10.069 Message concernant l'approbation d'une convention entre la Suisse et la Turquie contre les doubles impositions du 25 août 2010

Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral portant approbation de la convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu signée le 18 juin 2010 avec la Turquie, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

25 août 2010

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Doris Leuthard La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2010-1753

5067

Condensé La Suisse et la Turquie ont entamé en 1986 des négociations en vue de conclure une convention contre les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu. Ces négociations difficiles ont été interrompues à plusieurs reprises en raison de la divergence des politiques conventionnelles des deux pays. De ce fait, la Turquie était le seul Etat de l'OCDE avec lequel la Suisse n'avait pas encore conclu de convention contre les doubles impositions.

Une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu a finalement été signée le 22 mai 2008 avec la Turquie (cf. message du 6 mars 2009, FF 2009 1877). Alors que la phase d'approbation parlementaire de cette convention avait débuté, les autorités turques ont fait savoir qu'elles n'entameraient leur propre procédure de ratification qu'après reprise du standard de l'art. 26 du Modèle OCDE dans cette convention, conformément aux engagements pris par le Conseil fédéral le 13 mars 2009.

La procédure parlementaire a par conséquent été suspendue du côté suisse et des négociations de révision ont dû être entamées. Le 4 novembre 2009, les paraphes ont pu être apposés sur un projet révisé de convention, destiné à remplacer la convention signée le 22 mai 2008, de manière à prendre en compte la nouvelle donne résultant des positions suisses et turques. Ainsi une lacune importante a été comblée dans le réseau suisse de conventions contre les doubles impositions. Le présent message remplace celui du 6 mars 2009 (FF 2009 1877).

La convention contient des règles qui assurent une solide protection contre la double imposition et apporte des avantages importants en faveur du développement des relations économiques bilatérales; elle contribuera à maintenir et promouvoir les investissements directs suisses en Turquie.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette convention.

5068

Table des matières Condensé

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1 Présentation de la convention 1.1 Contexte, déroulement et résultats des négociations 1.2 Appréciation

5070 5070 5071

2 Commentaire des dispositions de la convention

5071

3 Conséquences financières

5077

4 Constitutionnalité

5078

Arrêté fédéral portant approbation d'une convention entre la Suisse et la Turquie contre les doubles impositions (Projet)

5079

Convention entre la Confédération suisse et la République de Turquie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu

5081

5069

Message 1

Présentation de la convention

1.1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Suisse et la Turquie ont entamé en 1986 des négociations en vue de conclure une convention contre les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu. La Turquie, bien que membre de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) suit une politique conventionnelle vis-à-vis des autres Etats membres de l'OCDE qui s'écarte sur certains points sensibles du Modèle OCDE de convention fiscale. Ces négociations difficiles ont été interrompues à plusieurs reprises en raison de la divergence des politiques conventionnelles respectives. De ce fait, la Turquie est demeurée le seul Etat de l'OCDE avec lequel la Suisse n'avait pas encore conclu de convention contre les doubles impositions. Après plus de 20 ans, les négociations avaient abouti en octobre 2006 à un accord sur une convention contre les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu. Cette convention avait été signée à Berne le 22 mai 2008.

Suite à la décision du Conseil fédéral du 13 mars 2009 de lever sa réserve relative à l'art. 26 du Modèle OCDE, et alors même que la convention du 22 mai 2008 avait entamé en Suisse sa phase d'approbation parlementaire, les autorités turques ont fait savoir, au niveau tant administratif que politique, qu'elles n'entameraient leur propre procédure de ratification qu'après reprise du standard de l'art. 26 du Modèle OCDE dans cette convention.

La procédure parlementaire a par conséquent été suspendue du côté suisse et des négociations de révision ont été entamées. Le 4 novembre 2009, les paraphes ont pu être apposés sur un projet révisé de convention, destiné à remplacer la convention signée le 22 mai 2008 de manière à prendre en compte la nouvelle donne résultant des positions suisses et turques. Le projet révisé de convention a été signé à Berne le 18 juin 2010.

