ad 01.426 Initiative parlementaire Révision de la loi sur les allocations pour perte de gain Extension du champ d'application aux mères exerçant une activité lucrative (Triponez Pierre) Rapport du 3 octobre 2002 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 6 novembre 2002

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous exprimons ci-après notre avis, conformément à l'art. 21quater, al. 4, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), au sujet du rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 3 octobre 2002.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

6 novembre 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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2002-2555

Avis 1

Remarque introductive

L'initiative parlementaire Triponez du 20 juin 2001, à laquelle le Conseil national a donné suite à une très large majorité le 29 novembre 2001 (124 voix contre 36), n'exige pas seulement l'introduction d'une allocation de maternité, mais également l'élévation de l'allocation pour perte de gain accordée aux personnes qui font du service (à l'exception des recrues). Dans son avis, le Conseil fédéral met toutefois l'accent sur l'objet principal de l'initiative, soit l'introduction d'une allocation de maternité.

2

Avis sur les lignes directrices de l'initiative

2.1

Contexte

Le rejet de l'assurance-maternité lors de la votation populaire du 13 juin 1999 a donné lieu à de nombreuses interventions parlementaires, dont plusieurs initiatives parlementaires. Toutes tendaient à une protection accrue de la maternité. En d'autres termes, il importait de mettre en oeuvre un congé-maternité autonome payé, allant ­ selon les propositions ­ de huit à seize semaines. La question du financement de la perte de gain a fait l'objet de nombreux modèles: si d'aucuns préconisaient une révision du code des obligations et la mise à contribution des employeurs, d'autres envisageaient la création d'une assurance-maternité, voire l'élaboration d'un système de financement mixte.

Le 15 juin 2001, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation relative à la révision du code des obligations. Toute femme salariée devait pouvoir prétendre à un congé-maternité payé. Deux modèles ont été proposés. Le premier prévoyait un congé de huit semaines au cours de la première et de la deuxième année de service, appelé à atteindre progressivement quatorze semaines dès la 8e année de service. Le second attribuait un congé d'une durée uniforme de douze semaines. Il incombait à l'employeur de verser la totalité du salaire durant le congé-maternité, même si la travailleuse avait déjà été empêchée de travailler pour d'autres raisons (p. ex. maladie, accident ou grossesse) durant l'année de service considérée. Le congé-maternité ne saurait autoriser une réduction de la durée des vacances. Chacune des variantes entend accorder à la mère un congé de 14 semaines, indépendamment de la durée du droit au salaire.

A une très grande majorité, les participants à la procédure de consultation ont rejeté les propositions du Conseil fédéral et ont souhaité que l'indemnisation de la perte de gain pendant le congé-maternité soit aménagée sous forme d'une prestation de la sécurité sociale analogue aux allocations pour perte de gain en faveur des personnes faisant du service (APG). En d'autres termes, ils préconisaient une solution identique ou très semblable à celle requise par l'initiative parlementaire Triponez déposée entretemps. Cela étant, le Conseil fédéral a décidé de soutenir également ladite initiative, pour autant que le Parlement présente rapidement un projet en ce sens.

Dans l'attente d'une décision du Conseil national au sujet de l'initiative Triponez, le

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Conseil fédéral a donc décidé, le 21 novembre 2001, la mise en veilleuse du projet de révision du code des obligations, pour décider ultérieurement seulement de la suite à donner.

Le projet de modification de la loi fédérale sur le régime des allocations pour perte de gain en faveur des personnes servant dans l'armée, dans le service civil ou dans la protection civile (LAPG; RS 831.40), qui concrétise l'initiative Triponez, prend en compte les suggestions des participants à la procédure de consultation sur une révision du code des obligations. Il constitue en effet en quelque sorte une réponse aux résultats de cette consultation. De ce fait, la CSSS-N a estimé qu'il n'y avait pas lieu de soumettre son projet à une nouvelle consultation, avis que le Conseil fédéral partage sans réserve.

