10.051 Message concernant la modification de la loi fédérale sur les marchés publics (Effet suspensif des recours) du 19 mai 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur les marchés publics, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 mai 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-0706

3701

Aperçu La réglementation actuelle de la procédure d'adjudication des marchés publics engendre d'importants retards dans la réalisation des projets de la Confédération, empêchant ainsi l'utilisation rationnelle des fonds publics. Le présent projet de loi doit permettre d'accélérer la réalisation de projets importants.

Contexte Au mois de mai 2008, le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation relative à l'avant-projet de révision de la loi fédérale sur les marchés publics (AP-LMP). Après évaluation des avis remis et en raison des retards dans la révision de l'accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics1 (AMP; accord OMC; Government Procurement Agreement, GPA) à laquelle doit se conformer la révision de la LMP, le Conseil fédéral a décidé le 18 juin 2009 de procéder comme suit: ­

Les travaux relatifs à la révision totale sont interrompus jusqu'à ce que la révision de l'AMP ait été clarifiée.

­

Les éléments de l'AP-LMP qui sont urgents du point de vue de la politique conjoncturelle et peuventt être mis en vigueur au niveau de l'ordonnance devront être anticipés.

­

Un message concernant une révision partielle de la loi sur les marchés publics, limitée aux mesures visant à accélérer la procédure d'adjudication des marchés publics, allait être présenté aux Chambres fédérales.

Ce message est présenté ci-après.

Selon le droit en vigueur, les recours en matière de marchés publics ne sont en principe pas assortis de l'effet suspensif, contrairement aux autres domaines du droit administratif. Les tribunaux peuvent toutefois accorder ultérieurement cet effet à un recours.

L'expérience a montré que cette réglementation n'était pas satisfaisante:

1

­

Elle peut avoir pour conséquence que des marchés urgents restent bloqués pendant des années par des procédures.

­

Elle ne tient pas suffisamment compte de l'intérêt qu'il y a à garantir une utilisation aussi rationnelle que possible des fonds publics. Elle implique le risque que la Confédération soit obligée de faire face à des dommages dus à un retard causé par un éventuel recours bien plus élevés que la différence de prix entre l'offre la meilleur marché et l'offre la plus chère.

RS 0.632.231.422

3702

Contenu du projet La nouvelle réglementation doit permettre d'atteindre l'objectif principal du droit des marchés publics, qui consiste à encourager l'utilisation rationnelle des fonds publics. A ce titre, il convient toutefois de garantir des voies de droit suffisantes.

Concrètement, le présent projet propose d'apporter la modification suivante au droit de procédure en vigueur: Les recours contre les décisions en matière de marchés publics devront en principe avoir ­ comme dans les autres domaines du droit administratif ­ un effet suspensif, avec toutefois une exception de taille: si une acquisition est nécessaire pour pouvoir réaliser un projet relevant de l'intérêt national et si la conclusion du contrat avec le soumissionnaire ayant obtenu l'adjudication ne peut être différée au risque d'empêcher la réalisation du projet dans les délais, le recours ne doit pas avoir d'effet suspensif. L'autorité de recours ne doit pas être autorisée non plus à prononcer ultérieurement l'effet suspensif. L'introduction de cette nouvelle réglementation nécessite une modification de la loi fédérale sur les marchés publics.

3703

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Réglementation actuelle des voies de droit en matière de marchés publics

La loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP)2 vise (art. 1) à: ­

garantir la transparence de la procédure d'adjudication des marchés publics,

­

renforcer la concurrence entre les soumissionnaires,

­

encourager l'utilisation rationnelle des fonds publics et

­

garantir l'égalité de traitement entre les soumissionnaires.

Il existe une certaine antinomie entre les deux derniers objectifs. Plus les voies de droit sont nombreuses, plus la passation des marchés publics risque d'être différée par des recours, ce qui entrave l'utilisation rationnelle des fonds publics. Le législateur était déjà conscient de ce dilemme avant la promulgation de la LMP. Par rapport à l'effet suspensif des recours, il a donc choisi une solution qui diffère de la procédure administrative ordinaire: ­

Le recours devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral contre une décision d'adjudication n'a pas d'effet suspensif.

­

Le Tribunal administratif fédéral peut toutefois accorder sur demande l'effet suspensif à un recours. Le Tribunal fédéral a la même compétence.