La Turquie est un Etat d'environ 72 millions d'habitants, qui occupe une position particulière entre l'Europe et l'Asie. Compte tenu de sa taille, de son potentiel économique et de sa situation géostratégique, la Turquie est un partenaire complexe d'une importance croissante pour la Suisse. Elle a entamé des négociations d'adhésion avec l'Union européenne en octobre 2005, dont la durée et l'issue sont encore incertaines. Ces négociations d'adhésion devraient vraisemblablement marquer les relations bilatérales entre
la Suisse et la Turquie dans divers domaines. En particulier, l'extension à la Turquie du marché unique communautaire devrait être avantageuse pour l'économie suisse.

La Suisse est liée à la Turquie par un accord de libre-échange conclu entre l'AELE et la Turquie depuis 1992, par l'accord de protection des investissements du 3 mars 1988 (RS 0.975.276.3) et par la convention de commerce du 13 décembre 1930 (RS 0.946.297.631). Compte tenu des importantes perspectives de croissance, le marché turc présente un fort potentiel pour les exportations suisses. Actuellement, la Suisse exporte vers la Turquie des biens et des services pour un montant annuel de 2 milliards de francs. Près de 50 % de ces exportations concernent le secteur chimique et pharmaceutique et 30 % celui des machines (machines textiles notamment).

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La Suisse occupe le huitième rang des fournisseurs étrangers et était au sixième rang des investissements directs étrangers en 2004.

1.2

Appréciation

Dans l'ensemble, le résultat des négociations se situe dans la ligne des solutions retenues dans les conventions conclues par la Turquie avec les autres Etats de l'OCDE qui ont un niveau de développement économique comparable à celui de la Suisse. Des solutions plus favorables ne pouvant plus être attendues, les intérêts économiques suisses commandent de conclure ces négociations.

La convention comble ainsi la seule lacune de notre réseau conventionnel au sein des Etats membres de l'OCDE et met en oeuvre la nouvelle politique de la Suisse en matière d'échange de renseignements adoptée en mars 2009. Les conditions cadres posées par la convention permettront de maintenir et promouvoir les investissements directs, ce qui est bénéfique au développement économique des deux pays. Lors de la procédure d'audition, la convention a été bien accueillie par les cantons et les milieux économiques intéressés.

2

Commentaire des dispositions de la convention

La convention suit largement, tant sur le plan formel que matériel, le modèle de convention fiscale élaboré par l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE) ainsi que la pratique suisse en la matière. C'est pourquoi seules les principales différences par rapport à ce modèle seront commentées et seules les particularités de la convention par rapport à la pratique conventionnelle suisse seront signalées.

Art. 2

Impôts visés

Le champ d'application de la convention ne couvre que les impôts sur le revenu puisque la Turquie ne connaît pas d'impôt sur la fortune.

Les gains provenant de loteries, paris et jeux sont exclus du champ d'application matériel conformément à la pratique conventionnelle suisse (par. 5).

Art. 3

Définitions

La let. f du par. 1 de l'art. 3 précise la notion de siège («siège enregistré») en tant que lieu d'enregistrement, par renvoi au code des obligations suisse et au Code turc du Commerce. Cette précision résulte de l'insertion de cette notion au par. 1 de l'art. 4 dans la liste des critères figurant comme exemples de critères de rattachement pour la définition de «résident» d'un Etat contractant. Cet ajout demandé par la Turquie est acceptable puisqu'il constitue un critère de nature analogue au sens de la disposition précitée de l'art. 4. Par ailleurs, il est précisé au ch. 1 du protocole que le siège de la direction effective correspond aux critères combinés du lieu de l'exercice d'activités industrielles ou commerciales substantielles ainsi que de la direction et du contrôle de ces activités.

5071

Art. 5

Etablissement stable

Dans le domaine de l'imposition des établissements stables, la Turquie suit une politique ferme et constante à l'égard des autres Etats de l'OCDE au développement économique comparable à celui de la Suisse, de laquelle elle n'entendait pas dévier.

