Requête à l'autorité de surveillance des cantons concernant la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de recours contre les décisions tarifaires des gouvernements cantonaux selon l'assurance-maladie Avis du Conseil fédéral sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 5 avril 2002 du 30 septembre 2002

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, La Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-CE) prie le Conseil fédéral de lui faire parvenir son avis d'ici fin septembre 2002 sur son rapport du 5 avril 2002 relatif à la requête à l'autorité de surveillance des cantons concernant la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de recours contre les décisions tarifaires des gouvernements cantonaux selon l'assurance-maladie.

Le Conseil fédéral donne suite à cette requête par le présent avis.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 septembre 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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2002-2295

Condensé Par requête du 10 avril 2001 adressée à l'Assemblée fédérale, le canton de Schaffhouse s'est plaint de la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de recours contre les décisions tarifaires des gouvernements cantonaux, plus particulièrement des décisions prises par le Conseil fédéral en matière de tarification des prestations d'imagerie par résonance magnétique ainsi que des prestations fournies par les physiothérapeutes. Par lettre du 11 juin 2001, la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS) s'est pour l'essentiel associée à cette requête qui, en substance, reproche aux décisions du Conseil fédéral de faire systématiquement référence aux recommandations à connotation politique de la Surveillance des prix, ce qui altère les relations entre la Confédération et les cantons dont les décisions tarifaires sont désavouées. Les requérants demandent une répartition plus équilibrée des rôles entre les gouvernements cantonaux et les autorités fédérales.

La CdG-E a publié son rapport le 5 avril 2002 et invité le Conseil fédéral à lui faire part de son avis sur les conclusions et les huit recommandations qu'il contient d'ici fin septembre 2002.

Nonobstant le potentiel de conflits que recèle encore la mise en oeuvre de la LAMal, le Conseil fédéral constate que bien des mesures préconisées dans les recommandations de la Commission, en particulier en matière d'information et de communication, ont été sinon devancées du moins sont en passe d'être satisfaites (recommandations 1 et 6). Réglées par la loi, les conditions d'exercice de la fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral définissent aussi la marge de manoeuvre dont il peut disposer. Si dans les premiers temps de la mise en application de la LAMal, il a été amené à jouer un rôle d'arbitre par le truchement de ses décisions en matière tarifaire, l'exercice de sa fonction jurisprudentielle n'a toutefois pas entraîné un déplacement vers la Confédération de la répartition des compétences entre celle-ci et les cantons (recommandation 2) ni entamé le pouvoir d'appréciation des cantons (recommandations 3 et 5). La diminution du nombre des recours indique que cette jurisprudence n'a ni découragé les partenaires tarifaires de conclure des conventions ni ne les a encouragés à recourir davantage. Conformément au principe de la
primauté des conventions, le Conseil fédéral est prêt à examiner les critères que ceux-ci auront développés pour le calcul notamment de la valeur du point dans les tarifs à la prestation (recommandation 8). Enfin, il constate que l'ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations, adoptée le 3 juillet 2002 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2003, reprend les principes établis par la jurisprudence, en particulier celui de la traçabilité des coûts; plus qu'une codification formelle, la concrétisation des principes généraux de tarification des prestations LAMal nécessite avant tout la volonté des partenaires tarifaires et de tous les acteurs du domaine de la santé d'associer leurs efforts dans la mise sur pied d'instruments de pilotage transparents et efficaces (recommandation 4).

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Avis 1

Introduction

Le Conseil fédéral a également été invité à exprimer son avis sur le rapport du 5 avril 2002 de la Commission de gestion du Conseil des Etats relatif à l'Influence de la Confédération sur la maîtrise des coûts dans le domaine de la loi sur l'assurance-maladie ­ Analyse de deux exemples précis (ci-après Rapport II). Ce rapport fait l'objet de considérations séparées. Nous nous permettons néanmoins d'y faire référence dans les remarques qui suivent en raison de l'étroite connexité des sujets traités, plus particulièrement en ce qui concerne l'analyse et l'évaluation de la marge de manoeuvre dont a usé le Conseil fédéral en sa qualité d'autorité de recours.

