691

# S T #

8840 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'approbation de deux conventions entre la Suisse et la France au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson et d'une rectification de la frontière franco-suisse (Du 16 septembre 1963)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation deux conventions conclues avec la France. La première concerne l'aménagement hydroélectrique dit d'Emosson, à la frontière entre le Bas-Valais et la Haute-Savoie. La seconde a pour objet une rectification de la frontière franco-suisse exigée par les travaux.

I. La situation initiale 1. La demande de concession

Les concessions de droits d'eau nécessaires ont été requises en Suisse et en France par la société «Usines hydroélectriques d'Emosson SA» (ESA).

Cette société anonyme a été fondée le 9 juillet 1954 par la Motor Columbus, société anonyme d'entreprises électriques, à Baden (Argovie), et par l'Electricité de France, service national, Paris. Ces deux entreprises participent à part égale au capital de la nouvelle société, dont le siège social est à MartignyVille et où elle est inscrite au registre du commerce. Le but principal de la société est de créer à Emosson, dans la vallée de la Barberine, à la frontière franco-suisse, un bassin d'accumulation en vue de l'utilisation des forces hydrauliques.

La demande de concession présentée au Conseil fédéral date du 5 mars 1956; elle a été complétée par un avenant le 26 octobre 1961. Elle se fonde sur un projet dit «Aménagement d'Emosson, projet février 1961», qui est le fruit de dix années d'études et d'avant-projets.

692

La requérante se propose de commencer la construction aussitôt que les concessions et autorisations de construire lui auront été accordées. Elle évalue la dépense à environ 475 millions de francs, sur la base des prix de 1962.

2. le projet Un plan est annexé à ce message. Un barrage érigé dans la gorge que traverse la Barberine en quittant la plaine d'Emosson doit créer une retenue dont le niveau maximum sera à la cote 1930, correspondant à une capacité de 225 millions de m 3 environ.

Outre les apports actuels, naturels et artificiels, à la retenue de Barberine aménagée par les chemins de fer fédéraux, trois adductions situées entre les cotes 2125 et 1940 («collecteurs Sud, Ouest et Nord») conduiront dans la nouvelle retenue d'Emosson des eaux françaises provenant du bassin supérieur de l'Arve, en amont de Chamonix, de l'Eau Noire, un affluent du Trient, et du Giffre, l'affluent principal de l'Arve ; une quatrième adduction apportera à la nouvelle retenue d'Emosson, où elles seront accumulées, des eaux suisses en provenance du Val Ferret («collecteur Est»). Les prises d'eau suisses sont situées sur la rive gauche du haut Val Ferret près de La Fouly, au-dessous des glaciers de Treutse Bö, de Planereuse et de Saleina, puis dans le Val d'Arpette en aval de l'adduction existante au lac de Champex, sur le torrent de Jure à l'aval du glacier du Trient, enfin sur le Nant Noir et le Pécheux. Le collecteur Est débouche près des Esserts à la cote 1513 dans un bassin de compensation d'une capacité de 200 000 m3. De là, sous une chute de 388 m, l'eau parviendra par un puits blindé à la centrale du Châtelard, où elle sera utilisée en partie pour produire directement de l'énergie électrique, mais aussi et surtout d'où elle sera pompée pour être accumulée dans la retenue d'Emosson.

L'aménagement projeté est d'une grande importance pour les chemins de fer fédéraux. La nouvelle retenue submergera complètement leur retenue actuelle de Barberine, d'une capacité de 39 millions de m3. En outre, de l'eau sera enlevée à leurs usines de Barberine, de Vernayaz et du Trient.

Il a donc fallu examiner si, et le cas échéant comment, ces usines pourraient continuer leur exploitation. ESA est donc entrée très tôt en pourparlers avec les chemins de fer fédéraux. Ces pourparlers ont conduit à un accord de principe CFF/ESA daté des 6 et 9 juin 1961. Il en résulte que la grande retenue d'Emosson, qui submergera celle de Barberine permettra non seulement de continuer l'exploitation des usines de Barberine et de Vernayaz dans la mesure actuelle et
indépendamment de celles d'ESA, mais encore d'exploiter dans de meilleures conditions les usines des chemins de fer fédéraux. De plus, à la demande des chemins de fer fédéraux, le niveau prévu initialement pour la retenue d'Emosson a été surélevé de 5 m et porté à la cote 1930, ce qui a augmenté de 17 millions de m 3 environ la capacité

693 dont ils disposeront dans celle-ci; ils pourront mettre en valeur encore plus rationnellement et plus économiquement les forces hydrauliques dont ils disposent. En raison de cela, ils prendront à leur charge une partie du coût du barrage. Quant à la compensation des eaux enlevées à leurs usines, elle aura lieu en nature, sous forme d'un certain volume d'eau accumulée dans la retenue d'Emosson.

En définitive, ESA disposera d'une capacité d'accumulation de 170 millions de m 3 environ, les volumes d'eau accumulables étant de 98 millions de m3 environ provenant de Suisse et 97 millions de m 3 provenant de France.

L'utilisation aura lieu en deux paliers: le palier supérieur avec nouvelle centrale au Châtelard et comportant une chute brute moyenne de 758 m, et le palier inférieur avec centrale à La Bâtiaz dans la plaine du Rhône et chute brute moyenne de 654 m. De la Bâtiaz, l'eau sera restituée au Rhône.

La production annuelle brute des deux nouveaux paliers, donc sans la production des usines des chemins de fer fédéraux s'élèvera à 635 millions de kWh, dont 565 millions environ en hiver. Le pompage nécessitera environ 130 millions de kWh d'été. Comme les deux Etats mettront à disposition une puissance brute pratiquement égale, la production sera en principe, répartie entre eux dans la même proportion.

3. La compétence de la Confédération a. Sur le plan intérieur D'après le projet, les bassins d'accumulation et de compensation, les prises d'eau, les conduites d'amenée, les galeries sous pression, les centrales avec turbines, génératrices, pompes, etc., constituent des parties intégrantes d'un seul et même aménagement hydroélectrique. Ces parties s'étendent sur les territoires suisse et français. Le même aménagement utilisera des forces hydrauliques suisses et françaises. Nous sommes ainsi en présence d'un ouvrage international.

Aux termes de l'article 24bis, 4e alinéa, de la constitution, il appartient à la Confédération d'octroyer la concession de droits d'eau lorsqu'il s'agit de cours d'eau formant la frontière du pays, après avoir entendu les cantons intéressés. La loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques applique ce principe en ce sens que, «à l'égard des sections de cours d'eau touchant à la frontière nationale», il appartient au Conseil fédéral, après
avoir entendu les cantons intéressés, de constituer les droits d'utilisation (art. 7) ou d'octroyer les droits d'eau (art. 38, 3e al.). Dans les motifs de son arrêt du 3 décembre 1914 concernant le conflit de compétence entre la Confédération et le canton du Valais au sujet de l'utilisation de la Barberine et de l'Eau Noire, le Tribunal fédéral a déclaré que lorsqu'il s'agit d'interpréter la disposition de l'article 24=bis de la constitution,

694 «on ne devra pas perdre de vue l'idée dont elle s'inspire, le but qu'elle vise.

Sans s'attacher servilement à sa lettre, on sera fondé à en étendre l'application à toutes les concessions qui, par la situation géographique des cours d'eau sur lesquels elles portent, intéressent les relations extérieures de la Suisse».

Dans le cas d'Emosson, les sections de la Barberine et de l'Eau Noire qu'il s'agit d'utiliser conformément au projet touchent à la frontière nationale. On en peut dire autant, au sens de la loi, bien que ce ne soft pas littéralement le cas, des autres sections de cours d'eau situées entièrement en Suisse, puisque leur force hydraulique sera utilisée conjointement avec celle de cours d'eau français, dans un seul et même aménagement international.

