03.039 Message concernant une modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 28 mai 2003

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2001 P

01.3145

Traitement identique des sociétés immobilières (N 22.6.01, Theiler).

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 mai 2003

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

3900

Condensé Le Conseil fédéral s'est déclaré disposé à accepter un postulat du Conseiller national Georges Theiler, postulat qui demande une modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Cette modification vise à mettre sur pied d'égalité l'acquisition d'actions de sociétés immobilières et l'acquisition de parts de fonds de placement immobiliers. La modification proposée constitue le point fort du présent message et du projet de révision partielle qui y est joint.

Ce projet vise à libéraliser légèrement et de manière contrôlée le marché des immeubles d'habitation, sans remettre en cause l'esprit ni le but de la loi. Dorénavant, les personnes à l'étranger n'auront plus besoin d'autorisation pour acquérir des actions de sociétés immobilières au sens étroit du terme, c'est à dire de sociétés dites «d'immeubles d'habitation», si ces actions sont cotées dans une bourse en Suisse. En revanche, l'acquisition d'actions de sociétés d'immeubles d'habitation non cotées en bourse continuera d'être prohibée.

Le Conseil fédéral saisit cette occasion pour proposer six autres mesures d'assouplissement de moindre portée. Les héritiers institués doivent être exemptés de l'obligation d'aliéner, dans les deux ans, l'immeuble qui leur est dévolu, à condition qu'ils apportent la preuve qu'ils ont avec cet immeuble des relations particulièrement étroites. Il convient, par ailleurs, que les cantons puissent déterminer selon leurs propres critères et non plus à la lumière de critères imposés par le droit fédéral, les lieux à vocation touristique dans lesquels les étrangers non résidents peuvent acquérir des logements de vacances ou des appartements dans un apparthôtel de manière à assurer le développement du tourisme. En outre, il est proposé d'abaisser de 20 ans à 18 ans, l'âge au-dessous duquel un enfant ne peut être autorisé à acquérir un logement de vacances ou une résidence secondaire, parce que ses parents possèdent déjà un tel objet. De surcroît, les personnes qui sont déjà copropriétaires ou propriétaires communs d'un immeuble doivent être libérées de l'assujettissement au régime de l'autorisation pour l'acquisition d'une part supplémentaire de cet immeuble. Quant aux bons de participation, ils ne doivent plus être pris en considération lorsqu'il s'agit de déterminer
si une personne morale est dominée par des personnes à l'étranger. Enfin, les cantons ne seront plus tenus de soumettre leurs dispositions d'exécution à l'approbation de la Confédération.

En décembre 2002, le groupe radical-démocratique a déposé une motion qui demande l'abrogation de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Le Conseil fédéral est prêt à accepter cette motion, estimant que la loi en question n'est plus nécessaire à l'époque actuelle. La demande de logements de vacances de la part d'étrangers non résidents reste forte, mais le phénomène ne concerne que quelques lieux de villégiature. Le Conseil fédéral examinera les incidences qu'aurait l'abrogation de la loi sous l'angle de l'aménagement de territoire et de l'économie de même que les mesures de remplacement à prendre éventuellement, en particulier au niveau de la législation concernant l'aménagement du territoire. Cet examen achevé, il soumettra dans les meilleurs

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délais au Parlement un projet qui permette d'abroger la loi pendant la législature 2003­2007. Toutefois, comme cet examen prendra encore un certain temps, il apparaît judicieux de poursuivre dans la voie de la révision partielle qui vous est soumise et d'instaurer les mesures d'assouplissement qu'elle prévoit.

3902

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

En adoptant la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE ou Lex Friedrich, RS 211.412.41), entrée en vigueur le 1er janvier 1985, le législateur a voulu opposer un contre-projet indirect à l'initiative populaire «contre le bradage du sol national» et a renforcé les mesures contre les acquisitions d'immeubles par des personnes à l'étranger, en vigueur depuis le 1er avril 1961. L'introduction de ces mesures plus restrictives a été principalement causée par la demande étrangère, par moments particulièrement forte, d'immeubles d'habitation, en particulier de logements de vacances.