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Constatations d'ordre général

Le Conseil fédéral prend acte avec satisfaction de la constatation de la Commission, selon laquelle, dans ses décisions tarifaires, il a poursuivi de manière assidue l'objectif de la maîtrise des coûts et a contribué à ce que les coûts dans le domaine ambulatoire (sauf soins ambulatoires en milieu hospitalier) et en clinique sont restés relativement stables au cours des dernières années1.

Le Conseil fédéral reconnaît que ce résultat a été le fruit d'un processus parfois laborieux et conflictuel. Même si la LAMal n'a pas fondamentalement bouleversé le système suisse de santé, le législateur y a en effet introduit des tâches nouvelles qui ont rendu la ligne de démarcation des compétences entre la Confédération et les cantons plus difficile à cerner, notamment en raison de la corrélation entre assurance-maladie et santé publique et de leur influence réciproque.

En matière d'assurance-maladie, maîtriser les coûts peut signifier faire des économies ou transférer les coûts à d'autres payeurs. Dans l'une et l'autre hypothèse, un élément indispensable doit être préalablement défini: leur transparence. Cet élément ­ dont les récents événements survenus dans le monde économique ont encore souligné l'importance ­ est le point central de la jurisprudence développée en matière tarifaire. Plutôt que le zèle à corriger systématiquement vers le bas les tarifs édictés ou approuvés par les cantons que l'on serait tenter de leur prêter, les décisions du Conseil fédéral ont prioritairement cherché à établir des bases générales cohérentes pour leur calcul et à même de satisfaire aux exigences posées par la LAMal. Ces exigences n'étaient pas totalement inconnues des partenaires impliqués dans les processus tarifaires ni des autorités appelées à contrôler leur respect: de même qu'avaient déjà été mis sur pied des systèmes de planification bien avant que la LAMal n'en impose l'obligation sur le plan hospitalier, des instruments de gestion, statistique et comptable, adaptés à notre époque avaient vu le jour avant que cette loi n'entre en vigueur en 1996. Que ce soit par voie jurisprudentielle ou autre, il s'est dès alors agi pour le Conseil fédéral de tenir compte des expériences acquises ou en cours tout en veillant à ce qu'elles satisfassent à l'exigence de transparence nécessaire à la maîtrise des coûts.

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Rapport, ch. 42, p. 21

Le Conseil fédéral est conscient du rôle difficile que les cantons ont été et sont encore appelés à jouer dans ce contexte. Il ne peut dès lors que regretter, tout comme la Commission, qu'ils aient pu éprouver l'impression que le rôle dévolu à leurs gouvernements, notamment en tant qu'autorités de première instance de décision, était ignoré et leur pouvoir d'appréciation non respecté. Toute décision prise dans un système présentant des intérêts aussi divergents que celui du financement de la santé est presque condamnée à susciter des réactions elles aussi divergentes. Comme le souligne la Commission, l'actuelle révision partielle de la LAMal contient des propositions qui devraient aboutir à un apaisement des conflits, notamment quant au financement des hôpitaux et à la répartition des coûts entre assureurs et cantons. En tout état de cause, seules une coopération et une coordination accrues de tous les partenaires permettront de conduire à des solutions durables.

