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6836 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les prix d'achat du blé indigène de la récolte de 1955

(Du 10 mai 1955)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté de l'Assemblée fédérale fixant les prix d'achat du blé indigène de la récolte de 1955.

I e

Aux termes du 2 alinéa de l'article 23 bis de la constitution, la Confédération achète le blé indigène de bonne qualité, propre à la mouture, à un prix qui en permet la culture.

Cette disposition a donné naissance à l'article 6 de la loi du 7 juillet 1932/17 décembre 1952 sur le ravitaillement du pays en blé (RS 9, 431; RO 1953, 389), dont la teneur est la suivante: 1 La Confédération paie le froment indigène trente-six à quarante-cinq francs le quintal, marchandise rendue sur wagon gare de départ, ou livrée à un moulin ou un entrepôt des environs. Dans ces limites, le prix dépasse de huit francs cinquante au moins le prix moyen du froment étranger de qualité équivalente rendu franco frontière suisse et dédouané. Toutefois, le prix minimum ne doit pas excéder le double du prix auquel l'administration des blés revend le froment indigène aux meuniers.

2 Le prix des autres espèces de blé est fixé sur la base du prix du froment, compte tenu de leur valeur meunière.

8 Ces prix ne sont payés que pour de la marchandise saine, sèche, suffisamment nettoyée, sans odeur, de bonne qualité moyenne et qui, avec un rendement normal, donne une farine panifiable de qualité irréprochable.

4 Le Conseil fédéral fixe les prix chaque année, au plus tard en septembre, selon l'état 5du marché et après avoir entendu les intéressés.

En cas de circonstances extraordinaires, l'Assemblée fédérale peut s'écarter des limites fixées au premier alinéa.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le blé le 1er juillet 1933, l'Assemblée fédérale a, par suite de «circonstances extraordinaires», fixé en 1933

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déjà, puis en 1934 et 1936 le prix d'achat du froment indigène ; le Conseil fédéral y adapta ensuite les prix des autres espèces de céréales, compte tenu de leur valeur meunière. De 1937 à 1939 en revanche, l'évolution du marché permit au Conseil fédéral de fixer directement le prix du froment. En 1935, il le fit avec l'autorisation expresse de l'Assemblée fédérale. En 1940, le Conseil fédéral adopta trois arrêtés sur le prix d'achat des céréales indigènes, dont deux étaient fondés sur l'article 6 de la loi sur le blé et Jes pouvoirs extraordinaires ; le troisième fut pris en vertu des seuls pouvoirs extraordinaires. De 1941 à 1949, le Conseil fédéral fit régulièrement usage de ses pouvoirs extraordinaires pour arrêter le prix du blé. Ce n'est qu'à partir de 1950 que le prix d'achat des céréales indigènes put être de nouveau fixé selon les règles énoncées à l'article 6 de la loi sur le blé ; les limites prévues au 1er alinéa étant dépassées par suite de circonstances extraordinaires, ce fut toutefois l'Assemblée fédérale qui légiféra en vertu du 5e alinéa. Elle autorisa simultanément le Conseil fédéral à fixer les mêmes prix pour le blé indigène des récoltes suivantes jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi revisée sur le blé, mais au plus tard jusqu'à la récolte de 1952, à condition que la situation ne se modifiât pas sensiblement. Le Conseil fédéral usa de cette faculté en 1951.

En 1952 en revanche, vu la nécessité de relever les prix d'achat du froment, du méteil et de l'épeautre, l'Assemblée fédérale dut prendre un nouvel arrêté.

Elle autorisa de nouveau le Conseil fédéral, comme en 1950, à fixer les mêmes prix pour les récoltes de 1953 et 1954, à condition que la situation ne se modifiât pas sensiblement. Nous fondant sur cette compétence, nous avons arrêté nous-mêmes les prix du blé pour ces deux dernières années.

Les pouvoirs qui nous avaient été conférés en 1952 étant maintenant échus, il appartient de nouveau à l'Assemblée fédérale de fixer les prix de la récolte de 1955.

