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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la conclusion d'un traité de travail avec la France, (Du 6 décembre 1946.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre le texte d'un traité de travail conclu le 1er août 1946 à Paris par la France et la.Suisse.

I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Le rôle important que jouent les colonies suisses à l'étranger dans notre vie nationale, comme facteur de développement intellectuel et économique, a déjà été relevé à plus d'une reprise. Il n'est donc pas nécessaire de démontrer combien leur existence et leur prospérité sont dans l'intérêt du pays.

Malheureusement, ces colonies, qui étaient florissantes au début de ce siècle, ont pour la plupart beaucoup souffert au cours de la crise économique dont presque tous les Etats ont été atteints après la première guerre mondiale. Touchés par le marasme des affaires et par le chômage, lésés parfois dans l'exercice de leur activité professionnelle par des mesures visant à protéger le marché du travail national, bon nombre de nos compatriotes durent se résoudre à rentrer au pays. D'autres, pour consolider leur situation, acquirent la nationalité du pays où ils résidaient. Les barrières opposées un peu partout à l'immigration ne permirent pas de combler ces vides.

Privées de nombreux éléments et empêchées de se renouveler par l'arrivée de nouveaux immigrants suisses, nos colonies virent diminuer leurs effectifs et leur importance dans une mesure parfois considérable. La dernière guerre a précipité encore ce mouvement de régression qui prit, dans certains pays, une tournure inquiétante.

En France, nos compatriotes jouissent généralement de la sympathie de la population et de la bienveillance des autorités dans les questions Feuille fédérale. 98e année. Vol. ni.

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1226 concernant le marché du travail. Les mesures prises pour protéger l'activité professionnelle des Français leur sont appliquées presque toujours avec ménagements. Aussi la situation peut-elle y être envisagée avec moins d'appréhensions qu'ailleurs. Néanmoins, notre colonie y a subi aussi des pertes sensibles et, surtout, elle a, depuis quelques années, beaucoup de peine à se renouveler. Or une colonie qui ne se renouvelle pas est condamnée à disparaître lentement.

Cette évolution nous préoccupe depuis longtemps. Nous voudrions y mettre fin, consolider la situation de nos compatriotes de France, renforcer et rajeunir notre colonie en facilitant l'entrée dans ce pays d'immigrants suisses remplissant à tous égards les conditions voulues. Inversement, la Suisse a intérêt à voir aussi prospérer sur son sol une colonie française composée d'éléments jeunes et actifs.

Certes, les deux gouvernements sont d'accord en principe sur ce point, mais les obstacles qui s'opposent à la réalisation d'un tel programme n'en sont pas moins considérables. Il ne s'agit pas d'un manque de bonne volonté réciproque, mais de difficultés qui ont leur origine dans les bouleversements dont le monde est agité depuis une trentaine d'années, et qui ne prendront fin que lorsque la situation politique et économique se sera quelque peu raffermie sur la terre. Tant que cette situation reste instable, il ne peut être question de revenir à la liberté des mouvements migratoires telle qu'elle existait au début du siècle. En revanche, les Etats peuvent s'efforcer dès maintenant de supprimer ou d'atténuer certaines de ces difficultés par des accords bilatéraux ou multilatéraux. C'est ainsi que nous envisageons, dans les relations franco-suisses, le retour progressif à une situation saine et normale, se rapprochant le plus possible des principes libéraux contenus dans le traité d'établissement de 1882.

Nous inspirant de ces vues, nous avons cherché, dès la fin des hostilités, à nous entendre avec le gouvernement français sur certains points essentiels pour l'avenir de notre colonie en France et pour celui de la colonie française en Suisse. Nous avons rencontré beaucoup de compréhension de la part du gouvernement français au cours des négociations qui ont eu lieu à Paris au mois de juin dernier. Il a été possible d'établir, dans les
limites des législations nationales, les conditions dont dépendent le maintien et le développement des colonies' de chacun des deux Etats. En particulier, ces négociations ont abouti à la conclusion de divers accords qui faciliteront la circulation des travailleurs entre les deux pays. L'un vise le retour en France des ressortissants suisses qui ont dû quitter ce pays par suite de la guerre, de même que le retour en Suisse des ressortissants français qui, pour la même raison, étaient partis au cours de ces dernières années. Le second améliore les échanges de stagiaires, c'est-à-dire de jeunes gens appartenant à l'une des parties contractantes qui désirent, dans l'intention de parfaire leurs connaissances professionnelles ou linguistiques, prendre

1227 un emploi de durée limitée sur le territoire de l'autre pays. Un troisième accord prévoit des facilités pour l'établissement en France d'exploitants agricoles suisses. Enfin, le quatrième est le traité de travail qui fait l'objet du présent message. Tous ces accords ont été signés à Paris le 1er août 194ft par les représentants des deux pays.