2.2

Evaluation de l'allocation de maternité du point de vue de la politique sociale et familiale

Partageant l'avis de la CSSS-N, le Conseil fédéral estime que l'introduction d'un véritable congé-maternité payé est une mesure en faveur des femmes qui s'impose depuis longtemps déjà. En effet, même après le rejet de l'assurance-maternité en votation populaire, le 13 juin 1999, il a poursuivi son objectif d'améliorer la protection en cas de maternité et d'introduire, pour le moins, un congé-maternité payé pour les mères salariées après l'accouchement. Ainsi, il a proposé une révision du code des obligations, dans la mesure où toute nouvelle solution relevant des assurances sociales semblait à ce moment-là vouée à l'échec.

Dans son message du 25 juin 1997 concernant l'assurance-maternité (FF 1997 IV 881), le Conseil fédéral insistait déjà sur l'importance capitale de la maternité pour la famille et l'ensemble de la société. La protection de la maternité constitue une tâche à laquelle l'Etat ne saurait se soustraire. Elle procède d'un impératif de politique familiale, d'un postulat de politique sociale et du principe fondamental de l'égalité entre femmes et hommes. Il importe d'accorder à la mère une période de repos après l'accouchement, lui permettant de récupérer, de s'occuper du nouveauné et de développer la relation mère-enfant sans être accablée par des soucis financiers. Après l'accouchement, la mère ne peut ni ne doit être contrainte de reprendre immédiatement une activité lucrative. Un arrêt de travail est nécessaire et imposé par la loi fédérale sur le travail (LTr; RS 822.11). Comme d'autres motifs d'incapacité de travail (accident, service militaire), il doit être couvert par des prestations sociales. Ses conséquences économiques ne sauraient être supportées par la mère et sa famille exclusivement. Chaque mère devrait avoir droit ­ indépendamment du nombre d'années de travail et des réglementations de branches spécifiques ­ à un même congé payé, d'une durée suffisante. Un tel congé s'ajoute au catalogue des mesures destinées à mieux concilier les impératifs de la famille et de la vie professionnelle et apporte une contribution intéressante à la réalisation du postulat d'égalité.

Aux yeux du Conseil fédéral, l'introduction d'un congé-maternité payé est également prioritaire dans le contexte d'une politique familiale coordonnée et globale.

Par leur diversité, tous les instruments de la politique familiale doivent se compléter et contribuer à l'amélioration des conditions de vie des familles et à l'accroissement des chances des enfants.

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­

Les allocations familiales qui, dans beaucoup de cantons, comprennent également des allocations de naissance, ainsi que les allègements fiscaux accordés aux familles, compensent en partie les charges familiales. Le Parlement discute à l'heure actuelle d'un projet de loi fédérale sur les allocations familiales (Iv.pa. 91.411, Prestations familiales, Fankhauser). Le Conseil fédéral encourage les efforts déployés en vue d'une meilleure coordination des allocations. Par ses propositions en matière de réforme fiscale, il entend également renforcer l'allègement de la charge fiscale des familles.

­

Pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, il faut non seulement aménager l'environnement professionnel pour l'adapter autant que faire se peut aux besoins familiaux, mais également offrir des places d'accueil en dehors du cadre familial. A cet effet, l'élaboration de bases légales propres à permettre à la Confédération d'apporter un soutien financier, limité dans le temps, à la création de places d'accueil pour enfants, devrait donner l'impulsion nécessaire en ce sens. Le Conseil fédéral y est d'ailleurs favorable sur le principe. Les Chambres fédérales ont approuvé la loi fédérale correspondante en date du 4 octobre 2002. Une activité lucrative accrue des parents ou du parent assumant seul l'éducation des enfants contribue également à diminuer le risque de précarité pour les familles.

Lorsqu'une famille ne dispose pas elle-même d'une assise financière suffisante, elle peut recourir aux prestations de besoin versées par les cantons, que ce soit dans le cadre de l'aide sociale ou de réglementations spécialement destinées à venir en aide aux parents ou aux mères seules vivant dans des conditions financières précaires. En corrélation avec deux initiatives parlementaires transmises par le Conseil national (00.436, Fehr Jacqueline, et 00.437, Meier-Schatz Lukrezia), la mise en oeuvre de prestations complémentaires pour familles au niveau fédéral est également à l'ordre du jour.