Le Tribunal fédéral a fait de ce régime particulier une pratique constante de sorte que les conditions d'octroi de l'effet suspensif en cas de recours en matière de marchés publics sont plus sévères que dans les autres domaines du droit administratif. Pour ce faire, le tribunal s'est également appuyé sur le message relatif à la LMP dans lequel le Conseil fédéral a justifié sa proposition de réglementation de l'effet suspensif comme suit: «Il y a des raisons qui plaident en faveur de l'introduction de cette mesure et d'autres qui s'y opposent. Un des points positifs serait qu'une adjudication illégale pourrait dans tous les cas être annulée et que l'accent ne serait pas mis sur le versement de dommages-intérêts. D'importants intérêts publics, notamment des considérations de praticabilité, militent par contre pour le rejet d'une telle mesure. Si un recours comportait automatiquement un effet suspensif, empêchant la conclusion du contrat jusqu'à ce que la décision soit rendue, cela risquerait d'entraîner des retards et des frais supplémentaires considérables lors de l'acquisition. [...] Aussi renonçons-nous à accorder automatiquement l'effet suspensif au recours dans la présente loi.»3 En ce qui concerne la pratique du Tribunal administratif fédéral, il convient de distinguer les trois phases suivantes4: 2 3 4

RS 172.056.1 FF 1994 IV 1236 Jacques Dubey, «La pratique judiciaire depuis 2006»; dans: Jean-Baptiste Zufferey/ Hubert Stöckli (éd.), Aktuelles Vergaberecht 2008/Marchés Publics 2008, Zurich/Bâle/Genève, 2008.

3704

­

Au cours d'une première phase, le tribunal a repris la pratique de la commission de recours précédemment compétente en matière de marchés publics, laquelle avait régulièrement donné suite aux demandes d'octroi de l'effet suspensif.

­

Au cours d'une deuxième phase, la pratique du Tribunal administratif fédéral s'est rapprochée de celle du Tribunal fédéral.

­

Dans une décision rendue fin 2007 concernant un marché de la NLFA, le Tribunal administratif fédéral a pour la première fois fait sienne l'interprétation du Tribunal fédéral, selon laquelle en matière de droit des marchés publics, le législateur ne s'est pas seulement écarté par hasard du droit administratif général mais a tenu à ce que l'intérêt public à une exécution rapide et si possible rentable du marché se voie accorder un poids important dans la pesée des intérêts. Dans ce cas, le tribunal est parvenu à la conclusion suivante: «Ainsi donc, force est de constater que l'intérêt public à une exécution aussi rapide que possible de la décision d'adjudication, dont le report pourrait entraîner des frais importants, l'emporte sur l'intérêt privé du recourant dont les chances de succès du recours apparaissent aléatoires.» (Décision B-5838/2007, sous www.bundesverwaltungsgericht.ch)

1.1.2

L'importance pratique de la décision sur l'effet suspensif des recours en matière de marchés publics

Si un recours contre une décision d'adjudication n'a pas d'effet suspensif, l'autorité chargée de l'adjudication est autorisée à conclure un contrat avec le soumissionnaire qui a obtenu l'adjudication. Si le tribunal estime ultérieurement que le recours est fondé, le recourant ne peut ni faire résilier le contrat conclu au préalable ni faire évaluer une nouvelle fois les offres. Il peut seulement adresser à la Confédération une demande de dommages-intérêts pour les dépenses occasionnées par sa participation à la procédure d'adjudication (art. 32 ss LMP).

En revanche, si le recours a un effet suspensif, l'autorité n'est pas autorisée à conclure un contrat tant que le tribunal n'a pas: ­

soit jugé que le recours était non fondé,

­

soit retiré l'effet suspensif au recours durant la procédure; le retrait intervient par décision incidente qui peut elle-même être attaquée (art. 32 ss LMP; art. 46 de la loi fédérale du 20 décembre 1986 sur la procédure administrative [PA]5).

Finalement, si le tribunal admet le recours assorti de l'effet suspensif, il faut que l'autorité chargée de l'adjudication procède une nouvelle fois à l'évaluation des offres reçues (au moins en partie) ainsi qu'à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle décision peut à nouveau faire l'objet d'un recours avec toutes les options précitées.

En règle générale, un soumissionnaire écarté n'attaque pas une décision d'adjudication dans le seul but d'obtenir des dommages-intérêts pour les dépenses occasionnées par la participation à la procédure d'adjudication. Il veut surtout obtenir 5

RS 172.021

3705

l'adjudication ou au moins une seconde chance pour l'adjudication. Il ne peut atteindre cet objectif que si son recours empêche l'autorité de conclure un contrat avec le soumissionnaire ayant obtenu l'adjudication, donc si le tribunal accorde l'effet suspensif à son recours. Il arrive effectivement assez souvent qu'en matière de marchés publics, un recourant interrompe de son propre chef la procédure lorsque sa demande d'octroi de l'effet suspensif a été rejetée.

1.1.3

Les problèmes résultant de la réglementation actuelle

Le résumé ci-après de deux procédures d'adjudication de marchés publics pour le tunnel de base du Gothard montre qu'en matière de droit des marchés publics, malgré une procédure de droit plus efficace par rapport à la «procédure administrative ordinaire», l'objectif consistant à encourager une utilisation rationnelle des fonds publics ne peut souvent pas être atteint, notamment en ce qui concerne les projets d'envergure; la procédure ne permet non seulement pas de faire des économies mais elle peut même engendrer un dommage pécuniaire important.

Exemple 1: Lot de construction pour le tunnel d'Erstfeld6

6

­

Mai 2004: AlpTransit Gothard SA (ATG) lance un appel d'offres pour l'adjudication des travaux de construction du tunnel d'Erstfeld. Le volume de ce marché atteint 413 millions de francs (hors TVA).

