Influence de la Confédération sur la maîtrise des coûts dans le domaine de la loi sur l'assurance-maladie ­ Analyse de deux exemples précis Avis du Conseil fédéral sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 5 avril 2002 du 30 septembre 2002

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, La Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) donne au Conseil fédéral l'occasion de se prononcer sur son rapport du 5 avril 2002 relatif à l'influence de la Confédération sur la maîtrise des coûts dans le domaine de la loi sur l'assurancemaladie. En application de l'art. 46, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le Conseil fédéral vous remet le préavis suivant.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 septembre 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2002-2157

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Avis 1

Point de la situation

Vu le développement des coûts dans le secteur de la santé, la Commission de gestion du Conseil des Etats a examiné si les organes responsables de la Confédération utilisent leur marge de manoeuvre dans deux domaines précis, soit la planification hospitalière et le tarif à la prestation uniforme pour toute la Suisse pour les prestations médicales TARMED, et si oui, de quelle manière, et quels sont les effets de leurs activités au regard de l'objectif de maîtrise des coûts fixé dans la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal; RS 832.10). En résumé, la Commission constate que la LAMal n'offre à la Confédération, dans la plupart des cas, que des possibilités indirectes d'infléchir l'évolution des coûts. Elle relève en outre que de nombreuses mesures de maîtrise des coûts doivent être appliquées par plusieurs acteurs et que, à côté de la Confédération et des cantons, les assureursmaladie et les fournisseurs de prestations en particulier jouent aussi un rôle essentiel. Elle est d'avis que l'objectif de maîtrise des coûts ne pouvait pas non plus être atteint du fait de quelques incitations résultant de la loi elle-même. Afin d'améliorer la collaboration et de corriger les incitations erronées, la commission a formulé des recommandations auxquelles le présent préavis se réfère.

2

Appréciation des conclusions de la Commission de gestion

2.1

Législation

Recommandation 1: Recourir davantage aux évaluations prospectives La Commission de gestion soutient les évaluations scientifiques réalisées sur mandat de l'OFAS et l'intention déclarée de ce dernier de privilégier dans un proche avenir l'examen de l'évolution des coûts. Elle recommande de recourir davantage aux évaluations prospectives pour préparer les projets complexes de réformes dans le domaine de la LAMal et d'améliorer, en collaboration avec les cantons, les bases statistiques existant dans le domaine de la santé.

Une analyse prospective des conséquences intervient aujourd'hui déjà avant chaque modification législative. Ainsi, l'annexe du message du Conseil fédéral sur l'assurance-maladie du 6 novembre 1991 (FF 1992 I 93) contient des indications sur les conséquences en termes de coûts qui sont le résultat d'estimations et d'opinions d'experts. Une évaluation de ces conséquences a lieu également dans le cadre de la procédure d'admission de nouvelles prestations. C'est la raison pour laquelle la recommandation de la Commission de gestion de recourir davantage à des évaluations prospectives doit être saluée comme un pas en direction d'une professionnalisation des ces dernières. Il n'est cependant pas toujours possible d'établir et d'obtenir les données et les informations souhaitées de manière professionnelle.

Dans la mesure où, pour les évaluations prospectives, les données de base font souvent défaut, il faut recourir à des estimations qui se fondent à leur tour sur des hypothèses. Dans ce cas-là, les résultats doivent être compris comme des ordres de 366

grandeur, compte tenu du fait qu'il leur manque la précision souhaitée. Les données statistiques et les corrélations significatives d'un point de vue statistique servent en particulier de base aux évaluations prospectives. Un autre problème réside dans le fait que l'accès à certaines données qui, en tant que telles, sont nécessaires pour procéder à une évaluation est rendu impossible par la protection des données. Il est également difficile de trouver des experts indépendants pouvant s'atteler à une telle évaluation. Indépendamment de ces problèmes d'ordre technique, ces évaluations occasionnent des travaux importants, qui dépassent les ressources de tous les participants.

