00.456 Initiative parlementaire (Dupraz John) Loi sur le matériel de guerre. Mines antipersonnel Rapport de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national du 1er novembre 2002

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), nous vous soumettons le présent rapport. Parallèlement, le Conseil fédéral dispose de la possibilité d'émettre son avis à son sujet.

La commission propose d'adopter le projet de loi ci-joint.

1er novembre 2002

Au nom de la commission: Le président, Josef Leu

2006

2003-0039

Condensé L'initiative parlementaire Dupraz (00.456) vise une transposition à la lettre de quelques dispositions de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Convention d'Ottawa) dans la loi fédérale sur le matériel de guerre (LFMG). Il s'agit, d'une part, de la clause définissant la notion de «dispositif antimanipulation» (art. 2, ch. 3, de la convention) et, d'autre part, de la règle d'exception permettant la conservation ou le transfert d'un certain nombre de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection des mines, de déminage ou de destruction des mines, et pour la formation à ces techniques (art. 3, ch. 1, de la convention). Ces deux dispositions devraient être intégrées dans l'art. 8, al. 2 et 4, respectivement, de la LFMG.

Les propositions de l'auteur de l'initiative sont de nature purement rédactionnelle.

Sur le fond, elles n'apportent aucun changement puisque notre droit interne doit dans tous les cas être interprété à la lumière des traités internationaux ratifiés par la Suisse. Elles demandent d'ajouter dans la loi la définition de «dispositif antimanipulation» qui permet de distinguer les mines antipersonnel des mines antivéhicule et aussi de reformuler la réglementation d'exception afin que celle-ci soit plus compréhensible. Selon l'auteur de l'initiative, cette révision trouve sa justification dans le fait qu'elle lance un signal politique montrant que la Suisse s'intéresse au problème humanitaire que représentent les mines et qu'elle entreprend des démarches afin que la Convention d'Ottawa ne tombe pas dans l'oubli.

La modification proposée fait figure d'exception. En effet, une tendance consistant à reprendre dans la législation suisse un nombre croissant de dispositions de traités internationaux ratifiés par la Suisse serait en contradiction avec notre pratique législative.

2007

Rapport 1

Positions de la Suisse et de la communauté internationale

1.1

La Suisse et les mines antipersonnel

Depuis la fin des années soixante, la Suisse ne produit plus ni mines antipersonnel ni composants de ce type d'armes. En 1990, le Département militaire fédéral (DMF) décida de retirer les mines bondissantes et les mines-pédales de l'assortiment de l'armée. Puis, le 11 mai 1994, le Conseil fédéral décréta un moratoire sur l'exportation des mines terrestres et de leurs composants vers les pays n'ayant pas adhéré au Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs annexé à la Convention des Nations Unies du 10 octobre 1980 sur certaines armes classiques (Protocole II). Cette décision fut prise par solidarité avec les Etats qui, par la résolution du 16 décembre 1993 des Nations Unies, s'étaient engagés à instaurer un tel moratoire. Dans le contexte de la première Conférence d'examen du Protocole II, le DMF décida, le 24 novembre 1995, de renoncer totalement à la détention et à l'emploi des mines antipersonnel. Cette décision fut prise afin d'encourager les efforts déployés pour conclure un traité international d'interdiction totale des mines antipersonnel. Le 2 décembre 1997, la destruction de tous les stocks de ce type de munitions encore en mains de l'armée a été achevée.

1.2

La communauté internationale et les mines antipersonnel (Convention d'Ottawa)

La Convention des Nations Unies du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination se compose d'un accord cadre comportant des dispositions générales et de trois protocoles : Protocole relatif aux éclats non localisables (Protocole I), Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs (Protocole II), Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires (Protocole III). Elle est entrée en vigueur le 2 décembre 1983. La Suisse l'avait ratifiée, avec ses trois protocoles, le 20 août 19821.