­

Août 2005: ATG accorde l'adjudication au soumissionnaire A.

­

Septembre 2005: Le soumissionnaire B attaque la décision d'adjudication devant la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics en lui demandant de prononcer l'effet suspensif. Le tribunal prononce l'effet suspensif de manière superprovisoire.

­

Novembre 2005: La commission de recours accepte la demande d'octroi de l'effet suspensif.

­

Février 2006: La commission de recours admet partiellement le recours, annule la décision d'adjudication en renvoyant le dossier à l'adjudicateur (ATG) pour réexamen.

­

Mai 2006: STG accorde une nouvelle fois l'adjudication au soumissionnaire A. Le soumissionnaire B attaque également cette décision auprès de la commission de recours en demandant une nouvelle fois que celle-ci prononce l'effet suspensif. La commission de recours accorde l'effet suspensif au recours.

­

Septembre 2006: La commission de recours admet partiellement le recours, annule la décision d'adjudication en renvoyant le dossier à l'adjudicateur (ATG) pour réexamen.

­

Octobre 2006: La Délégation de surveillance de la NLFA prend connaissance du fait que le Conseil fédéral ne dispose pas de moyens juridiques pour «Rapport du 19 mars 2007 de la Délégation de surveillance de la NLFA des Chambres fédérales relatif aux investigations de son groupe de travail sur les reproches formulés en rapport avec l'adjudication du lot de gros oeuvre 151 (Erstfeld) par AlpTransit Gothard SA», FF 2007 3423.

3706

accélérer la procédure d'adjudication de ce lot. Elle recommande au chef du DETEC de servir d'intermédiaire entre le soumissionnaire A et le soumissionnaire B. Le chef du DETEC convie les deux soumissionnaires à un entretien.

­

Février 2007: ATG adjuge pour la troisième fois le lot au soumissionnaire A.

Cette troisième décision d'adjudication ne sera pas attaquée, de sorte qu'ATG a pu conclure le contrat avec le soumissionnaire A.

­

Avril 2007: Commencement des travaux de construction du tunnel d'Erstfeld.

Au mois de juin 2006, l'ATG avait estimé à 24,5 millions de francs le dommage occasionné par le retard dû à la procédure, en évaluant que chaque mois supplémentaire engendrerait des coûts supplémentaires de 3,5 millions de francs7. A l'époque, l'Office fédéral des transports avait examiné et confirmé ces estimations: le retard occasionné par le litige a engendré un dommage se chiffrant à 100 000 francs par jour. Par conséquent, la procédure qui a duré du mois d'août 2005 au mois de février 2007 a occasionné un renchérissement des projets d'environ 50 millions de francs.

Exemple 2: Lot concernant les travaux de montage de l'équipement technique ferroviaire dans le tunnel de base du Saint-Gothard ­

Le volume de ce marché s'élève à près de 1,7 milliard de francs.

­

La décision d'adjudication du 4 mai 2007 est attaquée devant le Tribunal administratif fédéral par un des soumissionnaires non retenu. Le recourant demande par la même occasion au tribunal d'accorder l'effet suspensif à son recours.

­

Le 27 novembre 2007 ­ soit six mois après le dépôt du recours ­ le tribunal rejette la demande d'octroi de l'effet suspensif.

­

Au mois de décembre 2007, l'ATG et le recourant parviennent à l'accord suivant: ­ Le recourant retire son recours.

­ L'ATG verse au recourant un montant unique de 1 million de francs pour les frais liés à la présentation de l'offre.

Au mois de novembre 2007, l'ATG avait évalué que l'ajournement d'une adjudication engendrerait des dommages de l'ordre de 10 millions de francs par mois. Le retrait du recours aurait permis selon ATG d'éviter des coûts supplémentaires de plusieurs centaines de milliers de francs.8 Exemple 3: Acquisition d'un nouveau système informatique par l'Administration fédérale des finances Le Tribunal fédéral a dû évaluer si l'autorité de première instance avait eu raison de refuser l'effet suspensif à un recours contre la décision d'adjudication sollicitant un nouvel appel d'offres. L'autorité de première instance avait repris dans ses considérants une estimation de l'Office fédéral des constructions et de la logistique, selon laquelle un nouvel appel d'offres engendrerait des coûts supplémentaires de 150 à 7 8

Rapport no 53 d'Alp Transit Gotthard du 16 juin 2006 à l'intention de l'Office fédéral des transports.

Communiqué de presse d'AlpTransit SA du 7 décembre 2007

3707

200 millions de francs par an. Le Tribunal fédéral a confirmé la décision de l'autorité de première instance (ATF 134 II 192; consid. 2.1 in fine).

1.1.4

Nécessité de réviser la loi

Comme cela vient d'être expliqué (ch. 1.1.2 et 1.1.3), les intérêts du recourant à disposer de voies de droit les plus complètes possibles ­ et donc à un effet suspensif du recours ­ se heurte à l'intérêt public à une réalisation rapide et si possible économiquement avantageuse des ouvrages publics.

