Les attachés de défense Rapport d'inspection de la Commission de gestion du Conseil national du 23 mai 2006

Remarque préliminaire: Dans le présent rapport, les termes utilisés pour la description des fonctions (attaché de défense, chef de mission, etc.) recouvrent aussi bien le féminin que le masculin.

2006-1686

8251

Condensé Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Confédération dispose à l'étranger d'attachés de défense. Ces derniers sont intégrés dans le réseau des représentations diplomatiques de la Suisse et représentent les intérêts de la Suisse vis-à-vis de l'extérieur, dans les domaines de la politique de sécurité et des affaires militaires.

La Suisse compte actuellement dans le monde 17 postes d'attachés de défense en résidence à Ankara, Belgrade, Berlin, Islamabad, Kiev, Le Caire, Londres, Madrid, Moscou, New Delhi, Paris, Pékin, Rome, Stockholm, Tokyo, Vienne et Washington.

Le réseau des attachés de défense occasionne des dépenses annuelles de l'ordre de 10 millions de francs (2005).

Une inspection réalisée par la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a permis de constater que la mission des attachés de défense était extrêmement large. Depuis la fin de la Guerre froide, on peut grosso modo distinguer deux catégories d'attachés de défense: ­

les attachés dont la tâche ressort essentiellement au renseignement. Leur mission consiste à recueillir par tous les moyens licites, pour le compte des autorités politiques et du commandement de l'armée, des informations qui relèvent de la politique de sécurité.

­

les attachés dont la fonction est axée sur la coopération bilatérale entre l'armée suisse et les forces armées des pays dans lesquels ils sont accrédités. Cette coopération comprend l'échange d'informations, l'instruction technique, des exercices communs ainsi qu'une collaboration dans d'autres domaines ­ p. ex. dans l'aide en cas de catastrophe ou dans la sécurité de l'espace aérien.

Si les fonctions exercées par les attachés sont relativement claires, la commission a eu plus de difficultés à apprécier la plus-value concrète de leur travail par rapport à d'autres sources d'information. Si la majeure partie des personnes entendues, au nombre desquelles le chef du DDPS et le chef de l'armée, ont relevé que le travail des attachés de défense était utile et largement apprécié, elles ont eu davantage de peine à indiquer en quoi le système était essentiel à l'exercice de leurs attributions.

Pour la commission, la nécessité du système des attachés de défense n'a pas été démontrée de manière convaincante par le DDPS; en particulier, il n'a pas été démontré en quoi ces attachés représentent un besoin pour la conduite de l'armée ou du pays. Ce ne sont certes pas les qualités des attachés de défense qui sont en cause ­ la plupart ayant été recrutés de manière rigoureuse ­, mais l'utilisation qui est faite de leurs compétences et les missions qui leur sont dévolues.

Ce constat pose immanquablement le problème de la manière dont sont conduits les attachés de défense. Actuellement, les compétences et responsabilités apparaissent extrêmement diluées. Elles sont partagées entre plusieurs services, dont le chef des relations internationales, les chefs de mission diplomatique et le Service de renseignement stratégique. Le système est lourd et confus; cela a pour effet que les attachés de défense sont peu intégrés dans les processus de décision et que des informa-

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tions importantes ne parviennent pas toujours aux bons destinataires. Dans la majeure partie des cas, la commission a pu constater que les attachés se trouvent souvent en situation d'autogestion, surtout dans les capitales éloignées. Faute d'un interlocuteur valable à la centrale qui se porte garant de l'entier du système, les attachés de défense se sentent parfois livrés à eux-mêmes, ce qui peut également créer des difficultés.

Avec 17 postes dans le monde, le réseau suisse est comparable à celui de pays de taille identique à la Suisse. Il se situe devant celui de la Finlande et de la Norvège, mais derrière la Belgique, les Pays-Bas, l'Autriche, le Portugal, la Suède et l'Espagne. Si l'on prend en considération le nombre de pays auprès desquels la Suisse a accrédité un attaché de défense, en résidence ou non, la Suisse devance largement les Pays-Bas, l'Autriche, le Portugal, la Norvège, la Suède et la Finlande.

On notera qu'un pays comme l'Irlande ne possède pas d'attachés de défense.

Pour la commission, le réseau actuel avec ses accréditations multiples ne correspond pas au poids que représente notre pays dans le domaine de la politique de sécurité. En outre, les moyens font largement défaut pour permettre une présence efficace et durable. En effet, comment est-il possible pour un attaché de défense en résidence à Moscou de suivre parallèlement à la situation en Russie, les événements au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Ouzbékistan, au Tadjikistan et au Turkménistan?

La commission est d'avis qu'il conviendrait de recentrer le réseau sur ce qui est vraiment nécessaire, quitte à couvrir certains pays directement depuis la Suisse au moyen d'attachés de défense itinérants. Elle estime également essentiel d'améliorer les synergies entre les fonctions d'attachés de défense et les différents agents de la Confédération qui opèrent à l'étranger dans d'autres domaines liés à la sécurité (attachés de police, attachés pour les questions de migration, etc.).

Pour la commission, la politique de sécurité ne se conçoit plus en termes strictement militaires. L'éventail des défis a en effet beaucoup évolué et dépasse la seule dimension militaire pour s'ouvrir à des problèmes tels que ceux posés par la migration, le terrorisme, la criminalité organisée, la traite d'êtres humains, la multiplication des conflits
interétatiques, les menaces technologiques ou environnementales, l'amenuisement des ressources naturelles, etc.

Pour la CdG-N, le système des attachés de défense ne répond pas, sous sa forme actuelle, à l'ensemble des enjeux que la Suisse doit maîtriser en matière de politique de sécurité. C'est pourquoi la commission recommande au Conseil fédéral de réexaminer le système actuel des attachés militaires sous l'angle de leurs missions, de leur organisation, de leur efficacité, de leur opportunité et de leur utilité pour la Suisse en termes de sécurité au niveau international, et de faire rapport sur la question. Il tiendra compte de tous les domaines de la politique de sécurité, présentera les activités et moyens en Suisse et à l'étranger, proposera une organisation appropriée et renforcera le profil professionnel.

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Abréviations CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFE

Département fédéral de l'économie

DFJP

Département fédéral de justice et police

DPS

Direction de la politique de sécurité du DDPS

DRE

Direction des ressources et du réseau extérieur du DFAE

EAU

Emirats arabes unis

FF

Feuille fédérale

OMG

Ordonnance du 25.2.1998 sur le matériel de guerre (RS 514.511)

ONU

Organisation des Nations Unies

OSCE

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OTAN

Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SECO

Secrétariat d'Etat à l'économie

SRFA

Service de renseignement des Forces aériennes

SRM

Service de renseignement militaire

SRS

Service de renseignement stratégique

UE

Union européenne

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte et mandat

Au début 2004, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a chargé sa sous-commission DFAE/DDPS d'effectuer une inspection relative aux attachés de défense. Cette inspection s'inscrit dans la continuité des travaux de la CdG-N sur les représentations diplomatiques suisses à l'étranger1. Elle vise à apprécier l'utilité du système des attachés de défense au regard de la politique de sécurité de la Suisse et à évaluer la cohérence du réseau par rapport aux intérêts de la Suisse à l'étranger.

La sous-commission a articulé ses travaux autour des thèmes suivants: ­

le rôle et la fonction des attachés de défense;

­

la sélection, l'engagement et la conduite des attachés de défense;

­

le réseau des postes d'attachés de défense.

La sous-commission était composée des membres suivants: Monsieur le conseiller national Jean-Paul Glasson (président), Mesdames les conseillères nationales Josy Gyr-Steiner et Lucrezia Meier-Schatz et Messieurs les conseillers nationaux Serge Beck, André Daguet, Hans Ulrich Mathys, Geri Müller, Fritz Abraham Oehrli, Stéphane Rossini, Pierre-François Veillon et Christian Waber.