Dans plusieurs réponses à des interventions parlementaires qui concernaient le domaine des statistiques, le Conseil fédéral a indiqué que l'amélioration des bases en la matière lui tient à coeur. S'agissant de la statistique de la santé, des ressources supplémentaires, ne serait-ce que pour mettre en oeuvre la LAMal, ont été débloquées ces dernières années pour développer les statistiques y relatives. L'information qui est nécessaire aussi bien pour répondre à des objectifs de surveillance dans le cadre de la LAMal que pour financer et diriger le système de santé, repose en particulier sur des modèles d'analyse complexes et nécessite une grande fiabilité des données. Malgré les mesures prises pour résoudre les problèmes d'exécution, cela a eu pour conséquence de remettre à plus tard certains projets, même urgents. Dans un courrier du 27 mai 2002 adressé à la Commission de gestion, la Commission fédérale des statistiques de la santé a évoqué cette problématique; dans une lettre du 4 juillet 2002 adressée à la Commission de la sécurité sociale et de la santé, ainsi qu'aux Commissions des finances, la Commission de gestion a souligné pour sa part qu'il était essentiel d'avoir à disposition des données probantes pour tout le secteur de la santé, mais aussi et surtout pour mettre en oeuvre la loi sur l'assurancemaladie. On constate enfin que, compte tenu de l'état actuel des ressources, le développement nécessaire de la statistique de la santé ne peut être que limité.

Une nouvelle plate-forme, l'observatoire suisse de la santé, est en phase de constitution dans le cadre du projet de «Politique nationale suisse de la santé». Cette
institution doit recueillir les informations existant dans le domaine de la santé et les analyser. Elle vise à soutenir la Confédération, les cantons et d'autres institutions actives dans le domaine de la santé dans le cadre de leurs tâches de planification, de prise de décision et dans leurs actions ; elle ne peut cependant exercer ses activités que pour autant que les bases statistiques dont elle a besoin soient disponibles. Pour étudier le fonctionnement du système et pour contribuer à la transparence, la collaboration entre tous les acteurs est nécessaire.

2.2

Jurisprudence du Conseil fédéral

Recommandation 2: Transférer la fonction jurisprudentielle au Tribunal administratif fédéral Il est recommandé à la Commission des affaires juridiques de soutenir le transfert au Tribunal administratif fédéral de la fonction jurisprudentielle actuellement dévolue au Conseil fédéral. Cette dernière ne lui permet en effet pas d'assumer une direction politique active. Le fait que le Conseil fédéral ne puisse réagir que dans des cas individuels et uniquement après coup ne facilite, selon la Commission de gestion, ni

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l'uniformisation des critères de planification ni l'harmonisation entre les cantons.

De plus, cela nuit aux rapports de confiance entre la Confédération et les cantons.

Dans son message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (FF 2001 4040), le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur du transfert de la fonction juridictionnelle citée par la commission au Tribunal administratif fédéral. Les délibérations afférentes sont toujours en cours au Parlement. Le Conseil fédéral justifie sa position par deux facteurs: d'une part, il souhaite être déchargé de ses tâches jurisprudentielles, qui sont étrangères à sa fonction d'exécutif, le nombre de recours dans le domaine de l'assurance-maladie ayant fortement augmenté ces dernières années; d'autre part, la garantie de l'accès au juge exige de toute façon que les contestations de droit soient tranchées par un tribunal. Il n'existe à cet égard aucune raison particulière de prévoir une exception à ce principe dans la loi, et ce même si les recours au sens de l'art. 53 LAMal ont indéniablement une certaine portée politique.