Du côté suisse, la compétence d'accorder des droits d'eau appartient donc au Conseil fédéral. Par rapport au canton du Valais et aux communes intéressées, cette compétence prend en quelque sorte le caractère d'une gestion d'affaires ou d'une représentation. Le Conseil fédéral accorde la concession pour le compte du canton et des communes. Il est par conséquent tenu de sauvegarder leurs intérêts. Nous renvoyons à ce propos au rapport que nous vous adressions le 4 octobre 1955, sur l'initiative populaire pour une extension des droits populaires lors de l'octroi par la Confédération de concessions pour l'utilisation des forces hydrauliques (FF 1955, II, 657).

b. Sur le plan extérieur L'ouvrage n'est réalisable que si l'on utilise aussi des eaux françaises. Une concession française est donc également indispensable. Mais comme l'ouvrage ne peut être réalisé que comme une unité et ne peut reposer que sur une base juridique uniforme, la concession française et la concession suisse doivent être harmonisées. Cela n'est possible que si le contenu des concessions ne se tient pas de façon stricte aux règles du droit national. En outre, il ne suffit pas, pour garantir la sécurité juridique indispensable dans le cas d'un ouvrage de cette importance, que les deux Etats accordent au concessionnaire des droits concordants. Il faut aussi qu'ils s'entendent sur l'exercice des droits de chacun d'eux, et de telle sorte que l'un des deux Etats ne puisse modifier ultérieurement par des mesures unilatérales, en fait ou en droit, la situation créée d'un commun
accord. Un autre point à considérer, c'est la répartition des charges et des avantages entre les deux Etats, sur le plan fiscal et le plan douanier également. Et enfin, nous le verrons, un échange de territoires avec la France est indispensable.

L'entente à établir entre les deux Etats, et phis particulièrement la création d'une base de droit international pour l'octroi ultérieur des concessions, commandent tout naturellement la conclusion d'une convention internationale. Du côté suisse, c'est également la Confédération qui a la compétence de la conclure, aussi bien d'après les principes généraux des articles 8 et 85, chiffre 5, que d'après les dispositions spéciales de l'article 246is de la constitution.

695 Sur toutes ces questions de compétence, la Confédération et le canton du Valais sont d'un avis commun.

4. L'intérêt suisse Le gouvernement du canton du Valais a, dès le début, approuvé l'idée de créer une accumulation à Emosson. Il s'est prononcé plusieurs fois en faveur du projet et a exprimé le souhait qu'une convention fût conclue avec la France. Il pouvait se prévaloir pour cela de décisions positives de la part des communes intéressées.

La France, par une note de son ministère des affaires étrangères du 23 août 1957, a fait le premier pas en vue de l'ouverture de pourparlers. Cette note soulignait la nécessité d'une convention internationale précédant l'octroi des concessions requises. Elle proposait de désigner une commission mixte pour l'étude des problèmes qui se posaient.

Avant d'engager ces pourparlers, on tint, du côté suisse, à élucider dans tous leurs détails les intérêts de notre pays dans cette affaire. Cet examen donna, pour l'essentiel, les résultats suivants : a. Economie hydraulique, Dans le bassin de la Drance de Ferret et plus à l'ouest jusqu'à l'Eau Noire, il n'existe plus de possibilités d'accumulation permettant de produire de l'énergie d'hiver de haute valeur. La plus proche est celle d'Emosson.

Mais les eaux captables en Suisse ne rempliraient cette retenue qu'à moitié seulement. La construction d'une retenue de dimensions plus faibles, adaptées à ces seules eaux, n'entre pas en ligne de compte car elle serait d'un coût trop élevé. D'ailleurs, même pour créer une retenue de capacité réduite, il faudrait mettre à contribution une certaine portion de territoire français. Les études ont montré en outre qu'un aménagement purement national, qui consisterait par exemple à agrandir les installations des chemins de fer fédéraux -- notamment en surélevant le barrage de Barberine -- présenterait de tels inconvénients de nature technique et économique qu'il ' serait inacceptable. Le projet d'Emosson présente en revanche des avantages, pour les chemins de fer fédéraux aussi; nous y avons déjà fait allusion lors de la description du projet.

Par le supplément d'énergie qu'elle produira, l'utilisation en commun de forces hydrauliques suisses et françaises dans l'aménagement d'Emosson est donc d'une importance déterminante pour la Suisse. La cuvette d'Emosson paraît prédestinée
à jouer le rôle d'accumulation. Il n'existe dans cette région aucune autre vallée qui convienne pour la création d'une si grande accumulation comme aussi pour l'utilisation des forces hydrauliques sur une si courte distance et sous une chute si élevée.

696 On est donc arrivé à la conclusion que le projet de février 1961 assurait l'utilisation rationnelle des forces hydrauliques au sens de l'article 5, 3e alinéa de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques.

6. Economie énergétique D'entrée de cause, il fallait s'attendre que la France demanderait une importante partie de la production. Au début, les calculs avaient indiqué que l'énergie électrique produite devrait revenir à la France dans la proportion de 45 pour cent et à la Suisse dans celle de 55 pour cent. Mais les modifications apportées au projet ont eu pour résultat d'augmenter la part française. Selon le projet de février 1961, les forces hydrauliques mises à disposition par chaque Etat sont pratiquement égales, de sorte qu'il en résultait un partage de la production par parts égales. Du point de vue de l'économie énergétique de notre pays, la réalisation des installations projetées ne présentait pas moins d'intérêt. En particulier, il apparaissait que l'exploitation des usines des chemins de fer fédéraiix de Barberine, du Trient et de Vernayaz pourrait être maintenue, et cela, en partie tout au moins, dans de meilleures conditions. D'ailleurs, toute la production de ces usines pouvait être réservée à la Suisse.

On a considéré que la capacité de production de l'aménagement d'Emosson, bien que la Suisse n'ait droit qu'à la moitié, représentait une part importante des possibilités totales de production d'énergie d'hiver dont nous disposons encore. En effet, à elle seule, la part suisse de production d'Emosson représente 15 à 20 pour cent de ces possibilités. En outre, la puissance disponible dans l'aménagement d'Emosson sera très élevée, ce qui permettra de concentrer la production sur les heures où la demande d'énergie sera plus forte ; il s'agit d'un facteur important, surtout si l'on n'oublie pas que la production de nos usines hydroélectriques devra bientôt être complétée par celle des usines thermiques utilisant des combustibles classiques ou nucléaires. Ainsi, ces dernières pourront se limiter à couvrir les besoins constants du diagramme de charge, ce qui, pour des raisons d'exploitation comme aussi et surtout d'ordre économique, est une première condition à remplir pour une utilisation rationnelle. L'aménagement d'Emosson aura donc une influence
favorable sur la charge des usines de base ; cette influence sera encore renforcée, grâce aux pompes installées dans la centrale du Châtelard.

En facilitant la création d'une nouvelle liaison entre les réseaux électriques à haute tension suisse et français, l'aménagement d'Emosson est aussi dans l'intérêt de notre pays. Une telle liaison permettra d'accroître nos échanges d'énergie avec l'étranger et par conséquent de mieux couvrir nos besoins en hiver, lorsque, par suite de précipitations insuffisantes, nos usines ne sont plus à même de répondre à ces besoins ; une nouvelle liaison

697 diminuera aussi les risques d'interruptions de courant, tels qu'il s'en est produit l'hiver dernier, ainsi que leurs effets si elles devaient se répéter.

c. La situation à l'égard des chemins de fer fédéraux Les chemins de fer fédéraux n'ont jamais fait d'opposition de principe au projet d'aménagement hydroélectrique d'Emosson. Ils se sont cependant demandé dès le début comment ils pourraient sauvegarder leurs droits.