La pesée de ces intérêts contradictoires suppose un jugement de valeur. La loi en vigueur sur les marchés publics délègue ce jugement de valeur aux tribunaux. Elle leur ordonne de statuer sur les demandes d'octroi de l'effet suspensif sans toutefois leur indiquer de critères concrets ni un fil conducteur général, bien que le but de la procédure d'adjudication ait clairement été d'éviter les coûts supplémentaires, voire d'économiser les dépenses. On a cru pouvoir accélérer sensiblement la procédure d'adjudication des marchés publics en instaurant l'absence d'effet suspensif du recours.

Les explications précitées montrent toutefois les inconvénients de la mesure consistant à confier aux tribunaux, de manière générale, cette pesée des intérêts en présence (Blanket Delegation).

­

Il est possible que deux autorités de recours (voire une seule mais à des moments différents) évaluent les intérêts de manière totalement différente. De cette façon, un des principaux objectifs de la jurisprudence, à savoir le renforcement de la sécurité juridique, ne pourra pas être atteint.

­

Le législateur risque avant tout que la pratique judiciaire évolue dans un sens qui ne correspond pas à sa volonté, dans la mesure où les acquisitions prennent du retard.

Le Conseil fédéral estime que cela s'est produit dans la mise en oeuvre pratique des dispositions relatives à l'effet suspensif des recours déposés contre les décisions d'adjudication. Le Conseil fédéral est convaincu que le législateur ne souhaite pas que l'intérêt à disposer de voies de droit en matière de marchés publics prenne une importance telle que l'intérêt à pouvoir réaliser dans les délais et de manière économiquement avantageuse des ouvrages publics ne puisse plus être pris en considération.

Cet inconvénient a également été identifié par la délégation parlementaire de surveillance de la NLFA (DSN). Il l'a d'ailleurs incitée à émettre la recommandation suivante: «La DSN recommande au DFF d'examiner comment l'appréciation de l'effet suspensif des recours en matière d'adjudication pourrait être rendue plus restrictive. Il convient d'inscrire dans la loi une disposition ne permettant à l'instance de recours de décréter l'effet suspensif que si les intérêts du recourant ne s'opposent pas à des intérêts publics prépondérants. Du point de vue de la DSN, tel est le cas notamment lorsque le recours engendre des coûts élevés ou des retards pour le commettant ou qu'il met en péril la sécurité publique.»9

9

FF 2007 3448

3708

C'est pourquoi, la procédure actuelle en matière d'adjudication des marchés publics présente des lacunes. Le but du législateur, qui consistait à garantir des passations de marché sur la base de l'offre économiquement la plus avantageuse, n'a pas pu être atteint en inversant simplement le rapport entre la règle et les exceptions en matière d'effet suspensif.. Dès lors, il incombe au législateur d'aménager la procédure pour permettre une utilisation rationnelle des fonds publics.

1.2

Solutions examinées

1.2.1

Exigences posées aux voies de droit

«Toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire.» (Art. 29a de la Constitution; Cst.10). Cette disposition constitutionnelle permet de garantir que les soumissionnaires qui n'ont pas obtenu l'adjudication peuvent au moins s'adresser à un tribunal qui examinera les questions de droit et les faits11.

Bien que la Cst. autorise le législateur à prononcer des exceptions à cette garantie de procédure judiciaire, le législateur n'a pour le moment pas fait usage de cette possibilité dans le domaine des marchés publics: Le Conseil fédéral estime que dans le domaine des marchés publics il n'y a toujours pas de raison valable de renoncer complètement aux voies de droit. Une telle mesure serait également en contradiction avec les prescriptions de l'accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics12 (AMP; Accord OMC sur les marchés publics; Government Procurement Agreement, GPA), auquel la Suisse a adhéré. Cet accord exige de la part des Etats signataires des voies de droit rapides, efficaces, transparentes et non discriminatoires (art. XX, ch. 2, AMP). En outre, les Etats signataires doivent prévoir rapidement des mesures préventives, devant permettre au soumissionnaire de participer à la procédure de passation de marché. L'AMP laisse le droit interne déterminer quelles autorités doivent garantir ces voies de droit et comment la procédure doit être organisée en ce qui concerne l'effet suspensif. Il laisse aussi le droit interne répondre à la question de savoir quels intérêts doivent être pris en considération au moment de rendre la décision d'octroi ou de refus de l'effet suspensif (art. XX, ch. 7, AMP).

En résumé, le législateur est tenu de:

10 11

12

­

prévoir au moins une autorité chargée de juger les recours contre les décisions d'adjudication et d'examiner librement les questions de droit et de fait;

­

déterminer si le recours contre une décision d'adjudication doit avoir un effet suspensif ou quels intérêts doivent être pris en considération au moment de rendre la décision d'octroi ou de refus de l'effet suspensif.

RS 101 Kälin/Kiener, Grundrechte, Berne 2007, p. 434; Andreas Kley, in: Bernhard Ehrenzeller/ Philippe Mastronardi/Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender (éd.): Die Schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 2e édition, 2008, n. 15 ad art. 29a Cst., avec renvois.