1.2

Manière de procéder

La sous-commission a commencé ses travaux au printemps 2004 et a siégé à dix reprises. Elle a entendu les personnes suivantes (dans l'ordre des auditions):

1

­

Monsieur Josef Schärli, divisionnaire, chef des relations internationales (en fonction jusqu'au 31.12.2005), Etat-major du chef de l'armée, Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS);

­

Monsieur Bruno Russi, chef de l'engagement des attachés de défense, domaine des relations internationales, Etat-major du chef de l'armée, DDPS;

­

Monsieur Hans Wegmüller, directeur, Service de renseignement stratégique (SRS), DDPS;

­

Monsieur Jean-Denis Geinoz, chef des relations internationales, Etat-major des Forces terrestres, DDPS;

­

Monsieur Bruno Capelli, colonel d'état-major général, attaché de défense en Turquie, en Syrie, au Liban et en Iran (en fonction jusqu'au 31.12.2005), ambassade de Suisse à Ankara, DDPS; Voir le rapport de la CdG-N sur la politique du personnel de carrière et l'organisation du service extérieur au Département fédéral des affaires étrangères, du 22.8.2002 (FF 2003 2667). Dans ce rapport, la commission notait: «la commission est d'avis que le fonctionnement et l'opportunité des attachés de défense mériteraient un examen particulier qui n'a pas sa place ici. La commission se saisira de cette question dans un prochain rapport.» (FF 2003 2739).

8255

­

Monsieur Beat Eberle, colonel d'état-major général, attaché de défense en Suède, en Finlande, en Estonie, en Lettonie et en Lituanie (en fonction jusqu'au début 2006), ambassade de Suisse à Stockholm, DDPS;

­

Monsieur Jacques Pitteloud, coordonnateur des renseignements (en fonction jusqu'au 1.10.2005), secrétariat général du DDPS;

­

Monsieur Christophe Keckeis, commandant de corps, chef de l'armée, DDPS;

­

Monsieur Raimund Kunz, directeur, Direction de la politique de sécurité (DPS), DDPS, ancien ambassadeur de Suisse en Egypte, en Erythrée et au Soudan;

­

Monsieur le Conseiller fédéral Samuel Schmid, chef du DDPS.

Le président de la sous-commission a également eu des échanges informels avec le commandant de corps Jacques Dousse, attaché de défense en France, en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal, ainsi qu'avec le colonel d'état-major général Daniel Bader, attaché de défense en Allemagne et en Pologne.

Outre ces entretiens, la sous-commission a fondé ses travaux sur plusieurs documents, en particulier: ­

les cahiers des charges des attachés de défense,

­

le règlement du 20 mars 2001 sur la collaboration entre le bureau des attachés de défense et les services de renseignement,

­

les directives du 5 avril 2001 pour la conduite des attachés de défense et de leurs adjoints dans le domaine du renseignement,

­

le rapport du DDPS du 28 octobre 2002 sur le dispositif des attachés de défense,

­

les directives du 1er octobre 2003 pour le poste d'attaché de défense à Berlin,

­

les directives du 1er octobre 2003 pour le poste d'attaché de défense à Pékin,

­

la convention du 4 juin 2004 entre la Direction des ressources et du réseau extérieur (DRE) du DFAE et le domaine des relations internationales à l'état-major du chef de l'armée concernant l'intégration administrative et statutaire des attachés de défense suisses et de leurs collaborateurs auprès des représentations suisses à l'étranger,

­

la convention de prestations 2005 pour le poste d'attaché de défense à Berlin,

­

la convention de prestations 2005 pour le poste d'attaché de défense à Pékin.

La sous-commission a également traité un rapport, établi à sa demande par le DDPS, sur les réseaux d'attachés de défense existant dans d'autres pays européens comparables à la Suisse. Ce rapport donne des indications sur la situation en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Finlande, en Irlande, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède.

La sous-commission s'est informée par ailleurs sur les raisons qui ont conduit le Conseil fédéral à décider, en août 2004, la réouverture du poste d'attaché de défense en Inde (avec accréditation complémentaire au Népal et au Sri Lanka) et l'ouverture 8256

d'un nouveau poste au Pakistan (avec accréditation complémentaire en Afghanistan et en Iran). Ces postes seront opérationnels dans le courant de l'année 2006.

Enfin, la sous-commission a posé différentes questions par écrit au DDPS et au Département fédéral de l'économie (DFE) sur le rôle joué par les attachés de défense dans le domaine des exportations de matériel de guerre.

La sous-commission a mis un terme à ses travaux le 27 mars 2006. Elle a soumis son projet de rapport aux chefs du DDPS et du DFE pour prise de position. Le chef du DDPS a fait part de ses observations par courrier du 7 avril 2006. Ses suggestions ont été partiellement prises en compte par la sous-commission. Le chef du DFE a pris position le 6 avril 2006 et n'a pas formulé de remarque particulière quant au contenu du rapport.

Le rapport final de la sous-commission a été présenté à la CdG-N le 23 mai 2006 qui en a approuvé les conclusions et la recommandation. La commission a décidé en outre de transmettre le rapport au Conseil fédéral et de le publier.

2

Rôle et fonction des attachés de défense

2.1

Présentation générale

La Suisse dispose d'attachés de défense à l'étranger depuis 1937, date à laquelle le Conseil fédéral autorisa le Département militaire fédéral (DMF; actuellement DDPS) à créer des postes d'attachés militaires auprès des légations2 suisses à Berlin, Paris et Rome. D'autres postes ont suivi durant la Seconde guerre mondiale: Londres (1941), Ankara (1942), Helsinki, Stockholm et Washington (1943) et Budapest (1944). Le dispositif a ensuite été progressivement étendu à d'autres capitales après la guerre et jusqu'à nos jours (Tokyo 1971, Kiev 1996, Pékin, 1998, etc.).

A l'heure actuelle, des attachés de défense sont présents dans 17 missions diplomatiques suisses à l'étranger et sont accrédités auprès des autorités de 74 pays (voir ch. 3.1. ci-dessous).

Les attachés de défense ont pour mission principale de représenter le DDPS et l'armée auprès des ministères de la défense ainsi que des forces armées de leur pays d'accréditation. Ils constituent de fait l'instrument diplomatique du chef du DDPS et du chef de l'armée.

Les attachés de défense ont pour tâches notamment:

2

­

de conseiller les chefs de mission pour toute question relative à la politique de sécurité et dans tout ce qui concerne les affaires militaires;

­

de recueillir et d'analyser des informations sur le développement de la politique de sécurité et des affaires militaires des pays dans lesquels ils sont accrédités et d'en faire rapport à la centrale;

­

d'exercer la fonction d'officier de liaison avec les ministères de la défense et les forces armées et d'animer les relations et la coopération bilatérales dans le domaine militaire; Jusqu'à la fin des années cinquante, la Suisse ne disposait pas d'ambassades à l'étranger, mais seulement de légations. Voir à ce propos le message du Conseil fédéral concernant la transformation de légations en ambassades, du 5.12.1955 (FF 1955 II 1381).

8257

­

de servir de point de contact pour toutes les questions militaires et de politique de sécurité et d'amorcer des contacts au profit d'armasuisse3 ainsi que de soumissionnaires suisses sur le marché de l'armement;

­

d'organiser et d'accompagner les visites officielles des personnalités et militaires de haut rang qui viennent de Suisse.

Sur le plan du droit international, les attachés de défense font partie du personnel des représentations diplomatiques suisses à l'étranger; leurs droits et devoirs sont réglés par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques4. En vertu de cette convention, les attachés de défense ont le droit de «s'informer par tous les moyens licites des conditions et de l'évolution des événements dans l'Etat accréditaire et faire rapport à ce sujet au gouvernement de l'Etat accréditant» (art. 3, al. 1, let. d).

Autrement dit, les attachés de défense ont le droit de rendre compte sur toutes les informations librement accessibles ou qui leur sont communiquées officiellement.

Ils n'ont en revanche pas le droit de s'adonner à l'espionnage ou d'animer des réseaux d'informateurs.

Sur le plan protocolaire, les attachés de défense sont situés directement après le premier collaborateur d'ambassade.

