Requête des cantons à l'autorité de surveillance concernant la jurisprudence du Conseil fédéral relative aux recours contre les décisions tarifaires rendues par les gouvernements cantonaux dans le domaine de l'assurance-maladie Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 5 avril 2002

2002-0903

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Condensé Dans ses requêtes à l'autorité de surveillance adressée à l'Assemblée fédérale, le canton de Schaffhouse et la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS) se sont plaints de la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de recours contre les décisions tarifaires des gouvernements cantonaux selon l'assurance-maladie. Le canton de Schaffhouse fait valoir que la réglementation répartissant les tâches entre la Confédération et les cantons dans le domaine tarifaire de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) comporte un potentiel de conflits élevé. Le Conseil fédéral n'a confirmé les décisions en instance inférieure des gouvernements cantonaux que dans quelques uns des plus de 200 recours déposés depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'assurance-maladie LAMal en 1996. Pour cette raison, les partenaires tarifaires ne sont guère disposés à accepter les décisions de l'instance inférieure. Concrètement, la requête demande une modification de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans le sens d'un plus grand respect du fédéralisme. Pour ce qui est des décisions du Conseil fédéral en matière de tarifs de physiothérapie, le canton de Schaffhouse fait valoir que les parties prenantes au processus tarifaire ne sauraient accepter qu'une telle procédure se répète lors des prochaines négociations tarifaires qui auront lieu dans les cantons lors de la mise en place du tarif médical TARMED.

La CDS a critiqué le fait que, dans sa jurisprudence, le Conseil fédéral suit automatiquement les recommandations de la Surveillance des prix et que les arguments invoqués par les cantons ne donnent guère lieu à un débat. Lorsqu'ils dérogent aux «normes nationales» de la Surveillance des prix, les cantons se voient reprocher d'agir dans leur propre intérêt et restreints dans leur marge de manoeuvre.

La démarche inhabituelle qu'ont faite les cantons en s'adressant au Parlement révèle un profond malaise, qu'il s'agit de prendre au sérieux. La Commission de gestion juge qu'il est fondamental pour la cohésion de l'Etat fédéral que la Confédération et les cantons n'outrepassent pas leurs compétences respectives. C'est la raison pour laquelle elle a décidé d'entrer en matière sur la requête qu'elle a reçue en tant qu'instance de haute surveillance,
en se fixant pour but d'examiner les causes du conflit et de dégager des solutions viables. La commission renonce certes à se prononcer sur chaque critique et à vérifier que les décisions du Conseil fédéral discutées soient matériellement correctes. Elle tient en revanche, dans un souci de contrôle de la tendance générale, à examiner certains aspects de la jurisprudence du Conseil fédéral et leurs répercussions.

La Commission de gestion, après avoir, par le biais de sa sous-commission DFI/DETEC, entendu les cantons, l'Office fédéral de la justice (OFJ), l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et le préposé à la surveillance des prix, présente au Conseil fédéral le présent rapport assorti de huit recommandations concernant l'élimination des conflits entre la Confédération et les cantons, le «rôle multiple» que joue le Conseil fédéral en matière tarifaire dans le secteur des caisses-maladie, l'éclaircissement de certaines questions juridiques, le rôle de la Surveillance des prix et l'introduction du tarif médical TARMED.

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Rapport 1

Introduction

Dans sa requête à l'autorité de surveillance du 10 avril 2001 adressée à l'Assemblée fédérale, le canton de Schaffhouse s'est plaint de la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de recours contre les décisions tarifaires des gouvernements cantonaux au sens de l'art. 47 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal)1. Par lettre du 11 juin 2001, la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS) s'est, pour l'essentiel, associée à cette requête. La Commission de gestion du Conseil des États traite cette requête au nom de l'Assemblée fédérale. Elle en a informé le Conseil fédéral par lettre du 6 juillet 2001 et a chargé sa sous-commission DFI/DETEC d'effectuer les travaux préparatoires.

Sous la présidence du député au Conseil des États Hansruedi Stadler, la souscommission DFI/DETEC s'est pour la première fois penchée sur le contenu de la requête le 2 juillet 2001. Le 24 octobre 2001, elle a entendu des représentants de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), du préposé à la surveillance des prix, de la Division de l'Office fédéral de la justice chargée de l'examen des recours au Conseil fédéral, ainsi que des cantons de Schaffhouse, de Lucerne et de Vaud.

Les 23 janvier et 14 février 2002, la sous-commission a discuté des faits ainsi rassemblés et a adopté la proposition soumise à la commission plénière.

Le 5 avril 2002, la Commission de gestion du Conseil des États a traité la requête à l'autorité de surveillance du canton de Schaffhouse sur la base des travaux effectués par sa sous-commission DFI/DETEC. La Commission de gestion fonde les constatations ci-dessous sur la requête à l'autorité de surveillance déposée par le canton de Schaffhouse le 10 avril 2001, sur la lettre de la CDS du 11 juin 2001, sur la prise de position du Conseil fédéral du 27 juin 2001, sur les données statistiques de l'Office fédéral de la justice (OFJ) des 2 et 15 octobre 2001, sur les auditions effectuées par la sous-commission le 24 octobre 2001 ainsi que sur les réponses écrites des représentants cantonaux aux questions de la sous-commission.

2

Formellement

La Commission de gestion examine les requêtes à l'autorité de surveillance au sens de l'art. 37 du règlement du Conseil des États (RS 171.14). La requête à l'autorité de surveillance ne constitue pas un recours formel. Il s'agit d'un instrument qui permet d'attirer l'attention de la Commission de gestion sur d'éventuels dysfonctionnements susceptibles d'entraver la gestion des affaires par les autorités fédérales.

En vertu de son pouvoir d'appréciation, la Commission de gestion peut décider si, et dans quelle mesure elle veut entrer en matière sur les requêtes à l'autorité de surveillance et quelles conséquences elle veut tirer dans le cadre de ses activités de haute surveillance.

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Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (RS 832.10)

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La Commission de gestion exerce la haute surveillance sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale au nom de l'Assemblée fédérale (art. 169, al. 1, Cst.2 en corrélation avec l'art. 47ter LREC3). À ce titre, elle peut émettre des recommandations ou des critiques à l'adresse du Conseil fédéral dans tous les domaines entrant dans la compétence de ce dernier. Elle ne peut toutefois pas lui donner des instructions impératives. Elle ne peut notamment ni casser, ni modifier les décisions du Conseil fédéral (art. 47quater, al. 4, LREC). La Commission de gestion n'est par conséquent pas une instance de recours pouvant être saisie contre les décisions du Conseil fédéral. Elle fait preuve de retenue en matière de haute surveillance pour tout ce qui touche aux aspects judiciaires des activités du Conseil fédéral. Conformément à sa pratique, elle peut malgré tout examiner des décisions du Conseil fédéral sous l'angle du respect de principes procéduraux fondamentaux. Lors de l'examen de tels griefs, la Commission de gestion ne peut ni casser, ni influencer une décision relative à un cas d'espèce. Elle peut en revanche contrôler la tendance de la jurisprudence et, au besoin, émettre à l'adresse du Conseil fédéral des recommandations visant à de futures améliorations.

3

Constatations

3.1

Requête à l'autorité de surveillance déposée par le canton de Schaffhouse

3.1.1

Critiques formulées par le canton de Schaffhouse

Le Conseil d'État du canton de Schaffhouse fait valoir que la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons dans le domaine tarifaire de la LAMal comporte un potentiel de conflits élevé. Le Conseil fédéral n'aurait confirmé les décisions en instance inférieure des gouvernements cantonaux que dans quelques uns des plus de 200 recours déposés depuis l'entrée en vigueur de la LAMal en 1996.

Pour cette raison, les partenaires tarifaires ne seraient pratiquement plus disposés à accepter les décisions de première instance des gouvernements cantonaux. Concrètement, la requête du canton de Schaffhouse demande une modification de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans le sens d'un plus grand respect du fédéralisme.

La requête à l'autorité de surveillance déposée par le canton de Schaffhouse découle d'une part d'une série de recours des associations cantonales des physiothérapeutes au sujet de la valeur du point applicable par la profession et, d'autre part, de la décision du 10 mai 2000 relative à la valeur du point pour les diagnostics effectués au moyen du tomographe à résonance magnétique exploité par une société privée à l'hôpital cantonal de Schaffhouse. Sur la base des décisions du Conseil fédéral relatives aux valeurs du point pour les physiothérapeutes, le canton de Schaffhouse fait valoir que les parties au processus tarifaire ne sauraient accepter qu'une telle procédure se répète lors des négociations tarifaires qui auront lieu dans les cantons lors de la mise en place du tarif médical TARMED.

2 3

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Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101) Loi du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils (RS 171.11)

L'exemple des décisions au sujet des valeurs du point pour les physiothérapeutes Le 1er juillet 1998, le Conseil fédéral a approuvé la convention tarifaire entre la Fédération suisse des physiothérapeutes et les assureurs. Parallèlement, la valeur du point pour les assurances accidents, invalidité et militaire a été fixée à 1 franc. La fixation de la valeur du point pour l'assurance-maladie a dû ensuite être négociée entre les fédérations cantonales des physiothérapeutes et les assureurs-maladie à l'échelon cantonal. Ces négociations ont été menées dans la plupart des cantons.

Dans les nombreux cas où elles n'ont pas abouti à un accord, les tarifs ont dû être fixés par les gouvernements cantonaux en vertu de la disposition de l'art. 47, al. 1, LAMal. Les deux parties, bien que défendant des positions contraires, attaquèrent généralement ces décisions tarifaires des gouvernements cantonaux par voie de recours au Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral a donc dû se pencher sur les recours attaquant les valeurs du point fixées par les gouvernements de 11 cantons. Dans tous les cas, le Conseil fédéral a supprimé les valeurs du point fixées par les cantons et en a déterminé de nouvelles. Pour ce faire, le Conseil fédéral a d'abord fixé, au niveau national, comme référence de calcul de la valeur cantonale, une valeur modèle du point de 0.94 franc. Les partenaires tarifaires s'étaient précédemment mis d'accord sur une valeur modèle du point de 1 franc alors que le préposé à la surveillance des prix avait proposé 0.91 franc. Le Conseil fédéral a calculé la valeur du point cantonale en appliquant à la valeur modèle du point (0.94 franc) la formule proposée par la Surveillance des prix. Cette formule tient compte des structures que, sur la base de données fournies par l'Office fédéral de la statistique, la Surveillance des prix a pu établir en matière de salaires et de loyers. Dans sa jurisprudence, le Conseil fédéral a systématiquement appliqué la formule de calcul de la Surveillance des prix. Dans sa décision du 4 décembre 2000 relative à la valeur du point pour les physiothérapeutes schaffhousois, le Conseil fédéral explique en substance (cons. 7.1) qu'il a appliqué la méthode de calcul de la valeur du point proposée par la Surveillance des prix étant donné que les parties ne sont pas parvenues à un accord
sur cette valeur. Il poursuit en précisant qu'il a renoncé à examiner les autres arguments des parties ou de l'instance précédente, puisque ceux-ci, dans leur globalité ainsi qu'à titre individuel, n'étaient pas en mesure de modifier le simple résultat d'une opération mathématique.

