977

# S T #

d u

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision partielle de la loi fédérale sur l'alcool.

»

(Du 7 novembre 1905.)

Monsieur le président et messieurs, L'article 1er de la loi fédérale du 23 décembre 1886 concernant les spiritueux attribuait exclusivement à la Confédération le droit d'importer les spiritueux dont la fabrication est soumise à la législation fédérale. D'après l'article 6 de la môme loi, l'alcool destiné à des usages industriels ou aux besoins domestiques devait être livré dénaturé par les magasins de la Confédération, au prix de revient.

Pendant que la loi de 1886 fut en vigueur, le Conseil fédéral fit application de ces dispositions seulement à l'alcool destiné aux besoins domestiques (alcool à brûler), mais non à l'alcool destiné à des usages industriels (alcool industriel) ; pour celui-ci, l'importation privée en fut tolérée provisoirement, en tant qu'elle était conforme aux autres dispositions légales. Ce qui détermina, de fait, cette décision du Conseil fédéral, c'est que les frais de revient de la Confédération, dans les débuts du monopole, comprenaient des dépenses extraordinaires (intérêts et amortissement des capitaux nécessaires à l'expropriation des distilleries supprimées, etc.), dont la mise en compte dans la fixation du prix de l'alcool industriel eût porté préjudice à la concurrence de nos industries suisses d'exportation vis-à-vis des industries étrangères. De droit, le Conseil Feuille fédérale suisse. Année LVII. Vol. V.

67

978 fédéral se basait sur le fait que la loi n'excluait pas expressément la délégation à des particuliers da droit d'importation de la Confédération.

Le point de vue auquel s'était placé le Conseil fédéral ne resta pas incontesté.

A plusieurs reprises, l'extension du monopole à l'alcool industriel fut réclamée, en vertu des articles 1er et 6 déjà cités, soit par la conférence des délégués cantonaux, soit au sein de l'Assemblée fédérale et de ses commissions ; un postulat formel déposé dans ce sens fut liquidé, le 16 décembre 1893, par un vote de l'Assemblée fédérale en faveur de la manière de voir du Conseil fédéral, c'est-à-dire du maintien provisoire de l'importation privée.

La loi actuelle du 29 juin 1900, qui a remplacé celle de 1886, attribue de même exclusivement à lu Confédération, dans son article 6, le droit d'importer tonte espèce de spiritueux distillés; dans son article 13, elle stadue également que l'alcool destiné à des usages industriels doit être livré par la Confédération au prix de revient.

La loi de 1900 introduit par contre en cette matière deux innovations importantes.

En premier lieu, la phrase finale de l'article 10 exclut, en ce qui concerne l'alcool à brûler et l'alcool industriel, toute délégation du droit d'imp station de la Confédération à des particuliers ; ensuite, l'article 14 statue que le prix de vente officiel sera fixé tous les cinq ans, sur la base du prix moyen de revient d'après les comptes des cinq dernières années.

Malgré ces dispositions, le Conseil fédéral, d'accord avec l'Assemblée fédérale, a continué d'abord, lors de la mise en vigueur de la nouvelle loi, à autoriser l'importation privée de l'alcool industriel, avec cette restriction toutefois que ce privilège pourrait être retiré en tout temps sans que lo* intuie ses aient droit à un dédommmagement (article 59 du règlement d'exécution de la loi sur l'alcool, du 24 décembre 1900).

Le motif qui a dicté cette détermination, c'est que les prix devente de la régie pour la période de 1901 à 1905 devaient être fixés, aux termes de la loi, sur la base du prix moyen de revient pendant les années 1895 à 1899 Or, certe dernière période avait encore à supputer les charges de l'époque d'introduction du monopole (qui a duré jusque vers l'année 1900). L'application stricte de la loi ent ainsi soumis les acheteurs d'alco l industriel à des prix de vente que, selon la décision de l'Assemblée fédérale du

979

16 décembre 1893, on n'avait pas voulu leur imposer, .dans l'intérêt de leur concurrence 'avec les industries étrangères. Pour ne pas donner en quelque sorte un effet rétroactif à la nouvelle loi, on en vint ainsi d'un comanun accord à supposer l'existence d'une disposition transitoire, qui n'avait été omise évidemment que par megarde.