Le présent Rapport concerne avant tout le rôle du Conseil fédéral en qualité d'autorité de recours. Il a dès lors paru judicieux d'examiner les recommandations de la Commission à la lumière des conditions et des moyens actuellement liés à l'exercice de la fonction jurisprudentielle, en particulier: quant à ses éventuels effets sur la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons (recommandation 2), quant à la régularité et la prévisibilité des moyens que sont les recommandations de la Surveillance des prix et l'éventuelle implication d'autres opinions d'experts (recommandations 5 et 6), quant au choix de la voie jurisprudentielle et/ou normative pour la mise en place de critères d'exécution de la loi (recommandation 4), quant à la prise en considération du pouvoir d'appréciation des cantons et des intérêts publics supérieurs dont ils peuvent se réclamer (recommandation 3), ainsi que, dans ce contexte, des critères à même de tenir compte des particularités régionales (recommandation 8). Le tarif médical TARMED faisant également l'objet de recommandations dans le Rapport II de la Commission, il est pour le surplus, en particulier s'agissant des mesures pour encourager la conclusion de conventions tarifaires (recommandation 7), renvoyé aux commentaires afférents à ce rapport.

L'avis aborde enfin les mesures d'information
et de communication préconisées par la Commission pour éliminer les conflits entre la Confédération et les cantons (recommandation 1) et améliorer la transparence des bases de décision (recommandation 6)

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Rôle du Conseil fédéral en qualité d'autorité de recours

Selon le projet de révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, la fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral dans le domaine de l'assurance-maladie est transférée au futur Tribunal administratif fédéral2. Ce projet est conforme aux voeux exprimés dans les deux rapports de la Commission3 qui toutefois diffèrent sur les raisons qui motivent cette recommandation: selon le Rapport II, le «pouvoir judiciaire» dévolu au Conseil fédéral ne lui permet pas d'assumer une direction politique active et d'épuiser sa marge de manoeuvre en matière de maîtrise des coûts. Le Rapport I constate quant à lui que le plein pouvoir d'examen dont dispose le Conseil 2 3

Art. 30 du projet de LF sur le Tribunal administratif fédéral, FF 2001 4000 ss, en part. 4039­4041 Rapport I, ch. 45, p. 24; Rapport II, recommandation 2, p. 11

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fédéral en tant qu'unique instance de recours, conjugué à la très grande importance qu'il accorde dans ses décisions aux recommandations du préposé à la surveillance des prix, a eu pour effet de dépouiller les cantons de la prérogative de fixer les tarifs au profit de la Confédération. Tous deux s'accordent néanmoins à considérer rétrospectivement que la mise en place de critères explicites de planification d'une part et de tarification d'autre part auraient permis de prévenir divers recours.

3.1

Conditions et moyens liés actuellement à l'exercice de la fonction jurisprudentielle

Sur le plan procédural, la loi fédérale sur la procédure administrative (ci-après PA) donne non seulement au Conseil fédéral un plein pouvoir d'examen du litige soulevé par devant lui, elle lui ordonne aussi de statuer lui-même sur l'affaire4. Conséquence de l'effet dévolutif des recours, cette réglementation a une raison pratique évidente: éviter qu'ensuite du renvoi de la cause au canton pour nouvelle décision, celle-ci ne fasse derechef l'objet d'un nouveau recours. Le renvoi n'est donc possible qu'à titre exceptionnel et doit être muni d'instructions qui lient l'autorité inférieure. Lors des réunions qu'une délégation du Conseil fédéral a tenues avec des représentants de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (ciaprès CDS), ceux-ci ont expressément émis le souhait de voir le Conseil fédéral faire usage de son pouvoir réformateur en matière tarifaire.

Sur le plan statistique, ce qui précède explique qu'une majorité des cas d'admission de recours en matière tarifaire ont fait l'objet d'une fixation réformatrice par le Conseil fédéral. L'importance de ces cas doit néanmoins être relativisée dans la mesure où plus de la moitié des recours admis ne l'ont été que partiellement et que, par ailleurs, la baisse des tarifs statuée par le Conseil fédéral ne correspond de loin pas aux réductions demandées par les parties aux recours. Enfin, il y a lieu de constater que, par rapport aux 443 recours enregistrés au cours des années 1996 à 2000 (listes et tarifs confondus), leur volume a marqué une nette tendance à la baisse en 2001 (40 recours), laquelle semble se confirmer en 2002 (25 recours en l'état au 31.7.2002). La jurisprudence réformatrice du Conseil fédéral n'a donc pas eu pour effet de décourager les partenaires tarifaires de conclure des conventions ni de les encourager à recourir davantage contre les tarifs approuvés ou fixés par les gouvernements cantonaux.