Avec le temps, une solution satisfaisante pour les deux parties s'est précisée; elle a trouvé son expression dans 1'«Accord de principe CFF/ESA» des 6 et 9 juin 1961. Par cet accord, les chemins de fer fédéraux ont pu s'assurer une production supplémentaire annuelle de 50 millions de kWh de courant triphasé. De plus, ils ont obtenu un siège au conseil d'administration de TESA, sans être toutefois actionnaires de la société.

d. Protection du barrage et des régions en aval Le barrage d'Emosson constitue, comme tout ouvrage de ce genre, un danger possible pour les vallées situées plus bas. Ce danger menace principalement le territoire suisse. Avec le tracé actuel de la frontière entre le Valais et la Haute-Savoie, le long de la Barberine, le barrage serait à cheval sur la frontière. Cela pourrait entraîner des difficultés et des complications surtout en temps de crise ou de guerre. Pour les prévenir, et protéger de façon plus complète les parties du territoire suisse en aval, il était nécessaire de procéder à une rectification, de frontière, de façon que le barrage d'Emosson se trouvât entièrement en territoire suisse et qu'on pût lui appliquer les prescriptions de sécurité du droit suisse. C'était là une condition essentielle à mettre à la réalisation de cet ouvrage international.

e. Autres intérêts

Pour se faire une idée aussi complète que possible des intérêts à prendre en considération en cas de réalisation de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson, on a soumis déjà en automne de 1961 à une enquête publique, avec délai d'opposition de 30 jours, la demande de concession, accompagnée du projet d'aménagement. Les oppositions furent au nombre de 24; elles avaient principalement pour objet des droits privés sur des sources, quelques droits d'eau de peu d'importance, l'alimentation en eau potable, l'irrigation, ainsi que d'autres réserves. Trois entreprises de forces motrices seulement, établies sur le cours de la Drance (Orsières, Sembrancher, MartignyBourg), ont formé une opposition de principe à la réalisation du nouvel ouvrage, à cause de l'eau, et par conséquent de l'énergie, qui leur serait ainsi soustraite. L'examen de ces oppositions montra cependant qu'aucun intérêt public n'était en jeu qui dût conduire au rejet de la demande de concession. Il faut retenir en particulier qu'aucune opposition de principe

698 n'a été formée au titre de la protection des beautés naturelles et des sites.

D'autre part, la concession ne portera pas atteinte aux droits privés des tiers ou aux concessions antérieures (loi sur les forces hydrauliques, art. 45).

Ce sera donc l'affaire du concessionnaire de s'entendre avec les ayants droit, le cas échéant de recourir à la voie de l'expropriation moyennant indemnité pleine et entière.

IL Les dispositions convenues avec la France 1. Los pourparlers Les pourparlers avec la France se sont déroulés en deux phases principales. Au printemps de 1958, nous décidâmes tout d'abord qu'il y aurait entre des délégations administratives des deux pays des discussions ayant le caractère d'information. Les intérêts de chaque pays purent ainsi être confrontés, et la possibilité d'un compromis être examinée. Cela prit un temps assez long, surtout parce que le projet primitif dut être remanié, à la lumière de nouvelles études géologiques, glaciologiques et hydrologiques, et aussi à cause des répercussions sur les usines des chemins de fer fédéraux.

Voyant se préciser la possibilité d'aboutir à un règlement tenant compte des intérêts suisses fondamentaux, nous décidâmes au début des 1963 d'entamer des négociations proprement dites. Nous en résumons ici quelques aspects.

a. Echange de territoires Notre proposition de modifier la frontière entre le Valais et la HauteSavoie de telle sorte que le barrage d'Emosson soit situé entièrement en Suisse, reposait sur les principes constamment suivis dans des cas de ce genre, à savoir qu'une rectification de frontière doit être effectuée sur la base d'un échange de surfaces égales; bien que le tracé soit modifié, les territoires des deux Etats demeurent ainsi les mêmes quant à leur étendue.

Nous avions procédé ainsi avec l'Italie, dans le cas de l'usine internationale de Valle di Lei-Ferrera, avec la France dans le cas du prolongement de la piste de l'aéroport de Genève-Cointrin. La délégation suisse déclara donc à la délégation française qu'il y aurait lieu de céder à notre pays une portion de terrain d'environ 12 hectares dans le secteur de Barberine où serait construit le barrage.

La délégation française fit savoir que son gouvernement ne voyait pas d'objection à la cession de territoire sollicitée du côté suisse et demanda en contre-partie une
parcelle d'une même étendue située dans le secteur du Châtelard, pour y construire au moins un élément important de l'aménagement hydroélectrique, la centrale de la première chute, projetée en cet endroit. La question ayant été élucidée sur le plan suisse, nous acquiesçâmes à cette demande. Par la suite, les deux délégations parvinrent à se mettre

699

d'accord sur les surfaces exactes à échanger. Les services intéressés, suisses et français, élaborèrent un plan où ces surfaces sont clairement définies. Les bases nécessaires à la conclusion d'une convention de rectification de la frontière étaient ainsi jetées. Une condition importante pour la conclusion de la convention au sujet de l'aménagement hydroélectrique était remplie.

b. Protection des droits des chemins de fer fédéraux L'«Accord de principe CFF/ESA» des 6 et 9 juin 1961 devait aussi recevoir une consécration sur le plan international. La convention au sujet de l'aménagement hydroélectrique réglant les rapports de droit entre Etats, ü ne semblait pas admissible de se référer directement à l'accord dans la convention même. Les pourparlers conduisirent à délimiter le champ d'application de la convention aussi dans le sens négatif, et, en tant que les droits des chemins de fer fédéraux entrent en considération, à préciser l'étendue dans un échange de lettres entre les chefs des deux délégations.

c. Répartition de l'énergie II fut surtout difficile, aussi bien pour l'une des parties que pour l'autre, de trouver une formule acceptable pour la répartition de l'énergie produite entre les deux Etats. Il faut attribuer cette difficulté au triple caractère de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson: usine à accumulation, usine de pompage et usine à haute chute au fil de l'eau. En outre, en l'absence de précédents, il n'était pas possible de reprendre simplement les formules employées dans d'autres conventions internationales relatives à des aménagements hydroélectriques. Il fallait chercher d'autres solutions. Notre pays devait être suffisamment assuré de sa part de la production nette d'énergie et d'en pouvoir disposer lorsque le besoin est le plus grand, c'est-à-dire surtout en hiver, sans devoir se contenter d'en disposer pendant d'autres saisons. Nous avons dû insister sur l'égalité de droit de la Suisse dans l'utilisation du bassin d'accumulation d'Emosson.

d. Questions douanières Partant du principe que, dans des conditions économiques sensiblement égales, les marchés de travaux et les commandes de matériaux nécessaires aux installations d'Emosson devaient dans toute la mesure du possible être répartis également entre les deux pays, la France a demandé, dès le début, que les importations
nécessaires fussent exemptes de part et d'autre de tous droits de douane. La délégation française se référait à ce propos à la convention franco-italienne du 3 juillet 1961 sur l'aménagement hydroélectrique du Mont-Cenis, et par laquelle la France avait fait des concessions de ce genre à l'Italie. Le département fédéral des finances et des douanes éleva des objections de principe contre cette franchise douanière ; le Conseil fédéral

700

en fit de même. Nous ne voulûmes cependant pas faire échouer les pourparlers avec la France à cause de cette question. La délégation suisse a donc finalement fait droit à la requête française. Par ce motif et vu les particularités du cas, la concession faite par la Suisse ne saurait constituer un précédent.

2. Le résultat A la séance de clôture des 13 et 14 juin 1963, les dernières divergences furent aplanies et le texte des accords fut mis au net. Il fut ensuite paraphé.

Le 23 août 1963, les plénipotentiaires des deux Etats procédèrent à Sion à la signature de deux conventions distinctes par la forme, mais liées quant au fond.