Le transfert de la fonction jurisprudentielle à un tribunal implique l'abandon de la compétence juridictionnelle du Conseil fédéral dans le domaine important des recours contre les décisions des gouvernements cantonaux. Le Conseil fédéral est certes conscient que, au nom de la séparation des pouvoirs, il y a lieu d'éviter le mélange des fonctions jurisprudentielle et exécutive. Cela étant, il ne peut partager entièrement l'avis exprimé par la Commission de gestion selon lequel cette mesure lui permet d'exercer une direction politique plus active. Le rapport de la Commission de gestion relève en effet à cet égard à juste titre que les organes de la Confédération ne bénéficient pas d'une grande marge de manoeuvre. Contrairement à l'opinion exprimée par la Commission, le Conseil fédéral devrait donc avoir plus de mal à exercer une pression politique et à garantir l'uniformité d'application d'une loi fédérale dans un domaine aussi sensible si on lui enlève sa fonction jurisprudentielle.

Recommandation 3: Renforcer la direction politique aux fins de la maîtrise des coûts La Commission recommande au Conseil fédéral d'utiliser de façon conséquente la marge de manoeuvre que lui conférera l'abandon
de sa fonction jurisprudentielle actuelle pour renforcer sa direction politique dans l'intérêt de la maîtrise des coûts.

Il incombe en premier lieu aux autorités compétentes et aux partenaires tarifaires de veiller à ce que les soins soient appropriés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux possible (art. 43, al. 6, LAMal). La garantie de la qualité et du caractère économique du système ou des prestations fournies dans le cadre de celui-ci intervient au niveau de la définition des prestations, de la tarification des prestations et de leur fourniture. Selon l'art. 43, al. 7, LAMal, le Conseil fédéral peut toutefois aussi établir des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une gestion économique saine et structurés de manière appropriée, ainsi que des principes relatifs à leur adaptation afin que les tarifs satisfassent le plus possible à l'objectif fixé. Le Conseil fédéral a ainsi la possibilité d'exercer de l'influence non seulement au moment de l'approbation des structures tarifaires uniformes fixées par convention sur le plan suisse, soit après la fin des négociations entre les partenaires tarifaires, mais déjà lors de l'élaboration du tarif. Il ne faut

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toutefois pas oublier que l'élaboration de telles dispositions requiert du temps et que cela entraîne un certain retard.

Dans le cadre des délibérations sur la deuxième révision partielle de la LAMal (Message du Conseil fédéral du 18 septembre 2000; FF 2001 693), la discussion a en outre porté sur les possibilités pour la Confédération de réglementer le domaine de la planification hospitalière. Or, selon la réglementation constitutionnelle actuelle, les cantons sont seuls compétents en la matière. Les délibérations relatives à la deuxième révision de la LAMal montreront jusqu'où les Chambres fédérales considèrent comme acceptables d'interpréter de manière moins restrictive les principes en vigueur jusque-là afin d'offrir plus de marge de manoeuvre au Conseil fédéral.

2.3

Collaboration entre les autorités et les institutions actives dans le secteur de la santé

Recommandation 4: Intensifier la collaboration entre les autorités et les institutions actives dans le secteur de la santé La Commission recommande au Conseil fédéral d'oeuvrer à l'amélioration de la collaboration entre les pouvoirs publics et les institutions sur le plan de la maîtrise des coûts. Il donnera en particulier un poids politique suffisant au projet «Politique nationale suisse de la santé».

Comme cela ressort déjà de la réponse à la recommandation 1, le Conseil fédéral souhaite une meilleure collaboration avec les cantons et les autres organisations du secteur de la santé, telle qu'elle existe déjà à l'état embryonnaire dans le cadre du projet de «Politique nationale suisse de la santé». La Confédération met à disposition pour ce faire des moyens considérables et participe en outre directement au projet partiel «Planification de l'offre» qui est en cours et dont le but est d'assurer une meilleure coordination de l'offre dans le domaine hospitalier, notamment dans celui de la médecine de pointe. A l'heure actuelle, l'observatoire national de la santé, qui a également été mis en place dans le cadre de ce projet, est pris en charge par la Confédération et est implanté à l'Office fédéral de la statistique; les cantons et d'autres partenaires du domaine de la santé sont impliqués dans sa réalisation.

