03.026 Message relatif à l'initiative populaire «Services postaux pour tous» du 9 avril 2003

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire «Services postaux pour tous» et vous proposons de soumettre cette initiative au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter. L'arrêté fédéral à ce sujet est annexé.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 avril 2003

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2002­1546

2931

Condensé Objectifs de l'initiative L'initiative populaire «Services postaux pour tous» demande que la Confédération garantisse un service postal universel répondant aux besoins et aux attentes de la population et de l'économie. La réalisation de cet objectif requiert un réseau d'offices de poste qui couvre l'ensemble du pays. Les communes seront associées à l'aménagement de ce réseau. Les personnes directement intéressées auront ainsi le droit de participer à l'aménagement d'une partie de l'infrastructure régionale. Par ailleurs, la Confédération prendra en charge les coûts occasionnés par le service postal universel qui ne sont couverts ni par les recettes des services réservés ni par les redevances de concession.

Réseau d'offices de poste couvrant l'ensemble du pays et droit des communes d'être entendues Lors de la session de printemps 2003, le Parlement a approuvé une révision de la loi sur la poste qui obligera la Poste à exploiter un réseau d'offices de poste sur l'ensemble du territoire. La Poste voit ainsi son mandat complété par un mandat d'infrastructure. Le Conseil fédéral adoptera, au niveau de l'ordonnance, des prescriptions relatives au réseau postal couvrant l'ensemble du territoire, notamment à la procédure que la Poste devra appliquer lors des décisions concernant l'aménagement concret du réseau. Il envisage d'accorder aux communes le droit d'être entendues avant la transformation d'un office de poste. La Poste devra également tenir compte de l'évolution régionale.

En élargissant le mandat légal de la Poste et en l'obligeant à consulter les communes lors des décisions relatives au réseau des offices de poste, on a déjà largement pris en compte au niveau de la loi et de l'ordonnance deux revendications principales de l'initiative. Par ailleurs, la Confédération est déjà tenue de garantir un service postal universel en vertu de la Constitution en vigueur. Une nouvelle disposition constitutionnelle n'est donc pas nécessaire.

Pas d'indemnités fédérales pour le service universel à l'heure actuelle En 2002, le Parlement a refusé d'accorder des indemnités pour le réseau postal ou le service universel. Selon le projet du Conseil fédéral, ce dernier doit être garanti par les recettes des secteurs réservé et non réservé, par celles provenant des nouveaux champs d'activité et par une économie
des coûts de la Poste. Le Conseil fédéral prévoit encore d'introduire un système de concessions qui permettra de percevoir des redevances. Au cas où ces mesures ne suffisent pas, il soumettra au Parlement un projet de loi prévoyant l'indemnisation des coûts non couverts du service universel. Le Parlement a approuvé ce modèle de financement. Les indemnités requises par l'initiative ne sont donc pas à l'ordre du jour.

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Conclusion Le Conseil fédéral rejette la révision de la Constitution. Etant donné les dernières décisions du Parlement et la révision en cours de l'ordonnance sur la poste, les principales revendications de l'initiative sont d'ores et déjà prises en compte. Le Conseil fédéral propose donc aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire «Services postaux pour tous».

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Message 1

Considérations formelles

1.1

Libellé de l'initiative

L'initiative «Services postaux pour tous» a la teneur suivante: La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 92, al. 3 et 4 (nouveaux) 3

La Confédération garantit un service postal universel répondant aux besoins et aux attentes de la population et de l'économie. La réalisation de cet objectif requiert un réseau d'offices de poste qui couvre l'ensemble du pays. La Confédération veille à ce que les communes soient associées aux décisions relatives au réseau des offices de poste.

4

Les coûts occasionnés par le service postal universel qui ne sont couverts ni par les recettes des services réservés ni par les redevances de concession sont pris en charge par la Confédération.

1.2

Aboutissement et délai de traitement

Par décision du 10 juin 2002, la Chancellerie fédérale a constaté l'aboutissement formel de l'initiative populaire intitulée «Services postaux pour tous», qui lui a été remise le 26 avril 2002, munie de 106 234 signatures valables (FF 2002 3975).

Conformément à l'art. 29, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le message du Conseil fédéral sur l'initiative doit être soumis à l'Assemblée fédérale au plus tard dans les douze mois qui suivent le dépôt de l'initiative, soit d'ici au 26 avril 2003. L'Assemblée fédérale devra ensuite se prononcer d'ici au 26 octobre 2004 (art. 27, al. 1, LREC).