II. BUT, CHAMP D'APPLICATION ET CONTENU DU TRAITÉ Le traité a pour objet de faciliter les échanges de main-d'oeuvre entre la France et la Suisse et d'assurer aux travailleurs qui immigrent en vertu de ces dispositions des conditions de travail égales à celles des nationaux, dans la mesure où cette sortie de travailleurs n'est pas préjudiciable à la situation économique et démographique du pays intéressé. Il s'applique exclusivement aux travailleurs exerçant une activité salariée.

Les articles 1er à 4 visent la procédure de recrutement et d'admission des travailleurs. Actuellement, l'employeur français ou suisse qui désire engager un travailleur déterminé appartenant à l'autre pays sollicite l'assentiment des autorités de son propre pays, assentiment qui lui est accordé sur le vu du contrat d'engagement. Les autorités du pays d'origine du travailleur n'interviennent pas dans la procédure, si ce n'est pour délivrer les pièces d'identité et passeports nécessaires. L'engagement d'un travailleur nominativement désigné est donc une affaire qui concerne uniquement les parties (employeur et travailleur) et les autorités du pays d'immigration.

Le traité ne change rien à cette manière de faire. Il ne prévoit pas le concours des autorités du pays d'origine dans les cas d'émigration « spontanée », c'est-à-dire lorsque l'engagement du travailleur est la conséquence d'une entente entre deux personnes qui sont entrées en relations par leurs propres moyens. L'article premier dispose que ces autorités ne feront pas obstacle à la sortie de leurs ressortissants, ce qui va de soi en ce qui concerne la Suisse.

Il n'en est pas de même pour l'émigration « provoquée » ou « dirigée », On entend par là le départ de travailleurs recrutés par les soins des autorités du pays d'immigration. Sur ce point, le traité introduit une procédure spéciale, car il y aurait de graves inconvénients à laisser les organes du pays d'immigration procéder seuls au recrutement, sans aucun contrôle
des autorités de l'autre Etat. L'intervention de ces organes étrangers pourrait causer facilement des perturbations sur le marché du travail national, d'autant plus qu'il s'agit généralement de demandes de main-d'oeuvre portant sur un nombre assez élevé de travailleurs. De plus, les autorités étrangères auraient nécessairement de la peine, vu leur ignorance des conditions locales, à opérer une sélection judicieuse de la main-d'oeuvre disponible. C'est pourquoi le traité stipule (art. 2) que ces opérations de recrutement se font de concert entre les autorités compétentes des deux

1228 Etats. En conséquence, si la demande de main-d'oeuvre est simplement numérique, c'est-à-dire porte sur un nombre quelconque de travailleurs dont l'identité est encore indéterminée, les autorités du pays d'immigration devront la transmettre aux autorités du pays d'origine des travailleurs. Ces dernières examineront si elles sont en mesure de donner satisfaction au requérant et, dans l'affirmative, procéderont aux opérations de recrutement et de sélection de la main-d'oeuvre désirée, d'entente avec les organes compétents de l'autre pays.

Les autorités de l'Etat où le recrutement a lieu peuvent ainsi garder en main leur marché du travail et en même temps veiller autant que possible à ce que la main-d'oeuvre partant pour l'étranger remplisse les conditions nécessaires. L'envoi en Suisse d'un agent de liaison de l'office national français d'immigration ne change rien à la chose, puisque, d'après l'article 4 du traité, l'activité de cet agent s'exercera par l'entremise de l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail. De même, il va de soi que si les autorités suisses devaient se trouver dans le cas de solliciter de la main-d'oeuvre française, elles recourraient pour les opérations de recrutement aux bons offices du gouvernement français.