Comme cela a déjà été relevé en relation avec la recommandation 3, il faut saluer l'extension de l'influence de la Confédération en matière tarifaire et dans le domaine de la planification hospitalière, extension qui devra toutefois respecter l'autonomie des partenaires tarifaires et des cantons ainsi que leur rôle respectif dans le cadre de l'assurance-maladie, dans la mesure où cette autonomie est un principe de base de la LAMal et une condition préalable de son fonctionnement. Du point de vue du Conseil fédéral, si la Confédération devait s'occuper de chaque convention tarifaire et de chaque planification hospitalière cantonale, cela pourrait poser problème. Au regard de la réglementation en matière de compétence et matériellement, cela serait irréalisable. La Confédération doit avoir un rôle de soutien pour les cantons et les partenaires tarifaires, de conseil et de coordinateur de manière à ce qu'ils puissent remplir leurs tâches en s'appuyant sur un objectif soutenu par tous les partenaires.

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2.4

Planification hospitalière

Postulat 1:

Renforcer la planification hospitalière intercantonale

La Commission relève que la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière crée peu d'incitations en faveur d'une coordination intercantonale et qu'elle se réfère surtout à l'utilisation optimale des ressources d'un canton donné. Elle ajoute que la LAMal elle-même comprend des incitations à l'établissement de planifications de manière autarcique et non coordonnée. Elle charge le Conseil fédéral d'examiner comment des incitations à une planification intercantonale accrue pourraient être créées et d'en rendre compte dans un rapport.

Le secteur hospitalier s'est développé au cours des dernières décennies sans qu'il ait été accordé suffisamment d'attention à la manière d'optimiser le système. Cette situation a conduit à la création de surcapacités, de doublons et à une coordination insuffisante, avec les conséquences financières qui en ont résulté pour les agentspayeurs que sont l'assurance-maladie et les cantons. En l'état, l'introduction d'un instrument de régulation étatique comme condition préalable de l'admission des hôpitaux s'est avérée nécessaire: les hôpitaux (tout comme d'ailleurs par analogie également les établissements médico-sociaux) ne doivent pas uniquement remplir des conditions en termes de personnel et d'infrastructures; ils doivent aussi figurer sur la liste hospitalière établie sur la base de la planification (art. 39 LAMal). Cette planification doit être établie de façon à couvrir les besoins en soins hospitaliers, c'est-à-dire dans le but d'adapter l'offre à la demande. Elle doit par ailleurs conduire à une coordination et à une optimisation de l'offre de prestations. D'une part, une planification de l'offre conforme aux besoins doit permettre de réduire l'incitation à l'hospitalisation de patients pour lesquels cela ne s'avère pas ou plus nécessaire, ce qui donne lieu dans ce cas à un effet de maîtrise des coûts du côté de la demande.

D'autre part, il faut coordonner et optimiser la fourniture de prestations de façon à réduire, du côté de l'offre, les coûts de production. C'est en ce sens que le Conseil fédéral souhaite l'établissement de planifications hospitalières intercantonales depuis l'introduction de la LAMal, planifications qui doivent créer des synergies et stimuler la collaboration. Il faut toutefois malheureusement constater que, après
l'entrée en vigueur de la LAMal, on a surtout assisté à une «cantonalisation» accrue des structures hospitalières.

La deuxième révision partielle de la LAMal doit désormais créer des incitations qui rendront la planification hospitalière intercantonale attractive: en prévoyant que chaque prestation fournie par un hôpital figurant sur la liste hospitalière du canton de résidence doit être prise en charge pour moitié par l'assurance-maladie et pour moitié par le canton, la loi ne fait plus aucune différence entre le traitement intervenant à l'intérieur ou à l'extérieur du canton. Par ailleurs, toutes les prestations qui sont fournies à la charge de l'assurance obligatoire des soins devront être planifiées.

Les avantages liés au lieu d'établissement, que les cantons peuvent retirer de l'exploitation d'un hôpital (places de travail, sources de revenus, mandats à des soustraitants) peuvent constituer un frein à l'établissement de planifications intercantonales. Il s'agit-là d'une incitation qui dans le cas du financement des prestations n'agit pas non plus dans le sens de la maîtrise des coûts. Si le Conseil fédéral devait se voir attribuer la compétence de formuler des critères dans le domaine de la plani-

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fication dans le cadre de la deuxième révision partielle de la LAMal, il pourrait malgré tout renforcer son influence.