La première Conférence d'examen de la Convention sur certaines armes classiques s'est tenue entre septembre 1995 et mai 1996. Elle se déroula sur trois sessions et s'attacha à modifier l'accord cadre ainsi que le Protocole II et à élaborer un nouveau protocole sur l'interdiction des armes à laser aveuglantes (Protocole IV)2. Lors de cette conférence, l'accent fut mis essentiellement sur la révision du deuxième protocole. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Campagne Internationale pour Interdire les Mines (ICBL, International Campaign to Ban Landmines), une association d'ONG, avaient en effet focalisé l'opinion publique internationale 1 2

RS 0.515.091 Cf. Message du 14 mai 1997 concernant le Protocole II révisé et le Protocole IV joints à la Convention de 1980 sur les armes conventionnelles; FF 1997 IV 1.

2008

sur la problématique des mines antipersonnel. La nécessité d'une interdiction totale de ce type de munitions se fit ainsi de plus en plus pressante et de fait, la révision du Protocole II du 3 mai 1996 apporta d'importantes modifications. Néanmoins les parties ne parvinrent pas à s'accorder sur une interdiction totale de ces munitions et le Protocole II sous sa forme modifiée parle encore de «restrictions à l'emploi»3. En tout état de cause, lors de cette conférence il apparut déjà qu'un nombre croissant d'Etat était favorable à une telle interdiction pour mettre fin aux souffrances inutiles causées par les mines antipersonnel.

Dans le sillage de la première Conférence d'examen, les acteurs non gouvernementaux, CICR et ICBL en tête, intensifièrent la campagne internationale pour abolir les mines terrestres. En 1997, le prix Nobel de la paix fut d'ailleurs attribué à l'ICBL pour les succès remportés par ce vaste mouvement de la société civile internationale.

Sur le plan gouvernemental, les Canadiens s'engagèrent en première ligne pour inscrire l'interdiction des mines antipersonnel dans le droit international. Convaincu que le problème ne pouvait être résolu que par l'abolition de ces armes, le Gouvernement canadien engagea en octobre 1996 ce qu'il convient d'appeler le processus d'Ottawa en convoquant dans sa capitale la «Conférence internationale sur une stratégie: Vers l'interdiction complète des mines antipersonnel» à laquelle participèrent cinquante Etats. Lors de la session de clôture de la Conférence, le ministre des Affaires étrangères du pays hôte, Lloyd Axworthy, termina son allocution en lançant un appel à tous les gouvernements et en les invitant à revenir à Ottawa avant la fin de 1997 pour signer le traité d'interdiction. Cette initiative, bien que hardie, devait porter ses fruits. La première Conférence d'Ottawa fut en effet suivie de réunions à Vienne (février 1997), Bonn (avril 1997), Bruxelles (juin 1997), Oslo (septembre 1997) et de nouveau Ottawa où les Etats parties signèrent solennellement la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction en décembre 1997: «L'objectif ambitieux que s'était fixé un groupe d'Etats en octobre 1996 était ainsi atteint. Qui plus est, le nombre des signatures
dépassait toutes les attentes.»4 Sur le fond, le Protocole II sous sa forme modifiée en 1996 et la Convention d'Ottawa se distinguent en ce que cette dernière ne s'applique qu'aux mines antipersonnel alors que le protocole, tant dans sa forme originale que modifiée, concerne tous les types de mines terrestres, y compris les mines antichar, les pièges et autres dispositifs. Autre différence de taille, le protocole modifié ne prévoit que des restrictions à l'emploi des mines alors que la Convention d'Ottawa oblige les Etats parties non seulement à interdire ce type de munitions, mais aussi à détruire les stocks existants. Aussi le Protocole II conserve-t-il son intérêt puisqu'il s'applique à tous les autres types de mines terrestres et fixe un certain nombre de normes minimales que les Etats non-signataires de la Convention d'Ottawa (dont la Chine, l'Inde, le Pakistan, les Etats-Unis et la Russie) sont tenus de respecter.

3 4

Cf. Convention de 1980 sur certaines armes classiques, Protocole II, art. 4, modifié le 3 mai 1996: «Restrictions à l'emploi des mines antipersonnel».