Les autorités d'un pays ne peuvent évidemment collaborer à des opérations de recrutement de main-d'oeuvre dans l'intérêt d'un gouvernement étranger que si elles ont la certitude que les travailleurs engagés par leurs soins bénéficieront de conditions de travail convenables. Il convient, dans ce domaine, que les étrangers soient traités de la même façon que les nationaux. Obéissant à ce principe, le traité assimile dans une large mesure le statut de travail des étrangers au régime applicable aux nationaux. Il convient de noter que cette assimilation vise tous les ressortissants de l'un des deux pays travaillant dans l'autre, et non pas seulement les travailleurs recrutés par les soins des gouvernements.

C'est le cas tout d'abord pour la rémunération des travailleurs étrangers (art. 5). Sur ce point, le traité restreint la liberté de contracter des employeurs et des travailleurs. Les autorités du pays d'immigration doivent veiller, dans toute la mesure de leurs moyens, à l'observation de cette disposition. En ce qui concerne la Suisse,
l'application de l'article 5 ne semble pas devoir entraîner de difficultés particulières, puisque les autorités chargées d'examiner les demandes d'entrée et de séjour des étrangers tiennent déjà la main à ce que les travailleurs étrangers soient rétribués normalement.

L'égalité de traitement s'étend à l'application des lois réglementant les conditions de travail et la protection des travailleurs (art. 6), Rien ne met obstacle, ni en fait ni.en droit, à ce que les travailleurs français établis en Suisse jouissent des garanties que leur assure cette disposition. En effet, en introduisant do telles règles, on ne modifie point le statut actuel des travailleurs français dans notre pays, qui voient simplement leur situation consolidée.

1229 En outre, le ressortissant de l'un des deux pays qui travaille sur le territoire de l'autre partie contractante bénéficie, comme les nationaux, des institutions d'assurance chômage et des institutions nationales de secours en cas de chômage (art. 7). A cet égard, le traité ne fait que confirmer les dispositions de l'arrangement franco-suisse du 9 juin 1933 concernant l'assistance réciproque aux chômeurs des deux pays. Cet arrangement, qui reste en vigueur, délimite exactement les obligations qu'assument les autorités suisses à l'égard des ressortissants français domiciliés dans notre pays, de même que les prestations dont nos travailleurs bénéficient en France. En Suisse, les avantages visés sont les prestations des caisses d'assurance-chômage reconnues par la Confédération et les allocations de l'aide aux chômeurs dans la gêne.

Enfin, dans chacun des deux Etats, le service public de placement est ouvert aux travailleurs de l'autre Etat qui y résident régulièrement. Cette disposition est fort avantageuse pour nos compatriotes de France, dont les bureaux de placement français avaient parfois tendance à se désintéresser jadis. Quant à notre propre service de placement, rien ne s'oppose à ce que les travailleurs français recourent à son entremise aussi bien que les ressortissants suisses.

Quant à l'extension du principe de l'égalité de traitement à d'autres matières, il a été convenu dans un protocole additionnel que la question ferait l'objet de pourparlers ultérieurs.

Le traité de travail ne se borne pas à régler les conditions de travail des travailleurs immigrés, il veille aussi à ce que ceux-ci puissent défendre leurs droits en cas de réclamation (art. 8). A cet effet, il prévoit l'intervention des autorités diplomatiques et consulaires de leur pays d'origine.

Il consacre l'institution des attachés sociaux, spécialistes des questions de travail qui pourront être adjoints aux représentations des deux Etats et auront notamment pour mission de s'entremettre en faveur de leurs compatriotes lésés dans leurs intérêts professionnels. Mais les démarches diplomatiques peuvent échouer. En ce cas, les difficultés qui n'auront pu être résolues devront être soumises par l'une ou l'autre des parties contractantes à une commission consultative mixte, composée de représentants des administrations
intéressées dés deux Etats, Cette commission, qui se réunira à intervalles réguliers, fera des propositions au gouvernement français et au gouvernement suisse pour assurer le règlement des difficultés en question (art. 10). Elle ne s'occupera d'ailleurs pas seulement de cas particuliers, mais d'une façon générale elle examinera toutes les questions relatives à l'application du traité. Elle pourra même, le cas échéant, proposer aux deux gouvernements l'extension ou la révision des dispositions du traité.