Depuis que le peuple suisse a refusé l'entrée de la Suisse dans l'Espace économique européen le 6 décembre 1992, un certain nombre d'interventions parlementaires1 ont été déposées, demandant soit l'abrogation, soit l'assouplissement de la Lex Friedrich. Les interventions se fondaient notamment sur la crise économique. La modification que le Conseil fédéral a proposé d'apporter à la loi a été très favorablement accueillie en procédure de consultation et par les Chambres fédérales, mais a été rejetée lors de la votation populaire du 25 juin 1995, avec 53,6 % de non. L'analyse de ce vote a montré que le refus du peuple avait été causé essentiellement par les assouplissements envisagés dans le domaine des logements de vacances. En revanche, l'accès des étrangers aux investissements dans des immeubles servant à l'exercice d'une activité économique n'a pas été contesté.

La situation économique ayant continué à se dégrader en Suisse, le Parlement a pris, en 1997, des mesures spécifiques de politique conjoncturelle2 dans le cadre du Programme d'investissement. Il a décidé, par une modification restreinte de la Lex Friedrich, de permettre aux investisseurs étrangers de créer de nouvelles entreprises de production et de services et d'acquérir les immeubles affectés à ce but. Depuis lors, des personnes à l'étranger peuvent acquérir sans autorisation préalable des immeubles servant à l'exercice de l'activité économique d'une entreprise, même si elles n'utilisent pas ces immeubles pour leur propre entreprise. En effet, elles peuvent louer ou affermer à des tiers ces immeubles servant d'établissements pour l'exercice d'une activité commerciale, c'est-à-dire acquérir ces immeubles
dans le simple but de placer des capitaux. L'acquisition d'une résidence principale, soit d'un logement utilisé par l'étranger lui-même à son domicile en Suisse, a également été libérée de l'assujettissement au régime de l'autorisation.

Le 8 octobre 19993, la Lex Koller, autre nom donné à la LFAIE depuis sa modification de 1997, a été adaptée à l'Accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Suisse, d'autre part, sur la librecirculation, ainsi que, le 14 décembre 20014, à l'amendement du 21 juin 2001 de la Convention instituant l'Association européenne de libre-échange (AELE). Ces 1 2 3 4

FF 1994 II 507 ss FF 1997 II 1115 RO 2002 701 ss RO 2002 685 ss

3903

adaptations sont entrées en vigueur le 1er juin 20025. Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne (ci-après: CE) ou de l'AELE qui ont leur domicile en Suisse sont désormais libérés de l'assujettissement au régime de l'autorisation pour toute acquisition d'immeuble en Suisse. En outre, les frontaliers ressortissants de la CE ou de l'AELE peuvent acquérir sans autorisation préalable une résidence secondaire dans la région de leur lieu de travail.

Le 22 mars 20026, le Parlement a décidé pour la première fois d'assouplir également les dispositions régissant l'acquisition de logements de vacances et d'appartements dans des apparthôtels, sans toutefois remettre en cause le régime de l'autorisation ni le système du contingentement. Lorsqu'un étranger acquiert un logement de vacances qui appartenait jusqu'alors à un autre étranger, l'autorisation requise à cet effet n'est plus imputée sur le contingent cantonal. En outre, le Conseil fédéral n'est plus tenu, comme c'était le cas jusqu'ici, de fixer tous les deux ans, dans les limites d'un nombre maximum prévu pour l'ensemble du pays, les contingents cantonaux annuels d'autorisations et de réduire par étapes ce nombre maximum. Il peut désormais fixer ce nombre maximum selon son appréciation, dans le cadre d'une limite supérieure de 1500 unités de contingentement; ce faisant, il doit tenir compte de l'intérêt supérieur du pays et de ses intérêts économiques. Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er septembre 2002.

1.2

Point fort du projet de modification

Le 22 mars 2001, le conseiller national Georges Theiler a déposé un postulat demandant que l'acquisition de parts de sociétés immobilières soit dorénavant traitée comme l'acquisition de parts de fonds de placement immobiliers. Le 5 juin 2001, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à accepter le postulat7. Le Conseil national l'a transmis le 22 juin 20018. La modification de la LFAIE demandée par le postulat Theiler constitue le point fort du présent projet.