1.3

Validité de l'initiative

1.3.1

Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme inscrit à l'art. 139, al. 2 et 3, de la Constitution (Cst.; RS 101) prévoit qu'une initiative populaire doit revêtir soit la forme d'une proposition conçue en termes généraux, soit celle d'un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est en l'occurrence respectée en ce sens que l'initiative revêt la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

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1.3.2

Unité de la matière

Le principe de l'unité de la matière (art. 139, al. 3, et art. 194, al. 2, Cst.) a pour but d'éviter qu'une initiative propose en votation des éléments non liés entre eux, l'hétérogénéité étant préjudiciable à une bonne information et ne permettant pas aux électeurs de se faire en toute liberté une opinion juste sur une question. Il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l'initiative. Le principe de l'unité de la matière est donc respecté.

1.3.3

Compatibilité avec le droit international

En vertu de l'art. 139, al. 3, et de l'art. 194, al. 2, Cst., une initiative populaire doit respecter les règles impératives (ius cogens) du droit international. En l'occurrence, l'initiative ne viole manifestement aucune règle de ce type. Elle n'affecte non plus pas les dispositions de la Convention postale universelle (RS 0.783.52).

2

Teneur et interprétation de l'initiative

Les auteurs de l'initiative (syndicat de la Communication, Fondation pour la protection des consommateurs, Fédération Romande des Consommateurs/FRC, Associazione Consumatrici della Svizzera italiana/ACSI, et Union syndicale suisse/USS) visent notamment à relancer le débat public sur le service postal universel. Formulée en termes généraux, l'initiative demande que la Confédération ­ et non pas la Poste elle-même ­ garantisse un service postal universel répondant aux besoins de la population et de l'économie. Elle conçoit la notion de «service universel» de manière globale comme un mandat d'infrastructure (incluant un réseau d'offices de poste).

En outre, selon la volonté des auteurs, la Confédération doit régler, au niveau de la loi ou de l'ordonnance, le droit des communes de se prononcer sur l'aménagement du réseau postal. Les personnes directement intéressées pourront ainsi participer à l'aménagement d'une partie de l'infrastructure régionale. Le Conseil fédéral interprète l'obligation d'associer les communes comme le droit de celles-ci d'être entendues et non celui de co-décider, qui permettrait de faire annuler les décisions de la Poste relatives au réseau postal par une autorité administrative ou judiciaire. Selon le Conseil fédéral, le texte de l'initiative n'accorde pas aux communes un droit de veto proprement dit.

Le Conseil fédéral estime également que le réseau postal continuera de couvrir l'ensemble du pays même après sa restructuration. Il ne voit pas dans l'initiative le mandat de maintenir le statu quo, voire d'ériger de nouveaux offices de poste.

Le second alinéa de l'initiative règle le financement du service universel. Il oblige la Confédération à prendre en charge les coûts qui ne peuvent pas être couverts par les recettes des services réservés ­ c'est-à-dire de la rente de monopole ­ et par le produit d'éventuelles redevances de concession. Les auteurs de l'initiative exigent la perception immédiate de telles redevances et la création de bases permettant l'octroi d'indemnités pour financer le service universel. Pour le Conseil fédéral, la formulation choisie équivaut à inscrire le monopole de la Poste dans la Constitution puisque

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l'expression «services réservés» serait appelée à y figurer. De ce fait, la compétence actuelle du législateur de supprimer purement et simplement le service réservé incomberait désormais exclusivement au souverain.

L'initiative se veut une réponse aux projets de libéralisation du Conseil fédéral rejetés par ses auteurs, qui demandent que ni le Conseil fédéral ni le Parlement ne se prononcent sur l'avenir de la Poste ou du réseau postal ni sur l'ouverture des marchés postaux avant que le Parlement n'ait au moins traité l'initiative. Etant donné que le Parlement s'est prononcé en automne et hiver 2002 ainsi qu'en mars 2003 sur la révision de la loi sur la poste (initiative parlementaire «Réseau postal couvrant tout le territoire») ainsi que sur l'arrêté fédéral relatif à la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal en Suisse, cette revendication ne peut plus être satisfaite. Le Conseil fédéral veut évaluer les répercussions de la libéralisation et ne baisser la limite du monopole pour les lettres en 2006 que si le financement du service universel est garanti, ainsi que le prévoit la loi sur la poste en vigueur.

