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FEUILLE FÉDÉRALE 107e année

Berne, le 12 mai 1955

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 30 francs par an; 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la préparation de la défense nationale économique (Du 29 avril 1955) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de loi sur les mesures tendant à prévenir les conséquences économiques de conflits internationaux. Dans une première partie, nous exposerons les raisons qui justifient une revision totale de la loi du 1er avril 1938, encore en vigueur, tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables; nous dégagerons simultanément les principes essentiels dont s'inspire la nouvelle loi. La deuxième partie vous renseignera sur la marche des travaux préparatoires, alors que la troisième -- la plus longue ·-- sera consacrée au commentaire des dispositions légales.

I. Les motifs de la revision totale de la loi du 1er avril 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables et les traits caractéristiques de la nouvelle loi Dans notre message du 9 novembre 1937 relatif à la loi du 1er avril 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (loi sur l'approvisionnement), nous déclarions déjà que la capacité de résistance d'un peuple ne se fonde pas seulement sur son armée, mais qu'elle repose tout autant sur ses ressources économiques. La guerre totale moderne et les moyens qu'elle met en action nous obligent à étendre notre notion usuelle de la défense nationale (FF 1937, III, 293). Des mesures de nature économique forment une partie essentielle de cette défense; on les désigne sous le terme générique de «défense nationale économique».

Feuille fédérale. 107e année. Vol. I.

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Dans la guerre totale, il ne s'agit pas, ou pas uniquement, de battre l'ennemi sur le champ de bataille; pour éviter d'inutiles pertes de vies humaines, il faut encore achever de l'épuiser en recourant aux moyens de pression et aux armes économiques. Même si la neutralité suisse est respectée, la guerre économique sous ses diverses formes frapperait aussi très sensiblement notre pays.

Sur le plan militaire, la configuration du pays est pour nous un précieux allié, mais sur le plan économique le fait que nous sommes fortement tributaires de l'étranger complique singulièrement notre défense. En temps de paix, 45 à 50 pour cent (en calories) des denrées alimentaires consommées en Suisse sont de provenance étrangère ; les matières premières industrielles, telles que le charbon, le fer, l'acier, les métaux non ferreux, le caoutchouc, les matières premières pour l'industrie textile, les carburants et combustibles, etc., sont pour ainsi dire importées intégralement. Ces dernières années, les arrivages de denrées alimentaires et de matières fourragères se sont élevés à plus d'un milliard de francs par an, ceux de matières premières et de produits fabriqués représentant conjointement presque 5 milliards. Les difficultés extraordinaires consécutives au sensible recul des importations pendant la dernière guerre sont encore dans toutes les mémoires. L'indice des quantités pondérées par les valeurs est tombé de 100 en 1938 à 71,1 en 1941 et à 31,6 en 1945. Quant aux mesures que nous avons prises à cette époque pour atténuer la gravité de la situation, on peut s'en faire une idée précise en consultant le volumineux rapport final du département de l'économie publique intitulé L'économie de guerre en Suisse 1939-1948, publié par la centrale fédérale de l'économie de guerre.

A l'instar de la défense du pays sur le plan militaire, la défense nationale économique exige des préparatifs minutieux. La résistance de la Suisse dépend dans une large mesure du soin qu'on leur voue. Il s'agit notamment de: -- mettre au point la législation et l'organisation de l'économie de guerre, de façon que celle-ci puisse être instituée d'un jour à l'autre en cas de conflit, ce qui implique aussi la désignation du personnel appelé à en assurer le fonctionnement; -- stimuler à temps la constitution de réserves; -- pourvoir à l'utilisation
des ressources naturelles du pays, à l'accroissement de la production indigène de marchandises d'importance vitale et à la fabrication de produits nouveaux et succédanés indispensables; -- prendre des mesures préparatoires en matière de transports; -- prendre des mesures visant à économiser les stocks et à éviter des hausses de prix sur les marchandises devenant rares; -- édicter, lorsque l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée -- avant même l'ouverture des hostilités --

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des prescriptions sur la réglementation et les 'prix de marchandises dans le dessein d'économiser les réserves, d'empêcher le renchérissement de marchandises devenant rares et, au besoin, d'adapter la production à la demande; ·-- édicter, à titre de précaution, des prescriptions sur la protection d'avoirs suisses en cas de guerre.

L'importance de la plupart des mesures précitées a été reconnue avant la dernière guerre mondiale déjà. C'est précisément pour leur servir de fondement juridique qu'a été édictée le 1er avril 1938 la loi tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (loi sur l'approvisionnement). Avant l'ouverture des hostilités, et ces derniers temps encore, elle a rendu de bons services. Toutefois, plusieurs lacunes fondamentales ne tardèrent pas à apparaître. C'est pourquoi la revision de la loi a été annoncée dans notre message à l'appui de l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951 concernant de nouvelles mesures propres à assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (FF 1951, I, 320).

Une revision totale s'impose pour les raisons suivantes: 1. Les pouvoirs que la loi sur l'approvisionnement confère au Conseil fédéral ne suffisent pas pour assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays.

2. Au cas où l'importation de marchandises indispensables serait sérieusement entravée, le Conseil fédéral devrait être investi d'office, avant même que se manifeste un danger de guerre imminent (art. 7 de la loi sur l'approvisionnement), d'attributions supplémentaires spéciales.

3. La loi en vigueur n'offre aucun fondement juridique permettant de prendre des mesures en vue de protéger les avoirs suisses en cas de guerre; or la défense nationale économique exige impérieusement des précautions de cette nature.

4. Vu l'importance primordiale que revêt l'aspect économique de notre défense nationale, il importe de consacrer légalement le principe selon lequel la préparation économique du pays constitue un devoir permanent de la Confédération ; la loi sur l'approvisionnement est muette sur ce point.

5. La législation sur la préparation économique du pays à la guerre doit être mise en harmonie avec les nouveaux articles constitutionnels relatifs au domaine économique.

6. Il est nécessaire d'améliorer par rapport à la réglementation en vigueur les dispositions ayant trait à la protection juridique des citoyens et à la procédure administrative.

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Nous analyserons maintenant les différents motifs qui viennent d'être énoncés : 1. Les pouvoirs que. la loi sur l'approvisionnement confère au Conseil fédéral ne suffisent pas pour assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays.

La loi sur l'approvisionnement répartit entre l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral les attributions dévolues à la Confédération ; elle distihgue trois groupes de mesures: -- les mesures qui peuvent être prises en toute circonstance, -- les mesures à prendre en période troublée et -- les mesures à prendre en cas de danger de guerre imminent.

En toute circonstance, le Conseil fédéral est exclusivement autorisé à prescrire l'inventaire de stocks et d'autres enquêtes (art. 2). En période troublée, il peut notamment prendre des mesures en matière de constitution de réserves (art. 3) ; il a en outre le droit d'ordonner l'extension de l'exploitation agricole et sylvicole (art. 4), d'encourager des études et essais, ainsi que d'autres mesures préparatoires visant à développer dans le pays l'emploi de produits naturels et à y favoriser la production de marchandises indispensables (art. 5) et de prendre les dispositions nécessaires pour assurer les transports en cas de blocus économique ou en temps de guerre (art. 6).

D'autres mesures propres à assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables sont du ressort de l'Assemblée fédérale (art. 1er, 3e al.). Le Conseil fédéral n'est autorisé à décréter de son propre chef toutes mesures utiles tendant à sauvegarder l'approvisionnement du pays qu'en cas de danger de guerre imminent (art. 7).

Ce partage des attributions entre le Conseil fédéral et les chambres est essentiellement l'oeuvre de celles-ci: elles ont voulu en effet limiter les pouvoirs que le projet présenté par le Conseil fédéral entendait lui conférer (Bull. stén. du Conseil des Etats 1938, 24; Conseil national 1938, 151 et ss.).

Peu de temps après l'entrée en vigueur de la loi sur l'approvisionnement, il se révéla déjà que les pouvoirs dévolus au Conseil fédéral en période troublée ne suffisaient pas pour assurer l'approvisionnement du pays. Pour promouvoir la constitution de stocks de certaines marchandises, il fallut recourir au système consistant à subordonner la délivrance des permis d'importation à la condition
que les requérants s'engagent à constituer ce que l'on appelle un stock ou une réserve obligatoire. La loi sur l'approvisionnement ne prévoyant pas ce moyen, nous avons été contraints de solliciter les pouvoirs nécessaires dans notre message du 3 mars 1939 relatif à la prorogation de l'arrêté fédéral urgent du 14 octobre 1933 concernant les mesures de défense économique envers l'étranger (FF 1939, I, 317); cette requête entraîna la revision de cet arrêté; les chambres y donnèrent

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suite en adoptant l'arrêté fédéral du 22 juin 1939 (RS 10, 523). Prorogé à plusieurs reprises, l'arrêté fédéral sur les mesures de défense économique envers l'étranger est encore en vigueur à l'heure qu'il est ; il sera toutefois remplacé, au plus tard pour la fin de 1956, par une nouvelle réglementation (cf. le ILe rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 18 septembre 1954 sur les dispositions prises en application de l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933 concernant les mesures de défense économique envers l'étranger et message sur la prorogation de cet arrêté, FF 1954, II, 253).

D'une manière générale, le nouvel arrêté n'aura cependant pour objet que le commerce extérieur, y compris le trafic international des paiements.

Toutes les mesures tendant à promouvoir la constitution de stocks devraient dès lors être régies par la loi sur laquelle vous êtes appelés à vous prononcer (cf. à ce propos l'art. 7, 3e al., du projet).

D'autres lacunes apparurent après l'ouverture des hostilités en Corée, alors que, pour obvier aux difficultés d'approvisionnement qui en résultèrent, il fallut arrêter à bref délai des mesures sur la surveillance des importations et des exportations, ainsi que des prescriptions restreignant l'emploi de marchandises sujettes à pénurie. La loi sur l'approvisionnement ne nous autorisant pas non plus à agir dans ce sens, nous avons été dans l'obligation, en nous fondant sur l'article premier, 3e alinéa, de la loi sur l'approvisionnement, de demander de nouvelles attributions (message du 30 janvier 1951, FF 1951, I, 320), que l'Assemblée fédérale consentit à nous octroyer pour trois ans par son arrêté du 26 avril 1951. L'évolution de la situation internationale étant très problématique à cette époque-là, les pouvoirs qui nous furent accordés dans le domaine de la réglementation des marchandises furent intentionnellement formulés en termes très généraux; nous n'en fîmes d'ailleurs qu'un usage très modéré (cf. le Ier rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale, du 15 janvier 1954, sur les mesures prises en application de cet arrêté, FF 1954, I, 37). L'arrêté en question cessant de produire effet au 30 avril 1954, le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale estimèrent qu'il était nécessaire de le proroger encore jusqu'à fin 1955 (arrêté de l'Assemblée fédérale du 23 mars
1954, RO 1954, 501), dans l'espoir que la nouvelle loi sur la préparation de la défense nationale économique pourrait entrer en vigueur d'ici là.

L'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951 a le caractère d'une ordonnance législative. Fondé sur une disposition légale (art. 1er, 3e al., de la loi sur l'approvisionnement), il n'était pas soumis au referendum.

Or cet article premier, 3e alinéa, donne précisément lieu à maintes critiques ; il confère à l'Assemblée fédérale un pouvoir législatif extraordinairement étendu dans l'éventualité d'un blocus économique. L'objet des dispositions que l'Assemblée fédérale peut décréter en vertu de cette compétence n'est aucunement défini. Il est fort douteux qu'une telle délégation du pouvoir de légiférer, qui écarte d'emblée la possibilité du referendum, soit encore compatible avec les nouveaux articles constitutionnels d'ordre économique.

794 Aussi la nouvelle loi ne reconnaît-elle plus à l'Assemblée fédérale un pouvoir législatif aussi large, mais confère en revanche au Conseil fédéral certaines attributions complémentaires, qui lui sont déjà dévolues en partie par l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951, notamment dans le domaine des importations et des exportations (art. 16 du projet). Toutefois, le droit de contrôle reconnu à l'Assemblée fédérale est renforcé (art. 20, 4e al.).

Ce déplacement d'attributions s'impose aussi pour des raisons pratiques découlant des expériences faites au cours de ces dernières années.

De sérieuses perturbations entravant nos importations et compromettant notre défense nationale économique peuvent intervenir inopinément; des semaines ou même des mois pourraient s'écouler jusqu'à ce que l'Assemblée fédérale se réunisse pour nous octroyer des pouvoirs supplémentaires; la convocation d'une session extraordinaire serait concevable, il est vrai, mais elle aurait pour effet d'alarmer la popxdation et constituerait peutêtre un moyen tout à fait disproportionné par rapport à la portée très limitée des mesures qui devraient être édictées le cas échéant.

Il se peut que les pouvoirs assez étendus qui, aux termes du projet, devraient être conférés au Conseil fédéral en période troublée se révèlent, eux aussi, insuffisants à la longue. Dans ce cas, il faudrait lui accorder des attributions supplémentaires sous la forme d'arrêtés fédéraux soumis au referendum ou, éventuellement, d'arrêtés fédéraux munis de la clause d'urgence au sens de l'article 8Qbis de la constitution. La nouvelle loi ne s'étend nullement à l'ensemble des pouvoirs que la constitution impartit à la Confédération dans le domaine de la défense nationale économique.

2. Au cas où l'importation de marchandises indispensables serait sérieusement entravée, le Conseil fédéral devrait être investi d'office, avant même que se manifeste un danger de guerre imminent (art. 7 de la loi sur l'approvisionnement), d'attributions supplémentaires spéciales.

Même la loi sur l'approvisionnement en vigueur nous octroie, en cas de danger de guerre imminent, de larges attributions nous permettant do réglementer les marchandises et d'empêcher des hausses de prix injustifiées sur les stocks entreposés dans le pays (art. 7 et 8). Nous fondant sur ces
dispositions, nous avons, le 15 août 1939, autorisé le département de l'économie publique «à prendre, en cas de danger de guerre imminent, des mesures pour régler la distribution des marchandises indispensables» (ordonnance d'exécution Ibis du 15 août 1939 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables, RS 10, 787); le 29 août 1939, le département de l'économie publique reçut la compétence d'ordonner la réquisition d'entrepôts de tout genre, notamment de citernes et de réservoirs (ACF du 29 août 1939 sur la réquisition des entrepôts et réservoirs, RO 55, 764).

795 Les expériences faites depuis la promulgation de la loi sur l'approvisionnement ont cependant démontré que la notion de «danger de guerre imminent» donne un sens trop restrictif à ce que l'on est convenu d'appeler la «troisième phase» prévue dans la loi. Au cours des délibérations parlementaires déjà, le conseiller fédéral Obrecht avait déclaré, au Conseil des Etats, qu'il était malaisé d'établir une démarcation entre les périodes troublées et le danger de guerre imminent (Bull. stén. du Conseil des Etats J.938, 26). Pour des raisons d'ordre politique et psychologique, nous tenons, au surplus, à ne faire usage que le plus tard possible des attributions qui ne nous sont dévolues qu'en cas de danger de guerre imminent; c'est précisément lorsque la situation est critique qu'il faut éviter de semer l'inquiétude parmi la population. Il s'agit dès lors de trouver un autre critère permettant de faire une distinction entre la phase du danger accru, d'une part, et les périodes troublées, d'autre part. Les enseignements que nous avons tirés des événements nous autorisent à affirmer que des pouvoirs plus étendus nous sont nécessaires pour-le moins lorsque les importations de marchandises indispensables sont sérieusement entravées.

Il importe toutefois que ces pouvoirs soient d'emblée clairement définis et limités. Des précisions sur ce point seront données dans le commentaire de l'article 17 du projet; bornons-nous pour l'instant à faire remarquer que les attributions dont nous demandons à être nantis «en cas de danger de guerre imminent» doivent être restreintes par rapport à la réglementation en vigueur. Comme la troisième phase ne se limite plus exclusivement au «danger de guerre imminent», nous nous sommes abstenus de reprendre la formule générale de l'article 7 de la loi sur l'approvisionnement. Il se peut dès lors que la nouvelle loi ne nous donne pas non plus une liberté d'action suffisante si nous nous trouvions un jour dans la, situation caractérisant la troisième phase. Nous serions alors contraints de solliciter des pouvoirs supplémentaires en procédant comme nous l'avons exposé précédemment à propos de la deuxième phase. En cas d'urgence, nous pourrions toujours ordonner les autres mesures nécessaires que l'article 102, chiffre 9, de, la constitution nous autoriserait à prendre directement
en tant que gardiens de la sûreté extérieure de la Suisse, de son indépendance et de sa neutralité.

3. La loi en vigueur n'offre aucun fondement juridique permettant de prendre des mesures en vue de protéger les avoirs suisses en cas de guerre; or la défense nationale économique exige impérieusement des précautions de cette nature.

La loi sur l'approvisionnement régit exclusivement les mesures tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables. On s'était déjà demandé lors des délibérations parlementaires s'il n'y avait pas lieu d'en étendre le champ d'application (Bull. stén. du Conseil national

796 1937, 902); on y a pourtant renoncé. Dès le début de la seconde guerre mondiale, des représentants de la finance, du commerce et de l'industrie demandèrent aux autorités fédérales de prendre des mesures complémentaires visant à protéger les avoirs suisses pour le cas où notre pays serait entraîné dans un conflit international. Donnant suite à cette requête, nous avons pris, le 30 octobre 1939, en vertu des pouvoirs extraordinaires dont nous disposions, un arrêté concernant le transfert du siège des personnes morales et des sociétés commerciales en temps de guerre (RO 55, 1345).

L'étranger prêta attention à cet arrêté et s'en inspira. Les événements ultérieurs montrèrent que de telles précautions sont particulièrement utiles pour soustraire à la mainmise de l'envahisseur les biens et avoirs suisses se trouvant hors de la zone occupée.

Il est essentiel que des mesures de cette nature soient édictées avant l'ouverture des hostilités. Elles ne sont efficaces que si les intéressés qui. se proposent d'en bénéficier sont à même de prendre à temps leurs dispositions. L'article 15 du projet doit dès lors nous donner la possibilité de décréter déjà au cours de la deuxième phase, c'est-à-dire en période troublée, des mesures tendant à protéger les avoirs suisses.

4. Vu l'importance primordiale que revêt l'aspect économique de notre défense nationale, il importe de consacrer légalement le principe selon lequel la préparation économique du pays constitue un devoir permanent de la Confédération; la loi sur l'approvisionnement est muette sur ce point.

L'isolement économique dont la Suisse a souffert pendant plusieurs mois après l'éclatement de la seconde guerre mondiale nous donne de bonnes raisons d'attacher plus d'importance aujourd'hui qu'en 1938 à la préparation économique du pays, qui constitue désormais un des devoirs essentiels et permanents de la Confédération; il apparaît normal par conséquent d'énoncer dans une loi les obligations qui en résultent pour les autorités fédérales. Quoique la préparation de notre défense nationale sur le plan économique soit infiniment moins onéreuse que dans le domaine militaire, il importe de lui vouer une attention soutenue et de l'adapter constamment aux circonstances. En période normale, les préparatifs peuvent se limiter au strict minimum (art. 2 et 3) ; en
période troublée, il est indispensable de les intensifier. C'est au conseiller fédéral Obrecht que revient l'insigne mérite d'avoir organisé l'économie de guerre de telle façon qu'elle ait pu fonctionner dès le 1er septembre 1939. Le fait doit pouvoir se renouveler à l'avenir. Cela exige des préparatifs à longue échéance. Il est nécessaire qu'une personne soit chargée de suivre l'évolution de la situation économique, de juger à quel moment s'impose une amélioration de notre degré de préparation et de soumettre au Conseil fédéral des propositions sur les mesures à prendre. Ces fonctions sont exercées d'ores et déjà par le délégué à la défense nationale économique que nous avons

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nommé en 1948 à titre de précaution. Jusqu'à présent, ces fonctions n'étaient toutefois inscrites dans aucune loi.

5. La législation sur la préparation économique du pays à la guerre doit être mise en harmonie avec les nouveaux articles constitutionnels relatifs au domaine économique.

La loi sur l'approvisionnement est fondée sur l'article 85, chiffre 6, de la constitution. Lorsqu'elle fut édictée, il n'existait pas d'autre base constitutionnelle. Ultérieurement, le peuple et les cantons ont adopté, le 6 juillet 1947, les nouveaux articles d'ordre économique qui octroient à la Confédération, des pouvoirs législatifs étendus ; l'article 32 de la constitution précise cependant sous quelle forme la Confédération est autorisée à légiférer. Il y a lieu par conséquent d'examiner si les lois antérieures à l'adoption de ces articles d'ordre économique sont en harmonie avec le nouveau droit constitutionnel; si tel n'est pas le cas, il faut les y adapter. Aux termes des articles constitutionnels d'ordre économique, les mesures de précaution pour le cas de guerre peuvent porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie lorsque l'intérêt général le justifie (art. 31&is, 3e al., lettre e, de la Cst.); mais il importe que ces mesures soient définies dans la loi d'application de façon que, dans l'éventualité d'un referendum, les citoyens puissent en apprécier la portée. Des dispositions de caractère général, en vertu desquelles le législateur délègue aux autorités fédérales des pouvoirs indéterminés -- l'article premier, 3e alinéa, de la loi sur l'approvisionnement en est un exemple ·--- ne sont plus compatibles avec le nouvel article 32 de la constitution (cf. l'avis de droit de M. Steiner, ancien juge fédéral, sur la constitutionnalité de l'avant-projet du délégué relatif à une loi fédérale sur la défense nationale économique; Meiner Giacometti, Bundesstaatsrecht, p. 800, s'exprime encore plus catégoriquement). Les mesures admises ne sauraient cependant être réglées en détail dans la loi elle-même, car elle doit justement donner la faculté de faire face à des événements qui ne sont que partiellement prévisibles. Les attributions du Conseil fédéral sont pourtant définies de façon beaucoup plus précise que dans la loi en vigueur; le présent projet a, par le fait même, plus d'ampleur que la loi de 1938
-- ce dont il faut s'accommoder bon gré mal gré.

6. Il est nécessaire d'améliorer par rapport à la réglementation en vigueur les dispositions ayant trait à la protection juridique des citoyens et à la procédure administrative.

Au cours des délibérations auxquelles ont donné lieu les lois et arrêtés fédéraux qui ont été édictés ces dernières années en vertu des nouveaux articles constitutionnels d'ordre économique (statut de l'horlogerie, loi sur l'agriculture, etc.), il s'est révélé qu'un énoncé plus précis des mesures

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administratives reconnues et qu'une amélioration de la protection juridique des citoyens répondaient à un voeu assez général. Il apparaît indispensable d'en tenir compte aussi en l'occurrence (cf. les chapitres 6 et 7 sur les mesures et la procédure administratives).

Au surplus, les dispositions pénales du nouveau projet doivent être adaptées au code pénal entré en vigueur en 1942 (art. 35 et ss.).

II. L'élaboration de la nouvelle loi Nous avons chargé le délégué à la défense nationale économique d'élaborer la nouvelle loi. Fin novembre 1952, il soumit à l'appréciation des cantons et des associations économiques l'avant-projet d'une «loi sur la défense nationale économique», qui devait être fondée tant sur les articles constitutionnels d'ordre économique que sur l'article 85, chiffre 6, de la constitution, disposition qui est la base constitutionnelle de la loi en vigueur. Selon cet avant-projet, des attributions étendues en matière de défense nationale économique devaient être dévolues aux autorités fédérales, soit à l'Assemblée fédérale, d'une part, et au Conseil fédéral, de l'autre.

Il suscita beaucoup d'intérêt, mais donna lieu à des avis fort divergents. Nombre de cantons et quelques associations économiques centrales, (entre autres l'union des villes suisses, l'alliance de sociétés féminines suisses, l'union suisse des paysans et l'union syndicale suisse) en approuvèrent la conception. Divers cantons laissèrent pourtant entendre que certaines dispositions risquaient de conférer aux autorités un trop large pouvoir d'intervention. Le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie, l'union centrale des associations patronales suisses et l'union suisse des arts et métiers désapprouvèrent l'avant-projet; d'autres associations et groupements formulèrent également des critiques assez sévères. Les articles 22 sur la prise en charge et l'utilisation de matières de remplacement indigènes et 27 concernant le contrôle des prix furent particulièrement combattus. Les associations précitées exprimèrent l'opinion qu'une réglementation aussi poussée de la défense nationale économique n'était ni souhaitable, ni nécessaire, d'autant moins qu'elle ne saurait vraisemblablement, d'après les expériences faites, prévoir toutes les hypothèses. Ces adversaires estimèrent qu'il serait préférable de se
borner à reviser partiellement la loi sur l'approvisionnement et, si la situation internationale l'exigeait, d'instituer au moment voulu les mesures qui s'imposeraient. Certains allèrent môme jusqu'à prétendre que l'avant-projet octroyait à la Confédération des pouvoirs outrepassant ceux qui lui sont dévolus par la constitution, bien que sa constitutionnalité ait été reconnue en tous points dans l'avis de droit rédigé par l'ancien juge fédéral Hans Steiner, qui était président de la cour de droit public du Tribunal fédéral.

