans le fait que toute nouvelle désignation doit être équivalente et compréhensible dans les trois langues officielles, critère qui s'est avéré particulièrement difficile à remplir lors de ladite étude.

En outre, la désignation «admission provisoire» (permis F) est maintenant établie dans le droit migratoire. Une désignation plus neutre serait moins compréhensible et sèmerait le flou vis-à-vis des nombreuses réglementations des conditions de séjour prévues par le droit des étrangers et le droit de l'asile, ce qui, au lieu de simplifier les choses, entraînerait de nouveaux malentendus.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral a décidé de ne pas proposer de nouvelle désignation. Il estime toutefois qu'une meilleure information des employeurs permettra d'augmenter les chances des personnes concernées sur le marché du travail ­ principe conforme aux principales recommandations du rapport Amélioration de l'intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire sur le marché du travail rendu en juin
201814 ­, par exemple en imprimant des informations sur les conditions d'accès au marché du travail directement sur les titres de séjour des personnes admises à titre provisoire (mesure prévue à partir du milieu de l'année 2021). En outre, les mesures et outils en place pour améliorer l'information des employeurs sont régulièrement remaniés et mis à jour, par exemple le site Web et la brochure d'information du SEM ou les informations fournies dans le cadre des programmes d'intégration cantonaux. La coordination de la communication assurée au titre de la collaboration interinstitutionnelle avec les partenaires du Secrétariat d'État à l'économie, du Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation et de l'Office fédéral des assurances sociales sera également renforcée.

14

Rapport Amélioration de l'intégration des réfugiés et des personnes admises à titre provisoire sur le marché du travail rendu en juin 2018 par le délégué aux réfugiés et à l'économie Eduard Gnesa, pt 4.1; disponible sur www.sem.admin.ch > Publications & services > Rapports > Intégration > Rapports et études thématiques > Rapports sur admis provisoires et réfugiés

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Solution retenue pour la procédure de consultation L'avant-projet (AP) destiné à la procédure de consultation proposait une nouvelle réglementation autorisant une personne admise à titre provisoire qui exerce une activité lucrative ou suit une formation professionnelle initiale en dehors de son canton de résidence à changer de canton ­ à condition, d'une part, que cette personne ne perçoive des prestations de l'aide sociale ni pour elle ni pour les membres de sa famille et, d'autre part, que les rapports de travail existent depuis au moins douze mois ou que l'horaire de travail ou le trajet pour se rendre au travail ne permettent pas d'exiger raisonnablement qu'elle reste dans son canton de résidence.

L'AP proposait également d'interdire aux personnes admises à titre provisoire, aux requérants d'asile et aux personnes à protéger de se rendre dans leur pays d'origine ou de provenance. Les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger ne pourraient être autorisées, au cas par cas, à accomplir ce genre de voyage que s'il est nécessaire à la préparation du départ autonome et définitif de l'intéressé et de son retour dans son État d'origine ou de provenance (art. 59d AP-LEI). L'AP prévoyait en plus d'inscrire dans la LEI des dispositions qui règlementent les voyages des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance (art. 59e AP-LEI). Ces voyages seraient en principe exclus. Le Conseil fédéral définirait par voie d'ordonnance les conditions limitées auxquelles ils pourraient être autorisés pour des raisons personnelles particulières ­ notamment à des fins d'intégration ­, à titre exceptionnel et au cas par cas, pour les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger. Les requérants d'asile, quant à eux, ne pourraient être autorisés à se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance que si la procédure d'asile ou de renvoi le requiert (art. 59e, al. 2, APLEI). Il serait par ailleurs possible de sanctionner les personnes qui se seront rendues à l'étranger sans autorisation. C'est pourquoi la LEI et la LAsi prévoiraient des mesures en conséquence. Par exemple, l'admission provisoire prendrait automatiquement fin si la personne ne rend pas vraisemblable
le fait qu'elle s'est vue contrainte de se rendre dans son pays d'origine, et aucune nouvelle admission provisoire ne pourrait être ordonnée pendant trois ans (art. 84, al. 4, let. c, AP-LEI en relation avec l'art. 83, al. 9bis, AP-LEI)15.

1.3

Rapport avec le programme de la législature et la planification financière, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202316, ni dans le projet d'arrêté fédéral du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202317, et n'a pas de lien avec les straté15

16 17

Le dossier mis en consultation (notamment l'avant-projet et le rapport explicatif) et le rapport de consultation sont disponibles sur www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

FF 2020 1709 FF 2020 1839

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gies du Conseil fédéral définies sur la base de ces éléments. La présente modification de la LEI est néanmoins nécessaire pour que le Conseil fédéral puisse exécuter les mandats que lui a confiés le Parlement à partir des motions 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire et 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine.

Le projet n'est pas inscrit au budget 2019 avec PITF 2020­202218 et ne figure pas non plus dans les charges supplémentaires possibles.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose le classement des interventions parlementaires ci-après.

Les motions 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire, de la CIP-E, et 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine, du conseiller national Gerhard Pfister, peuvent être classées: leurs auteurs demandaient au Conseil fédéral de soumettre un message au Parlement d'ici au milieu de l'année 2020.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Mise sur pied d'un groupe de suivi externe

Un groupe de suivi externe a été institué pour élaborer le projet de mise en oeuvre des motions 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire et 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine. Il était composé de représentants de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales, de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique, de la Conférence des gouvernements cantonaux (représentée par la Conférence suisse des délégués communaux, régionaux et cantonaux à l'intégration [CDI]), de l'Association des services cantonaux de migration (ASM), de l'Association des offices suisses du travail, de l'Union des villes suisses (UVS) et de l'Union suisse des arts et métiers (USAM).

Les différentes solutions ont été discutées en détail avec le groupe de suivi en amont de la procédure de consultation, lors d'un atelier (30 novembre 2018), et le groupe de suivi a été associé à l'élaboration du projet à la faveur d'une consultation écrite.

18

www.efv.admin.ch/efv/fr/home.html > Rapports financiers > Rapports financiers > Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances

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2.2

Résultat de la procédure de consultation et suite des travaux

2.2.1

Remarques d'ordre général

Le Conseil fédéral a mené la procédure de consultation relative à l'avant-projet lié au présent projet du 21 août 2019 au 22 novembre 201919. Au total, 68 prises de position ont été reçues20. Tous les cantons, sept partis politiques (Les Verts, PBD, PDC, PLR, PS, pvl et UDC), le Tribunal administratif fédéral (TAF) et 34 autres milieux intéressés se sont exprimés. Six participants ont expressément renoncé à prendre position.

Le présent projet visant à mettre en oeuvre deux motions qui portent sur des thématiques différentes et poursuivent donc des objectifs différents, les participants à la consultation ont parfois eu du mal à s'exprimer pour ou contre l'ensemble du projet.

C'est pourquoi les avis exprimés sur la modification du statut de l'admission provisoire et ceux émis sur la restriction des voyages à l'étranger ont fait l'objet d'analyses distinctes.

2.2.2

Principaux résultats relatifs à la modification du statut de l'admission provisoire

Changement de canton des personnes admises à titre provisoire (art. 85b AP-LEI) La grande majorité des participants à la consultation sont favorables à une facilitation du changement de canton lié à l'exercice d'une activité lucrative. Toutefois, de nombreux participants ont exprimé diverses demandes et préoccupations concernant les modalités de cette facilitation21.

L'UDC et certains cantons (BS, GL, SO, UR et ZG) s'opposent à toute modification de la réglementation restrictive en vigueur sur le changement de canton. Ces cantons estiment que le canton d'attribution (conformément à la clé de répartition qui s'applique au domaine de l'asile) doit conserver sa responsabilité jusqu'à ce que l'intéressé obtienne une autorisation de séjour ­ ce qui évite notamment de devoir interrompre les mesures d'intégration déjà mises en oeuvre.

Parmi les partisans de la nouvelle disposition proposée, les demandes et les préoccupations vont dans deux directions différentes: aux yeux du PS, de certaines associations faîtières et de nombreux autres milieux intéressés, la réglementation doit être moins restrictive (notamment en ce qui concerne l'indépendance requise vis-à-vis des prestations de l'aide sociale); FR, LU et SG, eux, considèrent que le changement de canton ne doit pas être un droit. FR veut que le pouvoir de décision en matière de changement de canton soit confié à l'autorité cantonale. GE demande que la consul19

20 21

Le dossier mis en consultation (notamment l'avant-projet et le rapport explicatif) et le rapport de consultation sont disponibles sur www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

Le rapport sur les résultats est disponible sur www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

Analyse détaillée au pt 5.2 du rapport sur les résultats

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tation du canton concerné par une demande de changement de canton soit inscrite dans la loi; pour le reste, il estime qu'une période d'activité d'au moins douze mois doit être exigée dans tous les cas. TI souhaite que les cantons conservent la possibilité de contester un changement de canton directement auprès du SEM.

Position du Conseil fédéral Étant donné qu'une grande majorité des participants à la consultation accueillent favorablement les modifications proposées dans l'avant-projet concernant le changement de canton, ces dernières seront maintenues telles quelles. Les modifications demandées au niveau des conditions à remplir vont dans des directions différentes: pour certains, ces conditions doivent être plus restrictives, tandis que pour d'autres, elles doivent être assouplies. Dans ce contexte, le projet apparaît comme un bon compromis.

Changement de canton des réfugiés admis à titre provisoire (art. 85b, al. 5, AP-LEI) SH, SO et l'ASM approuvent expressément la nouvelle réglementation applicable aux réfugiés admis à titre provisoire, qui prévoit que l'intéressé a le droit de changer de canton s'il n'est pas au chômage et qu'il n'existe pas de motif de révocation (peine privative de longue durée, par ex.) (même réglementation que celle prévue par l'art. 37, al. 2, LEI pour les titulaires d'une autorisation de séjour). Toutefois, parmi les autres milieux intéressés, plusieurs organisations (par ex., Organisation suisse d'aide aux réfugiés [OSAR], Croix-Rouge suisse [CRS], Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR]) rejettent cette modification, au motif qu'elle enfreindrait la Convention relative au statut des réfugiés (Conv. Réfugiés) 22.

Le TAF signale quant à lui que cette réglementation est en contradiction avec sa jurisprudence actuelle (cf. ATAF 2012/2, consid. 5; même réglementation que celle prévue par l'art. 37, al. 3, LEI pour les titulaires d'une autorisation d'établissement).

Position du Conseil fédéral En vertu de l'art. 26 Conv. Réfugiés, la liberté de circulation des réfugiés au sein de l'État d'accueil doit être conforme à «la réglementation applicable aux étrangers en général dans les mêmes circonstances». Dans la Conv. Réfugiés, les termes «dans les mêmes circonstances» impliquent que l'intéressé doit remplir toutes les conditions (et notamment celles
qui ont trait à la durée et aux conditions de séjour ou de résidence) qu'il devrait remplir s'il n'était pas un réfugié pour pouvoir exercer le droit en question (art. 6 Conv. Réfugiés). Il n'est donc pas possible de suivre la pratique du TAF selon laquelle les réfugiés reconnus (y compris ceux admis à titre provisoire) doivent être traités de la même manière que les titulaires d'une autorisation d'établissement. L'admission temporaire ne peut être comparée avec l'autorisation d'établissement en ce qui concerne la durée du séjour et les droits qui y sont associés. L'égalité de traitement prévue par le projet mis en consultation vis-à-vis des titulaires d'une autorisation de séjour est une interprétation correcte. La situation est différente pour ce qui est, par exemple, de l'octroi de l'aide sociale, où l'art. 23

22

RS 0.142.30

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Conv. Réfugiés prévoit expressément un traitement identique à celui dont bénéficient les nationaux.

Renonciation à la modification de l'appellation «admission provisoire» La très grande majorité des cantons23, le PBD, le PLR et l'UDC, l'USAM, l'Association des communes suisses (ACS), l'Union syndicale suisse (USS) et la CCDJP se félicitent de cette renonciation. Il est néanmoins important, à leurs yeux, que la Confédération ­ en collaboration avec les associations d'employeurs ­ continue d'informer ou informe encore mieux les employeurs (potentiels) des effets juridiques de l'admission provisoire. FR et SG regrettent qu'il n'ait pas été possible de trouver une appellation plus appropriée, et NE, VD et ZH expriment leur incompréhension à ce sujet. Le PS, le PDC, le pvl et Les Verts, l'UVS, Travail.Suisse, la CDI et de nombreux autres milieux intéressés24 demandent une modification de l'appellation. Les quelques propositions concrètes qui ont été présentées, comme «protection» ou «admission à titre humanitaire», ont déjà été examinées et rejetées. Les propositions étaient en outre très diverses, et aucune n'a été soutenue par la majorité des participants (voir pt 5.1 du rapport sur les résultats).

Position du Conseil fédéral La création d'une nouvelle appellation a quasiment autant de partisans que d'opposants. Il n'y a toujours pas de proposition qui constituerait une appellation plus adéquate. Les quelques désignations proposées par les participants à la consultation ne répondent pas aux critères requis par une nouvelle appellation: ou bien elles pourraient être confondues avec un autre statut, ou bien elles ne sont pas correctes sur le plan juridique, ou bien, encore, elles ne peuvent pas être traduites en termes équivalents dans toutes les langues officielles. La proposition «protection» serait trop similaire à la protection provisoire prévue par les art. 66 à 79a LAsi et à la protection subsidiaire en vigueur au sein de l'UE (voir pt 3). Il y aurait un risque de confusion. Également proposée, l'appellation «admission à titre humanitaire» serait juridiquement incorrecte en raison de l'impossibilité et de l'illicéité d'exécuter un renvoi dans le cas d'une admission provisoire. Il y a aussi lieu de se demander si «à titre humanitaire» serait plus parlant que l'appellation actuelle pour les employeurs.
Enfin, «admission de résidence» et «protection secondaire», par exemple, sont difficiles à traduire de manière équivalente dans les trois langues officielles. Il convient donc de maintenir l'appellation actuelle. Pour autant, le souci de fournir des informations plus complètes aux employeurs doit être pris en compte (voir pt 1.2).