II

En 1950, l'Assemblée fédérale fixa les prix d'achat du blé indigène dans sa session de septembre et en 1952, dans sa-session de décembre seulement.

A ce propos, nous devons relever que la date du début des livraisons des céréales indigènes s'est peu à peu déplacée singulièrement. Alors qu'auparavant l'administration n'achetait en règle générale aucun blé avant le 1er octobre, les événements la contraignirent ces dernières années à organiser les livraisons beaucoup plus tôt, en partie dès le 1er août déjà. Cette évolution est due notamment à l'emploi généralisé des moissonneuses-batteuses, grâce auxquelles les agriculteurs peuvent battre leur blé sur le champ; n'étant pas encore suffisamment sec, le grain doit être pris en charge sans retard, avant qu'il se détériore. Il est d'autre part nécessaire, vu l'ampleur .toujours croissante des livraisons, que l'administration puisse attribuer le blé aux exploitants des moulins de commerce aussi rapidement que possible

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et régulièrement tout au long de l'année. Il est donc indiqué, à notre avis, que les chambres fixent les prix d'achat du blé indigène déjà dans leur session de juin. Il sera ainsi possible de communiquer ces prix aux producteurs avant la récolte et de payer immédiatement le montant définitif à ceux qui livrent leur blé en août et septembre, ce qui simplifiera considérablement la tâche de chacun. Vu que les préparatifs pour les emblavures d'automne doivent être faits aussitôt après la récolte, il est en outre souhaitable que les prix de vente des semences soient connus à cette époque déjà; or ils ne peuvent pas être fixés avant que les prix d'achat du blé indigène aient été arrêtés.

Certes, durant la session de juin, le rendement de la récolte de blé ne peut pas encore être estimé de façon satisfaisante; mais il ne faut pas, à notre avis, y attacher trop d'importance. Les circonstances de l'année 1954 ont fait clairement ressortir que l'estimation du rendement d'une récolte n'est pas sûre même au mois d'août et ne peut par conséquent jouer un rôle décisif pour la fixation des prix. Indépendamment de cela, on a de plus en plus tendance depuis la fin de la dernière guerre à déterminer les prix payés aux producteurs en se fondant sur la moyenne des frais effectifs de plusieurs années et sur les rendements moyens obtenus durant une assez longue période. Grâce à cette méthode, il est possible de stabiliser dans une large mesure le prix des produits agricoles, élément dont il ne faut pas sousestimer l'importance pour le développement de l'agriculture.

Dans ces conditions, il nous paraît indiqué de fixer les prix du blé au vu de l'état des cultures, dans la mesure où une appréciation est déjà possible au cours des mois de mai et juin, et tout particulièrement en tenant compte de critères généraux et durables, tels que frais de production, rendements moyens des récoltes, importance du blé dans l'ensemble de notre agriculture, etc.

III

Nous estimons devoir vous donner ici quelques renseignements sur les blés panifiables indigènes des récoltes de 1952 à 1954. Les prix d'achat, fondés sur l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 16 décembre 1952 (RO 1962, 1093), ont été les mêmes pour les trois années, savoir: Francs par quintal

Froment type 1 Froment type II Froment type III Méteil (de froment et de seigle) . . .

Seigle Epeautre non décortiqué

64.50 66.-- 67.-- 60.25 56.-- 60.--

911 Les livraisons de céréales panifiables à la Confédération ont atteint: Récolte de 1952. . . 17886 wagons de 10'tonnes Récolte de 1953. . . 16244 wagons de 10 tonnes Récolte de 1954. . . 21 360 wagons de 10 tonnes (provisoire) Les producteurs ont reçu les montants suivants : Récolte de 1952 116 129 663 fr. 75 Récolte de 1953 103 943 295 fr. 70 Récolte, de 1954 136 700 000 francs (provisoire) Les caractéristiques de ces trois années ont été les suivantes: a. Récolte de 1952: L'été de 1952 fut sec et la moisson put être rentrée par beau temps. La qualité du grain fut très bonne ; c'est ainsi que le froment type I donna droit à un supplément de 85 centimes en moyenne par quintal, à raison de son poids spécifique élevé. Par rapport à l'année précédente, le prix du froment et de l'épeautre fut relevé de 2 francs, celui du méteil d'un franc, tandis que celui du seigle fut maintenu à son ancien niveau.

b. Récolte de 1953: Par suite du temps pluvieux de l'automne 1952, 80 pour cent seulement des surfaces habituelles purent être emblavées avant l'hiver. En outre, les semailles se déroulèrent souvent dans des conditions si défavorables qu'il en résulta un fort déchet après l'hivernage.