Le présent projet d'une allocation de maternité va nettement moins loin que la loi sur une assurance-maternité fédérale que le peuple a rejetée en 1999. Certes, il aurait été envisageable de prévoir une solution plus généreuse et d'instaurer notamment une allocation de maternité de 16 semaines (comme le proposait une minorité de la CSSS-N), de prévoir une allocation minimale garantie, voire un plafond plus élevé pour l'allocation maximale, d'étendre la couverture aux femmes n'exerçant pas d'activité lucrative ou encore de créer une allocation d'adoption, comme l'envisageait une minorité de la CSSS-N. Le Conseil fédéral est toutefois persuadé qu'un projet plus ambitieux que celui proposé par la majorité de la CSSS-N n'est pas de mise, car il risque de subir le même sort que la loi sur l'assurance-maternité. Cela étant, il estime que, 57 ans après l'introduction de la base constitutionnelle permettant de créer l'allocation de maternité au niveau fédéral, la première priorité consiste à réaliser enfin ce mandat constitutionnel. Tout comme la majorité de la CSSS-N, il est convaincu que cela n'est possible qu'au prix d'un projet plutôt modeste, loin d'être minimaliste, qui prévoit un congé-maternité de 14 semaines, réservé exclusivement aux femmes exerçant une activité lucrative et qui couvre 80 % de la perte de gain jusqu'à concurrence du plafond également prévu pour les allocations versées aux personnes qui font du service.

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Toute protection supplémentaire doit faire l'objet d'accords entre partenaires sociaux ou être laissée à l'initiative des cantons. Le Conseil fédéral salue donc le fait que le projet de révision consacre explicitement ce principe (art. 16h du projet de modification de la LAPG).

2.3

Evaluation de l'allocation de maternité du point de vue de la politique économique

L'instauration d'un congé-maternité payé de quatorze semaines pour toutes les femmes actives occasionnerait à notre économie un coût supplémentaire d'environ 100 millions de francs. Ce chiffre correspond à l'amélioration des prestations pour toutes les femmes dont le droit actuel au congé-maternité est inférieur à quatorze semaines et part de l'hypothèse que les prestations supérieures au seuil fixé par l'iniative Triponez, accordées aujourd'hui déjà par les entreprises (env. 71 millions de francs), ne subiront aucune réduction.

A l'instar de la CSSS-N, le Conseil fédéral est d'avis que notre économie est en mesure de financer cette charge. Il est d'ailleurs convaincu que cette mesure ne peut que favoriser la croissance économique à long terme en contribuant à rendre le marché du travail plus attrayant pour les femmes.

C'est sans réserve que le Conseil fédéral approuve le nouveau mode de financement fondé sur le système des APG (allocations pour perte de gain en faveur des personnes servant dans l'armée, dans le service civil ou dans la protection civile) tel qu'il est proposé dans le rapport. Cette solution est plus solidaire et globalement plus favorable aux employeurs, qui supportent aujourd'hui l'essentiel de la charge financière induite par les congés-maternité. Il s'agit aujourd'hui de quelque 353 millions de francs sur un total de 382 millions, ce qui représente 0,13 % de la masse salariale, le solde de 29 millions de francs étant supporté par les personnes exerçant une activité lucrative. Avec le mode de financement préconisé par l'initiative Triponez, la charge globale pour les employeurs diminuera de 136 millions de francs pour tomber à 0,08 % de la masse salariale. Cela parce que les prestations ne sont plus financées presque exclusivement par des contributions patronales et qu'en outre, à l'instar des allocations pour perte de gain versées aux personnes faisant du service, l'allocation de maternité revient de droit aux employeurs dans la mesure où ils continuent de verser un salaire pendant le congé-maternité.

La proposition de la CSSS-N concernant le régime financier de l'allocation de maternité permet en outre d'abolir les fortes disparités de coûts entre les branches qui emploient beaucoup de femmes et celles avec une majorité de salariés masculins.

Elle permet même de corriger
les distorsions de concurrence qui existent actuellement entre entreprises et défavorisent celles qui emploient des femmes en âge d'avoir des enfants.

Le Conseil fédéral note par ailleurs avec satisfaction que, dans les premiers temps suivant l'entrée en vigueur de la modification de la LAPG (envisagée pour 2004), les entreprises n'auront à assumer aucune charge financière liée au congé-maternité de 14 semaines. En effet, le premier relèvement de 0,1 % du taux de cotisations des APG n'interviendra que quatre ans plus tard (il est prévu en 2008).