98.004 Message du 19 janvier 1998 concernant la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction; FF 1998 I 540.

2009

1.3

La première révision de la loi sur le matériel de guerre

En Suisse, la sensibilité des milieux politiques à la problématique des mines antipersonnel n'a cessé de croître depuis le début des années nonante. Dans une interpellation sur l'interdiction du trafic des mines antipersonnel (94.3545), le conseiller national Jean Ziegler s'élevait contre le fait que des trafiquants privés de mines antipersonnel puissent agir à partir du territoire Suisse. Dans sa réponse du 15 février 1995, le Conseil fédéral soulignait que, le 11 mai 1994, la Suisse avait décrété un moratoire sur l'exportation et le transit des mines terrestres à destination des Etats n'ayant pas ratifié le Protocole II de la Convention des Nations Unies de 1980 sur certaines armes classiques. Il indiquait aussi qu'avant le moratoire déjà, la Suisse n'avait pratiquement pas accordé d'autorisation à l'exportation de mines antipersonnel ou de parties intégrantes de celles-ci. En outre, il rappela que la Suisse ne fabriquait plus de mines antipersonnel depuis 1969.

Le postulat de la conseillère nationale Angeline Fankhauser (95.3109) demandait une interdiction totale des mines antipersonnel. L'argumentation reposait notamment sur la disproportion entre le coût de la production et celui des opérations de détection et de désamorçage de ces armes, mais aussi sur le fait que les mines antipersonnel blessent, mutilent et tuent ­ surtout des femmes et des enfants ­ lorsque toutes les autres armes se sont déjà tues depuis longtemps, qu'elles empêchent le retour des personnes déplacées parce que les champs de mines barrent l'accès aux points d'eau, et enfin qu'elles entravent l'aide humanitaire.

Se fondant sur le mandat parlementaire de la conseillère nationale Fankhauser et rejetant l'initiative populaire «pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre», le Conseil fédéral soumit au Parlement une révision totale de la loi sur le matériel de guerre qui constituait, sur le plan formel, un contre-projet indirect à l'initiative.

L'Assemblée fédérale recommanda le rejet de l'initiative populaire le 4 octobre 19965 et approuva le contre-projet du Conseil fédéral6 ainsi que la nouvelle loi sur le contrôle des biens7 le 13 décembre 19968. La loi sur le matériel de guerre révisée était pourvue d'un nouvel art. 8 stipulant qu'il est interdit de développer, de fabriquer, de procurer à titre d'intermédiaire,
d'acquérir, de remettre à quiconque, d'importer, d'exporter, de faire transiter, d'entreposer des mines antipersonnel ou d'en disposer d'une autre manière. Ce même article exigeait en outre que les organes compétents procèdent à la destruction de tous les stocks de mines antipersonnel. Il prévoyait aussi une exception pour les actes destinés «à assurer une protection contre les effets des mines antipersonnel ou à combattre ces effets». Cette disposition devait permettre de détenir un nombre approprié de mines antipersonnel aux fins d'exercices de déminage et de test des appareils de déminage.

Dans son premier projet de révision de la loi sur le matériel de guerre, le Conseil fédéral voulait rester fidèle au principe de l'ancienne loi consistant à soumettre à autorisation certains types de transactions sur le matériel de guerre. Mais en fin de

5 6 7 8

BO 1996 N 1926 à 1927 et 1996 E 854 RS 514.51 RS 946.202 BO 1996 N 2487 à 2488, 2491 et 1996 E 1193 à 1194

2010

compte il opta pour une interdiction générale des activités liées aux armes ABC9.