Le canton de Schaffhouse reproche au Conseil fédéral d'avoir adopté le point de vue du préposé à la surveillance des prix et de n'avoir pris en considération les écarts permettant de tenir compte des spécificités cantonales qu'au moyen d'une formule de calcul peu flexible prévoyant pour seules variables les indices des salaires et des loyers. Ce faisant, le Conseil fédéral a ignoré que l'OFAS avait déjà communiqué à l'administration fédérale d'importantes objections à l'encontre de ce modèle. Dans sa prise de position du 22 septembre 1999, l'OFAS avait notamment objecté que ce modèle ne permettait pas de tenir compte des conditions économiques qui règnent en particulier dans les petits cantons. En outre, l'OFAS avait souligné que le modèle de calcul proposé par la Surveillance des prix n'incitait pas les partenaires tarifaires à rechercher une solution négociée, étant donné que la valeur du point appliquée en cas de recours est pratiquement connue d'avance.

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Le canton de Schaffhouse trouve totalement incompréhensible la situation de la région qu'il forme avec l'ouest de la Thurgovie et le Nord zurichois et qui connaît des conditions de travail largement homogènes et des loyers qui ne divergent que de manière marginale. En effet, pour le canton de Zurich, le Conseil fédéral a relevé la valeur du point de 1 à 1.03 francs et, pour le canton de Schaffhouse, de 0.95 à 0.97 franc. Dans le canton de Thurgovie, les négociations tarifaires avaient abouti à une valeur du point de 0.95 franc. C'est d'ailleurs par référence à ce chiffre que le canton de Schaffhouse avait fixé sa valeur du point. Étant donné que l'application de la formule de la Surveillance des prix donne une valeur du point de 0.90 franc pour le canton de Thurgovie, les assureurs-maladie ont naturellement dénoncé la convention tarifaire afin d'obtenir une réduction de la valeur du point. Le canton de Schaffhouse est d'avis que, dans la région frontalière entre les cantons de Thurgovie et de Zurich, le calcul de la valeur du point d'après la formule appliquée par le Conseil fédéral conduit à une différence de produit d'exploitation de 32 000 francs par an selon que le cabinet de physiothérapie modèle est situé sur le territoire de l'un ou de l'autre canton. Une telle différence est totalement disproportionnée puisqu'elle se reflète dans le revenu du propriétaire du cabinet et que le Conseil fédéral prévoit, dans ses calculs, que ce revenu ne s'élève en moyenne annuellement qu'à 70 000 francs.

Le canton de Schaffhouse fait valoir que, dans l'intérêt d'une répartition judicieuse des tâches entre la Confédération et les cantons, il faudrait donner prioritairement aux cantons la possibilité de laisser, dans le cadre des prescriptions nationales, leurs spécificités se refléter dans les tarifs. Chaque canton ferait usage de cette marge de manoeuvre en fonction de ses spécificités économiques et sociales ainsi qu'en fonction de sa politique d'accès aux soins. Le canton de Schaffhouse estime que, d'un canton à l'autre, la jurisprudence du Conseil fédéral a entraîné des différences de prix absurdes qui favorisent la concentration des fournisseurs de prestations dans les centres où l'offre est de toute manière déjà excédentaire et qui désavantagent systématiquement les petits cantons périphériques.
L'exemple de la valeur du point pour les tomographies à résonance magnétique à Schaffhouse En été 1998, un appareil d'imagerie par résonance magnétique (IRM) a été installé à l'hôpital cantonal de Schaffhouse. Il est exploité par le personnel de l'hôpital cantonal pour le compte d'un groupe d'investisseurs privés (MRS AG). Auparavant, l'hôpital de Schaffhouse faisait effectuer les examens par IRM à l'hôpital de la ville allemande voisine de Singen avec laquelle il avait conclu un accord. La situation ayant changé, les assureurs-maladie ont exigé la conclusion d'une nouvelle convention tarifaire. Étant donné qu'il n'a pas été possible de trouver une solution négociée, le canton de Schaffhouse a fixé la valeur du point à 3.49 francs, soit au niveau prévu par l'accord passé précédemment avec l'hôpital de Singen. Le 10 mai 2000, statuant sur le recours des assureurs-maladie, le Conseil fédéral a massivement réduit la valeur du point en la fixant à 2.24 francs. Dans sa décision sur recours, le Conseil fédéral a suivi dans une large mesure l'argumentation du préposé à la surveillance des prix qui avait proposé une valeur du point de 2.31 francs. Le Conseil fédéral a estimé que le taux d'utilisation de l'appareil pronostiqué était beaucoup trop bas et que la surcapacité en découlant ne pouvait par conséquent pas être financée par l'assurance-maladie. Il a donc déduit de la valeur du point le coût correspondant à cette surcapacité, appliquant en cela par analogie la disposition de la 272

LAMal relative aux conventions tarifaires avec les hôpitaux en vertu de laquelle la part des frais d'exploitation résultant d'une surcapacité ne doit pas être prise en compte (art. 49, al. 1, LAMal).

Le canton de Schaffhouse reproche au Conseil fédéral d'avoir voulu, en fixant à un niveau extrêmement bas la valeur du point pour les examens par IRM à Schaffhouse, lancer un signal à l'échelon national contre la prolifération d'appareils IRM qui sont perçus comme des facteurs d'augmentation des coûts de la santé. Selon le canton de Schaffhouse, le tarif fixé par le Conseil fédéral ne permettrait pas de couvrir à long terme les coûts d'exploitation d'un appareil IRM dans la région de Schaffhouse. Le canton reproche en outre au Conseil fédéral de considérer Schaffhouse comme une partie de la région zurichoise en ce qui concerne les examens par IRM, quand bien même ceux-ci entraînent des coûts plus élevés dans cette région que dans le canton de Schaffhouse. Ce dernier estime que, ce faisant, le Conseil fédéral ne tient pas compte des avantages qu'entraîne, au niveau de l'exploitation et des soins médicaux, la présence de cette importante technique de diagnostic dans un hôpital qui, comme celui de Schaffhouse, dispense des soins de base et des soins élargis. Le canton de Schaffhouse estime également que le Conseil fédéral favorise ainsi une concentration géographique de plus en plus poussée des soins médicaux et désavantage les régions périphériques. En outre, le canton de Schaffhouse interprète cette décision tarifaire isolée du Conseil fédéral comme une tentative d'éliminer, par une politique des prix ruineuse, un fournisseur de prestations ayant une grande importance stratégique pour le développement de la place hospitalière schaffhousoise.

Par ailleurs, le canton de Schaffhouse a été particulièrement gêné par le fait que le préposé à la surveillance des prix, qui avait recommandé une valeur de 2.31 francs dans le cas ­ faisant jurisprudence ­ de Schaffhouse, n'a pas jugé bon d'intervenir lorsque le gouvernement du canton - voisin - de Zurich a fixé à 3.10 francs la valeur du point pour les diagnostics par IRM dans les hôpitaux privés zurichois. Auparavant, les examens effectués au moyen des neuf appareils IRM zurichois étaient facturés avec une valeur du point variant entre 3.96 et 4.95 francs. La
décision isolée du Conseil fédéral au sujet de l'appareil IRM de Schaffhouse contreviendrait donc à ces principes généraux du droit que sont la proportionnalité, l'égalité devant la loi et l'interdiction de l'arbitraire.

La position du préposé à la surveillance des prix Le canton de Schaffhouse critique le fait que le préposé à la surveillance des prix a jusqu'ici exclu des recommandations, qu'il émet en matière de prix abusifs dans le domaine de la LAMal, certains aspects expressément mentionnés dans la loi, notamment l'évolution des prix sur des marchés comparables ou les situations particulières inhérentes au marché (art. 13, let. a et e, LSPr4). Selon le canton de Schaffhouse, le législateur a cherché consciemment à limiter l'influence du préposé à la surveillance des prix. En effet, l'art. 14. al. 2, LSPr, prévoit que l'autorité doit demander son avis au surveillant des prix et doit mentionner cet avis dans sa décision, mais il précise également que l'autorité demeure libre de s'en écarter à condition de motiver sa décision. Le canton de Schaffhouse estime que le législateur n'a pas voulu faire du préposé à la surveillance des prix une instance supérieure aux autorités compétentes. Il estime également que le Conseil fédéral contourne cette 4

Loi fédérale du 20 décembre 1985 concernant la surveillance des prix, LSPr (RS 942.20)

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norme en accordant au préposé à la surveillance des prix, dans le cadre de la procédure de seconde instance, un rôle de conseiller prioritaire par rapport à celui de toutes les autres autorités fédérales. Le canton de Schaffhouse reproche au Conseil fédéral d'accorder a priori plus de poids aux arguments du préposé à la surveillance des prix qu'à ceux de l'instance précédente (gouvernements cantonaux). De l'avis du canton de Schaffhouse, le droit qui permet à l'autorité compétente en matière d'autorisation de s'écarter des recommandations du préposé à la surveillance des prix devient ainsi quasiment une farce.

Compétences du Conseil fédéral en tant qu'instance de recours Le canton de Schaffhouse exige que la procédure en cas de désaccord tarifaire soit plus objective et moins politisée. Il estime que la plupart des problèmes mis en évidence seraient résolus si le rôle de l'instance de recours était assumé par un tribunal indépendant en lieu et place du Conseil fédéral. Il estime également que ce tribunal devrait se limiter à l'examen des faits et du droit, afin de permettre aux gouvernements cantonaux d'exercer effectivement les compétences que la LAMal leur attribue. Le canton de Schaffhouse propose enfin de désigner le Tribunal fédéral des assurances comme instance de recours.