Sur le plan des moyens liés à l'exercice de sa fonction jurisprudentielle, l'art. 12 PA permet au Conseil fédéral de procéder à l'administration des preuves notamment sous forme d'expertises. En matière d'assurance-maladie, la situation se présente à cet égard de manière particulière, en ce sens que l'obligation faite aux cantons de prendre au préalable l'avis du préposé à la surveillance des prix ainsi que celle de
motiver, le cas échéant, les raisons pour lesquelles ils s'en écartent confèrent à cet avis la valeur d'une expertise au sens précité. Conformément au principe de la primauté des conventions et ainsi que le souligne le message du Conseil fédéral concernant la LAMal5, le but principal de cette consultation est de soumettre les conventions tarifaires à l'examen concerté du canton et du préposé à la surveillance des

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Art. 49 et 61 PA (RS 172.021) FF 1992 162 ss

prix. Le message n'en envisage pas moins l'éventualité, tout aussi impérative pour le canton, de consulter la Surveillance des prix en cas de fixation d'autorité d'un tarif.

Cette obligation n'exclut pas pour autant la possibilité pour les parties concernées ou le canton en tant qu'organe de décision de première instance d'exprimer l'opinion de leurs experts internes, voire de faire appel à l'opinion d'experts externes. La Surveillance des prix et, en cas de recours, le Conseil fédéral examineront dûment leur analyse. Compte tenu des particularités du processus prédécrit, le Conseil fédéral estime par contre qu'il ne lui appartient pas de prendre d'office l'initiative d'impliquer d'autres opinions d'experts. Outre les complications procédurales et, partant, l'allongement de la durée de traitement des recours qu'elle impliquerait, une telle mesure risque au contraire de pervertir le système même instauré par la loi qui, comme le constate la Commission, laisse aux partenaires tarifaires d'abord, aux cantons ensuite, la prérogative de convenir respectivement de fixer les tarifs.

Il va de soi que le Conseil fédéral entend bien s'informer et être informé de toutes les évaluations, analyses et autres instruments susceptibles de l'aider dans la prise de ses décisions. Il constate que des progrès sensibles ont été faits dans l'acquisition et la circulation des informations, mais déplore encore une certaine réticence dans leur diffusion qui ne peut être que préjudiciable à la résolution des litiges dont il est saisi.

Au-delà des clivages et des divergences d'opinion, c'est donc bien la coopération et non pas la confrontation qu'il s'agit de promouvoir tant au niveau fédéral que cantonal.

Dans ce contexte, la Commission déplore que les interventions du préposé à la surveillance des prix soient irrégulières et uniquement sporadiques. Le fait est que la loi sur la surveillance des prix (LSPr) ne lui fait pas obligation de délivrer une recommandation. Compte tenu des innombreux tarifs dont l'approbation ou la fixation est requise, partant, pour lesquels son avis est sollicité et eu égard à ses capacités en personnel, le Conseil fédéral estime qu'il s'est montré conséquent dans le choix de ses priorités en concentrant en premier lieu son examen sur les tarifs à l'origine des coûts les plus importants et pour
lesquels des critères de transparence s'avéraient les plus urgents à définir. Dans les cas où la Surveillance des prix n'avait pu se prononcer au cours de la procédure cantonale de fixation du tarif, l'autorité d'instruction du Conseil fédéral a par ailleurs veillé à ce qu'elle lui fasse parvenir ses observations sur le tarif objet de la procédure de recours au niveau fédéral. Au vu du nombre de recours actuellement pendants et des griefs invoqués dans ceux-ci, le Conseil fédéral constate que les principes généraux établis en matière de transparence des coûts ont trouvé écho auprès des partenaires tarifaires et des cantons et qu'ils ont donc produit un effet d'exemple, acquérant ainsi la prévisibilité souhaitée par la Commission.