RS 0.632.231.422

3709

1.2.2

Ebauches de solutions

Dans le domaine du droit administratif général, le recours a en principe un effet suspensif. Toutefois, l'autorité appelée à décider ou ultérieurement l'autorité de recours peut retirer l'effet suspensif au recours.

Pour savoir à quelles conditions l'effet suspensif peut être retiré dans le domaine du droit administratif général, nous disposons d'une pratique très riche dont le contenu peut être résumé comme suit:13 ­

Le retrait n'entre en ligne de compte que si l'effet suspensif entraîne un inconvénient grave.

­

Le retrait doit en outre être proportionnel. Pour évaluer cette proportionnalité, il convient de comparer l'intérêt à un retrait de l'effet suspensif et les éventuels intérêts contradictoires. Le résultat probable de la procédure devrait également être pris en considération dans cette pesée des intérêts en présence, pour autant qu'il se laisse clairement prévoir.

En revanche, dans le droit des marchés publics en vigueur, le recours devant l'autorité de première instance n'a pas automatiquement l'effet suspensif. Le tribunal peut toutefois attribuer ultérieurement un effet suspensif à un recours, à la demande du recourant. Une telle décision sur une demande d'octroi de l'effet suspensif repose toujours sur une pesée des intérêts contradictoires en présence.

Jusqu'ici, la pratique a montré que le fait que l'effet suspensif soit conçu comme une règle ou une exception n'est finalement pas important. Dans chaque cas de figure, c'est bien plus la pesée des intérêts en présence par les tribunaux (voies de droit ou intérêts économiques en raison des retards) qui est déterminante. Si le législateur veut ainsi effectivement influencer cette question, il doit soit procéder lui-même à la pesée des intérêts soit décider directement si le recours doit toujours ou jamais être assorti de l'effet suspensif. Ou alors il doit au moins prescrire des règles claires pour la pesée des intérêts contradictoires. Pour ce faire, le législateur peut prévoir des règles uniformes pour tous les cas de recours en matière de marchés publics ou élaborer des règles spéciales pour des marchés déterminés. Le législateur a une marge de manoeuvre dans ce domaine.

1.3

La nouvelle réglementation proposée

Comme énoncé précédemment, l'effet suspensif d'un recours empêche la conclusion du contrat avec le bénéficiaire de l'adjudication et de ce fait la passation du marché, ce qui peut engendrer d'importants coûts supplémentaires.

En revanche, le fait de refuser l'effet suspensif à un recours a pour conséquence que les voies de droit se limitent à des dommages et intérêts dont le montant maximum permet de rembourser les dépenses. L'obtention de l'adjudication suite à un recours est toutefois impossible dans ces cas de figure.

Les conséquences du non-octroi de l'effet suspensif sont lourdes. Dès lors, il n'est pas possible de refuser systématiquement l'effet suspensif en matière de marchés 13

Alfred Kölz/Isabelle Häner: Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, (2e édition), Zurich 1998, chiffre marginal 650.

3710

publics. Il convient de procéder au cas par cas à une pesée des intérêts en présence.

Comme exposé plus haut, il importe peu pour la pesée des intérêts que le recours ait ou n'ait pas un effet suspensif par principe. Il n'y a donc aucune raison de déroger à la règle en vigueur dans les autres domaines du droit administratif. Dès lors, cette règle peut s'appliquer telle quelle aux recours en matière de marchés publics. Ainsi, il sera également possible de mener une procédure administrative de première instance normale en matière de marchés publics, mais la procédure sera limitée à cette seule instance.

Néanmoins, des exceptions à cette nouvelle réglementation générale plus ouverte doivent être prévues pour les cas particuliers dans lesquels la pesée des intérêts doit toujours aller dans le sens d'un refus de l'effet suspensif. Ces cas ne doivent pas être subordonnés au pouvoir d'appréciation du Tribunal administratif fédéral mais doivent être définis par le législateur.

La modification de la loi prévoit dès lors que le recours ne peut pas entraîner d'effet suspensif lorsque l'intérêt du pays ou d'une grande partie de ce dernier exige la construction d'un ouvrage public dans un délai imparti et que le respect de ce délai n'autorise aucun ajournement de la conclusion du contrat. Dans ces cas, l'autorité de recours n'est pas autorisée non plus à accorder l'effet suspensif au recours.

En ce qui concerne ces exceptions, il s'agit de cas dans lesquels l'intérêt général à une adjudication dans les meilleurs délais se voit accorder un poids tel qu'il est justifié de limiter les voies de droit à la constatation de l'illicéité et aux dommages et intérêts. Cette approche se justifie par le fait que le droit des marchés publics est un domaine spécial, dans la mesure où l'Etat limite très fortement sa propre liberté de choix des parties contractantes et qu'il accorde donc une meilleure position aux fournisseurs et aux entreprises de construction, par rapport à la pratique suivie par l'économie privée, en leur garantissant une sélection équitable. Dès lors, il est tout à fait justifié pour certaines acquisitions déterminantes pour le pays de veiller au moins à ce que les procédures de passation de marchés publics ne soient pas extrêmement dommageables en raison de leur durée. L'effet suspensif des recours
doit donc être légalement exclu pour ces cas de figure.