2.2

Sélection et engagement des attachés de défense

Les attachés de défense et leurs adjoints se recrutent obligatoirement dans le corps des officiers de l'armée. Il s'agit soit d'officiers professionnels, soit de collaborateurs civils de l'administration fédérale ayant rang d'officier ou d'autres officiers de milice. A l'heure actuelle (état au 1er janvier 2006), le corps des attachés de défense et des adjoints se compose de cinq officiers de carrière (22 %), de quatorze officiers de milice provenant de l'administration fédérale (64 %) et de trois officiers de milice extérieurs à l'administration fédérale (14 %). La profession est ouverte aux femmes et aux hommes.

Les attachés de défense ont en principe le grade de colonel; pour les postes de Paris et de Washington ainsi que dans certains cas particuliers celui d'officier général (brigadier, divisionnaire, plus rarement commandant de corps). Les attachés de défense adjoints ont habituellement le grade de lieutenant-colonel ou de major.

L'admission aux postes d'attachés de défense et d'adjoints est ouverte à tout officier de l'armée. Elle s'appuie sur un processus de sélection qui s'apparente à celui utilisé par le DFAE pour les futurs diplomates. Mis en place depuis les années nonante, le processus de sélection a été revu en 2003 et les conditions d'accès sont devenues plus élevées.

Une première sélection s'effectue sur la base des dossiers de candidatures; les candidats retenus sont ensuite soumis à un ensemble de tests destinés à évaluer leurs connaissances linguistiques, leur culture générale ainsi que leurs compétences sociales. Ils subissent également un examen individuel auquel participe également leur conjoint.

3

4

Le groupement armasuisse assure l'approvisionnement de l'armée et du DDPS en produits et services dans les domaines des systèmes d'armes, des systèmes informatiques, du matériel et des constructions.

Convention de Vienne du 18.4.1961 sur les relations diplomatiques (RS 0.191.01).

8258

Les candidats qui réussissent cette sélection sont entendus ensuite par une commission d'admission. Cette dernière est présidée par le chef des relations internationales à l'état-major du chef de l'armée et comprend en outre le directeur du SRS, le directeur de la DPS, un représentant du développement du personnel et de l'organisation du DDPS, le chef du personnel du domaine de la défense, un représentant du développement du personnel et de l'organisation du domaine de la défense, un chef de mission et le chef de l'engagement des attachés de défense. Cette commission propose les meilleurs candidats au chef des relations internationales qui prend la décision finale.

Il arrive parfois que des attachés de défense échappent au processus de sélection et soient admis directement sur décision politique du chef de département.

Les candidats sélectionnés sont admis pour une période de formation qui dure onze mois. La formation comporte plusieurs modules qui permettent aux futurs attachés de défense et aux adjoints de se préparer à leur engagement. La formation met l'accent sur l'acquisition de connaissances générales concernant la politique de sécurité de la Suisse, l'armée et l'administration fédérale. Les futurs attachés reçoivent également des informations détaillées sur les pays dans lesquels ils seront accrédités et sur les problèmes qu'ils pourront rencontrer. La formation comprend aussi des enseignements sur la négociation, la communication et la rédaction de rapport ainsi que des cours de langues.

Au terme de la formation, et avant de rejoindre leur poste, les attachés de défense et leurs suppléants suivent l'European Security Policy Training Course du Centre de politique de sécurité de Genève, d'une durée de trois mois. La participation à ce cours permet d'approfondir les connaissances des attachés en matière de politique de sécurité, mais leur donne également la possibilité de tisser des contacts internationaux utiles à l'exercice de leur future fonction. Actuellement, un futur attaché de défense et un futur adjoint sont en formation.

Contrairement au processus de sélection du DFAE qui ouvre la porte à une carrière au sein des affaires étrangères, les attachés de défense sont recrutés pour un engagement de duré limitée (en principe de quatre ans, renouvelable une seconde fois).

Au terme de
leur contrat, les attachés de défense retournent généralement auprès de leur administration d'origine (c'est le cas pour tous les officiers professionnels et pour une partie des agents civils du DDPS) ou ils quittent définitivement le service de la Confédération. Mis à part les officiers professionnels qui sont automatiquement réintégrés, il n'y a pas de garantie de réemploi au terme d'un contrat. Il appartient aux attachés de se préoccuper de leur réintégration professionnelle à l'issue de leur engagement à l'étranger.

2.3

Subordination des attachés de défense

Jusqu'en 1999, les attachés de défense étaient rattachés au Groupe des renseignements de l'Etat-major général. A la suite de la réforme intervenue au sein des services de renseignement, les attachés de défense sont passés sous la responsabilité du suppléant du chef de l'Etat-major général. Depuis 2002, les attachés de défense relèvent, sur le plan hiérarchique, du chef des relations internationales de l'étatmajor du chef de l'armée, avec les prérogatives administratives et juridiques que cela implique. Ce dernier est responsable de la sélection et de la promotion des 8259

attachés de défense, de leur affectation à un poste à l'étranger, de la planification du personnel, de l'organisation des transferts et de la relève ainsi que des autres questions administratives ou techniques (contrats de location, engagement de personnel local, sécurité, organisation des voyages de service, etc.). Pour régler ces questions et autres affaires courantes, le chef des relations internationales dispose d'un service particulier: le service d'engagement des attachés de défense.

A l'étranger, les attachés de défense sont placés sous l'autorité du chef de la mission diplomatique à laquelle ils sont rattachés. La collaboration entre les attachés de défense et les chefs de mission fait l'objet d'une convention entre le DDPS (domaine des relations internationales de l'état-major du chef de l'armée) et le DFAE (DRE).

Cette convention règle toutes les questions concernant l'intégration des attachés de défense au sein des missions diplomatiques5. S'il existe une divergence de vues entre un chef de mission et un attaché de défense, ces derniers doivent la soumettre pour règlement au chef du DRE et à celui du domaine des relations internationales de l'Etat-major du chef de l'armée.

Une fois par année, le chef des relations internationales procède à l'évaluation de la qualité du travail des attachés de défense, en collaboration avec les services concernés (chef de mission, DPS, SRS, Service de renseignement militaire (SRM), Service de renseignement des Forces aériennes (SRFA), Forces terrestres, Forces aériennes).

L'évaluation personnelle sert de base à l'évolution du salaire, laquelle est opérée en fonction des objectifs convenus.

Dans certains cas, le chef des relations internationales peut diligenter des inspections sur place pour juger du travail d'un attaché de défense ou remédier à d'éventuels dysfonctionnements.

Les attachés de défense reçoivent la plupart de leurs mandats directement du DDPS.

Ces mandats émanent du chef du DDPS, du chef de l'armée, du SRS, du SRM, du SRFA, de la DPS, du domaine des relations internationales, etc. La conduite des attachés en matière de renseignement est du ressort exclusif du SRS qui assure aussi la coordination des besoins des services de renseignement. Les attachés de défense ont en principe l'obligation d'informer les chefs de mission des mandats reçus et de la suite qui leur a été donnée.

3

Réseau des attachés de défense: dispositif actuel

La Suisse compte actuellement dans le monde dix-sept postes d'attachés de défense en résidence à Ankara, Belgrade, Berlin, Islamabad, Kiev, Le Caire, Londres, Madrid, Moscou, New Delhi, Paris, Pékin, Rome, Stockholm, Tokyo, Vienne et Washington. Les attachés de défense sont accrédités auprès des autorités de leur pays de résidence ainsi qu'auprès des autorités d'autres pays de la région (accréditations complémentaires). Actuellement, les attachés de défense sont accrédités auprès des autorités de 74 pays (17 accréditations principales, 57 accréditations complémentaires; voir tableau 1 ci-dessous).

5

Convention entre la Direction des ressources et du réseau extérieur du DFAE et le domaine des relations internationales de l'état-major du chef de l'armée concernant l'intégration administrative et personnelle des attachés de défense suisses et de leurs collaborateurs et collaboratrices auprès des représentations suisses à l'étranger, en vigueur depuis le 1.6.2004 (n'existe qu'en allemand).

8260

A cette liste s'ajoutent encore les représentants de la Suisse auprès d'organisations internationales: un représentant du DDPS auprès de la mission suisse à l'Organisation des Nations Unies (ONU) à New York, un conseiller militaire au sein de la délégation suisse auprès de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne et 6 collaborateurs du DDPS à la mission suisse auprès de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Ces collaborateurs n'ont pas le statut d'attachés de défense et ne sont pas l'objet de la présente inspection.

