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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

le projet d'une loi fédérale sur les droits de priorité en matière de brevets d'invention et de dessins ou modèles industriels.

(Du 25 juillet 1913.)

Monsieur le président et messieurs, Le 1 mai 1913 est entrée en vigueur la convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle revisée à Washington le 2 juin 1911, entre la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie, la République Dominicaine, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la France, la Grande Bretagne, l'Italie, le Japon, le Mexique, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et la Tunisie.

Cette convention revisée renferme quelques dispositions nouvelles, à cause desquelles il paraît nécessaire de reviser à leur tour les prescriptions fédérales actuelles sur les droits de priorité en matière de brevets d'invention et de dessins et modèles industriels.

En ce qui concerne le mode de revision à adopter, l'étude de la question a montré que, au lieu de modifier séparément les deux lois fédérales sur les brevets d'invention et sur les dessins et modèles industriels, il est préférable d'établir une loi fédérale spéciale.

L'article 4 de la convention d'Union de Paris revisée accorde aux ressortissants des pays de l'Union qui ont fait régulièrement dans l'un quelconque de ces pays le dépôt d'une er

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demande de brevet d'invention, d'un modèle d'utilité, d'un dessin ou modèle industriel, d'une marque de fabrique ou de commerce, un droit de priorité pour le dépôt, effectué eu un certain délai dit « délai de priorité », d'une demande de protection pour le même objet dans tout autre pays de l'Union; ce droit a pour effet que le dépôt ultérieur est considéré comme si sa date coïncidait avec celle du dépôt antérieur, soit pour la question de l'ordre chronologique de plusieurs demandes de protection présentées pour un seul et même objet par des personnes différentes, soit pour la question de la nouveauté des inventions, modèles d'utilité, etc.

Lorsque dans un procès en nullité pour manque de nouveauté d'une invention brevetée en Suisse ou d'un dessin ou modèle industriel déposé en Suisse le droit de priorité entre en application, il ne s'agit plus de savoir si l'objet était nouveau à l'époque du dépôt effectué en Suisse (conformément au premier alinéa de l'art. 4 de la loi fédérale sur les brevets d'invention du 21 juin 1907 et au chiffre 1 de .l'art. 12 de la loi fédérale sur les dessins et modèles industriels du 30 mars 1900), mais s'il était nouveau au moment du dépôt antérieur effectué dans un autre pays de l'Union, à condition toutefois que le délai de priorité ait été observé.

D'après l'article 4 de la convention d'Union le délai de priorité est de douze mois pour les brevets d'invention, de quatre mois pour les dessins et modèles industriels ainsi que pour les marques de fabrique ou de commerce; pour les modèles d'utilité le délai est de douze ou de quatre mois, suivant qu'ils font l'objet d'une demande de brevet ou qu'ils sont déposés comme modèles industriels.

Abstraction faite de la mention expresse des modèles d'utilité, qui sont assimilés en Suisse aux brevets d'invention, les dispositions citées de l'article 4 de la convention ne renferment rien de nouveau.

D'après l'article 3 de la convention d'Union revisée antérieurement à Bruxelles, en 1900, article dont le contenu n'a pas été modifié à Washington, les ressortissants de pays n'appartenant pas à l'Union, mais qui sont domiciliés dans un pays de l'Union ou y possèdent un établissement industriel ou commercial effectif et sérieux, doivent être traités en toutes choses, et donc aussi pour le droit de priorité, comme les ressortissants des pays de l'Union.

En ce qui concerne les brevets d'invention, l'essentiel des dispositions citées jusqu'ici de l'article 4 de la convention

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se trouve déjà aux deux premiers alinéas de l'article 36 de la loi fédérale du 21 juin 1907. Par contre ce dernier article ne mentionne pas les « établissements industriels ou commerciaux effectifs et sérieux » de personnes étrangères à l'Union. Quant aux dessins et modèles industriels, les dispositions en question correspondent, pour l'essentiel, à l'article1 34 de la loi fédérale du 30 mars 1900, mais sans qu'il y soit fait mention des étrangers à l'Union.