Le Conseil fédéral s'est déjà déclaré prêt dans ce contexte à accepter le postulat 1 du 5 avril 2002 (02.3175) et à établir un rapport sur les possibilités dont dispose la Confédération en matière de planification hospitalière intercantonale. Il y aura toutefois lieu de coordonner ces travaux avec ceux qui feront suite à la deuxième révision partielle de la LAMal, à savoir le passage au financement hospitalier fondé sur les prestations et le renforcement de l'instrument de la planification qui y est lié.

Outre les travaux intervenant dans le cadre du projet «Politique nationale suisse de la santé» évoqué ci-avant, il faut aussi mentionner les propositions formulées dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (message du Conseil fédéral du 14 novembre 2001; FF 2002 2415 ss) qui devraient contribuer à favoriser l'émergence des planifications hospitalières intercantonales. En effet, la Confédération pourrait inciter les cantons ou à tout le moins certains d'entre eux à collaborer dans le cadre de conventions intercantonales, en l'occurrence de planifier en commun les secteurs de la médecine de pointe et des cliniques spécialisées.

Recommandation 5: Assurer une réelle sécurité en matière de planification Selon la Commission, le Conseil fédéral devrait d'avantage chercher d'emblée le dialogue avec les cantons, pour leur présenter ses idées sur les exigences auxquelles sont soumises les planifications hospitalières. La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'examiner, en collaboration avec la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS), comment il pourrait apporter aux acteurs impliqués dans la planification hospitalière une réelle sécurité au niveau des attentes à remplir et de la planification.

Les cantons subventionnent les hôpitaux et sont également touchés par le niveau cantonal des primes à cause de la réduction des primes. Ils ont donc un intérêt à agir dans le sens de la maîtrise des coûts et à utiliser la grande marge de manoeuvre dont ils disposent en matière de planification hospitalière pour réguler l'offre. Il leur appartient donc d'utiliser la planification
hospitalière comme un instrument de maîtrise des coûts dans l'intérêt des payeurs de primes et des contribuables. Dans le cadre de sa jurisprudence, le Conseil fédéral peut s'exprimer au sujet des critères applicables en matière de planification et rendre les cantons attentifs aux conséquences du non-respect desdits critères. Du coté des autorités cantonales, la coordination, la réduction des surcapacités, la diminution des doublons, les décisions sur la taille minimale des hôpitaux et l'adaptation de l'offre aux besoins sont une nécessité dans le domaine hospitalier. Comme l'approvisionnement en soins est du domaine de compétence des cantons, il leur faut en principe prendre en considération les besoins de la population concernée au moment d'arrêter les décisions nécessaires. Une décision portant sur l'approvisionnement en soins aura une influence sur le niveau des coûts et sur celui des primes. L'établissement d'une planification et l'information qui doit être donnée à la population concernant les conséquences sur les coûts de cette planification ou d'une alternative à cette dernière, représentent des tâches qui ne peuvent être dévolues qu'aux autorités cantonales.