Si les difficultés relatives à l'exécution du traité ne pouvaient être écartées par les moyens que nous venons d'indiquer, les deux pays s'engagent à recourir à l'arbitrage (art. 11). On peut espérer que l'institution de ces divers moyens de conciliation permettra d'épargner bien des désagréments

1230 à nos compatriotes de France comme aux Français de Suisse. L'expérience nous a fait voir que ces désagréments ont très souvent leur origine dans de simples malentendus et dans une ignorance réciproque des besoins et des intérêts de chaque partie. Dans bien des cas, une simple démarche diplomatique suffit à écarter les difficultés. Il est donc certain qu'une collaboration directe entre les administrations des deux Etats, collaboration permettant une confrontation régulière des manières de voir, serait propre à résoudre à l'amiable la plupart des problèmes qui ne manqueront guère de surgir encore à l'avenir. En outre, la commission jouera uri rôle très utile en réglant les mouvements migratoires entre la France et la Suisse conformément aux intérêts de chaque pays.

Pour ce qui est de la durée du traité, l'article 13 dispose qu'il restera en vigueur jusqu'au 31 décembre 1947 et qu'il sera renouvelé tacitement, d'année en année, à moins qu'il ne soit dénoncé par l'une ou l'autre des parties contractantes six mois avant l'expiration du terme.

HI. IMPORTANCE DU TRAITÉ On peut se demander s'il est prudent de conclure pareil traité dans la situation actuelle de notre marché du travail. Souffrant d'une pénurie générale de main-d'oeuvre, nous pourrions avoir de la peine à fournir les travailleurs que la France voudrait recruter chez nous. D'autre part, il est douteux que nous trouvions en France, dans une mesure appréciable, la main-d'oeuvre dont nous avons nous-mêmes besoin, malgré les dispositions bienveillantes des autorités françaises à notre égard. Il est donc possible que, dans les débuts tout au moins, le traité ait un effet assez restreint.

On aurait tort cependant, à notre avis, de n'envisager que cet aspect immédiat de la question. Nous avons déjà relevé au début combien il est nécessaire de développer, dans un esprit libéral, les courants migratoires entre les deux pays. Du reste, la situation de notre marché du travail peut se modifier. Dans certaines branches de notre économie, la pénurie actuelle de bras peut faire place, plus rapidement que nous ne le pensons, à la pléthore et au chômage. Si cette éventualité venait à se produire, nous serions heureux d'avoir noué à temps des relations avec le pays voisin et d'avoir ainsi préparé le terrain pour l'établissement de ressortissants suisses
en France. En outre, les contacts que l'application du traité va nécessiter entre les administrations compétentes des deux Etats, et surtout l'institution de la commission consultative mixte, permettront sans nul doute de trouver à la longue d'autres moyens encore pour faciliter les mouvements migratoires de Suisse en France et vice versa. A ce propos, le traité prévoit aussi (art. 9) que les administrations compétentes des deux pays coopéreront à son exécution.

D'ailleurs, la collaboration des autorités françaises est la seule chose qui puisse nous garantir que le recrutement de notre main-d'oeuvre con-

1231 serverà un caractère tolérable. Sans traité de travail, nous n'aurions pratiquement aucun moyen de contrôler ce recrutement, qui pourrait d'ailleurs échapper facilement à nos investigations, surtout si les bureaux qui en sont chargés se trouvent à l'étranger. Le concours des autorités françaises nous permettra de mettre de l'ordre dans les opérations de recrutement et de veiller à ce qu'elles ne prennent pas des proportions nuisibles à notre économie.

Nous sommes donc d'avis, en définitive, que le traité de travail marque un progrès sensible dans les relations franco-suisses et répond aux intérêts des deux parties.

Nous référant aux considérations qui précèdent, nous vous prions d'approuver dans votre présente session le traité de travail que nous avons conclu avec la France, en adoptant le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

Nous saisissons l'occasion de vous renouveler, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 6 décembre 1946.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de. la Confédération, KOBELT.

6112

Le chancelier de la Confédération, LEIMQKUBER.

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(Projet.)

Arrêté fédéral i

approuvant

le traité de travail conclu entre la Suisse et la France.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 6 décembre 1946, arrête :

Article unique.

Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier le traité de travail conclu entre la Suisse et la France.

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TRAITÉ DE TRAVAIL ENTRE LA SUISSE ET LA FRANCE Conclu à Paris le 1" août 1946.