23 24

AG, AI, AR, BE, BL, BS, GE, GL, GR, JU, LU, NW, OW, SH, SO, SZ, TG, TI, UR, VS et ZG Amnesty International (AICH), AsyLex, Caritas, Centre social protestant (CSP), Commission fédérale des migrations (CFM), elisa-asile, Freiplatzaktion Zürich (FPA), Entraide Protestante Suisse (EPER), Monitoring- und Anlaufstelle für vorläufig aufgenommene Personen (map-F), OEuvre suisse d'entraide ouvrière (OSEO), Observatoire suisse du droit d'asile et des étrangers, Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS), OSAR, Forum suisse pour l'étude des migrations et de la population (FSM) de l'Université de Neuchâtel, Solinetz, CRS, HCR et voCHabular.

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Regroupement familial (art. 85c AP-LEI) La disposition relative au regroupement familial des personnes admises à titre provisoire ne doit pas être modifiée en substance, mais, pour des raisons de systématique, elle doit être reprise dans un article distinct (art. 85c AP-LEI). Le PS et plusieurs autres milieux intéressés25 critiquent toutefois le fait que rien ne soit prévu pour faciliter le regroupement familial: pas de réduction du délai de trois ans imposé pour bénéficier du regroupement ni d'assouplissement des critères qui interdisent de percevoir des prestations d'aide sociale ou des prestations complémentaires, notamment.

Position du Conseil fédéral D'après le texte de la motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire, l'objectif est seulement de proposer des mesures qui permettraient d'éliminer les obstacles les plus importants à l'intégration professionnelle des intéressés. Le Conseil fédéral estime en outre que, compte tenu du statut particulier de l'admission provisoire, le regroupement familial doit rester assujetti à une réglementation prudente, assortie d'un délai d'attente. De plus, le critère de l'indépendance économique s'applique également au regroupement familial des ressortissants d'États tiers titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement; rien ne justifie que les personnes admises à titre provisoire y dérogent. Le Conseil fédéral considère en conséquence qu'il n'y pas de modification à apporter en ce qui concerne le regroupement familial.

2.2.3

Principaux résultats relatifs à la restriction des voyages à l'étranger

Restriction des voyages dans l'État d'origine, l'État de provenance ou un autre État (art. 59d et 59e AP-LEI) Les propositions qui visent à restreindre les voyages à l'étranger (État d'origine, de provenance ou autre, cf. art. 59d et 59e AP-LEI) sont approuvées et jugées judicieuses par une large majorité des cantons et par la CCDJP, le PBD, le PDC, le PLR, l'UDC, l'ACS et l'USAM26. Toutefois, leurs partisans demandent notamment que soit maintenue la possibilité de participer activement à certains événements se déroulant dans un État autre que l'État d'origine ou de provenance (manifestations sportives ou culturelles, événements familiaux, voyages scolaires, voyages de formation, par ex.) (art. 59e AP-LEI)27.

Lesdites propositions sont rejetées par Les Verts, le PS, l'ACS, l'UVS, Travail.Suisse et la grande majorité des autres milieux intéressés (Caritas, EPER et 25

26 27

AICH, Avenir Social ­ Association professionnelle suisse du travail social, Caritas, CSP, Juristes démocrates de Suisse (JDS), elisa-asile, CFM, FPA, droitsfondamentaux.ch, EPER, OSEO, FEPS, OSAR, USS, Fédération suisse des sourds, Solidarité sans frontières (Sosf) et CRS Pt 4.2 du rapport sur la procédure de consultation AG, BS, GL, JU, SO, UR, ZH, PLR et CCDJP, par ex.; cf. aussi pt 5.5 du rapport sur la procédure de consultation.

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HCR, par ex.)28, qui considèrent qu'elles ne sont pas nécessaires, les voyages en question n'étant déjà autorisés qu'à titre exceptionnel29. Ils estiment en outre que ces propositions sont anticonstitutionnelles et contraires au droit international, car elles restreindraient en particulier la liberté de se déplacer et le droit à la vie familiale des personnes concernées30. Les restrictions iraient en outre bien au-delà des modifications demandées par le Parlement31. De plus, restreindre les voyages dans un État autre que l'État d'origine ou de provenance compliquerait l'intégration des personnes concernées, s'il n'était par exemple plus possible de participer à un voyage scolaire ou à une visite familiale à l'étranger32. La restriction des voyages dans l'État d'origine ou de provenance (art. 59d AP-LEI) suscite également des critiques liées au fait que, souvent, le statut de l'admission provisoire se fonde non pas sur une persécution individuelle dans l'État d'origine ou de provenance ­ comme c'est le cas pour les réfugiés ­, mais sur une situation générale de danger. Les personnes admises à titre provisoire ne seraient donc pas exposées à un danger immédiat dans leur pays d'origine33.

Position du Conseil fédéral Sur la restriction des voyages dans l'État d'origine ou de provenance (art. 59d AP-LEI) L'auteur de la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine a chargé le Conseil fédéral de modifier les bases légales de manière qu'il soit en règle générale interdit aux personnes admises à titre provisoire de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance. Ces personnes ne sont déjà autorisées qu'à titre exceptionnel à se rendre dans leur État d'origine ou de provenance, notamment en cas de maladie grave ou de décès d'un parent proche. Chaque demande fait l'objet d'un examen individuel. Pour permettre au Conseil fédéral de prendre en compte la requête formulée dans la motion, la réglementation en vigueur doit être encore plus restrictive, moyennant une interdiction générale de se rendre dans l'État d'origine ou de provenance (art. 59d P-LEI). Il est également prévu de tenir compte du principe de proportionnalité, en ne mettant fin à l'admission provisoire que si l'intéressé s'est rendu sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance alors
qu'il n'y était pas contraint (art. 84, al. 4, let. c, P-LEI).

Les requérants d'asile et les personnes à protéger sont des personnes qui ont demandé protection à la Suisse et qui pourraient faire l'objet de persécutions relevant du droit de l'asile s'ils retournaient dans leur État d'origine ou de provenance. Le 28 29 30

31 32

33

Pt 4.2 du rapport sur la procédure de consultation Les Verts, PS, Travail.Suisse, AICH, AsyLex, Caritas et OSAR, par ex.; cf. aussi pts 5.4 et 5.5 du rapport sur la procédure de consultation.

Les Verts, PS, USS, Travail.Suisse, AICH, AvenirSocial, JDS, droitsfondamentaux.ch, OSAR, Sosf, CRS, par ex. (cf. aussi pts 5.4 et 5.5 du rapport sur la procédure de consultation) EPER, OSEO, OSAR, CRS, par ex. (cf. aussi pts 5.4 et 5.5 du rapport sur la procédure de consultation) PS, UVS, Travail.Suisse, AICH, AsyLex, elisa-asile, EPER, CDI, map-F, OSEO, FSM, Solinetz, CRS, HCR, voCHabular, par ex. (cf. aussi pts 5.4 et 5.5 du rapport sur la procédure de consultation) AvenirSocial, CSP, JDS, elisa-asile, FPA, droitsfondamentaux.ch, USS, Sosf, par ex.

(cf. aussi pt 5.4 du rapport sur la procédure de consultation)

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Conseil fédéral estime donc qu'il convient de prévoir également une telle interdiction de voyager pour ces catégories de personnes. Toutefois, pour des raisons de proportionnalité, la protection provisoire accordée aux personnes à protéger ne prendra pas fin non plus si l'intéressé s'est rendu sous la contrainte dans son État d'origine ou de provenance (art. 79, let. e, P-LAsi). Les requérants d'asile, par contre, font l'objet d'une procédure qui n'est pas terminée, et n'ont donc pas encore reçu la protection de la Suisse. Si un requérant d'asile se rend dans son État d'origine ou de provenance, la règle veut que sa demande d'asile soit classée (art. 8, al. 3bis, LAsi). S'il revient en Suisse en cours de procédure, il y a lieu de considérer qu'il n'a pas besoin de la protection de la Suisse, à la suite de quoi sa demande d'asile est en règle générale rejetée.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral maintient la réglementation proposée dans l'avant-projet.

Sur la restriction des voyages dans un autre État (art. 59e AP-LEI) Le Conseil fédéral est conscient que le droit en vigueur n'autorise déjà les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger à se rendre à l'étranger que dans des conditions très précises. Toutefois, ces conditions n'étant actuellement définies qu'au niveau de l'ordonnance, il juge opportun, pour des raisons de sécurité juridique, de compléter les règles relatives aux voyages accomplis dans l'État d'origine ou de provenance (art. 59d P-LEI) par une base légale pour les autres voyages à l'étranger.

Le Conseil fédéral partage cependant l'avis de certains participants à la consultation selon lequel les voyages à l'étranger devraient rester autorisés, sous certaines conditions, pour les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger, à savoir pour des raisons personnelles particulières, comme le décès ou la maladie d'un membre de la famille et les voyages destinés à encourager l'intégration, tels que les voyages scolaires, les voyages de formation ou les déplacements professionnels en zone frontalière. Le Conseil fédéral précisera ces raisons par voie d'ordonnance. Afin que les droits des personnes garantis par la Constitution et le droit international (droit à la vie familiale et liberté de se déplacer, par ex.) le restent
pleinement, cette nouvelle disposition ne changera rien au fait que chaque demande de voyage à l'étranger sera soumise à un examen individuel détaillé. Ainsi, le principe de proportionnalité sera également pris en compte de manière adéquate. En outre, les personnes admises à titre provisoire qui résident en Suisse depuis plus de cinq ans peuvent déposer une demande d'autorisation de séjour (art. 84, al. 5, LEI).

Si elles obtiennent une telle autorisation, elles peuvent se rendre à l'étranger avec les documents de voyage de leur pays ou avec un passeport pour étranger sans avoir besoin en plus d'un visa de retour. La même règle s'applique aux personnes à protéger, qui reçoivent une autorisation de séjour cinq ans après l'octroi de la protection provisoire (art. 74, al. 2, LAsi).

Par contre, le Conseil fédéral rejette toute extension des possibilités de se rendre à l'étranger pour les requérants d'asile. Ces personnes font l'objet d'une procédure en cours et doivent se tenir à la disposition des autorités pendant la procédure d'asile. Si elles se rendaient à l'étranger, cela nuirait indiscutablement à l'efficacité des procédures d'asile et aux procédures d'asile accélérées qui sont entrées en vigueur le 7254

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1er mars 2019. Seuls les voyages nécessaires à l'exécution de la procédure d'asile dérogeront à cette règle.

Par conséquent, le Conseil fédéral n'estime pas nécessaire de modifier la réglementation définie à l'art. 59e AP-LEI.

Sanctions prévues pour les voyages à l'étranger non autorisés (art. 83, al. 9bis et 9ter, 120, al. 1, let. h, et 122d AP-LEI et art. 79, let. e, AP-LAsi) Les dispositions proposées dans la LEI pour les infractions aux restrictions en matière de voyages à l'étranger sont approuvées par la grande majorité des cantons, la CCDJP, le PBD, le PDC, le PLR et l'UDC ainsi que par l'ACS et l'USAM 34. Toutefois, la grande majorité des cantons rejettent expressément la disposition qui met automatiquement fin à l'admission provisoire et empêche d'en ordonner une nouvelle pendant trois ans si l'intéressé se rend dans son pays d'origine (art. 83, al. 9 bis, AP-LEI). Ils estiment qu'une telle disposition aurait les conséquences suivantes: les personnes concernées séjourneraient en Suisse sans statut relevant du droit des étrangers, verraient prendre fin les mesures d'intégration dont elles font éventuellement l'objet et devraient abandonner toute activité lucrative. Du fait de l'expiration de l'admission provisoire, elles se retrouveraient dans les structures d'aide d'urgence des cantons, lesquels auraient alors à supporter des frais supérieurs au forfait d'aide d'urgence versé par la Confédération. Certains opposants à cette disposition proposent donc une autre solution: prolonger, par exemple de cinq ans, le délai imposé pour pouvoir obtenir une autorisation de séjour aux personnes admises à titre provisoire qui se sont rendues sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance35.

Les Verts, le PS, l'USS, l'UVS, Travail.Suisse et la grande majorité des autres milieux intéressés (AICH, Caritas et OSAR, par ex.) sont opposés aux sanctions proposées dans l'avant-projet pour les voyages à l'étranger non autorisés36. Ils estiment notamment que l'impossibilité d'ordonner une admission provisoire pendant trois ans est très problématique, tant du point de vue des personnes concernées que de celui de la Suisse (art. 83, al. 9 bis, AP-LEI)37. De même, ils jugent inutile de punir d'une amende quiconque se rend sans autorisation à l'étranger (art. 120, al. 1, let. h, AP-LEI), puisque le
droit en vigueur prévoit déjà des sanctions pour toute entrée illégale en Suisse (art. 115 LEI)38. Ils sont également opposés à la disposition qui permet de refuser d'octroyer un document de voyage ou un visa de retour à une personne qui s'est rendue sans autorisation dans un État autre que son État d'origine ou de provenance (art. 122d AP-LEI). À leurs yeux, cette disposition n'est pas suffisamment transparente, compte tenu du pouvoir discrétionnaire du SEM, et soulève des questions de sécurité juridique39.

34 35 36 37 38 39

Pt 4.2 du rapport sur la procédure de consultation Pt 5.6.2 du rapport sur la procédure de consultation Pt 4.2 du rapport sur la procédure de consultation AICH, Caritas, EPER, OSEO, OSAR et CRS, par ex. (cf. aussi pt 5.6.2 du rapport sur la procédure de consultation) AICH, Caritas, FPA, EPER, OSEO, OSAR, CRS et HCR, par ex. (cf. aussi pt 5.6.3 du rapport sur la procédure de consultation) AICH, Caritas, OSEO, CRS et HCR, par ex. (cf. aussi pt 5.6.4 du rapport sur la procédure de consultation)

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La disposition selon laquelle la protection provisoire doit s'éteindre lorsque l'intéressé s'est rendu sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance (art. 79, let. e, AP-LAsi) est bien accueillie par BE, le PBD, le PDC, le PLR, l'UDC et l'USAM, et rejetée par Les Verts et NW. La grande majorité des participants à la consultation ne se prononcent pas sur cette disposition40.