Cette prévisibilité ne saurait dès lors lui être reprochée en tant qu'elle découragerait les partenaires tarifaires d'adopter des solutions conventionnelles différentes. Rien ne les empêche en effet de faire valoir de nouveaux critères de calcul ou d'évaluation sur la pertinence desquels la Surveillance des prix devra se prononcer et, le cas échéant, adapter ses recommandations. Le préposé à la Surveillance des prix s'est par ailleurs déclaré prêt à fournir des recommandations ainsi que, en cas recours, des observations plus régulières en matière tarifaire pour éviter les éventuelles distorsions du marché et inégalités de traitement que la Commission craint de voir se produire notamment entre territoires limitrophes des cantons. Pour ce faire, une augmentation des capacités en personnel de la Surveillance des prix est toutefois indispensable.

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3.2

Voie jurisprudentielle et/ou normative

La question de savoir si le Conseil fédéral aurait dû de bonne heure préférer la voie normative à la voie jurisprudentielle pour mettre en place des critères relatifs à la planification et à la tarification des prestations appelle les commentaires suivants: Sur le plan de la mise en oeuvre de la LAMal, il y a lieu en préalable de souligner qu'elle ne règle pas un domaine qui était totalement vierge. Le législateur a en effet repris bon nombre d'institutions déjà existantes sous l'empire de la LAMA, parmi lesquelles le principe de la primauté des conventions. En matière de tarifs des hôpitaux et des établissements médico-sociaux, il a ainsi laissé aux partenaires tarifaires la prérogative d'élaborer des propositions en vue de la mise sur pied de divers instruments tels qu'une statistique des prestations et une comptabilité analytique uniformes6. Pour les tarifs à la prestation, il a posé le principe d'une structure tarifaire uniforme, fixée par convention sur le plan suisse7. Des négociations étant déjà en cours dans ce domaine, on pouvait en espérer un résultat relativement rapide. A titre transitoire par ailleurs, il a été statué que les conventions tarifaires passées sous l'ancien droit ne devaient pas être adaptées avant le 31 décembre 19978. En matière de planification enfin, un délai au 1er janvier 1998 a été attribué aux cantons pour établir la planification et les listes conformément à l'art. 39 LAMal, les établissements reconnus sous l'ancien droit restant admis à pratiquer à charge de l'assurancemaladie obligatoire tant que le canton n'avait pas élaboré sa liste9. La CDS n'a édicté des recommandations dans ce domaine que le 1er avril 1997, soit neuf mois seulement avant l'échéance du délai fixé pour l'élaboration des listes.

Sur le plan statistique, il y a lieu de constater que, premièrement, les recours interjetés auprès du Conseil fédéral dans les trois premières années d'application de la LAMal ont principalement concerné des listes hospitalières et d'établissements médico-sociaux10, soit un domaine pour lequel la CDS venait à peine d'édicter des recommandations. Deuxièmement, à partir de 1999, le volume global des recours s'est annuellement réduit de plus de la moitié de celui enregistré les années précédentes11. Troisièmement, s'il est vrai que cette deuxième vague de recours a
majoritairement concerné des tarifs, son objet a moins porté sur la nécessité de préciser des notions indéterminées que sur le problème du degré de transparence que devaient atteindre les coûts pour être imputables à l'assurance-maladie obligatoire et des déductions à opérer tant que cette transparence n'était pas réalisée.