3

La future politique du Conseil fédéral en matière de poste

Depuis la réforme de la poste de 1998, ce secteur a fait l'objet de nombreuses interventions parlementaires. Certaines d'entre elles réclament de nouveaux mandats de prestations, des règles concernant la densité du réseau postal et l'octroi d'indemnités pour le réseau postal, d'autre une libéralisation plus rapide du marché, une refonte de la loi sur la poste et sa transformation en une loi sur le marché postal.

Le 22 mai 2002, le Conseil fédéral a soumis au Parlement un rapport sur la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal en Suisse1, dans lequel il a placé les diverses revendications dans un contexte général, exposé les futurs enjeux de la poste et présenté les axes de développement du secteur postal suisse. La Poste et la politique qui la concerne doivent relever les défis suivants:

1

­

Les nouvelles technologies génèrent des effets de substitution dans le secteur de la poste aux lettres. Sur la base des derniers chiffres de 2002, la Poste table sur une réduction du volume des lettres de 10 % d'ici à 2010. Pour une période comparable, les pays du nord de l'Europe s'attendent même à une baisse de 20 %. On constatera que cette baisse est particulièrement marquée dans les pays où les nouvelles technologies de l'information sont le plus répandues.

­

Les nouvelles technologies permettent en même temps d'améliorer les services de tri et la qualité. Par ailleurs, grâce à elles, la Poste bénéficie de moyens de développer de nouveaux produits dans le secteur des lettres et des colis de même que dans celui des services financiers (poste hybride, suivi des envois, services de paiement électroniques, etc.). Elle doit participer activement à ces développements afin de garder sa clientèle, notamment commerciale, qui constitue près de 80 % du chiffre d'affaires de l'unité Courrier.

FF 2002 4683

2936

­

Les nouveaux comportements des clients exigent des entreprises postales des offres individualisées et plus souples.

­

Les anciennes distinctions au sein du secteur postal disparaissent, les prestations des secteurs logistique et financier prennent une importance croissante.

­

Vu l'évolution des marchés, de nouveaux groupes internationaux offrant des services postaux et logistiques parviennent à mieux répondre aux besoins de la clientèle commerciale. Il en résulte la nécessité d'optimiser les processus et de développer la qualité alors même que les processus de production évoluent et que la pression sur les coûts s'accroît.

­

Les pays de l'UE continueront de libéraliser leur marché (depuis le 1er janvier 2003, la limite de poids est fixée à 100 g, elle passera à 50 g en 2006 et il est possible que le courrier soit entièrement libéralisé à partir de 2009).

Le Conseil fédéral est d'avis que la Poste doit relever ces défis, car elle ne sera en mesure de survivre à long terme que si elle tient compte des demandes de ses clients et des nouveaux développements. Le Conseil fédéral a donc défini dans son rapport le contexte politique de l'évolution future de la poste et du marché postal de la manière suivante: ­

La qualité du service universel et la satisfaction de la clientèle concernant l'accès aux prestations postales seront régulièrement évaluées par un organe indépendant.

­

Le Conseil fédéral établira des règles concernant l'organisation du réseau postal et envisage également d'adopter des prescriptions relatives à la distribution.

­

L'introduction d'une concession obligatoire pour les fournisseurs privés de certains services non réservés améliorera le contrôle du marché postal, les concessionnaires étant également tenus de prouver qu'ils respectent les conditions de travail usuelles dans la branche.

­

Le marché sera libéralisé progressivement et de manière restreinte, à un rythme délibérément plus modéré que dans l'UE, afin de laisser à la Poste le temps de s'adapter aux nouvelles conditions. Par ailleurs, les effets de la libéralisation seront évalués, et la limite du monopole des lettres ne sera abaissée que si le financement du service universel est garanti.

­

En plus des moyens disponibles pour financer le service universel et du réseau postal qu'il nécessite, il est prévu de percevoir des redevances si, malgré une gestion du service universel conforme aux règles de l'économie de marché, les dépenses ne sont pas couvertes intégralement. Si ces mesures ne suffisent pas, le Conseil fédéral proposera au Parlement un projet de loi prévoyant l'indemnisation des coûts non couverts du service universel.