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D'entente avec le département de l'économie publique, le délégué remania son avant-projet en s'efforçant de tenir compte, autant que possible, des objections qui avaient été soulevées; pour les raisons déjà citées, le principe de la revision totale ne fut toutefois pas abandonné. Telle est l'origine du projet du département, qui restreignait à divers égards les attributions dont le Conseil fédéral devait être nanti. La disposition contestée concernant la prise en charge et l'utilisation de matières de remplacement indigènes en fut retranchée; le pouvoir d'édicter des prescriptions sur les prix a été précisé.

En mars 1954, les cantons et les associations économiques centrales ont été invités à se prononcer sur le projet du département. Les critiques formulées reflétèrent des opinions diamétralement opposées à celles que l'avant-projet du délégué avait suscitées. Les syndicats tinrent pour insuffisants les pouvoirs restreints dévolus au Conseil fédéral pour lutter contre les hausses des prix. L'union suisse des paysans et les organisations forestières, suivies par les groupements syndicaux, exigèrent au cours de plusieurs démarches -- en fin de compte dans une requête du 15 mars 1955 -- qu'on réintroduise dans la nouvelle loi une disposition permettant de protéger la production indigène de matières de remplacement, comme celles que fabrique par exemple la S. A. pour la saccharification du bois, à Domat/Ems. Quelques entreprises industrielles intervinrent dans le même sens en demandant d'insérer dans la loi une disposition de caractère durable protégeant, en matière d'importation et d'exportation, les industries dont les produits sont indispensables à l'approvisionnement du pays, lorsque nos importations sont entravées.

Le projet du département fut sensiblement remanié, compte tenu des nouveaux avis et suggestions formulés; nous spécifierons, s'il y a lieu, dans le commentaire des articles (IIIe partie) les modifications apportées au texte primitif. Le présent projet apporte au problème controversé de la protection de la production indigène, telle que la prise en charge de matières de remplacement indigènes, une solution de conciliation qu'on doit tenir pour acceptable.

Des considérations d'ordre économique et juridique continuent à s'opposer à l'adoption d'une disposition générale prévoyant une
protection en matière d'importation et d'exportation, de même qu'à l'obligation de la prise en charge de produits de remplacement indigènes, fondée sur une telle disposition. Etablir un juste équilibre entre les intérêts de nos fabricants et l'intensité de la concurrence étrangère, c'est là un problème qui relève spécifiquement de la politique commerciale et qui, en raison de sa portée, ne peut pas être réglé dans le cadre d'une loi spéciale sur la préparation de la défense nationale économique. Il exige une solution qui doit s'harmoniser avec les aspects généraux de notre politique commerciale et ne pas s'écarter de nos engagements internationaux, qu'ils soient d'ordre

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multilateral ou bilatéral; c'est dire que nous ne pouvons recourir qu'aux moyens admis sur le plan international (plus spécialement par l'Organisation européenne de coopération économique). Ainsi, il ne faut pas céder à l'illusion de croire que nous pourrions par exemple, au mépris des conventions qui nous lient, instituer des restrictions quantitatives à l'importation dans les cas où le code commercial international condamne ce procédé.

La protection douanière se substitue de plus en plus au système des restrictions quantitatives à l'importation, dont le discrédit ne fait que s'accentuer. On s'explique mieux dès lors pourquoi les experts chargés de mener à bien la revision de notre tarif douanier se sont, eux aussi, efforcés jusqu'à présent d'harmoniser les intérêts légitimes de nos fabricants et les exigences de notre politique en matière d'importation tout en tenant compte des nécessités de l'économie de guerre. A cet égard, il ne serait pas non plus recommandable de compliquer et, partant, de compromettre inutilement l'élaboration du nouveau tarif douanier en introduisant par anticipation dans le présent projet de loi une disposition générale concernant la protection de certaines catégories d'entreprises. Certaines réclamations auxquelles donnent lieu les mesures de dumping pratiquées à l'étranger ne sauraient motiver une disposition offrant la protection requise. La loi du 10 octobre 1902 sur le tarif des douanes (art. 4, 2e al. ; RS 6, 705) nous autorise d'ailleurs à prendre, au besoin, les mesures nécessaires pour faire face aux exportations à caractère de dumping destinées à la Suisse.

Par surcroît, l'économie suisse est si complexe et si vulnérable que la portée d'éventuelles mesures de protection, quoique préconisées dans l'intention de sauvegarder les intérêts du pays en période d'approvisionnement difficile, doit être examinée avec un soin minutieux. C'est pourquoi personne ne conteste que seules des considérations touchant l'économie nationale dans son ensemble, à l'exclusion d'intérêts particuliers, peuvent justifier des mesures de protection du genre de celles dont il est question. Si l'on admettait le contraire, de telles interventions de l'Etat pourraient facilement favoriser certaines entreprises au détriment de la collectivité. Ce sont les raisons pour lesquelles nous n'avons
pas pu nous résoudre à insérer dans le projet une disposition portant sur une protection générale en matière d'importation et d'exportation; nous nous sommes bornés à signaler dans un nouvel article 19 les possibilités de recourir à de telles mesures de protection dans des cas spéciaux.

Le procédé énoncé à l'article 19 entrerait par conséquent en ligne de compte si les fondements légaux existants ne permettaient pas d'envisager dès maintenant de solution propre à tel ou tel domaine particulier, contrairement à ce qui été possible par exemple pour la ferraille et les déchets de métaux non ferreux.

Le régime actuel auquel est soumise la ferraille est imposé à la Suisse par la réglementation adoptée à l'étranger et instituée notamment par la

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communauté européenne du charbon et de l'acier. Aussi longtemps que subsistera cette réglementation, nous aurons la faculté de sauvegarder les intérêts des consommateurs suisses de ferraille en subordonnant l'exportation de cette marchandise à la délivrance d'un permis, en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés par l'arrêté fédéral sur les mesures de défense économique envers l'étranger. Pour ce qui est des métaux non ferreux, la perception de droits à l'exportation, instituée déjà dans les années «trente», constitue un avantage substantiel au profit des entreprises pratiquant la refonte des vieux métaux. Dans ce domaine également, la Confédération dispose de pouvoirs suffisants, lui permettant de sauvegarder comme par le passé les intérêts de ces maisons.

Quant au maintien en activité des usines de Domat/Ems, dont le carburant a encore une certaine importance pour l'approvisionnement du pays lorsque nos importations sont entravées, il convient de faire remarquer que c'est une question qui n'est pas uniquement en rapport avec les précautions à prendre pour le cas de guerre; elle relève tout autant, sinon davantage, de l'aide économique à apporter au canton des Grisons. Sur ce point, le gouvernement de ce canton s'est exprimé de la façon suivante dans une requête qu'il nous a adressée le 11 février 1955 (traduction): ... Il s'agit de venir en aide à l'économie du canton des Grisons en général et, plus particulièrement, de favoriser l'exploitation des forêts au profit des paysans des montagnes. . .. Cet objectif garde toute sa valeur en dépit des exigences inhérentes à la sauvegarde de l'approvisionnement du pays ...

C'est pourquoi nous présenterons aux chambres fédérales un projet spécial à ce sujet et leur soumettrons nos propositions.

Sous son aspect juridique, le nouvel article 19 du projet appelle les quelques explications que voici: Si l'intérêt général exigeait, à titre de précaution pour le cas de guerre, que certains produits indigènes fussent protégés, même lorsque l'on note une détente de la situation internationale, ou que leur fabrication fût encouragée par des subsides fédéraux, une mesure aussi importante, en tant que les fondements légaux existants ne suffisent pas, devrait reposer sur l'article 3lois, 3e alinéa, lettre e, de la constitution; il faudrait au surplus se conformer aux modalités prévues à l'article 32 de la constitution: les cantons et les groupements économiques intéressés devraient d'abord être consultés; d'autre part, les mesures dont l'adoption est envisagée en vue de l'exécution de l'article Slbis de la constitution ne pourraient être établies que sous la forme de lois ou d'arrêtés fédéraux de portée générale, de façon que les citoyens puissent en apprécier la teneur et, le cas échéant, demander une votation populaire. Attendu que de telles mesures sont prises à assez longue échéance et que l'on ne peut s'en faire une idée précise qu'au moment où elles s'imposent -- avec leurs dérogations éventuelles au principe de la liberté du commerce et de l'industrie --, il est indispensable que le droit de

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referendum soit sauvegardé. Même si l'application des mesures en question ne souffrait aucun retard en raison de perturbations économiques et si l'Assemblée fédérale les instituait et les mettait en vigueur immédiatement par un arrêté fédéral urgent, l'article SQbis, 2e alinéa, de la constitution permettrait aux citoyens de demander le referendum pour que le peuple suisse ait l'occasion do se prononcer après coup sur le maintien des mesures adoptées. Celles-ci reposeraient juridiquement, nous l'avons dit, sur l'article Slbis, 3e alinéa, lettre e, de la constitution. Pour éviter tout malentendu, nous avons tenu à faire ressortir expressément, en insérant l'article 19 dans le présent projet, que les mesures qu'il prévoit à titre de précaution pour le cas de guerre n'empêchent pas d'édicter des actes législatifs de portée plus étendue au sens de l'article Slbis, 3e alinéa, lettre e, de la constitution (voir aussi à ce propos les explications données sous chiffre 1/1 in fine, p. 794).

En résumé, il convient de constater qu'aux pouvoirs dont nous disposons déjà pour prendre des mesures de protection dans des cas particuliers viennent s'ajouter les possibilités en corrélation avec l'article 19 du projet; cette solution, qui représente un utile compromis, ne ferme pas la voie à d'éventuelles dispositions spéciales impliquant une protection motivée par les nécessités de la prévoyance en matière économique et respecte simultanément les droits que l'article 32 de la constitution reconnaît aux cantons et aux groupements économiques, d'une part, aux citoyens, de l'autre.

La préparation de la nouvelle loi s'étend déjà sur trois bonnes années.

Dans l'intervalle, l'armistice a été conclu en Corée et en Indochine. Les perspectives d'une paix durable ne se sont pourtant guère améliorées cette année. La «guerre froide», qui se caractérise par une alternance imprévisible de tensions et de brèves détentes, met les peuples à rude épreuve.

La peur cède le pas à l'indifférence et inversement. Il est dès lors d'autant plus nécessaire que la fermeté et la perspicacité soient les traits dominants de la politique du gouvernement. La nouvelle loi doit précisément lui permettre d'agir selon ces préceptes dans le domaine de la prévoyance en matière économique.

III. Les dispositions de la loi Titre et préambule Le nouveau
titre proposé : «Loi fédérale sur la préparation de la défense nationale économique», s'inspire de l'énoncé de l'article Slbis, 3e alinéa, lettre e, de la constitution, selon lequel la Confédération a le droit d'édicter

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des dispositions sur «des mesures de précaution en vue de temps de guerre».

En choisissant ce titre, nous avons voulu montrer d'abord que la nouvelle loi, à la différence de la réglementation en vigueur, n'a pas pour seul objet d'assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables, mais prévoit aussi d'autres mesures permettant de se prémunir contre la guerre; il ressort en outre de la dénomination adoptée que la nouvelle loi se limite, elle aussi, aux mesures qui pourraient s'imposer avant le déclenchement d'une guerre et l'octroi de nouveaux pouvoirs extraordinaires.

Le préambule mentionne en premier lieu, comme bases constitutionnelles, les articles Blbis, 3e alinéa, lettre e, et 32 adoptés lors de la revision des articles de la constitution relatifs au domaine économique. En vertu de la première de ces dispositions, la Confédération est autorisée à édicter des prescriptions sur les mesures de précaution en vue de temps de guerre «lorsque l'intérêt général le justifie», ces prescriptions pouvant, «s'il le faut», déroger au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Nous avons exposé dans la première partie de ce message pourquoi la loi que nous vous soumettons répond à l'intérêt général. Conformément à l'article 32, 2e et 3e alinéas, de la constitution, les cantons et les groupements économiques intéressés doivent être consultés lors de l'élaboration des lois d'exécution reposant sur les articles constitutionnels d'ordre économique.

Tel a été le cas; les avis exprimés ont été commentés dans la deuxième partie du message.

Aux termes de l'article 32, 2e alinéa, de la constitution, les cantons seront chargés, «en règle générale», d'exécuter les dispositions fédérales.

Il incombe en revanche à la Confédération d'édicter elle-même la plupart des mesures qui s'imposent, ce qui répond d'ailleurs à la volonté des cantons.

Certaines tâches déterminées leur sont néanmoins confiées (art. 5, 2e et 3e al. ; art. 6; art. 21, 1er a i_). A cet égard, le projet est constitutionnel aussi, l'article 32, 2e alinéa, de la constitution ne posant qu'un principe souffrant des exceptions.

L'article 32, 3e alinéa, de la constitution autorise formellement la Confédération à s'adresser aux groupements économiques intéressés pour les faire coopérer à l'application des prescriptions
d'exécution. Selon l'article 22, 2e alinéa, du projet, nous pouvons faire usage de cette faculté.

Dans son préambule, le projet mentionne aussi les articles 64 et 64 ois de la constitution parce qu'ils contiennent des dispositions spéciales relevant du droit civil (art. 8, 2e al.), du droit régissant la poursuite pour dettes et la faillite (art. 10 et 11) et du droit pénal (art. 35 à 40).

Il n'est plus fait état, en revanche, de l'article 85, chiffre 6, de la constitution, sur lequel est fondée la loi en vigueur, parce que l'article 3lbis, 3e alinéa, lettre e, de la constitution prévaut en tant que prescription spéciale.

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Article premier: Objet L'article premier, 1er alinéa, de la loi en vigueur en fixe l'objet. Bien que, juridiquement, une disposition de ce genre ne soit pas absolument nécessaire dans la nouvelle loi, nous avons estimé qu'elle se justifiait parce qu'elle est de nature à faciliter sensiblement l'application et l'interprétation du texte légal. Des mesures quelconques prévues dans la loi ne peuvent être décrétées que si «elles sont nécessaires pour assurer l'approvisionnement de la population et de l'armée en marchandises indispensables et pour protéger les avoirs suisses». Cette formule circonscrit le cadre dans lequel s'inscrivent les diverses attributions dévolues à la Confédération. Il en résulte notamment que la loi ne saurait servir de fondement légal à des mesures générales relevant de la politique commerciale et économique ou tendant à venir en aide à certaines branches. De même, dans une guerre froide opposant les grandes puissances et entraînant l'institution d'un système de blocus et de contre-blocus, les mesures nécessaires pour en combattre les effets ou pour assurer l'approvisionnement du pays ne pourraient être fondées sur la nouvelle loi qu'en tant qu'elles s'imposeraient simultanément à titre de précaution pour le cas de guerre proprement dit; des mesures de plus grande portée destinées à nous prémunir contre l'interruption de nos voies d'accès devraient, en revanche, faire l'objet d'actes législatifs spéciaux. C'est en quoi le champ d'application de la nouvelle loi a été restreint par rapport à celui de la loi sur l'approvisionnement, qui, à l'article premier, 1er alinéa, envisage d'une façon toute générale des mesures en période de blocus économique. La nouvelle base constitutionnelle exige cette limitation.

Selon l'article premier, les mesures de précaution pour le cas de guerre tendent : 1. A assurer l'approvisionnement de la population et de l'armée en marchandises indispensables et 2. A protéger les avoirs suisses.

Sont considérés comme indispensables tous les biens nécessaires pour couvrir les besoins journaliers et sauvegarder l'existence de l'économie suisse. Il s'agit non seulement de marchandises, mais aussi d'énergies (électricité, énergie atomique) qui sont également essentielles en cas de guerre.

Tant le préambule que l'article premier font ressortir que la loi sert
uniquement à faire face à des événements antérieurs à la guerre. Si une nouvelle guerre exigeant une vaste réglementation éclatait, toutes les mesures à prendre devraient être fondées sur des pouvoirs extraordinaires, comme ce fut déjà le cas de 1914 à 1918 et de 1939 à 1945.

805 CHAPITRE PREMIER Mesures préparatoires

Art. 2: Préparatifs d'ordre administratif et juridique L'article 2 donne au Conseil fédéral l'ordre formel de prendre dès le temps de paix les mesures d'ordre administratif et juridique en vue d'assurer le fonctionnement de l'économie de guerre. Vu l'aggravation de la situation internationale au cours de ces dernières années, nous avons déjà poussé énergiquement ces préparatifs. En nous inspirant de ce qui avait été fait en 1938/1939, mais en tirant parti des enseignements de la dernière guerre, nous avons créé sur les plans fédéral, cantonal et communal une nouvelle organisation de l'économie de guerre («organisation latente») (cf. notamment l'ordonnance non publiée du 14 avril 1950 sur l'organisation et les tâches de l'économie de guerre) et élaboré la législation s'y rapportant.

Ces préparatifs portent en premier lieu sur la mise au point des actes législatifs dits fondamentaux, selon lesquels nous déléguons au département de l'économie publique, en vertu des pouvoirs extraordinaires que l'Assemblée fédérale pourrait être appelée à nous octroyer, les attributions nécessaires en matière d'économie de guerre, le département procédant de même à l'égard des offices de l'économie de guerre. À cela s'ajoute l'élaboration des textes législatifs régissant en détail toutes les mesures qui devront être décrétées dès l'instauration d'un régime d'économie de guerre. Ces travaux sont achevés pour l'essentiel, mais il faut toujours, de temps à autre, adapter cette législation aux nouvelles circonstances. C'est pourquoi l'article 2 précise que le maintien d'un degré de préparation suffisant dans le domaine de l'économie de guerre relève de nos tâches permanentes.

Il est essentiel que l'économie de guerre soit prête à fonctionner dès que nous aurons été investis de nouveaux pouvoirs extraordinaires. En revanche, l'article 2 du projet ne confère pas aux autorités fédérales le droit de décréter des dispositions de portée générale ou d'allouer des subventions; elles sont exclusivement autorisées à préparer les mesures et textes législatifs nécessaires.

L'article 2, 2e alinéa, consacre le principe des «milices» dans le domaine de l'économie de guerre. Déjà sous le régime de la dernière économie de guerre (1939-1945), on avait placé à de nombreux postes de commande importants des personnalités appartenant à
l'économie privée, ainsi que de hauts fonctionnaires des administrations publiques. Ces cadres ont assumé, avec le concours des services permanents de la Confédération, la direction de l'économie de guerre et assuré son fonctionnement. Ce système s'est révélé judicieux.

Certaines associations économiques centrales ont soulevé dans leurs consultations la question du statut et de la responsabilité des membres de Feuille fédérale. 107e année. Vol. I.

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l'organisation latente de l'économie de guerre. A condition qu'elles ne soient pas déjà au service de la Confédération, ces personnes ne sont pas des fonctionnaires fédéraux au sens de la loi du 30 juin 1927 sur le statut des fonctionnaires. Elles exercent leurs fonctions à titre accessoire. Elles sont néanmoins soumises a l'autorité de la Confédération, à l'instar des commandants d'unités d'armée, des ministres et des consuls, qui ne sont pas considérés comme fonctionnaires fédéraux au sens strict du terme (art. 62 de la loi sur le statut des fonctionnaires ; Fleiner-Giacometti, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 657). Les chefs des offices et des sections de l'économie de guerre, ainsi que leurs suppléants, sont nommés par le chef du département de l'économie publique et ont en principe les mêmes devoirs et la même responsabilité que les fonctionnaires fédéraux (art. 8 de l'ordonnance, non publiée, du 14 avril 1950 sur l'organisation et les tâches de l'économie de guerre). C'est dire que le personnel de l'organisation latente de l'économie de guerre répond d'abord envers ses supérieurs de l'accomplissement consciencieux des tâches qui lui sont confiées. La responsabilité à l'égard du peuple est assumée par le Conseil fédéral. En cas de violation des devoirs de service, la responsabilité civile, disciplinaire et pénale envers la Confédération et à l'égard de tiers est régie par les articles 26 à 36 de la loi du 30 juin 1927 sur le statut des fonctionnaires (RS 1, 459) et les articles 40 à 43 de la loi du 9 décembre 1850 sur la responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération (RS 1, 434). La revision de cette dernière loi est en cours (cf. la fin de notre commentaire sur l'art. 25).

Par une autre ordonnance (non publiée) du 14 avril 1950 nous avons institué une «commission de défense nationale économique» en tant qu'« organisme consultatif suprême chargé d'examiner les questions générales et les questions de principe de la défense nationale économique eu égard, surtout, aux exigences de la défense totale du pays». Le département de l'économie publique y est représenté par six membres, le département militaire par trois et chacun des autres par un. La commission est présidée par le chef du département de l'économie publique. Parmi les représentants de ce département figurent
le délégué à la défense nationale économique et les chefs des principaux offices de l'économie de guerre. Il n'est pas nécessaire que l'existence de cette commission soit expressément reconnue par la nouvelle loi.

Quelques organes consultés ont toutefois suggéré d'admettre également au sein de la commission des représentants de l'économie privée.

La chose est réalisable en tout temps sans qu'il faille pour autant le prévoir spécialement dans la loi. Nous croyons cependant pouvoir renoncer pour l'instant à donner suite à cette proposition, attendu que l'organisation latente de l'économie de guerre est composée en majeure partie de personnalités appartenant à l'économie privée ; aussi bien le commerce, l'industrie et l'artisanat que les milieux ouvriers y sont représentés.

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Art. 3: Inventaires et autres enquêtes Parmi les mesures qui peuvent être prises en toute circonstance, l'article 2 de la loi en vigueur mentionne déjà les inventaires et autres enquêtes sur les possibilités de production. Une disposition nouvelle, qui ne figure pas expressément dans la loi en vigueur, nous autorise à ordonner des enquêtes sur les besoins du pays en marchandises indispensables. Il nous appartiendra de décider si et dans quelle mesure il y a lieu de procéder, en période normale, à des inventaires et enquêtes. En tout état de cause, nous devons avoir la faculté de nous procurer périodiquement, et chaque fois que le besoin s'en fera sentir, les renseignements nous permettant d'adapter la défense économique à l'évolution de la situation internationale.

CHAPITRE DEUXIÈME Mesures à prendre en période troublée

A l'instar de la réglementation en vigueur, le projet nous investit d'attributions supplémentaires en période «troublée». A plusieurs reprises, on a exprimé le désir que la nouvelle loi précise ce qu'elle entend par «période troublée». Personne n'a pourtant été à même d'en donner une définition satisfaisante. Il ne faut pas s'en étonner. En effet, fixer le moment où une intensification de nos préparatifs nous paraît s'imposer constitue un problème relevant de la politique de l'Etat. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les temps ont toujours été troublés depuis l'aggravation des tensions entre l'Est et l'Ouest en 1947/1948.

Nous sommes d'avis que le projet ne devrait prévoir, en période troublée, qu'un nombre limité de mesures (art. 4 à 16). Selon certaines suggestions, c'est l'Assemblée fédérale qui devrait être appelée à décider si les temps sont «troublés» au sens de la loi. Mais si l'on devait attendre, pour prendre les mesures nécessaires, que l'Assemblée fédérale, après un débat sur la situation internationale, se soit prononcée, un temps précieux serait perdu. Ce retard serait particulièrement préjudiciable à la constitution de réserves. La discussion qui s'engagerait aux chambres pourrait, au surplus, avoir de funestes répercussions dans le pays même et à l'étranger.

Art. 4: Stocks/I. Généralités L'article 4 sert de fondement général aux mesures que la Confédération prendrait dans le domaine de la constitution de stocks. Les autres articles contiennent des dispositions spéciales. Le projet distingue: -- les stocks constitués de plein gré par des tiers (ménages, entreprises, communes et cantons) et dont la Confédération encourage la formation, le maintien et l'accroissement (art. 4, 1er al.) ; -- les stocks appartenant à la Confédération (art. 4, 2e al.) ;

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-- les stocks minimums de denrées alimentaires dont la constitution est prescrite à des entreprises (art. 5, 1er et 2e al.) ; -- les stocks de sel et les stocks pour personnes de condition modeste, dont la constitution est prescrite aux cantons (art. 5, 3e al., et art. 6) ; -- les stocks dits obligatoires, constitués en vertu de contrats passés entre la Confédération et des particuliers (art. 7 à 11).