Tableau 1 Réseau des attachés de défense suisses à l'étranger (situation visée à fin 2006) Lieu de résidence

Accréditation principale

Accréditations complémentaires

Ankara Belgrade Berlin Islamabad (depuis 2006) Kiev

Turquie* Serbie-Monténégro Allemagne* Pakistan Ukraine*

Le Caire

Egypte**

Londres Madrid Moscou

Grande-Bretagne* Espagne** Russie*

Irak, Jordanie, Liban, Syrie Bulgarie**, Macédoine, Roumanie Pologne Afghanistan, Iran* Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Géorgie, Moldavie Arabie saoudite**, Emirats arabes unis, Libye Danemark, Irlande, Norvège** Algérie, Maroc, Tunisie Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan Népal, Sri Lanka Belgique, Luxembourg, PaysBas*, Portugal Corée du Nord, Mongolie, Singapour, Vietnam Albanie**, Bosnie-Herzégovine, Grèce**, Israël* Estonie, Finlande**, Lettonie**, Lituanie Corée du Sud*, Indonésie, Thaïlande** Croatie, Slovénie**, Slovaquie**, Tchéquie**, Hongrie** Canada**

New Delhi (depuis 2006) Inde** Paris France* Pékin

Chine*

Rome

Italie*

Stockholm

Suède*

Tokyo

Japon

Vienne

Autriche*

Washington

Etats-Unis*

17 postes

17 accréditations principales

57 accréditations complémentaires

* dispose d'un attaché de défense accrédité résidant en Suisse ** dispose d'un attaché de défense accrédité en Suisse, mais résidant à l'étranger

8261

La compétence de créer un poste d'attaché de défense appartient au Conseil fédéral (art. 184, ch. 1, de la Constitution fédérale6), sous réserve des compétences budgétaires du Parlement. Le Conseil fédéral fixe également le dispositif des postes d'attachés de défense et les modifications à y apporter, sur proposition du DDPS et en collaboration avec le DFAE.

Le réseau des attachés de défense n'est pas immuable. Il évolue au gré de la situation et est régulièrement réexaminé pour être adapté aux priorités de la Suisse en matière de politique de sécurité et de défense. Certaines restructurations du réseau sont intervenues depuis la chute du mur de Berlin et l'éclatement de l'URSS: un poste a été ouvert à Kiev en 1996, en Chine en 1998 et à Belgrade en 2005. Dans la même période, les postes de Varsovie, Budapest et Bruxelles ont été fermés. Deux nouveaux postes seront ouverts en 2006 à New Delhi et Islamabad.

Le dernier examen d'ensemble a eu lieu en octobre 2002, dans le contexte de la mise en oeuvre de la réforme de l'armée. Aucune restructuration n'est prévue actuellement.

Les moyens financiers et en personnel étant limités, la création de nouveaux postes se traduit généralement par des mesures de rationalisation ou par la fermeture d'autres postes. Le poste de New Delhi a été fermé en 1996 au profit de la création d'un nouveau poste à Kiev. Le poste de Budapest a été fermé en 2004 et un nouveau poste a été ouvert la même année à Belgrade.

Sur l'ensemble, le réseau s'est surtout développé ces dernières années avec la création de nombreuses accréditations complémentaires. Entre 1990 et 2006, le nombre de postes d'attachés de défense est passé de 13 à 17 (+30 %) alors que le nombre d'accréditations complémentaires est passé de 29 à 57, soit une progression de 97 % (voir tableau 2 ci-dessous).

Tableau 2 Evolution du réseau entre 1990 et 2006 Années

Nombre de postes et d'accréditations principales

Accréditations complémentaires

Nombre total d'accréditations

19907

13

29

42

19988

16

50

66

2006

17

57

74

La création d'un poste d'attaché de défense repose ­ entre autres critères ­ sur le principe de la réciprocité entre Etats concernés. Il existe pourtant des exceptions. La Confédération dispose par ex. d'un attaché de défense auprès de l'ambassade suisse à Madrid alors que l'attaché de défense espagnol, accrédité en Suisse, réside à Berlin. Il en va de même pour la République de l'Inde. A l'inverse, la Suisse dispose d'un poste d'attaché de défense en Serbie-Monténégro, alors que ce pays n'a pas accrédité de représentant militaire auprès de nos autorités. Il en va de même pour le Pakistan et le Japon.

6 7 8

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101).

Informations basées sur la réponse du Conseil fédéral du 28.2.1990 à la question ordinaire 89.1172 du 14.12.1989 (BO 1990 N II 773).

Informations basées sur le communiqué de presse du DDPS du 5.10.1998.

8262

Le réseau des attachés de défense occasionne des dépenses annuelles de l'ordre de 10 millions de francs (2005), dont les frais de personnel sont de loin le principal élément. Ne sont pas compris dans ces coûts les frais qui sont générés en Suisse de même que les coûts de formation des attachés de défense et de leurs adjoints.

4

Considérations et appréciations

Sur la base des auditions et des informations à sa disposition, la commission parvient aux considérations et appréciations suivantes:

4.1

Sur le rôle et la fonction des attachés de défense

La politique de sécurité de la Suisse a connu ces dernières années un processus de transformation sans précédent. Celui-ci se caractérise notamment par une coopération accrue avec les organisations internationales de sécurité9 et une collaboration renforcée avec les forces armées de pays amis dans le domaine de la formation, de l'instruction et de la promotion de la paix.

Ce développement des activités internationales de l'armée a eu un effet marqué sur le métier de l'attaché de défense. D'espion légal qu'il était autrefois et dont l'essentiel de la tâche consistait à rechercher des informations sur les forces armées étrangères et leurs moyens, l'attaché de défense a vu sa tâche évoluer vers celle d'officier de liaison, d'observateur et de conseiller pour les questions de sécurité.

L'attaché de défense est passé du statut de militaire camouflé dans un costume de diplomate à celui d'un diplomate en uniforme militaire.

L'attaché de défense reste toutefois un instrument qui relève de l'armée. Son rôle et son existence repose en effet sur le principe, partagé par la majorité des Etats, selon lequel il existe en matière de politique de sécurité une spécificité militaire qui requiert le support d'un appareil diplomatique particulier. Autrement dit: pour qu'un attaché soit agréé auprès des forces armées d'un pays étranger, il faut qu'il soit luimême militaire afin qu'il puisse parler d'égal à égal. Selon le DDPS, un civil n'aurait pas la possibilité d'accéder aussi aisément à la communauté militaire.

La commission relève que les attachés de défense s'acquittent, suivant leur lieu de résidence, de tâches qui peuvent être très différentes d'un poste à l'autre. Alors que l'attaché de défense à Paris s'occupe principalement de questions bilatérales et de coopération militaire entre la Suisse et la France, son homologue à Ankara traite avant tout de question ayant trait à la politique de sécurité et au renseignement.

La palette des thèmes et de sujets étant extrêmement large, il est difficile d'établir le portrait-type d'un poste d'attaché de défense. On peut grosso modo distinguer deux catégories d'attachés: ­

9

les attachés dont la tâche ressort essentiellement au renseignement. Leur mission consiste à recueillir, pour le compte des autorités politiques et du commandement de l'armée, des informations qui relèvent de la politique de sécurité. On les trouve principalement dans les pays du secteur sud de la Méditerranée, au Proche et Moyen Orient ainsi qu'en Asie.

P. ex. l'ONU, l'OSCE, l'Union européenne, le Partenariat pour la paix de l'OTAN, etc.

8263

­

les attachés dont la fonction est axée sur la coopération bilatérale entre l'armée suisse et les forces armées des pays dans lesquels ils sont accrédités.

Cette coopération comprend l'échange d'informations, l'instruction technique, des exercices communs ainsi qu'une collaboration dans d'autres domaines ­ p. ex. dans l'aide en cas de catastrophe ou dans la sécurité de l'espace aérien. Ces attachés se rencontrent principalement en Europe et en Amérique du Nord.