1036

La généralisation du congé-maternité exigera certes des entreprises, et notamment des plus petites, qu'elles s'organisent soigneusement pour pallier les absences de leurs employées au niveau opérationnel. Le Conseil fédéral est cependant convaincu que le marché du travail et une plus grande flexibilité interne au niveau de la gestion des ressources humaines permettront à chaque entreprise de trouver une solution adaptée à ses besoins sans inconvénient majeur sur la marche de ses affaires.

Après 2008, toutes les entreprises ne bénéficieront pas forcément d'un allégement financier par rapport à la situation actuelle. Le Conseil fédéral partage néanmoins l'appréciation de la CSSS-N, qui estime que les relèvements très modestes des taux de cotisations des APG à charge des employeurs (0,05 % en 2008 et 0,05 % en 2012) resteront tout à fait supportables pour les entreprises qui, à ce jour, ne participent pas ou peu aux coûts engendrés par les congés-maternité à l'échelle nationale.

Les salariés, les indépendants et les non-actifs seront eux aussi soumis à des relèvements de leurs cotisations sociales du même ordre en 2008 et en 2012. Le Conseil fédéral juge que ces très faibles diminutions de leurs revenus disponibles resteront sans conséquences visibles sur leur niveau de vie et ne devraient affecter ni leur comportement en matière de consommation ni leur offre de travail.

2.4

Conséquences de l'introduction d'une allocation de maternité pour la Confédération et les cantons

Comme le mentionne le rapport de la CSSS-N, l'initiative affectera la Confédération et les cantons principalement dans leur fonction d'employeur. La comparaison entre la charge actuelle de la Confédération (estimée dans le rapport à 0,12 % de la masse salariale) et des cantons (estimée à 0,34 %) et la charge future (0,1 % pour les employeurs dès 2012 pour un congé de quatorze semaines) montre que les cantons devraient profiter davantage que la Confédération du nouveau régime de financement.

Le Conseil fédéral est d'avis que les économies réalisées par la Confédération en tant qu'employeur justifient le maintien des dispositions actuelles en matière de congé-maternité. En effet, l'administration fédérale dépense actuellement (état 2001) environ 5 millions de francs par année pour couvrir l'intégralité du salaire des employées pendant leur congé-maternité, dont la durée réglementaire est de quatre mois. Pour un congé de quatorze semaines, il s'agirait de 4,4 millions de francs.

Avec l'introduction d'une allocation de maternité couvrant 80 % de la perte de gain pendant quatorze semaines, l'administration fédérale pourra donc réaliser des économies d'environ 3,5 millions de francs, économies qui compenseront largement les frais supplémentaires modestes qui lui incomberont dans le cadre de la mise en oeuvre de cette nouvelle prestation de sécurité sociale (cf. ch. 2.5).