Dans le cadre du paquet final de négociations, une période de 6 mois a été retenue au par. 3 comme constitutive d'un établissement stable pour les chantiers de construction et de montage ainsi que pour les activités de surveillance y relatives. Les services rendus localement pendant une durée supérieure à six mois sont imposables dans l'Etat de la source, solution atypique pour un Etat membre de l'OCDE mais concession indispensable pour la conclusion des négociations.

La Suisse a déjà conclu des clauses semblables avec des Etats d'importance comparable (comme les Philippines ou la Thaïlande).

Art. 8

Entreprises de transport maritime, aérien et routier

Cette disposition s'applique également aux transports routiers exploités en trafic international. Cette extension, souhaitée par la Turquie et dont la portée est plutôt limitée, figure déjà dans d'autres conventions suisses contre les doubles impositions (par ex. avec la Bulgarie, la Hongrie ou la Roumanie). Les autres dispositions relatives au trafic international ont été adaptées en conséquence (art. 3, par. 1, let. j, 13, par. 3, et 15, par. 3).

Art. 9

Entreprises associées

Comme dans la plupart des conventions suisses contre les doubles impositions conclues récemment, le texte des par. 2 et 3 est formulé de manière conforme à la pratique suisse. La convention prévoit au par. 2 que les Etats contractants peuvent se consulter en vue de trouver un accord amiable concernant des ajustements de bénéfices. Selon le par. 3, ces ajustements ne peuvent avoir lieu qu'au cours d'une période maximum de cinq ans à compter de l'année où les revenus qui font l'objet du redressement ont été réalisés.

Art. 10

Dividendes

Les dividendes provenant de participation d'au moins 20 % sont soumis à un taux d'impôt limité à 5 % dans l'Etat de la source, à condition que, s'agissant des dividendes de source turque, ces rendements de participations soient exonérés dans l'Etat de résidence. Pour la Suisse, cette exonération est prévue par la réduction pour participation de l'art. 69 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) et les dispositions cantonales correspondantes (cf. art. 28 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes; RS 642.14).

Par ailleurs, un impôt à la source sur les bénéfices distribués par un établissement stable (branch profits tax) pourra être levé à un taux limité à 5 % dans l'Etat de la source (contre 15 % actuellement selon le droit interne turc), à condition que ces bénéfices soient exonérés dans l'Etat du siège de l'entreprise. Pour la Suisse, cette exonération est prévue pour l'établissement stable à l'art. 52 LIFD et par les dispositions cantonales correspondantes.

Dans les autres cas, le taux de l'impôt à la source est limité à 15 %.

5072

Le ch. 2 du protocole concernant les fonds de placement turcs (investment funds sans personnalité morale et investment trusts dotés de la personnalité morale) précise, s'agissant de l'art. 10, que les revenus distribués du côté turc par ces fonds sont considérés comme des dividendes sans préjuger du droit aux avantages à la convention pour les fonds de placement eux-mêmes. Ce dernier point devra être réglé ultérieurement dans le cadre d'un accord amiable conformément à la pratique suisse dans ce domaine.

Art. 11

Intérêts

Les taux convenus en matière d'imposition à la source des intérêts (par. 2 et 3) sont les suivants: 0 % pour les intérêts payés à un Etat contractant ou à sa Banque centrale; 5 % pour les intérêts payés dans le cadre d'emprunts ou de crédits accordés, garantis ou assurés pour la promotion des exportations; 10 % pour les intérêts payés à des banques et 15 % dans les autres cas. Les intérêts exonérés par la législation turque seront assortis de l'imputation d'un impôt fictif limité à un taux de 5 % et d'une durée limitée à cinq ans. A l'insistance de la Suisse, cette durée a pu être réduite de 2 ans dans le cadre du paquet final de négociations de la convention.

Art. 12

Redevances

L'Etat de la source des redevances peut prélever un impôt maximum de 10 % (par. 2). Ce taux est courant dans les conventions conclues par la Suisse avec des pays peu industrialisés. Une imputation de l'impôt fictif de 5 % pour les intérêts provenant du leasing financier et de 10 % pour les autres redevances sera également accordée pendant les cinq années qui suivent l'entrée en vigueur de la convention.