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Dans le cadre de la législation en vigueur et compte tenu de sa jurisprudence, le Conseil fédéral dispose encore, mais seulement de façon limitée, de la possibilité d'optimiser les effets de la planification au regard de l'objectif de la maîtrise des coûts. Il peut cependant profiter de sa situation privilégiée grâce à la vue d'ensemble qu'il a sur les différentes planifications cantonales. Dans le cadre de sa pratique, il est déjà en mesure de s'exprimer sur les exigences que doit remplir une planification répondant aux besoins en soins. Dans ses décisions, il tient compte de la réglementation fédérale en matière de compétence et ne donne aucune prescription aux cantons concernant l'aménagement de leur planification. Dans le cadre de la jurisprudence et dans les considérants portant sur les caractéristiques d'une planification hospitalière répondant aux besoins en soins, il a déjà eu l'occasion d'expliquer en détail la plupart des points que la planification hospitalière doit respecter en application de la loi en vigueur, de sorte qu'il ne devrait guère être nécessaire d'apporter d'autres éclaircissements. Avant l'introduction de la LAMal, la Confédération avait du reste déjà mené des discussions avec les cantons au sujet des modifications restées en suspens et de leur mise en oeuvre, en laissant toutefois aux seuls cantons compétents la tâche de formuler des exigences concrètes. La Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires a émis des recommandations à ce sujet, mais peu de temps seulement avant l'expiration du délai pour l'établissement des planifications et des listes. S'agissant de la mise en oeuvre de la deuxième révision de la LAMal, une collaboration plus étroite avec les cantons est souhaitable.

Postulat 2:

Préparer le passage à la planification des prestations

La Commission considère que la planification de la capacité n'est pas l'instrument adéquat pour atteindre l'objectif de maîtrise des coûts, car ce sont davantage les prestations fournies que les capacités disponibles qui sont à l'origine des coûts. Elle charge le Conseil fédéral d'étudier l'introduction de la planification des prestations et, à cet effet, de prier l'Office fédéral des assurances sociales d'élaborer suffisamment tôt et en collaboration étroite avec les cantons un concept en vue de l'introduction de la planification des prestations.

Ce postulat du 5 avril 2002 (02.3176) a également été accepté par le Conseil fédéral.

Comme pour la planification hospitalière intercantonale, le Conseil fédéral est également prêt, s'agissant de la planification des prestations, à demander l'élaboration d'un rapport sur ce sujet. La participation des partenaires impliqués dans le système de santé sera nécessaire. En outre, il faudra accorder une grande importance à l'autonomie des partenaires tarifaires.

Dans son message concernant la deuxième révision partielle de la LAMal, le Conseil fédéral a déjà eu l'occasion d'expliquer que le système de financement proposé devait s'accompagner d'une meilleure planification des besoins dans le sens d'une planification des prestations et qu'il n'était plus possible de se baser seulement sur les capacités existantes, c'est-à-dire sur les lits. Les connaissances empiriques et épidémiologiques nécessaires pour la planification des besoins sont actuellement lacunaires. Afin que toutes les prestations à fournir selon la LAMal puissent être planifiées, il sera nécessaire de pallier ces lacunes et d'élaborer un concept défini par les partenaires du système de santé pour la planification des prestations.

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Recommandation 6: Effectuer une analyse complète des effets La Commission relève qu'il n'est guère possible d'affirmer si et dans quelle mesure, par suite de la planification hospitalière, des économies de coûts sont réellement apparues. Elle note qu'il n'y a pas encore eu jusqu'ici d'évaluation proprement dite de la planification hospitalière et recommande au Conseil fédéral d'ordonner une analyse exhaustive des effets de la planification hospitalière.

La question de savoir à quel point les planifications hospitalières peuvent favoriser l'utilisation efficiente des ressources et contribuer à atteindre l'objectif de maîtrise des coûts est effectivement controversée. Les effets de la planification hospitalière sur l'évolution des coûts sont cependant difficiles à prouver. Pour juger des économies de coûts, il faudrait disposer d'une comparaison détaillée des coûts et des prestations sur la base de données exhaustives et des liens existant entre les effets.

Le fait que le type, l'étendue et la qualité des prestations fournies subissent des modifications au cours du temps complique encore la tâche. Dans ce contexte, il faut être particulièrement attentif au fait que, grâce aux progrès de la médecine et de la technologie, un nombre croissant de traitements, qui étaient auparavant fournis à l'hôpital, sont aujourd'hui prodigués dans le domaine ambulatoire. Dans ces conditions, il est extrêmement problématique d'en évaluer les effets sur les coûts.