Abstraction faite de quelques particularités, les deux conventions sont calquées sur des accords analogues conclus antérieurement par la Suisse avec la France et l'Italie. Nous nous bornerons donc à un exposé succinct de leur contenu.

a. Convention au sujet de l'aménagement hydroélectrique Dans la section A (art. 1 à 4), ce sont en particulier les conditions d'exécution et d'exploitation des ouvrages qui sont fixées, en tant qu'elles revêtent une importance pour les deux Etats.

L'article premier enumero brièvement les cours d'eau français et suisses qui seront utilisés et les ouvrages qui seront exécutés. Il dispose de plus que la France reconnaît le droit de la Suisse d'accumuler dans le réservoir d'Emosson les eaux qui se déversent actuellement dans le bassin de la Barberine, ainsi que d'autres eaux destinées à des restitutions en énergie hydraulique, de même que d'autres eaux captées en Suisse, à condition que l'exécution de la convention n'en soit pas entravée. Cela concerne en particulier le maintien en service de l'aménagement hydroélectrique de BarberineTrient-Vernayaz des chemins de fer fédéraux, bien que leur bassin d'accumulation de Barberine soit noyé. Un échange de lettres précise avec tous détails les droits des chemins de fer fédéraux à cet égard.

Signalons plus particulièrement les articles 2 et 3. Il est prévu qu'en matière de sécurité les ouvrages seront soumis, en chacune de leurs parties, à la législation de l'Etat sur le territoire duquel cette partie se trouve. Cette disposition est fort importante pour notre pays, parce qu'en cas de rupture du barrage, le territoire français serait à peine menacé, alors qu'il en serait tout autrement du territoire
suisse: qu'on pense à la région très peuplée de la plaine du Rhône, de Martigny au lac Léman. Par suite de la rectification de frontière, le barrage se trouvera entièrement en Suisse, soumis aux normes suisses de sécurité et contrôlé par les autorités suisses, aussi bien pendant la construction des usines qu'après leur mise en exploitation. Remarquons

701

aussi que la Suisse, en cas de péril imminent, peut décider seule de la vidange de retenue d'Emosson. Quant à l'écoulement d'eau exigé par l'intérêt public en aval du barrage et des prises d'eau (pour l'alimentation en eau potable, l'irrigation, la pêche, la protection des beautés naturelles et des sites), il sera assuré par des clauses des actes de concession.

La section B (art. 5 et 6) concerne la répartition entre les deux Etats de l'énergie produite.

Vu le triple caractère de l'aménagement d'Emosson, qui travaille à la fois par accumulation, par pompage et au fil de l'eau, la rédaction diffère de celle des articles similaires des autres conventions. La formule de partage s'applique non seulement à la quantité d'énergie produite, mais aussi à la qualité.

Une nouvelle disposition est celle qui exempte de toute taxe, redevance ou restriction de droit public même les quantités d'énergie qui, selon l'article 5, 4e alinéa, sont destinées à satisfaire les besoins propres du concessionnaire et ses obligations au titre des restitutions en nature et des actes de concession. Un échange de lettres précise que cette disposition n'est pas applicable aux impôts sur la fortune et sur le revenu.

La section C (art. 7 à 10) énumère les dispositions communes des deux Etats relativement au concessionnaire. Le partage à part égale du capital social entre les deux Etats, de même que la représentation paritaire des deux groupes d'actionnaires dans les organes de la société marquent le caractère de l'usine de partenaires. Il s'agit d'un cas d'application de l'article 40, 4e alinéa, de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques.

La section D (art. l i a 14) contient surtout des dispositions communes relatives aux concessions. D'une part, ces dispositions donnent la possibilité de s'écarter, en concédant les droits d'utilisation des forces hydrauliques, de la législation nationale si l'exécution de la convention l'exige. D'autre part, les concessions et leurs, amendements n'auront d'effet qu'après avoir été approuvés par les deux parties, de sorte qu'il ne pourra pas arriver qu'une partie modifie unilatéralement les actes de concession au détriment de l'autre.

La section E (art. 15 à 19) règle des questions d'ordre économique et fiscal, importantes pour l'aménagement hydroélectrique.
Nous avons déjà relevé que la France attachait un grand prix à ce que le principe de l'égalité de droit des deux pays pour la fourniture des matériaux et de la main-d'oeuvre lors de la construction des ouvrages ne soit pas compromis par la perception de droits de douane et par des restrictions d'importation ou d'exportation. Pour cette raison, l'article 17 prévoit aussi la libéralisation totale des mouvements de fonds entre les deux Etats par suite de l'application de la convention. Un échange .de lettres exclut toutefois Feuille fédérale. 115<> année. Vol. II.

46

702 l'application de cette disposition aux droits de timbre fédéraux et à l'impôt anticipé. Une autre clause fixe pour les ouvrages d'Emosson une procédure spéciale applicable dans le cas où la convention franco-suisse du 31 décembre 1953 en vue d'éviter les doubles impositions viendrait à être modifiée.

L'article 19 fait un pas de plus que l'article 12, en ce sens que des mesures d'ordre général prises par l'un des Etats ne devront pas modifier la situation respective des parties contractantes à l'égard du concessionnaire.

La section F (art. 20) s'explique par le fait que les eaux de l'Arve, dérivées dans la retenue d'Emosson, quittent la centrale de La Bâtiaz à une cote plus élevée qu'à l'entrée de l'Arve en territoire genevois.

La section G (art. 21 à 23) est conforme aux règles habituelles appliquées dans les conventions de ce genre. Elles doivent permettre un règlement rapide et équitable de tout différend naissant entre les deux gouvernements à propos de la convention et des concessions.

La section H (art. 24 et 25) concerne la rectification de la frontière.

L'article 24 pose le principe que, comme dans le cas du barrage de Valle di Lei, une convention modifiant le tracé de la frontière est nécessaire.

Mais dans le cas d'Emosson, il y avait de part et d'autre un intérêt eminent à ce que cette rectification de frontière fût effective dès le début des travaux, et non pas seulement à l'achèvement du barrage. Pour éliminer toute incertitude, la date d'ouverture des travaux sera fixée dans un procès-verbal établi en commun par les services des deux Etats compétents en matière d'aménagements hydroélectriques.

L'article 25 offre la garantie que l'échange de territoires n'a vraiment lieu qu'en vue de l'aménagement hydroélectrique auquel les deux Etats sont intéressés et ne peut être mis au service d'autres buts, peut-être unilatéraux.

La section I (art. 26) prévoit pour la première fois une dénonciation éventuelle de la convention, au cas où les travaux n'auraient pas débuté dans le délai de dix ans. Il faut en effet éviter, dans ce cas, qu'une obligation conventionnelle lie indéfiniment les Etats contractants, les empêchant de disposer de leurs forces hydrauliques d'autre façon et en toute autonomie.

b. Convention concernant une rectification de la frontière franco-suisse Pour des raisons
mentionnées plus haut au sujet de l'article 24 de la convention sur l'aménagement hydroélectrique, la convention concernant la rectification de la frontière n'entrera en vigueur qu'à la suite d'un échange de notes, immédiatement avant le commencement des travaux de construction.

703

lu. Appréciation des conventions La convention au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson et celle qui concerne une rectification de la frontière franco-suisse peuvent être considérées comme avantageuses pour les deux parties et bien équilibrées.