Selon le droit en vigueur, l'acquisition de parts d'un fonds de placement immobilier par une personne à l'étranger n'est pas assujettie au régime de l'autorisation si ces parts font l'objet d'un marché régulier. Par contre, l'acquisition d'une part d'une personne morale dont le but est l'acquisition ou le commerce d'immeubles ­ soit de logements ­ assujettis au régime de l'autorisation, autrement dit l'acquisition de parts d'une société immobilière au sens strict du terme ou d'une société d'immeubles d'habitation, est soumise au régime de l'autorisation. En pareil cas, l'autorisation ne peut généralement être accordée, même si ces parts font l'objet d'un marché régulier (ATF 115 I b 102).

Nous proposons de libérer l'acquisition de parts de sociétés d'immeubles d'habitation par des personnes à l'étranger de l'assujettissement au régime de l'autorisation défini par la LFAIE, si ces parts sont cotées au sein d'une bourse en Suisse. Cet assouplissement ­ le premier dans le domaine des purs placements de capitaux dans des logements ­ ne devrait guère porter à conséquence. Par ailleurs, il

5 6 7 8

RO 2002 700 et 722 FF 2002 2579 BO 2001 N 429, III annexes BO 2001 N 938, III

3904

n'est pas contraire au but ni à l'esprit de la loi. Le risque que des actionnaires étrangers de sociétés immobilières cotées en bourse se lient et puissent ainsi exercer une influence sur la gestion ou l'administration de telles sociétés, voire sur les immeubles eux-mêmes, est minime. Comme l'on ne peut toutefois pas exclure totalement un tel risque, on a également évoqué la possibilité de ne libérer du régime de l'autorisation que les acquisitions de parts qui ne débouchent pas sur une position dominante au sein de la société concernée. Le contrôle à effectuer pour déterminer entre plusieurs acquisitions opérées le même jour celle qui conduirait à une telle situation de même que les incidences qu'elle aurait sur les acquisitions ultérieures ne serait possible qu'au prix d'un travail disproportionné. En outre, la sécurité du droit s'en trouverait fort compromise. Force est donc de renoncer à une telle restriction.

S'il advenait, toutefois, qu'une personne à l'étranger acquière un nombre de parts qui lui permette ­ seule ou avec d'autres personnes à l'étranger ­ d'exercer une influence sur la gestion ou l'administration de la société, cette dernière ne pourrait plus acquérir de nouveaux immeubles d'habitation puisqu'elle serait considérée comme étant sous domination étrangère et, qu'en tant que personne à l'étranger, elle serait alors soumise à l'obligation d'obtenir une autorisation en vertu de la LFAIE.

L'assouplissement proposé se justifie également pour un autre motif. Ces derniers temps, plusieurs grandes entreprises ont constitué de nouvelles sociétés pour leurs immeubles dans le but de les mettre en bourse. Selon la Lex Koller, un accès à la bourse n'est possible que lorsque la part des logements est si faible (pas plus de 20 % selon la jurisprudence) que l'acquisition de logements ne devient pas le but principal de la société mais peut encore être considérée comme un but secondaire.

Comme nous l'avons relevé plus haut, une personne à l'étranger ne peut acquérir aucune part si tel n'est pas le cas. Il est extrêmement difficile et ardu de déterminer si l'activité principale ou l'une des activités principales d'une société holding qui entend entrer en bourse se situe dans le secteur de l'habitation lorsque ses nombreuses filiales exercent des activités aussi diverses que celles d'entreprise
générale de construction, d'architecture, de conseils, de fiducie, de financement de constructions, d'acquisition et de location de centres commerciaux et, précisément, d'acquisition d'immeubles d'habitation. De surcroît, en Suisse, la demande d'investissements dans les sociétés d'immeubles d'habitation n'est pas très forte. Dès lors, pour des raisons relevant de l'économie publique, des investissements étrangers dans ce domaine sont souhaitables. La modeste libéralisation dans le secteur des placements de capitaux s'avère nécessaire pour les mêmes raisons; en outre, elle respecte l'esprit et le but de la LFAIE.