3.1.2

Propositions du canton de Schaffhouse

Le canton de Schaffhouse présente quatre propositions (cf. p. 2 s. de la requête à l'autorité de surveillance): 1.

Il faut charger le Conseil fédéral de fonder ses décisions sur recours en matière tarifaire au sens de la LAMal sur des critères applicables à l'ensemble du territoire suisse et de respecter, lors de l'appréciation des particularité locales, la marge d'examen ayant permis à l'autorité inférieure (gouvernements cantonaux) de se distancer du niveau tarifaire national moyen.

2.

Il faut charger le Conseil fédéral d'accorder plus d'importance aux principes de l'égalité devant la loi et de la proportionnalité dans le cadre de ses décisions sur recours en matière tarifaire, en tenant compte de manière appropriée des tarifs appliqués à d'autres fournisseurs de prestations dans la même région, respectivement dans des régions limitrophes.

3.

Il faut inviter le Conseil fédéral à repenser le rôle du préposé à la surveillance des prix dans le cadre de la procédure de fixation des tarifs.

4.

Il faudrait éventuellement profiter de la révision en cours de la LAMal pour transférer au Tribunal fédéral des assurances (TFA) l'examen des recours contre les décisions tarifaires rendues par les gouvernements cantonaux.

3.2

Critiques formulées par la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS)

A l'instar du canton de Schaffhouse, la CDS critique le fait que, dans ses décisions sur recours en matière tarifaire, le Conseil fédéral ne suit les décisions des gouvernements cantonaux qu'à titre exceptionnel. La CDS fait remarquer qu'aux termes de 274

la loi, les cantons peuvent certes, dans des cas motivés, déroger aux recommandations du préposé à la surveillance des prix, mais que les décisions du Conseil fédéral donnent l'impression que les arguments des cantons ne sont jamais véritablement pris en compte. Selon la CDS, le Conseil fédéral reproche plutôt aux cantons dérogeant aux « normes nationales » de la Surveillance des prix d'agir dans leur propre intérêt et restreint ainsi leur marge de manoeuvre. Toujours selon la CDS, les cantons se voient en fait reconnaître comme seule et unique compétence l'adhésion aux recommandations de la Surveillance des prix, ce qui réduit à néant la procédure fixée par la loi. La CDS explique enfin qu'étant donné que la planification et la garantie de la prise en charge médicale relèvent de la souveraineté cantonale, les cantons pourraient légitimement s'attendre à ce que le Conseil fédéral accorde plus d'attention aux décisions tarifaires de première instance.

La CDS relève que le préposé à la surveillance des prix remplit sa mission première, qui consiste à empêcher des fixations de prix abusives, de manière absurde, puisqu'il ignore systématiquement les données spécifiques pour minimiser les dépenses des assureurs-maladie, ce qui représente, à ses yeux, le but suprême. Selon la CDS, les décisions du préposé sont d'ordre politique et non technique et il est parfois difficile de suivre le raisonnement à l'origine de ses recommandations.

La CDS souligne que l'instance de recours est ici un exécutif et non un tribunal indépendant. Elle estime par conséquent que le Conseil fédéral devrait veiller tout particulièrement à ce qu'aucune considération politique n'intervienne dans la prise de décisions. Or, selon la CDS, ce principe est régulièrement mis à mal par la référence systématique aux recommandations à connotation politique de la Surveillance des prix, ce qui altère encore d'avantage les relations entre la Confédération et les cantons.

La CDS estime enfin qu'à la veille de l'introduction du tarif médical TARMED, qui entraînera une multiplication des procédures de fixation tarifaire par les autorités, tous les milieux impliqués devraient montrer un véritable intérêt à une répartition plus équilibrée des rôles entre les gouvernements cantonaux et les autorités fédérales, respectivement le Conseil fédéral.

3.3

Avis du Conseil fédéral du 27 juin 2001

Dans son avis sur la requête à l'autorité de surveillance déposée par le canton de Schaffhouse, le Conseil fédéral réfute pratiquement toutes les critiques qui ont été formulées à son encontre. Il n'y a qu'au sujet du pouvoir de décision que le Conseil fédéral souligne que, dans son message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale5, il projette d'attribuer la compétence de traiter les recours dans le domaine de la LAMal au Tribunal administratif fédéral, ce qui répond aux attentes du Conseil d'État schaffhousois qui demande la mise en place d'une instance de recours judiciaire.

En ce qui concerne le grief selon lequel il ne respecterait pas suffisamment la marge d'appréciation des cantons, le Conseil fédéral insiste sur le fait qu'il a toujours fait preuve de retenue dans l'examen des conditions locales, cantonales ou régionales. Il rappelle toutefois que l'esprit de la LAMal et les règles procédurales lui donnent, en 5

Message du 28 février 2001; FF 2001 4000

275

cas de recours, le droit et le devoir d'examiner l'opportunité des décisions cantonales de première instance.

Au sujet du reproche critiquant le fait que, lorsqu'il est amené à fixer un tarif dans le cadre d'une procédure de recours, il ne tiendrait pas compte de manière appropriée des tarifs en vigueur pour d'autres fournisseurs de prestations de la même région, respectivement des régions limitrophes, le Conseil fédéral rappelle que, lorsqu'il traite un recours, il doit respecter la portée cantonale de la valeur du point, car elle est l'expression de la volonté des parties conventionnelles. Il rappelle également que les parties conventionnelles ont, en matière tarifaire, la compétence de définir des valeurs du point intracantonales pour certaines régions bien définies. Le Conseil fédéral souligne qu'il a tranché tous les recours concernant les valeurs du point des physiothérapeutes selon les mêmes critères.

Pour ce qui est de la fixation du tarif des tomographies à résonance magnétique pratiquées à l'hôpital de Schaffhouse, le Conseil fédéral relève qu'il s'agit du premier cas dans lequel il a été amené à contrôler la conformité à la LAMal d'un tarif relatif aux examens par IRM. Il précise que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir fait de ce dossier un cas d'école, ne serait-ce que parce qu'il n'est habilité à examiner un tarif que sur recours. Il affirme avoir avant tout fondé sa décision sur le principe légal du caractère économique qui prévaut en matière tarifaire. Selon le Conseil fédéral, la promotion économique régionale, le maintien de places de travail, les réflexions stratégiques et la volonté du canton de pouvoir offrir à sa population l'accès à un appareil médical de pointe ne font pas partie des objectifs de la LAMal.

Le Conseil fédéral explique s'être basé sur une recommandation du préposé à la surveillance des prix et avoir construit son raisonnement sur une charge minimale de 3400 examens par an. Il ajoute avoir également tenu compte du fait qu'avec environ 100 appareils IRM la Suisse présente une surcapacité financée par l'assurance maladie obligatoire. Il explique qu'il s'efforce de ne fonder ses décisions que sur des critères objectifs et juridiques et qu'il contribue ainsi à établir des tarifications qui se basent sur des critères homogènes et, partant, respectent les principes
de l'égalité devant la loi et de la conformité au droit fédéral. Selon le Conseil fédéral, la fixation de la valeur du point à 2.24 francs n'a en outre pas remis en cause l'existence de la société qui exploite l'appareil IRM installé à l'hôpital de Schaffhouse, puisque l'exercice 2000 de celle-ci s'est soldé par un excédent de recettes.

À la critique selon laquelle ses décisions sont unilatéralement basées sur les recommandations de la Surveillance des prix, le Conseil fédéral répond que ces recommandations de nature spécifiquement économique ont pour but d'assurer que les dispositions du droit fédéral déterminantes pour le calcul des tarifs sont généralement appliquées selon les mêmes critères à l'ensemble du territoire suisse. Selon le Conseil fédéral, il ne faut pas oublier qu'en tant qu'autorité spécialisée de la Confédération, la Surveillance des prix possède plus de distance par rapport à la matière que les assureurs, que les fournisseurs de prestations et surtout que les cantons, puisque ces derniers exploitent également des hôpitaux. Toujours selon le Conseil fédéral, le cas de l'appareil IRM de l'hôpital de Schaffhouse illustre parfaitement le double rôle extrêmement délicat que les cantons sont appelés à jouer. Le Conseil fédéral explique que le gouvernement cantonal ne saurait se réclamer du droit de fixer un tarif qui dérogerait à une recommandation de la Surveillance des prix pour des motifs étrangers à la LAMal tels que des aspects de la politique régionale, des réflexions stratégiques ou le maintien de places de travail, ou en procédant à une 276

comparaison injustifiée entre tarifs et en ignorant le principe légal du caractère économique auquel doit satisfaire la fixation des tarifs. Le Conseil fédéral rappelle qu'en février 2000, la Surveillance des prix s'est uniquement rangée à l'avis de la direction de la santé publique du canton de Zurich visant à baisser à 3.10 francs la valeur du point pour les prestations IRM des hôpitaux privés zurichois parce qu'elle n'était pas en mesure de procéder à un examen matériel. Et le Conseil fédéral de préciser que la Surveillance des prix n'est pas tenue de prendre position sur chaque demande.

3.4

Constatations basées sur les auditions du 24 octobre 2001

La sous-commission DFI/DETEC a invité la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires à déléguer des représentants cantonaux en vue d'une audition.

Parallèlement, des représentants de l'OFJ, de l'OFAS et de la Surveillance des prix ont été invités. Les représentants cantonaux ont été entendus ensemble, les représentants de la Confédération l'un après l'autre. Cinq types de questions leur ont été posées, soit des questions d'ordre général, des questions sur l'interprétation et la mise en oeuvre de la LAMal, des questions sur la position et le rôle de la Surveillance des prix, et enfin des questions sur la procédure et le tarif médical TARMED.

Les principaux résultats de ces auditions sont résumés ci-après.

3.4.1

Questions d'ordre générales

Les auditions des représentants des cantons ont révélé que leur mécontentement au sujet de la pratique du préposé à la surveillance des prix et de la jurisprudence du Conseil fédéral ne concerne pas seulement les tarifs ambulatoires, qui sont à l'origine de la requête auprès de l'autorité de surveillance, mais également et surtout les tarifs hospitaliers. Lors de la fixation de ces tarifs, il s'agit de déterminer la part des coûts devant être prise en charge d'une part par les assureurs et, d'autre part, par les cantons. Les cantons sont d'avis que, dans ce domaine, c'est avant tout pour des motifs politiques que la Surveillance des prix et le Département fédéral de l'intérieur tentent, au détriment des cantons, de maintenir le plus bas possible la part des coûts hospitaliers incombant aux assureurs-maladie, afin d'éviter les hausses des primes.