Position du Conseil fédéral Sur l'exclusion de l'admission provisoire pendant trois ans en cas de voyage non autorisé dans l'État d'origine (art. 83, al. 9bis et 9ter, AP-LEI) L'objectif de la disposition proposée dans l'avant-projet était de prévoir une mesure qui réduirait l'incitation à se rendre dans son État d'origine ou de provenance. Le Conseil fédéral comprend toutefois les craintes des cantons de voir les personnes concernées par cette disposition peser sur les structures cantonales d'aide d'urgence.

Certains cantons et la CCDJP proposent une autre solution: prolonger le délai d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

Le Conseil fédéral estime que cette solution serait judicieuse et efficace. Il propose donc de ne pas maintenir la réglementation prévue par l'art. 83, al. 9bis et 9ter, AP-LEI et de prévoir une nouvelle réglementation conforme à la proposition des cantons et de la CCDJP. Il est toutefois d'avis que cette réglementation ne pourra effectivement déployer ses effets sur toutes les personnes admises à titre provisoire que si l'octroi d'une autorisation de séjour est exclu pendant dix ans, et non cinq ans (proposition des cantons et de la CCDJP). À cet égard, il pense en particulier aux personnes admises à titre provisoire qui séjournent depuis peu de temps en Suisse: une exclusion d'une durée de cinq ans aurait relativement peu d'effet sur elles, étant donné que toute personne admise à titre provisoire doit d'ores et déjà avoir séjourné en Suisse pendant au moins cinq ans pour pouvoir demander une autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité (art. 84, al. 5, LEI; cf. pt 5; commentaire de l'art. 84a, al. 2, P-LEI).

Cette mesure doit également s'appliquer aux requérants d'asile et aux personnes à protéger (art. 84a, al. 3, P-LEI). Il est également prévu d'exclure de l'asile les requérants qui ont vu leur procédure d'asile reprendre après
qu'ils se sont rendus sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance, et qui ont ensuite été reconnus comme réfugiés (art. 53, let. d, P-LAsi).

Sur la condamnation à une amende (art. 120, al. 1, let. h, AP-LEI) En vertu du droit en vigueur, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse définies dans la LEI peut être puni d'une amende (cf. art. 115, al. 1, let. a, LEI en relation avec l'art. 5 LEI). C'est notamment le cas lorsque l'intéressé n'a pas de pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et n'est pas muni d'un visa alors que ce dernier est requis (art. 5, al. 1, let. a, LEI). Malgré cette réglementation, le Conseil fédéral juge opportun d'ajouter à la LEI une disposition qui sanctionne explicitement d'une amende les voyages accomplis à l'étranger sans autorisation. Ainsi sera créée une nouvelle mesure concrète pour décourager ces voyages. En outre, la réglementation en vigueur à l'art. 115 LEI ne s'applique pas 40

Pt 5.8 du rapport sur la procédure de consultation

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aux requérants d'asile, alors que la mesure proposée, elle, s'appliquera à la fois aux personnes admises à titre provisoire, aux personnes à protéger et aux requérants d'asile. Pour ces raisons, le Conseil fédéral estime que la condamnation à une amende proposée dans l'avant-projet doit être maintenue.

Sur le refus d'octroyer un document de voyage ou un visa de retour (art. 122d AP-LEI) Le Conseil fédéral est d'avis que le SEM doit disposer d'une certaine marge d'appréciation en matière de refus d'octroyer un document de voyage ou un visa de retour. Seule cette approche permet de traiter chaque cas individuellement et, ainsi, de tenir compte de manière adéquate du principe de proportionnalité inscrit dans la Constitution et le droit international. C'est par exemple une bonne chose de permettre à une personne qui a voyagé à l'étranger sans autorisation de se rendre malgré tout en Allemagne si c'est nécessaire à sa formation. Le SEM est toujours tenu d'exercer son pouvoir discrétionnaire dans le strict respect de la Constitution et du droit international. Dans ce contexte, le Conseil fédéral maintient la disposition proposée dans l'avant-projet.

Inscription des motifs d'extinction de l'admission provisoire (art. 84, al. 4, AP-LEI) L'inscription explicite des motifs d'extinction de l'admission provisoire dans la LEI trouve un écho favorable auprès de la grande majorité des participants à la consultation (art. 84, al. 4 et 4bis, AP-LEI)41. Toutefois, plusieurs participants sont opposés à l'extinction de l'admission provisoire lorsque l'intéressé se rend sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance. Cette opposition vise en particulier l'impossibilité d'ordonner une nouvelle admission provisoire pendant trois ans à compter de la date où l'admission provisoire a pris fin parce que l'intéressé s'est rendu dans son pays d'origine (art. 84, al. 4, let. c, AP-LEI)42. Quelques participants rejettent également l'idée qu'un séjour non autorisé de plus de deux mois dans un État autre que l'État d'origine ou de provenance soit un motif d'extinction (art. 84, al. 4, let. d, AP-LEI)43.

Le pvl, la CFM et FPA sont globalement défavorables à ladite inscription. Le pvl précise que, pour pouvoir être appliquée efficacement, la LEI ne doit pas contenir de dispositions détaillées. Aux yeux de la CFM,
cette nouvelle réglementation signifierait que toute contravention aux dispositions sur l'entrée en Suisse entraînerait l'extinction de l'admission provisoire, ce qui serait contraire à la pratique actuelle du TAF.

Position du Conseil fédéral Le Conseil fédéral estime qu'il faut maintenir les motifs d'extinction existants, la pratique ayant montré qu'ils donnaient de bons résultats (cf. art. 84, al. 4, LEI en 41 42 43

Cf. pt 5.6.1 du rapport sur la procédure de consultation.

11 cantons, Les Verts, PS, CCDJP, ASM et la majorité des autres milieux intéressés, par ex. (cf. aussi pt 5.6.1 du rapport sur la procédure de consultation).

AG, Les Verts, PS, CSP, EPER, SBAA, par ex. (cf. aussi pt 5.6.1 du rapport sur la procédure de consultation).

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relation avec l'art. 26a OERE). Ainsi, l'admission provisoire peut d'ores et déjà s'éteindre lorsque l'intéressé s'est rendu dans son État d'origine ou de provenance sans visa de retour ou passeport valables (cf. art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a, let. d, OERE). Du fait qu'elle s'est rendue sans autorisation dans son pays d'origine, la personne concernée est supposée ne plus avoir besoin de la protection de la Suisse. Lorsque l'admission provisoire prend fin, la décision de renvoi qui la fonde est également levée. Toutefois, s'il subsiste des obstacles à l'exécution du renvoi, les autorités cantonales chargées de cette exécution peuvent proposer au SEM d'ordonner une nouvelle admission provisoire (cf. art. 83, al. 6, LEI).

Puisqu'il est prévu que ce soit désormais la loi qui réglemente les voyages à l'étranger des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger (cf. art. 59d et 59e P-LEI), le Conseil fédéral estime que, pour des raisons de transparence, les règles relatives aux infractions à ces dispositions doivent elles aussi être inscrites dans la loi. Par voie de conséquence, pour assurer une sécurité juridique adéquate, les autres motifs d'extinction applicables, dont certains ne sont actuellement précisés qu'au niveau de l'ordonnance (cf. art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a OERE), doivent également être inscrits de manière uniforme dans la LEI.

2.3

Modifications apportées en sus après la consultation

En vertu du droit en vigueur, l'admission provisoire prend fin lorsque l'intéressé quitte définitivement la Suisse ou séjourne plus de deux mois à l'étranger sans autorisation. Un départ est notamment considéré comme définitif lorsque la personne dépose une demande d'asile dans un autre État (art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a, let. a, OERE). Le présent projet vise à inscrire dans la LEI le dépôt d'une demande d'asile dans un autre État en tant que motif explicite d'extinction de l'admission provisoire (cf. pt 5.1; commentaire de l'art. 84, al. 4, P-LEI).

La pratique actuelle veut qu'une décision de renvoi qui indique pour quelles raisons une admission provisoire est ordonnée soit levée lorsque cette dernière prend fin.

Néanmoins, ces derniers temps, le Tribunal fédéral et, de manière sporadique, le TAF ont établi dans certains arrêts qu'une décision de renvoi est valable tant que la Suisse est tenue de réadmettre une personne en vertu de traités internationaux.44 Par conséquent, si l'intéressé dépose une demande d'asile dans un autre État et que, de ce fait, son admission provisoire en Suisse prend fin, cette jurisprudence signifierait que la décision de renvoi reste valable dans la mesure où la Suisse est tenue de réadmettre cette personne en provenance d'un autre État Dublin. Toutefois, dans un tel cas, la décision de renvoi ne peut pas être exécutée puisque des obstacles continuent de s'y opposer. La personne doit donc faire l'objet d'une nouvelle admission provisoire en Suisse après son transfert. Une modification de la LEI est proposée pour éviter la charge administrative qui serait liée au fait de réordonner l'admission provisoire. À la différence de ce que prévoyait l'avant-projet, elle vise, en termes 44

Arrêts du TAF E-3039/2018 du 4 juin 2018, E-6186/2018 du 22 novembre 2018 et E-4296/2018 du 29 août 2019 et arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 et 2C_689/2014 du 25 août 2014, par ex.

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exprès, à ce que l'admission provisoire ne prenne exceptionnellement pas fin lorsque la Suisse est tenue, en vertu d'obligations internationales, de réadmettre une personne qui a déposé une demande d'asile dans un autre État (cf. art. 84, al. 4, let. a, P-LEI) ou séjourné plus de deux mois sans autorisation dans un État autre que son État d'origine ou de provenance (cf. art. 84, al. 4, let. d, P-LEI). Cette modification répond également à une requête formulée par certains participants à la consultation45. Elle permettra également d'éviter la charge administrative qui serait liée au fait de réordonner l'admission provisoire dans les cas précités.

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Pour pouvoir comparer le droit suisse et le droit européen, il faut préciser que les États de l'UE ne connaissent pas le terme «admission provisoire». L'UE possède toutefois une directive46, ci-après dénommée directive «Reconnaissance», en vertu de laquelle une personne qui ne peut être considérée comme un réfugié peut prétendre à la protection subsidiaire s'il y a des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves si elle était renvoyée dans son pays d'origine (art. 2, pt f, de la directive «Reconnaissance»). Sont considérées comme des atteintes graves la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ainsi que les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international (art. 15 de la directive «Reconnaissance»). Cela étant, l'impossibilité d'exécuter un renvoi et les nécessités médicales dans le pays de provenance, par exemple, ne conduisent pas à l'octroi d'une protection provisoire ­ ou protection temporaire, en droit européen. Partant, les personnes qui bénéficient de la protection subsidiaire dans un État de l'UE ne correspondent pas exactement au même groupe que celles qui obtiennent une admission provisoire en Suisse. La protection subsidiaire et l'admission provisoire étant néanmoins très similaires, il convient de suivre les dispositions relatives à la protection subsidiaire dans la comparaison juridique suivante.

L'UE a aussi une base légale lui permettant d'accorder une protection temporaire, sans examen individuel des motifs d'asile. La directive 47 en question, ci-après dénommée directive «Afflux», prévoit des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées dans l'UE. Une protection immédiate et temporaire est assurée, par une procédure de caractère 45 46

47

VD et ZH, par ex.

Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. JO L 337 du 20.12.2011, p. 9 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.

JO L 212 du 7.8.2001, p. 12 ss

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exceptionnel, à des personnes dont le retour dans des conditions sûres et durables est impossible en raison de la situation régnant dans leur pays d'origine. Cette procédure est utilisée en particulier lorsque le système d'asile d'un pays donné risque de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d'effets contraires à son bon fonctionnement, dans l'intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection (art. 1 et 2, pt a, de la directive «Afflux»).

Le point suivant présente les réglementations appliquées en Allemagne et en Autriche ­ États fédéraux, comme la Suisse ­ ainsi que la situation juridique observée en Suède ­ État unitaire décentralisé. Il convient de préciser que l'Allemagne a été le principal pays de destination des requérants d'asile en Europe en 201948.

3.1

Modification du statut de l'admission provisoire

Les bénéficiaires d'une protection internationale (dont fait partie le statut de la protection subsidiaire) peuvent circuler à l'intérieur du territoire de l'État de l'UE concerné dans les mêmes conditions et avec les mêmes restrictions que celles qui sont prévues pour les ressortissants d'autres pays tiers résidant légalement sur son territoire (art. 33 de la directive «Reconnaissance»).

Allemagne Au même titre que les réfugiés reconnus, les bénéficiaires de la protection subsidiaire sont légalement obligés d'établir leur résidence, pendant une période de trois ans à compter de la date d'obtention de ladite protection, dans le Land auquel ils ont été attribués pour qu'y soit menée la procédure d'asile. Font exception les cas suivants: ceux où il existe un intérêt public impératif, ceux où des motifs impérieux le nécessitent et ceux où le fait de refuser l'octroi du permis relèverait d'une sévérité injuste. Au-delà de cette période de trois ans, il n'y a plus de restrictions générales en matière de lieu de résidence.

Suède Les bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent s'installer partout en Suède, de la même manière que les réfugiés reconnus. Il n'y a aucune restriction, même en cas de dépendance à l'égard de l'aide sociale.

Autriche Les requérants d'asile sont soumis à une restriction en matière de lieu de résidence: ils n'ont pas le droit d'établir leur résidence ou, à défaut, leur lieu de séjour habituel

48

Commentaire du SEM sur la statistique en matière d'asile, 1er trimestre 2020, p. 11.

Disponible sur www.sem.admin.ch > Publications & services > Statistiques > Statistique en matière d'asile > Archives dès 1994 > 2020

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en dehors du Land qui leur accorde ou fournit les services de base conformément à l'accord conclu entre le pouvoir fédéral et les Länder49.

Les bénéficiaires de la protection subsidiaire, eux, ne sont pas explicitement soumis à cette restriction et peuvent donc s'installer dans un autre Land. Les prestations de base de l'aide sociale qu'ils perçoivent ne doivent pas aller au-delà des soins de base. Ils n'ont pas besoin d'un permis de travail et peuvent travailler partout en Autriche.

Les réfugiés reconnus (bénéficiaires de l'asile), enfin, ont le même statut sur le marché du travail que les citoyens autrichiens. Ils n'ont donc pas besoin d'un permis de travail et peuvent travailler partout en Autriche.