De même, la longue période de sécheresse qui succéda à l'hiver ne favorisa guère le développement des céréales printanières. Les moissons ayant débuté par un temps très instable, les céréales d'automne accusèrent un pourcentage d'humidité relativement élevé. Le blé printanier, récolté dans des conditions plus favorables, fut en général de meilleure qualité. Cette constatation se trouva confirmée par les prix moyens payés aux producteurs : alors que le froment type II subit en moyenne une réfaction de 81 centimes par quintal pour poids spécifique inférieur, le froment type III (blé de printemps) donna droit à un supplément moyen de 32 centimes par quintal.

c. Récolte de 1954: L'automne 1953, exceptionnellement sec et doux, fut particulièrement favorable aux semailles. L'hiver qui suivit fut très régulier et ne provoqua pas de pertes. Alors qu'on s'attendait à une magnifique récolte, le mauvais temps extraordinaire qui régna durant les moissons causa malheureusement, dans de nombreuses. régions du pays, de tels dégâts aux céréales que les autorités compétentes durent prendre les dispositions spéciales suivantes: 1. Pour
le blé panificale. -- Le 7 septembre 1954, le département des finances et des douanes édicta une ordonnance (RO 1954, 1002), par laquelle il abrogea notamment l'article 6 de l'ordonnance de l'administration des blés du 15 juillet 1933 sur le ravitaillement du pays en blé

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(RS 9, 469) et le remplaça par des dispositions adaptées aux conditions particulières de la récolte de 1954: -- Les réfactions pour la marchandise dont le poids spécifique est insuffisant furent fortement réduites ; par exemple, pour le froment pesant 70 kilogrammes à l'hectolitre, la déduction du prix normal ne fut que de 6 pour cent au lieu de 10 pour cent.

-- Alors qu'elle devait précédemment refuser les céréales très humides, l'administration des blés fut autorisée à acheter toute la marchandise panifiable, quelle que fût sa teneur en eau, moyennant des réfactions équitables, destinées à couvrir les frais de séchage et la perte de poids.

Les Uvraisons de céréales panifiables à la Confédération atteignirent le chiffre record de 21 360 wagons de 10 tonnes (chiffre provisoire).

Le temps frais qui se maintint au printemps et en été 1954 ayant probablement paralysé le développement des maladies cryptogamiques, les rendements à l'are furent relativement élevés. La qualité du blé fut très variable selon l'altitude et les régions. La teneur en eau fut en moyenne très élevée (environ 17,5 pour cent) et la plupart des lots de blé présentèrent un faible pourcentage de grains germes. Les prix moyens payés aux producteurs subirent une réfaction pour excès d'humidité, poids spécifique inférieur, etc., d'environ 80 centimes par quintal pour le froment type II et même de 1 fr. 68 par quintal pour le froment de printemps (type III).

La Confédération et les entreprises privées mirent leurs séchoirs à disposition pour traiter les lots les plus humides ; on put ainsi sauver la plus grande partie de la récolte.

2. Pour le blé non panifiable. -- Par suite des intempéries, une partie de la récolte ne put être rentrée à temps et certaines céréales germèrent sur les champs. Le blé germé n'est plus panifiable, car la farine tirée de ce blé ne peut pas être utilisée pour la fabrication du pain. La Confédération, qui ne prend en charge que la marchandise panifiable, ne peut donc pas acheter le blé germé.