Les cantons ont souligné qu'ils sont disposés à entrer en matière sur la question des clés de répartition dans le cadre du débat politique et dans la transparence, mais qu'ils ne sont pas prêts à se laisser purement et simplement imposer la volonté du préposé à la surveillance des prix. Selon les cantons, le Conseil fédéral fonde ses décisions presque exclusivement sur les recommandations de ce dernier en invoquant les intérêts particuliers des cantons et, de ce fait, refuse d'emblée de reconnaître le rôle de première instance de décision que la LAMal attribue aux gouvernements cantonaux. Les cantons affirment qu'ils sont parfaitement conscients de leurs rôles multiples et précisent que la diversité des intérêts en jeu nécessite une évaluation, à laquelle ils sont d'ailleurs en mesure de procéder. Ils sont eux aussi opposés à une augmentation des primes, car elle entraînerait des effets sur les réductions de primes qu'ils consentent.

277

Les cantons ont principalement critiqué le fait que, à ce jour, le Conseil fédéral n'a pas encore rempli le mandat légal en vertu duquel il est tenu d'édicter une ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux.

Selon les cantons, le préposé à la surveillance des prix a, en lieu et place, développé des critères douteux que le Conseil fédéral reprend régulièrement, leur conférant ainsi un caractère impératif. Ils estiment que les critères du préposé à la surveillance des prix manquent également de précision et ne leur offrent pas une base suffisamment claire. Ils demandent à être consultés et veulent collaborer à l'élaboration de ces critères. En 2001, un projet de l'ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux et les établissements médico-sociaux dans l'assurance-maladie (OCP) a été mis en consultation auprès des cantons. Les cantons se sont montrés très critiques au sujet de ce projet qui, à leur avis, n'est pas suffisamment précis et n'apporte pas toute la clarté souhaitée. Ils lui reprochent en outre de ne tenir compte ni des avis des experts ni des propositions des cantons.

Pour leur part, l'Office fédéral des assurances sociales et la Surveillance des prix ont insisté sur le rôle double, et parfois même multiple, joué en matière tarifaire par les gouvernements cantonaux qui sont fournisseurs de prestations et bailleurs dans le domaine hospitalier, mais aussi autorité d'approbation et instance de décision. Ils reprochent aux cantons de défendre leurs propres intérêts dans le domaine des tarifs hospitaliers. Selon la Surveillance des prix, qui estime que la LAMal a provoqué un transfert de pouvoir, les caisses-maladie assument mieux leurs tâches qu'auparavant et sont devenues plus procédurières. Toujours selon la Surveillance des prix, la jurisprudence du Conseil fédéral a limité le pouvoir des gouvernements cantonaux.

L'Office fédéral de la justice est conscient de l'important potentiel conflictuel des décisions tarifaires que le Conseil fédéral a prises en vertu de la LAMal. Il considère la fonction jurisprudentielle, qui ne donne que le pouvoir de décider au cas par cas et ne permet pas d'édicter une réglementation générale et abstraite, comme une activité atypique du Conseil fédéral. L'OFJ estime que la délimitation
entre deux domaines de compétence est également problématique. L'assurance-maladie sociale est de la compétence de la Confédération, alors que la politique de la santé relève de la responsabilité des cantons. L'OFJ estime aussi que l'un des mécanismes de base de la LAMal, selon lequel les conventions tarifaires doivent être négociées entre les partenaires en présence, ne fonctionne pas. Il relève que la fixation souveraine des tarifs par les cantons, avec la possibilité de recourir au Conseil fédéral, est devenue la règle, alors qu'elle devrait être l'exception.

3.4.2

Interprétation et mise en oeuvre de la LAMal

Les cantons ont souligné que, dans le domaine de la fixation des tarifs, la LAMal laisse une large place à l'interprétation, puisqu'en matière de tarifs hospitaliers notamment, certaines notions telles que «coûts imputables», «part des frais d'exploitation résultant d'une surcapacité», «frais d'investissement» «frais de formation et de recherche» (art. 49, al. 1, LAMal) ou «comptabilité analytique» (Kos-

278

tenstellenrechnung)6 (art. 49, al. 6, LAMal) nécessitent une clarification. Selon les cantons, au lieu de préciser la définition de ces notions par voie d'ordonnance, comme la loi le prévoit, le Conseil fédéral a tenté de les rendre explicites par voie jurisprudentielle, en se basant régulièrement sur les définitions élaborées par la Surveillance des prix. Toujours selon les cantons, ces dernières manquent de clarté, sont éloignées de la pratique et sont partiellement inutilisables. Les cantons estiment enfin que l'interprétation de la LAMal par le Conseil fédéral ne leur aménage aucun pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les spécificités régionales de la planification et des soins médicaux, quand bien même ces deux domaines relèvent de leur compétence.

Selon le préposé à la surveillance des prix, les considérations économiques sont primordiales en matière tarifaire, et il n'y a par conséquent plus rien à évaluer dans le cas du tarif hospitalier selon l'art. 49 LAMal. La Surveillance des prix relève qu'en vertu de la dernière phrase de l'alinéa 1 de cet article 49, la part des frais d'exploitation résultant d'une surcapacité, les frais d'investissement ainsi que les frais de formation et de recherche ne peuvent pas être mis à la charge des caissesmaladie. Elle relève également que la pratique relative à l'art. 49 LAMal est devenue plus précise et que les marges de manoeuvre ont été réduites. Elle précise que cette évolution va dans le sens de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires, puisqu'elle confère une plus grande sécurité au droit par une jurisprudence cohérente du Conseil fédéral. La Surveillance des prix souligne qu'elle veille avant tout à émettre des recommandations conformes à la LAMal. Elle ajoute qu'elle développe ses méthodes de travail avec prudence, notamment celles qui lui permettent d'examiner le caractère économique des prestations en se basant sur des données qui sont pour l'instant encore rares.

Selon l'Office fédéral de la justice, le contrôle des coûts est un principe directeur de la jurisprudence du Conseil fédéral puisque la LAMal exige que les prestations soient efficaces, appropriées et économiques (art. 32 LAMal). Toujours selon l'OFJ, les recours en matière tarifaire soulèvent avant tout le problème du caractère économique des prestations. L'OFJ
relève que, dans le domaine des soins stationnaires (tarifs hospitaliers), la stratégie du Conseil fédéral est, au moins à première vue, un succès, puisque les coûts des soins hospitaliers n'ont subi qu'une augmentation marginale. Il relève également que, dans le cadre de sa jurisprudence, le Conseil fédéral a constaté qu'en l'absence d'une comptabilité transparente, il est difficile d'évaluer les coûts effectifs d'un hôpital. Il relève aussi que le Conseil fédéral a introduit des déductions pour manque de transparence, afin d'inciter les hôpitaux à mettre en place une comptabilité analytique. Il relève enfin qu'il a également défini des déductions pour des coûts, qui n'étaient pas imputables au sens de la LAMal, mais que les cantons n'avaient pas déduits pour autant.

6

Alors que la version allemande parle de «Kostenstellenrechnung», la version française se réfère à la «comptabilité analytique» (...). Si l'on part de la définition du terme utilisé en français (...), ce dernier comprend la comptabilité par coûts par nature (Kostenartenrechnung), par centres de coûts (Kostenstellenrechnung) et par unités finales d'imputation (Kostenträgerrechnung), c'est-à-dire la «Kostenrechnung». (FF 2001 744)

279

3.4.3

Position et rôle de la Surveillance des prix

Les cantons ont critiqué le fait que, dans le système actuel, le préposé à la surveillance des prix assume dans les faits un rôle d'instance de fixation des tarifs. En outre, ils reprochent au Conseil fédéral de reprendre régulièrement les recommandations conçues par le préposé comme de simples approches, et de les laisser faire ainsi jurisprudence. Les cantons ont également critiqué les relations que la Surveillance des prix entretient avec eux. Les cantons estiment en effet que, bien qu'ils y soient tenus par la LSPr, il ne leur est pas toujours possible de tenir compte de l'avis de la Surveillance des prix, étant donné que cette dernière refuse de communiquer certaines informations de base sur lesquelles elle fonde ses décisions. Selon les cantons, lorsqu'ils demandent au préposé à la surveillance des prix de leur fournir de plus amples explications au sujet d'une décision, il se retranche derrière l'argument selon lequel sa tâche a pris fin lors de la remise de la recommandation.

Les cantons reprochent également au préposé d'exiger la transparence dans le secteur hospitalier, sans jamais dire concrètement comment les coûts doivent être calculés et présentés.

De plus, les cantons déplorent le fait que le préposé à la surveillance des prix choisisse de manière arbitraire les conventions tarifaires au sujet desquelles il décide d'émettre des recommandations. Ils lui reprochent d'avoir même émis des recommandations alors que les partenaires tarifaires étaient parvenus à conclure un accord et expliquent par cette pratique le fait que les mêmes prestations sont soumises à des tarifs très différents les uns des autres. Ils soulignent que le Conseil fédéral a rappelé ne pouvoir intervenir à ce sujet que sur recours. De l'avis des cantons, il serait possible d'éviter des différences tarifaires choquantes si le préposé à la surveillance des prix respectait le principe de l'égalité de traitement et émettait des recommandations au sujet de toutes les conventions conclues.

Pour sa part, la Surveillance des prix estime jouer un rôle relativement important dans la jurisprudence du Conseil fédéral, grâce au crédit qu'elle a acquis en tant qu'autorité spécialisée. Elle pense que de nombreux cantons, sachant qu'elles sont conformes à la pratique de dernière instance, prennent ses prises de position au
sérieux. Elle pense également que son respect de la jurisprudence du Conseil fédéral explique que ce dernier confirme la plupart des positions du préposé. En outre, elle estime fonctionner à la manière d'une courroie de transmission des décisions du Conseil fédéral. Pour la Surveillance des prix, la pratique « consistante » qui a été développée ne contourne pas la LAMal, mais l'applique. La Surveillance des prix relève également que le Conseil fédéral ne l'a pas toujours suivie et rappelle qu'en ce qui concerne le tarif IRM du canton de Schaffhouse, la décision du Conseil fédéral a été plus sévère que la recommandation de la Surveillance des prix (valeur du point de 2.24 francs au lieu de 2.31 francs).