Cette interdiction constitua aussi le point de départ de la proposition formulée par le conseiller national John Dupraz lors de la session de printemps 1996, qui visait à étendre aux mines antipersonnel l'interdiction valable pour les armes ABC. Cette proposition, présentée de manière crédible, convainquit le Conseil national qui l'accepta par 110 voix contre 43. Le Conseil fédéral réagit à cette décision par une lettre adressée le 2 juillet 1996 à la Commission de la politique de sécurité (CPS) du second conseil. Dans ce courrier, il présentait une version corrigée de la nouvelle loi sur le matériel de guerre, prévoyant, d'une part, l'inscription dans la loi de l'interdiction des mines antipersonnel et, d'autre part, une définition des mines antipersonnel fondée sur celle du Protocole II de la Convention des Nations Unies de 1980 sur certaines armes classiques dans sa version modifiée lors de la Conférence d'examen de 1995/1996. Le Conseil des Etats confirma la décision du premier conseil et approuva la version corrigée du projet de loi sur le matériel de guerre proposée par le Conseil fédéral. A l'instar du Conseil national, le Conseil des Etats était d'avis que la lacune du premier projet de loi mise en évidence par la proposition Dupraz devait absolument être comblée. Lors du vote sur l'ensemble, la révision de la loi fut approuvée par 28 voix contre 3.

La même année, l'interdiction des mines antipersonnel fit également l'objet d'une pétition qui recueillit environ 150 000 signatures. Celle-ci fut traitée par les CPS qui la transmirent au Conseil fédéral sous forme de motion.

1.4

Le processus d'Ottawa

La Suisse fut, après la Belgique, le deuxième pays à introduire une interdiction des mines antipersonnel dans sa législation avant la conclusion de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Convention d'Ottawa ou Traité d'interdiction des mines). Le CICR et l'ICBL s'étaient déjà engagés pour la signature d'un traité international en la matière en 1995 et à partir de février 1997, sur l'initiative de la Suisse, un groupe d'Etats10 s'engagea avec détermination en faveur du processus d'Ottawa et fit avancer les travaux discrètement mais de manière décisive.

Cette conviction manifestée sur le plan international trouva aussi son expression dans le contexte du processus de ratification interne. Les débats au sein des CPS ne donnèrent lieu à aucune friction. Le traité conclu à Ottawa recueillit un vaste consensus politique. Lors de leurs réunions, la CPS-E (19 février 1998) et la CPS-N (23 février 1998) apportèrent un large soutien à l'arrêté fédéral ainsi qu'aux modifications de la loi sur le matériel de guerre et de la loi sur l'armée et l'administration militaire11 (unanimité au sein de la CPS-E pour les trois objets, une abstention au sein de la CPS-N concernant la loi sur l'armée et l'administration militaire). La modification de la loi sur le matériel de guerre portait sur l'art. 8, al. 3.

9 10 11

FF 1995 II 988 Afrique du Sud, Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, Colombie, Irlande, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Philippines.

98.004 Message du 19 janvier 1998 concernant la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction; FF 1998 I 537.

2011

Les débats du Conseil des Etats en séance plénière (3 mars 1998) se déroulèrent dans la sérénité et les trois objets furent adoptés à l'unanimité. Au Conseil national (4 mars 1998), ils furent adoptés à une très large majorité (arrêté fédéral approuvant la Convention d'Ottawa adopté par 100 voix et une abstention, révision de la loi fédérale sur le matériel de guerre adoptée par 104 voix et 2 abstentions, révision de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire adoptée par 91 voix et une abstention). La révision de la loi sur le matériel de guerre entra en vigueur le 1er mars 1999.

2

L'initiative parlementaire Dupraz

2.1

Traits principaux

En s'appuyant sur le large consensus qui avait présidé à l'adoption de l'interdiction des mines antipersonnel lors de la révision totale de la loi sur le matériel de guerre en 1996, le 4 décembre 2000 le conseiller national John Dupraz introduisit une initiative parlementaire sur le même sujet (00.456). Cette initiative visait l'art. 8 de la loi sur le matériel de guerre, plus concrètement une modification de la teneur de son al. 2, let. b, et l'adjonction d'un nouvel al. 4. Elle demandait de reprendre dans le droit interne deux articles de la Convention d'Ottawa, à savoir l'art. 2, ch. 3, qui définit la notion de «dispositif antimanipulation» et l'art. 3, ch. 1, qui prévoit une exception permettant de conserver un certain nombre de mines antipersonnel au titre de l'instruction et des tests.