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2.5

Questions concernant l'application

Les règles qui régissent la mise en oeuvre, l'organisation et l'application de l'allocation de maternité sont largement calquées sur le régime des APG dont bénéficient les personnes qui accomplissent du service, régime qui a fait ses preuves. En particulier, l'application de l'allocation de maternité est confiée aux organes chargés de verser les APG aux personnes faisant du service, à savoir les caisses de compensation AVS et les employeurs. Cela étant, le Conseil fédéral estime que la mise en oeuvre technique de l'allocation de maternité ne présentera pas de problèmes majeurs. En revanche, à l'instar de la CSSS-N, il ne sous-estime nullement le surcroît de travail que l'introduction de l'allocation de maternité représentera pour les caisses de compensation: il s'agira en effet de traiter près de 50 0001 dossiers supplémentaires par année, dont la gestion sera plus complexe que celle inhérente aux personnes faisant du service: aussi importera-t-il de tenir compte des règles spécifiques de l'Accord sur la libre circulation des personnes dans la mesure où, contrairement aux allocations versées aux personnes qui font du service, les allocations de maternité tombent sous le coup dudit accord. Les tâches de contrôle seront elles aussi plus exigeantes (examen des conditions d'assurance, contrôle visant à déterminer si la reprise de l'activité lucrative n'est pas intervenue avant l'écoulement de la durée maximale du droit à l'allocation, etc.). Enfin, on ne saurait escompter une diminution du volume de travail avec la mise en oeuvre d'Armée XXI, étant donné que la réduction des effectifs de l'armée ne porte que sur le personnel de réserve, soit des personnes qui ont déjà accompli leurs obligations de service. Par conséquent, même si le Conseil fédéral estime indispensable d'introduire rapidement l'allocation de maternité, il lui semble néanmoins opportun d'accorder aux organes d'exécution un temps de préparation suffisant. Il veillera notamment à ce que les dispositions d'exécution de l'allocation de maternité appelées à être édictées par ses soins permettent une application rationnelle. Quant à l'augmentation du travail administratif des employeurs chargés de fournir aux caisses de compensation les données nécessaires pour le calcul de l'allocation de maternité, le Conseil fédéral partage l'avis de la
CSSS-N: il s'agit d'une augmentation légère qui, pour beaucoup d'employeurs, sera largement compensée par la diminution de leur charge financière, vu que le paiement du salaire des femmes en congématernité ne leur incombera plus exclusivement. Ceci vaut également pour l'administration fédérale. L'introduction de l'allocation de maternité entraînera une réduction de sa masse salariale qui compensera largement la modeste augmentation des tâches administratives des services appelés à collaborer avec les caisses de compensation, tout comme les coûts liés à la création de deux postes ­ au maximum ­ au sein de l'Office fédéral des assurances sociales, chargé de la surveillance de l'allocation de maternité.

1

En 2000, on a recensé en tout 78 000 naissances en Suisse. La plupart des femmes exercent une activité lucrative au moment de la naissance de leur premier enfant.

Une enquête portant sur les années 1991 à 1999 montre que 62 % des mères ont poursuivi une activité lucrative après la naissance de leur premier enfant.

L'incidence de la naissance d'un deuxième enfant sur l'activité professionnelle des mères est encore moindre.

1038

2.6

Compatibilité de l'allocation de maternité avec le droit international et le droit européen

Comme la CSSS-N l'a relevé à juste titre, le projet d'allocation de maternité, dans la mesure où il ne prévoit pas de congé prénatal, n'est pas en harmonie avec l'art. 10, par. 2, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I), qui a été ratifié par la Suisse. Dans le passé, l'organe de contrôle du Pacte I a déjà déploré l'inexistence d'une assurance-maternité dans notre pays et a recommandé à la Suisse d'accorder aux femmes enceintes et aux mères qui viennent d'accoucher une protection adéquate sur le plan de la sécurité sociale. Le projet de révision de la LAPG serait sans aucun doute considéré comme un progrès très important, mais il n'en reste pas moins que l'organe de contrôle pourrait adresser des observations à la Suisse en raison de l'inexistence de prestations octroyées avant la naissance de l'enfant.

Malgré cette réserve et pour les motifs évoqués au ch. 2.2 ci-dessus, le Conseil fédéral renonce à proposer l'introduction d'un congé prénatal.

Les dispositions du Pacte I ne s'adressent en principe pas aux particuliers mais au législateur. Le Tribunal fédéral (TF) a jugé à plusieurs reprises que les dispositions du Pacte ne fondent pas de droits subjectifs que les particuliers pourraient invoquer en justice (ATF 122 I 101). Il a toutefois admis que certaines dispositions du Pacte I étaient directement applicables (self-executing). Jusqu'à présent, le TF n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur l'art. 10, par. 2; il n'est donc pas possible de préjuger du caractère d'effet direct ou non de cette disposition.

Quant à la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe, qu'une initiative parlementaire (Iv.pa 91.419 du Groupe socialiste) demande de ratifier, l'organe de contrôle de la Charte estime qu'un congé prénatal est nécessaire pour que la législation d'un Etat soit considérée comme compatible avec l'art. 8, par. 1, de la Charte.

Par ailleurs, la Suisse a ratifié le Code européen de sécurité sociale du Conseil de l'Europe et la Convention n° 102 de l'OIT, mais sans en accepter la partie VIII relative aux prestations de maternité. Or, cette absence de congé prénatal empêcherait l'acceptation des dispositions correspondantes de ces deux instruments internationaux.