Le Parlement a pris acte du rapport et du cadre évoqué de la politique future en matière de poste et il a approuvé la libéralisation progressive et restreinte proposée par le Conseil fédéral. Ce faisant et en inscrivant le mandat d'infrastructure dans la loi sur la poste (réseau postal), il s'est déjà prononcé sur les revendications essentielles de l'initiative et en a tenu compte dans la mesure où elles sont justifiées.

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4

Appréciation de l'initiative

4.1

Responsabilité de la Confédération en matière de service postal universel

L'initiative veut obliger la Confédération à garantir un service postal universel répondant aux besoins et aux attentes de la population et de l'économie. Or, cette revendication est déjà satisfaite par la législation en vigueur. Une révision de la Constitution n'est donc pas nécessaire.

En vertu de l'art. 92, al. 2, Cst., la Confédération veille à ce qu'un service universel suffisant en matière de services postaux et de télécommunications soit assuré à des prix raisonnables dans toutes les régions du pays. En vertu du droit constitutionnel actuel, la responsabilité du service universel incombe donc bien à la Confédération, et non à la Poste. C'est sur la base de ce mandat que la réforme des PTT, adoptée par le Parlement, a été mise en vigueur le 1er janvier 1998. Celle-ci prévoyait, d'une part, une restructuration des entreprises dans la mesure où l'ancienne régie fédérale des PTT était scindée en deux sociétés autonomes, Swisscom SA et la Poste. De l'autre, elle envisageait également une réorganisation du marché, par le biais d'une libéralisation complète du secteur des télécommunications et d'une ouverture partielle de celui de la poste. Elle visait principalement à faire en sorte que les prestations répondent aux besoins et aux attentes de la population et de l'économie, ce que prévoit d'ailleurs aussi la loi du 30 avril 1997 sur la poste (LPO)2. Le Conseil fédéral a également repris cette exigence dans ses principes relatifs à une future politique postale de même que dans les objectifs stratégiques qu'il a assignés à la Poste3.

4.2

Le réseau postal inscrit dans la loi

En plus du mandat de prestations postales, l'initiative veut ancrer un mandat d'infrastructure dans la Constitution. Un réseau postal couvrant l'ensemble du pays servirait à fournir les prestations du service universel.

Etant donné les décisions du Parlement de mars 2003 concernant le nouvel art. 2, al. 3, LPO, cette exigence est déjà satisfaite. Le Parlement et le Conseil fédéral ont admis que la qualité du service universel est liée à l'accès aux prestations. La loi obligera donc la Poste à exploiter un réseau postal couvrant tout le pays. Le besoin des clients de bénéficier de prestations de qualité restera cependant prioritaire. Le réseau postal devra être aménagé en conséquence et adapté aux nouvelles conditions. Un office de poste sera maintenu s'il est nécessaire pour garantir la bonne qualité des prestations et l'accès uniforme au service universel. Cet accès peut toutefois être garanti de plusieurs manières, non seulement par les offices de poste traditionnels gérés par la Poste, mais aussi par des filiales, des bureaux de poste mobiles ou des solutions de partenariat avec des tiers privés (agences). De l'avis du Parlement et du Conseil fédéral, le service à domicile constitue également une solution envisageable.

2 3

RS 783.0 FF 2002 4742 s.

2938

Contrairement à ce que réclame l'initiative, le Parlement et le Conseil fédéral ont refusé d'accorder à l'heure actuelle des indemnités pour le réseau postal. Il est dès lors également clairement établi qu'en dépit du mandat d'infrastructure prévu par la loi, le réseau postal devra continuellement être adapté aux nouvelles conditions et aux nouveaux besoins et que la restructuration commencée par la Poste en 2001 devra en principe se poursuivre.

4.3

Prescriptions du Conseil fédéral concernant le réseau postal

Lorsqu'il précisera le nouveau mandat d'infrastructure, le Conseil fédéral envisage de se fonder notamment sur les recommandations émises par un organe d'évaluation indépendant qui, au printemps 2002, avait évalué les résultats d'une enquête sur les nouvelles offres de la Poste. Cet organe, composé de représentants des cantons, des communes, des organisations de protection des consommateurs ainsi que des régions périphériques et de montagne, avait conclu que, au vu des vives réactions au sein de la population, la satisfaction de la clientèle par rapport à ces nouvelles offres était étonnamment élevée. Les heures d'ouverture, notamment en début et en fin de journée, ont cependant été fréquemment critiquées, jugées insuffisantes et pas assez souples. La Poste devrait donc examiner ses horaires d'ouverture et mieux tenir compte des besoins de la clientèle, notamment en début et en fin de journée. L'enquête confirme cependant le bon accueil globalement réservé aux nouvelles formes telles que les filiales d'exploitation, les agences et les bureaux de poste mobiles. Selon l'enquête, le service à domicile serait également apprécié des clients qui en font usage. L'organe d'évaluation a néanmoins recommandé à la Poste de s'efforcer de mettre en place d'autres formes et de mieux collaborer avec les communes. Il était d'avis que le service à domicile ne convenait que dans les régions qui conservent au moins un établissement conventionnel proposant une offre suffisante de prestations et des heures d'ouverture assez longues. La Poste a accepté ces recommandations et les suivra.