Par contre, il convient de continuer à soumettre au régime de l'autorisation l'acquisition par des personnes à l'étranger de parts de sociétés d'immeubles d'habitation non cotées en bourse, même si une telle acquisition ne conduit pas à une domination étrangère desdites sociétés. Un tel assouplissement de la réglementation serait en effet de nature à inciter les bénéficiaires à contourner la loi. Nous pensons, en particulier, aux sociétés anonymes qui possèdent un chalet de vacances pour tout actif. Une personne à l'étranger acquerrait des actions de cette société ­ même s'il ne s'agit que d'une part minoritaire ­ non dans le seul but de placer des capitaux, mais bien, selon toute vraisemblance, dans l'intention d'acquérir indirectement le chalet et de l'utiliser en qualité de copropriétaire, ce qui est prohibé par la LFAIE. Il serait sans doute possible d'exclure de tels abus en faisant dépendre, ainsi que le préconise le postulat Theiler, la libération du régime de l'autorisation de la condition supplémentaire que les parts dont l'acquisition est envisagée fassent 3905

l'objet d'un marché régulier. Toutefois, comme il n'existe aucune disposition précisant à partir de quand on se trouve en présence d'un marché régulier de parts d'une société non cotée en bourse, l'autorité cantonale compétente pour délivrer les autorisations serait obligée de contrôler chacune des acquisitions de parts, ce qui occasionnerait un surcroît de travail disproportionné.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de limiter la libération de l'assujettissement au régime de l'autorisation à l'acquisition de parts de personnes morales cotées au sein d'une bourse en Suisse.

1.3

Autres points de la modification

Le Conseil fédéral profite de la présente révision pour proposer, outre la modification principale exposée au chiffre précédent, d'autres modifications qui ont moins d'importance sur les plans politique et économique, mais qui peuvent contribuer à éviter certaines situations choquantes et à réduire le travail administratif des autorités cantonales et fédérales.

Selon le droit en vigueur, il est possible d'accorder aux héritiers institués, qui ne font pas partie du cercle des héritiers légaux, l'autorisation d'acquérir un immeuble, en assortissant cette autorisation de l'obligation d'aliéner cet immeuble dans les deux ans. Selon une jurisprudence constante, une telle autorisation peut également être accordée, aux mêmes conditions, aux légataires. Dans certains cas, cette réglementation conduit à un résultat exagérément strict, voire choquant, par exemple lorsque la compagne du propriétaire ne peut pas conserver le logement hérité alors qu'elle y avait vécu longtemps avec le défunt. Les héritiers et les légataires qui peuvent apporter la preuve de telles relations étroites, émotionnelles, avec l'immeuble doivent par conséquent pouvoir être dispensés de l'obligation d'aliéner.

La désignation des lieux à vocation touristique où les étrangers peuvent acquérir des logements de vacances ou des appartements dans un apparthôtel doit être laissée à l'appréciation des cantons, sans que le droit fédéral fixe à cet égard des conditions spéciales. La nouvelle loi fédérale sur l'aide aux investissements dans les régions de montagne9, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1998 et a remplacé la loi du même nom de 1974, délègue dans une large mesure l'exécution aux cantons. Depuis lors, la Confédération est privée d'une base légale lui permettant de vérifier que les conditions posées par le droit fédéral sont remplies. Il importe donc que les cantons puissent dorénavant déterminer selon leurs propres critères, par exemple à la lumière d'un programme cantonal ou régional de développement du tourisme, les lieux où l'acquisition de tels logements par des personnes à l'étranger est nécessaire au développement du tourisme. Cette modification se justifie d'autant plus que les cantons sont également seuls compétents pour répartir leur contingent d'autorisations portant sur l'acquisition de logements de vacances et
d'appartements dans des apparthôtels.

Une famille étrangère ne peut acquérir en Suisse qu'une seule résidence secondaire, qu'un seul logement de vacances ou qu'un seul appartement dans un apparthôtel, les enfants de moins de vingt ans étant considérés comme membres de la famille. Il

9

RS 901.1

3906

convient de ramener cette limite d'âge à 18 ans de manière à l'harmoniser avec l'âge de la majorité qui a cours en Suisse et dans la plupart des Etats européens.

Les acquéreurs qui sont déjà copropriétaires ou propriétaires communs de l'immeuble doivent être libérés de l'assujettissement au régime de l'autorisation pour l'acquisition d'une part supplémentaire de cet immeuble. Cet assouplissement permettra le transfert de parts de propriété à un nombre restreint de personnes ou à un seul propriétaire. En revanche, le titulaire d'un droit de propriété par étages reste assujetti au régime de l'autorisation s'il entend acquérir une autre unité de propriété par étages dans le même bâtiment.