Selon l'auteur de l'initiative, l'art. 8, al. 2, let. b, de la loi actuelle devrait être remplacé par le libellé de l'article de la Convention d'Ottawa relatif aux exceptions, qui permet «la conservation ou le transfert d'un certain nombre de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection des mines, de déminage ou de destruction des mines, et pour la formation à ces techniques»12. Dans sa teneur actuelle, cette disposition prévoit que les actes destinés «à assurer une protection contre les effets des mines antipersonnel ou à combattre ces effets» ne tombent pas sous le coup de l'interdiction. Selon l'auteur de l'initiative, cette formulation n'est guère compréhensible et permettrait une pratique plus souple que prévu en matière d'exceptions, ce qui pourrait affaiblir l'interprétation à donner de l'interdiction des mines antipersonnel.

Le nouvel art. 8, al. 4, qui reprend également le libellé de la Convention d'Ottawa13, a pour but de définir avec précision ce que sont les «dispositifs antimanipulation» cités dans l'al. 3 comme critère de différenciation entre les mines antipersonnel et les mines antivéhicule. Pour l'auteur de l'initiative il est essentiel d'ajouter cet alinéa afin de préciser la nature de ce dispositif technique qui permet de distinguer sans équivoque les mines antivéhicule, qui ne tombent pas sous le coup de l'interdiction prévue par l'art. 8 de la loi sur le matériel de guerre, des mines antipersonnel qui sont, elles, interdites par le droit suisse et international. Les premières n'explosent qu'à partir d'un poids égal à plusieurs quintaux et sont donc sans danger 12 13

Le nouveau libellé de l'art. 8, al. 2, let. b, de la loi sur le matériel de guerre reprend intégralement la formulation de l'art. 3, ch. 1 (Exceptions), de la Convention d'Ottawa.

Le libellé de l'art. 8, al. 4 (nouveau), reprend intégralement la formulation de l'art. 2, ch. 3 (Définitions), de la Convention d'Ottawa.

2012

pour les personnes se déplaçant à pied, alors que les secondes détonent au contact ou en présence des personnes.

2.2

Les arguments de l'auteur de l'initiative

Lors de l'élaboration de la Convention d'Ottawa, les ONG ont obtenu les définitions des termes «mine antipersonnel» et «dispositif antimanipulation» de haute lutte.

Cette précision a toutefois eu pour effet positif de rassembler un plus grand nombre d'Etats signataires autour de la convention car cette définition plus étroite des mines permet une distinction plus claire entre mines antipersonnel et mines antivéhicule.

Ceci a certes eu pour conséquence de restreindre le champ d'application du traité en excluant de son champ d'application toute une catégorie d'armes, les mines antivéhicule. Mais en contrepartie, le texte final a recueilli une adhésion plus large de la communauté internationale, augmentant d'autant la crédibilité et la portée du Traité d'interdiction des mines. Le prix à payer pour obtenir plus de signatures était l'exclusion des mines antivéhicule du champ d'application de la convention, avec pour conséquence un traité moins percutant, moins exclusif. Dans ce contexte, il paraît essentiel que les définitions utilisées dans la loi sur le matériel de guerre soient aussi précises que possible pour permettre de distinguer sans équivoque les mines dangereuses (mines antipersonnel) de celles ne comportant en principe aucun danger pour les civils (mines antivéhicule). De la sorte, les mines qui ne sont pas dirigées exclusivement contre les personnes ne tombent pas sous le coup de l'interdiction.

Le Parlement a ratifié la Convention d'Ottawa sans tergiverser. Le Conseil de Etats adopta l'objet qui lui était soumis à l'unanimité le 3 mars 1998 et le Conseil national le 4 mars 1998 avec seulement quelques abstentions. Cette adhésion quasi-unanime doit se traduire de manière éloquente dans la transposition du droit international par le biais d'une formulation identique au libellé de la convention dans le droit suisse.