Conclusion La Suède et l'Autriche n'imposent ni restrictions ni délais en matière de changement de lieu de résidence aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. Si la Suisse appliquait une réglementation analogue, les personnes qu'elle admet sur son territoire à titre provisoire pourraient changer de canton sans avoir à remplir de conditions supplémentaires et seraient donc avantagées par rapport aux autres ressortissants d'États tiers titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement (art. 37 LEI).

La réglementation allemande, elle, présente des similitudes avec le droit suisse: pendant les trois premières années, les intéressés ne peuvent s'installer dans un autre Land que moyennant des conditions restrictives. En Suisse, toutefois, les conditions restrictives imposées aux personnes admises à titre provisoire en matière de changement de canton s'appliquent aussi longtemps que les intéressés possèdent ce statut.

Les allègements proposés en matière de changement de canton vont moins loin que la directive «Reconnaissance», qui ne lie pas la Suisse et qui, en termes de changement de lieu de résidence, prévoit une égalité de traitement avec les autres ressortissants d'États tiers.

3.2

Restrictions des voyages à l'étranger

Conformément à la directive «Reconnaissance», les États membres délivrent des documents de voyage aux bénéficiaires de la protection subsidiaire qui se trouvent dans l'impossibilité d'obtenir un passeport national, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent (art. 25, par. 2, de la directive «Reconnaissance»). Cette directive ne contient pas de disposition interdisant les voyages dans l'État d'origine ou de provenance.

La directive «Afflux» de l'UE ne contient pas de dispositions sur les voyages à l'étranger pour les personnes auxquelles une protection temporaire a été octroyée.

49

Vereinbarung zwischen dem Bund und den Ländern gemäss Art. 15a B-VG über gemeinsame Massnahmen zur vorübergehenden Grundversorgung für hilfs- und schutzbedürftige Fremde (Asylwerber, Asylberechtigte, Vertriebene und andere aus rechtlichen oder faktischen Gründen nicht abschiebbare Menschen) in Österreich (Grundversorgungsvereinbarung ­ Art. 15a B-VG), BGBl. I Nr. 80/2004.

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Elle ne contient donc pas non plus de disposition interdisant les voyages dans l'État d'origine ou de provenance.

Allemagne En Allemagne, toute personne (de nationalité allemande ou autre) peut se voir interdire de quitter le pays ­ si elle veut se soustraire à des poursuites pénales, à son assujettissement à l'impôt ou à des obligations d'entretien, par exemple. Elle peut également se voir interdire de quitter le pays si elle ne possède pas les documents et permis requis à cet effet. Le droit allemand n'interdit pas expressément aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire ou temporaire de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance.

Les bénéficiaires d'une protection subsidiaire ou temporaire qui se rendent dans leur État d'origine ou de provenance peuvent se voir retirer leur permis de séjour. Ce dernier ne prend toutefois pas fin automatiquement: les circonstances du voyage dans l'État d'origine ou de provenance sont examinées au cas par cas. Par exemple, le bénéficiaire d'une protection subsidiaire ne perd pas son permis de séjour s'il se rend dans son État d'origine ou de provenance pour y accomplir une obligation morale: obsèques d'un parent proche ou visite à un parent gravement malade, notamment. La durée et le lieu du séjour doivent correspondre à cette fin.

En revanche, le fait pour le bénéficiaire d'une protection subsidiaire ou temporaire de se rendre dans un État autre que son État d'origine ou de provenance n'entraîne pas la révocation de son permis de séjour.

En règle générale, les personnes dont la procédure d'asile est en cours et qui sont à ce titre titulaire d'une autorisation de séjour provisoire ne peuvent voyager que s'ils possèdent une autorisation de sortie, délivrée par l'autorité compétente en matière d'étrangers. Cette exigence s'applique également aux voyages à l'étranger. Si un requérant d'asile quitte le pays sans autorisation préalable, sa procédure d'asile est généralement suspendue.

Suède Le droit suédois en vigueur n'interdit pas expressément aux requérants d'asile ni aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire ou temporaire de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance.

Mais si un requérant d'asile entreprend un tel voyage, sa demande d'asile est rejetée dès lors que des preuves suffisantes le justifient.

Si le bénéficiaire d'une
protection subsidiaire se rend dans son État d'origine ou de provenance, cette protection et le titre de séjour correspondant sont généralement révoqués. Aucune mesure n'est prise si l'intéressé peut démontrer de manière crédible que le voyage s'imposait en raison d'une urgence ou visait à préparer le retour de la personne dans son État d'origine ou de provenance.

Tout bénéficiaire d'une protection temporaire au titre de la directive «Afflux» de l'UE qui s'est rendu dans son État d'origine ou de provenance doit expliquer en quoi il a toujours besoin de cette protection. Si son explication n'est pas suffisante, il est privé de la protection temporaire et doit quitter le pays.

7262

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Si un requérant d'asile se rend dans un État autre que son État d'origine ou de provenance, sa demande d'asile est également rejetée dès lors que des preuves suffisantes le justifient.

Tout bénéficiaire d'une protection subsidiaire ou temporaire a le droit de se rendre dans un État autre que son État d'origine ou de provenance, à condition que l'État de destination l'autorise à entrer sur son territoire.

Autriche Pendant la durée de la procédure d'asile, les requérants d'asile en Autriche ne peuvent pas voyager librement, car ils doivent se tenir à la disposition des autorités dans le cadre de leur obligation de collaborer.

Sur demande, les bénéficiaires d'une protection subsidiaire reçoivent un passeport pour étranger s'ils ne sont pas en mesure de se procurer un document de voyage valable émis par leur État d'origine ou de provenance et qu'aucune raison impérieuse de sécurité nationale ou d'ordre public motif ne s'y oppose (§§ 88 ss de la loi autrichienne sur la police des étrangers50). Le passeport pour étranger donne à son titulaire le droit de voyager. Il est en principe valable dans tous les États, sauf dans celui dont l'intéressé possède la nationalité. Si des éléments donnent à penser que le bénéficiaire d'une protection subsidiaire s'est rendu dans son État d'origine ou de provenance, une procédure de déchéance de ce statut est engagée. Les faits doivent ensuite être élucidés lors de la procédure d'enquête, et le cas doit impérativement être examiné individuellement.

Le statut de bénéficiaire de la protection temporaire prévue par la directive «Afflux» de l'UE ne figure pas dans la législation autrichienne sur l'asile.

Conclusion Contrairement à la disposition proposée à l'art. 59d P-LEI (interdiction de se rendre dans l'État d'origine ou de provenance), les droits allemand, suédois et autrichien n'interdisent pas expressément aux requérants d'asile ni aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire ou temporaire de voyager. Ils prévoient néanmoins certaines sanctions en cas de voyage dans l'État d'origine ou de provenance.

En Allemagne, en Suède et en Autriche, les bénéficiaires d'une protection subsidiaire ou temporaire peuvent se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance. En Suisse, le présent projet vise à ce que ce genre de voyage ne soit plus permis
(art. 59e P-LEI) ­ sauf s'il existe des raisons personnelles particulières, comme le décès ou la maladie d'un membre de la famille ou un voyage destiné à encourager l'intégration en Suisse (voyage scolaire, voyage de formation, déplacement professionnel, par ex.). En revanche, en Allemagne, en Suède, en Autriche comme en Suisse, les personnes dont la procédure d'asile est en cours n'ont pas le droit de se rendre dans un autre État.

50

Bundesgesetz über die Ausübung der Fremdenpolizei, die Ausstellung von Dokumenten für Fremde und die Erteilung von Einreisetitel (Fremdenpolizeigesetz 2005 ­ FPG), BGBl. I Nr. 100/2005; zuletzt geändert durch die Kundmachung des Bundeskanzlers über die Aufhebung einer Wort- und Ziffernfolge in § 120 Abs. 1b des Fremdenpolizeigesetzes 2005 durch den Verfassungsgerichtshof, BGBl. I Nr. 27/2020.

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4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

4.1.1

Modification du statut de l'admission à titre provisoire

Conformément à la motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire, il est prévu, pour améliorer l'intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire, de créer un droit au changement de canton, lorsque la personne concernée exerce une activité lucrative ou suit une formation professionnelle initiale en dehors de son canton de résidence. Les conditions à réunir à cet effet sont les suivantes: ­

l'horaire de travail ou le trajet pour se rendre au travail ne permettent pas d'exiger raisonnablement de la personne qu'elle reste dans son canton de résidence ou les rapports de travail existent depuis au moins douze mois;

­

la personne ne perçoit des prestations de l'aide sociale ni pour elle ni pour les membres de sa famille;

­

il n'existe aucun des motifs d'une levée de l'admission provisoire, telle une atteinte grave à la sécurité et à l'ordre publics (art. 83, al. 7, let. a ou b, LEI).

Cette réglementation vise à améliorer les conditions propices à l'intégration et donc, également, à l'indépendance financière. Par ailleurs, l'exercice d'une activité lucrative permet de préserver et de renforcer les compétences sociales en vue d'un éventuel retour ultérieur dans le pays de provenance. Cet allègement en matière de changement de canton en vue de l'exercice d'une activité lucrative s'inscrit dans le prolongement d'un grand nombre de mesures prises ces dernières années pour encourager l'intégration des personnes admises à titre provisoire, en particulier sur le marché du travail. Ces mesures sont notamment les suivantes: depuis le 1 er janvier 2018, les personnes admises à titre provisoire ne doivent plus payer de taxe spéciale (10 % du revenu); depuis le 1er janvier 2019, une simple déclaration leur permet d'exercer une activité lucrative. En outre, l'Agenda Intégration Suisse renforce considérablement les mesures d'intégration professionnelle51.

Les possibilités prévues par le droit en vigueur en matière de changement de canton que sont la revendication du principe de l'unité de la famille et la menace grave pesant sur l'intéressé ou d'autres personnes (art. 85, al. 3, LEI en relation avec l'art. 21 OERE et l'art. 22, al. 2, OA 1) seront maintenues, mais en étant elles aussi inscrites dans la loi. Autre nouveauté: si le changement de canton est refusé, il sera également possible d'exercer un recours juridique pour ces deux motifs.

En revanche, il est prévu d'abandonner la possibilité, pour changer de canton, qui prévoit que les deux cantons concernés y consentent, car cette possibilité n'a jusqu'ici guère été mise en pratique et l'absence de consentement d'un canton n'est pas justiciable.

51

Voir également www.agendaintegration.ch

7264

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Bien que la motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire ne mentionne pas la catégorie des réfugiés reconnus admis à titre provisoire, il est judicieux de réglementer également le changement de canton pour ce groupe de personnes. Ces dernières seront soumises aux mêmes règles que les titulaires d'une autorisation de séjour (permis B) et auront donc le droit de changer de canton si elles ont un travail et qu'il n'y a pas de motif de révocation, tel qu'une peine privative de liberté de longue durée (art. 37, al. 2, LEI). Actuellement, le TAF tire de la Conv. Réfugiés une extension du droit au changement de canton pour les réfugiés admis à titre provisoire (voir pt 2.2.2).

Le SEM examinera régulièrement les répercussions de cette nouvelle réglementation. Si nécessaire, la répartition des requérants d'asile et des personnes admises à titre provisoire entre les cantons pourrait être modifiée (art. 85, al. 2, LEI et art. 27 LAsi). En la matière, la compétence appartient avant tout aux cantons (art. 27, al. 1 et 3, LAsi).

Le présent projet vise également à préciser la disposition relative à la procédure d'annonce de l'exercice d'une activité lucrative indépendante par les personnes admises à titre provisoire qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019 (art. 85a LEI).

Il est donc prévu d'inscrire dans la loi le fait que les personnes admises à titre provisoire qui exercent une activité lucrative indépendante sont également soumises à l'obligation de communiquer les données. Il existe déjà une réglementation de ce genre au niveau de l'ordonnance (art. 65, al. 3, de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA]).

4.1.2

Restriction des voyages à l'étranger

En vertu du droit en vigueur, les personnes admises à titre provisoire peuvent obtenir un document de voyage ou un visa de retour en vue, par exemple, du règlement d'affaires importantes strictement personnelles et ne souffrant aucun report dans leur État d'origine ou de provenance (art. 9, al. 1, let. b, ODV). Afin de mettre en oeuvre la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine, il est prévu d'introduire dans la LEI une réglementation interdisant à ces personnes de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance, par analogie à celle qui s'applique aux réfugiés reconnus (cf. également pt 1.1: motion 15.3953).

Cette interdiction s'appliquera également aux requérants d'asile et aux personnes à protéger (art. 59d, al. 1, P-LEI). Au cas par cas, le SEM pourra autoriser une personne admise à titre provisoire ou une personne à protéger à se rendre dans son État d'origine ou de provenance, mais uniquement si cela est nécessaire à la préparation de son départ autonome et définitif et de son retour dans son État d'origine ou de provenance (art. 59d, al. 2, P-LEI). Les conditions d'autorisation d'un tel voyage seront fixées par le Conseil fédéral au niveau de l'ordonnance.

Outre la mise en oeuvre proprement dite de la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine, il convient, pour des raisons de sécurité juridique, d'inscrire également dans la LEI les dispositions en vigueur sur les voyages des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance 7265

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(art. 59e P-LEI). Ces dispositions ne figurent actuellement qu'au niveau de l'ordonnance. Lesdits voyages seront en principe exclus. Le Conseil fédéral définira toutefois par voie d'ordonnance les conditions auxquelles ils restera possible de les autoriser, pour des raisons personnelles particulières ­ notamment à des fins d'intégration ­, à titre exceptionnel et au cas par cas, pour les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger (art. 59e, al. 3, P-LEI). À cet effet, les dispositions en vigueur sur les motifs de voyage déjà inscrits au niveau de l'ordonnance feront l'objet d'un examen critique (art. 9 ODV).

Les requérants d'asile ne pourront être autorisés à se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance que si la procédure d'asile ou de renvoi le requiert, en particulier pour rendre l'exécution de ce dernier possible (par ex. afin d'obtenir des documents de voyage auprès d'une représentation étrangère dans un pays limitrophe de la Suisse, art. 59e, al. 2, P-LEI).