Les moyens qui, aux termes de l'article 4,1er alinéa, tendent à encourager la constitution, le maintien et l'accroissement de stocks par des tiers ne sont pas énumérés limitativement. Un simple appel à la population l'invitant à constituer des réserves est déjà considéré comme un encouragement; à cela s'ajoute la concession d'avantages, y compris l'octroi de subsides, de prêts et de garanties. A cet égard, une certaine modération est toutefois souhaitable en ce qui concerne les stocks que la Confédération ne contrôle pas -- et qu'elle ne pourrait pas vérifier sans instituer un système compliqué et coûteux. Cette remarque s'applique aussi bien aux provisions de m'énage qu'aux stocks constitués volontairement par les entreprises, provisions et stocks pour lesquels l'octroi de subsides, de prêts et de garanties n'entre pas en ligne de compte.

Pour ce qui est des réserves de ménage, la Confédération se borne à recommander en temps voulu à la population de constituer des provisions de certaines marchandises, notamment de denrées alimentaires, de combustibles, etc. Durant l'interdiction temporaire de vente qui sera décrétée lors de l'institution du rationnement, les ménages privés de provisions devront bon gré mal gré -- sous réserve de l'article 6 du projet -- se passer des marchandises qu'ils ne pourront plus se procurer. A propos des provisions de ménage, l'article 8, 4e alinéa, de la Ire ordonnance d'exécution du 30 décembre 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (inventaire et constitution de stocks) déclare: «Les provisions de ménage ne donnent pas lieu à subvention. Les ménages qui conservent en temps normal d'importantes provisions doivent pouvoir en disposer, en période de blocus économique ou en temps de guerre, dans les limites des dispositions qui seront édictées par le département de l'économie publique.» Nous continuerons à appliquer ce principe,
qui est le meilleur pour inciter la population à faire des provisions.

Il n'est pas nécessaire de prévoir -- indépendamment de l'article 4, 1er alinéa -- une disposition légale spéciale relative aux provisions de ménage.

La société coopérative Migros a suggéré que la Confédération participe aux frais qu'impliqué la constitution de provisions de ménage. Si cette proposition était agréée, ces provisions devraient être contrôlées périodiquement ; s'il se révélait qu'elles ne sont plus intactes ou que les marchandises ne sont plus fraîches, il faudrait infliger des sanctions. Ces complications

809 pèseraient d'un poids beaucoup plus lourd dans la balance que les avantages de la mesure préconisée. Aussi n'est-il pas possible d'en envisager la réalisation.

Divers cantons et groupements économiques se sont prononcés en faveur d'une disposition selon laquelle les réserves constituées volontairement par les entreprises ne devraient pas être imputées sur les attributions en cas de restrictions, ni soumises aux prescriptions sur la livraison obligatoire.

Une garantie de ce genre, dit-on, serait fort bien accueillie par nombre de chefs d'entreprise et les encouragerait à constituer des réserves ou à en accroître le volume. Sur ce point, l'article 8, 7e et 8e alinéas, de la Ire ordonnance d'exécution précitée dispose: Les stocks constitués volontairement, notamment ceux pour lesquels l'Etat n'a pas accordé de subvention, doivent, en tant que le permet l'intérêt du pays, être laissés à leur propriétaire en période de blocus économique ou en temps de guerre. Le séquestre et l'expropriation seront traités dans une ordonnance spéciale.

En se fondant sur l'article 7 de la loi sur l'approvisionnement, en cas de -danger de guerre imminent, ou sur les pouvoirs extraordinaires, après l'ouverture des hostilités, la Confédération a donc la faculté, selon le régime en vigueur, d'exiger que certaines réserves non obligatoires lui soient remises si l'intérêt du pays l'exige, c'est-à-dire s'il n'y a pas moyen de faire autrement pour approvisionner la population et l'armée en marchandises indispensables.

Les cantons et groupements économiques dont il a été question auraient désiré que la Confédération spécifiât dans la nouvelle loi qu'elle renonce de façon absolue à cette faculté. Un engagement général d'une telle portée, s'appliquant à toutes les marchandises indispensables, ne saurait être contracté une fois pour toutes. Il est tout à fait concevable, en revanche, que les autorités fédérales autorisent expressément les entreprises à disposer librement de certaines catégories de marchandises en stock, pourvu que des concessions de cette nature soient conciliables avec les principes qui régiront une nouvelle économie de guerre; une disposition légale spéciale n'est pas nécessaire à cet eifet ; l'article 4, 1er alinéa, suffit. Une autre mesure encore contribue à assurer le maintien et l'accroissement des
stocks: il s'agit des contrats que la Confédération passe avec des entreprises étrangères et qui portent sur des livraisons de marchandises à la Suisse, les autorités fédérales se faisant donner par l'Etat dont relèvent ces entreprises la garantie officielle qu'il ne s'opposera sous aucun prétexte à la stricte exécution des conventions. Un exemple typique de ce genre d'accord est le contrat que la Confédération a conclu le 23 juillet 1953 avec les «Charbonnages de France», sur lequel nous vous avons fait rapport le 28 septembre 1953 (réponse à l'interpellation Klöti au Conseil des Etats) et le 30 septembre de la même année (réponse à l'interpellation Vontobel au Conseil national).

Dans le dessein de compléter les stocks dont disposent l'économie privée et les particuliers, la Confédération est autorisée, selon l'article 4,

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2e alinéa, à constituer des stocks lui appartenant en propre ou à augmenter le volume de ceux qu'elle possède déjà. Dans la loi sur l'approvisionnement (art. 3, 1er al., lettre a), les stocks de la Confédération sont mentionnés en premier lieu. Il est plus conforme à notre régime économique que la constitution de stocks relève d'abord des tâches de l'économie privée; dans ce domaine comme dans tous les autres, l'intervention de l'Etat a pour seul but de compléter les mesures privées et de combler d'éventuelles lacunes.

Le projet cherche à exprimer cette idée plus nettement que la loi en vigueur.

Les stocks de la Confédération doivent servir avant tout à assurer le mieux possible l'approvisionnement de l'armée et de l'administration fédérale en marchandises indispensables en période de blocus économique ou en temps de guerre. La prévoyance des autorités ne peut toutefois intéresser l'économie et les consommateurs que si la Confédération dispose de réserves supérieures à celles qu'il lui faut pour couvrir ses propres besoins.

Maintes consultations ont suggéré que le législateur devrait non seulement autoriser, mais aussi obliger le Conseil fédéral à encourager la constitution de stocks privés et à détenir des réserves appartenant à la Confédération. Il est évident que nous sommes tenus de faire usage des pouvoirs qui nous sont conférés pour couvrir les besoins de la population et de l'armée. Mais quant à savoir à quel moment de telles mesures s'imposent et quelle doit en être la portée, c'est là une question qui sera fort controversée. Il est impossible d'assurer de façon absolue pour une durée indéterminée l'approvisionnement de la population et de l'armée en marchandises indispensables. Il est nécessaire dès lors que le législateur nous accorde une certaine liberté d'appréciation. L'énoncé de l'article 4, 2e alinéa, du projet, au même titre d'ailleurs que l'article 3 de la loi en vigueur, répond à cette exigence.

La société coopérative Migros a proposé d'insérer dans le projet une disposition spéciale, selon laquelle nous devrions pouvoir exiger que la banque nationale mette de l'or à notre disposition contre nantissement des stocks de marchandises indispensables appartenant à la Confédération.

Les promoteurs de cette idée sont d'avis que ce système faciliterait la constitution de réserves
par la Confédération. Une telle disposition est toutefois superflue. L'article 14, chiffre 1, de la loi du 23 décembre 1953 sur la banque nationale suisse (BO 1954, 613) l'autorise d'une façon générale à escompter les rescriptions émises par la Confédération sans lui imposer l'obligation de requérir des sûretés sous la forme de valeurs quelconques constituées en gage. Dans le cadre de son activité normale, la banque nationale est appelée de toute façon à fournir à la Confédération les devises dont elle a besoin pour la constitution de stocks supplémentaires. Au besoin, la banque nationale peut se procurer ces devises en vendant de l'or. La présente loi -- ainsi que le spécifie l'article 4, 3e alinéa -- ne s'applique pas à l'obligation de la Confédération de détenir des réserves de céréales

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panifiables, cette question étant régie par la loi du 7 juillet 1932/21 décembre 1950 sur le ravitaillement du pays en blé (RS 9, 431 ; RO 1951, 433).

Art. 5: Stocks minimums de denrées alimentaires L'article 3, 1er alinéa, lettre c, de la loi sur l'approvisionnement nous donne la possibilité de «prescrire à des établissements publics ou privés, ainsi qu'aux administrations cantonales des sels, de constituer en des lieux et quantités déterminés, des stocks de marchandises de leur ressort».

Au surplus, la loi précise que si la Confédération prescrit de constituer des stocks, elle est tenue de dédommager les détenteurs qui, de ce fait, subissent une perte sans faute de leur part (art. 3, 3e al.). Nous n'avons jamais fait usage de cette faculté -- si ce n'est à l'égard des administrations cantonales des sels. Les contrats portant constitution de réserves obligatoires, en vertu desquels les détenteurs de stocks assument en principe eux-même les risques inhérents à l'entreposage, ont suffi en général à assurer l'approvisionnement du pays de façon relativement satisfaisante, du fait notamment que pour les marchandises dont l'importation est soumise au régime du permis, la délivrance des autorisations peut être subordonnée à la condition que le requérant s'engage à constituer une réserve obligatoire et à appliquer les clauses du contrat (cf. le commentaire de l'art. 7). On peut donc renoncer à nous octroyer le pouvoir général d'ordonner l'accumulation de stocks déterminés.

Il y a cependant des cas exceptionnels exigeant que l'existence de certaines réserves de denrées alimentaires soit garantie dans l'intérêt de la population. Nous pensons notamment à une partie des ménages collectifs qui, malgré l'introduction du rationnement et bien que le réapprovisionnement des entreprises en certaines denrées rationnées soit suspendu, doivent être à même de servir des repas complets. Particulièrement les hôpitaux, les homes d'enfants, les cantines, les asiles de vieillards, etc., dont les pensionnaires ne peuvent se ravitailler ailleurs, ne sauraient se passer de stocks minimums.

Un autre exemple typique est celui des boulangeries. Si le rationnement est institué, l'interdiction temporaire de vendre la farine est inévitable.

Le ravitaillement en pain doit pourtant être assuré en toutes circonstances.

Il est
aussi nécessaire que les boulangeries disposent de certaines provisions de farine, parce que les difficultés de transport auxquelles il faut s'attendre au début d'une mobilisation auront pour effet de retarder les arrivages.

Il ne paraît pas judicieux d'allouer une indemnité spéciale aux établissements qui seront obligés désormais de détenir des stocks minimums; car toutes les entreprises qui constituent de leur propre chef des réserves semblables pour se prémunir en prévision de l'interdiction d'achat qui sera décrétée assument également les frais et les risques qui en résultent. Des stocks servant à couvrir les besoins pour deux à quatre 'semaines au plus,

812 comme ce serait le cas en l'occurrence, ne sauraient être considérés comme des stocks supplémentaires; en effet, quelques provisions sont nécessaires pour assurer la marche normale des établissements.

Les enquêtes auxquelles a procédé le délégué à la défense nationale économique ont démontré qu'il existe pourtant des boulangeries qui, par manque de place ou pour des raisons financières, ne sauraient raisonnablement être contraintes à disposer d'une provision de farine, si minime soit-elle. Dans des cas de ce genre, les cantons sont appelés, avec le concours des communes, à pourvoir par d'autres moyens à la constitution des stocks de farine nécessaires.

L'obligation imposée aux cantons de détenir des réserves de sel normales n'est pas nouvelle. L'article 10, 1er alinéa, de la Ire ordonnance d'exécution de la loi sur l'approvisionnement, du 30 décembre 1938, prévoit que les administrations cantonales des sels ont à supporter les frais qu'occasionnent la constitution et l'entreposage de stocks de sel répondant aux besoins de six mois au moins.

Art. 6: Mesures en faveur des personnes de condition modeste L'instauration méthodique du rationnement exige que la vente et l'achat des marchandises dont la consommation doit être réduite immédiatement (denrées alimentaires durables -- telles que le sucre, le riz, la farine, les pâtes, l'avoine, l'orge, le maïs, les matières grasses comestibles -- savon, produits pour lessive, combustibles liquides et solides, etc.) soient suspendus pour quelques semaines. Il s'agit, pendant ce temps, de procéder à l'inventaire des stocks, de désigner les ayants droit et de distribuer les titres de rationnement préparés d'avance. Il faut en outre déterminer les besoins des entreprises transformatrices et des ménages collectifs. Il importe enfin de compléter le personnel de l'économie de guerre et de le familiariser avec les prescriptions. Pendant l'interdiction d'achat, la population doit, en règle générale, se tirer d'affaire avec les provisions de ménage dont la constitution lui a été instamment recommandée à plusieurs reprises. Nous n'ignorons pas que nombre de ménages n'ont plus de provisions à l'heure actuelle ou qu'ils ne disposent pas du volume minimum de marchandises prévu. En cas d'aggravation subite de la situation internationale, ils devront, bon gré mal gré,
supporter eux-mêmes les conséquences de leur imprévoyance.

Faute de ressources suffisantes, une partie de la population n'est cependant pas à môme de constituer de ces provisions. Aussi l'Etat doit-il faire en sorte que les personnes de condition modeste puissent également, pendant l'interdiction des ventes, se procurer des marchandises rationnées au moyen de titres de rationnement spéciaux. Le département de l'économie publique a pris les précautions nécessaires avec le concours des cantons et des communes. Des réserves de denrées alimentaires particulières ont

813 été constituées pour couvrir les besoins de personnes de condition modeste au début d'un nouveau régime d'économie de guerre. Faute de base légale, l'exécution de cette mesure a toutefois présenté des difficultés en maints endroits. C'est pourquoi le projet impose dans ce domaine une obligation aux cantons, obligation dont ils ont la faculté de se décharger sur les communes.

Art. 7: Réserves obligatoires. Conclusion et teneur des contrats portant constitution de réserves obligatoires (contrats de stockage) L'article 7, 1er alinéa, définit la notion des contrats relatifs aux réserves obligatoires. Le propriétaire d'une réserve obligatoire s'engage contractuellement envers la Confédération à détenir des stocks déterminés en un endroit convenu, à leur vouer les soins qu'ils requièrent et à les reconstituer au fur et à mesure des prélèvements. Il doit s'agir de stocks de marchandises excédant les besoins normaux; la Confédération en facilite le financement et octroie des privilèges fiscaux (art. 9). (Pour plus de détails sur la nature et l'importance des contrats de stockage, cf. Markus Redli : Der Pflichtlagervertrag, Rapperswil, 1955).

Les réserves obligatoires figurent au premier rang des mesures à prendre pour le cas-de guerre. La loi tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables n'en fait pas mention expressément ; quant à la Ire ordonnance d'exécution de cette loi, du 30 décembre 1938 (inventaire et constitution de stocks), elle ne contient à l'article 8, 6e alinéa, que la brève disposition que voici: «La constitution de stocks par des entreprises doit faire, en règle générale, l'objet d'un contrat écrit entre le département de l'économie publique et les propriétaires des stocks ou les groupements de propriétaires.» D'emblée, ces contrats ont été appelés «contrats portant constitution de réserves obligatoires» (ou, en abrégé, «contrats de stockage») ; ils ont revêtu une grande importance au cours des mois qui ont précédé le déclenchement de la seconde guerre mondiale. Il existe actuellement quelque 2300 contrats de stockage ayant trait à des marchandises de toute espèce, d'une valeur d'un milliard de francs approximativement. Les principes régissant une institution d'une telle portée méritent assurément d'être fixés légalement, compte tenu des expériences
faites dans ce domaine.

Les contrats de stockage sont des accords d'un genre particulier. En fait, ce sont des contrats de droit public. Toutefois, le droit civil en matière contractuelle est applicable par analogie dans la mesure où il est compatible avec la nature même de ces conventions. Ces dernières précisent les droits et obligations respectifs de la Confédération et des détenteurs de stocks.

En règle générale, les propriétaires des marchandises constituent les stocks pour leur propre compte et à leurs risques et périls. Ils peuvent en disposer librement, mais sont tenus contractuellement de remplacer immédiatement les marchandises qu'ils prélèvent par de nouveaux lots et de veiller

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à ce que les stocks soient entreposés convenablement, que ce soit dans leurs propres locaux ou dans ceux de tierces personnes. Ils s'engagent en outre à assurer leurs réserves, auprès d'une compagnie concessionnaire établie en Suisse, contre tous les risques assurables en Suisse et à présenter périodiquement un rapport sur l'état des stocks qui sont contrôlés par la Confédération ou par des fiduciaires, associations professionnelles ou autres groupements agissant en son nom.

Les contrats de stockage spécifient dans quelle proportion les marchandises composant les réserves obligatoires restent attribuées à leur propriétaire en cas de restrictions dont elles seraient l'objet, les autorités compétentes étant autorisées à se faire délivrer l'excédent pour l'affecter à d'autres usages. Ces concessions lient la Confédération au même titre que toutes les autres obligations contractuelles. L'article 7, 2e alinéa, fixe la limite inférieure des avantages que la Confédération est tenue d'accorder lors de la conclusion des contrats, étant bien entendu que les autorités fédérales sont autorisées à aller au-delà si elles en ont la possibilité.

Des peines peuvent être stipulées comme sanctions contre les infractions aux dispositions contractuelles. Une commission arbitrale spéciale en matière de réserves obligatoires statue en première instance sur les litiges auxquels peuvent donner lieu les contrats de stockage (art. 33).

Si ces conventions ont acquis une telle importance, c'est surtout parce que la Confédération a établi une interdépendance entre l'importation de marchandises indispensables et la constitution de stocks. Ce système repose sur un arrêté fédéral de 1939 modifiant celui du 14 octobre 1933 concernant les mesures de défense économique envers l'étranger (RS 10, 523). En complément des attributions que nous conférait la loi sur l'approvisionnement, nous avons ainsi obtenu la compétence de prendre les mesures nécessaires en vue d'accroître les stocks. Faisant usage de ce pouvoir, nous avons subordonné la délivrance des autorisations d'importer des marchandises soumises au régime du permis à la conclusion et à l'exécution de contrats de stockage. Par la suite, l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951 concernant de nouvelles mesures propres à assurer, en période troublée, l'approvisionnement
du pays en marchandises indispensables nous a permis en outre de soumettre au régime du permis l'importation de marchandises qui, jusqu'alors, n'étaient pas assujetties à cette formalité pour inciter les importateurs à conclure des contrats portant constitution de réserves obligatoires. En nous fondant sur ces bases juridiques, nous avons pris de nombreux arrêtés faisant dépendre de la signature d'une convention de ce genre l'octroi des permis d'importation et les livraisons de marchandises effectuées par l'intermédiaire d'un office central d'achat (par ex. de la société coopérative suisse des céréales et matières fourragères). Voici la liste de ces arrêtés: ACF du 16 novembre 1948 sur la constitution de réserves de sucre, remplacé par l'ACF du 7 novembre 1950, RO 1948, 1115, 1950, 1280;

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ACF du 29 avril 1949/15 septembre 1950 sur la constitution de réserves de denrées fourragères, RO 1949, 415, 1950, 931; ACF du 29 avril 1949 sur la constitution de réserves d'avoine, d'orge et de maïs pour la mouture, RO 1949, 413; ACF du 29 avril 1949 sur la constitution de réserves d'huiles et graisses comestibles, ainsi que des matières premières et des produits semi-fabriques destinés à leur fabrication, remplacé par l'ACF du 7 novembre 1950, RO 1949, 409, 1950, 1278; ACF du 29 avril 1949 sur la constitution de réserves de riz comestible, remplacé par l'ACF du 7 novembre 1950, RO 1949, 411, 1950, 1282; ACF du 27 décembre 1949 sur la constitution de réserves de carburants et de combustibles liquides, RO 1949, 1927; ACF du 27 décembre 1949 sur la constitution de réserves d'huiles minérales pour le graissage des machines, RO 1949, 1931; ACF du 27 janvier 1950 sur la constitution de réserves de phosphates bruts, RO 1950, 93; ACF du 16 août 1950 sur la constitution de réserves de café, RO 1950, 799; ACF du 8 mai 1951 sur la constitution de réserves de fèves et de graisse de cacao, RO 1951, 437 ; ACF du 1er juin 1951 sur la constitution de réserves d'antibiotiques, modifié par l'ACF du 17 décembre 1951, tous deux abrogés et remplacés par l'ACF du 29 octobre 1952, RO 1951, 508, 1163, 1952, 899; ACF du 9 octobre 1951 sur la constitution de réserves de maïs de semence et de vesces de semence, RO 1951, 922; ACF du 9 octobre 1951 sur la constitution de réserves de semences, RO 1951, 924; ACF du 10 octobre 1951 sur la constitution de réserves d'engrais de potasse, RO 1951, 926; ACF du 7 mars 1952 sur la constitution de réserves de flocons d'avoine, RO 1952, 270.

La nouvelle loi doit consacrer définitivement l'institution dont nous venons de donner les catactéristiques. Le projet dispose simultanément que les importateurs de marchandises soumises au régime du permis peuvent aussi être tenus de prendre en charge des marchandises équivalentes prélevées sur les stocks de la Confédération; cette obligation a d'ores et déjà été imposée, en vertu de l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951, dans quelques-uns de nos arrêtés sur la constitution de réserves et dans les contrats de stockage correspondants; la prise en charge doit s'effectuer aux cours du marché mondial en vigueur pour les marchandises de
même qualité. A défaut de ce système, la Confédération devrait se charger ellemême de vendre ses stocks lorsqu'elle entend les écouler ou les renouveler.

Les milieux intéressés et les services fédéraux compétents ont toutefois été d'avis qu'il n'était pas souhaitable que la Confédération se mette ainsi à concurrencer le commerce privé.

Sous le régime de la nouvelle loi, nous serions également autorisés à admettre que l'obligation de détenir des stocks soit exécutée par des tiers (cf. l'art. 2 de notre arrêté du 10 octobre 1951 sur la constitution de réserves d'engrais de potasse, RO 1951, 926).

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Art. 8: Fonds de garantie et autres institutions analogues D'une façon générale, les détenteurs de réserves obligatoires supportent les risques inhérents à une baisse des prix des marchandises entreposées; les conséquences peuvent en être considérables. Comme les frais d'entreposage sont généralement aussi à leur charge, il est naturel que les détenteurs de stocks aient cherché à couvrir ces dépenses et à se prémunir contre ces risques. Les efforts des intéressés ont abouti à la création de fonds de garantie de caractère privé; c'est notamment le cas dans le commerce des denrées alimentaires où l'âpre concurrence ne laisse d'habitude qu'une très modeste marge de bénéfice. Mais il existe aussi d'autres solutions. C'est ainsi que les importateurs tenus de constituer des réserves se sont groupés, par branches, en sociétés coopératives ou associations. Ils s'engagent statutairement à verser dans une caisse commune des contributions prélevées sur les importations de marchandises auxquelles la réglementation sur les réserves obligatoires est applicable. Ces fonds permettent de verser aux membres des indemnités servant à couvrir les frais inhérents au maintien des stocks (taxe d'entrepôt, intérêt du capital, assurance, etc.). Selon l'état des fonds et l'évolution des cours sur le marché mondial, les détenteurs de stocks reçoivent aussi des allocations d'amortissement qui doivent leur permettre d'amortir progressivement les réserves obligatoires sans perte, de telle façon que leur valeur comptable corresponde si possible, lors de leur suppression, au cours du marché mondial en vigueur à ce moment-là. Si la valeur comptable, par suite des amortissements opérés, est inférieure au cours du marché mondial, l'entreprise est tenue de rembourser la différence au fonds.

Les importateurs transfèrent intégralement ou partiellement sur les prix de vente leurs contributions aux fonds de garantie, lesquelles contributions, en dernière analyse, sont supportées par les consommateurs. Cette solution se justifie parce que ce sont eux qui bénéficieraient des réserves obligatoires en cas de blocus économique ou de guerre. Ils paient en quelque sorte une prime d'assurance lors de leurs achats.

Le système des fonds de garantie ne peut être efficace que si tous les importateurs d'une même branche s'y soumettent. Pour atteindre
cet objectif, la Confédération s'est déclarée disposée, à la demande des groupements intéressés, à introduire dans les contrats de stockage une clause obligeant les entreprises à adhérer à une institution commune et à verser aux fonds de garantie des contributions prélevées sur leurs importations. Etant donné que cette affiliation est acquise sous l'effet d'une sorte de contrainte, la Confédération se devait de s'assurer en bonne et due forme un droit d'intervention en ce qui concerne la perception et l'emploi des contributions pour éviter qu'elles ne soient distraites de leur destination ou que des charges trop lourdes ne soient imposées aux consommateurs. Les contrats de stockage spécifient cette faculté de s'interposer qui est exercée le plus souvent par

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le service fédéral du contrôle des prix et quelquefois par le délégué à la défense nationale économique, qui passe les contrats au nom de la Confédération. Ces conventions prévoient en outre que d'éventuels excédents des fonds de garantie ne peuvent être utilisés qu'au profit exclusif des consommateurs. Le département de l'économie publique statue sur les contestations qui pourraient se produire entre les organes des fonds de garantie et les services fédéraux appelés à exercer le droit d'intervention.