Tant lors de la révision de la loi sur le matériel de guerre du 13 janvier 1996 (art. 8, al. 2, let. b) que de l'adaptation du 20 mars 1998 à la Convention d'Ottawa (art. 8, al. 3, nouveau), les nouvelles dispositions n'ont pas été rédigées de manière compréhensible et complète. Dans le premier cas, la portée de la réglementation est atténuée par la lourdeur de la formulation. Dans le second, le législateur a renoncé à définir les «dispositifs antimanipulation», qui permettent
pourtant une distinction sans équivoque entre les mines antipersonnel, interdites, et les mines antivéhicule, permises. Or il aurait pu reprendre telle quelle la définition de la Convention d'Ottawa. Dans ce contexte, il convient de souligner qu'à l'occasion de la dernière révision de la loi sur le matériel de guerre, en réaction à l'intervention du conseiller national Dupraz demandant l'introduction d'un article interdisant les mines et vu les résultats de la Conférence d'examen du Protocole II, le 2 juillet 199614 le Conseil fédéral avait déjà souligné la nécessité de définir de manière plus précise le terme «mine antipersonnel». Dans cet esprit, il paraît logique de mettre à jour la loi en y introduisant la définition figurant dans la Convention d'Ottawa.

14

Lettre du Conseil fédéral à la CPS-E du 2 juillet 1996 concernant l'objet 95.015.

Révision de la loi sur le matériel de guerre.

2013

A l'appui de sa proposition, le conseiller national Dupraz énonce également un certain nombre de développements internationaux et d'initiatives visant à renforcer le dispositif de la Convention d'Ottawa. Il cite en particulier la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 12 janvier 2001 qui demande une accélération du processus d'application de la Convention d'Ottawa, le règlement du Parlement européen du 23 juillet 2001 régissant l'aide financière aux Etats nonsignataires de la Convention d'Ottawa et une fiche d'information de l'Observatoire des mines du 1er février 2002 demandant la création d'un réseau d'échange d'informations fondé sur la société civile et d'un organe de surveillance de l'application de la Convention d'Ottawa. L'initiative parlementaire s'inscrit donc, sur le plan international, dans une mouvance qui veut accélérer l'application du Traité d'interdiction des mines.

Le conseiller national Dupraz souligne le fait que la Convention d'Ottawa a aussi vu le jour grâce à l'engagement de la Suisse (adoption précoce de l'interdiction des mines antipersonnel dans la législation nationale, initiative du CICR, création du groupe d'Ottawa sur l'initiative de la Suisse). De par ses obligations humanitaires, la Suisse se doit aussi de respecter la volonté juridique des Etats signataires et de reprendre dans sa propre législation le libellé des dispositions du droit international humanitaire.

Certes, il ne viendrait à l'idée de personne que notre législation puisse laisser une place à l'emploi, au stockage, à la production ou au transfert des mines antipersonnel. Néanmoins le droit international doit trouver son expression dans le droit interne afin de montrer à la communauté internationale que le peuple suisse souscrit pleinement au texte signé à Ottawa, mais aussi pour simplifier la compréhension et l'interprétation juridique du traité et de la loi. Pour l'auteur de l'initiative, cette modification de la loi s'impose pour conserver la bonne image de la Suisse et donner à nouveau plus de poids à son engagement humanitaire.

Enfin, il faut relever que la Suisse est aussi concernée par une application pleine et entière de la convention. Le recours à des formulations identiques à celles de la convention dans le droit interne est une manière de propager les idéaux d'Ottawa sur le
plan juridique et dans les faits. De plus, l'utilisation dans le droit interne de formules aussi proches que possible de celles de la convention ne peut qu'encourager une interprétation plus homogène du texte par les Etats ayant ratifié le traité. En ce sens, l'initiative a aussi pour objectif de lancer un signal politique aux autres signataires, un signal que la Suisse se doit de donner au regard de sa tradition humanitaire.

2.3

Les arguments de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national

La CPS-N s'est penchée sur l'initiative parlementaire Dupraz lors de sa séance du 29 mai 2001. Elle avait alors décidé d'y donner suite par 12 voix contre 6. La majorité de la commission avait fourni les arguments suivants à l'appui de sa décision: 1.