Elles obéissent à notre tradition de collaboration avec les Etats voisins, lorsqu'il s'agit d'utiliser les forces hydrauliques de sections de cours d'eau touchant à la frontière nationale. Elles innovent cependant aussi dans le domaine du droit international, du fait que l'aménagement hydroélectrique d'Emosson présente un caractère tout nouveau, qui ne permettrait pas de reprendre simplement les formules des conventions antérieures. A notre connaissance, c'est en effet la première fois que des bassins de cours d'eau différents, relevant chacun de la souveraineté d'un Etat, sont réunis sans égard à la ligne de partage des eaux, dans un aménagement international unique. Pour la France, l'avantage réside surtout dans l'utilisation particulièrement favorable de la force hydraulique provenant de quelques vallées élevées de la Haute-Savoie. Mais la Suisse aussi tirera de la convention au sujet de l'aménagement d'Emosson des avantages qui n'auraient pu être obtenus d'autre manière. Si l'on considère qu'un aménagement hydroélectrique utilisant la retenue d'Emosson est certainement dans l'intérêt suisse, mais ne peut être réalisé sans le consentement de la France, à cause du tracé actuel de la frontière, si l'on tient compte du fait qu'une exploitation rationnelle suppose la participation active des forces hydrauliques françaises -- ce qui est également profitable à la Suisse -- on ne peut hésiter à conclure que les deux conventions représentent pour notre pays une base juridique avantageuse. La Suisse acquiert ainsi un supplément notable d'énergie pour les périodes où sa situation est difficile, surtout en hiver, ou lorsque la demande marque de fortes pointes. Les intérêts des chemins de fer fédéraux en tant que propriétaires d'usines créées dans la même région pour produire l'énergie nécessaire à leur réseau ferroviaire sont sauvegardés.

Chose importante, l'aménagement n'entraîne pas la disparition de surfaces de terrain cultivé ou à bâtir. Les intérêts généraux et la sécurité publique auxquels le détournement de cours d'eau et les dangers inhérents
à un bassin d'accumulation situé à haute altitude pourraient porter atteinte peuvent être pris en considération, conformément à nos règles nationales.

Les concessions que la France a exigées de nous -- avant tout la possibilité de construire l'une des centrales en territoire français -- sont pleinement justifiées, vu la part de forces hydrauliques provenant des deux pays.

Pour que les conventions puissent entrer en vigueur, elles doivent encore être ratifiées. Il nous faut pour cela votre approbation. Les deux conventions étant conclues pour une durée illimitée, les arrêtés sont soumis au referendum facultatif.

704

Nous vous recommandons de leur donner votre approbation en adoptant le projet d'arrêté ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 16 septembre 1963.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Spühler 14844

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

705

Aménagement" d'Emosson Situation - Projet Février 1961 -

706 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL approuvant

deux conventions conclues entre la Confédération suisse et la République française au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson et d'une rectification de la frontière franco-suisse

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 5, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 16 septembre 1963, arrête: Article premier Les conventions conclues le 23 août 1963 entre la Confédération Suisse et la République Française et concernant : 1° l'aménagement hydroélectrique d'Emosson, 2° une rectification de la frontière franco-suisse sont approuvées.

Le Conseil fédéral est autorisé à les ratifier.

Art. 2 Le présent arrêté est soumis aux dispositions de l'article 89, 3e alinéa, de la constitution concernant le referendum en matière de traités internationaux.

14844

707

CONVENTION entre

la Confédération Suisse et la République Française au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson

LE CONSEIL FÉDÉRAL SUISSE et LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, Ayant été simultanément saisis d'une demande de concession visant l'utilisation dans un même aménagement hydroélectrique, des eaux de plusieurs vallées situées en France, dans le département de la Haute-Savoie et en Suisse, dans le canton du Valais; Ayant reconnu que l'aménagement proposé assure, dans son plan d'ensemble, l'utilisation rationnelle de la force hydraulique des cours d'eau français et suisses intéressés et présente le plus grand intérêt pour les deux Etats, mais que l'aménagement de cette force hydraulique et son utilisation devaient faire l'objet d'un accord international tenant compte des différences de législation des deux Etats ; Ayant, en conséquence, admis qu'il y avait lieu, pour la France et pour la Suisse, de faire établir par un concessionnaire unique les ouvrages nécessaires à l'aménagement et à l'utilisation de la force hydraulique, et de procéder entre elles.à un partage de l'énergie disponible laissant ensuite chacune d'elles libre d'utiliser à son gré, et d'après les principes de sa propre législation, l'énergie qui lui serait ainsi dévolue; Ont résolu de conclure une convention à cet effet et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir : Le Conseil Fédéral Suisse: Monsieur Rudolf Bindschedler, Ministre plénipotentiaire, Jurisconsulte du Département Politique Fédéral,

708

Le Président de la République Française: Monsieur Augustin Jordan, Ministre plénipotentiaire, lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes : Section A Exécution et exploitation des ouvrages Article premier 1. La présente convention a pour objet, sous réserve des droits existants dans l'un ou l'autre pays, l'utilisation de la force motrice : -- d'eaux captées en France, provenant des glaciers du Ruan et du Prazon, des vallons de Bérard et de Tré les Eaux et des glaciers de la Pendant, de Lognan, d'Argentière et du Tour; -- d'eaux captées en Suisse, du Val Ferret supérieur, des torrents de Treutse-Bo, de Planereuse et de la Saleina, du Val d'Arpette, du tor. rent de Jure, du Trient, du Nant-Noir, du Pécheux et de la Barberine.

Ces eaux seront utilisées dans deux usines successives, l'une dite du Châtelard, sise en territoire français, sur la rive droite de l'Eau Noire, à proximité immédiate de la frontière franco-suisse, l'autre dite de la Bâtiaz, sise en Suisse, sur la rive gauche du Rhône ; elles seront restituées au Rhône à la cote 453 environ.

Un réservoir sis entièrement en territoire suisse et qui devra permettre l'accumulation, par gravité ou par pompage, des eaux tant suisses que françaises visées ci-dessus, sera créé au moyen d'un barrage implanté dans la gorge de la Barberine au débouché de la plaine d'Emosson. La cote de retenue du réservoir sera d'environ 1930.

2. La présente convention ne s'applique pas aux eaux qui se déversent actuellement dans le bassin existant de la Barberine, soit naturellement, soit artificiellement.

La France reconnaît à la Suisse le droit d'accumuler ces eaux dans le réservoir d'Emosson, ainsi que d'autres eaux destinées à des restitutions en énergie hydraulique.

En outre, la France reconnaît à la Suisse le droit d'utiliser le réservoir d'Emosson pour accumuler d'autres eaux captées en Suisse, à condition que l'exécution de la présente convention n'en soit pas entravée.

Article 2 Les projets et plans généraux des ouvrages seront dressés par les soins du concessionnaire ; ils seront soumis, avec toutes justifications utiles, aux

709

deux Hautes Parties Contractantes et ne pourront être exécutés qu'après que les deux Hautes Parties Contractantes les auront approuvés.

En matière de sécurité, les ouvrages seront soumis à la législation de l'Etat sur le territoire duquel ils seront construits.

Article 3 Les ouvrages ne pourront être mis en service qu'avec l'accord préalable des deux Hautes Parties Contractantes ; ils seront entretenus et manoeuvres par le concessionnaire.

La manoeuvre des ouvrages d'évacuation des crues ou de vidange du barrage sera faite suivant un règlement approuvé par les deux Hautes Parties Contractantes.

Sauf en cas de péril jugé imminent par les Autorités suisses, aucune vidange de la retenue d'Emosson, en dehors des conditions normales d'exploitation de celle-ci, ne pourra être entreprise sans l'accord des autorités compétentes des deux Etats.

Le concessionnaire sera tenu par les actes de concession de laisser s'écouler à l'aval du barrage et des prises d'eau les débits jugés nécessaires pour sauvegarder les intérêts généraux, notamment en ce qui concerne la salubrité publique, l'alimentation des populations riveraines, l'irrigation, la conservation et la circulation des poissons et la protection des sites et paysages.

Les deux Hautes Parties Contractantes se réservent d'imposer des obligations supplémentaires au concessionnaire en vue de sauvegarder ces intérêts.