La nouvelle loi confirme expressément le droit de la Confédération d'exiger dans les contrats de stockage l'adhésion des intéressés à ces institutions communes et elle prévoit que toutes les mesures s'y rapportant sont soumises à notre approbation (art. 8, 1er et 3e al.).

Le taux des contributions aux fonds de garantie est déterminé par l'ampleur des ressources nécessaires pour couvrir les frais. qu'occasionné l'entreposage des réserves obligatoires et en ramener la valeur au niveau présumé que les cours internationaux accuseront au moment où elles seront dissoutes. Les contributions à verser seront plus élevées s'il s'agit de stocks obligatoires appelés à assurer l'approvisionnement du pays durant une longue période -- comme c'est le cas pour les denrées alimentaires principales -- que si les réserves ne couvrent les besoins que pour quelques mois..

A titre d'exemple, ces redevances se montent actuellement, par kilo, à 8 centimes pour le sucre, à 15 centimes pour le riz et le café, à 20 centimes pour l'huile et la graisse, mais à 1,15 centime seulement pour les matières fourragères (au regard de 3,2 centimes primitivement).

Les taux relativement élevés auxquels sont soumises les denrées alimentaires précitées sont une conséquence de l'ampleur considérable des stocks par rapport au volume des importations et, d'autre part, du niveau peu favorable des prix en vigueur sur les marchés internationaux lors de la constitution des stocks. En automne 1948, le prix de revient du sucre franco frontière, marchandise dédouanée, s'inscrivait à 86 francs les 100 kilos; il n'était plus que de 72 à 73 francs environ au printemps 1955 (contribution au fonds de garantie non comprise). L'huile comestible raffinée coûtait 316 francs les 100 kilos au printemps 1949 et 155 à 165 francs à peu près au printemps 1955
(contribution au fonds de garantie non comprise). L'accroissement des réserves obligatoires en 1950, après l'éclatement du conflit coréen, coïncida également avec une période de hausse.

Cette évolution du marché exigea de très fortes sommes pour l'amortissement des stocks.

Pour chaque marchandise donnant lieu à la constitution de réserves obligatoires, on avait fixé l'étendue de l'amortissement en se fondant sur une appréciation des cours sur le marché mondial au moment de la dissolution de ces réserves en temps de paix. Ce ne sont évidemment que des estimations, qui peuvent se révéler trop élevées ou trop basses. Presque cinq ans après la constitution de stocks obligatoires, les objectifs visés en matière d'amortissement ne sont atteints nulle part.

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Les corporations qui gèrent les fonds de garantie ou d'autres institutions analogues ne peuvent remplir leurs fonctions de façon satisfaisante avec les seuls moyens que leur offre le droit civil. L'affiliation de tous les détenteurs de stocks d'une même branche étant obligatoire, la faculté de recevoir et d'exclure des membres doit être limitée. L'autonomie en matière de perception des contributions et de leur utilisation doit être également restreinte par un droit d'intervention des autorités fédérales dont nous avons déjà parlé. Il faut pour cela que les statuts puissent déroger aux dispositions du droit civil; car, selon le droit des obligations, la seule possibilité qu'ont les pouvoirs publics d'exercer une influence au sein de sociétés coopératives consiste à déléguer des représentants dans les organes de l'administration et du contrôle (art. 926 du code des obligations) ; une base légale spéciale est nécessaire si l'on veut limiter davantage l'autonomie privée (ATP 67, I, 262). Des dérogations au droit civil ne peuvent toutefois être admises qu'avec notre assentiment (art. 8, 2e al.).

Il faut aussi que les statuts protègent l'activité commerciale individuelle des entreprises affiliées contre toute indiscrétion pouvant profiter à des maisons concurrentes. Les décomptes qu'une entreprise effectue sur ses versements au fonds de garantie ou à la suite de la libération de réserves obligatoires permettent de tirer des conclusions sur l'importance de ses importations. Déjà sous le régime actuel, les gérants ou directeurs des corporations n'autorisent pas l'administration, qui se compose le plus souvent de commerçants de la branche à laquelle appartiennent les associés, à prendre connaissance des décomptes. On peut se demander toutefois si l'administration, appelée à surveiller les personnes chargées de la gestion, n'est pas en droit, par le fait même, de demander à être mise intégralement au courant des décisions prises par la direction et de consulter toutes les pièces justificatives et si une prescription statutaire s'y opposant n'enfreint pas les dispositions imperatives du droit civil. La question a du reste été posée.

Le Tribunal fédéral n'a encore publié aucun arrêt sur ce point. L'article 8, 2e et 3e alinéas, du projet nous autorise cependant à exiger que les statuts de ces corporations
n'admettent qu'une direction neutre et que celle-ci soit tenue, même envers l'administration, de garder secrètes les constatations et observations que ses rapports avec les entreprises affiliées lui permettent de faire. La surveillance de la direction dans ses relations d'affaires avec les associés est exclusivement du ressort de l'organe de contrôle. Il incombe à la commission arbitrale en matière de réserves obligatoires, prévue à l'article 33, de se prononcer sur les différends pouvant se produire entre la direction et des associés. Cette réglementation sauvegarde l'essence même des fonds de garantie en tant qu'institutions de droit privé, de même que les intérêts publics et le caractère confidentiel de l'activité commerciale des entreprises membres.

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Art. 9: Facilités accordées aux détenteurs de réserves obligatoires Pour faciliter la constitution de réserves obligatoires, la banque nationale suisse s'est engagée envers la Confédération à escompter au taux officiel (qui est actuellement de 1%%) les billets à ordre des détenteurs, cela jusqu'à concurrence de 90 pour cent du prix de revient du stock. De nombreuses autres banques en font autant sans y être contraintes. Les banques ne peuvent cependant ouvrir des crédits aussi importants à un taux modéré que parce que la Confédération se porte garante de l'exécution des obligations que contractent les détenteurs de réserves (art. 9, 1er al.). Pour pouvoir se dédommager des pertes qui pourraient résulter de ces cautionnements, la Confédération bénéfice d'un droit de disjonction sur les réserves obligatoires conformément aux articles 10 et 11 du projet.

A l'effet de stimuler la constitution de stocks obligatoires, la Confédération a déjà tenu compte, lors de la taxation en vue de l'impôt fédéral pour la défense nationale, des risques particuliers auxquels sont exposés les pro'priétaires de réserves. Ls régime actuellement applicable en la matière fait l'objet de la circulaire n° 3 de l'administration fédérale des contributions du 4 janvier 1951. Cette circulaire prescrit aux administrations cantonales de l'impôt pour la défense nationale de considérer, sans preuve spéciale, comme autorisés par l'usage commercial les amortissements de stocks obligatoires jusqu'à la valeur d'avant-guerre et d'admettre aussi des amortissements au-dessous de cette valeur si le contribuable prouve que le maintien de ces stocks lui fait courir des risques particulièrement grands. Les réserves latentes ainsi constituées ne doivent être imposées qu'au moment de leur dissolution et selon les dispositions en vigueur à ce moment-là.

Seules peuvent prétendre à ces amortissements les entreprises qui assument elles-mêmes les risques inhérents aux réserves obligatoires. Les stocks auxquels est applicable le système des fonds de garantie ne bénéficient donc pas de ces concessions, mais sont soumis aux règles usuelles en matière d'amortissement. La plupart des cantons accordent des avantages analogues en ce qui concerne les impôts cantonaux ; nombre de communes en font de même quant aux impôts communaux. La nouvelle loi ne doit
pas s'immiscer dans la législation fiscale cantonale, mais elle tient à consacrer, aussi longtemps que la Confédération percevra des impôts directs, le régime spécial institué en faveur des réserves obligatoires.

Art. 10 et 11: Droit de disjonction de la Confédération La grosse responsabilité qu'assumé la Confédération envers les banques par suite du financement des réserves obligatoires exige qu'elle soit protégée contre les pertes qu'elle pourrait subir. Comme les stocks obligatoires sont en possession de leurs propriétaires, il n'est pas possible de constituer en gage les marchandises entreposées (art. 884 du code civil). C'est la raison pour laquelle la loi du 29 septembre 1949 complétant celle qui tend

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à assurer l'approvisionnement du pays (RO 1949, 1911) a institué un droit de disjonction en faveur de la Confédération (art. 3, 4e al., de la loi sur l'approvisionnement). Les dispositions spéciales régissant ce droit de disjonction sont contenues dans la IIIe ordonnance d'exécution de la loi tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables, du 3 mars 1950 (droit de disjonction de la Confédération sur les réserves obligatoires, RO 1950, 264). Toute cette réglementation déroge sensiblement au régime des droits réels et à la législation sur la poursuite pour dettes et la faillite. Aussi le projet est-il plus détaillé sur ce point que la loi en vigueur ; on a tenu compte par ailleurs des expériences que le droit de disjonction de la Confédération a permis de faire.

En vertu de son droit de disjonction, la Confédération devient propriétaire de la réserve obligatoire d'une entreprise dès que la déclaration de faillite ou l'octroi d'un sursis concordataire est passé en force ; un transfert quelconque de la possession n'est pas nécessaire. Contrairement aux prescriptions régissant les droits réels, les droits de gage et de rétention constitués antérieurement à cette acquisition de propriété ne lui sont pas opposables; la Confédération ne respecte que le droit de rétention dont le propriétaire des locaux dans lesquels sont entreposées les marchandises peut se prévaloir pour garantir les créances qui lui sont reconnues à l'article 485, 1er alinéa, du code des obligations (y compris son droit au remboursement des frais de transport et de douane qu'il a payés pour la réserve obligatoire ; cf. le projet, art. 10, 2e al.). En revanche, la Confédération n'admet pas le droit de rétention de l'entrepositaire s'il s'applique à d'autres créances résultant de ses relations d'affaires avec le propriétaire du stock (art. 895, 2e al., du code civil).

Selon le projet, ce n'est qu'envers la Confédération que l'engagement d'une réserve obligatoire est sans effet; des droits de gage constitués en bonne et due forme sont valables en revanche à l'égard de tiers. Ce point a de l'importance pour les banques qui opèrent le financement d'un stock au-delà de la part garantie par la Confédération. Dans les cas où, conformément à l'article 11, 3e alinéa, la Confédération est tenue de verser une partie
de la contre-valeur de la réserve obligatoire à la masse ou, s'il s'agit d'une procédure concordataire, au débiteur, les créanciers gagistes bénéficient par conséquent d'un gage sur le droit à l'excédent.

A la différence de la loi en vigueur, mais en conformité avec l'article 12 de la IIIe ordonnance d'exécution déjà citée, le projet dispose expressément que la disjonction s'étend aussi aux droits que la perte ou la diminution de valeur de réserves obligatoires confère au débiteur. Parmi ces droits figurent notamment ceux qu'il pourrait faire valoir, en cas de sinistre, à l'égard de compagnies d'assurance pour obtenir la réparation du dommage subi.

Le propriétaire d'un stock obligatoire peut aliéner valablement, quand bon lui semble, les marchandises qui le composent. Mais il est tenu de les

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remplacer au fur et à mesure qu'il les prélève, de façon que le stock ait constamment le volume stipulé. Les acquéreurs de marchandises provenant de stocks obligatoires bénéficient en principe des droits attachés à la possession. Toutefois, si le débiteur a disposé de ses biens par des actes dont on peut faire prononcer la nullité au sens des articles 285 et suivants de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, la Confédération est seule habilitée à exercer l'action révocatoire dans la mesure où la valeur du solde de la réserve obligatoire ne suffit pas à la désintéresser (art. 11, 2e al.).

Au moment où la Confédération acquiert la propriété du stock obligatoire, la créance qui lui est reconnue pour avoir remboursé les crédits bancaires peut être supérieure ou inférieure à la contre-valeur de ce stock augmentée des droits que confère au débiteur toute dépréciation de ses marchandises. Si la Confédération n'est pas entièrement désintéressée, elle participe à la faillite ou au concordat pour le montant du découvert en qualité de créancier non privilégié (art. 11, 4e al.).

Si la contre-valeur de la réserve obligatoire et des droits découlant d'une dépréciation est supérieure au montant de la créance de la Confédération, celle-ci doit verser l'excédent à la masse. On examinera toutefois au préalable si le débiteur a encore éventuellement des obligations à exécuter en raison de sa participation à un fonds de garantie ou à des institutions analogues destinés à couvrir les frais d'entreposage et les risques inhérents à une baisse des prix ; si tel est le cas, l'excédent servira en premier lieu à satisfaire à ces obligations.

Le privilège attaché a ces engagements est matériellement fondé.

D'après les statuts de nombreux fonds de garantie ou d'institutions similaires, les détenteurs de stocks, en cas de liquidation prématurée, doivent verser au fonds la différence entre les «prix de base» et les prix mondiaux si ces derniers sont plus élevés. Le «prix de base» d'une marchandise correspond à son prix de revient initial diminué des amortissements opérés à l'aide du fonds de garantie. Or, si l'on considère que les stocks obligatoires protégés par un fonds de garantie doivent être dissous sans perte ni gain, il est évident que celui qui renonce prématurément à son stock ne saurait être avantagé
par rapport à tel autre qui, plus tard, devra se contenter d'une liquidation sans perte ni profit. Nous avons vu que les fonds de garantie couvrent essentiellement les risques d'effondrement des prix. Ce danger se présente surtout aux époques où la situation internationale étant devenue plus calme, avec quelque apparence de stabilité, de nombreux Etats se mettent à débloquer leurs réserves de guerre, provoquant ainsi une offre plus abondante. Le détenteur dont le stock est dissous prématurém'ent a touché des allocations d'amortissement sans attendre que les risques se manifestent avec le plus d'acuité; c'est pourquoi il est tenu de restituer au fonds de garantie la différence entre le «prix de base» et le cours, plus élevé, en vigueur sur le marché mondial. Les organes assumant la charge Feuille fédérale. 107° année. Vol. I.

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des fonds de garantie peuvent aussi exiger le remboursement des allocations d'amortissement lorsqu'un détenteur de stock est tombé en faillite ou obligé de solliciter un concordat; dans les deux cas, la Confédération acquiert la propriété de la réserve obligatoire et le contrat de stockage cesse d'avoir effet. A défaut d'une disposition légale particulière, le droit au remboursement que peut faire valoir le fonds de garantie serait colloque au cinquième rang comme une simple créance non privilégiée ne donnant lieu qu'au versement d'un dividende. Cette solution ne serait pas du tout satisfaisante ; il arrive en effet fréquemment que les allocations restituées au fonds de garantie servent derechef à assurer l'amortissement du même stock obligatoire. C'est la raison pour laquelle la Confédération est tenue, aux termes du projet, d'exécuter d'abord, avec la somme excédant sa propre créance, les obligations du débiteur envers le fonds de garantie; celui-ci est donc traité en dernière analyse comme s'il bénéficiait, les revendications de la Confédération étant sauvegardées, d'un droit de gage subséquent sur la réserve obligatoire.

Si la Confédération fait usage de son droit de disjonction, la fixation de la valeur déterminante de la réserve obligatoire au sens de l'article 11, 3e alinéa, revêt une importance capitale. Cette valeur correspond en règle générale au cours du marché mondial, marchandise dédouanée rendue franco entrepôt. Selon l'état de la marchandise, sa valeur peut éventuellement être inférieure au prix en vigueur sur les marchés internationaux.

A ce propos, il convient en outre de préciser que l'obligation de la Confédération de restituer la différence entre la contre-valeur du stock dont elle est devenue propriétaire et le montant de sa créance est le corollaire du principe selon lequel l'acquisition de la propriété du stock ne doit lui valoir aucun profit durable, c'est-à-dire aucun enrichissement. C'est pourquoi il y a lieu de se fonder en principe sur la contre-valeur que la Confédération réalise en disposant de la réserve obligatoire. La Confédération est tenue de la vendre au plus haut prix possible, à moins qu'elle ne préfère la remettre à la disposition du débiteur après l'homologation du concordat.

Il arrive fréquemment, notamment lorsque l'on peut s'attendre que le débiteur
poursuivra son activité commerciale, que l'organe fédéral compétent diffère la réalisation; d'une façon générale, on ne saurait cependant faire assumer à la Confédération le risque d'une dépréciation éventuelle, d'autant moins qu'elle ne bénéficierait pas non plus d'une plus-value. D'autre part, une estimation peut se révéler nécessaire avant que le mode de réalisation soit connu; dans une faillite ou une procédure concordataire, il importe en effet de déterminer rapidement si la Confédération est désintéressée par la disjonction ou si elle produit une créance pour le découvert ou quelle dette elle reconnaît à l'égard de la masse (art. 232, ch. 2 et 3, et art. 300 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, art. 5 et 9 de la IIIe ordonnance d'exécution de la loi sur l'approvisionnement). En pareille occurrence, il faut tenir compte, lors de l'estimation, des risques d'une dépréciation

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ultérieure. Il est préférable de régler dans une ordonnance les détails concernant l'estimation et sa contestation par les créanciers, l'administration de la faillite ou le débiteur concordataire.

Les litiges relatifs au droit de disjonction, ainsi qu'aux droits et obligations qui en découlent pour la Confédération, sont jugés, selon la loi en vigueur, par un «tribunal d'économie de guerre» (art. 4, 7, 10 et 11 de la IIIe ordonnance d'exécution précitée) ; ses décisions peuvent être déférées au Tribunal fédéral conformément à la loi du 20 juin 1930 sur l'expropriation (RS 4, 1173) si la valeur litigieuse est de 2000 francs au moins (art. 11 de la loi sur l'approvisionnement, IIe ordonnance d'exécution de ladite loi, procédure relative aux demandes litigieuses susceptibles d'une évaluation pécuniaire, RS 10, 790). Nous estimons que l'on peut renoncer désormais à un tribunal de cette nature si les litiges relatifs au droit de disjonction ressortissent aux tribunaux civils, d'une part, et si l'on institue une commission arbitrale pour connaître des différends en corrélation avec les contrats de stockage et les fonds de garantie, d'autre part (cf. notre commentaire de l'art. 33 du projet). La crainte que le droit de disjonction pose des problèmes juridiques et donne lieu à des estimations particulièrement difficiles qui ne seraient pas à la mesure des tribunaux civils ordinaires n'est pas vraisemblable au point de justifier le maintien d'un tribunal particulier; il faut attacher beaucoup plus d'importance au fait qu'en vertu de cette nouvelle réglementation de la juridiction, tous les litiges relatifs à un concordat ou une faillite pourront être jugés par le même tribunal (art. 11, 5e al.).

Art. 12: Sylviculture En période troublée, nous pouvons, conformément à l'article 4 de la loi sur l'approvisionnement, prescrire l'extension de la production agricole ou de l'exploitation forestière et allouer des subventions à titre de dédommagement et de participation aux frais supplémentaires qui en découlent.

Nous sommes autorisés désormais, en période troublée, à imposer des obligations en matière de cultures en vertu de l'article 19 de la loi sur l'agriculture. C'est pourquoi l'article 12 du projet ne se rapporte qu'à la sylviculture.

Les pouvoirs de la Confédération dans le domaine de la sylviculture sont
définis dans la loi du 11 octobre 1902 concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts (RS 9, 511). Les forêts publiques doivent être administrées conformément aux instructions cantonales qui sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral. Les modalités applicables obéissent au principe de ce que l'on appelle le «rendement soutenu», selon lequel les exploitations doivent se limiter à l'accroissement du volume du bois sur pied. Des restrictions sont également imposées aux particuliers propriétaires de forêts (notamment l'interdiction des coupes rases).

Les défrichements sont subordonnés à une autorisation officielle qui n'est généralement délivrée qu'à la condition qu'ils soient compensés par

824 ?

des reboisements. La sauvegarde des forêts est l'élément fondamental dont, s'inspire la législation fédérale en la matière. Toutes les prescriptions relatives à l'exploitation sont de nature restrictive; elles visent à protéger les forêts contre toute atteinte excessive et nuisible. La loi sur les forêts ne confère nullement à la Confédération le droit de régler l'exploitation selon les exigences qu'imposé la préparation économique du pays à la guerre.

L'article 12 du projet nous autorise en revanche, en période troublée, à ordonner une extension de l'exploitation forestière sans égard aux prescriptions de la législation sur la police des forêts, si cette mesure est nécessaire pour faciliter la constitution de réserves de bois. Nous ne pouvons toutefois agir dans ce sens qu'après avoir consulté les milieux professionnels compétents, de façon que des surexploitations temporaires ne compromettent pas trop la réalisation des objectifs visés par la loi sur les forêts.

L'exploitation accrue des forêts peut imposer à leurs propriétaires des charges supplémentaires de diverse nature. Si le bois doit être coupé par exemple dans des forêts très éloignées et dont l'accès est difficile, le produit de la vente ne suffira peut-être pas à couvrir les frais d'équipement et de transport, ou alors le propriétaire n'en retirera qu'un bénéfice dérisoire.

Les «charges supplémentaires» mentionnées à l'article 12 ne découlent donc pas uniquement de l'insuffisance du produit de la vente du bois coupé, mais aussi des travaux de restauration qui peuvent s'imposer (reboisements, cultures, etc.) et, le cas échéant, de l'établissement d'installations supplémentaires pour le transport du bois (chemins, téléphériques). Selon les circonstances, les subventions fédérales prévues à l'article 42 de la loi sur les forêts ne seraient pas assez élevées.

Art. 13: Etudes et recherches Aux termes de la loi en vigueur, nous ne pouvons encourager qu'en période troublée les études, recherches et autres préparatifs ayant trait à l'utilisation des ressources naturelles du pays ou à l'accroissement de la production indigène. On peut se demander s'il ne serait pas judicieux que la Confédération stimule en période normale déjà des études et recherches de ce genre. Etant donné que la Confédération, en raison de sa situation financière,
doit s'efforcer plutôt de réduire l'octroi de subsides, il semble préférable de ne pas étendre les pouvoirs que la loi sur l'approvisionnement nous confère en la matière. Le projet se borne dès lors à préciser un peu dans quels domaines les études, recherches et autres préparatifs méritent éventuellement d'être soutenus. Selon le projet, seules des mesures préparatoires peuvent être encouragées; l'article 13 ne saurait être invoqué en revanche pour stimuler la production de biens déterminés. Cette disposition n'institue nullement un droit au subside; nous examinerons d'abord dans chaque cas particulier si certaines études, recherches et autres préparatifs se justifient au titre des précautions à prendre et si les promoteurs ne sont

825 pas à même de supporter les frais intégralement ou de se procurer autrement les fonds nécessaires.

Art. 14: Transports Le premier alinéa définit avec plus de précision la teneur de l'article 6 de la loi sur l'approvisionnement. Les mesures entrant en ligne de compte dans le domaine des transports sont multiples. Elles sont du ressort, au sein de l'organisation latente de l'économie de guerre, de l'office fédéral de guerre pour les transports. L'une de ses tâches principales consiste à doter le pays d'une flotte maritime suffisante battant pavillon suisse ou d'un autre pays neutre et permettant, en cas de conflit entre les grandes puissances, d'amener dans des ports européens un minimum de marchandises en provenance d'outre-mer. Mentionnons encore, parmi les mesures qui peuvent s'imposer, les accords avec d'autres pays sur l'utilisation de ports et de voies d'accès en temps de guerre.

Le danger de guerre imminent peut avoir pour effet d'accroître considérablement les risques ordinaires de transport de telle sorte que les sociétés d'assurance ne parviennent plus à se réassurer. Onze mois déjà, avant le déclenchement de la seconde guerre mondiale, soit le 30 septembre; 1938, nous avons pris, en nous fondant sur l'article 6 de la loi sur l'approvisionnement, un arrêté concernant la couverture du risque de guerre pour certains transports fluviaux et routiers (RO 54, 732). Le 23 décembre 1949, nous avons adopté un nouvel arrêté (qui n'a pas été publié) autorisant le département de l'économie "publique à rétablir au besoin l'assurance des transports contre les risques de guerre. La nouvelle loi prévoit formellement les attributions qui doivent nous permettre d'ordonner des mesures de cette nature.