Lors de l'entrée en vigueur de la LAMal en 1996, la réduction des surcapacités existant à l'époque dans le domaine hospitalier avait constitué l'objectif prioritaire de la planification hospitalière. Cette réduction, bien qu'entreprise dans tous les cantons, n'avait toutefois pas été menée dans chacun d'eux avec une égale rigueur.

Le Conseil fédéral estime acceptable de demander la réalisation, à une date ultérieure, d'un bilan de la situation. Il se montre en revanche sceptique quant à une analyse des effets sur les coûts, d'une part eu égard à la complexité des interactions et d'autre part en raison de l'absence de mécanismes d'action scientifiquement prouvés. De plus, il ne faut pas oublier que les cantons jouent un rôle fondamental dans la planification hospitalière. Si ces derniers faisaient preuve de scepticisme à l'égard d'une analyse approfondie,
comme cela avait été le cas pour les projets menés dans le cadre des analyses des effets de la LAMal, cela rendrait plus difficile encore la réalisation d'une telle analyse.

2.5

Tarif médical TARMED

Recommandation 7: Edicter une ordonnance pour la mise en oeuvre du TARMED Selon la Commission, le Conseil fédéral doit impérativement, dans le cas du TARMED, à la fois définir ce qu'il entend par «fixation des tarifs d'après les règles d'une saine gestion économique» et donner des consignes claires pour la mise en oeuvre de la neutralité des coûts. Les incertitudes pour les partenaires tarifaires et les cantons s'en trouveraient ainsi réduites.

Bien que la LAMal fixe un cadre pour la formation des tarifs, c'est en principe l'autonomie tarifaire qui prévaut entre les partenaires tarifaires. Ceux-ci sont par conséquent compétents pour la négociation et la mise en oeuvre des conventions tarifaires, alors que le respect des conditions-cadre est garanti par l'approbation des conventions tarifaires par les autorités compétentes. Ce principe est bien entendu 373

également valable pour le TARMED. L'édiction d'une ordonnance pour la mise en oeuvre du TARMED représenterait une atteinte à l'autonomie tarifaire, ce qui serait aussi illogique qu'injustifié, étant donné le fait que les partenaires tarifaires sont parvenus à s'entendre et qu'ils ont négocié une convention tarifaire incluant un concept sur la neutralité des coûts. De plus, l'art. 43, al. 7, LAMal prévoit que le Conseil fédéral peut édicter des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une saine gestion économique. Il doit cependant s'agir de normes générales abstraites et non de normes individuelles et concrètes pour un tarif donné. Une ordonnance qui s'appuierait sur l'art. 43, al. 7, LAMal pourrait prescrire un certain nombre de critères généraux, encore que de tels critères relèvent de la LAMal et qu'ils aient déjà été formulés dans la jurisprudence du Conseil fédéral.

Avant même l'approbation de la structure tarifaire TARMED, le Conseil fédéral s'était montré très actif en la matière et avait clairement fait part de ses idées à ce sujet. Il avait en particulier sans cesse exigé la neutralité des coûts, et cela, en s'appuyant sur le principe de l'autonomie tarifaire, sous la forme d'une convention entre les partenaires tarifaires. L'objection selon laquelle la neutralité des coûts du TARMED au niveau des cantons doit en dernier lieu être évaluée et mise en oeuvre lors de l'approbation ou de la fixation des valeurs du point peut être rejetée, dans la mesure où le Conseil fédéral complète l'approbation du TARMED en formulant ses recommandations. Ces recommandations et celles de la Surveillance des prix pourraient limiter la marge de manoeuvre des autorités d'approbation et par conséquent diminuer l'insécurité du droit pour les partenaires tarifaires. Aucune décision inattendue à ce sujet ne devrait être prise en cas d'éventuels recours au Conseil fédéral.

En fin de compte, il s'agit ici, comme dans le cas de la recommandation 3, de la question générale portant sur le type et l'étendue de la direction. Il y a lieu ici aussi de comparer les avantages et les inconvénients d'une direction renforcée d'une part, avec ceux d'une limitation des compétences et, d'autre part, ceux de ces alternatives l'une par rapport à l'autre.