La Surveillance des prix a également insisté sur le fait qu'elle ne dispose que du droit d'émettre des recommandations et que le Conseil fédéral ne peut, pour sa part, agir que sur recours. Selon le préposé, cette situation a pour conséquence qu'un tarif jugé abusif pour un canton peut continuer d'être appliqué dans un autre canton.

Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il souligne qu'une augmentation des valeurs du point des tarifs de physiothérapie aurait entraîné une importante hausse des coûts. Il précise que les valeurs du point ont été examinées dans tous les

280

cantons en vertu de critères homogènes et que la Surveillance des prix a développé un instrument clair pour évaluer le coût de la vie dans chaque canton. L'OFAS explique que les professions dont les tarifs ont subi une baisse ne sont pas pénalisées, car cette dernière est généralement compensée par une augmentation du nombre de prestations fournies.

Selon l'Office fédéral de la justice, le Conseil fédéral a eu beaucoup de mal à définir une jurisprudence relative aux notions techniquement complexes de la LAMal.

Toujours selon l'OFJ, le Conseil fédéral s'est appuyé sur la Surveillance des prix parce qu'elle est, au sein de l'administration fédérale, l'instance possédant le plus grand savoir-faire en matière de gestion d'entreprise, et parce qu'il aurait été pratiquement impossible de trouver des experts indépendants agréés par les deux parties.

L'OFJ précise que le Conseil fédéral n'a pas suivi le préposé à la surveillance des prix aveuglément, mais que les arguments de ce dernier se sont généralement révélés convaincants.

En outre, l'OFJ estime qu'il est impératif que les services impliqués dans la fixation des tarifs hospitaliers ­ l'OFAS, la Surveillance des prix et les cantons ­ parviennent à se mettre d'accord sur un modèle de comptabilité analytique avec des centres de coûts et des unités finales d'imputation. Selon l'OFJ, le Conseil fédéral ne peut pas éternellement poursuivre la pratique selon laquelle, chaque fois qu'il constate un manque de transparence en matière de coûts, il aménage une marge de sécurité en pratiquant une déduction sur le tarif hospitalier. Toujours selon l'OFJ, la situation restera insatisfaisante tant qu'il n'aura pas été possible de rapprocher les cantons et le préposé à la surveillance des prix.

Le cas de la valeur du point pour les tomographies à résonance magnétique à Schaffhouse La Surveillance des prix prétend avoir remarqué depuis longtemps que les tarifs IRM étaient exagérés et avoir, pour cette raison, décidé d'examiner cette question à la prochaine occasion. Elle précise que celle-ci lui a été justement livrée par Schaffhouse.

La Surveillance des prix explique que, dans le cas du canton de Zurich où le gouvernement cantonal a fixé à 3.10 francs la valeur du point pour les examens par IRM effectués dans des hôpitaux privés, elle a, pour des raisons
pratiques et en application de la maxime « mieux vaut un tien que deux tu l'auras », renoncé à se battre pour un tarif plus bas comme à Schaffhouse. La Surveillance des prix justifie en outre son renoncement par le fait qu'en vertu de ses recommandations la prochaine introduction du TARMED devrait baisser partout la valeur du point jusqu'au niveau de Schaffhouse. La Surveillance des prix explique enfin que ses capacités limitées ne lui permettent pas d'intervenir dans chaque cas.

3.4.4

Questions d'ordre procédural

Selon les cantons, le problème réside ici avant tout dans la jurisprudence du Conseil fédéral et dans la durée excessive de la procédure (le Conseil fédéral dépasse régulièrement la durée prévue par la loi qui est au maximum de quatre, voire huit mois selon l'art. 53 LAMal). Ils estiment que l'autorité de recours à l'échelon fédéral devrait se limiter à examiner les décisions attaquées sous l'angle du droit. Ils esti281

ment également que le préposé à la surveillance des prix devrait être maintenu dans sa fonction première de surveillant des prix et qu'il faudrait éviter de lui faire jouer le rôle d'une instance de fixation de tarifs. De l'avis du canton de Vaud, la réglementation actuelle, selon laquelle le Conseil fédéral est la première et l'unique instance de recours, viole le principe de l'indépendance des tribunaux ancré à l'art. 6 CEDH7. Le canton de Vaud pense que, pour satisfaire à ce principe, il faudrait créer, à l'échelon fédéral, une commission de recours spécialisée ou qu'il faudrait, comme le prévoit la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, designer le Tribunal administratif fédéral comme instance de recours. Le canton de Vaud pense aussi que l'instance de recours de la Confédération devrait se limiter à l'examen des faits et du droit, et qu'il faudrait renoncer à instituer une instance supplémentaire à l'échelon cantonal.

La Surveillance des prix trouve problématique la double casquette des cantons qui sont à la fois fournisseurs de prestations et arbitres. Selon la Surveillance des prix, des tarifs élevés et une importante couverture des coûts par les assureurs-maladie sont dans l'intérêt des gouvernements cantonaux, ce qui explique d'ailleurs que le Conseil fédéral revoit souvent les tarifs. La Surveillance des prix estime que l'homogénéité de la jurisprudence du Conseil fédéral permet souvent de prévoir l'issue des recours dont il est appelé à connaître. La Surveillance des prix regrette toutefois que cette jurisprudence ne rencontre pas l'assentiment des gouvernements cantonaux.

Etant donné que les tarifs sont étroitement liés aux soins médicaux qui relèvent des cantons, l'Office fédéral des assurances sociales ne voit pas d'autre solution que de confier la juridiction de première instance aux gouvernements cantonaux. L'OFAS estime d'ailleurs qu'il n'existe actuellement pas d'instance indépendante susceptible de jouer un tel rôle et que les cantons refuseraient de laisser les tribunaux administratifs fonctionner en tant qu'autorités de recours cantonales. Selon l'OFAS, un système d'appréciation uniforme des tarifs cantonaux est indispensable, et la jurisprudence du Conseil fédéral constitue justement un tel système. Toujours selon l'OFAS, le Conseil fédéral a eu raison de
renoncer à codifier les lacunes de la loi pour concrétiser la LAMal par voie jurisprudentielle.

La Surveillance des prix n'est pas favorable à la création d'une instance supplémentaire, ne serait-ce que parce que cela rallongerait encore la procédure actuelle.

La Surveillance des prix estime en outre que le Conseil fédéral doit, en tant qu'instance de recours unique, disposer d'une pleine cognition pour répondre aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'Office fédéral de la justice s'est efforcé de comprendre le mécontentement des cantons. Il estime toutefois qu'en matière tarifaire, où les cantons ont des intérêts particuliers, le Conseil fédéral doit, en vertu du principe de l'équité, examiner avec un grand soin les décisions cantonales de première instance, afin de s'assurer que les autres acteurs n'ont pas été défavorisés. Selon l'OFJ, il serait certes envisageable de faire intervenir un tribunal cantonal ou d'instituer une instance de recours à l'échelon fédéral, mais de telles mesures ne permettraient pas de répondre aux principales questions soulevées par les cantons dans cette requête.

7

282

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101)

3.4.5

TARMED

La Surveillance des prix pense qu'une procédure semblable à la procédure de fixation du tarif des physiothérapeutes sera mise en place. Selon la Surveillance des prix, il faudra donc commencer par calculer la valeur modèle du point servant de référence au niveau national. Toujours selon la Surveillance des prix, le fait que les prestations ambulatoires fournies par les hôpitaux devront être facturées au même tarif que les prestations ambulatoires fournies par les cabinets privés posera problème. La Surveillance des prix ne sait pas encore à quel moment elle rendra sa prise de position. Elle rappelle l'existence du principe de la primauté des négociations au niveau cantonal.

De l'avis de l'Office fédéral de la justice, il est essentiel que le Conseil fédéral ne laisse aucune question ouverte lors de l'approbation du tarif cadre TARMED. Le Département fédéral de l'intérieur, dont relève cette matière, et le préposé à la surveillance des prix, qui est appelé à donner son avis, devraient, selon l'OFJ, soumettre les questions sur lesquelles ils n'arrivent pas à se mettre d'accord au Conseil fédéral qui devrait les trancher sans attendre qu'elles fassent l'objet d'un recours, comme cela a été le cas pour les physiothérapeutes. L'OFJ estime que, si les choses se passent ainsi, le nombre de recours déposés restera raisonnable. Il estime également qu'il faudra commencer par fixer, pour toute la Suisse, une valeur du point de référence dont les cantons pourront s'écarter. En ce qui concerne ces écarts, l'OFJ rappelle que le Conseil fédéral a développé une jurisprudence (tenant compte des indices cantonaux des loyers et des salaires) au fil des décisions relatives aux valeurs du point des prestations des physiothérapeutes. L'OFJ n'exclut toutefois pas la prise en compte d'autres indices macroéconomiques dans les futures décisions du Conseil fédéral. L'OFJ part du principe que le TARMED s'appliquera sur l'ensemble du territoire suisse, car il lui paraît inimaginable que certains groupes de médecins tendent de négocier leurs propres tarifs avec les assureurs-maladie, alors que le TARMED a déjà nécessité dix années de tractations. Dans la mesure où les partenaires tarifaires parviendront à se mettre d'accord sur une valeur du point de référence applicable à l'ensemble du territoire suisse, l'OFJ envisagera d'en
faire la valeur provisoire du point pour la durée de la procédure. L'OFJ reconnaît que, dans le cas des physiothérapeutes, il n'aurait peut-être pas fallu choisir comme valeur provisoire du point la valeur la plus basse acceptée par les assureurs. L'OFJ a laissé entendre que les futures procédures ne dureraient pas plus de huit mois pour autant que ce délai permette de respecter le droit d'être entendu des nombreuses parties à ces procédures.

4

Considérations et conclusions de la commission

La démarche inhabituelle qu'ont faite les cantons en s'adressant au Parlement révèle un profond malaise qu'il s'agit de prendre au sérieux. La commission estime qu'il est fondamental pour la cohésion de l'Etat fédéral que la Confédération et les cantons se respectent mutuellement et prennent en compte le partage des compétences.