Art. 15: Protection d'avoirs Nous avons déjà relevé (cf. le chiffre 1/3) que la défense nationale économique exige impérieusement des précautions visant à protéger les avoirs suisses. Pour le cas où notre pays serait entraîné dans un conflit international, il importe que les personnes morales, les société commerciales, de même éventuellement que les corporations et établissements de droit public aient la faculté -- ainsi que le prévoyait déjà notre arrêté du 30 octobre 1939 précité -- de transférer leur siège, avec le moins de complications possibles, en un endroit soustrait à l'influence de l'ennemi. Les
expériences faites au cours de la seconde guerre mondiale ont démontré qu'indépendamment du transfert de domicile, d'autres mesures encore entrent en ligne de compte. Nous pensons notamment à celles qui concernent les papiers-valeurs et qui doivent permettre de priver d'emblée de tout effet juridique, en dehors du territoire occupé, les confiscations opérées illégalement. En vertu de l'article 15, nous aurions la compétence

826 de décréter en temps voulu les prescriptions qui s'imposent, de telle façon que les préparatifs nécessaires puissent être entrepris avant l'ouverture d'hostilités. Ce n'est qu'à cette condition que les mesures dont il est question pourront se révéler efficaces.

Art. 16: Importations et exportations Une des principales lacunes de la loi en vigueur réside dans le fait qu'elle ne nous donne aucune possibilité d'intervenir, en période troublée, dans le domaine des importations et des exportations. Antérieurement à l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951 reposant sur l'article premier, 3e alinéa, de la loi sur l'approvisionnement, nous avons dû édicter les prescriptions indispensables en invoquant l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933/22 juin 1939 sur les mesures de défense économique envers l'étranger.

Cet arrêté, qui cessera d'avoir effet à la fin de 1956, ne peut plus servir aujourd'hui que de fondement juridique à des mesures de politique commerciale se rapportant aux échanges commerciaux et au trafic international des paiements; des bases légales spéciales doivent être instituées pour toutes les mesures de politique économique fondées sur les nouveaux articles constitutionnels d'ordre économique.

En période de tensions internationales, l'approvisionnement du pays peut, le cas échéant, n'être assuré qu'à la condition que les Etats fournisseurs aient l'assurance que les marchandises destinées à la Suisse ne soient pas réexportées sous la même forme. A cet,égard, le système des certificats de garantie a rendu de bons services durant la guerre de Corée (cf. l'arrêté n° 2 du Conseil fédéral du 30 janvier 1951 concernant la surveillance des importations, RO 1951, 44). Lors de négociations avec l'étranger, il est utile que nous puissions déclarer être légalement autorisés à instituer la surveillance des importations et des exportations. En vue de faire durer nos réserves plus longtemps, il peut, au surplus, se révéler nécessaire de limiter ou d'interdire l'exportation de marchandises devenant rares et de restreindre l'emploi de celles qui ont une importance stratégique et que nous parvenons encore à importer.

L'article 16 n'ouvre la voie qu'à des mesures commandées par les exigences de la préparation économique à la guerre, mais non pas à celles qui relèvent de la politique commerciale.
Comparées aux autres mesures prévues en période troublée, celles dont fait état l'article 16 sont subordonnées à des conditions plus strictes.

Elles ne peuvent être prises en effet que «si l'évolution de la situation internationale compromet l'approvisionnement de la population et de l'armée en marchandises indispensables quelconques et qu'aussi longtemps que dure cet état de choses». Alors que la constitution de stocks est stimulée dès le moment où l'on s'attend, à plus ou moins longue échéance, à une

827 aggravation des tensions internationales, l'article 16 exige qu'un danger précis se manifeste. > L'article 16, lettre a, nous confère aussi le pouvoir d'imposer des restrictions d'emploi aux importateurs lors de la délivrance des permis.

Lorsqu'il s'agit de marchandises se trouvant déjà en Suisse, des limitations d'emploi ne peuvent être instituées qu'^n vertu de l'article 17.

Les mesures ayant trait à l'importation et à l'exportation doivent toujours s'appliquer à des «marchandises déterminées»; elles ne peuvent donc pas avoir une portée générale. Il n'est cependant pas absolument nécessaire que ces marchandises soient indispensables; il se pourrait en effet que l'importation de marchandises indispensables fût entravée si la Suisse ne déclarait pas formellement à des puissances étrangères qu'elle contrôlera également l'importation et l'exportation de certaines marchandises auxquelles elle n'attribue pas une importance vitale.

CHAPITRE TROISIÈME Mesures à prendre lorsque l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée ou en cas de danger de guerre imminent Art. 17: Réglementation des marchandises et prescriptions sur les prix L'article 17 doit se substituer aux articles 7 et 8 de la loi sur l'approvisionnement, mais il définit mieux les pouvoirs qui nous sont attribués.

Quant aux conditions qui doivent être remplies pour que puissent être édictées des mesures de réglementation des marchandises, nous renvoyons aux explications données dans la première partie du message, chiffre 2; rappelons simplement que des prescriptions sur la réglementation des biens n'entrent en ligne de compte que si les importations sont sérieusement entravées, ou en cas de danger de guerre imminent.

L'article 17 ne nous autorise pas à instituer des mesures restrictives à.'ordre général; c'est ainsi, par exemple, que cette disposition ne pourrait pas servir de fondement légal à un contingentement généralisé (ventes admises, dans les limites usuelles, au seul profit d'anciens clients). Les mesures restrictives ne doivent s'appliquer, au contraire, qu'à des marchandises déterminées, dont la réglementation paraît impérieuse.

La disposition énoncée sous lettre a doit permettre de prendre des mesures analogues à celles qui ont été instituées après le déclenchement du conflit coréen en vertu de
l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951, notamment de limiter l'emploi de marchandises déterminées dont la pénurie commence à se faire sentir et qui se trouvent déjà en Suisse, raison pour laquelle leur utilisation ne saurait être restreinte en vertu de l'article 16.

Le cas échéant, nous aurions aussi la compétence de décréter, en nous

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fondant sur cette disposition, la réglementation des marchandises -- et même, au besoin, le contingentement et le rationnement de marchandises déterminées.

La lettre b a trait aux prescriptions sur les prix maximums lorsque nos importations se heurtent à de sérieux obstacles ou en cas de danger de guerre imminent. L'additif constitutionnel du 23 novembre 1952 sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (RO 1952, 1081) n'a qu'une portée et une validité restreintes. Le problème que pose la lutte contre les hausses de prix lorsque nos importations sont sérieusement entravées ou en cas de danger de guerre imminent doit par conséquent être résolu dans le présent projet indépendamment de cette base constitutionnelle de durée limitée. Mais quelles seront les prescriptions sur les prix qui pourront s'imposer dans les circonstances que nous venons d'énoncer ? Ce point suscite de fortes divergences. Les uns craignent qu'une hausse généralisée des prix intervienne déjà avant que la guerre n'éclate ; ils estiment dès lors qu'il est indispensable que des mesures étendues soient prises immédiatement pour empêcher que les prix de marchandises destinées au marché intérieur et les marges de bénéfice ne s'enflent démesurément. C'est de cette conception que s'inspirait l'avant-projet du délégué de 1952, selon lequel l'Assemblée fédérale devait être autorisée a investir, au besoin, le Conseil fédéral de pouvoirs assez vastes pour lui permettre d'agir efficacement. Les autres considèrent, en revanche, que des pouvoirs d'une telle ampleur ne sont ni nécessaires ni justifiés en période d'avant-guerre et qu'ils susciteraient l'instauration prématurée d'un contrôle des prix généralisé. Tout contrôle des prix, disent-ils, limite la liberté de mouvement de l'économie; s'il est institué trop tôt, il peut présenter plus d'inconvénients que d'avantages. Ces opinions opposées, formulées dans les consultations auxquelles a donné lieu le projet du département, se sont également affrontées lorsqu'il a été question de la prorogation de l'additif constitutionnel relatif à un contrôle des prix réduit. Les promoteurs de l'initiative pour la protection des locataires et des consommateurs se proposaient d'attribuer a la Confédération la,compétence de décréter des prescriptions générales sur les prix maximums «quand le jeu
de l'offre et de la demande est fortement troublé». On trouvait une formule analogue dans notre projet d'additif constitutionnel sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (FF 1952, II, 128). Par la suite, les chambres ont toutefois restreint le champ d'application des prescriptions sur le contrôle des prix. Nous estimons que cette décision de l'Assemblée fédérale, qui a été approuvée par le peuple et les cantons, doit également se refléter dans la nouvelle loi que nous vous soumettons. Il convient pourtant de faire remarquer que les prescriptions sur les prix, telles que les prévoit le projet, ne sauraient outrepasser les limites fixées par les nouveaux articles constitutionnels d'ordre économique; elles doivent avoir le caractère de mesures de précaution pour le cas de guerre et ne peuvent reposer sur l'additif constitution-

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nel dont il a été question. Ces prescriptions peuvent être considérées comme étant conciliables avec la préparation économique du pays à la guerre lorsqu'elles se rapportent à des biens qui, en raison de sérieuses perturbations entravant les importations, deviennent rares ou risquent de le devenir et doivent, par conséquent, être réglementés. Une réglementation sans prescriptions sur les prix n'est pas concevable. Des prescriptions sur les prix débordant le cadre énoncé ne pourraient en revanche répondre au critère précité que si, à défaut de telles mesures, il fallait s'attendre à une évolution des prix dont les répercussions risqueraient d'affaiblir la défense nationale économique. Il est difficile de prévoir si tel sera le cas à un moment donné. Aussi croyons-nous qu'il est préférable de s'abstenir de régler cette question dans le projet, quitte à édicter des arrêtés fédéraux spéciaux si cette hypothèse se réalisait.

Il est question sous lettre c de la vente forcée et de la livraison obligatoire et, sous lettre d, de la réquisition d'entrepôts.

Exposons d'abord ce qu'il faut entendre par vente forcée et livraison obligatoire et ce que signifient les notions connexes de réquisition et d'expropriation. Sous le dernier régime d'économie de guerre, ces mesures reposaient sur notre arrêté du 25 octobre 1940 sur le séquestre, l'expropriation et la livraison forcée (BO 56, 1749) ; la livraison obligatoire, qui n'était pas encore mentionnée dans cet arrêté, n'a acquis une importance croissante que postérieurement (exemple typique: l'ACF du 3 juillet 1942 sur la livraison de bandages en caoutchouc et de chambres à air, BO 58, 819). Les quatre mesures constituent une grave atteinte à la propriété privée et à la liberté de s'engager contractuellement. C'est pourquoi il importe qu'elles soient appliquées avec modération lorsqu'il ne s'agit que de la préparation économique du pays à la guerre.

La vente forcée est un aspect de l'obligation de contracter. Une entreprise est tenue de livrer à un preneur à des conditions déterminées et «aux prix courants» (cf. Lautner, System des schiveizerischen Kriegsivirtschaftsrechts, p. 312, 325, 1038). La vente forcée s'applique toujours à des biens que l'entreprise soumise à cette obligation produit habituellement ou dont elle fait le commerce ; la liberté de choisir
l'acheteur est cependant restreinte ou supprimée. Mainte entreprise peut avoir un intérêt, si des importations sont interrompues, à ne plus exécuter certaines commandes et livraisons ; aussi la Confédération doit-elle avoir la possibilité d'exiger que ces livraisons soient effectuées lorsqu'elles sont nécessaires pour assurer l'approvisionnement de la population et de l'armée.

L'entreprise assujettie au régime de la livraison obligatoire est tenue de mettre, «aux prix courants», une marchandise déterminée à la disposition d'une centrale, qu'il s'agisse d'un office de la Confédération ou d'un organisme désigné par elle. La livraison obligatoire portera essentiellement sur la production courante; elle vise à combattre une accumulation de stocks

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à but de spéculation et à empêcher de faire de marchandises déterminées un commerce illicite aux termes des prescriptions de l'économie de guerre.

Citons, à titre d'exemple, la livraison obligatoire d'oeufs du pays lorsque l'importation d'oeufs étrangers est suspendue. La livraison obligatoire peut toutefois porter également sur les stocks si leur propriétaire n'est pas à même de les utiliser pour produire les marchandises absolument indispensables à l'approvisionnement de la population et de l'armée.

C'est surtout sous cette deuxième forme que la livraison obligatoire suscite des appréhensions dans maints milieux de l'industrie et du commerce, qui voudraient que l'on pût renoncer, du moins avant l'ouverture d'hostilités, à une mesure d'une pareille portée. Lorsque nos importations sont sérieusement entravées, il peut cependant se révéler nécessaire, môme avant que la guerre soit déclarée, d'imposer la livraison de la moitié des stocks obligatoires qui n'est pas réservée au propriétaire, que ce soit pour procéder à des attributions ou pour approvisionner, en cas de danger de guerre imminent, des magasins de' subsistance supplémentaires destinés à la troupe. Nous espérons en revanche pouvoir renoncer, du moins avant le déclenchement d'hostilités, à prescrire la livraison obligatoire de réserves constituées de plein gré.

La réquisition (art. 7, 1er al., de la loi sur l'approvisionnement) a pour effet de priver temporairement le propriétaire de la jouissance de biens déterminés et du droit d'en disposer à sa guise. Selon les circonstances, la réquisition est assimilable en quelque sorte à une location forcée; dans d'autres cas, c'est une mesure de précaution précédant une réglementation de caractère définitif. Les expériences faites depuis 1938 permettent de penser que des réquisitions seront généralements superflues, du moins durant la période antérieure à l'ouverture d'hostilités. Nous avons néanmoins été amenés, immédiatement avant l'éclatement de la dernière guerre, soit le 29 août 1939, à prendre un arrêté sur la réquisition des entrepôts et réservoirs- (RO 55, 764) en nous fondant sur l'article 7 de la loi sur l'approvisionnement. Il importe dès lors que nous ayons la possibilité, a l'avenir également, de prescrire la réquisition d'entrepôts lorsque nos importations sont sérieusement entravées
ou en cas de danger de guerre imminent. La réquisition en tant que mesure d'économie de.guerre doit être distinguée de la réquisition tenant lieu de sanction administrative en cas de contraventions (cf. le commentaire de l'art. 25).

L'expropriation (art. 7, 1er al., de la loi sur l'approvisionnement) est la plus grave atteinte a la propriété privée et ne peut dès lors se justifier qu'à la toute dernière extrémité (art. 13, 4e al., de l'ACF du 25 octobre 1940 sur le séquestre, l'expropriation et la livraison forcée; Lautner, System des schweizerischen Kriegswirtschaftsrechts, p. 513). En fait, l'expropriation n'entre en ligne de compte que dans des cas isolés, lorsque les autorités s'abstiennent de décréter la livraison obligatoire généralisée. Selon la loi

831 du 20 juin 1930, seuls peuvent faire l'objet de l'expropriation les droits réels mobiliers et immobiliers, les droits en corrélation avec les rapports de voisinage et les droits personnels des locataires ou fermiers de l'immeuble à exproprier ; par l'expropriation pour les besoins de l'économie de guerre, la Confédération devient en revanche, contre dédommagement complet, propriétaire de biens meubles. Si la nouvelle loi nous autorise à instituer le régime de la vente forcée et de la livraison obligatoire, nous pourrions renoncer à l'expropriation.

L'article 17, lettre c, dispose que si nous ordonnons la vente forcée ou la livraison obligatoire, les marchandises doivent être livrées «aux prix courants». Suivant qu'il s'agit de l'une ou de l'autre de ces mesures, le paiement incombe à l'acheteur désigné par l'Etat ou à la centrale prenant la marchandise en charge. Une fois décrétées, la vente forcée et la livraison obligatoire s'appliquent le plus souvent à des biens dont il y a déjà une telle pénurie qu'ils sont soumis à des prescriptions sur les prix maximums conformément à l'article 17, lettre 6. Il en résulte que les prix courants seront généralement les prix maximums autorisés. Que le paiement intervienne en période troublée ou sous un nouveau régime d'économie de guerre, nous ne pouvons pas donner la garantie que le produit de la vente correspondra dans tous les cas au prix de réapprovisionnement.

Il est plus judicieux de régler dans des ordonnances édictées au moment voulu les modalités applicables, y compris la protection juridique des intéressés en cas de conflit sur les prix à payer. Il ne nous paraît en effet pas indiqué de donner dès maintenant trop de précisions dans la loi à propos de mesures dont l'exécution doit être différée le plus possible. L'article 33, 2e alinéa, prévoit cependant que le Conseil fédéral a la possibilité de confier à la «commission arbitrale en matière de réserves obligatoires» le jugement des différends portant sur la contre-valeur des ventes (cf. le commentaire de l'art. 33).

Art. 18: Fermeture de magasins Si une aggravation subite de la situation internationale suscite beaucoup d'inquiétude parmi la population, des achats massifs («runs») risquent de se produire brusquement. Il n'y a pas de raison de s'y opposer aussi longtemps que nos importations ne
sont pas sérieusement compromises: la population complète ses provisions de ménage et les entreprises ont la possibilité de se réapprovisionner. Mais si cette faculté disparaît à la suite de graves perturbations entravant nos importations, des achats massifs peuvent avoir de graves répercussions économiques: la partie de la population qui s'abstient de pratiquer l'accaparement et des achats à but de spéculation, ou doit y renoncer par manque de ressources, court éventuellement le danger de ne plus pouvoir couvrir ses besoins courants parce que les magasins n'ont plus rien à vendre. Ce risque se manifestant le plus

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souvent sur le plan local, nous avons prévu qu'il appartiendrait aux autorités cantonales d'ordonner la fermeture temporaire des magasins exposés à être «pris d'assaut» et d'interdire les ventes. Il va de soi que cette fermeture doit être imposée, le cas échéant, dans une localité ou une région, à tous les magasins d'une même catégorie. Si l'anxiété devait s'emparer de toute la population du pays, nous décréterions des limitations de vente et d'achat en vertu de l'article 7, lettre a. L'article 18 ne peut servir de fondement légal qu'à des mesures policières de courte durée.

Le projet délègue donc aux cantons le pouvoir de faire fermer des magasins temporairement. L'autorité compétente est celle que désigne le droit cantonal; faute de prescriptions cantonales sur la délégation de pouvoirs en matière de police, c'est le gouvernement cantonal.

CHAPITRE QUATRIÈME Mesures de protection spéciales

Art. 19 Nous vous prions de vous reporter aux explications données aux pages 799 et suivantes du présent message.

CHAPITRE CINQUIÈME Exécution Art. 20: Assemblée fédérale et Conseil fédéral

En règle générale, les prescriptions d'exécution seront décrétées par le Conseil fédéral. Les départements ne sont autorisés qu'à fixer les émoluments à percevoir pour les opérations qu'eux-mêmes ou un service subordonné effectuent en exécution de la loi. A l'instar de la loi sur l'agriculture, le projet ne nous donne pas la compétence absolue de déléguer le pouvoir de légiférer aux départements. Les choses se présentent différemment sous un régime d'économie de guerre : en pareille occurrence, une sous-délégation législative étendue aux départements et aux offices de l'économie de guerre est inévitable.

L'article 32 de la constitution prévoit que les cantons et les groupements économiques intéressés seront consultés lors de l'élaboration des lois qui doivent être édictées en application des nouveaux articles d'ordre économique. La loi sur l'agriculture contient pourtant maintes dispositions imposant cette consultation lors de l'élaboration de prescriptions d'exécution. Cette procédure nous paraît également recommandable en matière

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de défense nationale économique; c'est pourquoi l'article 20, 2e alinéa, du projet l'institue. Les «groupements économiques intéressés» comprennent aussi les associations ouvrières et les organisations féminines.

Normalement, nous renseignons l'Assemblée fédérale sur les mesures et les prescriptions d'exécution que nous avons décrétées dans notre rapport de gestion annuel. Au surplus, chaque parlementaire peut demander par voie d'interpellation ou sous la forme de «questions écrites» des précisions sur telle ou telle mesure administrative. Mais, en principe, nous gérons les affaires de l'Etat de façon autonome. A défaut de base légale formelle, l'Assemblée fédérale ne peut pas décider de sa propre initiative si certaines mesures que nous avons prises restent en vigueur ou si elles doivent être modifiées ou complétées. Il nous paraît cependant raisonnable que cette compétence spéciale soit reconnue à l'Assemblée fédérale lorsque nous sommes investis de pouvoirs particulièrement étendus, tels que ceux qui découlent des articles 16 et 17 du projet. Cette compétence existe aussi dans le domaine des mesures de défense économique envers l'étranger que nous prenons en vertu de l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933/22 juin 1939.

L'Assemblée fédérale est appelée à abroger une disposition édictée par le Conseil fédéral s'il devait outrepasser ses attributions ou si les conditions légales auxquelles est subordonné le maintien de la disposition en question n'existent plus. Toutefois, l'Assemblée fédérale peut aussi, dans d'autres cas, abroger ou modifier des mesures que nous avons arrêtées si elles ne lui semblent pas judicieuses. Si l'Assemblée fédérale se résoud à modifier ou à compléter une mesure du Conseil fédéral, ce dernier est lié par cette décision et tenu de l'exécuter. Sous sa nouvelle forme, la mesure n'en passe pas moins comme étant décrétée par le Conseil fédéral, auquel il est loisible de l'adapter à son tour si les circonstances l'exigent. En la sanctionnant, l'Assemblée fédérale ne prend pas un arrêté de portée générale au sens de l'article 113, 3e alinéa, de la constitution; en dépit de cette approbation, le Tribunal fédéral reste par conséquent libre d'examiner, si elle est contestée dans une procédure quelconque, la légalité des prescriptions décrétées par le Conseil fédéral (ATF 61, I,
369; 64, I, 222; 68, II, 318).

L'article premier, 2e alinéa, de la loi sur l'approvisionnement prévoit formellement que le Conseil fédéral doit demander à l'Assemblée fédérale les crédits nécessaires à l'exécution de la loi. On peut se passer d'insérer une disposition semblable dans la nouvelle loi, parce que cette obligation découle des articles 85, chiffre 10, et 102, chiffre 14, de la constitution.

Lorsqu'une loi fédérale oblige la Confédération à exécuter certaines tâches, l'Assemblée fédérale est tenue d'octroyer les fonds nécessaires parce qu'elle est aussi liée par la loi ; si les autorités fédérales sont simplement autorisées à prendre telles ou telles mesures, l'Assemblée fédérale demeure libre d'accorder ou non les crédits sollicités ; si elle ne se rallie pas aux demandes de crédits présentées par le Conseil fédéral, celui-ci peut être intégralement

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ou partiellement empêché de faire usage de ses attributions. L'examen du budget par l'Assemblée fédérale ne porte d'ailleurs pas uniquement sur les dépenses directes, mais aussi sur les garanties accordées par le Conseil fédéral; si la Confédération est appelée à s'exécuter conformément à une garantie donnée, l'Assemblée fédérale n'est plus en droit de refuser les crédits dont la Confédération a besoin pour remplir les obligations qu'elle a contractées; d'une façon générale, l'approbation de l'Assemblée fédérale doit donc être requise avant qu'une garantie soit donnée. Il va de soi que l'Assemblée fédérale peut d'emblée nous autoriser, dans les limites du budget, à prendre des engagements jusqu'à concurrence d'un montant maximum déterminé. Indépendamment des pouvoirs que lui confèrent les articles 16 et 17, l'Assemblée fédérale a par conséquent maintes possibilités d'exercer son influence sur l'application de la loi, étant bien entendu qu'elle assume aussi sa part de responsabilité dans tous les. domaines touchant la prévoyance en matière économique.

Art. 21: Le délégué à la défense nationale économique II nous incombe de désigner le délégué à la défense nationale économique. Le Conseil fédéral et le département de l'économie publique lui confient d'importantes tâches en corrélation avec la préparation économique du pays à la guerre; il assume en même temps la coordination au sein de l'organisation latente de l'économie de guerre (voir plus haut chiffre 1/4).

Art. 22: Cantons, communes et groupements économiques A l'article 22, 1er alinéa, il est question de la coopération des cantons et des communes. La Confédération n'a de rapports officiels qu'avec les cantons, qui, eux, se chargent de faire appel aux communes. Toutefois, la nouvelle loi autorise expressément les cantons à recourir aux communes, indépendamment des pouvoirs que la législation cantonale leur confère déjà. L'article 5, 2e alinéa, relatif aux stocks de farine constitue un cas d'application de ce principe. Dans la mesure où les communes sont appelées 'à prêter leur concours, elles sont soumises à la surveillance des cantons.

Les décisions d'offices communaux peuvent être déférées par voie de recours à l'autorité cantonale compétente (art. 31, 1er al.).