Pour empêcher que les producteurs ne subissent de trop grosses pertes, les chambres chargèrent le Conseil fédéral, le 6 octobre 1954, de prendre des dispositions en vue de faciliter l'utilisation du blé germé de la récolte de 1954 qui ne put être pris en charge comme blé panifiable par la Confédération. Par arrêté
du 12 octobre 1954, le Conseil fédéral décida que ce blé serait acheté par la société coopérative suisse des céréales et matières fourragères, aux prix suivants, par quintal: 50 francs pour le froment et l'épeautre en grain, 46 francs pour le seigle, 48 francs pour le méteil.

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Les producteurs livrèrent en tout 4593 wagons de 10 tonnes de blé germé, pour un montant de 22 706 042 fr. 55.

Après avoir dénaturé et mélangé le blé germé, la société coopérative suisse des- céréales et matières fourragères le livra à ses membres à des prix fixes, adaptés aux marchés des denrées fourragères. L'administration des blés organisa la prise en charge, le traitement et l'expédition du blé germé. Elle supporta également la différence entre le prix versé aux producteurs et le prix de revente, soit en moyenne 15 fr. 75 par quintal ou 7 235 000 francs en chiffre rond pour l'ensemble de là campagne. En outre, les frais de transport, de séchage, de dénaturation et de traitement s'élevèrent à plusieurs francs par quintal.

IV e

Conformément à l'article 6, 4 alinéa, de la loi sur le blé, l'administration des blés convoqua une conférence le 14 avril 1955 pour discuter avec les représentants de l'union suisse des paysans et de la fédération suisse des sélectionneurs les problèmes relatifs à la fixation du prix du blé de cette année. L'union suisse des paysans développa encore son point de vue dans une requête datée du 16 avril 1955. Elle fit valoir essentiellement ce qui suit : Les prix d'achat du blé indigène sont restés inchangés depuis 1952.

En revanche, les récoltes et les frais ont varié. L'indice total des prix des agents de la production agricole (base: 1948 = 100), calculé sur la moyenne de l'année, a passé de 105,1 points en 1952 à 103 points en 1953 et s'est maintenu à ce chiffre en 1954. Au vu de son niveau actuel et des plus récentes estimations, il atteindra probablement cette année la moyenne de 106,5.points. Cette hausse est due notamment à l'augmentation constante, ces dernières années, des salaires des personnes étrangères à la famille. En outre, le coût des semences et des produits pour la lutte contre les parasites sera probablement bien plus élevé en 1955 qu'au cours des années précédentes. Les résultats des enquêtes comptables font entrevoir un relèvement des charges d'exploitation par hectare de surface avec forêt de 2094 francs en 1952 à 2115 francs en 1954; l'estimation pour 1955 s'élève même à 2155 francs. Outre l'augmentation constante des salaires versés aux ouvriers, la charge croissante que représentent les investissements en outils et machines nécessités par le développement de la mécanisation grève lourdement la culture du blé.

Con dérée dans son ensemble, la situation imposerait donc un relèvement des prix d'achat du blé, vu l'évolution des frais de production. Toutefois, l'importance des récoltes de ces dernières années a permis une certaine compensation pécuniaire.

Jusqu'ici, la stabilité des prix du blé a favorisé, par son effet psychologique, les efforts faits pour encourager la culture des céréales et décharger

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ainsi le secteur de la production animale. A moins que les frais de production ne se modifient encore considérablement ou que les récoltes ne soient anormalement déficitaires, les prix arrêtés en 1954 devraient être maintenus pour les années à venir. Certes, le rendement favorable de la récolte de 1954 pourrait justifier une réduction des frais; toutefois, la récolte de 1953 n'a pas été aussi favorable que celle de 1952 et l'on n'a pas, à l'époque, modifié les prix pour autant. La perspective de prix stables doit fortement contribuer, à l'avenir également, à encourager la production du blé.

Quant aux suppléments de montagne, de 2 ou 3 francs par quintal, versés jusqu'ici aux producteurs selon l'altitude de leur domicile, l'union suisse des paysans propose pour le moins de les doubler et, le cas échéant, d'augmenter l'écart entre ces prix. Elle relève, à l'appui de cette requête, qu'il est souhaitable de développer encore davantage la culture des champs dans les régions élevées et que des suppléments appropriés pourraient apporter une aide complémentaire aux paysans de la montagne, qui doivent faire face à des frais accrus pour leurs cultures de blé comme pour l'ensemble de leur production.