La Convention du 22 mai 2008 prévoyait auparavant une durée de sept ans. Compte tenu du taux de l'imposition interne turque (22 % actuellement), ces solutions peuvent être considérées globalement comme avantageuses pour la Suisse.

Le protocole précise à son ch. 4 que les gains réalisés lors de la cession de droits tombant sous la définition du par. 3 de l'art. 12 sont couverts par l'art. 13 (gains en capital) à moins qu'il ne soit prouvé que le paiement concerné n'a pas été effectué au titre d'une véritable cession de propriété.

Art. 13

Gains en capital

Les gains en capital sont exonérés en Turquie, sous réserve de quelques exceptions (parts dans des fonds de placement par ex.). En dépit de cette situation, la politique conventionnelle turque est demeurée inchangée et vise à insérer dans cette disposition une clause attribuant le droit d'imposition dans l'Etat de la source des gains spéculatifs concernant les biens mobiliers couverts par le par. 4, réalisés au cours d'une période de 12 mois entre la date d'acquisition et de cession. Ce droit de l'Etat de la source n'est reconnu par la Suisse qu'en cas d'imposition effective (art. 22, par. 1, let. a).

Art. 14

Professions indépendantes

Comme dans d'autres conventions suisses contre les doubles impositions, en sus du critère de la base fixe, un critère de rattachement supplémentaire pour imposition est accordé en faveur de l'Etat du lieu de l'activité, par la let. b du par. 1, en cas de séjour de plus de 183 jours au cours d'une période de 12 mois.

5073

Art. 18 et 19

Pensions

Conformément à la pratique conventionnelle suisse, le ch. 5 du protocole confirme expressément le point de vue suisse selon lequel les art. 18 et 19 de la convention s'appliquent, s'agissant des pensions, également aux prestations en capital.

Art. 20

Etudiants

A l'instar d'autres conventions suisses contre les doubles impositions, le par. 2 garantit l'égalité de traitement des étudiants provenant de l'autre Etat contractant et des étudiants résidents s'agissant de bourses ou de rémunérations non couvertes par le par. 1.

Art. 22

Elimination des doubles impositions

La Turquie évite la double imposition au moyen de la méthode de l'imputation.

La Suisse applique la méthode de l'exonération avec réserve de la progressivité et accorde le cas échéant l'imputation forfaitaire d'impôt pour les dividendes, les intérêts et les redevances.

Comme indiqué ci-dessus (art. 11 et 12), l'imputation de l'impôt fictif a été limitée à 5 % pour les intérêts et le leasing financier et à 10 % pour les redevances, pour une durée de cinq ans après l'entrée en vigueur de la convention.

Selon la Turquie, toutes les mesures ministérielles de réduction ou de suppression d'impôt à la source sont des incitations au développement économique et doivent de ce fait être prises en compte pour l'imputation de l'impôt fictif. Pour cette raison, la formulation retenue dans cet article est générale.

Art. 25

Echange de renseignements

En abandonnant sa réserve à l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE, la Suisse a pris l'engagement politique de reprendre ce standard conformément à cet article et aux commentaires qui s'y rapportent. Il convient par ailleurs de prendre en considération que, pour la Turquie, l'acceptation de la convention en question devait suivre au plus près ce standard de l'OCDE. La réussite finale de la présente révision, y compris la reprise des solutions contenues dans la convention du 22 mai 2008, dépendait donc des solutions qui y seraient convenues.

Le nouvel art. 25 reprend, dans les grandes lignes, le texte de l'art. 26 du Modèle de convention OCDE. Toutefois, certaines modifications au texte du Modèle de l'OCDE ont été prévues pour limiter l'échange de renseignements aux impôts couverts par la convention (à l'encontre des exigences initiales turques), exclure la transmission des renseignements aux autorités de contrôle, rendre possible l'utilisation des renseignements à d'autres fins sous réserve de l'accord des deux Etats, ainsi que donner les pouvoirs nécessaires aux autorités fiscales des Etats contractants pour obtenir les renseignements requis de la part des banques, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant que fiduciaire ainsi que pour déterminer les droits de propriété d'une personne. Les modifications apportées aux dispositions sur l'échange de renseignements se fondent sur le commentaire du Modèle de convention de l'OCDE et correspondent au standard de l'OCDE en la matière.