Du point de vue de la démocratie, il serait idéal que la loi recense de manière exhaustive les marchés pour lesquels il convient d'emblée d'exclure l'effet suspensif. Une telle liste ne pourrait toutefois comprendre que les marchés qui sont connus ou prévisibles au moment de l'établissement de la liste. Pour suivre cette évolution dynamique, la liste devra selon le cas pouvoir être adaptée rapidement. Pour cette raison, nous proposons que le législateur décrive de manière assez générale les conditions dans lesquelles l'effet suspensif est exclu et qu'il autorise le Conseil fédéral d'inscrire et de mettre à jour une telle liste dans une ordonnance (cf. ch. 2.1, explications relatives à l'art. 28, al. 4, LMP).

1.4

Résultats de la procédure de consultation

La révision proposée ici de l'art. 28 LMP était comprise dans le projet de révision totale de la LMP mis en consultation. La version proposée à l'époque correspondait littéralement à la version actuelle, seul le numéro de l'article était différent (art. 74).

Conformément aux attentes, les résultats de la consultation ont été divergents. Alors que les entités adjudicatrices qui saluent l'orientation principale du projet considè3711

rent toutefois que les cas d'exclusion ne vont pas assez loin, la restriction des voies de droit est rejetée par les organismes qui représentent les soumissionnaires potentiels. Ceux-ci saluent toutefois expressément le fait que le recours doit désormais en principe se voir octroyer l'effet suspensif. Quant aux autres organismes consultés, la majorité se montre compréhensive pour certaines restrictions de l'effet suspensif dans des cas déterminants.

2

Explications concernant les différents articles

Préambule Comme beaucoup d'autres lois fédérales, la LMP en vigueur se réfère également dans son préambule à la disposition pertinente de l'ancienne Constitution fédérale (art. 85, ch. 1, aCst.). Le Conseil fédéral saisit donc l'occasion de ces révisions partielles de textes de loi pour adapter le préambule à la Constitution actuelle. La LMP est en outre l'acte d'exécution de plusieurs traités internationaux; le préambule doit donc également être adapté à l'état actuel en la matière.

Art. 28

Effet suspensif

Al. 1 L'al. 1 propose de régler l'effet suspensif en matière de droit des marchés publics en principe de la même manière que dans les autres domaines du droit administratif de la Confédération. Du point de vue de la technique législative, cet objectif est atteint par le biais d'une référence à la PA. Ainsi, il sera toujours possible sur la base d'une pesée concrète des intérêts en présence de refuser au cas par cas l'effet suspensif d'un recours.

En matière de marchés publics, les circonstances suivantes peuvent justifier le retrait de l'effet suspensif: ­

La passation du marché est urgente (exemple: travaux de dégagement et de réparation en vue de la remise en état d'un axe routier ou ferroviaire important après une chute de pierres).

­

L'ajournement d'un marché engendrerait des coûts supplémentaires disproportionnés (exemple: le montant du dommage dépasserait la différence entre l'offre la moins chère et l'offre la plus chère).

Al. 2 et al. 3 L'al. 2 prévoit une exception à la règle générale de la PA, en vertu de laquelle le recours devant le Tribunal administratif fédéral se voit octroyer l'effet suspensif.

Cette exception s'applique lorsque: ­

il existe un intérêt général qualifié à la passation du marché;

­

la passation de marché est liée à un délai, qui ne pourrait être respecté si le recours se voyait accorder l'effet suspensif. Le délai peut résulter soit d'un acte législatif soit d'une décision des chambres fédérales ou du Conseil fédéral ou d'une situation donnée (par ex. aspects sécuritaires, impératifs politiques), ou

3712

­

l'ajournement de la conclusion du contrat engendrerait des coûts supplémentaires disproportionnés

L'autorité qui statue doit préciser dans sa décision si l'art. 28, al. 2, LMP est applicable en l'occurrence. C'est certainement le cas lorsqu'il s'agit d'un ouvrage public ou d'une tâche de la Confédération prévus dans l'ordonnance selon l'al. 4. Toutefois, la condition peut également être remplie si l'ouvrage ou la tâche n'a pas encore été pris en compte dans l'ordonnance mais que l'autorité qui statue est d'avis que les conditions matérielles de l'art. 28, al. 2, LMP sont tout de même remplies.

Les conséquences juridiques d'une telle exception ordonnée par l'organisme adjudicateur divergent de la réglementation générale de la PA sur les points suivants: ­

Le recours n'a pas d'effet suspensif.

­

Si le recourant demande à l'autorité de recours de prononcer l'effet suspensif, le tribunal ne procède pas à une pesée des intérêts mais examine uniquement si les conditions de l'exception mentionnées à l'al. 2 sont remplies.

Si elles sont remplies le tribunal rejette la demande d'octroi de l'effet suspensif. Autrement, il procède à une pesée des intérêts au cas par cas.

­

Si les conditions de l'al. 2 sont remplies, le tribunal n'a pas le droit d'ordonner d'autres mesures préventives susceptibles de différer la conclusion du contrat.