Sur le plan matériel et compte tenu des circonstances prédécrites, une intervention du Conseil fédéral au niveau réglementaire aurait certainement paru prématurée et dirigiste. Au vu de l'évolution des modèles de tarification développés par les partenaires tarifaires et/ou les responsables financiers que sont les cantons en matière hospitalière, le Conseil fédéral a jugé plus approprié d'évaluer leurs propositions et 6 7 8 9 10 11

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Art. 49, al. 6 LAMal et art. 9 de l'Ordonnance d'entrée en vigueur du 12.4.1995 (RS 832.101) Art. 43, al. 5 LAMal Art. 8 de l'Ordonnance d'entrée en vigueur Art. 101, al. 2 LAMal et art. 2, al. 2 de l'Ordonnance d'entrée en vigueur 1996: 123 recours dont 74 en matière de listes; 1997: 111 recours dont 67 en matière de listes; 1998: 113 recours dont 73 en matière de listes 1999: 52 recours dont 47 en matière tarifaire; 2000: 44 recours dont 35 en matière tarifaire; 2001 40 recours dont 39 en matière tarifaire

de ne pas leur substituer d'autres modèles de tarification. Il a par la suite également jugé plus conforme au principe de la proportionnalité d'observer une certaine souplesse dans la réglementation des exigences auxquelles doivent satisfaire le calcul des coûts et le classement des prestations. L'ordonnance y relative, adoptée le 3 juillet 2002 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2003, reprend les principes établis par la jurisprudence, en particulier celui de la traçabilité des coûts, mais n'impose pas de modèles précis de comptabilité analytique d'exploitation.

Comme le relève la Commission, la LAMal permet au Conseil fédéral d'établir des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une saine gestion économique et structurés de manière appropriée; il peut aussi établir des principes relatifs à leur adaptation (art. 43, al. 7 LAMal). Pour les tarifs à la prestation dotés d'une structure uniforme sur le plan national au sens de l'art. 43, al. 5 LAMal, le Conseil fédéral a donc la possibilité d'intervenir non pas seulement au moment de l'approbation de la convention, mais déjà dans le cadre de l'élaboration de la structure tarifaire. Compte tenu de l'autonomie tarifaire statuée par le législateur, cette intervention reste néanmoins subsidiaire et c'est aux partenaires tarifaires, respectivement aux autorités chargées d'approuver les tarifs de veiller en premier lieu à ce qu'ils garantissent des soins appropriés, d'une qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux possible (art. 43, al. 6 LAMal). Pour le surplus, et comme exposé sous ch. 3.1 ci-avant, certains principes généraux ont déjà été établis au travers de la jurisprudence. Leur respect ne dépend pas de leur codification formelle, mais avant tout de la volonté de tous les acteurs impliqués dans le domaine de la santé de les mettre en oeuvre. Aussi le Conseil fédéral ne peut-il que souscrire au voeu exprimé par la Commission que tous associent leurs efforts et fassent preuve, en particulier dans la transmission des données nécessaire à mettre sur pied des instruments efficaces de pilotage, de la même transparence que celle exigée de la Surveillance des prix et du Conseil fédéral pour leurs bases de décision.

3.3

Pouvoir d'appréciation des cantons et intérêts publics supérieurs

Les deux exemples de la tarification des prestations IRM dans le canton de Schaffhouse et des tarifs en matière de physiothérapie fondent les conclusions de la Commission visant à ce que le pouvoir d'appréciation des cantons quant aux particularités régionales et leur évaluation des intérêts publics supérieurs soient mieux respectés. De l'avis du Conseil fédéral, ces exemples ne sont pas illustratifs du problème posé pour les raisons suivantes: Tarification des prestations IRM Durant les années d'application de la LAMA, la jurisprudence du Conseil fédéral en matière tarifaire a établi un certain nombre de principes généraux identiques et valables pour tous. La décision concernant la tarification des prestations IRM dans le canton de Schaffhouse ne résulte donc pas d'une réflexion isolée, mais de considérations déjà débattues sous l'empire de l'ancienne LAMA. La décision du Conseil fédéral du 11 décembre 1995 concernant le tarif des prestations IRM dans le canton de Genève reposait en effet déjà sur le constat que l'évolution des dépenses de santé avait conféré à la notion d'équité des tarifs une importance particulière et amené le Conseil fédéral à fixer un certain nombre de principes: considérant que la LAMA ne 303