Article 4 Les deux Hautes Parties Contractantes se réservent le droit d'exercer de concert le contrôle de la construction et de l'exploitation des ouvrages et, s'il y a lieu, d'autoriser ou de prescrire d'un commun accord toutes modifications aux projets et plans précédemment approuvés.

A cet effet, les deux Hautes Parties Contractantes constitueront une Commission permanente de surveillance dans laquelle elles seront représentées chacune par une délégation composée de fonctionnaires et experts des Administrations intéressées des deux Etats.

Cette Commission aura pour tâche, en particulier, d'examiner les projets et plans d'exécution des ouvrages en vue de leur approbation par les deux Hautes Parties Contractantes, d'inspecter en période de construction et d'exploitation les travaux et ouvrages afin de s'assurer qu'ils seront conformes aux projets et plans approuvés ainsi qu'aux actes de concession et, d'une manière générale, d'examiner toutes les questions intéressant à la fois l'exercice des concessions des deux Hautes Parties Contractantes. Les ré-

710

sultats des travaux de la Commi sai on seront consignés dans des procès-verbaux qui seront soumis aux autorités compétentes des deux Etats pour prendre les décisions qui pourraient s'imposer.

La Commission permanente de surveillance aura constamment libre accès aux divers ouvrages du concessionnaire. Chaque Haute Partie Contractante donnera toutes facilités pour l'accomplissement de sa mission.

Section B Répartition de l'énergie entre les deux Etats Article 5 1. Les deux Hautes Parties Contractantes sont d'accord pour admettre que la force motrice naturelle des eaux auxquelles s'applique la présente convention, en vertu de son article premier, est d'une puissance théorique moyenne égale pour les eaux apportées par chacun des deux Etats.

2. Elles conviennent que les deux Etats auront à chaque instant des droits égaux à l'utilisation des installations de l'aménagement et de la capacité disponible dans le réservoir d'Emosson, cette capacité disponible s'entendant de la capacité totale du réservoir, déduction faite des capacités correspondant aux droits reconnus par la France à la Suisse au paragraphe 2 de l'article premier ci-dessus.

3. En ce qui concerne la répartition entre les deux Etats de l'énergie électrique produite par les usines du Châtelard et de la Bâtiaz, les dispositions ci-après seront observées : a. L'énergie électrique produite par l'utilisation de la seule force motrice naturelle des eaux visée au 1er alinéa ci-dessus sera considérée comme produite à chaque instant par moitié sur le territoire de chacun des deux Etats, que cette énergie soit produite au fil de l'eau ou par prélèvement d'eaux accumulées dans le réservoir d'Emosson, et sans qu'elle soit obligatoirement livrée effectivement dans la même proportion sur le territoire de l'un et l'autre Etat au moment de sa production; b. La production supplémentaire d'énergie électrique, obtenue dans l'usine du Châtelard en accroissant artificiellement, grâce à l'accumulation préalable, dans le réservoir d'Emosson, au moyen de pompages, la force motrice d'eaux apportées dans l'aménagement à une cote inférieure à celle de ce réservoir, sera considérée comme produite sur le territoire de chacun des deux Etats proportionnellement aux quantités d'énergie fournie par chacun d'eux pour les pompages. Chaque Etat pourra exiger que la part qui lui revient dans cette production supplémentaire d'énergie électrique soit livrée sur son territoire, au moment de sa production.

711

4. Les quantités d'énergie destinées à satisfaire les obligations et les besoins propres du concessionnake seront fournies à parts égales par chacun des deux Etats.

5. A la fin de chaque année ou de toute période jugée plus convenable par les deux Hautes Parties Contractantes, un état des mouvements d'énergie intervenus entre les deux Etats dans le cadre de la présente convention sera communiqué à la Commission permanente de surveillance prévue à l'article 4 ci-dessus, aux fins de vérification de la concordance de cet état avec les dispositions qui précèdent. Au cas où cette concordance ne serait pas vérifiée, la Commission fera toutes propositions utiles aux deux Hautes Parties Contractantes en vue du règlement de la situation.

Article 6 Chaque Etat pourra disposer de l'énergie qui lui revient, dans telles formes et sous telles conditions qu'il jugera utiles.

L'énergie produite sur le territoire d'un Etat et qui sera utilisée dans l'autre Etat, conformément aux dispositions de l'article 5, paragraphes 3 et 4, sera exemptée dans le premier Etat de toutes taxes, redevances ou restrictions de droit public quelconque de telle sorte que cette énergie puisse être librement transportée dans le second Etat et soit à tous égards dans la même situation que si elle était produite sur le territoire de ce dernier Etat.

Celui des deux Etats qui n'aurait pas emploi sur son territoire de tout ou partie de l'énergie qui lui revient ne mettra pas obstacle à l'exportation sur le territoire de l'autre Etat de l'énergie ainsi disponible, sous réserve de se conformer aux dispositions légales en la matière.

En tant que de besoin, chaque Etat facilitera sur son territoire dans toute la mesure du possible, l'installation et l'utilisation, par l'autre Etat, des ouvrages de transport d'énergie nécessaires à l'application des dispositions qui précèdent.

Section C Dispositions relatives au concessionnaire Article 7 Le concessionnaire ne pourra être qu'une Société anonyme ayant son siège social en Suisse et faisant en outre élection de domicile en France.

Cette Société sera régie par le droit suisse, sauf en ce qu'il aurait de contraire aux dispositions de la présente convention et aux actes de concession.

712 Article 8 Le capital social sera obligatoirement réparti par moitié entre un groupe d'actionnaires agréés par la Suisse et un groupe d'actionnaires agréés par la France.

Article 9 Les statuts et les modifications de ceux-ci seront communiqués aux deux Hautes Parties Contractantes. Il en sera de même des contrats relatifs aux droits et obligations du concessionnaire à l'égard des actionnaires.

Article 10 Chaque groupe d'actionnaires aura droit à un nombre égal de voix et de représentants dans les organes de la Société. Chacune des deux Hautes Parties Contractantes pourra désigner un commissaire qui aura le droit de participer avec voix consultative aux assemblées générales ainsi qu'aux séances des organes chargés de l'administration de la société.

Section D Dispositions relatives aux concessions Article 11 Les droits d'utilisation des forces hydrauliques seront concédés, sur le territoire de chacun des deux Etats, par les autorités qui ont compétence à cet eiîet et conformément à la législation et à la réglementation en vigueur dans cet Etat, dans la mesure où l'exécution des dispositions de la présente convention ne s'y oppose pas.

Article 12 Les deux concessions devront être fondées sur un même projet concernant l'ensemble de l'aménagement, la concession accordée par chaque Etat ayant pour objet l'utilisation de la force hydraulique des sections de cours d'eau situées sur son territoire.

Les conditions des deux concessions devront être fixées d'une manière concordante sur tous les points qui touchent les intérêts des deux Etats, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels devront être entrepris les travaux et mises en service les usines, les taxes et redevances, le rachat, le retour des installations à chacun des deux Etats en fin de concession et le renouvellement éventuel de chacune des concessions.

Les deux Hautes Parties Contractantes se communiqueront leurs décisions au sujet des actes de concession, et chacun de ceux-ci n'aura son effet que lorsque les deux Hautes Parties Contractantes se seront déclarées d'accord sur les conditions imposées.

713

II en sera de même pour toute décision ultérieure modifiant lesdites conditions ou restreignant ou retirant les droits concédés d'un commun accord.

Les deux concessions prendront fin le 31 décembre de la quatrevingtième année qui suivra la date fixée par les deux Hautes Parties Contractantes pour la mise en service des deux usines ou, si ces dates sont différentes, la plus tardive des deux.

Article 13 En cas de non achèvement des travaux, d'interruption de l'exploitation des ouvrages ou de toute autre cause de déchéance prévue aux actes de concession, les deux Hautes Parties Contractantes prendront, d'un commun accord, les mesures qu'elles jugeront les mieux appropriées à la situation et, éventuellement, à l'octroi de nouvelles concessions.