. La;réduction du droit d'entrée de l'alcool industriel, à partir du 1er janvier 1905, fournit au Conseil fédéral l'occasion de mettre à exécution à la môme date, par son arrêté du 26 juillet 1904 basé sur l'article 59 du règlement d'exécution déjà cité, les articles 6 et 13 de la loi; il prohibait ainsi à partir de cette date toute importation particulière d'alcool industriel et obligeait les acheteurs à s'adresser à la régie pour la couverture de leurs besoins. Avec l'assentiment des Chambres, le Conseil fédéral fixa comme prix de vente de cet alcool en 1905 non pas le prix moyen de revient des années 1901 à 1905, mais un prix un peu plus bas, conformément à la situation du marché. Ce nouveau ménagement des industries d'exportation se justifiait par la considération qu'il eût été peu équitable d'exiger des acheteurs, pour une seule année, des prix ba?és s-ur les frais de revient exceptionnellement élevés de la période déjà éloignée de Ib95 à 1899.

La société suisse pour l'industrie chimique recourut par des mémoires réitérés, auprès dé l'As-semblée lédérale et du Conseil fédéral, contre notre arrêté du 26 juillet 1904 ; l'argument essentiel de ces recours, c'était qu'une fixation de prix quinquennale était inconciliable avec le caractère de l'industrie d'exportation, et que les intérêts de celle-ci n'étaient complètement sauvegardés que par l'achat libre et direct de l'alcool à l'étranger.

Se rangeant partielL-ment à cette manière de voir. l'Assemblée fédérale nous invita, en date des 19;2t décembre 1904, à lui faire rapport sur la question de savoir s'il n'y avait pas Heu, pour l'alcool l'industriel, de remplacer, par voie de revision de la loi, la fixation de prix quinquennale par une fixation de prix annuelle.

L'examen de la question nous a permis de reconnaître qu'on ne pouvait contester un certain fondement à l'argumentation des industri-ls intéressés; mais en même temps, notre opinion s'est affermie que la demi-mesure d'une fixation de prix annuelle ne
pourrait contenter pei sonne.

C'est pourquoi nous avons fait déclarer dans la séance du Conseil national du 6 octobre écoulé que nous soumettrions à l'Assemblée fédérale, dans la session de décembre, une proposition de mo- ,

980

dification à la loi sur l'alcool qui nous mettrait à môme d'autoriser à nouveau, sous certaines conditions, l'importation particulière de l'alcool industriel. Nous avons déjà indiqué alors, comme conditions principales, le paiement d'une finance administrative de fr. 2 50 par q. brut de la part des importeurs privés et la libération de la régie des alcools de toute obligation légale de livraison vis-à-vis d'eux.

Nous tenons aujourd'hui notre promesse en vous présentant le projet ci-après.

En ce qui concerne les dispositions de ce projet, nous avons à faire les observations suivantes.

La concession du droit d'importation aux particuliers, en modification de la réserve contenue dans la dernière phrase de l'article 10 de la loi, a le caractère d'une délégation conditionnelle, et restreinte aux acheteurs en gros d'alcool industriel, du monopole d'importation attribué à la Confédération par l'article 6 de la loi.

Mais nous ne déléguons pas une fois pour toutes ce droit d'importation en l'inscrivant dans la loi, comme cela a été t'ait par exemple a l'article 7 en ce qui concerne les spiritueux dits de qualité supérieure; pour des motifs d'opportunité, nous proposons au contraire de laisser au Conseil fédéral le droit de concéder et de retirer cette délégation.

Si des abus ou la modification complète de la situation devaient nécessiter un jour ou l'autre le retrait du privilège d'importation accordé aux acheteurs d'alcool industriel, il nous semble inutile de remettre en mouvement tout l'appareil législatif pour revenir au monopole de la Confédération. Toutefois, pour donner à ce privilège la stabilité désirable, nous avons admis que, sauf le cas de graves abus, des changements ne pourraient avoir lieu qu'au moment de la fixation quinquennale des prix de vente prévue à l'article 14.