5074

Le premier paragraphe est consacré au principe de l'échange de renseignements. Il prévoit l'échange des renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts visés par la convention. Les renseignements limités à ceux qui sont vraisemblablement pertinents excluent la pêche aux renseignements. En outre, l'Etat requérant est tenu d'épuiser au préalable les sources habituelles de renseignements prévues par sa procédure fiscale interne avant de présenter une demande de renseignements à l'autre Etat. Pour appliquer cette disposition, il n'est pas nécessaire que le contribuable concerné soit un résident de Suisse ou de Turquie pour autant qu'il y ait un rattachement économique avec l'un des Etats contractants.

Le deuxième paragraphe est consacré au principe de confidentialité. Cette disposition vise l'Etat requérant et prévoit que les renseignements obtenus ne peuvent être communiqués qu'aux personnes ou autorités concernées par l'établissement, le recouvrement des impôts couverts par la convention, ou par les procédures et poursuites concernant ces impôts, ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Il s'ensuit que ces renseignements peuvent aussi être communiqués au contribuable ou à son représentant. La dernière phrase prévoit que les renseignements reçus ne peuvent être utilisés à d'autres fins sauf si cette possibilité est prévue par les lois des deux Etats contractants et si l'Etat qui fournit les renseignements donne son consentement. Ainsi, cette disposition permet d'utiliser les renseignements obtenus dans le cadre d'une procédure pénale, tout en respectant les droits de procédure de la personne concernée en Suisse. Cette disposition permet d'éviter de devoir transmettre les mêmes informations en donnant suite à des demandes de renseignements réitérées à des fins différentes. Dans tous les cas, le consentement de l'Etat qui fournit les renseignements est requis. Cette disposition permettra par exemple l'utilisation des renseignements obtenus, selon les mêmes conditions, dans le cadre de l'accès aux informations fiscales internes pour les autorités de sécurité sociale (cf. par ex. art. 9, al 3, LAVS, RS 831.10, et art. 27 RAVS, RS 831.101).

Le troisième
paragraphe contient certaines limitations à l'échange de renseignements en faveur de l'État requis. Il est prévu que l'Etat requis n'est ni tenu de prendre des mesures administratives allant au-delà des limites prescrites par sa propre législation ou par sa pratique administrative, ni de prendre des mesures administratives qui ne seraient pas autorisées par la législation ou par la pratique administrative de l'Etat requérant. Dans le cas de la Suisse, cela implique que le droit d'être entendu ainsi que les droits de recours sont protégés. En outre, l'Etat requis n'est pas obligé de fournir des renseignements qui ne peuvent être obtenus selon sa propre législation ou sa propre pratique administrative ou qui ne peuvent être obtenus selon la législation ou la pratique administrative de l'Etat requérant. Enfin, l'Etat requis peut refuser de communiquer des renseignements qui seraient contraires ou heurteraient l'ordre public ou qui révéleraient un secret commercial, ce qui pourrait être le cas lorsque les renseignements transmis ne sont pas tenus secrets de manière suffisante dans l'Etat requérant.

Le quatrième paragraphe prévoit que l'Etat requis a l'obligation d'échanger des renseignements même dans le cas où il n'a pas besoin des renseignements demandés pour l'application de sa propre législation fiscale. Ainsi, l'échange de renseignements n'est pas limité aux seuls renseignements qui présentent un intérêt pour les autorités fiscales de l'Etat requis.

5075

Le cinquième paragraphe contient des dispositions particulières concernant les renseignements qui sont détenus pas les banques, les autres intermédiaires ou qui concernent les droits de propriété dans une personne. De tels renseignements doivent être échangés nonobstant les limitations prévues au par. 3. L'Etat requis doit également pouvoir obtenir et transmettre les renseignements demandés même lorsque ces renseignements ne sont pas disponibles en vertu de sa propre législation ou de sa pratique administrative. Par conséquent, la Suisse ne peut refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire suisse. Toutefois, cette disposition suppose que les renseignements demandés soient disponibles. Des demandes concernant les droits de propriété dans des sociétés sous forme d'actions à porteur ne peuvent et ne doivent par conséquent être satisfaites que si ces informations peuvent être obtenues effectivement par les autorités de l'Etat requis, nonobstant d'éventuelles restrictions de droit interne.