Les deux passages de loi indiqués ne confèrent le droit de priorité que sur la base du premier de tous les dépôts effectués dans des pays de l'Union, et ne permettent pas que ce premier dépôt soit précédé par un dépôt dans un pays qui ne ferait1 pas partie de l'Union.

On ne peut pas dire que cette interprétation des dispositions de la convention relatives à la jouissance du droit de priorité soit inadmissible. Il faut toutefois faire remarquer que nulle part dans la convention le premier des dépôts antérieurs ne figure expressément comme base du droit de priorité. Or on peut parfaitement imaginer des cas où celui qui a droit' à l'invention, etc. a un grand intérêt à fonder sa revendication dû/droit de priorité sur un autre dépôt que le premier, et où il est équitable de lui rendre la chose possible, par exemple le cas où par une erreur excusable il aurait laissé passer le délai de priorité du premier dépôt. C'est pourquoi il nous paraît préférable de ne plus baser la jouissance du droit de priorité sur le premier des dépôts antérieurs. Un abus de la disposition plus libérale qui serait introduite dans la loi n'est pas à craindre, car le danger de se voir devancé par le dépôt d'un autre ou de perdre la nouveauté de son invention, etc. croît, plus on retarde le commencement' du délai de priorité.

La loi fédérale du 26 septembre 1890 sur la protection des marques de fabrique et de commerce, etc. ne renferme aucune disposition sur un droit de priorité issu de dépôts antérieurs de marques en d'autres pays de l'Union, parce que d'après le droit suisse la propriété de la marque est' liée à son usage et non à son dépôt. Ce qui importe, ce n'est donc pas le moment du dépôt d'une marque, mais le moment où elle est entrée en usage dans l'un quelconque des pays de l'Union. D'autre part, les marques étrangères ne sont admises à l'enregistrement en Suisse
que sous la condition d'être protégées dans le pays d'origine; pour cette raison les dépôts de marques étrangères en Suisse doivent être accompagnés de certificats authentiques indiquant le pays

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d'origine, la date du dépôt à l'étranger ou du renouvellement de la protection, et la marchandise pour laquelle la marque est employée.

Ces considérations font comprendre pourquoi le présent projet de loi ne contient pas de dispositions sur les marques de fabrique ou de commerce.

L'alinéa a de l'article 4 de la convention revisée déclare expressément qu'un tiers, qui effectue en temps voulu à titre d'ayant cause du déposant antérieur le dépôt d'une demande de brevet etc. dans un autre pays de l'Union, jouira aussi du droit de priorité issu du dépôt antérieur; cette disposition est nouvelle. Quant à la question de savoir si ce droit de priorité doit être conféré seulement aux ayants cause qui sont ressortissants d'un des pays de l'Union ou qui sont assimilés à ces ressortissants par l'article 3 de la convention, chaque pays peut la résoudre comme il l'entend.

Si un ressortissant de l'Union a déposé par exemple une .demande de brevet dans un autre pays de l'Union que la Suisse et s'il jouit ensuite de ce dépôt d'un droit de priorité pour un brevet suisse demandé ultérieurement, il n'entrera dans la pensée de personne que ce droit de priorité soit perdu par la cession du brevet suisse à un étranger à l'Union.

Or pratiquement il revient' au même que l'étranger à l'Union acquière le brevet suisse déjà délivré ou qu'il sollicite luimême, avec le consentement du déposant antérieur, la délivrance du brevet suisse.

Cette réflexion nous a conduits à adopter dans le projet de loi une disposition qui permet à tout ayant cause d'acquérir le droit de priorité basé sur un dépôt' antérieur, quels que soient son domicile ou sa nationalité.