L'union suisse des paysans souhaiterait de son côté, pour les motifs invoqués au paragraphe II, que les chambres puissent traiter définitivement le présent projet dans leur session de juin déjà. Elle propose en outre que le Conseil fédéral soit autorisé de nouveau à fixer les mêmes prix pour les prochaines récoltes jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi revisée sur le blé, mais au plus tard jusqu'aux récoltes de 1956 et 1957, à condition que la situation ne se modifie pas sensiblement.

1. L'office de renseignements sur les prix créé par l'union suisse des paysans a fait au début d'avril un premier sondage sur l'état des cultures, l'enquête se limitant pour le blé aux semis d'automne. Au vu des rapports et des chiffres recueillis, on constate que les cultures de blé ont en général bien passé l'hiver; on ne signale nulle part d'importants dégâts dus à l'hivernage. Par suite du temps instable, les semailles de printemps traînèrent quelque peu. Les champs ne furent emblavés qu'assez tard, et l'enquête sur l'état des cultures au début de mai ne donnera, guère une vue exacte de la levée des semences de printemps. Sauf
circonstances extraordinaires, on peut prévoir, selon les renseignements actuels, une récolte normale de blé d'automne. Nous avons toutefois déjà relevé au paragraphe II que l'estimation du rendement de la récolte à venir ne peut pas jouer un rôle décisif pour la fixation des prix, car les sources d'erreur sont importantes.

Nous estimons plus sûr de fonder les prix d'achat du blé sur la moyenne des frais de production de plusieurs années et sur les rendements moyens obtenus durant une assez longue période. Ce système présente en outre un grand avantage: les prix n'ont pas besoin d'être revisés à intervalles trop rapprochés.

915 L'expérience des trois dernières années ne peut que renforcer notre opinion. Selon les estimations du secrétariat des paysans suisses, les frais de production d'un hectare de froment d'automne se sont élevés, après déduction de la valeur de la paille, à 1927 francs pour 1952, 1946 francs pour 1953 et à 1958 francs pour 1954. Ces chiffres sont relativement stables. Les prix payés au producteur doivent lui assurer un revenu à l'hectare qui permette de couvrir ces frais. La fixation des prix par 100 kilogrammes pose la question du rendement moyen, lequel doit se fonder également sur une période de plusieurs années, puisque le nombre de kilogrammes à l'hectare ne peut pas être estimé de façon suffisamment précise avant la récolte ou au début de celle-ci et que les chiffres exacts ne sont disponibles qu'au printemps suivant, une fois les livraisons terminées et la récolte partiellement utilisée.

Une autre circonstance vient encore étayer notre manière de voir: la culture du blé ne peut rapporter par hectare que des recettes de moyenne importance ; calculées par exploitation, elles sont aussi en général modérées.

Dans le tableau suivant, nous avons groupé les agriculteurs selon l'importance de leurs livraisons de blé panifiable à la Confédération en quatre classes qui correspondent en gros, pour le Plateau, à des petites exploitations et à des domaines moyens plus ou moins importants. Les grandes exploitations livrant plus de 10 000 kg de blé ne représentent que 4 pour cent des fournisseurs ; il n'est guère possible d'estimer la moyenne de leur superficie et de leurs recettes. Les chiffres qui suivent se rapportent aux années 1951, 1952 et 1953.

Quantités livréi

En pour-cent de l'ensemble des fournisseurs

Surface moyenne de blé

env.

ha

Surface moyenne de l'exploitation

env.

ha

Recettes en espèces provenant de la culture du blé (livraison et prime de mouture) env.

Fr.

1 jusqu'à 5 56 705 Jusqu'à 2 000 1702 De 2100 à 3 000 2 de 5 à 13 10 De 3100 à 4000 2362 9 3 de 10 à 15 De 4100 à 10 000 18 5 de 15 à 30 4665 Les frais de la culture du blé et du ravitaillement direct doivent être couverts au moyen de cet argent.