Il sera par ailleurs possible de faire répondre de leurs actes les personnes qui se seront rendues sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance ou dans un autre État. C'est pourquoi la LEI et la LAsi prévoiront des dispositions en conséquence (art. 84, al. 4, let. c et d, 84a, al. 2 et 3, 120, al. 1, let. h, et 122d P-LEI et art. 53, let. d, et 79, let. e, P-LAsi). Par exemple, l'admission provisoire ou la protection provisoire prendra automatiquement fin si la personne s'est rendue dans son pays d'origine et qu'elle ne rend pas vraisemblable le fait qu'elle s'est vue contrainte d'accomplir ce voyage (art. 84, al. 4, let. c, P-LEI et art. 79, let. e, P-LAsi; par analogie, cette règle s'appliquera également aux réfugiés reconnus, cf. art. 63, al. 1bis, LAsi). Si des obstacles s'opposent malgré tout à l'exécution du renvoi de la personne concernée et que cette dernière est admise à titre provisoire, elle ne pourra plus, pendant dix ans, obtenir d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité à partir du moment où l'admission provisoire lui aura été accordée (art. 84a, al. 2 et 3, P-LEI). Le projet prévoit également que quiconque se rend sans autorisation à l'étranger (État d'origine, de provenance ou autre) est puni d'une amende (art. 120, al. 1, let. h, P-LEI).
Il vise en outre à ce que les règles relatives à l'octroi d'autorisations de retour en Suisse sous la forme de visas de retour, qui ne sont actuellement définies que par voie d'ordonnance, soient expressément inscrites dans la LEI (art. 59 P-LEI) et à ce que tous les motifs d'extinction de l'admission provisoire soient inscrits de manière uniforme dans la LEI (art. 84, al. 4, P-LEI).

4.2

Adéquation des moyens requis

L'objectif du projet est de mettre en oeuvre les motions 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire et 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine, qui ont été adoptées par le Parlement. Il est notamment prévu de proposer des règles visant à encourager l'intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire par des allègements en matière de changement de canton et à limiter et contrôler les voyages accomplis à l'étranger par les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger. Les modifications proposées ne changeant rien aux 7266

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responsabilités en matière d'autorisation de changer de canton ou de se rendre à l'étranger, la Confédération et les cantons n'auront pas de nouvelles tâches à accomplir dans ces domaines. De même, la nouvelle réglementation n'obligera vraisemblablement pas la Confédération et les cantons à engager des ressources importantes en termes de finances et de personnel (cf. pts 6.1 et 6.2).

4.3

Besoin de coordination

Il est nécessaire d'assurer la coordination avec le projet 19.032 Mesures policières de lutte contre le terrorisme. Loi52, en cours de traitement au Parlement. Ce besoin ne porte que sur des adaptations linguistiques des versions française et italienne à la version allemande de l'art. 31, al. 3, LEI et de l'art. 61, al. 1, LAsi. Les formulations «sont autorisés à exercer une activité lucrative» et «sono autorizzati a esercitare un'attività lucrativa» des versions respectivement française et italienne en vigueur seront modifiées pour correspondre littéralement à la formulation «können eine Erwerbstätigkeit ausüben» de la version allemande en vigueur.

La numéro de l'article contenant les dispositions transitoires (art. 126e P-LEI) devra peut-être être adapté, car l'objet 20.027 concernant le règlement ETIAS 53 prévoit déjà un article 126e.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI)

Art. 21, al. 3, 2e phrase Cette modification apporte une précision d'ordre linguistique. La suppression de «à titre provisoire» vise à éviter toute confusion entre, d'une part, l'admission en Suisse d'un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse à des fins de recherche d'emploi pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de sa formation continue et, d'autre part, l'admission provisoire visée aux art. 83 à 88a LEI.

Art. 31, al. 3, 1re phrase, versions française et italienne Cette modification est de nature formelle. Les versions française et italienne seront alignées sur la teneur de la version allemande et sur celle de l'art. 85a, al. 1, LEI en 52

53

Message du 22 mai 2019 concernant la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terorisme, FF 2019 4541, et loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (projet), FF 2019 4639 Message du 6 mars 2020 relatif à l'approbation et à la mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE sur la reprise du règlement (UE) 2018/1240 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation et concernant les voyages (ETIAS) (développement de l'acquis de Schengen) et à la modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (Assujettissement du Service de renseignement de la Confédération à la loi sur la protection des données Schengen), FF 2020 2779

7267

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vigueur (dans les trois langues officielles). Les formulations «sont autorisés à exercer une activité lucrative» et «sono autorizzati a esercitare un'attività lucrativa» des versions respectivement française et italienne en vigueur seront modifiées pour correspondre littéralement à la formulation «können eine Erwerbstätigkeit ausüben» de la version allemande en vigueur.

Cette disposition doit être coordonnée avec la loi fédérale sur les mesures policières contre le terrorisme (cf. pt 4.3).

Titre précédant l'art. 59

Chapitre 9

Documents de voyage, visas de retour et interdictions de voyager

Au chapitre 9 de la LEI en vigueur, il est prévu d'ajouter des règles sur la délivrance de visas de retour (voir ci-dessous commentaire de l'art. 59, al. 5, P-LEI) et de créer deux articles qui prévoient des interdictions de se rendre dans l'État d'origine ou de provenance (voir commentaire de l'art. 59d P-LEI) et dans un autre État (voir commentaire de l'art. 59e P-LEI). Le titre de ce chapitre donc être modifié en conséquence.

Les dispositions expliquées ci-après s'appliqueront aux voyages accomplis dans leur État d'origine ou de provenance (art. 59d P-LEI) ou bien dans un autre État (art. 59e P-LEI) par les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger. Les personnes admises à titre provisoire qui ont la qualité de réfugié ont droit à un titre de voyage pour réfugiés (cf. art. 59, al. 2, let. a, LEI), raison pour laquelle la réglementation visée aux art. 59d et 59e P-LEI ne s'applique pas à cette catégorie de personnes.

Art. 59, titre et al. 4 à 6 La LEI en vigueur contient des prescriptions ponctuelles en matière d'octroi de documents de voyage pour étranger sans pièces de légitimation (cf. art. 59, al. 1 à 3, LEI). Or les conditions précises de délivrance d'un document de voyage aux personnes qui n'y ont pas droit sont définies dans l'ODV (art. 4, al. 2, ODV). Compte tenu des nouvelles restrictions prévues en matière de voyages à l'étranger (voir commentaire de l'art. 59d et 59e P-LEI) et dans un souci de sécurité juridique et de transparence, ces dispositions, assorties des modifications nécessaires, seront également inscrites dans la loi (art. 59, al. 4, P-LEI).

Pour se rendre hors de Suisse, les étrangers qui possèdent un document de voyage valable émis par leur État d'origine ou de provenance ont besoin non pas d'un document de voyage, mais d'une autorisation de retour en Suisse sous la forme d'un visa de retour. Actuellement, les principes relatifs à l'octroi de ce type de visa ne sont également inscrits qu'au niveau d'une ordonnance (art. 7 et 9 ODV). De par les modifications que nécessitent les nouvelles restrictions prévues en matière de voyages à l'étranger (art. 59d et 59e P-LEI), ces règles seront aussi inscrites dans la loi. Les intéressés ne pourront obtenir un visa de retour que s'ils ont été autorisés, à titre exceptionnel, à se rendre dans leur État d'origine ou de provenance ou bien

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dans un autre État et qu'ils disposent d'un document de voyage valable émis par leur État d'origine ou de provenance et reconnu par la Suisse (art. 59, al. 5, P-LEI).

Les autres modalités de l'octroi d'un document de voyage ou d'un visa de retour resteront définies au niveau de l'ordonnance. De ce fait, une délégation explicite de cette tâche au Conseil fédéral sera inscrite dans la LEI (art. 59, al. 6, P-LEI).

Puisqu'il est prévu que l'art. 59 P-LEI contienne également des règles relatives à l'octroi des visas de retour, son titre doit en outre être modifié en conséquence.

La législation en vigueur oblige déjà les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger à se présenter physiquement au service cantonal compétent en matière de migration pour déposer une demande de voyage à l'étranger. Ledit service transmet la demande au SEM, accompagnée, le cas échéant, des documents qui lui sont annexés. Le SEM s'appuie sur les dossiers de demande que lui envoient les autorités cantonales compétentes en matière de migration pour se prononcer sur l'octroi d'un document de voyage ou d'un visa de retour, qu'il se charge ensuite d'établir pour que l'intéressé puisse se rendre à l'étranger (art. 14 et 15 ODV). Ces mécanismes seront maintenus dans le cadre des modifications proposées.

Art. 59d

Interdiction de se rendre dans l'État d'origine ou de provenance pour les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger

Cette nouvelle disposition vise à mettre en oeuvre la requête formulée dans la motion 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine (concernant le contenu de la motion, cf. pt 1.1). Pour ce qui est des voyages de réfugiés reconnus ayant obtenu l'asile ou bénéficiant d'une admission provisoire, cf. pt 1.1.

Ad al. 1 Pour mettre en oeuvre ladite motion, il est prévu que la LEI interdise aux personnes admises à titre provisoire de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance.

Cette interdiction s'appliquera également aux requérants d'asile et aux personnes à protéger: ils ont eux aussi demandé protection à la Suisse et pourraient faire l'objet de persécutions relevant du droit de l'asile s'ils retournaient dans leur État d'origine ou de provenance.

Ad al. 2 Il est prévu que le SEM puisse autoriser, au cas par cas, une personne admise à titre provisoire ou une personne à protéger à se rendre dans son État d'origine ou de provenance, si cela est nécessaire pour qu'elle prépare son départ définitif et autonome et son retour dans son pays. Dans le cadre d'un tel voyage, contrôlé par le SEM, les personnes concernées devront déterminer sur place, en cas de besoin avéré, si un retour volontaire est réellement possible et prendre les dispositions nécessaires.

Ces clarifications peuvent être notamment nécessaires pour le retour de familles comprenant des enfants mineurs. Après la fin du conflit au Kosovo, l'ancien Office fédéral des réfugiés avait déjà autorisé, au cas par cas, des voyages visant à préparer 7269

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le retour des intéressés, ce qui a eu un effet positif sur le plan pratique. Les présentes dispositions se fondent sur cette mesure éprouvée. Le Conseil fédéral précisera par voie d'ordonnance les conditions préalables à de tels voyages. Il n'est toutefois pas prévu que cette exception s'applique aux requérants d'asile, dont la procédure d'asile est en cours. Néanmoins, ils peuvent, à tout moment, retirer leur demande d'asile et retourner volontairement dans leur État d'origine ou de provenance.

Ad al. 3 Étant donné que les personnes admises à titre provisoire qui remplissent les conditions d'octroi de la qualité de réfugié sont soumises à des règles spéciales pour se rendre dans leur État d'origine ou de provenance, cet alinéa renverra à la disposition ad hoc de la LEI (art. 59c LEI).

Art. 59e

Interdiction de se rendre dans un autre État pour les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger

En complément aux règles relatives aux voyages des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger dans leur État d'origine ou de provenance (art. 59d P-LEI), il convient, pour des raisons de sécurité juridique, de créer une base légale pour les voyages de ces personnes dans les autres États. Cette disposition ne s'applique pas non plus aux réfugiés admis à titre provisoire, puisqu'ils ont droit à un titre de voyage pour réfugiés (cf. art. 59, al. 2, let. a, LEI).

Le droit en vigueur permet aux requérants d'asile, aux personnes admises à titre provisoire qui n'ont pas la qualité de réfugié et aux personnes à protéger de se rendre à l'étranger sous certaines conditions, moyennant l'autorisation du SEM et en tenant compte des règles d'entrée du pays de destination. Par exemple, les personnes admises à titre provisoire peuvent obtenir du SEM un document de voyage ou un visa de retour pour prendre part à des activités qui favorisent l'intégration sociale et professionnelle ­ en particulier pour participer activement à une manifestation sportive ou culturelle à l'étranger ou à un voyage scolaire ou un voyage de formation transfrontaliers (art. 9, al. 1, let. c et d, ODV). La pratique actuelle admet un autre motif de voyage à la fois important et fréquent: la maladie grave ou le décès d'un parent proche à l'étranger (art. 9, al. 1, let. a, ODV). Les conditions préalables à de tels voyages ne sont actuellement définies qu'au niveau de l'ordonnance (cf.

art. 9 ODV).

Ad al. 1, 2 et 3 Comme l'indique l'introduction ci-dessus, les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire qui n'ont pas la qualité de réfugié et les personnes à protéger ont déjà besoin d'une autorisation pour se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance, et il leur est déjà interdit d'entreprendre un tel voyage sans l'autorisation du SEM. Pour des raisons de sécurité juridique, ces voyages leur seront expressément interdits par la loi (al. 1). Il faut toutefois préciser que les personnes admises à titre provisoire qui résident en Suisse depuis plus de cinq ans peuvent déposer une demande d'autorisation de séjour (art. 84, al. 5, LEI). Si elles 7270

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obtiennent une telle autorisation, elles peuvent se rendre à l'étranger avec les documents de voyage de leur pays ou avec un passeport pour étranger sans avoir besoin en plus d'un visa de retour. La même règle s'applique aux personnes à protéger, qui reçoivent une autorisation de séjour cinq ans après l'octroi de la protection provisoire (art. 74, al. 2, LAsi). Mais même dans ces cas-là, les règles d'entrée des pays de destination sont réservées; les titulaires d'une autorisation de séjour n'ont pas besoin de visa pour se rendre dans les États Schengen.

Conformément à l'interdiction de voyager qu'il est prévu d'inscrire dans la LEI (al. 1), le SEM ne pourra plus autoriser qu'à titre exceptionnel les requérants d'asile à se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance, si la procédure d'asile ou de renvoi le requiert (al. 2) ­ en particulier pour obtenir des documents de voyage auprès de la représentation de leur pays dans un autre État.

En revanche, le Conseil fédéral définira par voie d'ordonnance les conditions auxquelles il restera possible d'autoriser, pour des raisons personnelles particulières, à titre exceptionnel et au cas par cas, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger à accomplir un tel voyage (al. 3). Seront notamment considérés comme des raisons personnelles particulières le décès ou la maladie d'un membre de la famille et les voyages destinés à encourager l'intégration en Suisse, tels que les voyages scolaires, les voyages de formation ou les déplacements professionnels.