Avant la revision de Washington, la convention ne conférait pas aux pays de l'Union le pouvoir de lier à l'observation de certaines formalités la faculté d'alléguer devant les tribunaux le droit de priorité. Pour cette raison les lois fédérales sur les brevets d'invention (art. 36) et sur les dessins et modèles industriels (art. 34) ne pouvaient contenir à ce sujet aucune prescription obligatoire pour les ressortissants des autres pays de l'Union. La conséquence en est que des droits de priorité peuvent exister soit pour des brevets d'invention suisses, soit pour des dessins ou modèles industriels déposés en Suisse, sans que personne, à part le .déposant, n'en ait connaissance; en particulier, le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle est mis dans l'impossi-

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bilité de fournir un renseignement certain sur ce point, important surtout pour les brevets.

Les dispositions de l'alinéa d de l'article 4 de la convention revisée permettent maintenant d'imposer des prescriptions légales sans l'accomplissement' desquelles avant l'enregistrement du brevet délivré ou du dessin ou modèle industriel déposé l'intéressé ne pourra pas faire valoir le droit de priorité là où il importe, c'est-à-dire devant les tribunaux. Il est d'autant plus nécessaire d'exercer sous ce rapport une certaine contrainte sur les intéressés que la convention (art. 4, alinéa d) oblige dorénavant les administrations compétentes des pays de l'Union à mentionner dans leurs publications les indications qui leur auront été faites sur le lieu et la date des dépôts antérieurs servant de base au droit' de priorité. Grâce à cette disposition de la convention, les tiers intéressés seront renseignés sur l'accomplissement de la condition fondamentale pour la revendication du droit de priorité, sans qu'ils aient encore besoin de s'enquérir auprès des administrations. Mais tant que les déposants de demandes de brevets, etc. ne seront pas obligés de faire dans tous les cas les indications de priorité, la mention de celles-ci dans les publications sera plus nuisible qu'utile, car elle portera à croire qu'aucun droit' de priorité ne peut être revendiqué si ces indications font défaut.

Les personnes qui sollicitent la protection suisse de la propriété industrielle ne peuvent être vraiment obligées à indiquer les dépôts antérieurs servant de base au droit de priorité que si la loi soumet la jouissance de ce droit à la condition de faire les indications de priorité avant l'enregistrement des brevets ou des dessins ou modèles industriels dans le registre principal, au contenu duquel se rapportent les publications officielles.

Le droit de priorité peut avoir une autre base qu'une demande antérieure de proteciton par brevet ou par dépôt de dessin ou modèle industriel : il peut dériver de ce qu'on appelle la protection aux expositions (art. 11 de la convention, art 37 de la loi fédérale sur les brevets d'invention, art. 35 de la loi fédérale sur les dessins et modèles industriels).

L'article 11 de la convention prévoit la protection aux expositions non seulement pour les inventions brevetables, les modèles d'utilité, les dessins et modèles industriels, mais encore pour les marques de fabrique et de commerce. Or ces marques ne sont pas exposées autrement que sur des

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produits, elles sont donc entrées en usage, au plus tard depuis qu'elles figurent à l'exposition. Comme le droit suisse, ainsi qu'il a- déjà été dit plus haut, fait dépendre la propriété d'une marque de la priorité de son usage et qu'une marque d'origine étrangère est admise à l'enregistrement en Suisse seulement sur la base d'un certificat établissant son enregistrement dans le pays d'origine, il s'ensuit que la protection des marques aux expositions n'entre pas en considération pour la présente loi.

La législation fédérale actuelle accorde pour la protection aux expositions un droit de priorité du même genre que celui qui dérive d'un dépôt antérieur d'une demande de brevet on d'un dessin ou modèle industriel, ce- dépôt étant rem' placé par l'admission à l'exposition.

Le délai de priorité court à partir de la date de l'admission de l'objet' à l'exposition et dure six mois pour les expositions suisses; pour les expositions dans un Etat étranger, il a la même durée que le délai de protection accordé par cet Etat, à condition de ne pas dépasser six mois. On a donc prévu la possibilité d'un délai de priorité de moins de six mois pour des expositions à l'étranger; il serait pourtant préférable de donner une durée uniforme à ce délai de priorité.