Il est d'autre part avéré, comme le déclare l'union suisse des paysans, que la stabilité des prix du blé a favorisé, par son effet psychologique, les efforts faits pour encourager la culture des céréales afin de décharger le secteur de la production animale. Dans ces conditions, compte tenu de tous les arguments invoqués par l'union suisse des paysans, nous concluons à l'opportunité de fixer pour la récolte de 1955 les mêmes prix d'achat du blé indigène que pour les trois dernières années.

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L'administration des blés s'est toutefois demandé s'il n'était pas indiqué de baisser tout au moins le prix du seigle. Selon les principes de la législation sur le blé, le prix du seigle devrait être fixé par rapport au prix du froment, compte tenu de sa valeur meunière. Cette règle ne fut plus observée à partir de 1940, sous la pression des événements du temps de guerre. L'écart entre les prix de ces céréales augmenta de nouveau peu à peu après-guerre. Aujourd'hui, le prix du seigle représente encore 86,8 pour cent du prix du froment, contre 75 pour cent à l'origine. L'union suisse des paysans relève cependant, avec raison, que le seigle est cultivé notamment dans les contrées de petites exploitations. D'autre part, il se prête beaucoup mieux que le froment à la culture dans les terrains assainis. Enfin, c'est un fait qu'il s'est répandu dans les régions limites de la culture du blé, où d'autres espèces de céréales sont exposées à des risques importants. Une baisse du prix du seigle entraverait donc surtout la culture de cette céréale dans les petites exploitations, dans les régions limites et dans les terrains assainis ; elle toucherait des producteurs qui doivent travailler de toute façon dans des conditions défavorables. Une telle mesure compliquerait l'exécution du programme de culture des champs.

Nous renonçons en conséquence, pour cette fois, à vous proposer une plus forte différence entre le prix du seigle et celui du froment.

2. La proposition de l'union suisse des paysans de relever les suppléments de montagne appelle les observations suivantes : Les régions de montagne bénéficient depuis 1941 d'une réglementation spéciale des prix d'achat du blé indigène. C'est un fait que partout où les céréales peuvent encore être cultivées, les frais de production y sont sensiblement plus élevés qu'en plaine. Les récoltes y sont moins bonnes et moins sûres ; le sol exige plus de semences et un travail plus considérable ; la configuration du terrain ne permet pas l'emploi général des machines ; le chemin du champ à la grange est souvent long et difficile. En outre, l'extension des cultures ordonnée au début de la guerre occasionna dans les régions de montagne, où souvent n'existait jusqu'alors aucune emblavure, des frais supplémentaires aux producteurs, obligés de se procurer les instruments et les
locaux d'entreposage nécessaires. Il parut de ce fait tout indiqué de recourir aux pouvoirs extraordinaires pour compléter les dispositions de la loi sur le blé relatives aux prix d'achat des céréales indigènes. Le Conseil fédéral décida donc, le 3 octobre 1941, de payer, en plus des prix ordinaires, un supplément de montagne pour le blé de l'année livré dans les régions situées à plus de 800 mètres d'altitude. Ce supplément s'élevait à: 1 franc par quintal entre 801 et 900 mètres, 2 francs par quintal au-dessus de 900 mètres.

Par un arrêté du 20 septembre 1943, le supplément fut porté à 2 ou 3 francs par quintal, suivant l'altitude; il subsista dès lors sans changement.

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Les producteurs de blé domiciliés dans les zones de montagne livrèrent en 1952 -- environ 770 wagons de 10 tonnes avec supplément de 2 francs, -- environ 157 wagons de 10 tonnes avec supplément de 3 francs.