Le Conseil fédéral partage l'avis de l'organe d'évaluation. Même après le réaménagement du réseau postal, la Suisse continuera de disposer d'un réseau national garantissant l'accès à des prestations de qualité à tous les groupes de la population et dans toutes les régions du pays. Il est toutefois peu sensé de préserver des infrastructures désuètes qui ne sont plus utilisées. La Poste doit pouvoir adapter son offre aux nouveaux comportements de sa clientèle et développer de nouvelles formes d'offre. Ces adaptations supposent toujours que les prestations du service universel ­ parmi lesquelles figure évidemment la distribution ­ continuent d'être offertes dans tout le pays comme dans le passé.

Le Conseil fédéral adoptera des prescriptions
sur le réseau postal, mais celles-ci devront autoriser l'adaptation du réseau aux nouvelles conditions. C'est pourquoi l'on s'abstiendra de fixer un nombre déterminé d'offices de poste ou une distance maximale, valable pour toutes les régions, jusqu'à l'office de poste le plus proche. Le Conseil fédéral envisage d'appliquer les critères de la loi relatifs au réseau postal de la manière suivante:

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Définition du terme «office de poste» La loi assimile aux offices de poste traditionnels les nouvelles formes (notamment filiales d'exploitation, agences et bureaux de poste mobiles). La poste mobile peut être assimilée à un établissement conventionnel si elle est régulièrement ouverte à certaines heures à un endroit déterminé.

La Poste n'est pas tenue de gérer elle-même tous les offices de poste. En effet, le modèle de l'agence permet justement des partenariats intéressants avec une épicerie de village, une administration communale ou d'autres établissements. Cette précision a pour but de tenir compte de la volonté du Parlement qui estimait notamment qu'en dépit des nouvelles dispositions, le service à domicile devait rester possible, car il constitue un complément judicieux à l'offre de la Poste.

«Dans toutes les régions» et «pour tous les groupes de la population» La Poste doit fonder ses décisions relatives au réseau postal sur une perspective régionale et entendre les régions concernées. L'ordonnance ne définit cependant pas de nouvelles régions parce que la taille d'une «région» sera variable. Il appartiendra à la Poste de les définir cas par cas, en fonction de critères géographiques, culturels et économiques. Pour ce faire, elle se référera aux 150 régions de planification existantes et pourra définir des régions de taille variable suivant la structure sociale et économique. Les frontières communales ou cantonales ne joueront toutefois pas un rôle déterminant, puisque les habitudes de la population (trajets pour se rendre au travail, achats, comportement durant les loisirs, etc.) n'en dépendent pas.

«Distance raisonnable» On ne peut pas définir de manière absolue une distance raisonnable. Les habitudes et les situations varient trop en fonction des régions du pays. L'essentiel est que les clients puissent accéder aisément aux prestations du service universel. Le Conseil fédéral veillera à ce qu'un office de poste soit accessible par les transports publics dans un délai raisonnable. A titre indicatif, on pourra se référer au temps nécessaire aujourd'hui pour se rendre à un office de poste et qui, même après la restructuration du réseau postal, est d'environ 20 minutes pour la vaste majorité de la population.

Enfin, le Conseil fédéral envisage d'établir au niveau de l'ordonnance des règles relatives à la distribution d'envois postaux.

4.4

Consultation des communes

Les auteurs de l'initiative demandent que les communes soient associées aux décisions concernant le réseau postal. Comme déjà mentionné précédemment, cette exigence sera également satisfaite dans l'ordonnance, en application du nouvel art. 2, al. 3, LPO.

Le Conseil fédéral a l'intention d'établir des directives concernant la procédure et de préciser les droits des communes d'être entendues. Toutefois, la décision continuera d'incomber à la Poste dans les cas particuliers.