2014

Tant le Parlement européen que l'ICBL demandent que les Etats signataires de la Convention d'Ottawa reprennent le libellé du traité dans leur législation nationale. L'art. 8 reprend intégralement le libellé du Traité d'interdiction des mines aux al. 1 et 3, mais pas aux al. 2 et 4. Les définitions

essentielles doivent être reprises dans la législation nationale pour éviter des problèmes d'interprétation, mais aussi des questions inutiles de la part de nos partenaires. La notion de «dispositif antimanipulation» est essentielle, car ce type de dispositif permet de distinguer les mines antivéhicule, qui ne représentent qu'un danger indirect pour les personnes (par l'intermédiaire de véhicules ou de blindés), des mines antipersonnel, qui sont dirigées contre les personnes se déplaçant à pied. Selon l'auteur de l'initiative, plutôt que de perdre du temps en explications avec ses partenaires cosignataires du traité, la Suisse devrait agir. Les effets des mines antipersonnel sont dévastateurs et, dans ce domaine, il vaut la peine de reprendre intégralement le texte du traité.

2.

La transposition fidèle du texte d'un traité international dans le droit interne ne change rien, sur le fond, à la situation juridique de la Suisse, car la législation nationale s'appuie sur le droit international et doit de toute manière être appliquée en fonction de ce dernier (monisme). L'objectif de la proposition n'est donc pas de modifier la loi quant au fond, mais simplement de donner une image irréprochable de la législation suisse à un public qui ne serait pas familier de notre systématique juridique.

3.

Pour conserver son rôle moteur dans le processus d'application de la Convention d'Ottawa, la Suisse doit se présenter comme un partenaire fiable.

Dans cette optique, la modification proposée est nécessaire car elle exprime la volonté politique et humanitaire de la Suisse.

Une minorité de la commission (Tschuppert, Borer, Engelberger, Schlüer, Wasserfallen, Wittenwiler) souhaitait ne pas donner suite à cette initiative pour les raisons suivantes: 1.

La Suisse n'a encore jamais fait valoir les exceptions prévues à l'art. 8, al. 2, let. b. En revanche elle a détruit tous ses stocks de mines, sans exception.

Par conséquent, la modification proposée est sans objet.

2.

Sur le fond, la minorité de la commission approuve l'initiative, car les deux dispositions visées reflètent un traité que la Suisse a ratifié en 1998. Elle relève toutefois que selon notre systématique juridique le droit international prime le droit national (monisme). La Convention d'Ottawa fait donc déjà partie intégrante du droit suisse et il n'y a aucune raison de la reprendre in extenso dans le droit interne. Cette modification purement formelle doit donc être évitée.

3.

La minorité trouve le procédé arbitraire et se demande pourquoi ne reprendre explicitement que ces deux dispositions de la convention dans le droit suisse et pas les autres.

4.

L'acceptation de l'initiative parlementaire Dupraz créerait un précédent. La minorité craint que cela ne puisse avoir des conséquences sur la législation interne lors de la conclusion de futurs traités internationaux.

2015

2.4

La décision du Conseil national

Le Conseil national a traité l'initiative parlementaire Dupraz le 19 septembre 2001, pendant la session d'automne, en décidant d'y donner suite par 106 voix contre 40.

Par cette décision clairement tranchée, il confiait à la CPS-N le mandat de développer cette proposition et de rédiger un rapport.

Les raisons principales pour lesquelles la majorité du conseil a accepté cette proposition étaient d'abord que la loi sur le matériel de guerre, qui avait été révisée avant le processus d'Ottawa, ne correspondait plus au texte du traité signé dans la capitale canadienne, ensuite qu'il voulait donner un signal politique et enfin qu'il fallait éviter de devoir rendre des comptes aux autres Etats signataires de la convention.