Lorsque le législateur confie aux cantons certaines tâches en rapport avec
l'exécution d'une loi, les cantons sont en règle générale soumis à la haute surveillance du Conseil fédéral. C'est dire que les décisions des offices cantonaux chargés de l'exécution peuvent généralement être déférées jusqu'au gouvernement cantonal ; en cas de violation du droit fédéral, le recours au Conseil fédéral conformément à l'article 125 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (RS 3, 521) est alors recevable, à moins qu'il n'y ait possibilité de former un recours de droit administratif au Tri-

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bunal fédéral. Sous le régime de l'économie de guerre et en matière de contrôle des loyers, qui est encore en vigueur, il s'est toutefois révélé plus pratique de déférer directement à l'office fédéral compétent les décisions prises par les services cantonaux. C'est ainsi que les recours contre des décisions des services désignés par les gouvernements cantonaux sont adressés à l'office fédéral du contrôle des prix (art. 25 de l'ordonnance du 30 décembre 1953 concernant le contrôle des loyers et la limitation du droit de résiliation, RO 1953, 1315). Des raisons d'uniformité incitent à envisager un système analogue pour le cas où des mesures de réglementation et des prescriptions sur les prix maximums devraient être décrétées en vertu de l'article 17. C'est pourquoi, selon l'article 31, 1er alinéa, le recours contre les décisions des autorités cantonales compétentes doit être adressé au département de l'économie publique, qui peut non seulement examiner si la décision contestée est conforme au droit fédéral, mais aussi si elle est appropriée aux circonstances. Ainsi s'explique la raison pour laquelle l'article 22, 1er alinéa, du projet soumet directement à la haute surveillance de la Confédération les services cantonaux compétents. Il est bien entendu que le droit du gouvernement cantonal de surveiller son administration subsiste parallèlement; de même, le taux des émoluments que les offices cantonaux sont autorisés à percevoir, le cas échéant, est fixé par le droit cantonal.

L'article 22, 2e alinéa, nous permet de déléguer certaines tâches et attributions de droit public à des collectivités de droit public et à des groupements économiques. Pour ce qui est des collectivités de droit public, nous songeons notamment à la société coopérative suisse des céréales et matières fourragères, à la BUTYRA et à l'office suisse de compensation. Des groupements économiques entrent principalement en ligne de compte comme offices d'administration des contingents. Mais ils peuvent aussi être chargés de contrôles (par ex. dans le domaine des réserves obligatoires).

La responsabilité pénale et civile qu'encourent toutes les personnes qui exercent pour la Confédération des fonctions officielles à titre permanent ou temporaire est régie par la loi du 9 décembre 1850 sur la responsabilité des autorités et des fonctionnaires
de la Confédération (RS 1, 434), même si ces agents ne sont pas des fonctionnaires fédéraux proprement dits (cf. l'art. 2 de la loi précitée). Lors de la revision de cette loi, il s'agira d'examiner jusqu'où peut aller la responsabilité des organismes indépendants de l'administration proprement dite et de leur personnel, auxquels la Confédération confie l'exécution de certaines tâches, et dans quelle mesure la Confédération répond elle-même de l'activité de ces organismes et de leur personnel. Il serait faux que des personnes qui remplissent accessoirement des fonctions officielles fussent soumises, quant à leur responsabilité, à un régime sensiblement différent de celui qui est applicable aux fonctionnaires fédéraux placés entièrement sous l'autorité de la Confédération. Il faut par

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conséquent repousser l'idée qui se dégage de certaines consultations, selon laquelle la responsabilité de ces personnes devrait être appréciée selon les principes du droit civil. Quant à savoir dans quelle mesure un groupement économique ou la Confédération répond des dommages causés par les organes ou employés responsables, c'est là une question qui sera réglée dans la nouvelle loi sur la responsabilité, en corrélation avec l'obligation de la Confédération de réparer les dommages résultant d'une violation des devoirs de service de ses fonctionnaires.

Art. 23: Contrôle L'article 23, 1er alinéa, reproduit textuellement l'article 9 de la loi sur l'approvisionnement. Aux termes du 2e alinéa, les autorités compétentes ont la faculté de charger des experts-comptables ou fiduciaires indépendants d'effectuer des contrôles. Ce faisant, ces personnes et sociétés exercent une fonction officielle et sont soumises par conséquent aux prescriptions de droit public relatives à la responsabilité.

Art. 24: Obligation de garder le secret L'article 24 correspond en substance à l'article 10 de la loi sur l'approvisionnement. Comme sous le régime en vigueur, il appartient au Conseil fédéral de désigner les services auxquels les organes de contrôle sont autorisés à fournir des renseignements. Les autorités douanières et fiscales doivent-elles être considérées aussi comme étant en droit de requérir des renseignements ? C'est cette question qui est la plus controversée. Dans notre message relatif à la loi sur l'approvisionnement (FF 1937, III, 293), nous avions déclaré qu'il ne fallait entendre par «services compétents» au sens de l'article 10, 2e alinéa, de la loi que ceux de l'économie de guerre.

Aussi l'article 5 de la Ire ordonnance d'exécution du 30 décembre 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (RS 10, 781) impose-t-il expressément l'obligation de garder le secret à l'égard-des autorités fiscales et des services de l'administration des douanes.

On retrouve exactement l'énoncé de l'article 10, 2e alinéa, de la loi sur l'approvisionnement à l'article 4, 3e alinéa, deuxième phrase, de notre arrêté -- fondé sur les pouvoirs extraordinaires -- du 17 octobre 1939 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en denrées alimentaires et fourragères (RO 55, 1163) et à l'article
8, 2e alinéa, de l'ordonnance du 12 mai 1950 sur les importations et exportations (RO 1950, 419).

Notre arrêté du 9 décembre 1940 -- postérieur à la loi sur l'approvisionnement -- concernant la perception d'un impôt pour la défense nationale (RS 6, 352) oblige cependant, à l'article 90, 1er alinéa, toutes les autorités administratives, sans égard au secret de fonction, à fournir gratuitement à l'autorité de taxation tous les renseignements nécessaires.

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Comme aucune réserve n'a été faite en ce qui concerne les services de l'économie de guerre, cet article 90 restreint la portée de l'article 5 de la Ire ordonnance précitée.

On se demande aujourd'hui s'il y a lieu de donner la préférence à la réglementation prévue dans la loi sur l'approvisionnement ou à la solution adoptée par l'arrêté relatif à l'impôt pour la défense nationale. Tout le monde convient qu'il faut éviter de favoriser la fraude fiscale. Des représentants autorisés de l'économie privée sont d'avis que ses relations avec les offices de l'économie de guerre seraient considérablement facilitées si elle avait l'assurance que les informations requises n'entraîneront pas de difficultés d'ordre fiscal; ils affirment qu'entre les services de l'économie de guerre, d'une part, l'industrie et le commerce, de l'autre, doivent s'établir des rapports de confiance tels qu'ils ne sauraient exister entre le fisc et les contribuables en raison du conflit d'intérêts qui les oppose tout naturellement. Les autorités fiscales auraient d'ailleurs suffisamment de moyens d'obtenir des contribuables et des tiers tenus de fournir des renseignements les indications dont elles ont besoin (art. 89 à 91 de l'arrêté sur l'impôt pour la défense nationale). Telles sont les raisons qui ont incité le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie, l'union suisse des arts et métiers et d'autres groupements à demander le rétablissement du régime d'avantguerre. L'administration fédérale des contributions croit cependant ne pas pouvoir renoncer aux informations des offices chargés de l'exécution de la nouvelle loi. Elle fait valoir que ces renseignements lui sont précisément nécessaires au moment où les charges de la Confédération s'accroissent, où il s'agit d'épuiser intégralement toutes les possibilités de recettes fiscales.

Les entreprises qui s'acquittent correctement de leurs obligations fiscales ne s'exposent à aucune difficulté, même si le fisc demande des informations aux services prévus dans la présente loi. L'union syndicale suisse partage cette opinion. Nous estimons que l'obligation des offices de l'économie de guerre de renseigner l'administration des contributions -- instituée en 1942 -- n'a pas sensiblement troublé le fonctionnement de l'économie de guerre. Nous préférerions dès lors ne rien
changer au système en vigueur, du moins pas pour l'instant. Au cours des délibérations portant sur l'instauration d'un nouveau régime financier et plus particulièrement sur le fondement légal de l'impôt pour la défense nationale, les chambres auront encore l'occasion de se prononcer sur la faculté des autorités fiscales de requérir des renseignements. Si sensés que soient les arguments dont se prévaut l'économie, nous estimons que la présente loi ne devrait pas préjuger un problème de cette nature, qui relève du droit fiscal. La loi sur l'approvisionnement contient une disposition (art. 12) réprimant la violation de l'obligation de garder le secret. Il est superflu d'insérer une telle disposition dans la nouvelle loi, l'infraction dont il est question tombant sous le coup de l'article 320 du code pénal.

Feuille fédérale. 107e armée. Vol. I.

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CHAPITRE SIXIÈME Mesures administratives

Art. 25: Sanctions administratives Déjà l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951 concernant de nouvelles mesures propres à assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables fait, à l'article 3, une nette distinction entre les sanctions administratives et la poursuite pénale; ces deux sortes de sanctions existaient déjà dans la législation de l'économie de guerre (cf. l'art. 5 de l'arrêté n° 2 du Conseil fédéral du 2 septembre 1939 relatif à la limitation des exportations, pris en vertu de l'article 7 de la loi sur l'approvisionnement, RO 55, 833, ainsi que l'art. 3 de l'arrêté du Conseil fédéral du 1er septembre 1939, fondé sur les pouvoirs extraordinaires, concernant le coût de la vie et les mesures destinées à protéger le marché, RS 10, 891 ; Lautner-Moser, System des schioeizerischen Kriegswirtschaftsrechts, tome 2, XI, 1 ss., 72 ss.). L'application de sanctions pénales (peines privatives de liberté, amendes, peines accessoires et autres mesures prévues dans le code pénal) est en principe du ressort des tribunaux; les sanctions administratives sont prononcées en revanche par les autorités executives. Dans nombre de cas, le cumul de sanctions administratives et pénales s'impose (art. 30).

Le citoyen a le droit d'exiger que la loi énumère toutes les sanctions administratives qui peuvent le frapper. Le projet prévoit: a. Des mesures de contrainte directe; mentionnons, à titre d'exemples, la réquisition de marchandises aux frais de l'intéressé lorsqu'il ne se conforme pas à l'obligation de livrer; la saisie temporaire de réserves en cas d'infraction aux prescriptions sur leur utilisation, aux dispositions restreignant l'emploi ou ayant trait à la production. La confiscation de stocks ne constitue pas en revanche une mesure de contrainte directe; elle ne peut donc pas être ordonnée en vertu de l'article 25 (cf. toutefois l'art. 28).

b. Des mesures subrogatoires, telles que l'établissement d'un inventaire des stocks aux frais du propriétaire ou les mesures prises, toujours à sa charge, pour éviter la détérioration de réserves obligatoires; c. Des amendes disciplinaires jusqu'à 200 francs.

d. Des mesures de contrainte indirecte; citons dans cette catégorie le refus de délivrer des autorisations et leur retrait, notamment en ce qui concerne les permis
d'importation et d'exportation ; dans les limites de la législation réglementant les marchandises, des limitations spéciales de vente et d'achat, la réduction d'attributions de marchandises, de même que la révocation de subsides et autres avantages.

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En revanche, la fermeture de magasins et d'entreprises à titre de précaution n'est pas prévue comme c'était le cas dans la législation relative à l'économie de guerre (ACF du 12 novembre 1940 concernant la fermeture préventive de locaux de vente et d'ateliers, d'entreprises de fabrication et d'autres exploitations [RO 56, 1843]).

Le cas échéant, le retrait d'une autorisation frappe non seulement la personne en faute, mais aussi son co contractant ; cette sanction ne sera donc appliquée qu'avec modération, c'est-à-dire que si elle est absolument nécessaire dans l'intérêt public. Certains organes consultés ont suggéré de fixer des conditions encore plus restrictives et de ne prévoir l'application des mesures de contrainte indirecte spécifiées sous lettre d qu'en cas d'«infractions graves». En fait, on ne recourra généralement à ces mesures que pour des manquements présentant un caractère de gravité. Toutefois, si la réserve préconisée ' était exprimée dans la loi, des discussions interminables risqueraient de s'engager chaque fois qu'il s'agirait de déterminer si l'on se trouve en présence d'une infraction grave ou non. Etant donné que de telles sanctions administratives seront principalement infligées une fois que nous aurons été contraints de décréter la réglementation des marchandises, c'est-à-dire lorsque nos importations sont sérieusement entravées ou en cas de danger de guerre imminent, il n'apparaît pas recommandable de limiter d'emblée la portée des sanctions.

Il y a lieu de faire une distinction entre l'application d'une sanction motivée par une infraction établie et les mesures de précaution prises au début de la procédure d'instruction (art. 25, 2e al.); ces dernières se traduisent essentiellement par le> retrait d'autorisations et la suspension de l'octroi de permis à titre provisoire.

Comme les sanctions administratives peuvent avoir de lourdes conséquences pour les personnes qui en sont l'objet, il importe que ces personnes aient la possibilité de s'expliquer., Avant qu'une sanction administrative soit prononcée, elles auront généralement l'occasion d'exprimer leur avis par écrit. Un délai leur sera imparti de façon qu'elles puissent se faire conseiller. Des mesures de précaution au sens du 2e alinéa devront éventuellement être prescrites immédiatement, sans qu'il soit possible
d'accorder aux personnes soupçonnées un délai pour se justifier. Même en pareille occurrence, il leur sera pourtant loisible de se faire entendre en déférant la décision à l'autorité supérieure par voie de recours. Cette dernière décide aussi si le recours a un effet suspensif (art. 23bis, 1er al.,lettrée, de la loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale, dans sa teneur du 16 décembre 1943). La même procédure est exceptionnellement applicable en cas de sanctions prononcées en vertu du 1er alinéa, s'il résulte manifestement du dossier qu'une infraction a été commise et si une sanction immédiate s'impose dans l'intérêt de la préparation économique du pays à la guerre ; de pareilles circonstances ne se présenteront que rarement.

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Les ordonnances prises en exécution de la loi peuvent éventuellement prévoir aussi, à propos des sanctions administratives, une procédure d'opposition, en ce sens que la sanction administrative notifiée au contrevenant acquiert force de chose jugée s'il ne se justifie pas en formant opposition, avec motifs à l'appui, dans un délai prescrit. L'opposition contraint alors l'autorité administrative à rendre une nouvelle décision motivée et susceptible de recours (art. 32, fin du 1er al.).

Selon diverses opinions, la nouvelle loi devrait régler l'obligation de la Confédération de verser des indemnités au cas où une sanction prononcée se révèle injustifiée par la suite. On fait remarquer que la Confédération est tenue à dédommagement lorsqu'une personne soupçonnée subit un préjudice résultant d'une instruction pénale aboutissant à un non-lieu (art. 122 de la loi sur la procédure pénale) et à plus forte raison lorsqu'un tribunal de la Confédération a prononcé une condamnation pénale à tort (art. 237 de la loi sur la procédure pénale). Des sanctions administratives peuvent avoir des répercussions préjudiciables analogues, aussi bien que des instructions pénales ou des jugements erronés. Il peut effectivement arriver qu'un organe inflige en toute bonne foi des sanctions administratives qui apparaissent injustifiées ultérieurement; il serait inéquitable que le lésé doive en supporter toutes les conséquences, surtout s'il n'a provoqué la sanction ni par une attitude répréhensible, ni par légèreté. La réglementation actuelle, selon laquelle la Confédération ne répond qu'exceptionnellement des actes illégaux de ses services -- à savoir lorsqu'une loi le prévoit expressément -- n'est pas satisfaisante. Aussi avons-nous l'intention de vous soumettre prochainement le projet d'une nouvelle loi sur la responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération ; il y aura lieu d'examiner aussi à cette occasion comment doivent être réglés les cas que nous venons d'énoncer. Il s'agit en l'occurrence de problèmes exigeant une solution de caractère général. C'est pourquoi nous estimons préférable de ne pas insérer de disposition spéciale à ce sujet dans le projet de loi sur la préparation de la défense nationale économique.

Art. 26: Peines conventionnelles Les contrats de stockage existants prévoient déjà
des peines conventionnelles pour le cas de violation des dispositions liant les propriétaires de réserves obligatoires. Comme il s'agit de contrats de droit public, il est normal que le législateur spécifie les sanctions qu'entraînent les infractions aux clauses contractuelles. Par opposition au droit civil (art. 160 du code des obligations), le recouvrement de la peine stipulée ne délie pas le détenteur du stock de ses obligations ; il reste donc tenu d'exécuter la convention comme si aucune peine ne lui avait été infligée.

· On entend par «violation du contrat de stockage» l'inexécution ou l'exécution imparfaite du contrat, ainsi qu'en dispose le droit civil. Le pro-

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priétaire de la réserve obligatoire peut se soustraire à la peine s'il parvient à prouver que l'exécution du contrat est devenue impossible par suite de circonstances qui ne lui sont pas imputables (par analogie avec l'art. 119, 1er al., du code des obligations).

Une sanction pénale peut en outre être prononcée en cas de violation particulièrement grave du contrat de stockage (art. 36, 2e al.).

Art. 27: Restitution de subsides II n'existe pas de prescriptions légales de nature générale relatives à la restitution de subsides fédéraux et autres prestations analogues. Tout au plus trouve-t-on à ce sujet quelques dispositions spéciales isolées, telles que l'article 105 de la loi sur l'agriculture. Etant donné que le projet règle les mesures administratives de façon beaucoup plus approfondie que la législation antérieure, il est souhaitable de prévoir également une solution raisonnable à propos de la restitution de subventions fédérales, quand bien même elles ne jouent en l'occurrence qu'un rôle secondaire. Peut-être pourra-t-on s'inspirer de la solution envisagée dans d'autres cas de même nature.

Aux termes de l'article 27, 1er alinéa, la Confédération est en droit de requérir le remboursement de subsides s'ils ont été versés indûment ou si le bénéficiaire, bien que sommé de s'exécuter, ne remplit pas les obligations qui lui ont été imposées. La restitution n'est due en principe que jusqu'à concurrence de l'enrichissement existant encore au moment où la Confédération engage son action; s'il y a eu faute de sa part, le bénéficiaire est tenu toutefois de rembourser intégralement les subventions qu'il a reçues. La Confédération étant autorisée à demander la restitution en vertu du droit public, elle sera appelée, au besoin, à faire valoir son droit en saisissant d'une réclamation le Tribunal fédéral, qui statuera en instance unique, conformément à l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943.

Art. 28: Dévolution d'avantages pécuniaires acquis illicitement A l'article 59, 1er alinéa, le code pénal ne prévoit que la dévolution des dons et avantages qui ont servi ou qui devaient servir à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction. Le droit pénal d'économie de guerre réglait en revanche de façon approfondie la dévolution à l'Etat d'avantages pécuniaires acquis illicitement
(art. 10, 1er al., de l'ACF du 17 octobre 1944 concernant le droit pénal et la procédure pénale en matière d'économie de guerre, RS 10, 826). Depuis lors, cette institution a passé dans la législation ordinaire (art. 43, 2e al., de l'arrêté sur le statut du lait, RO 1953, 1132; art. 40 de l'arrêté fédéral concernant le ravitaillement du pays en céréales panifiables, RO 1953, 1272).

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Certains organes consultés ont suggéré de renoncer à cette mesure ; à leurs yeux, il appartiendrait au juge pénal de tenir compte de l'avantage pécuniaire obtenu en fixant le montant de l'amende. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 74, IV, 143), le juge est en droit, il est vrai, de prendre en considération le bénéfice résultant d'un délit en appréciant la culpabilité et la situation du délinquant (revenu, fortune, etc.). Le Tribunal fédéral refus'e pourtant catégoriquement d'admettre que le minimum de l'amende soit déterminé par l'avantage pécuniaire effectivement acquis; il est d'avis, au contraire, que l'amende peut être inférieure ou supérieure suivant le degré de culpabilité et la situation générale du délinquant.

L'amende est une peine, affirme le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité.

Elle doit permettre à l'auteur du délit d'expier sa faute, le corriger et avoir un effet d'intimidation. Il ne ressort nulle part du code pénal que l'amende vise aussi -- et même au premier chef -- à supprimer après coup la rentabilité d'une infraction. Si l'amende avait aussi pour but de priver le délinquant de son enrichissement, comment s'expliquerait-on alors que, dans le droit pénal ordinaire, l'enrichissement, en cas de décès du condamné, reste acquis à ses héritiers ? Le Tribunal fédéral constate dès lors que la soustraction d'un avantage obtenu illicitement doit s'opérer en principe par la confiscation et non par la peine. Sous l'angle du droit pénal en matière économique, la dévolution d'avantages pécuniaires indûment acquis est une nécessité imposée par l'équité sociale et qui doit se traduire en fait, indépendamment de la peine que l'Etat est habilité à requérir. Il arrive fréquemment que des personnes non coupables pénalement entrent en possession d'avantages acquis illicitement, notamment par suite d'actes punissables commis par des tiers, y compris les prédécesseurs. Il est justifié par conséquent d'ériger en institution légale la dévolution d'avantages acquis illicitement.

La relation entre le droit au recouvrement que peut exercer la Confédération et les revendications éventuelles de personnes lésées est importante. Dans la mesure où ces dernières réclament des dommages-intérêts en temps voulu, il faut évidemment leur donner satisfaction en premier lieu. La Confédération ne peut
en conséquence exercer ses droits qu'en tenant compte du préjudice subi par de tierces personnes. Si un tiers lésé produit sa créance après que la revendication de la Confédération a été valablement reconnue, le débiteur tenu à réparation doit pouvoir renvoyer ce tiers à la Confédération, qui recouvre ou a déjà recouvré l'avantage pécuniaire. En pareille occurrence, il faut que le lésé ait la possibilité de faire valoir, à l'égard de la Confédération, sa revendication, sur laquelle il sera statué conformément au droit public (4e al.). En ce qui concerne la compétence du Tribunal fédéral, on voudra bien se reporter à la fin du commentaire de l'article 33 ci-après.

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Art. 29: Prescription Pour toutes les actions dérivant des articles 26 à 28, le projet fixe des délais de prescription uniformes. Le 2e alinéa s'inspire des principes régissant la prescription en matière fiscale (art. 128 de notre arrêté sur l'impôt pour la défense nationale).

Art. 30: Mesures administratives et poursuite pénale II est légitime de communiquer les mesures administratives qui ont été prises aux autorités compétentes en matière pénale, de façon que celles-ci puissent tenir compte, dans les limites de leur pouvoir d'appréciation, des répercussions de ces sanctions, notamment lors de la fixation du montant des amendes.

CHAPITRE SEPTIÈME Procédure administrative

Art. 31132: Recours contre les décisions d'autorités indépendantes de l'administration' fédérale et contre celles d'organes fédéraux Pour le recours au département de l'économie publique contre des décisions d'autorités cantonales, nous vous prions de vous référer au commentaire de l'article 22, 1er alinéa. Au surplus, les deux articles précités correspondent à la réglementation usuelle.

Art. 33: Commission arbitrale en matière de réserves obligatoires L'article 11 de la loi sur l'approvisionnement dispose que nous pouvons instituer des commissions spéciales indépendantes de l'administration pour connaître des demandes litigieuses susceptibles d'une évaluation pécuniaire, formées en vertu de cette loi. Les décisions qu'entraînent des contestations dont la valeur litigieuse est d'au moins 2000 francs peuvent être déférées au Tribunal fédéral conformément aux dispositions de la loi sur l'expropriation.

La nécessité de créer des organismes spéciaux ne s'est manifestée qu'après l'ouverture des hostilités. Dans la IIe ordonnance d'exécution du 20 septembre 1939 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (procédure relative aux demandes litigieuses susceptibles d'une évaluation pécuniaire) (RS 10, 790), nous avons désigné ces organes sous le nom de «tribunaux de l'économie de guerre» (art. 1er).

Dans les articles suivants, il n^en est plus question qu'au singulier ; ce seul tribunal de l'économie de guerre n'a d'ailleurs pas eu beaucoup à faire.

Cette appellation n'était pas judicieuse parce qu'elle suscitait des confusions avec les cours pénales de l'économie de guerre. Selon la IIe ordonnance d'exécution précitée, la section de droit public et de droit administratif du

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Tribunal fédéral nomme, sur demande, le président du tribunal de l'économie de guerre et chaque partie désigne un assesseur. Dans la mesure où certaines questions de procédure ne sont pas réglées dans l'ordonnance ellemême, les dispositions régissant la procédure civile fédérale sont applicables subsidiairement.

Les avant-projets du délégué et du département de l'économie publique prévoyaient de remplacer le tribunal de l'économie de guerre par un «tribunal administratif etf matière économique», qui aurait eu à connaître des demandes litigieuses susceptibles d'une évaluation pécuniaire formées par la Confédération ou contre elle en vertu de la nouvelle loi. Le projet du département précisait qu'il était aussi loisible aux parties de s'entendre pour régler par voie d'arbitrage tous leurs différends, à l'exception de ceux se rapportant au droit de disjonction. L'idée d'un tribunal administratif en matière économique s'est heurtée à une vive opposition, notamment en Suisse romande. L'institution, sur le plan fédéral, d'un tribunal de première instance se subrogeant au Tribunal fédéral n'a pas été accueillie favorablement. Tout au plus pourrait-on envisager une commission, déclarait-on, étant donné que ses membres n'auraient pas été nommés, selon les avantprojets, par l'Assemblée fédérale, mais par le Conseil fédéral.