Si les fonctions exercées par les attachés sont relativement claires, la commission a eu beaucoup de difficultés à apprécier la plus-value concrète du travail fourni par les attachés de défense pour les autorités politiques et militaires. Il arrive parfois aussi que les attachés de défense disposent d'informations utiles, mais que ces dernières ne sont pas toujours prises en considération, voire qu'elles restent totalement ignorées par les services responsables. En général, la CdG-N a constaté que les prestations fournies par les attachés de défense dépendaient pour beaucoup de l'intérêt qu'on leur porte et de la qualité des missions qui leur sont données par la centrale.

Les interlocuteurs de la commission ont peiné à convaincre du caractère indispensable des attachés de défense. Si la majeure partie des personnes entendues ont relevé que le travail des attachés de défense était certes utile et largement apprécié, aucune n'a indiqué qu'il était essentiel à l'exercice de leurs attributions, ni quelles seraient les conséquences d'une éventuelle suppression des attachés de défense. Lors des auditions, aucune personne n'a pu citer d'exemples concrets pouvant démontrer ou au moins rendre vraisemblables que les renseignements acquis par les attachés de défense sont absolument nécessaires à la prise de décision par les autorités militaires ou politiques.

Face à ce constat, le chef du DDPS a défendu ardemment l'institution des attachés de défense, estimant que leur travail était injustement mis en cause. Pour lui, l'un des avantages de disposer d'attachés de défense réside dans la possibilité de développer, sur place, des contacts personnels avec des officiels de hauts niveaux. Ces contacts élevés sont censés profiter à la Suisse qui peut ainsi obtenir des informations qui ne sont pas disponibles par ailleurs. Les attachés de défense ont aussi la possibilité de recueillir et de valider des informations, de présenter des analyses de situations qui, vues de Berne, sont difficile à produire. Les synthèses livrées par les attachés s'avèrent également nécessaires car elles donnent une perception in situ et permettent de restituer le climat politique et de donner des informations sur les intentions d'un pays étranger. Pour le chef du DDPS, le réseau se justifie d'autant plus que, du fait de sa non-appartenance
à l'Union européenne (UE) et à l'OTAN, la Suisse est relativement isolée et dispose de peu de canaux d'informations.

De l'avis de la commission, l'argumentation du chef du DDPS contraste de manière étonnante avec les propos tenus par les autres personnes interrogées et n'a pas levé toutes les incertitudes.

Pour la commission, la nécessité des attachés de défense n'a pas été démontrée de manière probante; en particulier, il n'a pas été démontré en quoi ces attachés sont indispensables à la conduite de l'armée ou du pays. A une époque où il est permis d'avoir accès, grâce aux nouvelles technologies, à une multitude d'informations en temps réel, la commission s'interroge sur l'absolue nécessité de disposer d'attachés de défense dans certains pays pour obtenir et analyser des informations qui sont également disponibles depuis Berne.

8264

Mais il serait trop court de vouloir ramener la question à ce seul point. Pour la commission, le problème de la nécessité des attachés de défense tient moins à ce qu'ils sont en mesure d'apporter qu'à ce que les autorités attendent d'eux et aux besoins qui sont fixés. On peut effectivement se demander en quoi des rapports sur la situation sécuritaire en Mongolie10 ou l'acquisition de matériel militaire russe par la Chine ­ pour peu qu'ils soient lus ­ soient directement utiles à la conduite de la politique de sécurité de la Suisse.

La commission pense que le Conseil fédéral devrait engager une réflexion de fond sur l'utilité qualitative et quantitative du système des attachés de défense par rapport à d'autres instruments d'acquisition d'informations et de défense des intérêts. Cette réflexion doit être menée de manière globale en prenant pour point de départ la réalité des besoins à satisfaire et non pas chercher à justifier les capacités actuelles en créant les besoins correspondants.

Pour la commission, ce sont les besoins qui doivent déterminer les moyens à mettre en oeuvre et non pas l'inverse.

La commission a cherché également à cerner le rôle exercé par les attachés de défense en matière d'armement. En principe, les attachés de défense n'ont aucun rôle à jouer dans le domaine de la politique de coopération en matière d'armement que ce soit pour la promotion du commerce d'armement suisse, l'achat de matériels étrangers pour l'armée suisse ou dans le cadre de coopérations industrielles, notamment avec Ruag. Un tel mandat ne fait pas partie de leur cahier des charges. Certaines des personnes entendues, notamment le président de la direction générale de Ruag lors de l'examen du rapport de gestion 2004, ont toutefois indiqué que Ruag avait des contacts étroits avec les missions diplomatiques suisses à l'étranger, et notamment avec leurs attachés de défense. D'ailleurs, certains attachés de défense sont accrédités auprès d'autorités étrangères qui s'occupent d'armement; c'est le cas p. ex. de l'attaché de défense Suisse à Paris qui est accrédité auprès de la Délégation Générale pour l'armement qui relève du Ministère français de la défense.

Pour la commission, le rôle des attachés de défense en matière d'armement n'est pas clair et il convient de le préciser.

Dans le cadre de ses travaux,
la commission s'est également intéressée au rôle que les attachés de défense sont appelés à jouer en matière d'exportation de matériel de guerre et de contrôle de ces exportations11.

La commission a examiné trois cas particuliers et demandé des explications au DDPS et au DFE.

­

10

11

Le premier cas, qui date de 2005, concernait une demande de courtage portant sur la vente au Pakistan de 736 chars de grenadiers M-113 issus des surplus de l'armée suisse. Le Pakistan se proposait d'utiliser ces véhicules pour des interventions de troupes pakistanaises dans le cadre d'opérations de l'ONU au Sierra Leone, au Liberia, au Congo, au Burundi et, ultérieurement, au Soudan. Le contrat n'a finalement pas été conclu.

On notera que la Suisse est, parmi les pays examinés par la commission, le seul avec la Belgique qui possède un attaché de défense accrédité en Mongolie. L'Autriche, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède n'en disposent pas.

Voir aussi le ch. 3.4.3 du rapport annuel 2005 des CdG et de la DélCdG des Chambres fédérales, du 20.1.2006 (FF 2006 4137 s.).

8265

­

La deuxième affaire concernait une demande d'exportation vers les Emirats arabes unis (EAU) de 180 chars de grenadiers M-113 destinés à être offerts à l'Irak pour des tâches de police. Cette demande a été approuvée par le Conseil fédéral en juin 2005, mais les EAU ont renoncé entretemps au projet.

­

Le troisième cas avait trait à la vente aux EAU de 40 obusiers blindés M-109 provenant des surplus de l'armée suisse. Les obusiers ont été livrés au EAU en septembre 2004.

Dans la première affaire, les investigations de la commission ont permis d'établir que l'attaché de défense au Caire, compétent également pour le Pakistan, n'avait joué aucun rôle direct ou indirect. Ce dernier n'a été informé de la transaction ni par les autorités suisses (DDPS, DFAE, DFE, Ruag), ni par les autorités pakistanaises et en a appris l'existence à travers les comptes rendus donnés par les médias.

L'attaché de défense a profité ensuite d'un voyage de service au Pakistan pour s'enquérir auprès du quartier-général de l'armée pakistanaise sur l'utilisation prévue des M-113. L'attaché de défense a agi de sa propre initiative et n'a reçu aucun mandat de la part des autorités suisses à Berne.

Dans la deuxième affaire, l'attaché de défense au Caire, accrédité également auprès des EAU, n'a exercé aucune fonction, ni reçu aucune information, ni aucun mandat de la part des services compétents à Berne. L'attaché de défense a été informé de cette transaction lors d'un voyage de service effectué aux EAU, à un moment où le premier contrat pour la livraison des 180 véhicules avait déjà été signé et où un second contrat était en voie de négociation.

L'attaché de défense au Caire n'a pas été impliqué non plus dans les opérations ayant conduit à la livraison aux EAU des 40 obusiers blindés M-109. Les travaux de la commission ont permis d'établir que l'attaché de défense au Caire avait reçu en décembre 2003 déjà, soit plusieurs mois avant la livraison des obusiers, différentes informations selon lesquelles les EAU avaient l'intention de remettre ces véhicules au Maroc pour assurer l'instruction de ses troupes (ce qui a eu lieu ensuite).