La jouissance du droit de priorité pour les objets figurant dans une exposition suisse dépend de l'observation de certaines formalités, prescrites par l'article 39 du règlement d'exécution pour la loi fédérale sur les brevets d'invention et par l'article 26 du règlement d'exécution pour la loi fédérale sur les dessins et modèles industriels. Quant aux objets figurant dans une exposition étrangère, les dites lois fédérales ne prévoient pas l'observation de formalités en Suisse, mais s'en tiennent simplement au fait de la protection accordée par l'Etat étranger. Cependant la teneur de l'article 11 de la convention aurait toujours autorisé la Suisse à prescrire pour la jouissance du droit de priorité basé sur une exposition étrangère l'accomplissement des mêmes formalités que dans le cas d'une exposition suisse. Si on ne l'a pas fait, c'était pour rester dans les mêmes conditions que pour le droit de priorité dérivé du dépôt antérieur d'une demande de brevet, etc.

-Maintenant qu'il est devenu possible de lier la jouissance du droit de priorité basé sur un dépôt antérieur de demande de brevet, etc. à l'observation de formalités en Suisse et que, d'après ce qui a été développé plus haut, il

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faut même le faire, il y a lieu de régler d'une façon uniforme les conditions pour la jouissance du droit de priorité basé sur les expositions.

Les règlements d'exécution pour les lois fédérales sur les, brevets d'invention et sur les dessins et modèles industriels font commencer le délai de priorité au jour de l'exposition où l'objet inventé ou le dessin ou modèle industriel a été visible au public pour la première fois. Cette date (date d'admission suivant les règlements) ne peut guère être déterminée avec la certitude désirable pour le début d'un délai; il sera avantageux de la remplacer par le jour de l'ouverture de l'exposition. De cette façon on éliminera aussi la protection aux expositions industrielles permanentes, qui le plus souvent sont seulement des institutions pour accorder des distinctions trompeuses. Une raison de plus pour choisir le jour de l'ouverture est donnée par le fait que dans lee milieux industriels on entend ordinairement par « date d'admission » la date à laquelle l'exposant s'est entendu avec l'office de l'exposition sur les conditions d'acceptation des objets qu'il veut y faire figurer, date généralement bien antérieure à l'ouverture de l'exposition.

La mise en pratique de la protection aux expositions rencontre deux difficultés. Si, pour réduire à un minimum les formalités à observer lors du dépôt d'une demande de brevet, etc. en vue de l'acquisition du droit de priorité, on exige seulement une déclaration qui indique le lieu de l'exposition et la date de l'ouverture, il sera souvent difficile, en cas de litige, de prouver devant le tribunal la concordane® entre l'objet exposé et l'objet du brevet délivré plus tard ou du dessin ou modèle industriel déposé dans la suite. Si par contre, pour éliminer cette première difficulté, on demande un certificat délivré par l'office de l'exposition et indiquant la constitution de l'objet' exposé, les formalités deviennent par trop compliquées; en outre, il arrivera parfois que les organes techniques de l'exposition, ne pouvant pas du tout se faire une idée exacte de l'objet' d'invention exposé, devront refuser le certificat. Quelles que soient du reste les formalités qu'on adoptera, il n'en demeure pas moins établi par l'expérience que les deux règlements d'exécution susnommés ont introduit une complication inutile en exigeant pour l'acquisition de la protection aux expositions suisses que le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle délivre un certificat de protection temporaire.

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Quant à la question de savoir si seulement les ressortissants des pays qui -fljit conclu des contrats pour leur protection mutuelle auxuxpositions ou si tous les exposants, sans différence de nationalité ou de domicile, seront' autorisés à acquérir la protection aux expositions, nous avons trouvé, après avoir pesé le pour et le contre, qu'on peut recommander la même solution que pour l'acquisition du droit de priorité issu d'un dépôt antérieur d'une demande de brevet, etc.