Les raisons principales invoquées par la minorité du conseil pour refuser l'initiative étaient que la loi sur le matériel de guerre contient déjà les dispositions visées par l'initiative, que ces modifications alourdiraient inutilement la loi existante, que l'acceptation de l'initiative créerait un précédent et que la reprise «à la carte» de certaines dispositions du traité était arbitraire.

2.5

Pour l'acceptation de l'initiative

Le Conseil national a confié à sa CPS un mandat sans équivoque (avec 106 voix contre 40) en lui demandant de rédiger un rapport au sujet de l'initiative parlementaire Dupraz. Ce mandat est précis et ne laisse aucune place au doute. Il ne requiert ni éclaircissements ni avis d'experts, l'initiative ne visant pas une modification de fond de la loi sur le matériel de guerre mais la reprise intégrale de deux dispositions de la Convention d'Ottawa dans le droit interne. Cette procédure restera un cas unique et ne crée pas de précédent pour la transposition des traités internationaux futurs. Aussi y a-t-il de bonnes raisons pour accepter cette initiative. Les modifications proposées contribuent à une formulation plus compréhensible et sans équivoque de la loi sur le matériel de guerre.

3

Commentaire des différentes dispositions

Avant d'entrer dans les détails, il faut constater que les modifications de l'art. 8 de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG) proposées par l'initiative parlementaire Dupraz n'apportent aucune modification quant au fond.

L'objectif de l'auteur de l'initiative est que le libellé de l'article de la loi suisse soit plus proche de la formulation adoptée dans le Traité d'interdiction des mines conclu à Ottawa le 18 septembre 1997.

En tout état de cause, en vertu de la primauté du droit international sur le droit interne, la Convention d'Ottawa prime la LFMG. Autrement dit, en cas de divergence entre la LFMG et la convention (ce qui n'est pas le cas) ou de description moins précise dans la loi, ce serait de toute manière le texte de la convention qui ferait foi et qui serait utilisé pour interpréter le droit.

2016

Art. 8, al. 2, LFMG L'art. 8, al. 2, LFMG actuel n'est guère compréhensible, raison pour laquelle cette disposition devrait être entièrement supprimée et remplacée par le libellé de l'art. 3, ch. 1, du Traité d'interdiction des mines. Ce changement n'apporte aucune modification quant au fond.

Art. 8, al. 4, LFMG Ce nouvel alinéa définit précisément la notion de «dispositif antimanipulation». Il reprend le libellé de l'art. 2, ch. 3, du Traité d'interdiction des mines. La LFMG actuelle ne contient aucune disposition à ce sujet.

4

Conséquences

Les modifications proposées sont de nature purement formelle. Elles ne devraient donc avoir aucune conséquence financière ou sur l'état du personnel, ni pour la Confédération ni pour les cantons. Aucune autre conséquence n'est connue ou escomptée.

5

Exécution

Les changements proposés ne touchant pas au fond, ils resteront sans conséquence pour l'application de l'interdiction des mines antipersonnel et ne requièrent donc aucune modification de l'ordonnance sur le matériel de guerre.

6

Rapports avec le droit européen

A l'instar de la Suisse, de nombreux pays européens ont signé et ratifié le Traité d'interdiction des mines. En revanche l'Union européenne ne l'a pas fait, raison pour laquelle le droit européen (émanant de la Commission et du Parlement européen) ne comporte aucune disposition à ce sujet.

7

Bases légales

7.1

Constitutionnalité et légalité

La loi sur le matériel de guerre, dont seul l'art. 8 doit être modifié, repose sur l'art. 107, al. 2, de la Constitution.

L'art. 107, al. 2, de la Constitution confère à la Confédération de vastes compétences législatives en matière de fabrication, d'acquisition, de distribution, d'importation, d'exportation et de transit de matériel de guerre. L'inscription, dans la loi, de l'interdiction des mines antipersonnel repose sur cette disposition constitutionnelle.

Comme les modifications visées sont de nature purement formelle et qu'elles ne touchent pas au fond, elles sont constitutionnelles.

2017

7.2

Forme de l'acte à adopter

Il est prévu de modifier directement l'art. 8 de la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (LFMG).

2018