L'attaché de défense a communiqué spontanément ces informations aux services intéressés du DDPS en janvier 2004 qui les ont transmises ensuite à la Ruag, chargée de la vente. Sur la base de ces informations, la Ruag est intervenue auprès des autorités des EAU pour les rendre attentives aux dispositions interdisant la réexportation des véhicules vers des pays tiers sans l'accord de la Suisse. Ce rappel se justifiait d'autant plus que, en juin 2003 déjà, les EAU avaient demandé à la Ruag de livrer les M-109 directement au Maroc, ce qui avait été refusé. Le DFE, compétent pour autoriser la vente des obusiers, n'a reçu les informations à ce sujet qu'à fin mars 2005, soit
plus d'une année après que l'attaché de défense les ait eu communiquées au DDPS. En raison de cette panne d'information entre le DDPS et le DFE, le DFE n'a pas pu intervenir à temps avec le résultat que les M-109 ont abouti au Maroc, pays pour lequel le DFE n'aurait pas octroyé une autorisation d'exportation.

Les exemples qui précèdent démontrent que les attachés de défense ne sont pas impliqués de manière adéquate dans les procédures d'autorisation concernant les marchés d'armement passés avec leurs pays d'accréditation. Cette situation s'explique pour des motifs de répartition des compétences entre le DDPS et le DFE.

En effet, aux termes de l'art. 14 de l'ordonnance sur le matériel de guerre12, il appar12

Ordonnance du 25.2.1998 sur le matériel de guerre (OMG; RS 514.511).

8266

tient au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) de se prononcer, en accord avec les services compétents du DFAE, sur les demandes d'autorisation concernant les marchés passés avec l'étranger. Les services du DDPS ne sont consultés que si des intérêts de politique de sécurité ou d'armement sont en jeu. Ces derniers peuvent, s'ils le jugent utile, faire appel aux compétences de l'attaché de défense accrédité dans le pays de destination.

Autrement dit: rien n'oblige le SECO à consulter les attachés de défense dans les procédures d'autorisation des affaires d'exportation de matériel de guerre à l'étranger, ni ne l'autorise à donner des mandats spécifiques aux attachés de défense.

Pour la commission, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. En effet, les attachés de défense disposent, de par leur position et leurs relations au sein des ministères de la défense ou des états-majors militaires des Etats où ils sont accrédités, de compétences qui pourraient être utiles directement au travail du SECO; leurs compétences sont actuellement insuffisamment employées. Les attachés de défense pourraient p. ex. être utiles pour évaluer les conséquences et les risques liés à la livraison d'armes dans certains pays. Ils pourraient également être chargés par le DFE d'examiner la fiabilité des déclarations faites par les pays importateurs ou procéder à des inspections a posteriori (inspection post-shipment). En tout état de cause, il convient de décloisonner les services et d'améliorer la collaboration entre les attachés de défense et le SECO afin d'éviter des retards lourds de conséquences dans la transmission d'information entre le DDPS et le DFE, comme ce fut le cas dans l'affaire des obusiers blindés M-109.

La commission estime que les attachés de défense devraient mieux être impliqués dans les procédures d'examen des exportations de matériel de guerre et qu'ils devraient être engagés systématiquement dans la recherche et l'exploitation d'informations utiles au SECO.

Le DFE comme le DDPS partagent ce point de vue. Ces départements ainsi que le DFAE étudient actuellement les possibilités d'améliorer la prise en compte des ambassades, en général, et des attachés de défense, en particulier, dans les affaires touchant au matériel de guerre exportés par la Suisse à l'étranger13.

4.2

Sur la sélection des attachés de défense

La commission estime que le système de recrutement et de formation des attachés de défense est de très bonne qualité. Les profils d'exigences sont clairement fixés et la sélection est systématique. Grâce au concours d'entrée et à la formation qui est donnée, il est possible aujourd'hui de sélectionner les candidats les plus talentueux, de les tester et de les préparer au mieux pour exercer leur tâche. De l'avis de la commission, ces instruments ont permis de professionnaliser la fonction d'attaché de défense et d'augmenter la qualité et l'efficacité du travail fourni. Autre effet positif du système: la profession s'est rajeunie, puisque l'âge des attachés de défense et des adjoints se situe entre quarante et cinquante-cinq ans. La fonction s'est aussi ouverte en permettant à des personnes extérieures au cadre professionnel de l'armée de se

13

Voir le rapport du groupe de travail interdépartemental du 22.12.2005 sur les compétences et la procédure en matière de traitement des exportations du matériel de guerre. Voir aussi la réponse du Conseil fédéral du 10.3.2006 au postulat 05.3536 du 4.10.2005.

8267

porter candidat: actuellement, les officiers professionnels ne représentent plus qu'un quart des attachés de défense en fonction.

Le principe de l'admission sur concours a permis également ­ et c'est très positif ­ de mettre un terme au système de cooptation (népotisme) qui prévalait auparavant pour la répartition de postes. Il y a quelques années encore, il était fréquent d'attribuer des postes d'attachés de défense à des officiers professionnels en fin de carrière, faute de leur trouver une autre affectation ou en remerciement pour des services rendus. Cette politique des «placards dorés» ­ signe d'un certain corporatisme ­ a nui fort longtemps à la réputation des attachés de défense et perdure encore dans l'opinion publique.

Sans méconnaître le changement d'orientation intervenu depuis peu et qui vise à sélectionner les attachés de défense uniquement sur la base de leurs compétences, la commission constate que des velléités existent encore d'utiliser les postes d'attachés de défense pour résoudre certains problèmes de gestion du personnel. C'est particulièrement le cas pour certains officiers généraux. C'est ainsi que l'ancien chef des Forces terrestres s'est vu nommer attaché de défense à Paris, que l'ancien sous-chef d'état-major logistique est parti pour Rome et que l'ancien sous-chef d'état-major de la planification a été nommé à Washington.

Ces types de nominations ­ quelque soit les qualités intrinsèques des personnes en question ­ sont mal perçues par l'opinion publique. Elles donnent l'impression que les officiers généraux bénéficient d'un traitement de faveur, ce qui ne contribue pas à améliorer l'image des attachés de défense dont l'utilité est périodiquement remise en question. Selon le DDPS, il s'agit d'un problème transitoire lié à la réduction des postes d'officiers généraux consécutive de la réforme Armée XXI. A l'avenir, il ne devrait plus se poser.

4.3

Sur la réintégration des attachés de défense après leur engagement

Contrairement au métier de diplomate, la fonction d'attaché de défense ne représente pas une carrière. Cela signifie qu'à l'issue d'un ou deux engagements à l'étranger, les attachés de défense réintègrent en règle générale la vie civile. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de plan de carrière, ni de procédure de réintégration des attachés de défense dans l'administration au terme de leur engagement à l'étranger. Certains se reconvertissent au DDPS (notamment les militaires de carrière), d'autres quittent la Confédération pour exercer d'autres fonctions. La reconversion professionnelle après un engagement à l'étranger est donc laissée à l'initiative personnelle des attachés de défense.

La commission estime que la réintégration des attachés de défense devrait être améliorée et qu'un engagement à l'étranger en qualité d'attachés de défense devrait

8268

être mieux valorisé, notamment dans la planification des carrières des officiers de carrière14.

Actuellement, au DDPS, l'exercice d'une fonction à l'étranger n'est pas valorisé dans une perspective d'avancement. Cela explique aussi pourquoi le nombre d'officiers de carrière candidats à des postes à l'étranger est peu élevé. Quand bien même chaque officier de carrière peut être contraint de servir à l'étranger (art. 16, al. 1 de l'ordonnance du DDPS sur le personnel militaire15), les candidats ne se bousculent pas, sachant que cela ne leur sera pas directement profitable pour leur carrière. Le choix de partir à l'étranger comme attaché de défense représente encore un risque professionnel important.