Toutefois, si le SEM a prononcé à l'encontre des réfugiés une interdiction de se rendre dans un État déterminé (art. 59c, al. 1, 2e phrase, LEI), les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger auront elles aussi l'interdiction de se rendre dans cet État, même si elles ont des raisons personnelles particulières. Une dérogation à cette interdiction ne pourra être accordée que si des raisons majeures le justifient (art. 59e, al. 3, 3e phrase, P-LEI). Une raison majeure ne peut être que la maladie grave, l'accident grave ou le décès d'un membre de la famille (cf. renvoi de l'art. 59e, al. 3, 3e phrase, P-LEI à l'art. 59c, al. 2, LEI et à la disposition inscrite à l'art. 9a, al. 1, ODV). Le SEM peut prononcer à l'encontre des réfugiés une interdiction
de se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance (art. 59c, al. 1, 2e phrase, LEI) s'il existe un soupçon fondé permettant de penser que les intéressés passent par d'autres États (pays limitrophes, en particulier) pour contourner l'interdiction qui leur est faite de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance (art. 59c, al. 1, 1re phrase, LEI). Cette disposition ne s'applique pas aux requérants d'asile, car la seule et unique raison pour laquelle ils ont le droit, à titre exceptionnel, de se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance est celle citée à l'art. 59e, al. 2, P-LEI («la procédure d'asile ou de renvoi le requiert»).

Ad al. 4 Étant donné que les personnes admises à titre provisoire qui remplissent les conditions d'octroi de la qualité de réfugié sont soumises à des règles spéciales pour se rendre dans un État autre que leur État d'origine ou de provenance, cet alinéa renverra à la disposition ad hoc de la LEI (art. 59c LEI).

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Art. 84, al. 4 et 5 Ad al. 4 Il est prévu que ce soit la loi qui réglemente les voyages à l'étranger des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger (cf.

art. 59d et 59e P-LEI). Dans un souci de sécurité juridique et de transparence, il convient que les conséquences des infractions à ces dispositions soient elles aussi inscrites dans la LEI; dans le droit en vigueur, certaines ne sont définies qu'au niveau de l'ordonnance. Les autres motifs d'extinction de l'admission provisoire doivent également être réglementés au niveau de la loi.

En vertu du droit en vigueur, l'admission provisoire prend fin lorsque l'intéressé quitte définitivement la Suisse, séjourne plus de deux mois à l'étranger sans autorisation ou obtient une autorisation de séjour (art. 84, al. 4, LEI). S'il subsiste des obstacles à l'exécution du renvoi, les autorités cantonales chargées de cette exécution peuvent proposer au SEM d'ordonner une nouvelle admission provisoire (art. 83, al. 6, LEI). C'est dans l'OERE que le droit en vigueur précise quand un départ est considéré comme définitif en vertu de la LEI (cf. art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a OERE).

Ad let. a Le dépôt d'une demande d'asile dans un autre État, considéré comme un départ définitif, met aujourd'hui déjà fin à l'admission provisoire (art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a, let. a, OERE). Pour des raisons de sécurité juridique, le dépôt d'une demande dans un autre État sera inscrit de manière spécifique au niveau de la loi en tant que motif mettant fin à l'admission provisoire. Pour rendre la réglementation plus pratique et réduire la charge administrative du SEM et des services compétents des cantons, il convient de compléter la réglementation actuelle. L'admission provisoire ne prendra donc pas fin si la Suisse est tenue, en vertu d'obligations internationales ­ notamment celles des accords d'association à Dublin ­, de réadmettre une personne qui a déposé une demande d'asile dans un autre État (cf. explications au pt 2.3).

Ad let. b En vertu du droit en vigueur, l'admission provisoire prend notamment fin lorsque l'intéressé obtient une autorisation de séjour (art. 84, al. 4, LEI) ou quitte définitivement la Suisse, le départ étant considéré comme définitif lorsque l'intéressé voit son séjour réglé
dans un autre État (art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a, let. b, OERE). Ce motif mettant fin à l'admission provisoire sera également défini de manière spécifique au niveau de la loi.

Ad let. c Le droit en vigueur dispose que l'admission provisoire prend fin lorsque le départ est définitif du fait que l'intéressé s'est rendu dans son État d'origine ou de provenance sans passeport pour étranger ou visa de retour valables (cf. art. 84, al. 4, LEI en relation avec l'art. 26a, let. d, OERE). Ce motif sera désormais, lui aussi, inscrit expressément dans la loi. En conséquence, l'admission provisoire prendra fin si l'intéressé s'est rendu sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance.

En revanche, elle ne prendra pas fin si le SEM a auparavant autorisé ce voyage pour 7272

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que l'intéressé prépare son départ définitif et autonome et son retour dans son pays (cf. art. 59d, al. 2, P-LEI) ni si la personne concernée est en mesure de rendre vraisemblable qu'elle s'est vue contrainte de se rendre dans son État d'origine ou de provenance, par exemple pour rendre visite à sa mère gravement malade. La même règle s'applique par analogie aux réfugiés reconnus qui se sont rendus dans leur État d'origine ou de provenance (art. 63, al. 1bis, LAsi).

Ad let. d En vertu du droit en vigueur, l'admission provisoire prend fin lorsque l'intéressé séjourne plus de deux mois à l'étranger sans autorisation (art. 84, al. 4, LEI). Cette règle sera maintenue dans la LEI. Vu que cette dernière prévoira un motif explicite qui met fin à l'admission provisoire pour les voyages illégaux dans l'État d'origine ou de provenance (cf. commentaire de la let. c), les voyages dans l'État d'origine ou de provenance seront exclus des séjours à l'étranger faits sans autorisation en ce que ces derniers constituent un motif mettant fin à l'admission provisoire. L'expression «séjour à l'étranger» sera donc remplacée par «séjour dans un État autre que l'État d'origine ou de provenance».

Un séjour non autorisé est un séjour accompli sans document de voyage valable ni visa de retour. Si le voyage a été préalablement autorisé et que la personne concernée reste dans un autre État plus longtemps que la durée autorisée, l'admission provisoire prendra également fin deux mois après l'expiration de la durée de validité du document de voyage ou du visa de retour. Pour rendre la réglementation plus pratique et réduire la charge administrative du SEM et des services compétents et des cantons, il est prévu que l'admission provisoire, comme dans le cas d'une personne qui a déposé une demande d'asile dans un autre État (cf. let. a), ne prenne pas fin lorsque la Suisse est tenue, en vertu d'obligations internationales, de réadmettre l'intéressé (cf. commentaire de la let. a et explications au pt 2.3).

Ad let. e En vertu de droit en vigueur, l'admission provisoire prend fin en cas de départ définitif de l'intéressé, ce qui est le cas lorsqu'il déclare son départ de Suisse et quitte le territoire (art. 26a, let. f, OERE). Pour des raisons de sécurité juridique, cette disposition sera également inscrite de manière spécifique,
en substance, dans la LEI en tant que motif mettant fin à l'admission provisoire.

Ad al. 5 Pour des raisons de systématique, la règle en vigueur à cet alinéa sera incluse dans l'art. 84a, al. 1. Les réfugiés admis à titre provisoire étant soumis à des règles spéciales pour se rendre dans leur État d'origine ou de provenance ou dans un autre État (art. 59c LEI), il convient d'indiquer expressément à l'al. 5 que les mesures visées à l'al. 4, let. c et d, ne s'appliquent pas à cette catégorie de personnes.

Si un réfugié reconnu se rend dans son État d'origine ou de provenance sans autorisation, sa qualité de réfugié lui est en principe retirée ­ sauf s'il est en mesure de rendre vraisemblable qu'il a été contraint de se rendre dans ledit État (art. 63, al. 1 bis, LAsi). Par contre, si un réfugié reconnu a l'interdiction de se rendre dans un autre État et qu'il s'y rend sans autorisation, l'asile qui lui a été accordé sera révoqué (art. 63, al. 2, let. b, LAsi; cf. également pt 1.1).

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84a

Octroi d'autorisations de séjour aux personnes admises à titre provisoire

À cause des réactions qu'elles ont suscitées lors de la procédure de consultation, les dispositions de l'avant-projet selon lesquelles aucune admission provisoire ne peut être ordonnée pendant trois ans à compter du retour en Suisse d'une personne qui s'est rendue sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance (art. 83, al. 9bis et 9ter, AP-LEI) ne seront pas maintenues (cf. pt 2.2.3). En lieu et place, le projet prévoit désormais que la personne qui a accompli un tel voyage ne pourra plus, pendant dix ans, obtenir d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité. Mais si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour de par la loi, il faudra la lui accorder. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une personne admise à titre provisoire se marie avec une personne de nationalité suisse (art. 42, al. 1, LEI). Il est donc prévu d'inscrire dans la LEI une nouvelle disposition relative à l'octroi d'autorisations de séjour aux personnes admises à titre provisoire.

Ad al. 1 Pour des raisons de systématique, la règle en vigueur à l'art. 84, al. 5, LEI sera également incluse dans cette disposition. Toutefois, par souci d'exhaustivité, sa teneur sera modifiée, en ce sens que l'examen de l'exigibilité du retour de l'intéressé portera non seulement sur l'État de provenance, mais aussi sur l'État d'origine.

Ad al. 2 Le droit en vigueur dispose que les personnes admises à titre provisoire qui séjournent depuis plus de cinq ans en Suisse peuvent déposer une demande d'autorisation de séjour. Cette demande est examinée de manière approfondie en fonction du niveau d'intégration de l'intéressé, de sa situation familiale et de l'exigibilité d'un retour dans son État de provenance (art. 84, al. 5, LEI; cf. également commentaire de l'al. 1). Si une personne admise à titre provisoire se rend sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance, son admission provisoire prendra fin ­ comme c'est déjà le cas aujourd'hui (cf. commentaire de l'art. 84, al. 4, let. c). Si toutefois, après l'extinction de l'admission provisoire, il subsiste des obstacles à l'exécution du renvoi de cette personne dans son État d'origine ou de provenance, le SEM peut, sur proposition de l'autorité cantonale compétente, ordonner une nouvelle admission provisoire (art. 83, al. 6, LEI). Le projet prévoit
que si l'intéressé se rend sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance, il ne pourra pas, pendant dix ans ­ à compter de la date d'octroi de la nouvelle admission provisoire ­, obtenir d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

Ad al. 3 En règle générale, si un requérant d'asile se rend dans son État d'origine ou de provenance alors que sa procédure d'asile est en cours, sa demande d'asile est classée (art. 8, al. 3bis, LAsi). Mais s'il revient en Suisse en cours de procédure, il y a lieu de considérer qu'il n'a pas besoin de la protection de la Suisse, et sa demande d'asile est en règle générale rejetée. Si, dans ce cas, des obstacles s'opposent à l'exécution de son renvoi, il est admis à titre provisoire et peut rester en Suisse (art. 83, al. 1, LEI). Afin que ces personnes répondent elles aussi du fait d'avoir 7274

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voyagé sans autorisation, elles ne pourront temporairement plus, dans ces circonstances, se voir accorder d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

S'il s'avère toutefois, lors de la reprise de la procédure d'asile, qu'une personne qui s'est rendue sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance remplit les conditions d'octroi de la qualité de réfugié, elle sera exclue de l'asile pour avoir accompli ce voyage (cf. commentaire de l'art. 53, let. d, P-LAsi). Elle sera admise à titre provisoire en qualité de réfugié (art. 83, al. 8, LEI) et ne pourra pas non plus, pendant dix ans, obtenir d'autorisation de séjour à partir du moment où l'admission provisoire lui aura été accordée. Cette mesure est justifiée vu que la personne se sera rendue sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance pendant la procédure d'asile et qu'elle devait se tenir à la disposition des autorités pendant cette procédure.

Si une personne à protéger se rend sans y être autorisée ou contrainte dans son État d'origine ou de provenance, la protection provisoire dont elle bénéficie prendra fin (cf. commentaire de l'art. 79, let. e, P-LAsi). Bien que ces personnes fassent toujours partie du groupe des personnes à protéger défini par le Conseil fédéral, elles seront exclues du renouvellement de l'octroi de la protection provisoire (art. 73, let. a, LAsi en relation avec l'art. 53, let. d, P-LAsi) et devront donc quitter la Suisse. Les personnes qui ont déposé une demande de protection provisoire mais qui sont exclues de ce statut pour s'être rendues sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance seront également soumises à cette règle (art. 73, let. a, LAsi en relation avec l'art. 53, let. d, P-LAsi).Si toutefois des obstacles s'opposent à l'exécution de leur renvoi dans leur État d'origine ou de provenance, ces personnes seront également admises à titre provisoire (art. 83, al. 1, LEI). Par conséquent, si elles se rendent sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance, elles non plus ne pourront pas, pendant dix ans à compter de la date d'octroi de l'admission provisoire, obtenir d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

Art. 85, al. 3, 4 et 7 à 8 Les al. 3 et 4, qui portent sur le changement de canton, seront modifiés et feront
l'objet d'un article distinct (art. 85b P-LEI). La restriction en matière de contrôle prévue à l'al. 4 sera abrogée, puisque le nouveau droit au changement de canton sous certaines conditions (cf. explications relatives à l'art. 85b P-LEI) ne justifiera plus de restreindre, comme c'est le cas jusqu'à présent, le droit d'être entendu et le droit à une procédure judiciaire garantis par la Constitution. La décision du SEM relative au changement de canton pourra donc faire l'objet d'un recours auprès du TAF (art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral 54). Les recours pourront être formés par les personnes concernées comme par les cantons.

Les al. 7 à 8 seront eux aussi transférés dans un article à part, consacré au regroupement familial (art. 85c P-LEI).

54

RS 173.32

7275

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Art. 85a, al. 1, 2, partie introductive, et 3bis Ad al. 1 et 2 Les al. 1, 2e phrase, et 2 précisent qu'il s'agit d'une activité lucrative salariée. Pour ce qui concerne l'activité lucrative indépendante, voir l'al. 3bis.