Pour des raisons de complétude, il convient de rappeler que l'organisme adjudicateur est évidemment autorisé à retirer l'effet suspensif d'un éventuel recours dans tous les cas de figure qui ne tombent pas sous le coup de l'al. 2. Dans ces cas, l'organisme adjudicateur doit respecter les règles normales de l'art. 55 PA.

En ce qui concerne les passations de marché selon l'al. 2, l'organisme adjudicateur est autorisé à conclure le contrat malgré l'existence d'un éventuel recours pendant.

Si le recours est admis malgré tout, le recourant ne peut faire résilier le contrat.

Néanmoins, il a droit au remboursement de ses dépenses liées à la procédure d'adjudication (art. 33 ss LMP).

Al. 4 Selon l'al. 2, une exception suppose l'existence d'un marché qui se trouve dans «l'intérêt du pays ou d'une grande partie de celui-ci». Cette description est inévitablement abstraite; elle exige par conséquent une interprétation particulière. Afin de pouvoir garantir la sécurité juridique et éviter que chaque cas de figure fasse l'objet d'une bataille juridique, l'al. 4 prévoit que le Conseil fédéral établisse par voie d'ordonnance une liste des ouvrages publics et des tâches de la Confédération pour lesquels la conclusion du contrat ne peut être différée et auxquels s'applique donc l'al. 2.

Si une passation de marché litigieuse sert un projet qui figure sur cette liste, le recours n'a pas d'effet suspensif. Dans ce cas, le tribunal saisi du recours doit examiner s'il s'agit effectivement d'un projet figurant sur la liste de l'ordonnance.

Jusqu'à la clôture de la procédure, le recours ne bénéficiera pas de l'effet suspensif.

Il en va de même si, dans une procédure concrète d'adjudication, la légalité de l'ordonnance est remise en cause par le recours. L'effet suspensif ne peut être accordé à un tel recours pendant la durée de la procédure (al. 3). Seul un jugement entré en force peut invalider une disposition précise de l'ordonnance du Conseil fédéral.

3713

Tous les marchés publics, connus à ce jour, que le Conseil fédéral juge devoir faire partie de la liste en question sont énumérés ci-après: ­

Les passations de marché concernant la réalisation de la NLFA et les projets de construction conformément à la loi fédérale du 20 mars 2009 sur le développement de l'infrastructure ferroviaire (LDIF)14;

­

Les passations de marchés pour la suppression des goulets d'étranglement sur le réseau des routes nationales;

­

Les passations de marchés pour rétablir le fonctionnement du réseau des routes nationales ou du réseau ferroviaire suisse après des pannes dues aux événements naturels (crues, tremblement de terre, chute de pierres) ou aux défauts de construction.

­

Les passations de marchés pour la protection contre les crues du Rhin, du Rhône, de l'Aare ou de la Linth pour autant que la Confédération participe à son financement.

­

Les passations de marchés dans l'intérêt de la politique nationale de la sécurité et de la défense.

La liste du Conseil fédéral peut également comprendre des marchés pouvant être adjugés sans procédure d'appel d'offres. L'adjudication directe est autorisée si un marché est tellement urgent en raison d'un événement imprévu qu'aucune procédure ouverte ou sélective ne peut être réalisée (art. 13, al. 1, let. d, de l'ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics [OMP])15.

Art. 37

Dispositions transitoires

Le Conseil fédéral souhaiterait que l'exclusion de l'effet suspensif concerne autant de projets d'importance nationale que possible. Il propose dès lors que l'ancien droit ne s'applique que si la décision attaquée a été rendue avant l'entrée en vigueur de la loi proposée ici. Le principe de la sécurité juridique selon lequel le droit applicable doit être connu au préalable de tous les participants se voit ainsi accorder suffisamment d'importance.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

La révision prévue de l'art. 28 LMP veille à ce que les marchés urgents nécessaires pour la réalisation des tâches importantes de la Confédération ne soient plus retardés par des recours et qu'ils ne risquent donc plus ­ selon le cas ­ d'être massivement renchéris pour cette raison. Le budget de la Confédération sera donc allégé.

L'effet d'économie dépend des circonstances concrètes. En cas de marchés d'envergure, les coûts supplémentaires directement liés au retard dû à la procédure peuvent se monter à plusieurs millions de francs par mois (cf. ch. 1.1.4). Dans le cas 14 15

RS 742.140.2 RS 172.056.11

3714

de l'acquisition d'un nouveau système informatique par l'Administration fédérale des finances, le Tribunal fédéral a dû évaluer si la première instance avait eu raison de refuser l'effet suspensif à un recours sollicitant un nouvel appel d'offres. Le Tribunal fédéral a approuvé la décision de la première instance, laquelle s'était basée dans ses considérants sur une estimation de l'Office fédéral des constructions et de la logistique, selon laquelle un nouvel appel d'offres engendrerait des coûts supplémentaires de 150 à 200 millions de francs par an (ATF 134 II 192; consid. 2.1 in fine).