Pour la commission, il convient de renforcer l'attractivité des engagements à l'étranger. A une époque où la dimension internationale occupe une place toujours plus importante dans notre politique de sécurité, la commission est d'avis qu'il faudrait donner plus de poids à ce critère lors de nominations à des postes supérieurs de l'armée. On pourrait imaginer qu'un engagement à l'étranger, comme attaché de défense ou dans une fonction de commandement (p. ex. au sein de la KFOR, de l'EUFOR ou comme observateurs militaires ou officiers d'état-major), devienne une condition à toute promotion importante pour un officier de carrière au sein de l'armée. La commission constate d'ailleurs que seule une petite minorité d'officiers généraux dispose aujourd'hui d'une expérience dans un cadre international.

Pour la commission, il paraîtrait indiqué aussi d'améliorer la rotation du personnel entre les postes d'attachés de défense à l'étranger et les différentes fonctions liées à la politique de sécurité à la centrale à Berne. En effet, il existe de nombreux services au DDPS et au DFAE qui pourraient profiter de l'expérience acquise par un attaché de défense. C'est notamment le cas du SRS, de la DPS, du domaine des relations internationales de la défense ainsi que du Centre de politique de sécurité internationale du DFAE. Actuellement, il n'existe pas de concept visant à favoriser activement l'échange de personnel entre des affectations à l'étranger et des engagements à la centrale. Deux système se côtoient et s'ignorent: d'un côté des agents à la centrale qui exercent des tâches en relation avec l'étranger sans
jamais avoir été confrontés à certaines réalités du terrain; de l'autre, des attachés de défense qui représentant à l'étranger les intérêts de la centrale sans y avoir exercé une quelconque fonction.

Rien n'est fait pour encourager les agents de la centrale à travailler à l'étranger et rien n'est fait pour permettre aux attachés de défense de travailler à la centrale à l'issue de leur engagement à l'étranger. Le système actuel participe de la logique qu'un agent est recruté pour occuper une fonction bien précise à laquelle il reste en principe affecté jusqu'à l'échéance de son contrat.

La commission propose de mettre en place, au sein du DDPS, une filière de spécialisation qui soit axée sur la compétence internationale des collaborateurs du département. Ces derniers pourraient être engagés, en alternance, après avoir subi les épreuves et la formation idoines, soit comme attachés de défense, soit comme conseillers 14

15

Lors d'une visite effectuée auprès de Swissint, le centre de compétence de l'armée pour les engagements de promotion de la paix à l'étranger, la Commission de gestion du Conseil des Etats a souligné qu'«il est crucial de développer les stratégies visant à la valorisation, au sein même de l'armée, de l'expérience acquises lors des engagements à l'étranger.» (voir ch. 3.4.3 du rapport annuel 2005 des CdG et de la DélCdG des Chambres fédérales, du 20.1.2006 [FF 2006 4137 s.]).

Ordonnance du DDPS du 9.12.2003 sur le personnel militaire (O pers mil; RS 172.220.111.310.2).

8269

militaires auprès des délégations permanentes de la Suisse à l'ONU, à l'OTAN et auprès de l'OSCE ou encore dans des postes liés à la sécurité internationales dans l'administration centrale.

Pour la CdG-N, il faut, à travers des plans de carrière et de formation, encourager la mobilité les agents du DDPS qui travaillent dans le domaine international. Par ce biais, il serait aussi possible de détecter et d'assurer le développement des agents du DDPS qui présentent un potentiel de progression intéressant.

Une telle solution profiterait aussi bien à la Confédération qu'aux employés. Cela permettrait à la Confédération de bénéficier du savoir-faire acquis par les agents dans de nombreuses fonctions en Suisse et à l'étranger et favoriserait le transfert d'informations. Actuellement, le savoir-faire acquis à l'étranger par un attaché de défense est souvent définitivement perdu au terme de son contrat.

Quant aux agents, ils se verraient doter de perspectives de carrière permettant de valoriser leurs connaissances et de développer leurs aptitudes et leur polyvalence dans le domaine international. Cela permettrait aussi d'éviter, pour certains attachés de défense, de nombreuses et sérieuses déceptions à l'issue d'un engagement à l'étranger.

Enfin, l'existence de filière de spécialisation permettrait d'élargir le vivier de recrutement des attachés de défense. En effet, il semblerait que le risque de ne pas retrouver un emploi à l'issue d'un engagement à l'étranger retienne bon nombre de personnes de valeur de se porter candidats à de tels postes.

4.4

Sur la conduite et la subordination des attachés de défense

La conduite des attachés de défense s'avère particulièrement complexe, puisqu'ils sont soumis à une triple autorité: le chef de mission sur le plan du rattachement administratif; le chef des relations internationales de l'état-major du chef de l'armée pour les problèmes d'emploi et les moyens; le SRS pour les missions de renseignement.

Les attachés de défense possèdent de ce fait plusieurs «patries» organisationnelles et hiérarchiques: ils travaillent sous les ordres d'un chef de mission, mais reçoivent la plupart de leurs instructions de différents services du DDPS.

Dans les faits, la réalité du système de conduite échappe à toute structure et la chaîne de commandement n'est pas très claire. Si de nombreuses directives encadrent le travail des attachés de défense, la commission a été frappée par la difficulté qu'il y a d'identifier celui qui porte réellement la responsabilité des attachés de défense. Les compétences apparaissent extrêmement diluées: d'un côté, il y a le chef des relations internationales qui prend les décisions individuelles les plus importantes touchant à la carrière des attachés de défense, mais qui n'a pas de charge opérationnelle, ni la responsabilité du bon fonctionnement des services; de l'autre côté, il y a les responsables opérationnels (chef de mission, SRS, etc.) qui sont chargés d'engager les attachés de défense, mais qui n'ont qu'un poids indirect et souvent assez faible sur la carrière des agents placés sous leur autorité.

8270

Dans la majeure partie des cas, la commission a pu constater que les attachés se trouvent souvent en situation d'auto-gestion dans les ambassades, notamment pour les postes géographiquement les plus éloignés. Faute d'un interlocuteur valable à la centrale qui se porte garant de l'entier du système, les attachés de défense se sentent parfois livrés à eux-mêmes, ce qui peut créer des difficultés.

La CdG-N est amenée, au vu de cette situation, à relever la nécessité de réaménager et de simplifier les structures de conduite des attachés de défense. Pour la commission, la conduite des attachés de défense doit incomber à ceux qui sont responsables du fonctionnement opérationnel des services auxquels ils sont affectés.

4.5

Sur le réseau d'implantations des postes

Le réseau des attachés de défense est un des moyens permettant à la Suisse de poursuivre ses objectifs en matière de politique de sécurité, tels qu'ils ressortent du rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC)16.

Ce rapport postule l'importance d'une coopération internationale accrue dans le domaine de la sécurité avec les organisations internationales de sécurité et d'autres Etats.

Avec 17 postes d'attachés de défense, notre réseau est comparable à celui de pays de taille identique à la Suisse. Il se situe devant la Finlande et la Norvège, mais derrière la Belgique, les Pays-Bas, l'Autriche, le Portugal, la Suède et l'Espagne (cf. tableau 3).

Les liens historiques ou coloniaux expliquent, pour certains pays, l'importance qu'ils accordent à certains pays ou régions du monde. Par ex. la Belgique est bien représentée en Afrique noire, les Pays-Bas en Afrique du Sud et en Indonésie et le Portugal dispose d'attachés en Angola, au Brésil, en Guinée-Bissau, au Cap-Vert, au Mozambique, au Timor Oriental et à Sao Tome et Principe. Quant à l'Espagne, elle prédomine en Amérique latine (attachés de défense accrédités en Argentine, au Brésil, au Chili, en Colombie, à Cuba, au Nicaragua et au Venezuela).

S'agissant des accréditations complémentaires, la Suisse se trouve en tête de tous les pays examinés.

On notera que l'Irlande ne dispose pas d'attachés de défense, mais seulement de représentants militaires auprès de l'ONU, de l'UE et de l'OTAN.

A titre de comparaison, il est intéressant de constater que 43 attachés de défense étrangers sont accrédités à Berne.

16

Voir le rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000), du 7.6.1999 (FF 1999 6903).