Les suppléments versés dépassèrent quelque peu 200 000 francs. Il nous paraît indiqué de relever ces suppléments pour les motifs invoqués par l'union suisse des paysans, afin d'assurer en quelque sorte le maintien, voire le développement de la culture du blé dans ces régions où la production se heurte à des difficultés accrues. Si l'on considère d'autre part que la prime de mouture allouée pour le blé servant au ravitaillement direct s'élève à 10 francs par quintal en plaine, mais peut atteindre jusqu'à 22 francs dans les régions les plus élevées, les suppléments de montagne de 2 ou 3 francs payés en plus du prix de base de 64 fr. 50 pour le froment type I sont peu importants. Nous vous proposons donc de relever ces suppléments et simultanément d'améliorer quelque peu l'échelle des prix en créant un troisième degré. Sur la base de l'exemple cité ci-dessus de la récolte de 1952, nous obtiendrions le tableau suivant: Altitude m

Quantité wagons

801- 900 901-1000 au-dessus de 1000

770 130 27

Supplément Fr.

3.-- (jusqu'ici 2.--) 5.-- (jusqu'ici 3.--) 7.-- (jusqu'ici 3.--)

Total Fr.1

231 000.-- 65 000.-- 18 900.-- 314 900.--

(jusqu'ici 154 000.--) (jusqu'ici 39 000.--) (jusqu'ici 8 100.--) (jusqu'ici 201 100.--)

Cette proposition entraîne un surcroît de dépenses d'environ 114 000' francs par année, ce qui peut être considéré comme équitable comparativement aux sommes versées pour l'ensemble des livraisons de blé (environ 116 millions de francs en 1952) et pour les primes de mouture (environ 9,5 millions de francs en 1952).

3, Vu les différences de qualité des diverses sortes de blé, on a fixé chaque année, depuis 1937, trois prix de base pour le froment, afin d'empêcher dans la mesure du possible que d'excellentes variétés ne soient supplantées par d'autres froments à grand rendement, dont la valeur meunière et boulangère laisse souvent à désirer. D'entente avec la division de l'agriculture et la fédération suisse des sélectionneurs, l'administration des blés a classé chaque variété nouvelle dans l'une des trois catégories de prix.

Cette façon d'encourager la production de grain de qualité a donné en général de très bons résultats. L'expérience de ces dernières années a toutefois démontré que, vu le nombre élevé des variétés, il n'était plus possible d'établir une gradation suffisante et équitable avec trois classes seulement.

Les essais de mouture et de panification entrepris par l'administration des blés ont permis de conclure que le type I notamment, qui groupe les variétés de qualité inférieure, contient de nombreuses sortes de froment dont les Feuille fédérale. 107«= année. Vol. I.

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propriétés meunières et boulangères diffèrent considérablement. Or, tous ces blés doivent être achetés au même prix de base. Il y a donc lieu de craindre qu'à rencontre du but recherché jusqu'ici, certaines variétés indésirables, mais de grand rendement, ne se multiplient au détriment d'autres blés de qualité supérieure, parce que la culture en est fort rémunératrice. Il importe de prévenir à temps cette évolution. Nous vous proposons donc de créer pour le froment deux nouvelles classes de prix en dessous des trois qui existent déjà actuellement, en laissant comme jusqu'ici à l'administration des blés, le soin de répartir les variétés dans les différentes classes ou, le cas échéant, de les changer de classe, d'entente avec la fédération suisse des sélectionneurs. Les trois anciennes classes de prix pour le froment, savoir 67 francs, 66 francs et 64 fr. 50, doivent être maintenues, à cette nuance près que l'actuelle classe I deviendra la classe III et inversement, afin que les deux nouvelles classes comprenant les blés de qualité inférieure puissent être désignées par les chiffres IV et V. Nous proposons comme prix de base 61 fr. 50 pour la classe IV et 58 francs pour la classe V.

Le prix du méteil a de tout temps correspondu à peu près à la moyenne arithmétique des prix du froment de la classe I (nouvelle classe III) et du seigle. Pour éviter que le méteil de seigle et de froment de la nouvelle classe V ne soit mieux payé que le froment même de la classe V, il est indispensable de créer une seconde classe de prix pour le méteil. Nous vous proposons que le prix du méteil de seigle et de froment des classes IV et V corresponde à la moyenne arithmétique des prix du froment de la classe V (58 francs) et du seigle (56 francs), en d'autres termes qu'il soit fixé à 57 francs par quintal.