Le Conseil fédéral estime donc qu'il n'y a plus lieu non plus de régler dans la Constitution le droit des communes d'être associées aux décisions de la Poste relatives au réseau postal. En effet, la Poste collabore d'ores et déjà étroitement avec les 2940

communes concernées et associe la population à ses décisions relatives au réseau postal. En plus, l'ordonnance sur la poste accordera aux communes le droit d'être entendues.

4.5

Financement

L'initiative demande que la Confédération prenne dorénavant en charge les coûts du service universel qui ne peuvent pas être couverts par les recettes des services réservés ou par les redevances de concession. Elle veut donc inscrire dans la Constitution les recettes des services réservés, les redevances de concession et les indemnités fédérales comme moyens de financer le service postal universel. Dès lors, les recettes des services non réservés et des services libres ne serviraient plus à financer le service universel.

Le Conseil fédéral entend garantir le mandat légal de service universel de la Poste sur la base du modèle de financement que le Parlement a approuvé dans le cadre de la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal. Ce modèle prévoit les fonds suivants: ­

les recettes des services réservés,

­

les recettes des services non réservés (notamment services de paiement, poste des colis et exportations),

­

l'optimisation des coûts de la Poste (rationalisation de la poste des colis, réorganisation de la poste aux lettres et adaptations du réseau postal),

­

l'exploitation de nouveaux champs d'activité (recettes des services libres),

­

si les conditions légales sont remplies: la perception de redevances sur le chiffre d'affaires des fournisseurs privés de services non réservés.

Vu les expériences faites à l'étranger et les prévisions de la Poste, le Conseil fédéral est d'avis que la Poste sera toujours en mesure de couvrir les coûts du service universel après l'ouverture du marché des colis. A cette fin, il est toutefois essentiel qu'elle poursuive et mène à terme ses projets (optimisation des coûts et exploitation de nouveaux champs d'activité).

La baisse à 100 g de la limite de poids pour les services réservés, prévue pour 2006, signifiera la libéralisation d'une partie restreinte de la poste aux lettres. Près de 85 % du volume des lettres sera toutefois toujours régi par le monopole. La libéralisation dans ce secteur n'aura d'ailleurs lieu qu'après l'évaluation de l'ouverture à la concurrence du marché des colis et uniquement si le financement du service universel de la Poste est garanti.

Par ailleurs, le Conseil fédéral introduira en 2004 un système de concessions et créera les bases juridiques nécessaires à la perception de redevances. Les recettes qui en résulteront seront affectées aux services non réservés et contribueront ainsi aussi à financer les coûts non couverts du réseau postal.

De l'avis du Conseil fédéral, le moment n'est pas propice à une allocation d'indemnités. En effet, même après l'ouverture restreinte du marché, la Poste continuera de bénéficier d'un large monopole qui lui permettra de financer le service universel. Par ailleurs, il est toujours possible de réduire les coûts de la Poste 2941

(notamment par la réorganisation des centres de tri). Le Conseil fédéral a néanmoins annoncé qu'il soumettrait au Parlement un projet d'indemnisation des coûts du service universel s'il s'avérait que la Poste n'est plus en mesure de les couvrir après la libéralisation progressive du marché postal. Vu le projet de loi annoncé par le Conseil fédéral, il ne paraît guère approprié d'inscrire des indemnités dans la Constitution.

5

Conséquences de l'initiative

5.1

Conséquences pour la Confédération

L'application des nouvelles dispositions constitutionnelles requerrait un renforcement des effectifs affectés à la surveillance de la Poste. Comme le Conseil fédéral l'a exposé dans son rapport sur la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal, une telle mesure est en fait déjà prévue puisque l'ouverture du marché postal impliquera un contrôle et une régulation accrues. Cinq postes ont ainsi déjà été approuvés au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) dans la perspective de créer une autorité de régulation, qui sera dotée d'une structure légère en comparaison internationale. Les travaux ont déjà commencé. L'autorité de régulation sera chargée de surveiller la réalisation du nouveau mandat de service universel confié à la Poste. Elle sera également appelée à mener à bien la libéralisation progressive et contrôlée du marché et à veiller au financement du service universel. Elle devra également préparer et instaurer le régime de concessions pour les fournisseurs privés de services postaux non réservés. Enfin, elle contrôlera le respect des conditions d'octroi des concessions ainsi que celui des conditions de travail par les opérateurs privés.