8271

Tableau 3 Dispositif d'attachés de défense de quelques pays (2005)

Belgique Finlande Irlande Pays-Bas Norvège Autriche Portugal Suède Espagne Suisse17

Accréditations principales

Accréditations complémentaires

Total

30 11 0 26 14 20 19 20 34 17

48 16 0 38 23 26 25 14 45 57

78 27 0 64 37 46 44 34 79 74

Le réseau suisse se caractérise par un effort principal dans les pays européens ainsi qu'en Amérique du Nord. Actuellement, la plus grande partie des moyens en personnel (env. 70 % du personnel, sans personnel local) et du nombre des accréditations concernent des pays d'Europe ainsi que l'Amérique du Nord. Le solde des moyens se partagent entre l'Asie et l'Afrique du Sud. L'Amérique du Sud, l'Afrique noire, l'Australie et l'Océanie ne sont pas couvertes par le réseau des attachés de défense.

Le réseau d'implantations est important si l'on prend en considération le nombre de gouvernements auprès desquels la Suisse est accréditée; sa taille est toutefois réduite en ce qui concerne les moyens.

La commission pense que le réseau est actuellement trop étendu. Le nombre de pays auprès desquels la Suisse a accrédité un attaché de défense ne correspond pas tant s'en faut au poids que représente notre pays dans le domaine de la politique de sécurité. Par ex., la CdG-N ne voit pas en quoi la présence d'un attaché de défense au Japon est nécessaire pour nos intérêts militaires. D'ailleurs, sur les huit pays examinés ­ Belgique, Finlande, Pays-Bas, Norvège, Autriche, Portugal, Suède, Espagne ­ il est frappant de constater qu'aucun ne dispose d'un attaché de défense accrédité à Tokyo.

La commission est d'avis qu'il conviendrait de recentrer le réseau sur ce qui est vraiment nécessaire et d'exclure ce qui est souhaitable. Plus généralement il y aurait lieu pour la commission de diminuer le nombre des accréditations complémentaires.

La Suisse se fait une fierté d'accréditer des attachés de défense dans de nombreux pays, mais les moyens manquent le plus souvent pour assurer cette tâche sérieusement. La situation paraît critique pour les postes qui présentent de nombreuses accréditations complémentaires dans des pays qui sont souvent très éloignés du lieu de résidence et dont il est très difficile de maîtriser la langue et les coutumes. En effet, comment est-il possible pour un attaché de défense en résidence à Moscou de suivre parallèlement à la situation en Russie, les événements au Kazakhstan, au 17

Données 2006.

8272

Kirghizstan, en Ouzbékistan, au Tadjikistan et au Turkménistan? La même question se pose pour l'attaché de défense en Chine qui doit observer la situation en Chine et suivre les événements en Corée du Nord, en Mongolie, à Singapour et au Vietnam.

Dans ces circonstances, il paraît difficile de garantir une présence efficace et durable.

Autre exemple: lorsqu'il s'est agi d'engager des troupes suisses en Indonésie pour venir en aide aux victimes du tsunami, l'attaché de défense, en résidence à Tokyo, n'a pas pu jouer son rôle vu les quelque 7000 km qui séparaient les deux pays.

La commission est convaincue que les attachés de défense ne peuvent pas être actifs dans tous les domaines et sur tous les terrains et qu'il importe de faire des choix. Du fait de sa sphère d'influence et de ses possibilités limitées, la Suisse devrait entretenir une diplomatie militaire uniquement avec des pays avec lesquels nous entretenons des valeurs communes.

La commission est consciente que le resserrement du dispositif limitera les possibilités d'acquérir des renseignements dans certaines régions du monde. Pour la commission, cette lacune doit être compensée en premier lieu par un renforcement des autres moyens d'acquisition du SRS et un accroissement correspondant de ses ressources.

Il ne s'agit pas pour la commission de faire des économies, mais d'accroître la présence réelle de la Suisse à l'étranger dans le domaine de la politique de sécurité et de donner une plus grande lisibilité au dispositif actuel.

Parmi d'autres solutions, la commission estime qu'il serait possible au besoin de créer des postes d'attachés de défense itinérants, à l'instar de ce que fait par ex. la Suède au Brésil, au Danemark, en Grèce, au Canada, en Malaisie et aux Pays-Bas.

Ces derniers travailleraient à la centrale à Berne et se rendraient plusieurs fois par année dans leurs pays d'accréditation pour y rencontrer leurs partenaires et établir les contacts nécessaires. Pour la commission, un attaché de défense résidant en Suisse et accrédité au Portugal ou aux Pays-Bas serait certainement plus efficace que dans le système actuel où cette tâche est exercée depuis Paris. Il en va de même de l'accréditation au Danemark et en Norvège qui pourrait être exercée sans peine depuis Berne plutôt qu'à partir de Londres, comme c'est le cas aujourd'hui.
La commission a également examiné la possibilité de créer des partenariats avec d'autres pays neutres, tels la Suède ou l'Autriche, mais y a renoncé estimant qu'une telle solution serait difficilement réalisable et limiterait inutilement la marge de manoeuvre de nos autorités.

La CdG-N est d'avis aussi qu'il conviendrait d'améliorer les synergies entre les fonctions d'attachés de défense et les différents agents de la Confédération qui opèrent à l'étranger dans d'autres domaines liés à la sécurité (attachés de police, attachés pour les questions de migration, etc.). Pour la commission, l'éventail des défis en matière de politique de sécurité a en effet beaucoup évolué et dépasse de beaucoup la seule dimension militaire. Il comprend aussi bien des questions militaires que des questions de migration, de lutte contre le terrorisme, criminalité organisée, de traite d'êtres humains, etc. Les acteurs y sont nombreux. Les causalités et les interdépendances y sont complexes.

Du fait de l'enchevêtrement des tâches et des compétences au sein de la Confédération en matière de politique de sécurité et de politique étrangère, la commission est d'avis que les départements concernés, au premier rang desquels le DDPS, le DFJP 8273

et le DFAE18, devraient mutualiser leurs moyens et leurs efforts de manière à mieux souligner les liens entre les différents domaines de la sécurité. Pour ce faire, il paraîtrait utile que ces départements repensent leur cadre d'intervention à l'étranger et élaborent une stratégie d'action commune en matière de sécurité, par ex. sous l'égide de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité. Cette stratégie viserait à créer les bases d'une diplomatie de la sécurité (security diplomacy). Elle comprendrait aussi bien les aspects liés à la défense militaire que ceux liés aux nouvelles menaces (criminalité organisée, terrorisme, multiplication des conflits interétatiques, menaces technologiques ou environnementales, amenuisement des ressources naturelles, etc.) et déterminerait la politique d'implantations des postes et le profil des attachés à y envoyer.

Le but de cette démarche est d'améliorer l'instrument à disposition et de renforcer sur le plan extérieur la coordination et la cohérence de la politique de sécurité de la Suisse.

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Recommandation

Au vu des considérations qui précèdent, la CdG-N recommande au Conseil fédéral de réexaminer le système actuel des attachés militaires sous l'angle de leurs missions, de leur organisation, de leur efficacité, de leur opportunité et de leur utilité pour la Suisse en termes de sécurité au niveau international, et de faire rapport sur la question. Il tiendra compte de tous les domaines de la politique de sécurité, présentera les activités et moyens en Suisse et à l'étranger, proposera une organisation appropriée et renforcera le profil professionnel.

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Suite des travaux

Le CdG-N invite le Conseil fédéral à prendre position, d'ici à la fin septembre 2006, sur le présent rapport et sur la recommandation qu'il contient.

23 mai 2006

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national Le président, Kurt Wasserfallen, conseiller national Le président de la sous-commission DFAE/DDPS, Jean-Paul Glasson, conseiller national Le secrétaire des Commissions de gestion, Philippe Schwab

18

Le DFAE est compétent pour traiter «les questions de politique de sécurité internationale de la Suisse en collaboration avec les autres départements compétents» (art. 1, al. 3, let. d de l'ordonnance du 29.3.2000 sur l'organisation du DFAE [Org DFAE; RS 172.211.1]).

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