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8783 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'approbation d'un protocole additionnel à la convention conclue entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes (Du 31 mai 1963)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, par le présent message, un projet d'arrêté fédéral approuvant le protocole additionnel à la convention conclue le 31 janvier 1938 entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes (RS 12, 633).

Aux termes de l'article 3, chiffre 1, 1er alinéa, de la convention précitée, les produits bruts, notamment les bois bruts, provenant des forêts situées dans les zones frontalières des deux pays sont réciproquement affranchis de toutes les redevances grevant les importations et les exportations. Le 3e alinéa de ce chiffre 1 précise que la quantité de bois à brûler originaire de l'une des zones frontalières qui peut être importée dans l'autre pays en franchise ne doit pas dépasser 180 000 quintaux par an. Enfin, conformément au chiffre 10 de l'article 3, les bois originaires de l'un des Etats contractants et sciés dans les scieries situées dans sa zone frontalière peuvent être importés dans l'autre Etat jusqu'à concurrence de 12 500 tonnes par an moyennant le paiement d'un droit de douane égal à la moitié du droit le plus réduit, selon l'espèce. Selon ces dispositions combinées avec l'article 10, chiffre 4, de la convention, aux termes duquel les restrictions d'importation ou d'exportation édictées pour des raisons d'ordre économique ne sont pas applicables aux marchandises mentionnées dans ledit article 3, les importations et les exportations réciproques de bois bruts provenant des forêts situées dans les zones frontalières de l'un des deux Etats sont, en principe, Feuille fédérale. 115e année. Vol. I.

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1378 absolument libres. Quant au bois à brûler et au bois scié dans les scieries situées dans les zones frontalières, ils ne peuvent être importés en franchise ou au droit réduit que dans les limites des contingents fixés une fois pour toutes.

Cette réglementation, dictée par la situation qui régnait au moment de la conclusion de l'accord, représentait un compromis entre les intérêts français et suisses ; la France, notamment, tenait à exporter aussi librement que possible en Suisse ses excédents de bois en provenance de ses forêts sise dans la zone frontalière. La situation économique ayant évolué, ladite réglementation ne répond plus aux conditions.

L'essor conjoncturel et surtout l'activité débordante dans le domaine de la construction ont provoqué, en Suisse également, un accroissement sensible de la demande sur le marché du bois d'oeuvre. La production indigène normale de bois ronds, spécialement de grumes d'un diamètre élevé, ne parvient pas à couvrir les besoins. La pénurie de bois ronds est signalée également presque partout en Europe occidentale, l'offre ne couvrant pas la demande; en outre, les pays qui seraient à même de livrer restreignent plus ou moins leurs exportations. Les grandes forêts françaises sises à proximité de la frontière suisse offrent à notre pays de bonnes possibilités d'approvisionnement et lui permettent de faire face à ses besoins accrus. L'Autriche et l'Allemagne n'ayant pu livrer que de faibles quantités jusqu'à présent, seul l'Est entre encore en ligne de compte pour des livraisons importantes de bois bruts. Les différences de prix du bois entre la France et la Suisse contribuent, par moments, à une augmentation unilatérale des exportations à destination de la Suisse. D'autre part, le facteur transport joue un rôle moins important qu'il y a 25 ans, de sorte que le bois provenant de la zone frontalière n'est plus destiné principalement aux régions jouxtant la frontière. Grâce à la libre importation en provenance de la zone frontalière, les achats suisses augmentèrent soudainement en 1955, puis, après une régression passagère, continuèrent à marquer un mouvement ascendant depuis 1959. Il en résulta une exploitation excessive des forêts françaises, contre laquelle la législation forestière de nos voisins -- moins sévère que la nôtre -- n'était pas à même de s'opposer
assez efficacement. En outre, les prix élevés offerts par les acheteurs suisses ne pouvaient plus être payés par les acheteurs français. Les marchands de bois français et les scieurs de la zone frontalière demandèrent l'application de mesures de rétorsion efficaces contre la concurrence suisse, car les prix du bois scié pratiqués sur le marché intérieur français ne pouvaient être alignés sur les prix élevés offerts par la concurrence suisse.