Recommandation 8: Prévenir les conflits dus au
cumul des rôles Selon la Commission, le Conseil fédéral doit limiter son rôle à la fixation des objectifs politiques.

Recommandation 9: Recourir d'avantage à des mécanismes alternatifs de décision Selon la Commission, le Conseil fédéral doit élaborer un concept portant sur des mécanismes de décision alternatifs, comme la médiation ou la modération professionnelle et neutre.

Le fait que des conflits dus au cumul des rôles existent actuellement, conflits qui apparaissent du reste également au niveau des cantons, est connu ; en ce sens la demande de la commission n'est pas infondée. En matière d'établissement des conventions tarifaires, la Confédération n'est pas un partenaire tarifaire, mais elle accompagne les négociations tarifaires et approuve les conventions tarifaires dont la validité s'étend à toute la Suisse. Cela génère un potentiel de conflit. Si le Conseil fédéral devait se retirer du processus de formation des tarifs et ainsi perdre de son influence dans ce domaine, cela entraînerait deux difficultés. Premièrement, toutes les personnes impliquées dans le système de santé sont sous une forme ou sous une 374

autre des parties; une instance de modération neutre et acceptée de tous serait alors difficile à trouver. Le Conseil fédéral pourrait peut-être même être considéré comme l'organisme «le plus indépendant». Deuxièmement, la question se pose de savoir si l'organisme neutre exigé serait capable de mieux répondre aux attentes en matière d'approbation des tarifs, vu qu'il ne serait pas l'autorité compétente. Le fait que le Conseil fédéral se borne à fixer des objectifs politiques pourrait alors se révéler insuffisant. Un autre cas de conflit du au cumul des rôles pourrait résulter du fait que le Conseil fédéral occupe ­ provisoirement ­ également une fonction jurisprudentielle lors de recours en matière tarifaire. Cette fonction judiciaire repose sur une base légale. Le Conseil fédéral ne représente aucun intérêt privé et n'est guidé de ce fait que par l'intérêt général. Si les objectifs politiques du législateur sont clairs, le Conseil fédéral peut également agir dans ce sens et assumer, indépendamment d'un quelconque intérêt propre, le rôle qui lui est attribué. Comme le Conseil fédéral ­ ainsi que les gouvernements cantonaux ­ ont été élus selon une procédure démocratique, la question se pose de savoir quels organismes pourraient être mieux légitimés qu'eux à exercer de telles fonctions, eu égard au potentiel de conflit dont il a été fait mention ci-dessus.

Postulat 3:

Examiner les effets du TARMED

La Commission invite le Conseil fédéral à examiner les effets du TARMED. Ses effets seront comparés avec ceux qui sont déployés par d'autres modèles de rémunération et d'éventuelles corrections devront être apportées. Le Conseil fédéral s'est déjà dit prêt à accepter le postulat du 5 avril 2002 (02.3177), et il en salue le principe. Dans le cadre de la LAMal, une série d'analyses des effets a déjà été réalisée, de sorte qu'une telle analyse s'impose absolument pour TARMED aussi. Une mise en garde contre des attentes trop élevées en ce qui concerne les résultats d'une telle étude est toutefois nécessaire. Du point de vue du Conseil fédéral, l'analyse des effets devrait en premier lieu pouvoir répondre à la question de savoir si la transparence liée à TARMED au niveau de l'évolution des coûts permettra de maîtriser les coûts. D'un autre côté, il pourrait être extrêmement difficile, au moyen des comparaisons proposées avec d'autres modèles de rémunération et par conséquent à un niveau très hypothétique, de faire ressortir les effets structurels du TARMED. En ce qui concerne les éventuelles corrections à apporter, la possibilité d'appliquer des mesures directes devrait être limitée en raison de la faible marge de manoeuvre dont dispose le Conseil fédéral en la matière. S'agissant des mesures indirectes, le Conseil fédéral peut en revanche exercer une influence dans le cadre de la procédure d'approbation.

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