Le capital-participation ne doit plus être pris en considération lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne morale est dominée par des personnes à l'étranger. La plupart des autorités cantonales compétentes pour délivrer les autorisations ont, du reste, adopté cette pratique. En effet, faute de disposer d'un droit de vote, le titulaire de bons de participation (à l'instar d'ailleurs de l'actionnaire sans droit de vote selon l'art. 685f du code des obligations, qui, en pratique, n'est plus pris en compte lorsqu'il s'agit d'établir si une personne morale est en mains étrangères) ne peut pas exercer d'influence sur la gestion et l'administration de la société concernée.

Enfin, les dispositions cantonales d'exécution de la LFAIE ne seront plus soumises à l'approbation de la Confédération. Cette obligation était justifiée lors de l'entrée en vigueur de la LFAIE, les cantons étant tenus d'arrêter les dispositions d'exécution nécessaires. Depuis lors, les modifications du droit cantonal sont peu importantes. Il ne s'agit, dans la plupart des cas, que de simples formalités comme la réglementation des compétences ou, sur le plan matériel, de l'enregistrement de nouvelles communes dans la liste des lieux à vocation touristique, de nouvelles dispositions sur la répartition du contingent cantonal d'autorisations pour les logements de vacances et les appartements dans des apparthôtels ou encore de domaines dont la réglementation est entièrement laissée aux cantons par la LFAIE. La Confédération n'a encore jamais dû refuser son approbation. S'il advenait, toutefois, qu'une nouvelle disposition cantonale viole manifestement
le droit fédéral, l'Office fédéral de la justice pourrait toujours, en sa qualité d'autorité habilitée à recourir, dénoncer l'illicéité commise dans le cas concret en formant recours contre la décision cantonale. La suppression de l'obligation de faire approuver les dispositions cantonales épargnera aux cantons et à la Confédération un travail administratif inutile.

1.4

Procédure de consultation

Le 3 juillet 2002, le Conseil fédéral a autorisé le Département fédéral de justice et police (DFJP) à mettre en consultation un avant-projet assorti d'un rapport explicatif et portant sur les points exposés aux ch. 1.2 et 1.3 du présent message. Ces documents ont été adressés aux gouvernements cantonaux, au Tribunal fédéral, aux 13 partis politiques représentés au sein de l'Assemblée fédérale, à 9 organisations faîtières de l'économie ainsi qu'à 33 autres organisations diverses. La procédure de consultation a pris fin le 3 octobre 2002. Le DFJP a reçu au total 57 réponses (elles émanaient de tous les cantons, du Tribunal fédéral, de quatre partis politiques, de 24 organisations ainsi que de 2 participants qui se sont prononcés spontanément). Le Tribunal fédéral, de même que l'un des quatre partis politiques et 7 des 24 organisa3907

tions ont expressément renoncé à prendre position. L'avant-projet a suscité dans l'ensemble des réactions favorables de la part des 48 participants qui se sont prononcés sur le fond.

La proposition tendant à libérer l'acquisition de parts de sociétés d'immeubles d'habitation par des personnes à l'étranger de l'assujettissement au régime de l'autorisation, fait l'unanimité ou presque. Seuls trois cantons la rejettent; ils font valoir notamment qu'à la différence de ce qui vaut pour les fonds de placement immobiliers, il serait possible à des personnes à l'étranger d'exercer une influence sur la gestion et l'administration de sociétés, d'où la nécessité de ne pas traiter fonds et sociétés sur le même pied.

Dans le rapport explicatif relatif à l'avant-projet, nous avons exposé les raisons pour lesquelles l'acquisition de parts non cotées auprès d'une bourse en Suisse ne devait pas être libérée de l'assujettissement au régime de l'autorisation, cela même si une telle acquisition ne devait pas déboucher sur la prise de contrôle de la société par des personnes à l'étranger ou si les parts en question étaient régulièrement négociées sur le marché, ailleurs qu'en bourse. La plupart des participants se sont ralliés à cette argumentation, la majorité d'entre eux, tacitement, et une faible minorité, explicitement. Seuls un canton, une organisation et l'auteur du postulat dont nous proposons le classement ont plaidé pour un assouplissement plus marqué.