Un nouvel examen du problème s'imposait. Il s'est révélé que les contrats de stockage constituent le seul domaine où les contestations doivent être jugées par un organisme indépendant. Il nous paraît recommandable de charger le même organisme de trancher les différends en corrélation avec les fonds de garantie et autres institutions analogues, ainsi que les litiges relatifs aux peines conventionnelles (art. 26, 2e al.). C'est encore à lui que pourraient être déférés, au cas où une partie des réserves stipulées devrait être soumise au régime de la livraison obligatoire, les litiges ayant trait à la détermination de la contre-valeur des ventes.

Il faut se demander si cet organe doit avoir le caractère d'un tribunal arbitral -- au même titre que le tribunal de l'économie de guerre -- ou être assimilé à une commission du genre de la commission de recours de l'administration militaire ou de la commission des recours en matière de douane. Le système de la juridiction arbitrale est ancré dans
les procédures civiles cantonales: les parties doivent pouvoir convenir de soumettre des litiges de droit privé à un tribunal non officiel qu'elles désignent ellesmêmes et dont les jugements sont exécutés par le canton selon des modalités déterminées. On ne saurait raisonnablement confier en revanche à un tribunal arbitral, dont l'un des membres serait désigné par la partie mise en cause, le jugement de contestations relatives à des peines conventionnelles de droit public. D'autre part, l'organe appelé à statuer devrait être au courant des problèmes économiques, qui revêtent une grande importance en matière de stockage obligatoire. Au surplus, les décisions devraient pouvoir être déférées au Tribunal fédéral comme sous le régime en vigueur.

845 Dans ces conditions, la meilleure solution consiste, à notre sens, à prévoir une «commission arbitrale» qui, tout en étant indépendante de l'administration fédérale, serait instituée par le Conseil fédéral. L'énoncé de la disposition légale envisagée nous permettrait éventuellement de nommer un nombre relativement élevé de membres appartenant aux diverses branches économiques, le président ayant ainsi la faculté -- comme le pratiquent les tribunaux de commerce cantonaux -- de convoquer dans chaque cas particulier ceux qui connaissent le mieux les questions économiques en corrélation avec l'affaire à juger. Nous pensons qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce que les détails d'organisation et de procédure soient réglés comme jusqu'à présent par voie d'ordonnance, étant bien entendu que le droit de prendre connaissance des dossiers et de se pourvoir d'un défenseur sera sauvegardé. Comme il s'agit d'une commission administrative, jouissant toutefois d'une large autonomie, le recours de droit administratif est le moyen le plus normal de déférer ses décisions au Tribunal fédéral (art. 34).

Sous ce régime, il convient d'attribuer désormais aux tribunaux civils les litiges relatifs au droit de disjonction (cf. le commentaire des art. 10 et 11).

Indépendamment de celles qui dériveront de l'application de l'article 33, les contestations de nature pécuniaire relevant du droit public auxquelles la nouvelle loi pourrait donner lieu seront vraisemblablement peu nombreuses. Ce sont principalement des plaintes fondées sur les articles 27 et 28 du projet qui entreraient en ligne de compte. Elles peuvent fort bien être jugées directement selon la procédure instituée par l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire, sans qu'il en résulte un sensible surcroît de travail pour le Tribunal fédéral. Attendu que la nouvelle loi ne prévoit plus l'expropriation et que la réquisition d'entrepôts contre versement de l'indemnité usuelle ne semble pas devoir susciter d'actions en dédommagement, les principales contestations visées par l'article 11 de la loi sur l'approvisionnement disparaissent pratiquement. Dans ces circonstances, il est possible de renoncer au maintien du tribunal de l'économie de guerre sous la forme d'un «tribunal administratif en matière économique», si les litiges se rapportant aux réserves
obligatoires sont tranchés conformément à l'article 33 du projet.

Art. 34: Recours de droit administratif Selon l'article 34, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral serait recevable non seulement contre les décisions relatives à des émoluments de droit fédéral et celles de la commission arbitrale, mais aussi contre toutes les décisions concernant des sanctions administratives. Cette solution s'inspire de l'article 4, 2e alinéa, de l'arrêté de l'Assemblée fédérale concernant de nouvelles mesures propres a assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables. Bien que

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les sanctions administratives aient pour but d'assurer la bonne application d'une loi, il n'en demeure pas moins qu'elles ont souvent sur ceux qui en sont l'objet des effets semblables à ceux d'une peine; il est normal par conséquent que ceux auxquels elles sont infligées aient la possibilité d'en appeler à une juridiction lorsque ces sanctions leur paraissent avoir été prononcées illégalement. Le recours de droit administratif ne permet toutefois au recourant que d'alléguer que la décision viole le droit fédéral.

Il n'est plus possible d'examiner si la sanction est appropriée aux circonstances ; dans le cas contraire, la chambre de droit administratif du Tribunal fédéral serait en quelque sorte élevée au rang de juridiction suprême en matière administrative. Sont cependant assimilés à une violation du droit fédéral toute appréciation juridique erronée d'un fait, toute constatation de fait inexacte ou incomplète, ainsi que le fait d'avoir négligé des circonstances juridiquement essentielles ou, au contraire, d'avoir tenu compte de circonstances insignifiantes (art. 104 et 105 de la loi d'organisation judiciaire, ATF 61, I, 143).

Il faut pourtant se garder de surestimer la protection juridique qu'impliqué le recours de droit administratif. En effet, selon une jurisprudence dont il ne s'est pas départi, le Tribunal fédéral n'examine un recours de droit administratif que si la mesure contestée n'est pas exécutée ou si ses effets juridiques se manifestent encore. En règle générale, le recours de droit administratif -- à l'instar du recours administratif prévu à l'article 33 du projet -- n'a pas d'effet suspensif (art. 106 de la loi d'organisation judiciaire). Le Tribunal fédéral part de l'idée qu'une fois exécuté, un acte administratif ne peut plus être rendu inopérant. Il faudra examiner, lors de la révision de la loi sur la responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération, si une protection juridique spéciale peut être accordée aux citoyens dans des cas de ce genre.

Les décisions sur l'octroi de subsides fédéraux ou d'autres libéralités sont du ressort exclusif des autorités administratives.

CHAPITRE HUITIÈME

Dispositions pénales Art. 35: Contraventions L'énoncé des dispositions pénales du projet est entièrement nouveau parce que, depuis l'adoption de la loi sur l'approvisionnement, le code pénal suisse est entré en vigueur. D'autre part, le projet ne fait plus état de fraudes (art. 12 de la loi sur l'approvisionnement), auxquelles sont généralement applicables les dispositions sur l'escroquerie ou la tentative d'escroquerie (art. 148 du code pénal), voire sur les faux dans les titres (art. 251 du, code pénal). L'article 273 du code pénal prévoit également

847

un délit particulièrement important du point de vue de la défense nationale économique: le service de renseignements économiques au 'profit de l'étranger.

L'infraction que constitue la propagation de rumeurs en corrélation avec la préparation économique du pays à la guerre est nouvelle. Certains porte-parole du commerce ont préconisé de supprimer cette disposition en faisant valoir que chaque vendeur attirant l'attention sur la probabilité de mesures restrictives doit s'attendre à être l'objet d'une instruction pénale; ils ajoutaient que la disposition en question favoriserait la dénonciation. Le texte figurant dans le projet du département a été soumis à un nouvel examen; il nous a paru judicieux de retenir pour le moins la proposition subsidiaire, présentée par le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie, selon laquelle seule l'infraction commise intentionnellement serait passible d'une peine.

Agit intentionnellement celui qui commet un acte «avec conscience et volonté». D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 69, IV, 80), il y a intention non seulement lorsque le délinquant est certain que les éléments constitutifs d'un acte punissable sont réunis; il suffit qu'il sache que ces éléments risquent sérieusement de devenir réalité et qu'il s'en accommode (dol éventuel). Il sera souvent difficile de prouver qu'une personne était consciente de l'inexactitude des affirmations qu'elle a répandues.

Il suffira dès lors que l'accusateur établisse que le prévenu a intentionnellement articulé ou propagé, dans un dessein de lucre, des allégations fausses ou tendancieuses à propos de mesures en vigueur ou prochaines se rapportant à la préparation économique du pays à la guerre; il incombera au prévenu d'administrer la preuve qu'il avait des raisons sérieuses de considérer de bonne foi ses déclarations comme véridiques, ainsi que le prévoit expressément l'article 35, 2e alinéa.

Le dessein de lucre est l'élément primordial qui détermine la répression.

D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, on entend par dessein de lucre ou cupidité une aspiration démesurée au gain (ATF 74, IV, 143), une recherche particulièrement accusée du gain qui a dégénéré en passion (ATF 79, IV, 118). Il faut distinguer de la cupidité la simple intention de s'enrichir et l'exercice d'un métier
(Schwander, Schweiz. Strafgesetzbuch,p. 154). Ainsi, les éléments constitutifs du dessein de lucre seraient réunis si un commerçant affirmait par exemple consciemment, sans indices sérieux, qu'un rationnement est proche pour se débarrasser de vieilles marchandises que, normalement, il ne pourrait plus écouler. Celui qui répand des faits exacts (sous réserve de l'art. 320 du code pénal: violation du secret de fonction) n'est pas punissable, même s'il en a eu prématurément connaissance à la suite d'une indiscrétion.

Les arrêts ou l'amende sont les sanctions prévues pour les deux genres de contraventions spécifiés à l'article 35. En cas de contravention en matière d'inventaires et autres enquêtes, le maximum de l'amende est de 2000

848

francs ; si le coupable a agi par cupidité, le juge n'est pas lié par ce maximum (art. 106 du code pénal). Lorsqu'il s'agit de la propagation de rumeurs fausses ou tendancieuses, le juge n'a pas du tout à se préoccuper d'un maximum de l'amende, parce que le dessein de lucre est un élément constitutif de l'acte punissable.

Art. 36: Délits La loi en vigueur (art. 14) réprime déjà comme délits les infractions, commises intentionnellement, aux prescriptions décrétées en période troublée par l'Assemblée fédérale en vertu de l'article premier, 3e alinéa, et, en cas de danger de guerre imminent, par le Conseil fédéral conformément aux articles 7 et 8. Une infraction commise par négligence n'a toutefois que le caractère d'une contravention; elle est punie comme telle. En revanche, le droit pénal en matière d'économie de guerre considère comme délits toutes les infractions, qu'elles soient commises intentionnellement ou par négligence (art. 2 et 4 de l'ACF du 17 octobre 1944 concernant le droit pénal et la procédure pénale en matière d'économie de guerre). Le même principe s'applique aux infractions aux dispositions édictées en vertu de l'arrêté fédéral concernant les mesures de défense économique envers l'étranger (art. 6, 2e alinéa, de cet arrêté; art. 10 de l'ordonnance du 12 mai 1950 sur les importations et exportations, BO 1950, 419). Lorsque nos importations sont entravées ou en cas de danger de guerre imminent, des infractions commises par négligence aux prescriptions sur la réglementation des marchandises et sur les prix peuvent compromettre gravement l'approvisionnement de la population et de l'armée; il est justifié par conséquent de les assimiler en principe à des délits.

En règle générale, la violation de contrats de stockage n'est pas punissable ; elle n'entraîne qu'une peine conventionnelle de droit public (cf. le commentaire de l'art. 26). Seule une violation particulièrement grave doit être frappée d'une sanction au même titre qu'un délit. Celui qui a constitué une réserve obligatoire -- financée avec l'aide de la Confédération -- et qui, intentionnellement : . a. Réduit le volume de ce stock ou altère la qualité des marchandises le composant sans y être autorisé et b. Néglige, malgré sommation, de rétablir un état de choses conforme au contrat dans le délai imparti, compromet non seulement
les sûretés reconnues à la Confédération pour s'être portée garante des crédits octroyés, mais amoindrit les ressources nécessaires au ravitaillement du pays. C'est pourquoi la poursuite pénale doit être admise. Si le rétablissement d'un état de choses conforme au contrat est devenu impossible pour des raisons indépendantes de la volonté du détenteur de la réserve, ce dernier n'est pas punissable, faute de culpabilité.

849 Art. 37: Casier judiciaire; révocation du sursis à l'exécution de la peine Si des prescriptions sur la réglementation des marchandises et sur les prix étaient édictées conformément à l'article 17 du projet, de nombreuses infractions insignifiantes, qu'une petite amende suffirait amplement à réprimer, tomberaient également sous le coup de l'article 36,1e alinéa.

Si le code pénal était appliqué sans réserve, tous ces jugements devraient être inscrits au casier judiciaire (art. 360, lettre a, du code pénal). Ce serait tout de même un peu abusif lorsqu'il s'agit de droit pénal économique.

Le projet prévoit qu'une amende ne sera inscrite au casier judiciaire que sur ordre formel du tribunal, si la gravité de l'infraction le justifie. Cette règle s'inspire de l'ancien droit pénal en matière d'économie de guerre (ACF du 17 octobre 1944 concernant le droit pénal et la procédure pénale en matière d'économie de guerre, RS 10, 826), de l'article 15 de l'arrêté fédéral du 10 juin 1953 instituant les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit (RO 1953, 909) et de l'article 10 de notre arrêté du 30 décembre 1952 concernant les dispositions pénales applicables en matière de céréales panifiables (RO 1952, 1150).

Si un condamné bénéficiant du sursis commet intentionnellement un délit durant le délai d'épreuve, la première peine qui a donné lieu au sursis devrait, selon les principes généraux du code pénal (art. 41, ch. 3), être mise à exécution chaque fois qu'il ne s'agit pas d'un «cas de très peu de gravité». En période d'avant-guerre, il faut s'attendre à de nombreuses infractions visées par l'article 36 et qui, sans pouvoir être considérées comme étant de très peu de gravité, ne justifient pourtant pas encore la révocation du sursis. Sur ce point, le droit pénal en matière d'économie de guerre (art. 13 de l'ACF précité du 17 octobre 1944) allait beaucoup moins loin que le code pénal, en dépit de la nouvelle teneur donnée à son article 41, chiffre 3, lors de la revision du 5 octobre 1950. Il apparaît judicieux d'adopter également à ce propos une réglementation particulière, régie par le même principe que celui dont s'inspire la disposition relative à l'inscription au casier judiciaire.

Art. 38: Dispositions pénales spéciales L'article 38, 2e alinéa, se rapporte à l'acte délictueux
que constitue le trafic prohibé (art. 76 de la loi sur les douanes, RS 6, 469). A l'instar de l'article 6, 4e alinéa, de l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933/22 juin 1939 concernant les mesures de défense économique envers l'étranger et de l'article 11 de l'ordonnance du 12 mai 1950 sur les importations et exportations, le projet dispose que la violation de prohibitions ou de restrictions d'importation, d'exportation ou de transit de marchandises au sens de l'article 76 de la loi sur les douanes doit être réprimée conformément aux dispositions de cette loi. Celle-ci prévoit des amendes jusqu'à concurrence du sextuple de la valeur des marchandises au cours du marché intérieur et, au surplus, la confication des marchandises et des objets qui ont servi

850 à commettre l'infraction. En cas de circonstances aggravantes, le maximum de l'amende est augmenté de moitié et une peine d'emprisonnement jusqu'à un an peut être prononcée (art. 77 de la loi sur les douanes).

Art. 39: Infractions commises dans la gestion des entreprises L'article 39 rend les personnes morales, les sociétés et les propriétaires d'entreprises exploitées sous une raison individuelle solidairement responsables du paiement des amendes et des frais auxquels des personnes appartenant à l'entreprise ont été condamnées à là suite d'une procédure pénale.

Le code pénal ne contient pas de disposition de ce genre. On en trouve en revanche dans plusieurs actes législatifs spéciaux, tels que la loi du 1er octobre 1925 sur les douanes (art. 9, 4e al., et art. 100, RS 6, 469), la loi du 7 juillet 1932 sur le ravitaillement du pays en blé (art. 36, 3e al., RS 9, 431), la loi du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne (art. 49, RS 10, 325) et l'arrêté fédéral du 10 juin 1953 instituant les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit (art. 16, RO 1953, 909). Les dispositions précitées visent à obliger les organes de surveillance à faire en sorte que toutes les personnes excerçant une activité dans une même entreprise observent les prescriptions (ATP 62,1, 30). L'employeur -- ou la direction responsable -- a toutefois la faculté, ainsi que le prévoit la loi sur les douanes, de se disculper en prouvant qu'il n'a rien négligé pour que les personnes coupables s'en tiennent aux prescriptions. Si cette preuve est administrée, la responsabilité solidaire pour le paiement des amendes et des frais est abolie.

Les personnes solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés; elles ont dès lors la faculté de déférer le jugement, de leur propre chef, jusqu'à la cour de cassation du Tribunal fédéral.

Art. 40: Renvoi au code pénal; procédure La poursuite pénale est en principe du ressort des cantons ; le procureur général de la Confédération peut cependant interjeter les recours prévus par la législation cantonale contre les jugements de première instance et les ordonnances de non-lieu -- cela dans les dix jours à compter de la communication -- (art. 266/267 de la loi sur la procédure pénale) et se pourvoir en nullité au Tribunal fédéral contre les
jugements et ordonnances de nonlieu rendus en dernière instance cantonale (art. 270, 6e al., de la loi sur la procédure pénale).

CHAPITRE NEUVIÈME Dispositions finales et transitoires

Art. 41: Entrée en vigueur; abrogation des dispositions antérieures En ce qui concerne les arrêtés et ordonnances pris en vertu de la loi sur l'approvisionnement, il faut faire une distinction entre ceux qui seront

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abrogés par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et éventuellement remplacés par d'autres (art. 41, 2e al.) et ceux qui devraient rester en vigueur durant une période transitoire de trois ans (3e al.).

Les arrêtés du Conseil fédéral sur la constitution de réserves obligatoires, énumérés au 3e alinéa, se subdivisent en deux catégories, à savoir : a. Les arrêtés relatifs aux marchandises dont l'importation a été soumise au régime du permis conformément à l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951, dans le seul dessein d'assurer l'approvisionnement du pays (arrêtés du Conseil fédéral sur la constitution de réserves de fèves et de graisse de cacao, de semences, de flocons d'avoine et d'antibiotiques).

Il n'est pas nécessaire de les reviser; ils reposeront désormais sur l'article 7 de la nouvelle loi, fondement légal se substituant à l'ancien, qui, lui aussi, avait trait à la préparation économique du pays à la guerre.

b. Les arrêtés relatifs aux marchandises dont l'importation était déjà soumise au régime du permis avant l'adoption de l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951. Fondée sur l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933/22 juin 1939 concernant les mesures de défense économique envers l'étranger, cette réglementation était dictée par des considérations de politique commerciale, qui, paraissent demeurer valables (arrêtés du Conseil fédéral sur la constitution de réserves d'avoine, d'orge et de maïs pour la mouture, de denrées fourragères, d'huiles et de graisses comestibles, de riz comestible, de maïs de semence et de vesces de semence).

Faut-il procéder à la re vision de ces arrêtés ? C'est là un problème qu'il nous paraît préférable de ne résoudre qu'au moment où sera élucidée la question d'une éventuelle refonte des dispositions subordonnant l'importation de certaines marchandises à la délivrance d'un permis.

A côté des arrêtés sur la constitution de réserves mentionnés au 3e alinéa, il en existe d'autres appartenant à un troisième groupe (arrêtés du Conseil fédéral sur la constitution de réserves de carburants et de combustibles liquides, d'huiles minérales pour le graissage des machines, de phosphates bruts, d'engrais de potasse, de café, de sucre : voir la liste complète dans le commentaire de l'art. 7). L'importation de toutes ces marchandises avait également été soumise
au régime du permis pour des raisons de politique commerciale, en vertu de l'arrêté fédéral concernant les mesures de défense économique envers l'étranger. A ce titre, le maintien de ce régime ne semble plus s'imposer aujourd'hui. Il est prévu dès lors de remanier aussi les arrêtés de cette troisième catégorie pour la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et de les faire reposer exclusivement sur cette loi.

852

Parmi les actes législatifs qui resteraient encore en vigueur pour une période transitoire de trois ans figure aussi notre arrêté du 18 juin 1951 concernant la surveillance des exportations de marchandises indispensables (RO 1951, 527). Les marchandises qui, selon cet arrêté, ne peuvent être exportées qu'avec une autorisation spéciale ont été désignées dans des ordonnances du département de l'économie publique. Il est recommandable de laisser à ce département, durant la période transitoire, la compétence de modifier ou de compléter la liste de ces marchandises, bien que l'article 20 du projet prévoie qu'il incombe au Conseil fédéral lui-même d'édicter les dispositions d'exécution de la loi.

Vu ce qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet de loi ci-annexé, et saisissons l'occasion pour vous assurer, Monsieur le Président et Messieurs, de notre haute considération.

Berne, le 29 avril 1955.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Max Petitpierre 10606

Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser

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(Projet)

LOI FÉDÉRALE la préparation de la défense nationale économique

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles Slbis, 3e alinéa, lettre e, 32, 64 et 64&»s de la constitution ; vu le message du Conseil fédéral du 29 avril 1955, arrête: Article premier La Confédération prend, pour le cas de guerre, les mesures de précaution spécifiées ci-après, en tant qu'elles sont nécessaires pour assurer l'approvisionnement de la population et de l'armée en marchandises indispensables et pour protéger les avoirs suisses.

Objet

CHAPITRE PREMIER Mesures préparatoires Art. 2 Le Conseil fédéral prépare les mesures et la législation appliPreparatila cables sous le régime de l'économie de guerre et pourvoit à l'organi- administratif et sation de cette économie.

juridique 2 Le Conseil fédéral recourt aux services de personnalités qualifiées appartenant à l'économie ou à l'administration publique.

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Art. 3 Le Conseil fédéral peut ordonner l'inventaire des stocks de marchandises indispensables, ainsi que des enquêtes sur les besoins du pays et les possibilités de production.

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Feuille fédérale. 107<= année. Vol. I.

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inventaires et i

autres en< ul!te8

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Pour compléter ces enquêtes, le Conseil fédéral est autorisé à exiger des rapports périodiques.

3 Lorsqu'un inventaire ou une autre enquête a été prescrit conformément au 1er alinéa, chacun est tenu de renseigner l'autorité compétente sur tous les éléments importants pour l'approvisionnement de la population et de l'armée et de présenter, sur demande, toute documentation utile.

CHAPITRE DEUXIÈME Mesures à prendre en période troublée

A. Stocks 1. Généralités

Art. 4 Si la situation internationale l'exige, le Conseil fédéral peut encourager, par des contrats et d'autres moyens appropriés, la constitution, le maintien et l'accroissement de stocks par des tiers et assurer le ravitaillement du pays par des mesures de même nature.

1

2

Pour compléter les réserves accumulées de plein gré par des tiers, la Confédération peut se constituer elle-même des stocks ou augmenter le volume de ceux qu'elle possède déjà.

3 La constitution de stocks de céréales panifiables demeure régie par les dispositions que contient à ce propos la loi du 7 juillet 1932/ 21 décembre 1950 sur le ravitaillement du pays en blé.

II. Stocks minimums do denrées alimentaires

Art. 5 Les entreprises qui sont nécessaires pour assurer l'approvisionnement journalier de la population en denrées alimentaires, mais qui n'obtempèrent pas dans une mesure suffisante aux exhortations officielles les invitant à constituer des réserves, peuvent être obligées à détenir des stocks dont le volume minimum sera prescrit suivant leur capacité financière. Ces stocks doivent permettre de ravitailler la population durant la période au cours de laquelle le réapprovisionnement des entreprises est suspendu.

2 Lorsque l'obligation de détenir des stocks minimums s'applique aux boulangeries et que l'on ne peut raisonnablement exiger de certaines d'entre elles qu'elles disposent de réserves de farine suffisantes, les cantons sont tenus, avec le concours des communes, de pourvoir par d'autres moyens à la constitution des stocks de farine nécessaires.

3 Le Conseil fédéral peut imposer aux cantons l'obligation de détenir des stocks de sel appropriés.

1

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. Art. 6 Si le Conseil fédéral invite la population à constituer des provisions de ménage, il peut obliger les cantons à prendre, avec le concours des communes, des mesures en faveur des personnes ne disposant pas des ressources nécessaires pour faire des provisions.

Art. 7 Aux termes des contrats portant constitution de réserves obligatoires, les propriétaires s'engagent à détenir des stocks déterminés en des endroits convenus, sur territoire suisse, à leur vouer les soins qui s'imposent et à les compléter au fur et à mesure des prélèvements.

2 Les contrats de stockage spécifieront que même si le régime de la livraison obligatoire est institué pour des raisons d'économie de guerre, la moitié au moins du stock restera attribuée à son propriétaire pour qu'il puisse en tirer parti dans l'exercice de son activité ou ravitailler la clientèle, tout en observant d'éventuelles prescriptions sur la réglementation des marchandises.