Les derniers alinéas des articles 36 et 37 de la loi fédérale sur les brevets d'invention prévoient la possibilité d'acquérir pendant les délais de priorité un droit de possession personnelle à des inventions brevetées (art. 8 de la loi).

Or il faut dire que l'association internationale non officielle pour la protection de la propriété industrielle, qui exerce une influence considérable sur les décisions de l'Union internationale officielle pour la protection de la propriété industrielle, combat à chaque occasion la possibilité d'acquérir un droit de possession personnelle pendant les délais de priorité.

La question constituait aujssi un tractanduin de la conférence de Washington. Dans les instructions que nous avons données à la délégation suisse, nous n'avons pas pris une attitude d'opposition absolue. La conférence n'arriva pas à une résolution sur ce point. Mais il faut prévoir que la suppi-ession de la faculté d'acquérir pendant les délais de priorité un droit de possession personnelle à des inventions brevetées, si un droit de priorité existe effectivement, reviendra constamment à l'ordre du jour dans la conférence de l'Union officielle. Quand cette suppression aura été décidée au sein de l'Union, les dispositions finales des dits articles 36 et 37 resteront applicables tout au plus pour les inventions d'origine suisse et perdront ainsi presque complètement leur raison d'être.

Ces considérations nous ont déterminés à proposer la suppression de la faculté d'acquérir pendant' les délais de priorité un droit de possession personnelle. Toutefois la suppression s'applique seulement au cas où il existe effectivement un droit de priorité, car c'est seulement alors qu'une demande antérieure de protection ou le fait qu'un objet a figuré dans une exposition entrent en ligne de compte pour le brevet suisse.

Nous avons dû parler aussi du droit de priorité basé sur une exposition avant de pouvoir entrer dans le détail-

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dee formalités dont l'observation en temps voulu doit constituer la condition préalable pourJa revendication du droit de priorité. A ce sujet nous faisons maintenant remarquer ce qui suit : 1. La protection suisse des dessins et modèles industriels occasionne des frais tout à fait minimes; elle est pour cette raison, ainsi que par la simplicité des prescriptions à suivre, très facilement accessible. D'un autre côte, la présentation de doubles légalisés des dessins et modèles industriels, en nature ou en reproduction, constituerait une complication embarrassante pour les administrations étrangères recevant! le dépôt antérieur, pour les offices des expositions, pour les demandeurs euxmêmes et dans certains cas pour le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle. En outre, la probabilité que deux personnes différentes créent indépendamment l'une de l'autre le même dessin ou modèle, est extrêmement faible.

2. Les cas où l'on utilise pour les demandes de brevet les délais de priorité basés sur des demandes antérieures; sont' très nombreux. Le concurrent industriel a intérêt à pouvoir s'informer sans trop de peine si un brevet suisse est en accord avec les pièces techniques de la demande antérieure sur laquelle se fonde le droit de priorité. L'administration étrangère qui a reçu, cette demande antérieure n'a aucune difficulté pour certifier l'identité entre les copies et les originaux des pièces techniques.

3. Un inventeur tant soit peu prudent n'utilise pas le droit de priorité basé sur une exposition. Depuis le 15 novembre 1888, jour où la première loi fédérale sur les brevets d'invention est entrée en vigueur, il n'a pas été demandé 50 certificats de protection temporaire pour des inventions, tandis que les brevets suisses obtenus par des habitants de la Suisse se chiffrent à environ 20.000, c'est-à-dire le tiers de l'ensemble des brevets suisses.

Dans certains cas il est à peu près impossible à l'office de l'exposition de certifier la concordance entre les objets d'invention exposés et leurs descriptions ou reproductions.