Quatre des six autres mesures d'assouplissement préconisées sont acceptées à l'unanimité. Il s'agit de celles qui portent sur la désignation des lieux à vocation touristique, sur l'abaissement à 18 ans de l'âge requis pour pouvoir acquérir un logement de vacances, sur la non-prise en compte des bons de participation, et, enfin, sur la suppression de l'obligation imposée aux cantons de soumettre leurs dispositions d'exécution à l'approbation des autorités fédérales.

De même, l'assouplissement prévu en faveur des légataires et héritiers institués trouve grâce aux yeux de l'ensemble des participants. Trois cantons et trois organisations vont même jusqu'à proposer une mesure encore plus généreuse. Par contre, ils demandent que l'on renonce à la disposition voulant que l'on exempte l'héritier de l'obligation d'aliéner l'immeuble à condition qu'il apporte la preuve
qu'il a avec celui-ci des liens étroits et dignes d'être protégés. Ils estiment, en effet, qu'une telle preuve ne peut être établie que difficilement.

Enfin deux cantons et deux organisations s'opposent à la mesure d'assouplissement en faveur des copropriétaires et des propriétaires communs, considérant que cette mesure est de nature à inciter les personnes en cause à éluder la loi. Tous les autres participants, en revanche, sont partisans de cet assouplissement.

Compte tenu de ces réactions, nous n'avons pas de raison de changer de cap par rapport à l'avant-projet.

1.5

Abrogation de la loi

Deux cantons qui, lors de la consultation, ont rejeté le point fort du projet de modification, ont proposé qu'en lieu et place des différentes mesures d'assouplissement préconisées, on étudie l'opportunité d'abroger la loi. Deux autres cantons, deux partis politiques et six organisations ont émis une proposition identique, tout en souscrivant, sur le principe, à la révision partielle envisagée.

3908

Le 5 décembre 2002, le groupe radical-démocratique a déposé une motion qui charge le Conseil fédéral de soumettre aux Chambres un projet d'abrogation de la Lex Koller. Le Conseil fédéral est disposé à accepter la motion. Il est lui aussi d'avis que cette législation, dont la mise en oeuvre signifie pour les Cantons comme pour la Confédération des tâches administratives relativement volumineuses, n'est aujourd'hui plus nécessaire et peut être abrogée. Le spectre du bradage du sol national dans l'ensemble de la Suisse a disparu, même si la demande de logement de vacances reste forte de la part d'étrangers non résidents dans quelques régions traditionnellement touristiques. L'abrogation de la Lex Koller constitue un pas important vers la dérégulation et la suppression d'obstacles économiques. Du point de vue du pays dans son ensemble, elle peut également apporter une importante impulsion économique, ce qui est souhaitable précisément en ces temps de faible croissance.

L'abrogation de la Lex Koller doit, cependant, s'accompagner de mesures compensatrices en matière d'aménagement du territoire (voir l'avis du Conseil fédéral du 24 fév. 1999 sur la motion Comby intitulée «Abrogation de la Lex Friedrich»10 et classée le 22 déc. 1999, ainsi que l'avis du Conseil fédéral du 21 nov. 2001 sur le rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant l'initiative parlementaire «Revente d'immeubles entre personnes à l'étranger»11).

Dans son rapport d'avril 1995 consacré à la question de l'abrogation de la Lex Friedrich, une commission d'experts a considéré que cette abrogation était indiquée tout en relevant que la construction de logements de vacances devait s'effectuer en fonction d'une planification ordonnée, encadrée par des dispositions légales. Toutefois les propositions de cette commission n'ont pas été suivies d'effets puisque le souverain a rejeté la modification, pourtant partielle, de la Lex Friedrich, lors du scrutin référendaire de juin 1995 (cf. ch. 1.1, par. 2). Si ce rapport ne contient pas un concept de réglementation détaillée, il n'en propose pas moins une palette d'instruments d'aménagement du territoire et de mesures fiscales propre à assurer un développement contrôlé de la construction de logements de vacances. Ces propositions devront être clarifiées et approfondies
avant que l'on abroge la Lex Koller.

Le résultat de ces études ne saurait être attendu à brève échéance. Il faut, par conséquent, poursuivre dans la voie de la révision partielle qui vous est soumise par le présent message, comme le demande elle-même la motionnaire dans le développement de son intervention. Le Conseil fédéral, toutefois, ne pourrait plus souscrire à une révision partielle ultérieure. Le prochain objectif doit être la mise en oeuvre d'éventuelles mesures de remplacement et l'abrogation simultanée de la Lex Koller au cours de la législature 2003­2007.