A la longue, la Suisse a, elle aussi, intérêt à ce que ses acheteurs ne puisent pas inconsidérément dans les forêts frontalières françaises, s'exposant à être privés plus tard d'une source d'approvisionnement. Il ne faudrait pas non plus que les abattages de bois conduisent à une lutte fâcheuse entre concurrents suisses et français. Cette lutte provoquerait certainement une

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réaction française. Les experts forestiers des deux Etats, que la commission permanente franco-suisse de voisinage consulte sur les questions du trafic forestier réglées par la convention, ont conclu, eux aussi, qu'il est dans l'intérêt des deux parties de maintenir à un certain niveau, réputé normal, les exportations en provenance des forêts frontalières. Ils ont recommandé de fixer un contingent, dans les limites duquel les autorités françaises délivreraient des licences d'exportation («gestion mixte») en se fondant sur une cote attribuée à chaque importateur par les autorités suisses au prorata de ses importations antérieures. Cette solution constituerait toutefois une dérogation aux dispositions conventionnelles concernant l'importation illimitée.

En ce qui concerne le bois scié dans des scieries de la zone frontalière, il y a lieu de relever que le contingent de 12500 tonnes n'a, durant de longues années, pas suscité de difficultés. La limite fixée offrait une marge suffisante aux importations de bois français en Suisse; en. effet, ces importations variaient entre 4000 et 9000 tonnes. Quant aux exportations suisses à destination de la Erance, elles furent toujours minimes. A la fin de 1960, on constata pour la première fois que le contingent des exportations françaises était épuisé prématurément. Cela aussi était une conséquence de la forte demande de bois, occasionnée surtout par la grande activité dans le domaine du bâtiment. Les importations de bois scié ont marqué, également durant les armées suivantes, une forte augmentation, raison pour laquelle les contingents de bois scié étaient déjà épuisés au bout de 7 à 9 mois. Après épuisement du contingent, le bois scié aurait dû être dédouané aux taux normaux. Deux raisons militaient toutefois en faveur d'une augmentation du contingent permettant l'importation au demi-droit. La première de ces raisons était que ces livraisons freinaient la spirale des prix sur le marché intérieur. En période de conjoncture, on devait veiller à ne pas contribuer à une augmentation des prix par une majoration des droits de douane, ce qui eût été le cas si l'on avait perçu le taux intégral. Différents milieux économiques ayant même préconisé une réduction des taux grevant les matériaux de construction, une imposition accrue aurait été peu appréciée, tant du point
de vue politique que du point de vue économique. La seconde raison était qu'il fallait reconnaître le bien-fondé des avis des experts forestiers, selon lesquels les achats suisses de bois bruts dans la zone frontalière prenaient une ampleur telle que les scieries françaises ne disposaient plus guère, en zone, de matière première à des prix convenables, c'est-à-dire, proportionnés aux prix de vente inférieurs qu'ils devaient consentir sur le marché intérieur français. Les exportations accrues à destination de la Suisse, à des prix plus élevés, offraient, il est vrai, une certaine compensation. Une élévation du contingent pour le bois scié présupposait également une modification du texte de la convention.