Date de l'entrée en vigueur :

Le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement Provisoire de la République Française, Soucieux de promouvoir et organiser les échanges de main-d'oeuvre entre la Suisse et la France et d'établir dans la plus large mesure possible l'égalité de traitement sur leurs territoires respectifs entre leurs ressortissants et ceux de l'autre Etat en ce qui concerne le régime du travail ont résolu de conclure un traité à cet effet et ont désigné pour leurs Plénipotentiaires, savoir: Le Conseil fédéral suisse: Son Excellence Monsieur Cari Burckhardt, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire, Le Gouvernement Provisoire de la République Française: Son Excellence Monsieur Georges Bidault, Président du Gouvernement provisoire de la République Française, Ministre des Affaires Etranlesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme sont convenus des dispositions suivantes: Article 1er.

Le'Gouvernement suisse et le Gouvernement français s'engagent à ne pas mettre obstacle à la sortie de leurs ressortissants respectifs désireux de se rendre dans l'un des deux pays pour y travailler dans la mesure où cette sortie de travailleurs n'est pas préjudiciable à la situation économique et démographique du pays intéressé.

Ils leur donneront à cet effet toutes facilités administratives ainsi qu'à leurs conjoints ou à leurs enfants qui les accompagneraient ou viendraient à les rejoindre. Ils leur délivreront notamment les pièces d'identité et passeports nécessaires.

Dans le cas où les travailleurs de l'un et l'autre pays et leurs familles établis ou séjournant régulièrement sur leurs territoires respectifs désireront retourner dans leur pays d'origine les deux Gouvernements leur donneront toutes facilités administratives à ce sujet.

1234 Article 2.

Les demandes numériques c'est-à-dire les demandes de travailleurs non désignés nominativement seront munies du visa des autorités habilitées par les Ministères compétents du pays d'immigration et seront ensuite adressées aux autorités compétentes de l'autre pays. Ces demandes seront conformes à des demandes-types établies par voie d'accord entre les administrations compétentes de France et de Suisse.

Les demandes nominatives de travailleurs seront visées dans les mêmes conditions et seront envoyées soit directement soit par l'entremise de l'employeur aux travailleurs demandés.

Les contrats de travail proposés par les employeurs et les demandes de travailleurs présentées par eux ne devront contenir aucune stipulation contraire au présent traité.

Article 3.

Les travailleurs immigrants, qu'ils aient fait l'objet d'une demande numérique ou qu'ils aient été embauchés en vertu d'un contrat nominatif individuel, devront être en possession avant leur arrivée dans l'un ou l'autre pays d'un contrat de travail visé dans les conditions indiquées à l'article 2.

Ils devront, en outre, être munis d'un certificat médical délivré par un médecin spécialement accrédité à cet effet par le pays sur le territoire duquel ils doivent être employés.

Article 4.

Les opérations de recrutement et d'introduction en France de travailleurs suisses qui sont confiées, sous le contrôle des autorités françaises compétentes, au représentant en Suisse de l'Office National d'immigration se feront d'entente et avec le concours de l'Office fédéral de l'industrie, dea arts et métiers et du travail.

Article 5.

Les travailleurs immigrés recevront, à travail égal, une rémunération égale à celle des travailleurs de même catégorie employés dans la même entreprise ou, à défaut de travailleurs de la même catégorie employés dans la même entreprise, la rémunération normale et courante des travailleurs de la même catégorie dans la région.

Le Gouvernement du pays d'immigration prend l'engagement de veiller, dans toute la mesure de ses moyens, à ce que, sur son territoire, soit observée l'égalité de la rémunération des travailleurs immigrés avec celle des nationaux.

Article 6.

Les ressortissants de chacune des Hautes Parties Contractantes jouiront sur le territoire de l'autre de la même protection que celle accordée aux nationaux et de l'égalité de traitement avec ces derniers en tout ce qui con-

1235 cerne l'application des lois réglementant les conditions de travail, et notamment l'hygiène et la sécurité des travailleurs. Cette égalité de traitement s'étendra aussi à toutes les dispositions qui pourraient être promulguées à l'avenir, en cette matière, dans les deux pays.

Article 7.