3 A l'effet de promouvoir la constitution de réserves, le Conseil fédéral est autorisé à soumettre au régime du permis l'importation de marchandises déterminées. L'octroi des permis et la vente de marchandises importées par la Confédération ou un organisme mandaté par elle peuvent être subordonnés à la condition que l'intéressé conclue et exécute un-contrat de stockage et prenne en charge des marchandises du même genre, susceptibles de détérioration, qui seront prélevées sur les stocks appartenant à la Confédération. Le Conseil fédéral peut admettre que l'obligation de détenir des réserves de marchandises déterminées soit exécutée par des tiers.

4 Les contrats portant constitution de réserves obligatoires sont exempts du droit de timbre cantonal.

1

III. Mesures on faveur dos des personnes de condition modeste

IV. Késerves obligatoires 1. Conclusion et teneur des contrats portant constitution de réserves obligatoires (contrats do stockage)

Art. 8 Les contrats portant constitution de réserves obligatoires 2. Fonds do peuvent prévoir que les détenteurs de stocks sont tenus de contribuer earTMBtìtutioan'atres à alimenter des fonds de garantie ou de participer à d'autres instianalogues tutions analogues créés par la branche à laquelle ils appartiennent en vue de couvrir les frais d'entreposage et les risques inhérents à une baisse des prix des marchandises composant les réserves obligatoires.

2 Si, pour assurer le fonctionnement de ces institutions, l'on fait appel à des collectivités ou si l'on en constitue, leurs statuts peuvent déroger, en ce qui concerne l'acquisition et la perte de la qualité de membre, ainsi que l'obtention et l'utilisation des ressources, aux dis1

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s. Facilités détenteursade obfSatoires

positions du droit privé, à condition que l'intérêt public l'exige et que le Conseil fédéral y ait consenti.

3 Toutes ces institutions sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

Art. 9 1 Pour faciliter la constitution de réserves obligatoires, la Confédération peut se porter garante des pertes consécutives à l'octroi ^e crédits bancaires ainsi que des dommages découlant de risques non assurables.

2 Dans la mesure où, lors de la taxation en matière d'impôts fédéraux, l'estimation des stocks de marchandises a une répercussion sur le calcul de l'impôt, il y a lieu de tenir équitablement compte des risques particuliers qu'assument les détenteurs de réserves obligatoires. Le Conseil fédéral règle les détails.

Art. 10 4. Droit de Si le propriétaire d'une réserve obligatoire est déclaré en faillite laConféd'ération ou demande à être mis au bénéfice d'un concordat, la Confédération a. Règle générale a le droit d'exiger la remise du stock et d'en disposer exclusivement, à condition qu'elle prenne à sa charge, dans la mesure où elle s'en est portée garante, les pertes que les bailleurs de fonds peuvent avoir subies par suite du financement de cette réserve.

2 Les droits de gage et de rétention, conventionnels ou légaux, ne sont pas opposables au droit de disjonction de la Confédération, à l'exception du droit de rétention dont les entrepositaires peuvent se prévaloir pour garantir leurs créances visées par l'article 485, 1er alinéa, du code des obligations. L'émission de titres représentatifs des marchandises composant les réserves obligatoires n'est pas admise.

1

b. Particularités

Art. 11 Dès que la déclaration de faillite ou l'octroi du sursis concordataire est passé en force, la Confédération devient propriétaire des réserves obligatoires et, s'il y a lieu, est subrogée aux droits que la perte ou la diminution de valeur des réserves confère au débiteur.

2 Dans la mesure où la disjonction ne suffit pas à désintéresser la Confédération, elle est seule habilitée, en exerçant l'action révocatoire conformément aux articles 285 et suivants de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, à attaquer les actes par lesquels le débiteur a disposé de ses réserves obligatoires.

3 Si la contre-valeur des réserves obligatoires et des droits mentionnés au 1er alinéa est supérieure au montant que peut exiger la Confédération pour avoir désintéressé les bailleurs de fonds, elle est 1

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tenue d'exécuter d'abord les obligations du débiteur à l'égard du fonds de garantie ou d'institutions analogues destinés à couvrir les frais d'entreposage et les risques inhérents à une baisse des prix des marchandises composant les réserves obligatoires. L'excédent doit être versé à la masse ou, dans la procédure concordataire, au débiteur. Au droit de gage dont serait grevée la réserve obligatoire en faveur du bailleur de fonds se substitue un gage sur le droit à l'excédent.

4 Si la Confédération n'est pas entièrement désintéressée par la disjonction et, s'il y a lieu, par sa subrogation aux droits mentionnés au 1er alinéa, elle participe à la faillite ou au concordat pour le montant du découvert.

5 Les litiges se rapportant au droit de disjonction sont du ressort des tribunaux civils.

Art. 12 1 Pour faciliter la constitution de réserves de bois, le Conseil fédéral peut ordonner une extension de l'exploitation forestière.

2 La Confédération participera équitablement aux charges supplémentaires qui en résultent.

Art. 13 Le Conseil fédéral peut encourager par' des subventions, des prêts ou d'autres moyens appropriés les études, recherches et autres préparatifs ayant trait à l'utilisation des ressources naturelles du pays, à l'accroissement de la production indigène et à la conservation de marchandises d'importance vitale, ainsi qu'à la fabrication de produits nouveaux et succédanés indispensables. Il peut régler contractuellement les rapports juridiques.

Art. 14 Le Conseil fédéral prend les mesures propres à assurer des possibilités de transport suffisantes et à maintenir ouvertes les voies d'accès pour le cas où les importations seraient compromises.

2 La Confédération peut instituer une assurance des transports contre le risque de guerre et faire bénéficier de la réassurance les risques ordinaires de transport.

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Art. 15 Pour le cas où la Suisse serait entraînée dans un conflit international, le Conseil fédéral prend toutes les dispositions nécessaires à l'effet de protéger les biens, les droits, ainsi que les intérêts économiques et financiers du peuple suisse, tant au pays qu'à l'étranger.

B. Sylviculture

C. Etudes et recherches

D. Transports

E. Protection d'avoirs

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F. importations expor a ions

Art. 16 Si l'évolution de la situation internationale compromet l'approvisionnement de la population et de l'armée en marchandises indispensables quelconques, le Conseil fédéral peut, aussi longtemps que dure cet état de choses : a. Surveiller l'importation de marchandises déterminées, la soumettre, pour contrôle, au régime du permis et subordonner l'octroi des permis ou la vente de telles marchandises importées par la Confédération ou un organisme mandaté par elle à des conditions appropriées, telles que la non-réexportation des marchandises ou leur affectation à des fins prescrites; b. Soumettre, pour contrôle, au régime du permis l'exportation de marchandises déterminées, la restreindre ou l'interdire, de même que subordonner l'octroi des permis à des conditions appropriées.

CHAPITRE TROISIÈME Mesures à prendre lorsque l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée ou en cas de danger de guerre imminent Art. 17 A. Réglementation Si l'importation de marchandises indispensables est sérieused et pTeYcriptionT men^ entravée ou en cas de danger de guerre imminent, le Conseil sur les prix fédéral peut, pour une durée limitée : ». Edicter des prescriptions sur la production, la transformation, l'emploi, la vente et l'achat de marchandises déterminées; b. Edicter pour ces marchandises, en tant qu'elles sont destinées à la consommation intérieure, des prescriptions sur les prix maximums et prendre des mesures de compensation des prix; c. Soumettre des marchandises déterminées au régime de la vente forcée et, sous réserve de l'article 7,2 e alinéa, à celui de la livraison obligatoire. Les marchandises faisant l'objet de telles mesures sont écoulées aux prix courants; d. Ordonner la réquisition d'entrepôts contre versement d'une indemnité fixée selon l'usage propre à la branche dont il s'agit.

B. Fermeture de magasins

Art. 18 Si des achats massifs se produisent lorsque l'importation est sérieusement entravée ou en cas de danger de guerre imminent, les cantons sont autorisés, en vue d'économiser les stocks de marchandises indispensables, à faire fermer par la police certaines catégories 1

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de magasins pour 48 heures au plus et à interdire la vente de marchandises pendant ce temps.

2 Une fermeture de plus longue durée est subordonnée à l'approbation du département de l'économie publique.

CHAPITRE QUATRIÈME Mesures de protection spéciales

Art. 19 Si l'intérêt général exige, à titre de précaution pour le cas de guerre, que certains produits fabriqués en Suisse bénéficient d'une protection même lorsqu'une détente de la situation internationale est intervenue, ou que leur fabrication soit encouragée par des subsides fédéraux, de telles mesures peuvent être décrétées par des arrêtés fédéraux soumis au referendum. Si, en raison de perturbations économiques, l'application de ces mesures ne souffre aucun retard, l'adoption d'un arrêté fédéral urgent est réservée.

2 La même règle s'applique a la réglementation de matières dont il y a pénurie.

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Mesures de protection spéciales

OHAPITBE CINQUIÈME Exécution

Art. 20 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution de la présente loi, dans la mesure où cette tâche n'est pas confiée aux cantons.

2 Le Conseil fédéral est compétent pour arrêter les dispositions d'exécution nécessaires. Les départements établissent les règlements fixant les émoluments à percevoir pour les actes d'exécution relevant de leurs attributions ou de celles des services qui leur sont subordonnés.

3 Avant de décréter des mesures, on donnera aux cantons et aux groupements économiques intéressés l'occasion de faire connaître leur avis. Des exceptions ne sont admises que si l'observation du secret ou l'urgence des mesures à prendre l'exigent.

4 Le Conseil fédéral remettra chaque année à l'Assemblée fédérale un rapport sur les mesures prises en vertu des articles 16 et 17.

L'Assemblée fédérale décidera si ces mesures restent en vigueur ou si elles doivent être modifiées ou complétées.

1

Art. 21 Le Conseil fédéral désigne un délégué à la défense nationale économique et définit ses fonctions et attributions.

A. Assemblée fédérale et Conseil fédéral

B. Délégué à la défense nationale économique

860

C. Cantons, communes et groupements économiques

D. Contrôle

E. Obligation de garder le secret

Art. 22 Le Conseil fédéral peut confier certaines tâches aux cantons, qui, à leur tour, peuvent faire appel au concours des communes; les offices chargés d'exécuter ces tâches sont soumis à la haute surveillance de la Confédération.

2 Le Conseil fédéral peut confier certaines tâches à des collectivités de droit public et groupements économiques placés sous sa surveillance; leurs organes et employés sont soumis aux mêmes dispositions que les fonctionnaires fédéraux en ce qui concerne leur responsabilité en matière pénale et civile et l'obligation de garder le secret.

Art. 23 1 Les agents chargés de contrôler le résultat des enquêtes et l'état des stocks sont en droit de vérifier les renseignements et rapports obtenus en examinant tous les documents existants, ainsi qu'en visitant les magasins et les locaux de fabrication.

2 Les autorités compétentes peuvent confier le contrôle à des experts-comptables ou fiduciaires indépendants.

1

Art. 24 ,Les offices et les personnes chargés de l'exécution de la présente loi sont tenus de garder le secret professionnel sur leurs constatations et observations. Ils ne sont autorisés à fournir des renseignements qu'aux services désignés par le Conseil fédéral.

CHAPITRE SIXIÈME Mesures administratives

À. Sanctions administratives

Art. 25 Si les prescriptions de la présente loi, ses dispositions d'exécution ou des décisions particulières sont violées ou si des conditions imposées ne sont pas observées, les services administratifs fédéraux compétents peuvent en exiger l'exécution par la contrainte et prendre des mesures subrogatoires, ainsi qu'ordonner des saisies provisoires par précaution, infliger aux personnes en faute des amendes disciplinaires de 200 francs au plus, leur retirer des autorisations ou refuser l'octroi de permis à titre temporaire, leur imposer des restrictions spéciales de vente et d'achat, réduire des attributions et révoquer des subsides ou autres privilèges. Des autorisations ne doivent être retirées que si l'intérêt public l'exige.

1

861 2

Au besoin, le retrait d'autorisations ou la suspension de Foctroi des permis peut être ordonné à titre de précaution dans l'intérêt de l'enquête.

3 Avant de recourir aux mesures mentionnées aux 1er et 2e alinéas, on donnera aux personnes en faute la possibilité d'exprimer leur avis par écrit dans un délai approprié, à moins que la sauvegarde de la préparation économique du pays à la guerre n'exige que les sanctions soient prononcées immédiatement.

Art. 26 1

Des peines peuvent être stipulées pour le cas de violation de , , , * ,.,,.

i , i i· i · contrats portant constitution de réserves obligatoires.

.

B

- Peines

conventionnelles

2

L'office compétent fixe dans chaque cas particulier le montant à percevoir dans les limites de la peine stipulée. Si le principe même de la peine conventionnelle ou le montant requis est contesté, l'office compétent soumet la cause à la commission arbitrale en matière de réserves obligatoires.

3

Le recouvrement d'une peine conventionnelle ne délie pas le détenteur du stock de ses obligations contractuelles.

Art. 27 1

La restitution de subsides ou d'autres privilèges analogues peut être requise s'ils ont été accordés à tort ou si le bénéficiaire, après sommation, ne remplit pas les conditions qui lui ont été imposées.

2

II n'y a pas lieu à restitution, dans la mesure où celui qui a reçu indûment établit qu'il n'est plus enrichi lors de la répétition, à moins, cependant : a. Qu'il n'ait, pour obtenir le subside, fourni intentionnellement ou par négligence des indications inexactes, fallacieuses ou incomplètes; b. Qu'il n'ait négligé, par sa faute, de remplir les conditions qui lui ont été imposées ou c. Qu'il ne se soit dessaisi de ce qu'il a reçu en sachant qu'il pouvait être tenu à restituer.

3 Le Conseil fédéral désigne les offices habilités à réclamer la restitution et, au besoin, à engager, conformément à l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, une action devant le Tribunal fédéral statuant en instance unique.

C. Restitution e 8U 31 ea

862

Art. 28 D. Dévolution i Les avantages pécuniaires acquis par suite d'une violation de d'avantages , , j. i · i · ,· ì, , , · T T , . .

pécuniaires acquis la présente loi, de ses prescriptions d exécution ou de décisions partiuiicitement culières sont dévolus à la Confédération, abstraction faite de la sanction qu'entraîné cette violation.

2

Le montant à rembourser sera fixé compte tenu des droits légaux et conventionnels dont des personnes lésées pourraient se prévaloir à l'égard de celui qui est tenu à restitution.

3 Le Conseil fédéral désigne les offices habilités à réclamer le remboursement et, au besoin, à engager, conformément à l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, une action devant le Tribunal fédéral statuant en instance unique.

4

Les personnes lésées peuvent exiger de la Confédération qu'elle leur attribue la part qui leur revient sur l'avantage pécuniaire remboursé. Elles supporteront une part proportionnelle des frais que peut impliquer le procès intenté par la Confédération en vertu du 3e alinéa. Si leur revendication n'est pas reconnue par l'office compétent, les personnes lésées peuvent, conformément à l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, engager une action devant le Tribunal fédéral statuant en instance unique.

Art. 29 E. Prescription

1

Les droits de la Confédération spécifiés aux articles 26 à 27 se prescrivent par un an à compter du jour où les organes fédéraux compétents ont eu connaissance des faits dont ils sont nés, mais au plus tard par cinq ans à compter du jour où la Confédération les a acquis. Si la revendication que peut faire valoir la Confédération dérive d'une infraction soumise par le droit pénal à une prescription plus longue, celle-ci est déterminante.

2

Tout acte de recouvrement interrompt la prescription ; elle est suspendue aussi longtemps que la personne en cause ne peut être poursuivie en Suisse.

Art. 30 F Mesures

a

1

L'application de mesures administratives n'empêche pas la

TMS3 Poursuite pénale.

2 Les organes compétents mentionneront dans leurs dénonciations les mesures administratives déjà prises.

863

CHAPITRE SEPTIÈME Procédure administrative

Art. 31 Les décisions d'autorités cantonales et d'organes de collectivités A. Recours contre décisions de droit public et de groupements économiques agissant en vertu de lesd'autorités indépendantes la présente loi peuvent être déférées dans les trente jours au départe- l'administrationde fédérale ment de l'économie publique.

2 L'article 23bis de la loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale est applicable par analogie.

1

Art. 32 Les décisions d'organes fédéraux peuvent être déférées dans B. Recours contre décisions les trente jours à l'autorité supérieure conformément à l'article 23 ois lesd'organes fédérauK de la loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale. Le Conseil fédéral peut prescrire, en matière de sanctions administratives, que le recours n'est ouvert que s'il a été précédé d'une procédure d'opposition.

2 En vertu de l'article 124, lettre a, de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, les décisions du département peuvent être déférées dans les trente jours au Conseil fédéral, si le recours de droit administratif au Tribunal fédéral n'est pas recevable.

1

Art. 33 Une commission arbitrale connaît des contestations auxquelles donnent lieu les contrats de stockage, ainsi que des contestations entre une partie contractante et l'organe chargé de la gestion du fonds de garantie ou d'autres institutions analogues destinés à couvrir les frais d'entreposage et les risques inhérents à une baisse des prix des marchandises composant les réserves obligatoires. L'article 11, 5e alinéa, est réservé.

2 Le Conseil fédéral peut confier aussi à la commission arbitrale le jugement des différends portant sur la contre-valeur de marchandises soumises au régime de la vente forcée ou de la livraison obligatoire conformément à l'article 17, lettre c.

3 Le Conseil fédéral règle l'organisation et la procédure de la commission arbitrale et en nomme les membres; ils ne doivent pas faire partie de l'administration fédérale.

4 Un des membres au moins, par ses connaissances professionnelles, doit être au courant des questions économiques en corrélation avec la cause à juger.

1

C. Commission arbitrale ou matière do réserves obligatoires

864

D. Becours de droit administratif au Tribunal fédéral

Art. 34 Les décisions du département relatives à des émoluments de droit fédéral ou à des sanctions administratives prises en vertu de la présente loi ou de ses prescriptions d'exécution, ainsi que les décisions de la commission arbitrale peuvent être déférées dans les trente jours au Tribunal fédéral, par voie de recours de droit administratif, conformément aux articles 97 et suivants de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943.

1

CHAPITRE HUITIÈME Dispositions pénales A. Contraventions

B. Délits

Art. 35 Celui qui, intentionnellement, aura enfreint les dispositions légales, les prescriptions d'exécution ou décisions particulières relatives aux inventaires et autres enquêtes prévus à l'article 3, celui qui, dans un dessein de lucre, aura intentionnellement articulé ou propagé des allégations fausses ou tendancieuses à propos de mesures en vigueur ou prochaines se rapportant à la préparation économique du pays à la guerre, et qui n'avait pas de raisons sérieuses de considérer de bonne foi ses déclarations comme véridiques, sera puni des arrêts ou de l'amende.

Art. 36 Celui qui, intentionnellement ou par négligence, aura enfreint, en Suisse ou à l'étranger, les dispositions du deuxième ou du troisième chapitre de la présente loi ou les prescriptions d'exécution et décisions particulières fondées sur ces dispositions, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

2 Celui qui, intentionnellement, et sans autorisation du service fédéral compétent, aura réduit le volume ou altéré la qualité des marchandises composant un stock stipulé, pour le financement duquel il a bénéficié d'un crédit bancaire garanti par la Confédération, et qui aura négligé de rétablir un état de choses conforme au contrat dans le délai imparti par le service compétent, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

3 Si l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée ou en cas de danger de guerre imminent, le Conseil fédéral peut en outre disposer que les infractions visées par l'article 35 seront également punies de l'emprisonnement ou de l'amende; il peut aussi menacer de ces mêmes peines les infractions, commises 1

865

par négligence, aux prescriptions concernant les inventaires et autres enquêtes.

Art. 37 1 Si l'inculpé est condamné à une peine privative de liberté, le jugement doit être inscrit au casier judiciaire.. Dans les autres cas, le juge peut ordonner l'inscription, si la gravité de l'infraction le justifie.

2 Si un condamné bénéficiant du sursis commet intentionnellement, pendant le délai d'épreuve, un délit au sens de l'article 36, la peine qui a donné lieu au sursis ne sera mise à exécution que si le nouveau jugement doit être inscrit au casier judiciaire d'après la loi ou une décision du juge. Ce n'est également qu'à cette condition que peut être révoquée la radiation conditionnelle de condamnations à l'amende inscrites au casier judiciaire.

Art. 38 La poursuite des infractions conformément aux dispositions spéciales du code pénal est réservée.

2 Si l'acte punissable est un délit douanier au sens de la loi du 1er octobre 1925 sur les douanes, il sera réprimé conformément aux dispositions pénales et de procédure arrêtées dans cette loi. Elles seront également applicables aux personnes prévenues d'instigation ou de complicité. Une sérieuse perturbation des mesures tendant à prévenir les conséquences économiques de conflits internationaux doit être considérée comme circonstance aggravante.

1

Art. 39 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, ou d'une entreprise individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou qui auraient dû agir en leur nom ; la personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent toutefois solidairement du paiement de l'amende et des frais, à moins que la direction responsable ne prouve qu'elle n'a rien négligé pour que les personnes en cause observent les prescriptions.

2 Le 1er alinéa est applicable par analogie aux infractions commises dans la gestion et l'administration des collectivités et établissements de droit public.

3 Les personnes solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés.

1

C. Casier judiciaire ; révocation du sursis à l'exécution de la peine

D. Dispositions pénales spéciales

E. Infractions commises dans la gestion d'entreprises

866

Art. 40 F.pénal; Renvoi au code * Sont, au surplus, applicables les dispositions générales du code r procédure -, ° pénal.

2

Les cantons sont chargés de poursuivre et de juger les infractions, à moins que le Conseil fédéral ne défère le cas à la cour pénale fédérale.

3 Entrée en vigueur; Tous les jugements et ordonnances de non-lieu seront coma CS depositi"ns muniqués sans délai, en expédition intégrale, au Conseil fédéral par antérieures l'entremise du ministère public de la Confédération.

CHAPITRE NEUVIÈME Dispositions finales et transitoires

Art. 41 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

1

2

-- --

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-- " --

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--

Seront abrogés à cette date : la loi du 1er avril 1938/29 septembre 1949 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables; l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 26 avril 1951 concernant de nouvelles mesures propres à assurer, en période troublée, l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables, prorogé par l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 23 mars 1954; la Ire ordonnance d'exécution de la loi du 1er avril 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (inventaire et constitution de stocks), du 30 décembre 1938; l'ordonnance d'exécution Ibis de la loi du 1er avril 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (nouvelles mesures), du 15 août 1939; la IIe ordonnance d'exécution de la loi du 1er avril 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (procédure relative aux demandes litigieuses susceptibles d'une évaluation pécuniaire), du 20 septembre 1939; la IIIe ordonnance d'exécution de la loi du 1er avril 1938 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables (droit de disjonction de la Confédération sur les réserves obligatoires), du 3 mars 1950.

867 3 Les arrêtés du Conseil fédéral mentionnés ci-après restent en vigueur pour une période transitoire de trois ans au plus: -- arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1949 sur la constitution de réserves d'avoine, d'orge et de maïs pour la mouture; -- arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1949 sur la constitution de réserves de denrées fourragères; -- arrêté du Conseil fédéral du 7 novembre 1950 sur la constitution de réserves d'huiles et graisses comestibles, ainsi que des matières premières et des produits semi-fabriques destinés à leur fabrication ; -- arrêté du Conseil fédéral du 7 novembre 1950 sur la constitution de réserves de riz comestible; ·-- arrêté du Conseil fédéral du 8 mai 1951 sur la constitution de réserves de fèves et de graisse de cacao; ·--· arrêté du Conseil fédéral du 9 octobre 1951 sur la constitution de réserves de semences; -- arrêté du Conseil fédéral du 9 octobre 1951 sur la constitution de réserves de maïs de semence et de vesces de semence; -- arrêté du Conseil fédéral du 7 mars 1952 sur la constitution de réserves de flocons d'avoine; ·-- arrêté du Conseil fédéral du 29 octobre 1952 sur la constitution de réserves d'antibiotiques; -- arrêté du Conseil fédéral du 18 juin 1951 concernant la surveillance des exportations de marchandises indispensables.

4 Pendant la validité de l'arrêté du Conseil fédéral du 18 juin 1951 concernant la surveillance des exportations de marchandises indispensables, le département de l'économie publique est autorisé, en dérogation à l'article 20 de la présente loi, à désigner les marchandises qui ne peuvent être exportées qu'avec une autorisation spéciale.

5 Les faits et les actes juridiques intervenus sous l'empire des textes législatifs abrogés demeurent régis par eux.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la préparation de la défense nationale économique (Du 29 avril 1955)

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12.05.1955

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