Par contre, comme le relève le rapport de la CSSS-N, l'Accord sur la libre circulation
des personnes avec la Communauté européenne et la convention modifiée avec l'AELE ne constituent pas un obstacle à la réalisation de l'allocation de maternité préconisée, vu que le projet ne fait pas de distinction de nationalité des bénéficiaires et n'empêche pas le versement des prestations à l'étranger.

1039

2.7

Proposition d'augmenter le taux des allocations pour perte de gain versées aux personnes qui font du service

Selon le projet de modification de la LAPG élaboré par la CSSS-N, l'allocation de base pour les personnes faisant du service est portée à 80 % du dernier gain obtenu avant l'entrée en service. Le Conseil fédéral salue cette mesure qui constitue une amélioration sensible pour les personnes concernées et pour leurs employeurs, dans la mesure où ces derniers continuent à verser le salaire pendant la période de service, et qui permet en outre une certaine harmonisation des différentes indemnités pour perte de gain accordées par l'une et l'autre branche de la sécurité sociale. En effet, l'assurance-accidents obligatoire applique déjà ce même taux; l'assurance-chômage l'applique partiellement et la 4e révision de l'AI prévoit de l'introduire pour les indemnités journalières. L'élévation de l'allocation de base, qui passe de 65 à 80 %, entraîne des coûts supplémentaires de l'ordre de 62 millions de francs.

3

Avis concernant les différentes dispositions légales

Ne sont citées que les dispositions qui donnent lieu à des observations au plan matériel.

a. Préambule Selon les directives de technique législative de la Chancellerie fédérale (DTL), les compétences civiles ou pénales de la Confédération (art. 122 et 123 Cst.) n'ont pas à figurer dans le préambule, sauf si les normes en la matière sont d'une grande importance dans l'acte, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. Ces deux dispositions ne devraient par conséquent plus être mentionnées, lors même qu'elles l'étaient précédemment (référence aux art. 64 et 64bis aCst.).

b. Art. 9, al. 2 (allocations pour recrues qui ont droit aux allocations pour enfants) Conformément au projet de loi, seul le titre de l'art. 9 doit être modifié. Comme l'allocation de base pour toutes les autres périodes de service est désormais appelée à figurer à l'art. 10, l'art. 11 se limitant à réglementer le mode de calcul, il importe, à l'art. 9, al. 2, de renvoyer à l'art. 10, pour que les recrues qui ont droit aux allocations pour enfants soient indemnisées de la même manière que d'autres personnes avec enfants qui font du service. Cette disposition devrait donc avoir le libellé suivant: «Pour les recrues qui ont droit aux allocations pour enfants, l'allocation journalière de base est calculée conformément l'art. 10.» c. Art. 16b, al. 1 Aux termes du rapport de la CSSS-N, il appert que la majorité de la commission n'entend pas accorder d'allocation aux femmes qui travaillent dans l'entreprise de leur mari sans salaire en espèces, une minorité rejetant toutefois cette idée. Cela ne ressort toutefois pas assez clairement du texte de loi proposé, et les commentaires accompagnant le point de vue de la majorité ne contribuent pas davantage à la transparence. Le 6e paragraphe desdits commentaires permettrait en effet de penser 1040

qu'un droit aux allocations est également accordé aux femmes qui travaillent dans l'entreprise de leur mari sans salaire en espèces, ce qui résulte a priori d'une erreur.

A notre sens, et sans vouloir trop bouleverser le texte initial, il importerait dès lors de formuler la proposition de la majorité ­ que nous soutenons ­ comme suit: «Ont droit à l'allocation de maternité les femmes qui, lors de l'accouchement, sont réputées salariées, mais ne travaillent pas dans l'entreprise de leur conjoint sans rémunération en espèces, ou qui exercent une activité lucrative indépendante ...» Par le biais d'une telle formulation, on exclut du droit à l'allocation les femmes qui travaillent dans l'entreprise de leur mari sans salaire en espèces, mais pas celles qui sont certes salariées, mais encore trop jeunes pour être tenues de payer des cotisations (cf. art. 3 LAVS).

d. Art. 16b, al. 3 Le libellé de cette disposition ne permet pas de circonscrire clairement la portée de la délégation de compétence au Conseil fédéral. Peut-il régler toutes les conditions du droit pour les femmes qui, lors de l'accouchement, n'étaient pas réputées salariées ou indépendantes, ou seulement les cas dans lesquels les femmes concernées ne sauraient être considérées comme telles pour cause d'incapacité de travail ou de chômage? Au regard des commentaires s'y rapportant, la délégation de compétence au Conseil fédéral doit se comprendre de manière restrictive; une interprétation plus large ne serait d'ailleurs pas admissible.