La perception d'une finance administrative se justifie par les dépenses qui sont imposées à la régie des alcools par la surveillance de l'importation, de la dénaturation, etc.; elle répond en outre à l'équité vis-à-vis des acheteurs d'alcool à brûler, qui, sans cette coopération des acheteurs d'alcool industriel, auraient à participer seuls et dans une proportion plus forte qu'aujourd'hui, par les prix d'achat qu'ils auraient à payer, aux frais d'administration de la régie.

Quant au montant de cette finance, il représente approximativement les .frais que la régie a eu à supporter, par quintal métrique d'alcool vendu annuellement pendant les années 1900 à 1904, pour

9.81 son. administration centrale, le contrôle-externe, les bonifications aux administrations des finances et des douanes, les expertises, etc.

L'administration autrichienne, par exemple, prélève sous ce titre une finance de 3 couronnes par hectolitre.

La condition que la régie soit exemptée de toute obligation légale de livrer aux importeurs est une mesure élémentaire pour l'exploitation commerciale bien ordonnée du monopole. C'était vraiment un non-sens et un défaut de la pratique usitée avant l'année 1905 que de ne réserver à la régie que les mauvaises chances du commerce.

L'importation directe ne profitera en général qu'aux industriels pouvant faire venir de l'étranger des vagons entiers de 10,000 kg. Pour permettre aussi aux petits acheteurs de se pourvoir sans recourir au commerce intermédiaire, nous avons prévu, qu'ils seraient desservis à des prix réduits par la régie des alcools.

Nous concluons en proposant à l'Assemblée fédérale^: d'adopter le projet ci-après de modification de la loi sur l'alcool, tout en déclarant liquidé le postulat des 19/21 décembre 1904.

Agréez, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 7 novembre 1905.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, RUCHET.

Le Ier vice-chancelier, SCHATZMANN.

982 Projet.

Loi fédérale concernant

la revision partielle de la loi sur l'alcool du 29 juin 1900.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉRATION SUISSE, Vu le message du Conseil fédéral du 7 novembre 1905, décrète : Art. 1er. Un article 14 a, de la teneur suivante, sera intercalé entre les articles 14 et 15 de la loi fédérale sur l'alcool du 29 juin 1900: « En ce qui concerne l'alcool qui n'est pas destiné au nettoyage, au chauffage, à la cuisson, à, l'éclairage ou à la production de force motrice, le Conseil fédéral peut accorder d'une façon générale, par voie d'ordonnance, aux détenteurs de licence pour la denaturatici) employant plus de 10,000 litres d'alcool par an, le droit d'importer directement des Etats étrangers l'alcool qui leur est nécessaire. Le Conseil fédéral soumettra l'exercice de ce droit aux mesures préventives qu'il jugera convenables pour sauvegarder les intérêts de la régie fédérale des alcools.

983

« Toutes les importations de ce genre seront soumises, -- au bénéfice de la Régie fédérale des alcools et "indépendamment du droit de douane en vigueur, -- au paiement à l'entrée en Suisse d'une finance administrative de fr. 2.50 par quintal métrique poids brut.

« Vis-à-vis des personnes autorisées à l'importation, la Confédération est déliée de l'obligation de livrer que lui impose l'art. 18 ci-dessus.

« Le Conseil fédéral peut accorder, selon les conditions du marché, aux acheteurs qui n'emploient pas :plus de 10,000 litres par an un rabais sur les prix fixés conformément à l'article 14 ci-dessus.

« Le Conseil fédéral a le droit de modifier les ordonnances publiées conformément au premier alinéa dû présent article, dans le sens d'une plus forte restriction ou d'une interdiction complète de l'importation privée ; les modifications de ce genre qui ne seront pas nécessitées par de graves abus ne pourront cependant être apportées qu'au moment de la fixation des prix prévue à l'article 14 ci-dessus. » Art. 2. Le Conseil fédéral est chargé, conformément AUX dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer la date ·de son entrée en vigueur.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision partielle de la loi fédérale sur l'alcool. (Du 7 novembre 1905.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1905

Année Anno Band

5

Volume Volume Heft

47

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

15.11.1905

Date Data Seite

977-983

Page Pagina Ref. No

10 076 570

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.