Elle a donc décidé d'entrer en matière sur la requête qu'elle a reçue en tant qu'autorité de haute surveillance et de tenter de dégager, d'une part, les causes du conflit et, d'autre part, des solutions viables. La commission renonce certes à se

283

prononcer sur chaque grief et à mener un examen matériel des décisions contestées du Conseil fédéral. Dans un souci de contrôle de la tendance générale, elle se penchera toutefois sur certains aspects de la jurisprudence du Conseil fédéral et sur leurs répercussions.

4.1

Répartition des tâches entre la Confédération et les cantons

Problèmes de délimitation du droit cantonal et du droit fédéral En vertu de la répartition des compétences inscrite dans la Constitution fédérale (art. 3 Cst.), la desserte en soins constitue une tâche publique à la charge des cantons. Toujours selon la Constitution fédérale (art. 117), l'assurance-maladie et l'assurance-accidents sont du ressort de la Confédération. L'étroitesse des rapports existant entre ces deux domaines entraîne fréquemment des problèmes de délimitation des compétences. Ainsi, dans le domaine de la planification hospitalière, l'art. 39 de la LAMal stipule que, pour être admis à administrer des soins à la charge de l'assurance-maladie obligatoire, les hôpitaux doivent notamment correspondre à la planification cantonale visant à couvrir les besoins en soins hospitaliers, et figurer sur les listes d'hôpitaux cantonales. Il restait à déterminer si les décisions rendues par les cantons dans ces domaines constituent du droit cantonal autonome ou du droit fédéral exécuté par les cantons. A ce propos, le Tribunal fédéral des assurances a établi dès août 1996, lors d'un échange de vues avec l'OFJ, que la planification hospitalière et l'aménagement des listes d'hôpitaux relevaient de la compétence exclusive des cantons. La jurisprudence du Conseil fédéral relative aux listes d'hôpitaux révèle d'ailleurs qu'il ne s'est immiscé qu'avec retenue dans la planification hospitalière cantonale. La planification hospitalière et les listes d'hôpitaux faisant l'objet d'une enquête séparée de la Commission de gestion, il n'en sera plus question dans la suite de ce rapport.

La délimitation des compétences pose également problème dans le secteur de la fixation des tarifs, car ces derniers sont en rapport étroit avec la desserte en soins qui relève des cantons. Dans l'esprit de la LAMal, il incombe en premier lieu aux partenaires contractuels de s'entendre sur les tarifs (primauté des conventions et des négociations). Les conventions tarifaires nécessitent toutefois l'approbation des gouvernements cantonaux ­ à moins d'avoir une portée nationale. Les gouvernements cantonaux ne sont autorisés à intervenir pour imposer un tarif que si aucun accord n'aboutit. Leur décision est alors attaquable par voie de recours au Conseil fédéral.

En désignant les gouvernements cantonaux comme autorités d'approbation
et instances de fixation tarifaire, le législateur a voulu garantir la prise en compte des particularismes cantonaux et des divers besoins en soins.

La règle devient l'exception et les exceptions deviennent la règle Les fournisseurs de prestations et les assureurs ne parvenant souvent pas à s'entendre contractuellement, la règle est pratiquement devenue l'exception. Dans de nombreux cas, les gouvernements cantonaux ont été contraints d'imposer les tarifs. La plupart de ces décisions ont fait l'objet d'un recours au Conseil fédéral. Vu l'existence de la liberté contractuelle entre partenaires tarifaires, le législateur n'avait pas jugé bon d'établir des critères précis et des repères pour calculer les 284

tarifs. Pour garantir une jurisprudence cohérente et uniforme, le Conseil fédéral a donc dû élaborer les critères manquants en partant des cas isolés qui lui étaient soumis par voie de recours, et en en dégager progressivement des règles. Il en est résulté une longue période d'insécurité juridique pour tous les acteurs impliqués, c.-à-d.

aussi bien les fournisseurs de prestations que les assureurs et que les gouvernements cantonaux en tant qu'instances précédentes. Ce mécanisme explique aussi que le Conseil fédéral ait eu besoin de délais sensiblement plus longs que ceux prévus dans la LAMal pour statuer sur les recours (il n'a pratiquement jamais respecté les délais de quatre, et huit mois prescrits à l'art. 53, al. 3, LAMal). Le même scénario s'est répété dans le cas des listes d'hôpitaux, des tarifs hospitaliers et enfin des tarifs admis pour les fournisseurs de prestations ambulatoires (p. ex. physiothérapeutes).

Dans les années 1996 à 2001, le Conseil fédéral n'a confirmé que 24 % des décisions tarifaires rendues par les gouvernements cantonaux. Dans 55 % des cas, il a lui-même fixé de nouveaux tarifs et, dans 15 % des cas, il a annulé les décisions cantonales ou les a renvoyées pour nouvelle décision. Cette tendance a été encouragée par le très large usage que le Conseil fédéral a fait des dispositions procédurales de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA)8 lui accordant un plein pouvoir d'examen lorsqu'il est l'unique instance de recours, ainsi que par l'interaction entre la jurisprudence du Conseil fédéral et la Surveillance des prix (voir le ch. 4.3 consacré à la Surveillance des prix). Une telle évolution, qui n'était pas prévue dans le message du Conseil fédéral concernant la LAMal, a eu pour effet de dépouiller les cantons de la prérogative de fixer les tarifs pour la confier à la Confédération.

Rôles multiples et intérêts directs des cantons Les organes concernés de l'administration fédérale ont souligné à maintes reprises les rôles multiples des gouvernements cantonaux ainsi que leurs intérêts directs dans le secteur des tarifs hospitaliers, en tant que fournisseurs de prestations, bailleurs de fonds, ainsi qu'autorités d'approbation et de décision. Le Conseil fédéral signale luimême, dans sa réponse du 27 juin 2001, que le canton de Schaffhouse se livre à un double
jeu périlleux, dans le cas des IRM, puisque son Conseil d'Etat défend également les intérêts de la société anonyme privée qui exploite l'appareil IRM de l'hôpital cantonal schaffhousois.

Conclusions La commission constate que la délimitation des compétences entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la LAMal recèle un important potentiel de conflits et que, face à la complexité de la matière, le système fédéraliste touche à ses limites.

Elle considère donc que la résolution des conflits passe par le respect mutuel des compétences et l'aptitude à emprunter, chaque fois que cela s'avère possible, la voie de la négociation.

Etant donné la répartition des tâches fixée dans la LAMal et la primauté des négociations voulue par le législateur, on peut se demander s'il était réellement nécessaire et indiqué que le Conseil fédéral annule toutes les décisions que les gouvernements cantonaux ont rendues au sujet des physiothérapeutes et qui ont fait l'objet d'un recours, et fixe lui-même la valeur du point, en ne corrigeant parfois que de manière minime la valeur fixée par l'instance précédente (p. ex. passage de 0,95 à 8

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (RS 172.021)

285

0,97 franc dans le cas du canton de Schaffhouse). En effet, si les partenaires tarifaires étaient parvenus à s'entendre dans les cantons et avaient conclu les conventions visées par le législateur, les valeurs du point appliquées auraient varié en fonction des bases de calcul adoptées par chaque canton. Dans ces conditions, on ne comprend que difficilement que le Conseil fédéral ait rejeté les valeurs du point imposées par les cantons pour pallier le vide tarifaire. Il les a déclarées non conformes à la LAMal ou inappropriées parce qu'elles ne correspondaient pas exactement au modèle de calcul, d'ailleurs contesté, qu'avait préconisé le préposé à la surveillance des prix pour évaluer une notion que la LAMal utilise sans jamais la définir : le caractère économique des prestations.

La LAMal oblige indéniablement les cantons à défendre des intérêts parfois contradictoires. En leur imposant ces rôles multiples, le législateur était toutefois conscient de créer des risques de conflits. Il est légitime que le Conseil fédéral prenne cette problématique en considération dans sa jurisprudence, à condition que les autorités fédérales n'en tirent pas argument pour entamer la crédibilité des cantons, car cela irait à l'encontre du respect réciproque que se doivent la Confédération et les cantons et violerait le principe de coopération ancré dans le système fédéraliste. Les cantons reprochent au Conseil fédéral d'ignorer a priori dans sa jurisprudence le rôle dévolu aux gouvernements cantonaux en tant qu'instances précédentes, en prenant prétexte de la multiplicité de leurs fonctions. La Commission de gestion regrette que les cantons aient pu avoir l'impression que le Conseil fédéral se livre à cette pratique inacceptable, mais ne se prononce pas sur le bien-fondé d'un tel reproche. Elle est favorable au désenchevêtrement des intérêts des cantons que prévoit partiellement l'actuelle révision partielle de la LAMal portant sur le secteur du financement des hôpitaux.

La Commission de gestion ajoute que le Conseil fédéral assume lui aussi des rôles multiples, puisqu'il est d'une part organe d'exécution de la LAMal et de la LSPr et, d'autre part, instance juridictionnelle. Elle estime que le Conseil fédéral devrait examiner plus en détail dans quelle mesure cette multiplicité des rôles a modifié, en faveur de la
Confédération, la clef de répartition des compétences entre les cantons et la Confédération prescrite par la Constitution fédérale et la LAMal dans le domaine tarifaire.

La Commission de gestion constate en outre que, dans ce secteur, la délimitation entre le droit cantonal et le droit fédéral est souvent floue et sujette à litiges. Etant donné que le Conseil fédéral ­ qui est directement concerné en tant qu'autorité politique ­ rend, en la matière, des décisions de dernière instance, il n'est pas possible de faire examiner cette question par un tribunal indépendant.

4.2

Interprétation et application de la LAMal

Notions juridiques indéterminées Les autorités chargées de la fixation des tarifs ­ soit les cantons, ou le Conseil fédéral dans les procédures de recours ­ doivent veiller à ce que l'offre en soins soit appropriée et d'un haut niveau qualitatif, tout en étant le plus avantageuse possible (art. 43, al. 6, LAMal). Les tarifs doivent en outre être fixés selon les règles applicables en économie d'entreprise et structurés de manière appropriée (art. 43, al. 4, LAMal). Quant à l'autorité chargée de l'approbation des conventions tarifaires, elle 286

doit vérifier leur conformité à la loi, ainsi qu'aux principes d'équité et d'économie (art. 46, al. 4, LAMal). Les coûts imputables dans les tarifs hospitaliers sont établis lors de la conclusion des conventions. La part des frais d'exploitation résultant d'une surcapacité, les frais d'investissement et les frais de formation et de recherche ne sont pas pris en compte (art. 49, al. 1, LAMal).