Ces circonstances étant données, nous avons proposé de réduire les formalités sans l'observation desquelles en temps voulu un droit de priorité ne peut être revendiqué, d'abord à la présentation d'une déclaration qui indique la date et

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le lieu soit du dépôt antérieur d'une demande de protection soit de l'exposition à laquelle a figuré l'objet, et d'exiger des pièces établissant l'identité seulement dans le cas d'une demande de brevet pour laquelle le droit de priorité doit se baser sur un dépôt antérieur dans un autre pays contractant.

Néanmoins celui qui voudra faire valoir un droit' de priorité devant les tribunaux ne sera pas dispensé de prouver que ce droit existe effectivement et lui appartient.

Pour faciliter l'orientation, les articles 1-6 du projet traitent exclusivement du droit de priorité basé sur des dépôts antérieurs, et les articles 7-12 exclusivement' du droit de priorité basé sur des expositions. Les articles 13-15 contiennent des dispositions transitoires et finales.

Les développements qui précèdent nous permettent d'abréger l'examen un à un des différents articles du projet; nous pouvons nous borner à donner, là où il le faut, des explications complémentaires.

Les articles 1 et 7 définissent les droits de priorité basés sur un dépôt antérieur et sur une exposition, et indiquent les personnes autorisées en première ligne à acquérir ces droits. L'article 1 fixe les délais de priorité suivant la convention d'Union; l'article 7 prévoit un délai uniforme, qui répond aux prescriptions fédérales en vigueur jusqu'ici pour les 'expositions en Suisse.

On a soulevé la question de savoir si le droit' de priorité doit aussi pouvoir être acquis par un ayant cause ressortissant d'un des pays contractants qui déposerait la demande ultérieure en Suisse, tandis que le dépôt ultérieur dans un autre pays contractant aurait été effectué par une autre personne ayant droit à l'invention, etc. mais non autorisée, par sa nationalité ou par son domicile, à revendiquer le droit de priorité. Cette question doit être tranchée négativement. C'est pourquoi l'article 1 parle expressément du dépôt antérieur effectué par des ressortissants des pays contractants pour leurs inventions, etc., c'est-à-dire les inventions, etc. auxquelles ils avaient déjà droit' auparavant.

L'article 7 exprime la même idée.

Les articles 2 et 8 correspondent à l'article 3 de la convention d'Union.

Les articles 3 et 9 règlent, dans le sens développé plus haut, les droits des ayants cause.

54 Les articles 4 et 10 traitent de l'ingérence de tiers dans les compétences des ayants droit. Il peut arriver qu'une perr tfonne n'ayant pas droit à l'invention, etc. ait effectué le dépôt antérieur ou le dépôt ultérieur ou les deux dépôts.

Des cas analogues peuvent se présentier pendant ou après des expositions industrielles. L'ayant droit ne doit pas pour cela perdre son droit de priorité au cas où les conditions préalables pour son acquisition ont été remplies, n'importe par qui.

Les articles 5 et 11 stipulent les formalités de l'observation desquelles dépend la faculté de se prévaloir du droit de priorité. Là il est question de la date officielle de l'enregistrement du brevet, qui précède la date effective de l'enregistrement; cette dernière -dépend de circonstances accidentelles, les brevets n'étant pas enregistrés jour par jour, comme les dessins et modèles industriels, mais seulement deux fois par mois. Rien ne s'oppose à la mention de la date officielle, vu que l'article 12 de la loi fédérale sur les brevets d'invention en parle aussi. Les derniers alinéas de ces articles traitent de l'allégation du droit de priorité devant les tribunaux. Il s'agit de prouver alors, non seulement qu'il existe effectivement un droit de priorité, mais encore que celui qui veut faire valoir ce droit y est personnellement autorisé.

, .

Les articles 6 et' 12 ont pour objet la suppression, mentionnée plus haut, des derniers alinéas des articles 36 et 37 de la loi fédérale sur les brevets d'invention.

Il n'y a rien à faire remarquer au sujet des articles 13 et 15.