Article 14 Dix ans au moins avant la date d'expiration des concessions, des pourparlers seront engagés entre les deux Hautes Parties Contractantes, en vue de s'entendre sur la question de savoir si l'exploitation de l'aménagement doit être poursuivie ; dans l'afimnative, la répartition de l'énergie entre les deux Etats sera maintenue conforme aux dispositions de l'article 5 de la présente convention et les conditions du nouveau régime d'exploitation seront déterminées en conséquence. Au cas où l'exploitation ne devrait pas être poursuivie, les deux Hautes Parties Contractantes prendraient d'un commun accord les mesures jugées les mieux appropriées à la situation.

Section E Dispositions d'ordre économique et fiscal Article 15 Dans toute la mesure du possible, et à conditions économiques sensiblement égales, les marchés de travaux et les commandes de matériaux, de matières premières et de matériel relatifs à l'aménagement hydro-électrique prévu par la présente convention seront répartis également entre les deux pays.

Les deux Hautes Parties Contractantes prendront en tant que de besoin toutes mesures nécessaires pour que leurs ressortissants puissent s'employer indifféremment aux travaux effectués sur le territoire de l'un ou l'autre Etat.

Article 16 Pour l'exécution des travaux, ainsi que pour l'entretien, la surveillance et l'exploitation des ouvrages, les deux Hautes Parties Contractantes : a. Ne prélèveront aucun droit de douane d'importation ou d'exportation sur les matériaux, les matières premières et le matériel originaires et

714

importés de l'autre Etat pour être consommés pendant les travaux ou incorporés aux ouvrages ; 6. Admettront temporairement sur leur territoire, en suspension des droits et taxes de douane, le matériel importé de l'autre Etat et nécessaire à l'exécution des travaux ; c. Laisseront passer lesdits matériaux, matières premières et matériels, libres d'interdictions ou restrictions économiques d'importation ou d'exportation.

Article 17 Les deux Hautes Parties Contractantes n'opposeront aucune entrave et ne prélèveront aucune taxe à l'occasion des mouvements de fonds entre les deux Etats résultant de l'exécution des dispositions de la présente convention.

Article 18 Les questions fiscales afférentes à l'application de la présente convention sont réglées par les dispositions de la convention franco-suisse du 31 décembre 1953 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune dans sa teneur au moment de la signature de la présente convention.

La dénonciation de la convention de 1953 ne mettra pas fin à l'application de ses dispositions en ce qui concerne les questions fiscales afférentes à l'application de la présente convention.

Dans le cas où la convention de 1953 viendrait à être modifiée ou remplacée par une nouvelle convention, les deux Hautes Parties Contractantes pourront décider, d'un commun accord, par échange de lettres, d'appliquer au concessionnaire des deux Gouvernements les dispositions nouvelles résultant de cette modification tant que ces nouvelles dispositions demeureront en vigueur.

Article 19 Les deux Hautes Parties Contractantes se concerteront sur l'application de toute mesure d'ordre général prise par l'un des deux Etats et qui conduirait à modifier la situation respective des deux Etats dans l'application de la présente convention.

Section F Utilisation par la Suisse des eaux françaises en aval de l'aménagement Article 20 La France reconnaît à la Suisse la libre disposition, en aval de l'aménagement faisant l'objet de la présente convention, des eaux captées en France et dérivées dans le réservoir d'Emosson, sous réserve des dispositions ci-après :

715

Les eaux du bassin français de l'Arve, dérivées dans la retenue d'Emosson (collecteurs Nord et Sud) puis utilisées dans les usines du Châtelard et de la Bâtiaz seront stockées dans le Léman en vue d'être écoulées à Genève à la demande des Autorités françaises compétentes afin d'améliorer les conditions d'utilisation en France des eaux du Rhône et notamment en ce qui concerne la navigation.

Le stock disponible dans le Léman ne pourra excéder le volume correspondant à une tranche d'eau de 150 mm.

Les stockages dans le Léman et les lâchures supplémentaires à Genève pourront être soumis à certaines restrictions en vue de maintenir la situation actuelle quant aux bas et hauts niveaux du Léman et de faciliter l'utilisation desdites lâchures supplémentaires par les usines de la Coulouvrenière, de Verbois et de Chancy-Pougny.

Les Autorités compétentes des deux Etats établiront d'un commun accord les mesures d'exécution nécessaires.

Section G Règlement des litiges Article 21 Tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application de la présente convention, ou de l'une des concessions visées par cette convention, sera soumis, à la demande de l'une ou de l'autre des deux Hautes Parties Contractantes, à un tribunal arbitral, au cas où ce différend n'aurait pu être réglé dans un délai raisonnable par la voie diplomatique.

Article 22 Le tribunal arbitral sera composé, dans chaque cas, de la façon suivante : chaque Haute Partie Contractante désignera un arbitre choisi parmi ses ressortissants. Le§ deux arbitres ainsi désignés procéderont à la nomination d'un surarbitre ressortissant d'un Etat tiers.

Si les arbitres et le surarbitre n'ont pas été désignés dans un délai de deux mois à dater de la demande visée à l'article 21, chaque Haute Partie Contractante pourra demander au Président de la Cour internationale de Justice de procéder aux nominations nécessaires. Au cas où le Président aurait la nationalité de l'une des Hautes Parties Contractantes, ou serait empêché pour un autre motif, le Vice-Président serait prié de procéder aux nominations nécessaires.

Si celui-ci est empêché ou s'il est ressortissant de l'une des Hautes Parties Contractantes, les nominations seront faites par le membre le plus âgé de la Cour qui ne soit ressortissant d'aucune des Hautes Parties.

716

Article 23 Le tribunal arbitral statue à la majorité des voix. Ses décisions lient les Parties. Tout différend qui pourrait surgir entre les Hautes Parties Contractantes concernant l'interprétation et l'exécution de la sentence arbitrale sera soumis au jugement du tribunal qui l'a rendue.

La rémunération des arbitres et les frais de fonctionnement du tribunal sont supportés à parts égales par la France et par la Suisse.

Sur tous les autres points, le tribunal règle lui-même la procédure.

Section H

'

Echange de territoires Article 24 Les deux Hautes Parties Contractantes conviennent de conclure une convention modifiant le tracé de la frontière franco-suisse entre le canton du Valais et le département de la Haute-Savoie, dans les vallées de la Barberine et de l'Eau-Noire, de telle manière que le barrage et le bassin d'accumulation d'Emosson soient situés en entier en territoire suisse et la Centrale du Châtelard entièrement en territoire français. Cette modification comportera un échange de territoire d'égales surfaces.

Les services compétents des deux Etats en matière d'aménagement hydroélectrique constateront officiellement, par un procès-verbal établi en commun, que la société concessionnaire a pris toutes les dispositions nécessaires pour entreprendre les travaux relatifs à l'aménagement hydroélectrique d'Emosson et qu'elle est prête à passer à leur exécution. Le procèsverbal fixera notamment la date d'ouverture des travaux.

Article 25 Au cas où la présente convention ne pourrait produire intégralement son effet, les deux Hautes Parties Contractantes conviennent que les parcelles faisant l'objet de l'échange de territoires visé à l'article 24 ne pourront être utilisées à d'autres fins que celles prévues par la présente convention en dehors d'un nouvel accord entre les deux Etats.

Section I Dispositions finales Article 26 La présente convention sera ratifiée et les instruments de ratification échangés à Paris. Elle entrera en vigueur le jour de l'échange des instruments de ratification.

717 Sous réserve des droits du concessionnaire, la convention pourra être dénoncée par chacune des Hautes Parties Contractantes, moyennant préavis', d'au moins six mois, si les travaux d'exécution de l'aménagement d'Emosson ne sont pas commencés dans un délai de dix ans compté à partir de l'entrée en vigueur de cette convention.