1.6

Classement d'une intervention parlementaire

Le projet de modification qui vous est soumis par le présent message permet de classer le postulat demandant que dorénavant l'acquisition d'actions de sociétés immobilières soit traitée comme l'acquisition de parts de fonds de placement immobiliers (postulat Theiler du 23 mars 200112).

10 11 12

BO 1999 N 481, I FF 2002 2509 01.3145 Traitement identique des sociétés immobilières.

3909

2

Commentaire article par article

Art. 4, al. 1, let. e Lors de la modification de la loi du 30 avril 1997, la portée de cette disposition a été changée mais non sa teneur. L'acquisition d'immeubles pour l'exercice de l'activité économique d'une entreprise a été libérée de l'assujettissement au régime de l'autorisation (art. 2, al. 2, let. a, LFAIE). En conséquence, l'acquisition de parts de sociétés qui acquièrent ou sont déjà propriétaires de tels immeubles n'est plus assujettie au régime de l'autorisation (abrogation de l'art. 4, al. 1, let. d, LFAIE). Selon la let. e, seule reste assujettie au régime de l'autorisation l'acquisition de parts de sociétés dont le but est l'acquisition ou le commerce de logements (sociétés d'immeubles d'habitation ou sociétés immobilières au sens étroit). Toutefois, une autorisation ne peut être accordée qu'aux institutions d'assurance et aux institutions de prévoyance en faveur du personnel ainsi qu'aux héritiers ( art. 8, al. 1, let. b et c, et al. 2, LFAIE). Le droit en vigueur ne fait ainsi aucune distinction entre les sociétés disposant d'un petit capital et les sociétés ouvertes au public (ATF 115 I b 102).

L'assouplissement prévu permettra à des personnes à l'étranger d'acquérir des parts dans des sociétés ouvertes au public, sans avoir besoin d'une autorisation à cet effet.

Ainsi donc, seule l'acquisition de parts de sociétés immobilières, au sens strict du terme, qui ne sont pas cotées au sein d'une bourse en Suisse restera assujettie au régime de l'autorisation.

Art. 6, al. 2, let. a L'al. 2 fixe les conditions auxquelles la loi présume qu'une personne morale est dominée par des personnes à l'étranger. Selon la let. a, des personnes à l'étranger sont présumées occuper une telle position lorsqu'elles possèdent plus d'un tiers du capital. Désormais ­ et c'est là une nouveauté ­ les bons de participation ne seront, en principe, plus pris en considération.

Art. 7, let. c Dorénavant, non seulement les frères et soeurs de l'aliénateur mais encore tous les acquéreurs qui sont déjà copropriétaires ou propriétaires communs de l'immeuble seront libérés de l'assujettissement au régime de l'autorisation en cas d'acquisition d'une autre part du même immeuble. Cette réglementation ne vaudra toutefois pas pour les copropriétaires d'étage qui entendent acquérir d'autres unités d'étages dans le même
immeuble, cela quand bien même la propriété par étage est une forme particulière de copropriété. Dans un petit nombre de cantons, la pratique qui a cours est d'autoriser des étrangers ayant des liens de parenté directe ou collatérale à acquérir une habitation de vacances comportant deux ou trois logements, sans leur imposer la charge de constituer formellement une propriété par étage, ce que l'autorité compétente devrait théoriquement faire. Si l'on veut assurer le respect de l'art. 12, let. d, LFAIE (un seul logement de vacances par famille), il est impératif que de tels copropriétaires ne puissent pas se prévaloir de la nouvelle réglementation prévue.