La convention d'Union revisée à Washington étant entrée en vigueur le 1er mai 1913, il y a lieu de donner à la loi projetée un effet rétroactif remontant jusqu'à cette date, comme le prévoit' l'article 14, et d'introduire en conséquence un délai de transition.

Agréez, monsieur le. président et messieurs, l'assurance de notre considération distinguée.

Berne, le 25 juillet 1913, Au nom da Conseil fédéral suisse : Le vice-président, HOFFMANN.

Le chancelier de la Confédération, SCHATZMANN.

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(Projet.)

LOI FÉDÉRALE sur

les droits de priorité en matière de brevets d'invention et de dessins ou modèles industriels.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, En application de l'article 64 de la constitution fédérale; Vu en particulier les articles 4 et 11 de la convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, revisée à Bruxelles le 14 décembre 1900 et à Washington le 2 juin 1911*); Vu le message du Conseil fédéral du 25 juillet 1913, arrête : I. Droit de priorité dérivé d'nn dépôt antérieur.

Article premier. Les ressortissants des pays de l'Union internationale pour la protection de la propriété industrielle sont autorisés, sous réserve des droits des tiers et selon les dispositions de la présente loi, à déposer en Suisse des demandes de brevet pour leurs inventions ou leurs modèles d'utilité dans un délai de douze mois à partir de dépôts antérieurs qu'ils ont régulièrement' effectués dans un autre pays de l'Union que la Suisse, sans que des faits survenus dans l'intervalle soient opposables à ces dépôts ultérieurs.

*) Voir Recueil officiel, tome XXIX, page 69.

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Aux mêmes conditions le même droit revient aux déposants de dessins ou modèles industriels, tant Que le dépôt en Suisse n'a pas été effectué plus de quatre mois après le dépôt antérieur.

Art 2. Sont assimilés aux ressortissants des pays de l'Union internationale pour la protection de la propriété industrielle les ressortissants d'autres pays qui ont soit leur domicile fixe, soit un établissement industriel ou commercial effectif et sérieux dans un des pays de l'Union.

Art. 3. Si les dépôts en Suisse sont effectués par des ayants cause des déposants antérieurs, ces ayants cause peuvent aussi acquérir le droit de priorité, même s'ils ne sont pas ressortissants d'un des pays de l'Union ou assimilés à ces ressortissants en vertu de l'article 2.

, Art. 4. Si celui qui a effectué le dépôt antérieur à l'étranger ou le dépôt en Suisse n'a" pas droit à l'invention, au modèle d'utilité ou au dessin ou modèle industriel, l'ayant droit peut se prévaloir du droit de priorité, à condition que les prescriptions de l'article 5 aient été observées.

Art. 5. Quiconque veut se prévaloir du droit 'de priorité pour une invention ou un modèle d'utilité, doit avoir présenté, avant la date officielle de l'enregistrement du brevet, d'une part une déclaration écrite indiquant' la date et le pays du dépôt antérieur, d'autre part une copie des pièces techniques (description, ou description et dessin) qui accompagnaient le dépôt antérieur, copie certifiée conforme par l'administration de ce pays; si la description n'est pas rédigée dans une des trois langues nationales suisses, la. copie doit encore être accompagnée d'une traduction dans la langue adoptée pour la demande de brevet suisse.

Quiconque veut' se prévaloir du droit de priorité pour un dessin ou modèle industriel, doit avoir présenté lors du dépôt une pièce écrite indiquant la date et le pays du dépôt antérieur.

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L'observation de ces prescriptions ne dispense pas le propriétaire d'un brevet ou d'un dessin ou modèle industriel du devoir de prouver, en cas de litige, devant le tribunal que le droit de priorité existe effectivement et qu'il est autorisé à le faire valoir.

Art. 6. S'il existe un droit de priorité pour une invention ou un modèle d'utilité, aucun droit de possession personnelle sur l'objet du brevet (art. 8 de la loi fédérale sur les brevet» d'invention du 21 juin 1907) ne peut être acquis durant le délai de priorité.