Ad al. 3bis Il convient de préciser au niveau de la loi que l'obligation d'annonce s'applique également en cas d'activité lucrative indépendante. Il existe déjà une réglementation correspondante au niveau de l'ordonnance (art. 65, al. 3, OASA). L'expression activité lucrative désigne une activité salariée ou indépendante (art. 11, al. 2, LEI).

Le contenu de cet alinéa figurera aussi dans la disposition pénale inscrite à l'art. 120, al. 1, let. f (amende en cas de contravention à l'obligation d'annonce). La précision ainsi apportée à la loi n'engendrera pas de coûts supplémentaires pour les autorités chargées de son application.

Art. 85b

Changement de canton

Étant donné que, depuis le 1er janvier 2019, les personnes admises à titre provisoire et les réfugiés reconnus peuvent exercer une activité lucrative dans toute la Suisse et qu'il suffit d'annoncer cette activité (art. 85a LEI; suppression de la procédure d'autorisation), la réglementation restrictive à laquelle est actuellement soumis le changement de canton est devenue un obstacle sur le plan pratique. C'est pourquoi, conformément à la motion 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire (cf. pt 4.1.1), il est prévu de créer, au niveau de la loi, un droit au changement de canton pour faciliter l'exercice d'une activité lucrative dans certains cas. Les motifs qui justifient actuellement un changement de canton, à savoir la préservation de l'unité de la famille et une menace grave pesant sur la personne admise à titre provisoire ou sur d'autres personnes, seront maintenus (art. 85, al. 3, LEI en relation avec l'art. 21 OERE et l'art. 22, al. 2, OA 1).

Le droit en vigueur dispose déjà que le SEM rend une décision définitive au sujet du changement de canton après avoir entendu les cantons concernés (art. 85, al. 3, LEI).

Ad al. 1 Cet alinéa correspond sur le principe à la réglementation en vigueur à l'art. 85, al. 3, LEI, en vertu de laquelle toute demande de changement de canton doit être soumise au SEM. Le droit au changement de canton proposé dans des cas bien définis et la nouvelle possibilité de recourir à la justice dans tous les cas rendent superflue la consultation des cantons concernés prévue jusqu'ici, laquelle doit donc être supprimée.

Ad al. 2 Les motifs qui justifient actuellement un changement de canton, à savoir la préservation de l'unité de la famille et une menace grave pesant sur la personne admise à titre provisoire ou sur d'autres personnes, seront maintenus (art. 85, al. 3, LEI et art. 21 OERE en relation avec l'art. 22, al. 2, OA 1). La pratique du SEM a montré qu'il y avait menace grave dans une situation médicale extraordinaire, nécessitant 7276

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par exemple un accès rapide à des services médicaux spécifiques non disponibles dans le canton de résidence de l'intéressé. En pratique, toutefois, il est rare qu'un changement de canton soit justifié par ce genre de situation. L'al. 2 précisera désormais qu'il doit y avoir une menace grave pour la santé. Le changement de canton peut également être justifié en cas de violence domestique grave, s'il permet à la victime, par la distance géographique, d'être mieux protégée contre de nouvelles atteintes à son intégrité physique ou psychique.

Ad al. 3 La réglementation relative au changement de canton visée à l'art. 22 OA 1 a été initialement créée pour les requérants d'asile (FF 1996 II 1, 54 s.), mais une référence inscrite dans l'OERE l'étend aux personnes admises à titre provisoire à travers. La situation des requérants d'asile étant particulièrement différente de celle des personnes admises à titre provisoire en ce qui concerne la possibilité d'exercer une activité lucrative et les exigences en matière d'intégration, il convient également de prescrire des conditions différentes en matière de changement de canton. Le changement de canton des personnes admises à titre provisoire sera à l'avenir défini au niveau de la loi. En ce qui concerne l'intégration professionnelle, un droit au changement de canton sera créé pour les personnes qui exercent une activité lucrative en dehors de leur canton de résidence, si les conditions suivantes sont réunies: ­

l'intéressé ne perçoit des prestations de l'aide sociale ni pour lui ni pour les membres de sa famille;

­

l'horaire de travail ou le trajet pour se rendre au travail ne permettent pas d'exiger raisonnablement qu'il reste dans son canton de résidence, ou les rapports de travail existent depuis au moins douze mois;

­

il n'existe aucun motif de sécurité et d'ordre publics ou de sûreté intérieure ou extérieure entraînant un refus d'accorder l'admission provisoire à l'intéressé (al. 4).

Ne sont en particulier pas considérés comme raisonnablement exigibles un trajet très long pour se rendre au travail, un trajet impossible ou très difficile à accomplir avec les transports publics ou une navette effectuée régulièrement entre le lieu de résidence et le lieu de travail pour travailler de nuit ou en équipe ou lorsque les horaires de travail sont irréguliers ou longs. Les critères déterminants seront fixés au niveau de l'ordonnance.

La condition selon laquelle les rapports de travail doivent exister depuis au moins douze mois découle de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage55, étant donné qu'il existe un droit à l'indemnité de chômage à partir d'une période minimale de cotisation de douze mois au cours des deux années (délai-cadre applicable à la période de cotisation) qui précèdent la première inscription. Cette condition permet de réduire le risque qu'après avoir changé de canton, la personne admise à titre provisoire devienne dépendante de l'aide sociale dans le nouveau canton.

Si la personne admise à titre provisoire met fin par elle-même aux rapports de travail après avoir changé de canton, les prestations de l'aide sociale peuvent, en vertu du 55

RS 837.0

7277

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droit en vigueur, être réduites voire supprimées (art. 86, al. 1, LEI en relation avec l'art. 83, al. 1, let. e, LAsi).

Elle a également la possibilité de changer de canton pour suivre une formation professionnelle initiale. Cette dernière est définie dans la loi fédérale du 13 décembre 2006 sur la formation professionnelle (LFPr)56. Elle fait suite à l'école obligatoire ou à une qualification équivalente et dure de deux à quatre ans (art. 15 à 19 LFPr). Toute personne admise à titre provisoire qui possède un contrat d'apprentissage conformément à l'art. 14 LFPr peut donc également demander à changer de canton, dans la mesure où les conditions visées aux let. a et b sont remplies.

Ad al. 4 Dans les trois cas de figure donnant droit au changement de canton qui sont visés aux al. 2 et 3, aucun des motifs de levée de l'admission provisoire mentionnés à l'art. 83, al. 7, let. a ou b, LEI ne doit exister. L'intéressé ne doit donc pas avoir été condamné à une peine privative de liberté de longue durée en Suisse ou à l'étranger ni attenter de manière grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les mettre en danger ou représenter une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. Cette règle correspond à celles qui définissent le droit au changement de canton des titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement (art. 37, al. 2 et 3, LEI).

Ad al. 5 Cet alinéa définit le changement de canton d'un réfugié admis à titre provisoire. Ce changement se fonde sur le droit au changement de canton du titulaire d'une autorisation de séjour (art. 37, al. 2, LEI). Un réfugié admis à titre provisoire a donc le droit de changer de canton s'il n'est pas au chômage et qu'il n'existe pas de motif de révocation au sens de l'art. 62, al. 1, LEI. Ces règles tiennent compte des exigences de la Conv. Réfugiés (art. 26), selon laquelle la réglementation relative au changement de canton doit être la même pour les réfugiés que «la réglementation applicable aux étrangers en général dans les mêmes circonstances». Dans la Conv. Réfugiés, les termes «dans les mêmes circonstances» impliquent que l'intéressé doit remplir «toutes les conditions (et notamment celles qui ont trait à la durée et aux conditions de séjour ou de résidence) qu'il devrait remplir s'il n'était pas un
réfugié» pour pouvoir exercer le droit en question (art. 6 Conv. Réfugiés). C'est ainsi qu'un arrêt du TAF (ATAF-2012/2) selon lequel la réglementation relative au changement de canton des titulaires d'une autorisation d'établissement devait s'appliquer ici se voit également transposé dans la loi. La réglementation proposée tient compte du fait que les admissions provisoires avec qualité de réfugié sont plus proches du statut de l'autorisation de séjour que de celui de l'autorisation d'établissement (cf. pt 2.2.2 sur les résultats de la consultation).

Art. 85c

Regroupement familial

À l'heure actuelle, le regroupement familial des personnes admises à titre provisoire est réglementé par l'art. 85, al. 7 à 8, LEI. Pour des raisons de systématique et pour 56

RS 412.10

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améliorer la lisibilité, ces alinéas seront transférés dans un nouvel article. Le contenu de l'al. 7bis en vigueur à l'art. 85 LEI, qui permet au conjoint dont le regroupement familial est envisagé de déroger à l'exigence d'aptitude à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile s'il est inscrit à une offre d'encouragement pour cette langue sera intégré dans l'énumération des conditions du regroupement familial (al. 1). Le contenu de ces dispositions ne sera pas modifié. Les réfugiés admis à titre provisoire ne seront toutefois plus mentionnés, puisqu'ils seront soumis aux mêmes conditions légales en matière de regroupement familial.

Art. 120, al. 1, let. f et h Ad let. f L'obligation d'annonce de l'exercice d'une activité lucrative indépendante par les personnes admises à titre provisoire étant précisée à l'art. 85a, al. 3bis, il faudra inscrire ce nouvel alinéa dans la disposition pénale relative aux sanctions prévues en cas de contravention à l'obligation d'annonce.

Ad let. h La LEI en vigueur contient déjà des dispositions pénales pour les infractions commises intentionnellement ou par négligence qui sont punies d'une amende (art. 120 LEI), telles que les contraventions à l'obligation de déclarer son arrivée ou son départ et les changements d'emploi ou de canton non autorisés (art. 120, al. 1, let. a, b et c, LEI). Les amendes seront infligées par les cantons. Les voyages à l'étranger effectués sans autorisation seront également passibles d'une amende.

Tous les voyages accomplis dans l'État d'origine ou de provenance seront considérés comme des voyages à l'étranger non autorisés. Ne sont pas concernés ceux que le SEM aura auparavant autorisés à titre exceptionnel et au cas par cas pour que l'intéressé prépare son départ définitif et autonome et son retour dans son pays (art. 59d P-LEI). Seront également considérés comme des voyages à l'étranger non autorisés et passibles d'une amende les voyages accomplis dans un État autre que celui d'origine ou de provenance sans autorisation préalable (art. 59e P-LEI). La mesure s'appliquera aux requérants d'asile, aux personnes admises à titre provisoire et aux personnes à protéger, que d'autres mesures aient déjà été prononcées ou non.

Par exemple, une personne admise à titre provisoire qui se sera rendue sans autorisation dans son
État d'origine pourra en même temps voir son admission prendre fin (art. 84, al. 4, let. c, P-LEI) et être condamnée à une amende. En revanche, l'admission provisoire ne prendra pas fin dans un tel cas si la personne concernée est en mesure de rendre vraisemblable qu'elle a été contrainte de se rendre dans son État d'origine. Vu que cette personne aura enfreint les restrictions en matière de voyages dans l'État d'origine, elle pourra néanmoins être condamnée à une amende.

Art. 122d

Refus d'octroyer un document de voyage ou un visa de retour

Si un requérant d'asile, une personne admise à titre provisoire ou une personne à protéger s'est rendu sans autorisation dans un État autre que son État d'origine ou de provenance, le SEM aura la possibilité de refuser pendant trois ans ­ à compter du

7279

FF 2020

retour de l'intéressé en Suisse ­ de lui octroyer un document de voyage ou un visa de retour.

Afin de tenir compte de manière adéquate du principe de proportionnalité, il appartiendra au SEM de décider au cas par cas si cette mesure administrative doit être prononcée. Il se peut par exemple que l'intéressé ait besoin de se rendre dans un État voisin de la Suisse à des fins de formation ou pour rendre visite à ses enfants mineurs.

Art. 126e

Dispositions transitoires relatives à la

modification du ...

Ad al. 1 Si un requérant d'asile, une personne admise à titre provisoire ou une personne à protéger dépose une demande de document de voyage ou de visa de retour avant l'entrée en vigueur des présentes modifications de la LEI et que la demande n'est pas encore traitée, l'ancien droit restera applicable (art. 59 LEI et art. 4, 7 et 9 ODV). En revanche, s'il dépose sa demande après l'entrée en vigueur des modifications proposées de la LEI, les nouvelles dispositions des art. 59, 59d et 59e P-LEI s'appliqueront.

Ad al. 2 Pour des raisons de sécurité juridique et en vertu du principe de la non-rétroactivité des dispositions pénales, les nouvelles sanctions prévues pour les voyages à l'étranger non autorisés (art. 84, al. 4, 84a, al. 2 et 3, 120, al. 1, let. h, et 122d P-LEI et art. 53, let. d, et 79, let. e, P-LAsi) ne s'appliqueront qu'aux voyages effectués intégralement après l'entrée en vigueur des présentes modifications de la LEI.

5.2

Loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)

Art. 53, let. d En règle générale, si un requérant d'asile se rend dans son État d'origine ou de provenance alors que sa procédure d'asile est en cours, sa demande d'asile est classée (art. 8, al. 3bis, LAsi). S'il revient en Suisse en cours de procédure et qu'il s'avère lors de cette dernière qu'il remplit les conditions d'octroi de la qualité de réfugié, il convient de l'exclure de l'asile pour avoir accompli sans autorisation le voyage précité pendant la procédure d'asile. En conséquence, l'intéressé ne se voit accorder ni asile ni, donc, autorisation de séjour et est simplement admis à titre provisoire (art. 83, al. 8, LEI). Cette mesure est justifiée vu que la personne s'est rendue sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance pendant la procédure d'asile et qu'elle doit se tenir à la disposition des autorités pendant cette procédure. La personne ne pourra pas non plus, pendant dix ans, obtenir d'autorisation de séjour (cf. commentaire de l'art. 84a, al. 3, P-LEI; pt 5.1).

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Art. 61, al. 1 et 2 La procédure d'annonce de l'exercice d'une activité lucrative obéit aux mêmes règles pour les réfugiés reconnus que pour les personnes admises à titre provisoire 57.