En foi de quoi, les plénipotentiaires des deux Etats ont signé la présente convention.

Fait à Sion, le 23 août 1963, en deux exemplaires originaux, en langue française.

Pour la Confédération Suisse: (signé) Bindschcdler

Feuille fédérale. 115e année. Vol. II.

Pour la République Française: (signé) Jordan

47

718 Département politique fédéral Le Président de la Délégation suisse

Monsieur le Président, Me référant à la Convention franco-suisse relative à l'aménagement hydroélectrique d'Emosson conclue en date de ce jour, j'ai l'honneur de préciser comme suit le sens et la portée du paragraphe 2 de l'article premier : 1. L'usine hydroélectrique existante de Barberine dont le barrage et le bassin d'accumulation seront submergés par le réservoir d'Emosson, ainsi que les usines du Trient et de Vernayaz seront maintenues et continueront d'être exploitées par les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF). Le droit d'installer des pompes dans l'usine de Barberine et dans celle du Nant de Drance pour refouler, dans la retenue d'Emosson ou dans l'accumulation du Vieux Emosson, des débits dont les CFF disposent au Châtelard ou dans la retenue d'Emosson demeurera réservé aux CFF. La réglementation des droits d'utilisation des CFF restera en tout temps exclusivement affaire de la Suisse.

2. Seront réservés aux CFF dans la retenue d'Emosson: a. Un débit annuel, représentant: -- les apports annuels moyens du bassin d'accumulation actuel de Barberine en provenance de la Barberine, ainsi que des régions du Nant de Drance, du Triège et du Bel'Oiseau, sans déduction des déversements actuels de cette accumulation, ainsi que -- les débits annuels moyens soustraits par l'aménagement d'Emosson aux prises d'eau des CFF existant actuellement sur le Trient, l'Eau-Noire et le Pécheux, réduits en proportion de l'augmentation de chute disponible ; b. un volume d'accumulation, représentant: -- le volume de la retenue de Barberine dans son état actuel, y compris le volume mort, ainsi que -- un volume supplémentaire de 17 millions de m3.

3. La concession suisse prévoira les dispositions nécessaires au rétablissement des ouvrages de prise et d'amenée d'eau de l'usine de Barberine et à la sécurité de l'exploitation des usines des CFF.

Monsieur Augustin JORDAN, Ministre plénipotentiaire, Président de la Délégation Française

719

4. Les dispositions qui précèdent seront aussi applicables en faveur des successeurs en droit des CFF.

Je vous saurais gré de bien vouloir me confirmer votre accord sur ce qui précède et je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Sion, le 23 août 1963.

(signé) Bindschedler

Ministère des affaires étrangères

, Direction Liberté - Egalité - Fraternité Ré d e A f f a i r R é p u b l i q u e o n o m i q u e s r TM P^e Française

Sion, le 23 août 1963 Monsieur le Président, J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre précisant ainsi qu'il suit le sens et la portée du paragraphe 2 de l'article premier de la Convention franco-suisse conclue en date de ce jour: 1. ...

2. ...

Je vous confirme mon accord sur ce qui précède et vous prie d'agréer, Monsieur le Président, les assurances de ma haute considération.

(signé) Jordan Monsieur le Professeur BINDSCHEDLER, Président de la Délégation Suisse

720

Ministère des affaires étrangères

, . ,,. P^^on des Affaires Economiques n ., et. ,,

financières

Liberté - Egalité - Fraternité ,,, ,,? r,-,rançaise République r-a i

Sion, le 23 août 1963

Monsieur le Président, La Convention franco-suisse relative à l'aménagement hydroélectrique d'Emosson conclue en date de ce jour à Sion comporte dans ses articles 6 et 17 certaines dispositions fiscales.

J'ai l'honneur de vous faire savoir qu'il est bien entendu que ces dispositions ne s'appliquent pas aux impôts sur le revenu et sur la fortune prélevés dans les deux Etats contractants et que les dispositions de l'article 17 de la Convention ne font pas obstacle au prélèvement en Suisse des droits de timbre fédéraux, y compris le droit de timbre sur les coupons, et de l'impôt anticipé.

Je vous serais obligé de bien vouloir me donner votre accord sur cette interprétation.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

(signé) Jordan

Monsieur le Professeur BINDSCHEDLEK Président de la Délégation Suisse

721

Département politique fédéral

Le Président de la Délégation suisse

Monsieur le Président, J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre précisant ainsi qu'il suit le sens et la portée des articles 6 et 17 de la Convention franco-suisse relative à l'aménagement hydroélectrique d'Emosson, conclue en date de ce jour à Sion: II est bien entendu que les dispositions de l'article 6 de la convention ne s'appliquent pas aux impôts sur le revenu et sur la fortune, prélevés dans les deux Etats contractants et que les dispositions de l'article 17 delà convention ne font pas obstacle au prélèvement en Suisse des droits de timbre fédéraux, y compris le droit de timbre sur les coupons, et de l'impôt anticipé.

Je vous confirme mon accord sur ce qui précède et vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Sion, le 23 août 1963.

(signé) Bindschcdler

Monsieur Augustin JORDAN, Ministre plénipotentiaire, Président de la Délégation Française

722

CONVENTION entre

la Confédération Suisse et la République Française concernant une rectification de la frontière franco-suisse

LE CONSEIL FÉDÉRAL SUISSE et LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, Vu la convention conclue ce jour entre la Suisse et la France au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson, . Considérant qu'il est nécessaire de rectifier la frontière franco-suisse afin de pouvoir réaliser ledit aménagement d'une manière conforme aux intérêts respectifs des deux Etats, Ont résolu de conclure dans ce but une convention et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir : Le Conseil Fédéral Suisse: Monsieur Rudolf Bindschedler, Ministre plénipotentiaire, Jurisconsulte du Département Politique Fédéral, Le Président de la République Française: Monsieur Augustin Jordan, Ministre plénipotentiaire, lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes : Article premier Les Hautes Parties Contractantes conviennent, en modification partielle de la convention franco-suisse du 10 juin 1891 relative à la délimitation de la frontière entre le Mont Dolent et le Lac Léman, de procéder à une rectification de la frontière entre le canton du Valais et le département de la Haute-Savoie et d'effectuer dans ce but un échange de territoire d'égales surface.

723 Le nouveau tracé de la frontière est défini d'après le plan au 1:10 000 annexé à la présente convention, indiquant la situation des surfaces échangées.

Sont réservées les modifications de peu d'importance pouvant résulter de l'abornement de la frontière modifiée.

Article 2 Dès l'entrée en vigueur de la présente convention, les délégués permanents à l'abornement de la frontière franco-suisse procéderont dans le plus bref délai possible à la mise en place des signes démarcatifs de la frontière sur la base du plan visé à l'article premier ci-dessus.

Les frais relatifs à ces travaux seront mis à la charge de l'entreprise hydroélectrique concessionnaire.

Article 3 La présente convention sera' ratifiée et les instruments de ratification seront échangés à Paris.

Elle entrera en vigueur dès que les deux Hautes Parties Contractantes auront pris acte, par un échange de notes, de l'établissement du procès-verbal prévu par l'article 24 de la Convention entre la Confédération suisse et la République française au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson.

En foi de quoi, les plénipotentiaires des deux Etats ont signé la présente convention.

Fait à Sion, le 23 août 1963, en deux exemplaires originaux, en langue française.

Pour la Confédération Suisse: (signé) Bindschedler

Pour la République Française: (signé) Jordan

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'approbation de deux conventions entre la Suisse et la France au sujet de l'aménagement hydroélectrique d'Emosson et d'une rectification de la frontière franco-suisse (Du 16 septembre 1963...

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1963

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

40

Cahier Numero Geschäftsnummer

8840

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

10.10.1963

Date Data Seite

691-725

Page Pagina Ref. No

10 097 093

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.