II. Droit de priorité dérivé de la protection aux expositions.

Art. 7. Les ressortissants des pays de l'Union internationale pour la protection de la propriété industrielle qui ont exposé leurs inventions, leurs modèles d'utilité ou leurs dessins ou modèles industriels dans une exposition industrielle en Suisse ou une exposition industrielle officielle, ou officiellement reconnue, en un autre pays de l'Union, sont autorisés, sous réserve des droits des tiers et selon les dispositions de là présente loi, à déposer en Suisse soit des demandes de brevet pour ces inventions ou modèles d'utilité, soit ces dessins ou modèles industriels dans un délai de six mois à partir du jour de l'ouverture de l'exposition, sans que des faits survenus dans l'intervalle soient opposables à ces dépôts.

Art. 8. Sont assimilés aux ressortissants des pays de l'Union internationale pour la protection de la propriété industrielle les ressortissants d'autres pays qui ont soit leur domicile fixe, soit un établissement industriel ou commercial effectif et sérieux dans un des pays de l'Union.

Art. 9. Si les dépôts en Suisse sont effectués par des ayants cause des exposants, ces ayants cause peuvent aussi acquérir le droit de priorité, même s'ils ne sont pas ressor-

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tissants d'un des pays de l'Union on assimilés à ces ressortissants en vertu de l'article 8.

Art. 10. Si une invention, un modèle d'utilité ou un dessin ou modèle industriel a été exposé par quelqu'un qui n'y a pas droit, ou si pour un objet exposé il a été déposé en Suisse une demande de brevet ou un dessin ou modèle industriel par quelqu'un qui n'y a pas droit, l'ayant droit peut se prévaloir du droit de priorité, à condition que les prescriptions de l'article 11 aient' été observées.

Art. 11. Quiconque veut se prévaloir du droit de priorité pour une invention ou un modèle d'utilité, doit avoir présenté, avant la date officielle de l'enregistrement du brevet, une déclaration écrite indiquant l'exposition dans laquelle l'objet a été exposé, ainsi que le jour de l'ouverture de l'exposition.

Quiconque veut se prévaloir du droit de priorité pour un dessin ou modèle industriel, doit avoir présenté cette déclaration lors du dépôt du dessin ou modèle.

L'observation de ces prescriptions ne dispense pas le propriétaire d'un brevet ou d'un dessin ou modèle industriel, du devoir de prouver, en cas de litige, devant le tribunal que le droit de priorité existe effectivement et qu'il est autorisé à le faire valoir.

Art. 12. S'il existe un droit de priorité pour une invention ou un modèle d'utilité, aucun droit de possession personnelle sur l'objet du brevet (art. 8 de la loi fédérale sur les brevets d'invention du 21 juin 1907) ne peut être acquis durant' le délai de priorité.

III. Dispositions transitoires et finales.

Art. 13. La présente loi remplace les articles 36 et 37 de la loi fédérale sur les brevets d'invention du 21 juin 1907 et les articles 34 et 35 de la loi fédérale sur les dessins et modèles industriels du 30 mars 1900.

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Art. 14. La présente loi a un effet rétroactif, qui remonte jusqu'au 1er mai 1913.

Pour les demandes de brevet et les dessins et modèles industriels déposés en Suisse après le 30 avril 1913 et enregistrés avant l'entrée en vigueur de cette loi, les formalités prescrites aux articles 5 et 11 peuvent être accomplies dans les six premiers mois qui suivent l'entrée en vigueur de la loi.

Art. 15. Le Conseil fédéral est chargé d'édicter les règlements nécessaires pour l'exécution de cette loi.

Feuille fédérale suisse. 65mo année. Vol. IV.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le projet d'une loi fédérale sur les droits de priorité en matière de brevets d'invention et de dessins ou modèles industriels. (Du 25 juillet 1913.)

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