3910

Art. 8, al. 2, 2e phrase Les héritiers légaux, au sens du droit suisse, ne sont pas assujettis au régime de l'autorisation pour l'acquisition d'un immeuble intervenant dans le cadre de la dévolution d'une succession (art. 7, let. a). Cette clause d'exception s'applique non seulement à un descendant mais aussi selon les art. 457 à 460 du Code civil suisse13, à un héritier légal (et, selon la jurisprudence constante, également à un légataire) appartenant à la souche des parents ou des grands-parents du de cujus, lorsqu'il acquiert l'immeuble dans le cadre de la dévolution d'une succession sur la base d'une disposition de dernière volonté, quand bien même il serait en soi exclus de la succession légale en raison de la présence d'un héritier qui le précède. Les héritiers institués ou les légataires qui ne font pas partie des héritiers légaux peuvent, certes, obtenir une autorisation d'acquisition, mais celle-ci est systématiquement assortie de la charge d'aliéner l'immeuble dans les deux ans. Dorénavant, les héritiers et les légataires qui apportent la preuve de relations étroites et dignes d'être protégées avec l'immeuble ne seront plus tenus de l'aliéner. On peut, par exemple, admettre qu'il y a de telles relations lorsque l'héritier a vécu en permanence ou régulièrement pendant les fins de semaine avec le propriétaire dans la maison en cause, y a passé régulièrement ses vacances depuis de longues années avec cette personne ou y a habité pendant de nombreuses années durablement comme locataire.

Art. 9, al. 3 Selon le droit en vigueur, les cantons déterminent les lieux à vocation touristique où les étrangers peuvent acquérir des logements de vacances ou des appartements dans des apparthôtels. Ce faisant, ils doivent toutefois respecter les critères posés par la législation fédérale sur l'aide en matière d'investissement dans les régions de montagne. La nouvelle disposition proposée supprime purement et simplement la référence au droit fédéral et laisse toute latitude aux cantons de déterminer ces lieux. Ils n'en sont pas moins censés prendre leurs décisions à la lumière de critères cantonaux visant à établir si l'acquisition de tels logements par des personnes à l'étranger est nécessaire au développement du tourisme.

Art. 12, let. d Selon cette disposition, une famille ne peut, en règle générale,
acquérir qu'une résidence secondaire, un logement de vacances ou un appartement dans un apparthôtel en Suisse. Selon le droit en vigueur, les enfants de moins de 20 ans sont considérés comme des membres de la famille de l'acquéreur. Cette limite d'âge sera abaissée à 18 ans de manière à être harmonisée avec l'âge de la majorité qui a cours en Suisse et dans la plupart des Etats européens.

Art. 36, al. 3 Les cantons ne soumettront plus leurs dispositions d'exécution à l'approbation de la Confédération. Ils seront uniquement tenus de les porter à la connaissance de l'Office fédéral de la justice.

13

RS 210

3911

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération et les cantons

La modification de la loi déchargera partiellement les autorités cantonales et fédérales compétentes. L'examen souvent délicat et laborieux de la question de savoir si une société immobilière cotée en bourse ou sur le point d'entrer en bourse exerce à titre principal ou uniquement à titre accessoire ses activités dans le domaine de l'acquisition de logements n'aura plus lieu d'être. Comme les cantons pourront déterminer les lieux à vocation touristique sans devoir observer des critères relevant du droit fédéral, la procédure sera simplifiée. Enfin, la suppression de l'obligation de faire approuver les dispositions cantonales par la Confédération mettra fin à des travaux administratifs devenus superflus. Pour le surplus, la modification qui vous est soumise n'a pas d'incidences financières.

3.2

Conséquences pour l'économie

La suppression de l'assujettissement au régime de l'autorisation pour l'acquisition par des personnes à l'étranger de parts de sociétés d'immeubles d'habitation cotées en bourse devrait déclencher des investissements étrangers, ce qui pourrait se répercuter positivement sur le secteur suisse de la construction.

4

Programme de la législature

Le rapport du Conseil fédéral du 1er mars 200014 sur le Programme de la législature 1999­2003 ne prévoit pas de modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Le présent projet a toutefois été présenté dans le but de répondre à l'exigence principale d'u postulat transmis par le Conseil national, le 22 juin 2001 (cf. ch. 1.2 in initio).

5

Relation avec le droit international

La libéralisation convenue par rapport au droit communautaire a déjà été réalisée par les adaptations entreprises le 8 octobre 1999 du fait de l'accord entre la CE et la Suisse sur la libre-circulation des personnes (cf. ch. 1.1, par. 4).

6

Constitutionnalité

La révision partielle proposée, à l'instar de la loi elle-même, est fondée sur la compétence générale de la Confédération dans le domaine des affaires étrangères (art. 54, al. 1, Cst.) et du droit civil (art. 122, al. 1, Cst.).

14

FF 2000 2168

3912