Les nouveaux écarts de prix précités de 3 francs et 3 fr. 50 pour le froment et de 3 fr. 25 pour le méteil sont suffisants, dans les circonstances actuelles, pour atteindre le but recherché. Enfin, il va de soi que les réfactions et suppléments prévus dans la législation sur le blé (poids spécifique inférieur ou supérieur à la norme, humidité excessive, nettoyage insuffisant, etc.) seront comme jusqu'ici déduits des différents prix de base ou ajoutés à ceux-ci.

L'union suisse des paysans, la fédération suisse des
sélectionneurs et la meunerie ont accepté la création de nouvelles classes de prix pour le froment et le méteil.

VI Nous vous proposons de fixer les prix d'achat du blé indigène de la récolte de 1955 sous forme d'un arrêté de l'Assemblée fédérale, comme il est d'usage en pareille matière. Selon l'article 6, 5e alinéa, de la loi sur le blé, l'Assemblée fédérale a la compétence, en cas de circonstances extraordinaires, de fixer ces prix à titre définitif et sans referendum : son arrêté pourra donc entrer en vigueur immédiatement.

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Comme l'arrêté autorise une dépense de plus de 5 millions de francs, son adoption requiert la majorité absolue des membres de chacun des conseils conformément à l'arrêté fédéral sur le régime financier (frein aux dépenses).

Fondés sur le présent message, nous vous recommandons d'approuver le projet d'arrêté ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 10 mai 1955.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Max Petitpierre 10628

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

920 (Projet)

ARRÊTÉ DE L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE fixant

les prix d'achat du blé indigène de la récolte de 1955

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 6, 5e alinéa, de la loi du 7 juillet 1932 (^/l? décembre 1952 ( 2 ) sur le ravitaillement du pays en blé; vu le message du Coiisieil fédéral du 10 mai 1955, arrête: Article premier Les prix de base du blé indigène de la récolte de 1955 à prendre en charge par la Confédération sont fixés comme il suit: Fr.

Froment de la classe I Froment de la classe II Froment de la classe III Froment de la classe IV Froment de la classe V Méteil de la classe I (mélange de seigle et de froment des classes I à III) Méteil de la classe Ili. (mélange de seigle et de froment.

des classes IV et V) Seigle Epeautre, non décortiqué

67.-- 66.-- 64.50 61.50 58.-- 60.25 57.-- 56.-- 60.--

Ces prix s'entendent pour 100 kg net, marchandise rendue franco wagon à la gare de départ ou livrée à un entrepôt ou un moulin des environs.

Après avoir entendu les intéressés, l'administration des blés classe chaque variété de froment dans les catégories précitées, compte tenu de sa valeur meunière et boulangère.

(!)

RS 9, 431.

(2) EO 1953, 389.

921

Art. 2 Dans les régions de montagne, les prix de base fixés à l'article premier sont majorés: de 3 francs par 100 kg entre 801 et 900 m d'altitude, de 5 francs par 100 kg entre 901 et 1000 m d'altitude, de 7 francs par 100 kg au-dessus de 1000 m d'altitude.

L'altitude se détermine d'après le domicile du producteur.

L'administration des blés peut, lors de l'allocation de ces suppléments, accorder des exceptions selon les règles prévues par la législation sur le blé pour la prime de mouture.

Art. 3 Le Conseil fédéral est autorisé à fixer les mêmes prix pour le blé indigène des prochaines récoltes jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi revisée sur le blé, mais au plus tard jusqu'aux récoltes de 1956 et 1957, à condition que la situation ne se modifie pas sensiblement.

Art. 4 Le présent arrêté sera inséré au Eecueil des lois fédérales et entre immédiatement en vigueur.

Le Conseil fédéral est chargé d'en assurer l'exécution.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les prix d'achat du blé indigène de la récolte de 1955 (Du 10 mai 1955)

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Jahr

1955

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20

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6836

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18.05.1955

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908-921

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