Nous proposons dès lors la formulation suivante: «Le Conseil fédéral règle le droit à l'allocation des femmes qui, pour cause d'incapacité de travail ou de chômage: a.

ne remplissent pas les conditions prévues à l'al. 1, let. a,

b.

ne sont pas considérées comme travailleuses ou indépendantes au moment de l'accouchement.»

ou

De surcroît, la lecture des commentaires concernant cette disposition laisse entendre que le Conseil fédéral ne peut, en cas de chômage, s'écarter des règles générales de l'al. 1 que si, lors de l'accouchement, l'intéressée percevait effectivement une allocation de chômage. Tel devrait bien entendu être la règle. Des exceptions devraient toutefois pouvoir être stipulées lorsqu'au moment de l'accouchement ou dans les 14 semaines qui suivent, une femme remplit ou remplirait les conditions du droit aux allocations de chômage, ou si la cessation du travail était due à des problèmes de santé.

De la sorte, on s'assure que le Conseil fédéral peut, au niveau de l'ordonnance, prévoir que l'allocation de maternité ne soit pas seulement destinée aux femmes qui, au moment de l'accouchement, percevaient une allocation de chômage et, par conséquent, un revenu de substitution. Un tel droit devrait également être accordé lorsqu'aucune allocation de chômage n'est versée: ­

si, au moment de l'accouchement, la possibilité existe, dans un délai-cadre donné, d'obtenir une telle prestation, indépendamment du fait qu'elle soit perçue immédiatement avant l'accouchement;

1041

­

si, dans la période précédant ou suivant immédiatement l'accouchement, les conditions d'une période de cotisation suffisante au sens de la loi sur l'assurance-chômage (LACI) sont remplies, ou s'il existe des motifs ayant justifié une exemption du paiement des cotisations.

En effet, il sied d'éviter, dans le sens d'une délimitation et d'une coordination conséquentes entre la LACI et la LAPG, que des assurées ne soient appelées à présenter une demande d'allocations de chômage afin de préserver leur droit à des allocations de l'assurance-maternité. L'exigence d'une telle demande pourrait ­ vu la rigueur du système des délais-cadres ­ prétériter très fortement les droits éventuels des intéressées en cas de chômage ultérieur. Enfin, le principe de l'égalité de traitement exige la mise en oeuvre d'une telle réglementation, faute de quoi la catégorie des personnes assurées libérées du paiement des cotisations subirait une inégalité de traitement selon qu'une demande d'allocations de chômage aura été déposée ou non au moment de l'accouchement.

4

Conclusion

Le projet de la CSSS-N constitue une solution parfaitement adéquate pour combler la dernière des grandes lacunes de la sécurité sociale suisse, l'absence de protection de la maternité. Il constitue un progrès décisif en matière de politique sociale, dont les incidences financières, même à plus long terme, seront si modestes qu'elles n'auront pas de répercussions sur l'économie nationale. L'introduction d'une allocation de maternité financée de la sorte favorisera également la solidarité entre les employeurs et les salariés, d'une part, et entre les entreprises des différentes branches, d'autre part.

Le Conseil fédéral reconnaît toutefois qu'en matière d'allocations pour perte de gain en faveur des personnes qui font du service, d'autres mesures sont nécessaires. Il est notamment d'avis qu'il importe d'augmenter l'allocation des recrues et de régler les modalités de paiement à l'égard des militaires en service long. Pour éviter de charger inutilement le projet, il renonce cependant à donner suite à une demande allant dans ce sens. Il sollicitera du Parlement le règlement de ces points dans le cadre de la révision totale de la législation sur la protection civile.

1042