Il n'est cependant pas exclu que la nouvelle disposition constitutionnelle accroisse encore davantage les besoins en personnel si les revendications concernant le réseau postal ou le droit des communes d'être entendues devaient dépasser le cadre décrit ci-dessus.

5.2

Conséquences pour la Poste

La Poste est avant tout concernée par le droit des communes d'être entendues et par les prescriptions concernant le réseau postal. Selon l'interprétation large proposée ici de l'initiative, elle risquerait de subir certains retards dans la restructuration de son réseau et de devoir mobiliser des capacités supplémentaires pour l'organisation et le contrôle de la procédure. De l'avis du Conseil fédéral, les surcoûts qui en découleraient seraient modestes puisque la Poste collabore déjà avec les communes pour réaménager son réseau. Si, en revanche et en dépit de la formulation générale de l'initiative, on exigeait le maintien du réseau postal dans son état actuel, voire son extension, les conséquences sur la Poste seraient considérables. Elle serait contrainte de consentir d'importants investissements dans l'infrastructure, ce qui entraînerait une hausse des prix et une détérioration considérable de sa situation financière.

2942

5.3

Conséquences pour les cantons et les communes

Les communes sont concernées au premier chef par l'intention de les associer aux décisions concernant le réseau postal. Il n'y a cependant pas lieu de supposer qu'elles auront à supporter un accroissement de leurs charges financières ou de leurs frais de personnel. En effet, elles peuvent d'ores et déjà conclure avec la Poste des conventions de prestations afin d'obtenir des services en sus du mandat légal de service postal universel.

6

Rapports avec le droit européen

Comme l'indiquait le rapport du Conseil fédéral concernant la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal en Suisse4, les prescriptions relatives au réseau postal et à la distribution sont compatibles avec le droit européen. La jurisprudence des tribunaux de l'UE autoriserait en principe aussi l'indemnisation de prestations spéciales dans l'intérêt de la collectivité. La disposition proposée par l'initiative est donc, quant à son principe, compatible avec la législation européenne.

En revanche, l'inscription des services réservés dans la Constitution est contraire aux tendances au sein de l'UE, vu que celle-ci envisage une libéralisation complète du marché en 2009.

7

Conclusion

Les principales revendications de l'initiative sont largement satisfaites par la révision de la loi sur la poste de mars 2003. Vu l'arrêté fédéral du Parlement relatif à la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal en Suisse et les principes du Conseil fédéral concernant la politique future en matière de poste, les mesures nécessaires sont en cours. Par ailleurs, le Conseil fédéral tiendra compte dans l'ordonnance sur la poste des autres demandes de l'initiative dans la mesure où elles sont justifiées: Dorénavant, la Poste aura l'obligation légale d'exploiter un réseau postal couvrant l'ensemble du pays. Le Conseil fédéral envisage en outre de régler au niveau de l'ordonnance la demande d'associer les communes aux décisions concernant le réseau postal. La Poste sera donc appelée à traiter chaque cas avec la commune concernée et à tenir compte du contexte régional, des conditions locales et des évolutions territoriales de la zone concernée. Il n'y a donc pas lieu de prévoir en plus un droit de participation dans la Constitution. Les mesures prévues pour renforcer la surveillance du marché postal tiennent suffisamment compte des revendications des auteurs de l'initiative.

Par ailleurs, le Conseil fédéral a signalé sa volonté de créer les conditions juridiques nécessaires à la perception de redevances et de proposer au Parlement des indemnités pour le financement du service universel au cas où ces mesures s'avéreraient véritablement indispensables. Les conditions légales des indemnités peuvent être inté4

FF 2002 4683

2943

grées dans la loi sur la poste sans qu'il y ait besoin de les inscrire dans la Constitution.

8

Proposition

Le Conseil fédéral demande donc aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Services postaux pour tous». Il estime que les revendications de l'initiative ont, dans la mesure où elles sont justifiées, déjà été suffisamment prises en compte par les récentes décisions du Parlement concernant la loi sur la poste et l'arrêté fédéral relatif à la vue d'ensemble de l'évolution future du marché postal en Suisse. Enfin, le Conseil fédéral planche actuellement sur la révision de l'ordonnance sur la poste afin de mettre en application les nouvelles dispositions légales et les décisions précitées du Parlement.

2944