Il convient de préciser au niveau de la loi que l'obligation d'annonce s'applique tant à une activité lucrative salariée qu'à une activité lucrative indépendante. Il existe déjà une règle correspondante au niveau de l'ordonnance (art. 65 OASA). L'expression activité lucrative désigne une activité salariée ou indépendante (art. 11, al. 2, LEI).

Pour la procédure d'annonce, il sera fait référence aux dispositions de l'art. 85a, al. 2 à 6, LEI, qui concernent les personnes admises à titre provisoire et qui couvrent également les activités lucratives tant indépendantes que salariées.

Les versions française et italienne de l'al. 1 seront en outre alignées sur la teneur de la version allemande et sur celle de l'art. 85a, al. 1, LEI en vigueur (dans les trois langues officielles). Les formulations «sont autorisés à exercer une activité lucrative» et «sono autorizzati a esercitare un'attività lucrativa» des versions respectivement française et italienne en vigueur seront modifiées pour correspondre littéralement à la formulation «können eine Erwerbstätigkeit ausüben» de la version allemande en vigueur.

L'al. 1 doit être coordonnée avec la loi fédérale sur les mesures policières contre le terrorisme (cf. pt 4.3).

Art. 78, al. 1, let. c, et 2 En vertu du droit en vigueur, le SEM peut révoquer la protection provisoire de la personne qui a, depuis l'octroi de cette protection, séjourné longtemps ou de manière répétée dans son État d'origine ou de provenance (art. 78, al. 1, let. c, LAsi). La protection provisoire n'est pas révoquée seulement si la personne se rend dans ledit État avec l'accord des autorités compétentes (art. 78, al. 2, LAsi). Le projet proposant une sanction plus sévère, à savoir l'extinction automatique de la protection provisoire lorsque l'intéressé se rend sans autorisation dans son État d'origine ou de provenance (cf. art. 79, let. e, P-LAsi), la réglementation en vigueur peut être supprimée. Contrairement à cette dernière, la mesure proposée entraîne de par la loi la fin immédiate de la protection provisoire, sans qu'il soit nécessaire de la révoquer.

Art. 79, let. e Le droit en vigueur dispose déjà
que la protection provisoire prend fin lorsque la personne à protéger a transféré son centre de vie dans un autre pays, a renoncé à la protection provisoire, a obtenu une autorisation d'établissement ou est sous le coup d'une décision entrée en force d'expulsion pénale (art. 79 LAsi). Afin que l'interdiction faite aux personnes à protéger de se rendre dans leur État d'origine ou de provenance puissent effectivement être appliquée (art. 59d P-LEI), cette disposition prévoira désormais que la protection provisoire prend également fin lorsque la personne 57

Cf. message additionnel du 4 mars 2016 concernant la modification de la loi sur les étrangers (intégration), 13.030, FF 2016 2665, 2691.

7281

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à protéger s'est rendue dans son État d'origine ou de provenance. Cette règle correspond à celle qui s'applique aux personnes admises à titre provisoire (art. 84, al. 4, let. c, P-LEI).

La protection provisoire ne prendra donc pas fin si le SEM a auparavant autorisé ce voyage pour que l'intéressé prépare son départ définitif et autonome et son retour dans son pays (art. 59d P-LEI). Elle ne prendra pas fin non plus si la personne concernée est en mesure de rendre vraisemblable qu'elle s'est vue contrainte de se rendre dans son État d'origine ou de provenance, par exemple pour rendre visite à ses parents gravement malades.

Bien que ces personnes fassent toujours partie du groupe des personnes à protéger défini par le Conseil fédéral, elles sont exclues du renouvellement de l'octroi de la protection provisoire et doivent quitter la Suisse (art. 73, let. a, LAsi en relation avec l'art. 53, let. d, P-LAsi; cf. également commentaire de l'art. 84a, al. 3, P-LEI; pt 5.1).

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'aura vraisemblablement pas de conséquences majeures pour la Confédération en termes de finances et de personnel. Toute charge supplémentaire pourrait donc être absorbée dans le cadre des ressources allouées.

Modification du statut de l'admission provisoire Les demandes de changement de canton déposées par des personnes admises à titre provisoire en vertu des nouvelles dispositions proposées continueront à être traitées par le SEM. Il n'y a pas besoin de ressources supplémentaires à cet effet en termes de finances ni de personnel.

Néanmoins, il faut s'attendre à ce que l'élargissement de la possibilité de recourir contre les décisions relatives au changement de canton engendre un certain surcroît de travail pour le personnel du TAF. Le nombre de recours qui pourraient être adressés au TAF est impossible à évaluer. Toutefois, il ne faut pas tabler sur une augmentation significative du nombre de demandes de changement de canton ni, donc, de recours devant le TAF, car le cercle de personnes concernées est restreint par rapport à l'ensemble de la population de la Suisse (fin avril 2020, la Suisse comptait 33 145 personnes admises à titre provisoire en âge de travailler, réfugiés admis à titre provisoire compris) et les exigences en matière de changement de canton restent relativement élevées.

La suppression des obstacles à l'intégration professionnelle des personnes admises à titre provisoire par une facilitation du changement de canton vise à réduire la dépendance de cette catégorie de personnes vis-à-vis de l'aide sociale. Cette mesure aura, au cours des sept premières années de séjour en Suisse de la personne concernée, une incidence positive à la fois sur les coûts de l'aide sociale des cantons et, si l'on considère l'indemnisation forfaitaire de ceux-ci, sur les finances de la Confédération. Si cette dernière n'arrive qu'au-delà de ces sept années à s'intégrer sur le 7282

FF 2020

marché du travail et à quitter l'aide sociale, seuls les cantons et les communes verront leurs coûts liés à l'aide sociale diminuer (voir également pt 6.2).

Restriction des voyages à l'étranger Le SEM s'appuie déjà sur les dossiers de demande que lui envoient les autorités cantonales compétentes en matière de migration pour se prononcer sur l'octroi d'un document de voyage ou d'un visa de retour, qu'il se charge ensuite d'établir pour que l'intéressé puisse se rendre à l'étranger (art. 14 et 15 ODV). Les restrictions proposées en matière de voyages à l'étranger (art. 59d et 59e P-LEI) ne changeront rien à ce mécanisme. Ces dispositions ne devraient pas non plus faire croître le nombre de demandes. Partant, la nouvelle réglementation proposée n'aura vraisemblablement pas de conséquences pour les finances ou le personnel de la Confédération.

De même, les sanctions proposées dans le domaine de compétences du SEM (art. 84, al. 4, et 122d P-LEI et art. 53, let. d, et 79, let. e, P-LAsi) devraient pouvoir être appliquées sans engendrer de charges supplémentaires en termes de finances et de personnel, car elles s'inscrivent essentiellement dans le cadre de mesures déjà en place dans les domaines de l'asile et des étrangers. Il convient toutefois de noter qu'il n'est pas possible d'estimer le nombre de cas où un voyage est accompli sans autorisation dans l'État d'origine ou de provenance ou dans un autre État ni, par conséquent, le nombre de cas où la réglementation proposée entrera en application.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Modification du statut de l'admission provisoire Faciliter le changement de canton aux personnes admises à titre provisoire pour qu'elles exercent une activité lucrative permettra également, après sept années de séjour en Suisse, de réduire les coûts de l'aide sociale pour les cantons (voir pt 6.1.1). Il n'est toutefois pas possible de quantifier l'ampleur de ce phénomène. Le changement de canton pourrait être lié à la perception d'une aide sociale dans le nouveau canton si l'activité lucrative n'est pas durable, mais, de par la modification proposée, ce sera d'abord l'assurance-chômage qui sera sollicitée dans ce cas. En effet, les personnes concernées auront payé les cotisations d'assurance nécessaires.

Au total, les cantons n'auront pas de dépenses supplémentaires à supporter.

Restriction des voyages à l'étranger La législation en vigueur oblige déjà les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger à se présenter physiquement au service cantonal compétent en matière de migration pour déposer une demande de voyage à l'étranger. Ledit service transmet la demande au SEM, accompagnée, le cas échéant, des documents qui lui sont annexés. Ces mécanismes seront maintenus dans le cadre des restrictions proposées en matière de voyages à l'étranger (art. 59, 59d et 59e P-LEI). Puisqu'il s'agit d'un processus existant, le nombre de demandes ne 7283

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devrait pas augmenter. Partant, ces restrictions en matière de voyages à l'étranger ne devraient pas avoir de conséquences pour les finances ou le personnel des cantons.

Prononcer des sanctions dans le domaine des étrangers relève déjà de la compétence des cantons. Selon toute vraisemblance, le surcroît de travail que représente l'application des nouvelles sanctions (art. 84a, al. 2 et 3, et 120, al. 1, let. h, P-LEI) n'aura pas de conséquences notables pour les finances ou le personnel des cantons. Les cantons ont compétence pour délivrer des autorisations de séjour. C'est donc également à eux qu'il appartient d'appliquer la nouvelle règle selon laquelle les personnes admises à titre provisoire qui se sont rendues sans autorisation dans leur État d'origine ou de provenance ne peuvent plus, pendant dix ans, obtenir d'autorisation de séjour (art. 84a, al. 2 et 3, P-LEI). Cette règle n'implique pas de charges supplémentaires. Toutefois, il n'est actuellement pas possible d'estimer le nombre de cas qui nécessiteront de prononcer les nouvelles sanctions.

Conséquences pour les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne Le projet n'aura pas de conséquences spécifiques pour les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne. Aussi cette question n'a-telle pas été analysée plus avant.

6.3

Conséquences économiques, sociales et environnementales

Les dispositions proposées ne devraient pas avoir de conséquences notables en termes économiques, sociaux et environnementaux. Aussi cette question n'a-t-elle pas été analysée plus avant.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 121, al. 1, de la Constitution (Cst.)58, qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière d'entrée en Suisse, de sortie, de séjour et d'établissement des étrangers ainsi que d'octroi de l'asile.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Modification du statut de l'admission provisoire Les modifications prévues sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse.

58

RS 101

7284

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Concernant la compatibilité avec la Conv. Réfugiés, voir les pts 2.2.2, 4.1.1 et 5.1 sur l'art. 85b, al. 5, P-LEI.

Restriction des voyages à l'étranger Les restrictions en matière de voyages à l'étranger et les sanctions en rapport qui sont prévues par le projet sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse. Contrairement aux réfugiés reconnus, les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger n'ont pas droit à l'octroi d'un document de voyage ou d'un visa de retour au sens des traités internationaux (cf.

art. 28 Conv. Réfugiés). En conséquence, il appartient à chaque État de décider s'il convient ou non d'autoriser les personnes concernées à se rendre à l'étranger.

Afin de tenir compte de manière adéquate du principe de proportionnalité, les voyages effectués dans l'État d'origine ou de provenance, notamment, ne mettront pas fin à l'admission ou à la protection provisoires si la personne concernée est en mesure de rendre vraisemblable qu'ils ont relevé d'une contrainte (art. 84, al. 4, let. c, P-LEI et art. 79, let. e, P-LAsi.

Par conséquent, lesdites restrictions et sanctions permettront également de respecter les dispositions de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales59 ainsi que des autres conventions internationales.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet vise à mettre en oeuvre les motions 18.3002 Adaptations ponctuelles du statut des étrangers admis à titre provisoire et 15.3953 Personnes admises à titre provisoire. Pas de voyage dans le pays d'origine (cf. pt 1.1). Les auteurs de ces interventions chargent le Conseil fédéral de modifier les dispositions légales relatives aux personnes admises à titre provisoire. Les deux motions concernant donc le même groupe de personnes, il convient que les modifications nécessaires soient présentées dans le même projet. En vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

Modification du statut de l'admission provisoire Actuellement, le changement de canton des personnes admises à titre provisoire est régi à la fois par la loi (LEI) et par des ordonnances (voir pt 1.1). Étant donné que le changement de canton des titulaires d'une autorisation relevant du droit des étrangers est assujetti de manière exhaustive à la loi (l'art. 37 LEI porte sur les titulaires d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement), ce changement sera également défini au niveau de la loi pour les personnes admises à titre provisoire. De nouveaux droits à inscrire dans la loi seront en outre créés.

La systématique de la LEI sera encore simplifiée: des articles distincts réglementeront l'emploi, le changement de canton et le regroupement familial, qui sont des 59

RS 0.101

7285

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domaines importants pour les personnes admises à titre provisoire. Les dispositions d'exécution, elles, resteront inscrites dans l'OASA.

Restriction des voyages à l'étranger Pour des raisons de sécurité juridique et par analogie avec les règles applicables aux voyages accomplis par les réfugiés reconnus, les principes relatifs aux voyages effectués à l'étranger par les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger seront définis de manière uniforme au niveau de la loi (art. 59d et 59e P-LEI). Pour des raisons de transparence, il en ira de même pour les sanctions prévues en cas de contravention à ces nouvelles restrictions en matière de voyages à l'étranger (art. 84, al. 4, 84a, al. 2 et 3, 120, al. 1, let. h, et 122d P-LEI et art. 53, let. d, et 79, let. e, P-LAsi).

7.4

Frein aux dépenses

Le projet n'induit pas de nouvelles dispositions en matière de subventions ni de nouveaux crédits d'engagement ou plafonds de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

7.5

Délégation de compétences législatives

Le projet prévoit, aux art. 59d et 59e P-LEI, des normes de délégation au Conseil fédéral en vue de la promulgation d'ordonnances. L'objectif est d'habiliter le Conseil fédéral à définir les modalités d'octroi d'un document de voyage ou d'un visa de retour (art. 55 al. 6 P-LEI). Il est également prévu de l'habiliter à définir par ordonnance les conditions à remplir pour autoriser une personne admise à titre provisoire ou une personne à protéger à se rendre dans son État d'origine ou de provenance (art. 59d, al. 2, P-LEI). Il est également prévu que le Conseil fédéral définisse par ordonnance quand il existe une raison personnelle particulière et quand une personne admise à titre provisoire ou une personne à protéger peut, à titre exceptionnel, se rendre dans un État autre que son État d'origine ou de provenance (art. 59e, al. 3, P-LEI). Ces délégations contiennent des règles dont le degré de concrétisation dépasserait le niveau de la loi. Les principes énoncés aux art. 59, 59d et 59e P-LEI précisent suffisamment le pouvoir législatif que la loi confère au Conseil fédéral.

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