Les dispositions précitées contiennent de nombreuses notions juridiques indéterminées que le Conseil fédéral aurait pu ou dû préciser par voie d'ordonnance. Ainsi, selon l'art. 43, al. 7, LAMal, le Conseil fédéral aurait pu «établir des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une saine gestion économique et structurés de manière appropriée; il [aurait pu] aussi établir des principes relatifs à leur adaptation». En ce qui concerne l'établissement des coûts imputables dans les tarifs hospitaliers, le Conseil fédéral aurait dû édicter les dispositions nécessaires au calcul des coûts et au classement des prestations, en vertu de l'art. 49, al. 6, LAMal. A ce jour, il n'a toujours pas rempli ce mandat légal dont il est en charge depuis l'entrée en vigueur de la LAMal en 1996 (un projet d'ordonnance sur l'établissement des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux et les établissements médico-sociaux [EMS] dans l'assurance-maladie [OCP] a été mis en consultation l'année dernière et devrait être prochainement adopté par le Conseil fédéral).

Interprétation de certaines notions juridiques De l'avis du Conseil fédéral, il est primordial de respecter le principe d'économie lors de la fixation ou de l'approbation des tarifs («le plus avantageux possible») pour atteindre l'objectif de maîtrise des coûts inscrit dans la LAMal. Le caractère « approprié » et le « haut niveau» qualitatif des soins passent ainsi au deuxième rang, et l'on peut légitimement se demander si une telle hiérarchie des critères fait sens là où les tarifs ont une très forte incidence sur la structure des soins et leur qualité, et si elle correspond au triple objectif de la LAMal: garantir l'accès à des soins médicaux de haut niveau pour un coût supportable par chacun, réaliser la solidarité entre assurés et maîtriser les coûts de la santé.

Dans le cas du tarif IRM de Schaffhouse, le Conseil fédéral s'est
sans doute intéressé aux soins médicaux dispensés à la population, mais uniquement dans l'optique d'éviter les surcapacités existant sur le plan suprarégional, voire suisse. Il n'a pas retenu les arguments de Schaffhouse en faveur du maintien d'une offre médicale de qualité dans son hôpital cantonal. Dans ses réflexions sur les besoins en appareils IRM au niveau suisse, on peut par contre lire en filigrane que le Conseil fédéral espérait que la fixation d'un tarif bas permettrait d'éliminer l'appareil incriminé de Schaffhouse et de réaliser ainsi un assainissement structurel. Cf. réponse du Conseil fédéral à l'interpellation Wenger (00.3237 Ip. Tomographes à résonance magnétique. Tarifs).

Tout effort pour limiter les appareils médicaux onéreux peut certes être légitimé par le fait qu'il tend à une meilleure maîtrise des coûts. Mais un tel raisonnement expose inévitablement le Conseil fédéral à des conflits avec les autorités cantonales compétentes en matière de planification de la structure et des besoins médicaux. Le canton de Schaffhouse estime particulièrement choquant que cette argumentation apparaisse dans une décision isolée et non dans le cadre de principes généraux qui sont valables pour tous, en même temps, et dans la même mesure. Une planification suprarégionale des besoins exigeant aussi la prise en compte d'éléments d'économie et de 287

politique structurelle, elle conclurait peut-être à la nécessité de réduire les surcapacités, mais plutôt dans le centre médical zurichois que dans la région périphérique de Schaffhouse. La Commission de gestion souhaite qu'une telle planification des besoins soit élaborée rapidement. Reste à savoir si la compétence du Conseil fédéral de fixer des tarifs dans des cas isolés constitue en l'espèce une base légale suffisante.

La fixation des tarifs hospitaliers recèle un potentiel de conflits tout particulier, parce qu'il y est essentiellement question de la répartition des coûts entre les assureurs et les cantons. Les tarifs hospitaliers au sens de la LAMal déterminent la participation aux coûts des caisses-maladie, et donc des payeurs de primes. Dans le système de financement des hôpitaux encore en vigueur, les coûts non couverts sont à la charge des cantons, et par conséquent des contribuables. Le passage, que prévoit l'actuelle révision partielle de la LAMal, au financement des prestations et à la prise en charge des coûts par les cantons et les assureurs à parts égales, ainsi que le délai introduit par le Conseil des Etats pour l'élaboration d'un modèle de financement «moniste», pourraient entraîner un apaisement de ce conflit.

Effet des décisions tarifaires sur la maîtrise des coûts La Commission de gestion accorde une grande importance à l'objectif de maîtrise des coûts inscrit dans la LAMal. A ce sujet, elle renvoie au rapport qu'elle a élaboré sur la base d'une étude de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) consacrée aux répercussions de la LAMal sur la maîtrise des coûts, dans le domaine des listes d'hôpitaux. Dans le cadre de ses décisions tarifaires, le Conseil fédéral a poursuivi de manière assidue l'objectif de la maîtrise des coûts et a contribué à la relative stabilité des coûts enregistrée dans le domaine ambulatoire (sauf soins ambulatoires en milieu hospitalier) et en clinique durant les dernières années.

Les investigations ayant conduit au présent rapport ne permettent pas à la Commission de gestion de dire de manière définitive si les coûts auraient subi globalement une plus forte augmentation sans les nombreuses décisions tarifaires du Conseil fédéral qui ont plus souvent entraîné une correction des tarifs vers le bas que vers le haut. Mais la Commission
de gestion a réuni des indices semblant démontrer que les économies de coûts ont été finalement annulées par l'augmentation du volume des prestations entraînée par le maintien de tarifs avantageux dans le secteur ambulatoire. Dans le secteur des tarifs hospitaliers, la pression a entraîné des transferts vers les secteurs ambulatoires en milieu hospitalier et semi-hospitalier. Telle est aussi la conclusion d'une étude d'INFRAS commandée par l'OFAS et datant de juin 2000 (Auswirkungen des KVG im Tarifbereich, p. 145 s., non traduit). La fixation des tarifs en fonction des frontières cantonales entraîne parfois des prix surfaits, par exemple à la périphérie du canton de Zurich où le prix des loyers et les coûts salariaux sont nettement moindres que dans l'agglomération zurichoise.

Conclusions La Commission de gestion conclut que le Conseil fédéral n'a pas rempli dans les délais le mandat légal pourtant clair exigeant la promulgation d'une ordonnance sur l'établissement des coûts et le classement des prestations. Quant à la fixation économique des tarifs en général (art. 43, al. 7, LAMal), lorsque le flot de recours a révélé que le principe de la primauté des négociations n'était pas respecté et que la balle allait ainsi se trouver dans le camp fédéral, le Conseil fédéral aurait été bien inspiré d'édicter au plus vite des dispositions réglementaires. Mais le Conseil fédéral a préféré concrétiser les notions contestées par le biais de la jurisprudence. On peut 288

d'ailleurs se demander s'il a choisi l'échelon normatif le plus approprié et s'il a agi en accord avec le principe de la légalité. La Commission de gestion souhaiterait que le Conseil fédéral examine cette question de plus près ou mandate un expert juridique à cette fin.

S'il avait promulgué suffisamment tôt des normes réglementaires à caractère général et abstrait, le Conseil fédéral aurait procuré aux partenaires tarifaires et aux cantons une certaine sécurité juridique et se serait probablement épargné de nombreux recours. Avant la promulgation de ces ordonnances, il aurait pu mieux respecter la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en faisant un usage plutôt retenu de sa marge d'appréciation, notamment dans les secteurs dans lesquels les cantons possèdent des compétences.

Dans ses décisions sur recours, le Conseil fédéral (et ultérieurement le Tribunal administratif fédéral) pourrait exiger le respect, en tant que normes de droit fédéral, des consignes claires qu'il aurait émises à l'échelon réglementaire. En élaborant ces dispositions, le Conseil fédéral ne saurait perdre de vue l'objectif suprême de la LAMal, la maîtrise des coûts, un objectif vers lequel d'ailleurs aussi bien les cantons que la Confédération doivent tendre.

4.3

Position et rôle de la Surveillance des prix

Position de la Surveillance des prix découlant de la loi et de la jurisprudence La Surveillance des prix remplit son mandat légal dans le cadre de la fixation des tarifs prévue par la LAMal. Vu qu'une convention tarifaire est considérée comme une entente en matière de concurrence, le gouvernement cantonal doit prendre l'avis du préposé à la surveillance des prix avant de l'approuver ou de fixer un tarif impératif (art. 14, al. 1, LSPr). La Surveillance des prix peut recommander de renoncer entièrement ou partiellement à une augmentation de prix ou d'abaisser un prix maintenu abusivement. Quant au gouvernement cantonal, il doit mentionner cette recommandation dans sa décision d'approbation ou de fixation d'un tarif et il doit, s'il s'en écarte, s'en expliquer (art. 14, al. 2, LSPr). En pratique, le Conseil fédéral laisse la Surveillance des prix déterminer très librement sur lesquels, parmi les tarifs qui lui sont soumis, elle souhaite se prononcer, afin de lui permettre d'utiliser ses ressources de manière efficace (RAMA 1997, p. 220 ss, cons. 4).

Le Conseil fédéral reconnaît à la Surveillance des prix une position forte dans sa jurisprudence. En évaluant les tarifs litigieux, il donne un poids particulier aux rapports officiels du préposé à la surveillance des prix et ne s'écarte en principe que de ceux qui reposent sur une interprétation erronée du droit fédéral ou qui comportent des constatations objectivement fausses, des lacunes ou des contradictions. Le Conseil fédéral donne tout autant de poids aux recommandations du préposé à la surveillance des prix dont les gouvernements cantonaux, en tant qu'instances précédentes, se sont écartés, à moins qu'ils n'y aient été poussés par des raisons spéciales telles que des particularités locales (RAMA 1997 p. 343 ss, cons. 4.6). Le Conseil fédéral justifie cette pratique en expliquant que l'application du droit fédéral déterminant pour le calcul des tarifs doit en principe se fonder sur des critères uniformes. Il estime également que les rapports officiels du préposé à la surveillance des prix témoignent d'une connaissance des faits qui fait défaut à l'autorité de décision. Dans son avis du 27 juin 2001, p. 7, le Conseil fédéral constate en outre que la Sur289

veillance des prix possède, en tant qu'organe spécialisé de la Confédération, plus de distance par rapport à la matière que les assureurs, que les fournisseurs de prestations et surtout que les cantons, puisque ces derniers exploitent également des hôpitaux .