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La France ayant, par la voie de la réglementation proposée, fait preuve de compréhension pour les nécessités suisses, nous avons pensé que nous devions, à notre tour, tenir compte de ses craintes relatives aux répercussions de l'exportation illimitée de bois à destination de la Suisse. Admettant qu'il ne s'agissait que de mesures temporaires et urgentes, dictées par des circonstances spéciales, nous avons, conformément à la pratique suivie dans les cas de ce genre, approuvé le contingentement de l'exportation des bois bruts proposé par la commission permanente franco-suisse de voisinage, de même que l'augmentation du contingent de bois scié ; cette dernière fut accordée pour une année en 1961 et pour une année également en 1962. Ces mesures ont fait l'objet d'échanges de notes avec le gouvernement français (cf. RO 1955, 759 et 876; 1957,333; 1960, 1447; 1961, 1218; 1962, 1657). Mais les pourparlers concernant la deuxième mesure ont déjà révélé qu'il n'est plus guère question de circonstances extraordinaires à caractère temporaire, bien que la conjoncture ait évidemment contribué aux achats massifs de bois par la Suisse. Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, il s'agit plutôt d'une situation nouvelle qui provoquera vraisemblablement, à l'avenir également, une demande suisse accrue de bois provenant de la zone frantalière française. Le Conseil fédéral ne pourrait alors plus se déclarer compétent pour déroger aux dispositions de la convention. Aussi a-t-on dû se demander s'il y aurait heu d'envisager une modification de la convention du 31 janvier 1938 et, le cas échéant, comment on pourrait adapter à la situation actuelle et future les dispositions régissant le trafic forestier.

Les autorités et organismes compétents sont d'avis qu'il ne serait pas judicieux de substituer de nouvelles dispositions à celles qui sont en vigueur et d'y énoncer les contingents en chiffres définitifs, ce qui empêcherait une adaptation aux changements de situation. De toute façon, cela présupposerait une revision proprement dite de la convention du 31 janvier 1938, revision qui inciterait peut-être l'une ou l'autre des parties contractantes à demander encore d'autres changements. Il n'eût guère été possible de mettre sur pied une revision de la convention -- revision qui aurait été subordonnée à l'approbation des parlements
des deux Etats -- dans les délais utiles, c'està-dire de manière à pouvoir appliquer d'éventuelles mesures durant la prochaine année forestière déjà. D'autre part, la France avait fait savoir que son gouvernement se déclarait compétent pour approuver des modifications temporaires des contingents; aussi considérait-elle qu'une revision proprement dite de la convention était superflue. Le département politique fédéral proposa donc de créer, par un protocole additionnel à la convention, la possibilité d'habiliter expressément les gouvernements des deux Etats à fixer ou modifier temporairement, suivant les exigences de la situation, des contingents pour l'importation ou l'exportation de bois, en dérogation aux dispositions conventionnelles. Un tel protocole -- auquel le parlement suisse devrait

1381 donner son assentiment -- permettrait aux deux gouvernements de régler d'une manière répondant à la situation du moment le trafic du bois des zones frontalières à destination de l'un ou de l'autre des deux pays. Les mesures que nous avons édictées de notre propre chef jusqu'à présent, en tenant compte du caractère extraordinaire de la situation dans ce secteur du trafic de frontière, reposeraient désormais sur une base juridique sans équivoque.

Les autorités intéressées ont donné leur adhésion à un tel mode de procéder.

La France s'est ralliée, elle aussi, à l'idée d'un protocole additionnel. Après des pourparlers qui se sont déroulés lors d'une session de la commission permanente franco-suisse de voisinage, le texte d'un protocole additionnel a été paraphé à Paris le 16 janvier 1963, puis signé le 26 avril 1963.

La teneur du protocole additionnel appelle encore les remarques suivantes : Jusqu'à présent, seules une limitation passagère des exportations de bois bruts de la zone frontalière française à destination de la Suisse et une augmentation du contingent de bois scié dans la zone frontalière française s'imposaient. Le protocole additionnel permet désormais de modifier, si c'est nécessaire, le chiffre du contingent de bois à brûler. La Suisse pourra, elle aussi, au titre de la réciprocité, demander l'application des mesures stipulées dans le protocole additionnel. D'une manière générale, les mesures sont subordonnées à la condition qu'elles soient dictées par la situation de l'économie forestière et limitées quant à la durée ; elles doivent être supprimées dès que les circonstances qui les ont motivées n'existent plus. Des mesures d'ordre purement économique (p. ex. des limitations des importations et des exportations pour des raisons découlant du régime des devises) ne sauraient donc reposer sur le protocole additionnel, dont le but, tel quii est précisé dans le préambule, est d'assurer l'exploitation rationnelle des forêts frontalières et l'échange régulier des produits de ces forêts. Les mesures seront proposées par la commission permanente franco-suisse de voisinage; celle-ci demandera le préavis des experts forestiers qui lui sont assignés par les deux pays. Le fait que ces experts sont choisis parmi les hauts fonctionnaires des autorités suprêmes en matière forestière garantit que
l'on tiendra compte objectivement des questions forestières et qu'un accord intergouvememental sera examiné d'abord par les milieux intéressés à l'économie forestière. La disposition régissant l'entrée en vigueur du protocole additionnel tient compte des particularités des deux Etats relatives à la question de la constitutionnalité. Le protocole pouvant être dénoncé en tout temps moyennant un avis préalable de trois mois, l'arrêté fédéral dont nous vous soumettons le projet n'est donc pas soumis au referendum facultatif prévu à l'article 89, 3e alinéa, de la constitution.