En effet, dans les cas de fraude fiscale, la Suisse possède, au vu de la procédure pénale de droit interne, les moyens nécessaires pour obtenir les renseignements visés par le par. 5. L'échange de renseignements selon les dispositions en question ne pose toutefois plus pour condition l'existence d'une fraude fiscale. Ainsi, afin d'assurer la mise en oeuvre des nouvelles obligations conventionnelles, les Etats contractants ont créé à la dernière phrase du par. 5 la base légale nécessaire pour disposer des pouvoirs de procédure qui leur permettent d'obtenir les renseignements demandés. La procédure applicable sera dans un premier temps réglée dans une ordonnance du Conseil fédéral qui devrait entrer en vigueur le 1er octobre 2010, puis dans une loi dont les travaux d'élaboration ont débuté. Cette procédure a été avalisée dans les arrêtés fédéraux du 18 juin 2010 approuvant dix conventions nouvelles ou révisées contre les doubles impositions et ne nécessite pas d'être réitérée, sauf cas spécifique.

Toutefois, la Suisse n'accordera pas l'entraide administrative en matière fiscale à la Turquie lorsque la demande d'entraide se fonde sur des données obtenues illégalement. Le Conseil fédéral fera une déclaration au Gouvernement de Turquie et s'appliquera à obtenir une déclaration
correspondante de la part du Gouvernement de Turquie. Le Conseil fédéral a été mandaté avec cette mission par la motion 10.3013 «Futures conventions de double imposition. Ne pas accorder l'entraide administrative lorsque les données ont été obtenues illégalement».

La demande d'échange de renseignements devra être effectuée par écrit (de simples demandes par téléphone sont donc exclues), conformément aux prescriptions de l'OCDE dans ce domaine, en particulier au Module 1 concernant l'échange de renseignements sur demande du Manuel de l'OCDE de mise en oeuvre des dispositions concernant l'échange de renseignements à des fins fiscales.

Des précisions à l'art. 25 sont prévues dans le protocole à la convention (ch. 6 du protocole). Les principes de subsidiarité et de l'interdiction de la pêche aux renseignements sont expressément mentionnés (ch. 6, let. a et c). Le principe de subsidiarité implique que la demande de renseignements fasse état de l'épuisement des moyens à disposition dans l'Etat requérant. S'agissant de la «pêche aux renseignements», c'est-à-dire des requêtes présentées sans objet d'investigation précisé dans l'espoir d'obtenir des informations fiscalement déterminantes, elles sont expressément exclues (let. b). En outre, la demande de renseignements doit inclure un certain nombre d'éléments (ch. 6, let. b), tels que l'identification claire du contribuable concerné ainsi que de la personne (par ex. une banque) présumée être en possession des renseignements demandés. L'Etat requérant doit indiquer quelles sont les informations nécessaires, pour quelles périodes fiscales et pour quel but 5076

fiscal. Il s'ensuit que l'échange de renseignements est limité à des cas de demandes concrètes d'échange de renseignements dans des cas spécifiques. En l'absence des données spécifiques requises pour l'identification, une demande de renseignements ne pourra pas être satisfaite. En particulier si le nom de la banque détentrice des renseignements ne peut être spécifié dans la demande d'assistance administrative, il sera impossible pour la Suisse de mener une investigation sur des données bancaires.

Cette formulation permet d'exclure la pêche aux renseignements (ch.6, let. c, précité).

Il est précisé qu'aucune obligation n'incombe aux Etats contractants de procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique, sans pour autant exclure la possibilité pour l'un des Etats contractants de procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique si sa législation nationale le prévoit (ch. 6, let. d).