3.1.2

Conséquences sur le personnel

Le projet a deux effets contradictoires: ­

Concernant les marchés pour lesquels le recours ne pourra jamais avoir un effet suspensif, il faut s'attendre à ce que le nombre de recours et la charge de travail des adjudicateurs baissent. Quant à la proposition de renoncer à une deuxième instance de recours, elle permettra de soulager tant le pouvoir adjudicateur que le Tribunal fédéral.

­

En revanche, pour les autres marchés, le fait que le recours se voit désormais accorder en général l'effet suspensif, pourrait engendrer une augmentation des recours et donc de la charge de travail pour les adjudicateurs et les tribunaux.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les modifications proposées de la réglementation de l'effet suspensif concernent uniquement les marchés de la Confédération.

4

Rapport avec le programme de la législature

Le Conseil fédéral avait annoncé dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201116 une révision de la LMP comme objet figurant dans les grandes lignes, et les Chambres fédérales ont également repris ce projet dans leur arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201117. En raison d'un retard pris par la révision de l'AMP, à laquelle devait se conformer la révision totale de la loi, la consultation correspondante sur ce projet n'a pu être ouverte qu'en été/automne 2008. Après évaluation des prises de position reçues et en raison d'autres retards dans la révision de l'AMP à laquelle doit se référer la révision de la loi, le Conseil fédéral a décidé le 18 juin 2009 de procéder comme suit: ­

16 17

Les travaux relatifs à la révision totale sont interrompus jusqu'à ce que la révision de l'AMP ait été clarifiée.

FF 2008 639 705 FF 2008 7745

3715

­

Les modifications proposées ici doivent être soumises aux Chambres fédérales avec un projet séparé.

­

Le DFF prépare une révision de l'ordonnance relative à la LMP.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

La Constitution ne comprend aucune disposition spécifique sur les marchés publics.

Les compétences législatives de la Confédération en la matière découlent directement des différentes dispositions constitutionnelles: ­

La compétence d'édicter des dispositions qui lient les autorités fédérales et les entreprises publiques de la Confédération découle de la compétence en matière d'organisation (art. 164, al. 1, let. g, Cst.).

­

Pour certains aspects des marchés publics, la Cst. contient des dispositions explicites en matière de compétence en faveur de la Confédération (par. ex.

art. 65 Cst. concernant la tenue d'une statistique nationale des marchés publics).

La réglementation de l'effet suspensif repose ­ comme l'ensemble de la PA ­ également sur les art. 177, al. 3, et 187, al. 1, let. d, Cst. (cf. préambule de la PA).

La responsabilité de l'Assemblée fédérale en matière de modification des lois fédérales résulte de l'art. 173, al. 2, Cst.

5.2

Conformité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse a adhéré à l'AMP. Les exigences qui en résultent en matière de voies de droit dans le domaine des marchés publics ont été exposées sous ch. 1.2.1. La présente révision proposée répond à ces exigences.

En outre, la Suisse a conclu avec l'Union européenne l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics18 (accord bilatéral). Cet accord étend le champ d'application de l'AMP en Suisse aux autorités et aux services publics au niveau des districts et des communes. En plus, les marchés publics dans les secteurs du trafic ferroviaire, de la télécommunication ainsi que de l'approvisionnement en gaz et en eau, tout comme les acquisitions effectuées par des entreprises privées dans les secteurs de l'approvisionnement en eau, en électricité et dans celui des transports sont subordonnés à cet accord (et donc à l'AMP). L'accord bilatéral ne comprend aucune exigence dépassant le cadre de l'AMP en ce qui concerne la réglementation de la protection juridique.

18

RS 0.172.052.68

3716

5.3

Rapport avec le droit européen

En 2007, l'UE a édicté une directive sur l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours (2007/66/CE) qui a remplacé les deux anciennes directives (89/665/CEE et 92/13/CEE). La comparaison montre qu'au sein de l'UE les procédures de recours ont été renforcées avec cette nouvelle directive.

­

Les deux précédentes directives sur les procédures de recours étaient en principe conformes à l'accord bilatéral, qui prévoyait un effet suspensif.

Toutefois, elles prévoyaient (contrairement à l'accord bilatéral mais conformément à l'AMP) plusieurs exceptions, notamment le fait que les entités adjudicatrices sont invitées voire tenues de prendre en considération l'intérêt général au moment de prendre des décisions en matière de mesures provisoires.

­

La nouvelle directive oblige les services d'adjudication à prévoir un délai d'au moins 10 jours entre l'adjudication et la conclusion du contrat («délai de suspension»). Pendant ce délai, les soumissionnaires concernés peuvent demander à ce que la décision soit réexaminée. Si une telle demande est déposée, l'entité adjudicatrice ne peut conclure de contrat pendant la durée de la procédure de réexamen.

En matière de marchés publics, la Suisse n'est liée à aucun acte normatif de l'UE.

5.4

Forme de l'acte juridique

Par le présent message, nous soumettons une modification de loi fédérale aux Chambres fédérales. Conformément à l'art 141, al. 1, let. a, Cst., les lois fédérales sont soumises au référendum facultatif.

3717

3718