fournissait aucune base légale permettant d'indemniser des capacités inutilisées, que soit en personnel ou en moyens techniques, la décision en déduisait qu'une analyse précise des tarifs se devait non seulement de prendre en considération le montant et la justesse des taxes, mais devait procéder de considérations relevant de l'économie politique en tenant compte aussi de leurs effets sur le volume des prestations et d'une mise à contribution suffisante des installations et appareils techniques en tant que moyen important d'influencer les coûts. Ce sont ces mêmes principes qui ont fondé la révision de l'assurance-maladie12 et que le législateur a concrétisés dans la LAMal. La décision du Conseil fédéral en matière de tarification des prestations IRM dans le canton de Schaffhouse n'est donc pas le résultat de l'interprétation contestable d'une notion contestée. Il n'en reste pas moins qu'une planification des besoins dans ce domaine reste indispensable comme la Commission l'appelle d'ailleurs de ses voeux dans ses recommandations et postulats figurant dans son Rapport II, auquel il est renvoyé sur ce point.

Tarifs des prestations de physiothérapie Alors que la structure et la valeur du point des tarifs à la prestation étaient auparavant fixés de manière décentralisée, en règle générale sur le plan cantonal, le législateur a prévu à l'art. 43, al. 5 LAMal que ces tarifs doivent se fonder sur une structure tarifaire uniforme, fixée par convention sur le plan suisse, la valeur du point continuant quant à elle à être fixée par des accords décentralisés pour mieux tenir compte des différences de coûts (salaires et prix) existant d'une région à l'autre. Ce changement a pour conséquence que les éléments de référence ayant servi à l'élaboration de la structure tarifaire ne peuvent, en tant qu'ils en font partie intégrante, plus être modifiés ou redéfinis: le fait, par exemple, que le nombre de jours de travail effectif des physiothérapeutes d'un canton diffère du nombre de jours retenus dans la convention n'est pas considéré comme une particularité locale permettant de s'écarter des valeurs retenues dans la convention. Les conventions portant uniformisation au niveau national de la structure tarifaire de prestations LAMal seraient vidées de leur sens si, indépendamment de leur conclusion et de leur approbation,
leurs partenaires pouvaient, à l'occasion de la détermination de la valeur cantonale du point ­ et en dehors des cas où ils conviendraient d'un tarif autre qu'à la prestation ­ s'en écarter sur des éléments qui les ont fondées.

Ce n'est donc pas parce qu'ils ne correspondaient pas exactement au modèle de calcul préconisé par la Surveillance des prix pour l'adaptation de la valeur du point que plusieurs des tarifs de physiothérapie fixés par des gouvernements cantonaux ont été annulés, mais parce qu'ils reposaient sur une méthode de calcul incompatible avec le modèle des coûts convenu par les partenaires tarifaires au niveau national.

Comme il l'a d'ailleurs déjà donné à entendre, le Conseil fédéral est prêt à examiner à l'aide de quels autres critères, en dehors des indices cantonaux des loyers et des salaires, il y a lieu de tenir compte des particularités locales et/ou régionales pour le calcul de la valeur du point tarifaire (p. ex. évolution du niveau des coûts par assuré, densité des fournisseurs de prestations, coûts par fournisseur de prestations). Il appartient néanmoins en premier lieu aux partenaires tarifaires dans le cadre de leurs négociations et, en cas d'échec de celles-ci, aux gouvernements cantonaux d'examiner et de développer ces critères.