Enfin, les droits de procédure des contribuables sont garantis (ch. 6, let. e). En Suisse, le contribuable concerné peut recourir contre la décision finale de l'Administration fédérale des contributions devant le Tribunal administratif fédéral, lequel tranchera en dernier lieu. Le recours a un effet suspensif. Si un recours est déposé, la transmission des renseignements n'aura lieu qu'une fois que le rejet du recours est entré en force. Ces procédures n'ont toutefois pas pour but et ne doivent pas entraver ou retarder indûment l'échange de renseignements.

Les nouvelles dispositions concernant l'échange de renseignements seront applicables en ce qui concerne les années fiscales commençant au 1er janvier de l'année civile suivant celle au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur ou ultérieurement. Elles ne valent donc que pour les revenus que les contribuables concernés obtiennent à et dès cette date.

Art. 27

Entrée en vigueur

Cet article est demeuré inchangé. La convention entrera en vigueur à la date de l'échange des instruments de ratification et ses dispositions seront applicables dès le 1er janvier qui suit cette date.

3

Conséquences financières

Dans toute convention contre les doubles impositions, les deux Etats contractants renoncent à certaines recettes fiscales. Pour la Suisse, les pertes qui découlent de la présente convention résultent du remboursement total ou partiel de l'impôt anticipé sur les dividendes et les intérêts et de l'imputation de l'impôt à la source retenu le cas échéant par la Turquie sur les dividendes et les intérêts conformément aux art. 10 et 11 ou 12 s'agissant des redevances. Ces pertes, qui ne peuvent être chiffrées par manque d'instruments adéquats, seront partiellement compensées du fait que ces mesures augmenteront l'attrait de la place économique suisse, ce qui devrait se traduire par un apport de recettes supplémentaires dans le cadre des impôts directs.

La convention permet l'élimination des doubles impositions et offre ainsi à la Suisse et à l'économie suisse une base solide dans les relations bilatérales tout en supprimant les éventuels désavantages fiscaux par rapport à d'autres Etats concluant des conventions contre les doubles impositions avec la Turquie. La convention peut ainsi favoriser la position concurrentielle de la Suisse et déployer des effets positifs sur le plan économique et financier. Dans l'ensemble, la convention contribue favo5077

rablement au maintien et au développement des relations économiques bilatérales; elle soutient la promotion des investissements directs suisses en Turquie. Les cantons et les milieux économiques intéressés se sont d'ailleurs prononcés en faveur de la convention. Au surplus, on rappellera que les conventions visant à éviter les doubles impositions sont conclues avant tout dans l'intérêt des contribuables. En outre, elles favorisent la coopération économique qui constitue l'un des buts principaux de la politique suisse en matière de commerce extérieur.

4

Constitutionnalité

La convention se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (RS 101), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver cette convention en vertu de l'art. 166, al. 2, de la Constitution. La convention est conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution, les conventions qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujettes au référendum en matière de traités internationaux (depuis le 1er août 2003). Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10), on considère qu'une disposition inscrite dans un traité international fixe des règles de droit lorsqu'elle prévoit des dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Afin de se doter d'une pratique cohérente en ce qui concerne le ch. 3 introduit dans l'art. 141, al. 1, let. d, de la Constitution et d'éviter que des accords similaires ne soient soumis de façon répétée au référendum, le Conseil fédéral a précisé, dans le message du 19 septembre 2003 relatif à la Convention contre les doubles impositions avec Israël qu'il accompagnerait dorénavant les accords qu'il présenterait au Parlement de la proposition de ne pas les soumettre au référendum facultatif en matière de traités internationaux, pour autant que ces accords n'entraînent pas de nouveaux engagements pour la Suisse.

La convention prévoit une assistance administrative accordée de manière étendue, conformément aux standards du Modèle de convention fiscale de l'OCDE, ce qui est une nouveauté récente dans la politique conventionnelle suisse.

Ainsi, la convention crée de nouveaux engagements importants pour la Suisse. La convention contient ainsi des dispositions importantes au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution par rapport à ce qui a déjà été convenu avec d'autres Etats. L'arrêté fédéral sur la Convention entre la Suisse et la Turquie contre les
doubles impositions sera par conséquent sujet au référendum facultatif en matière de traités internationaux prévu à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution.

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