Conclusions Sous l'angle de l'objectif de maîtrise des coûts, il est souhaitable que la Surveillance des prix se voie, de manière générale, reconnaître une position forte. Toutefois, l'étude INFRAS de juin 2000 (Auswirkungen des KVG im Tarifbereich, p. 145 ss, non traduit) amène à relativiser le rôle que la Surveillance des prix a pu jouer jusqu'ici en matière de réduction des coûts (voir plus haut, ch. 4.2). La Surveillance des prix examine avant tout les tarifs sous l'angle microéconomique. Elle doit toutefois tenir compte d'éventuels intérêts publics supérieurs (art. 14, al. 3, LSPr) et évaluer ces derniers dans le cadre de ses recommandations. On peut se demander si le Conseil fédéral ne devrait pas accorder la même importance aux résultats de l'évaluation menée par les cantons et à ceux obtenus par la Surveillance des prix.

Lors de la fixation des tarifs, qui touche aussi à la politique de desserte en soins, il faudrait aussi tenir compte d'autres aspects que ceux qui relèvent purement de la gestion d'entreprises.

La position forte de la Surveillance des prix n'avait pas frappé lors de la création de la LAMal, parce que l'on partait de la primauté des conventions. Le message du Conseil fédéral concernant la LAMal du 6 novembre 1991 (FF 1992 162 ss) n'évoque point la manière dont la situation a évolué depuis. En demandant à la Surveillance des prix d'élaborer des critères universels pour préciser les nombreuses notions juridiques indéterminées figurant dans la LAMal, le Conseil fédéral, respectivement l'organe d'instruction rattaché à l'OFJ, a encore renforcé la position de la Surveillance des prix.

La très grande importance que le Conseil fédéral accorde aux recommandations du préposé à la surveillance des prix a contribué à affaiblir la primauté des conventions et des négociations. Dans le cas de la valeur des points de taxe des physiothérapeutes, le modèle de calcul élaboré par la Surveillance des prix laissait si clairement prévoir une décision du Conseil fédéral, que les partenaires tarifaires n'étaient guère disposés à adopter
des solutions conventionnelles différentes. Etant donné que la Surveillance des prix occupe une position forte, elle risque, en intervenant de manière irrégulière et uniquement sporadique, de créer des distorsions du marché et des situations choquantes pour certains partenaires tarifaires ou dans certaines zones de frontières intercantonales.

La Commission de gestion ne s'est pas penchée de manière approfondie sur le reproche des cantons selon lequel la Surveillance des prix manquerait de transparence en matière de bases de décision et de calcul. Etant donné la grande importance accordée aux recommandations du préposé à la surveillance des prix, il semble recommandé d'en favoriser l'accès, dans toute la mesure du possible, aux partenaires tarifaires et aux cantons. Inversement, le préposé à la surveillance des prix se heurte souvent à la résistance des fournisseurs de prestations, lorsqu'il leur demande de lui fournir des données standardisées qui lui permettraient d'établir des comparaisons de prix et des examens du caractère économique.

290

4.4

Introduction du tarif médical TARMED

Avec les recours contre les décisions cantonales en matière de point de taxe, qui seront vraisemblablement déposés suite à l'introduction du tarif cadre TARMED, le Conseil fédéral semble s'apprêter à procéder, pour l'essentiel, comme avec les recours tarifaires des physiothérapeutes, ou à n'opérer que certaines corrections ponctuelles. Dans un cas comme dans l'autre, il faut s'attendre à un flot de recours.

Le tarif cadre TARMED entrera probablement en vigueur en 2003. Au vu des expériences passées, on a de bonnes raisons de penser qu'un grand nombre des négociations tarifaires cantonales, qui devraient se dérouler dans le courant de la même année, échoueront, et que les gouvernements cantonaux imposeront des tarifs attaquables par recours. Il faut partir du principe que, jusqu'à l'entrée du Tribunal administratif fédéral en phase opérationnelle (vers 2005), il appartiendra au Conseil fédéral de traiter les recours en matière de point de taxe portant sur le tarif cadre TARMED. La Commission de gestion pense, quant à elle, qu'il faudrait prendre toutes les mesures susceptibles d'accroître la volonté des partenaires de conclure des conventions tarifaires aux niveaux cantonal et régional, et permettant de régler rapidement les recours à venir.

4.5

Compétences et procédure

Etant donné la multiplicité des rôles qu'assume aujourd'hui le Conseil fédéral, comme organe d'exécution de la LAMal, auteur d'ordonnances et instance juridictionnelle, la Commission de gestion recommande d'attribuer les recours au futur Tribunal administratif fédéral, mesure d'ailleurs prévue dans la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale. Mais aussi longtemps qu'il sera compétent pour examiner les recours portant sur la LAMal, le Conseil fédéral devra, conformément aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, disposer d'un plein pouvoir de cognition lui permettant de revoir aussi les décisions attaquées sous l'angle de l'opportunité. Lorsque ces dernières tiennent compte de particularités locales ou touchent à la compétence des cantons, le Conseil fédéral peut toutefois faire preuve de retenue dans l'usage de sa marge d'appréciation.

5

Recommandations

5.1

Répartition des tâches entre la Confédération et les cantons

Recommandation no 1:

Mesures susceptibles d'éliminer les conflits entre la Confédération et les cantons

Les rapports entretenus entre la Confédération et les cantons présentant un fort potentiel de conflits, le Conseil fédéral cherche à développer le respect mutuel et à améliorer la prise en compte de la répartition des compétences, soit en organisant des discussions au niveau gouvernemental, soit en favorisant des échanges d'opinions et des procédures de consultation au sein de l'administration.

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Recommandation no 2:

Effets de la multiplicité des rôles assumés par le Conseil fédéral

Le Conseil fédéral examine dans quelle mesure les rôles multiples qu'il assume en tant qu'organe d'exécution de la LAMal et de la LSPr, ainsi que comme instance juridictionnelle, ont modifié, en faveur de la Confédération, la clef de répartition des compétences entre les cantons et la Confédération prescrite par la Constitution et la LAMal dans le domaine tarifaire.

5.2

Interprétation et application de la LAMal

Recommandation no 3:

Meilleure prise en compte du pouvoir d'appréciation des cantons

Le Conseil fédéral est invité à examiner comment, dans le cadre de l'actuelle répartition des compétences, il pourrait mieux respecter la marge d'appréciation cantonale des particularités régionales et de leurs effets directs sur les soins médicaux et sur la structure de ceux-ci, sans toutefois perdre de vue l'objectif de maîtrise des coûts auquel la LAMal accorde une place prépondérante.

Recommandation no 4:

Ediction d'ordonnances

Le Conseil fédéral est prié de tenir compte de manière appropriée du point de vue des cantons lors de l'élaboration de l'ordonnance sur l'établissement des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux et les EMS. En outre, il examinera l'opportunité d'édicter une ordonnance selon l'art. 43, al. 7, LAMal (ancrage des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une saine gestion économique).

5.3

Position et rôle du préposé à la surveillance des prix

Recommandation no 5:

Prise en compte d'autres opinions d'experts

Il est recommandé au Conseil fédéral de confronter les modèles de calcul du préposé à la surveillance des prix à d'autres opinions d'experts, et de procéder à des comparaisons plus poussées (pas d'automatismes). Le Conseil fédéral est en outre prié d'examiner dans quelle mesure, lorsqu'il procède à l'évaluation des intérêts publics supérieurs dans le cadre des recommandations du préposé à la surveillance des prix, il pourrait mieux tenir compte des résultats de l'évaluation déjà menée par les cantons.

292

Recommandation no 6:

Transparence des bases de décision et régularité des interventions

Le Conseil fédéral est prié de s'assurer que le préposé à la surveillance des prix fasse preuve de transparence en matière de bases de décision, qu'il les rende accessibles aux personnes concernées et qu'il intervienne de manière régulière et prévisible.

5.4

Introduction du tarif médical TARMED

Recommandation no 7:

Mesures pour encourager la conclusion de conventions tarifaires

Il est recommandé au Conseil fédéral de prendre des mesures pour encourager la conclusion de conventions tarifaires. Les négociations tarifaires se dérouleraient non seulement au niveau cantonal, mais encore sur les plans régional et supracantonal.

Recommandation no 8:

Critères de calcul de la valeur du point tarifaire

En cas de recours contre des décisions émanant de gouvernements cantonaux, le Conseil fédéral est prié de ne pas prendre en compte que les indices cantonaux des loyers et des salaires pour calculer la valeur du point tarifaire, et d'examiner la possibilité d'introduire des nuances à l'intérieur des cantons (p. ex. prise en compte des disparités ville - campagne) pour éviter des distorsions du marché et des empiètements inappropriés dans les structures cantonales de soins.

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6

Marche à suivre

Le Conseil fédéral est invité à faire parvenir à la Commission de gestion son avis sur le présent rapport et sur les recommandations qu'il contient d'ici fin septembre 2002.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la Confédération, Mesdames les Conseillères fédérales, Messieurs les Conseillers fédéraux, l'assurance de notre haute considération.

5 avril 2002

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats Le président de la commission: Michel Béguelin, Député au Conseil des Etats Le président de la sous-commission DFI/DETEC: Hansruedi Stadler, Député au Conseil des Etats Pour le secrétariat des Commissions de gestion: Irene Moser

294

Abréviations CDS CEDH Cst.

DFI EMS FF LAMal LREC LSPr OCP

OFAS OFJ OPCA PA RAMA RS TFA

Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101) Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101) Département fédéral de l'intérieur Etablissements médico-sociaux Feuille fédérale Loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (RS 832.10) Loi sur les rapports entre les conseils du 23 mars 1962 (RS 171.11) Loi fédérale concernant la surveillance des prix du 20 décembre 1985 (RS 942.20) Ordonnance sur l'établissement des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux et les établissements médico-sociaux dans l'assurance-maladie (projet) Office fédéral des assurances sociales Office fédéral de la justice Organe parlementaire de contrôle de l'administration Loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (RS 172.021) Jurisprudence et pratique administrative de l'asssurance-maladie et accidents Recueil systématique du droit fédéral Tribunal fédéral des assurances

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