12

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Message du Conseil fédéral du 6.11.1991, FF 1992 I 77 ss

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Mesures d'élimination des conflits entre la Confédération et les cantons

Tout comme la Commission, le Conseil fédéral est également persuadé que la gestion des conflits dans un domaine aussi sensible que celui de la santé passe par la communication entre ses différents partenaires et une information réciproque et transparente. Les procédures de recours ne sont guère le terrain idéal à cet égard. Le Conseil fédéral n'a toutefois jamais manqué d'informer les parties susceptibles d'être impliquées dans de telles procédures ainsi que, par le truchement des organes de la CDS, les instances de décision que sont les cantons des problèmes et des difficultés rencontrés dans le traitement des recours et de les rendre attentifs à leur nécessaire coopération.

S'agissant de la transparence et de l'accès aux bases de décision de la Surveillance des prix, le Conseil fédéral constate que des efforts de clarification ont déjà été entrepris de part et d'autre. Ainsi que le rapport 2001 de la CDS (p. 17) en fait état, le comité directeur a été informé par le Surveillant des prix et ses collaborateurs sur les réflexions ayant mené à ses recommandations ou prises de position. Nul doute que le comité en a à son tour déjà informé les cantons. Comme la Commission le constate elle-même13, la disponibilité des fournisseurs de prestations à livrer des données utiles pour établir des comparaisons de prix et des examens du caractère économique des tarifs, ainsi qu'une meilleure diffusion de l'information de part et d'autre ne peuvent que contribuer à améliorer la transparence de ces bases de décision. Le Conseil fédéral entend bien quant à lui conférer à ses décisions sur recours toute la clarté et la transparence que leurs destinataires sont en droit d'attendre.

Le Conseil fédéral constate enfin que la plate-forme de discussion, fruit du projet «Politique nationale de la santé» mis sur pied en collaboration avec la CDS, a déjà permis d'intensifier la coopération entre la Confédération et les cantons. Les buts que ce projet s'est fixé et l'organisation qu'il s'est donnée, notamment avec la mise sur pied de l'Observatoire de la santé, ne peuvent également que contribuer à améliorer les connaissances de notre système de santé et à aider les autorités, politiques ou judiciaires, dans la prise de leurs décisions.

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Conclusions

Nonobstant le potentiel de conflits que recèle encore la mise en oeuvre de la LAMal, le Conseil fédéral constate que bien des mesures préconisées dans les recommandations de la Commission, en particulier en matière d'information et de communication, ont été sinon devancées du moins sont en passe d'être satisfaites (recommandations 1 et 6). Réglées par la loi, les conditions d'exercice de la fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral définissent aussi la marge de manoeuvre dont il peut disposer. Si dans les premiers temps de la mise en application de la LAMal, il a été amené à jouer un rôle d'arbitre par le truchement de ses décisions en matière tarifaire, l'exercice de sa fonction jurisprudentielle n'a jamais fourni prétexte à opérer un déplacement vers la Confédération des compétences entre celle-ci et les cantons (recommandation 2) ni à entamer le pouvoir d'appréciation des cantons (recomman13

Rapport I, ch.43, p. 23

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dations 3 et 5). La diminution du nombre des recours indique que cette jurisprudence n'a ni découragé les partenaires tarifaires de conclure des conventions ni ne les a encouragés à recourir davantage. Conformément au principe de la primauté des conventions, le Conseil fédéral est prêt à examiner les critères que ceux-ci auront développés pour le calcul notamment de la valeur du point dans les tarifs à la prestation (recommandation 8). Enfin, il constate que l'ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations, adoptée le 3 juillet 2002 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2003, reprend les principes établis par la jurisprudence, en particulier celui de la traçabilité des coûts; plus qu'une codification formelle, la concrétisation des principes généraux de tarification des prestations LAMal nécessite avant tout la volonté des partenaires tarifaires et de tous les acteurs du domaine de la santé d'associer leurs efforts dans la mise sur pied d'instruments de pilotage transparents et efficaces (recommandation 4).

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