III L'article 8 de la constitution donne à la Confédération le droit de conclure des conventions avec l'étranger. C'est sur cette compétence que se

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fonde la convention conclue le 31 janvier 1938 entre la Suisse et la France, complétée par le protocole additionnel en qxiestion, d'où le caractère constitutionnel de ce dernier.

Vu ce qui précède, nous vous proposons d'approuver l'arrêté fédéral cijoint et, partant, le protocole additionnel.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 31 mai 1963.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Spühler Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

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(Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL approuvant

le protocole additionnel à la convention conclue entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 5, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 31 mai 1963, arrête: Article unique Le protocole additionnel à la convention franco-suisse du 31 janvier 1938 (!) sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes, conclu le 26 avril 1963, est approuvé.

Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier ce protocole.

(*) BS 12, 633.

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Texte original

Protocole additionnel àia

convention du 31 janvier 1938 entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes

LE CONSEIL FÉDÉRAL SUISSE et

LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, ayant constaté que l'application intégrale de la réglementation prévue à l'article 3 de la Convention conclue le 31 janvier 1938 entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes risque de compromettre des intérêts importants des zones frontalières, désirant assurer une exploitation rationnelle des forêts limitrophes, ainsi qu'un échange régulier des produits de ces forêts entre les Etats contractants, sont convenus de ce qui suit : Article premier Lorsque la situation de l'économie forestière l'exige, les gouvernements des deux Etats, d'un commun accord et pour une période déterminée, peuvent : a. Fixer des contingents relatifs aux produits provenant des forêts visés à l'article 3, chiffre 1, alinéa 1 de la convention du 31 janvier 1938 sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes ; 6. Modifier les contingents relatifs aux bois à brûler fixés à l'article 3, chiffre 1, alinéa 3 et aux bois sciés fixés à l'article 3, chiffre 10, alinéas 1 et 2 de la convention précitée.

Les mesures prévues au 1er alinéa du présent article devront être supprimées dès que les circonstances qui les ont motivées auront cessé d'exister.

1384 Article 2 Les mesures de contingentement visées à l'article 1er du présent protocole devront être proposées aux deux gouvernements par la commission permanente prévue à l'article 11 de la convention précitée. Avant de présenter ses propositions, cette commission demandera l'avis de BBS experts forestiers.

Article 3 Chacune des deux Parties notifiera à l'autre l'accomplissement, en ce qui la concerne, des procédures constitutionnellement requises pour la mise en vigueur du présent Protocole. Celui-ci prendra effet à la date de la dernière de ces notifications.

Il pourra être résilié en tout temps, par chacune des deux Parties, moyennant préavis de 3 mois.

Fait à Paris, le 26 avril 1963.

Pour le Conseil fédéral

suisse:

Pour le, gouvernement de la

République Française:

(signé) Soldati

(signé) do Margerie

Ambassadeur de Suisse à Paris

Chef du service des accords bilatéraux du Ministère français des affaires étrangères

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'approbation d'un protocole additionnel à la convention conclue entre la Suisse et la France sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes (Du 31 mai 1963)

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1963

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8783

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20.06.1963

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