Dans le cas où les travailleurs de l'un des deux Etats régulièrement admis à séjourner dans l'autre Etat se trouveraient en chômage, ils devront s'adresser au service public de placement compétent lequel s'efforcera de leur procurer un emploi.

Ces travailleurs bénéficieront des avantages auxquels ont droit les ressortissants de l'Etat de résidence de la part des institutions d'assurancechômage proprement dites et des institutions nationales de secours en cas de chômage.

Article 8.

Toutes les réclamations des travailleurs, notamment en ce qui concerne les conditions de travail et d'existence qui leur seraient faites par les employeurs, qu'elles soient rédigées dans la langue du pays de résidence ou dans celle du travailleur, seront adressées ou transmises, soit directement, soit par l'intermédiaire des autorités diplomatiques ou consulaires aux autorités compétentes du pays où ils résident; l'administration compétente de ce pays aura seule qualité pour procéder aux enquêtes nécessaires et pour intervenir en vue d'une solution amiable.

Chaque Gouvernement pourra adjoindre à sa représentation diplomatique auprès de l'autre Etat un spécialiste chargé des questions du travail et des relations avec les administrations compétentes du pays où sont employés les travailleurs de l'autre pays. Les deux Gouvernements faciliteront la tâche de ces attachés.

Il n'est apporté aucune modification par les stipulations du présent article aux attributions des consuls, telles qu'elles résultent des traités et conventions et des lois du pays de résidence.

Article 9.

Les administrations compétentes des deux pays arrêteront d'un commun accord les mesures de détail et d'ordre nécessaires pour l'exécution des dispositions du présent traité qui nécessitent la coopération de leurs services administratifs.

Elles détermineront également les cas et les conditions dans lesquels ces services correspondront directement.

Enfin, elles échangeront tous renseignements utiles sur les conditions de travail et d'existence des travailleurs de l'un des deux pays employés dans l'autre et sur les dispositions d'ordre législatif, réglementaire et administratif concernant ces travailleurs.

1236 Article 10.

Les deux Gouvernements constitueront une Commission consultative mixte qui se réunira au moins une fois par an alternativement en France et en Suisse, à la demande de l'une ou de l'autre des Parties contractantes.

Cette Commission sera compétente pour examiner les questions relatives à l'exécution du présent traité et des lois et règlements do chaque Etat s'appliquant aux travailleurs de l'autre.

. Elle aura également pour mission de proposer, le cas échéant, toute révision ou extension des dispositions du présent traité et des lois et règlements mentionnés à l'alinéa précédent, La Commission sera composée de sis représentants au maximum des administrations intéressées de chaque Etat. Chaque délégation pourra s'adjoindre des experts.

Article 11.

Toutes les difficultés relatives à l'application du présent traité seront réglées par la voie diplomatique, après consultation, s'il y a lieu, de la Commission mixte instituée par l'article 10.

Au cas où il n'aurait pas été possible d'arriver par cette voie à une solution le différend sera réglé suivant une procédure d'arbitrage organisée par un arrangement à intervenir entre les deux Gouvernements; l'organe arbitral devra résoudre le différend selon les principes fondamentaux et l'esprit du présent traité.

Article 12.

Le présent traité sera ratifié et les ratifications en seront échangées aussitôt que possible.

Il entrera en vigueur dès que les ratifications auront été échangées.

Il sera appliqué provisoirement dès sa signature.

Article 13.

Le présent traité restera en vigueur jusqu'au 31 décembre 1947.

Il sera renouvelé tacitement, d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des Parties contractantes.

La dénonciation, devra être notifiée six mois avant l'expiration de chaque terme.

EN FOI DE QUOI les Plénipotentiaires susmentionnés, dûment auto» risés, ont signé le présent traité et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Paris, en double exemplaire, le 1er août 1946.

(signé) C. BURCKHARDT.

(signé) BIDAULT.

1237

PROTOCOLE Au moment de procéder à la signature dn traité de travail en date de ce jour, les Plénipotentiaires soussignés ont. d'un commun accord, déclaré ce qui suit: 1) En ce qui concerne l'application de l'article 7, second alinéa, du traité de travail, il est entendu que l'Arrangement entre la Suisse et la France relatif à l'assistance réciproque aux chômeurs en date du 9 Juin 1933 et la lettre annexe du même jour, restent en vigueur. Les deux Etats se déclarent prêts à examiner dans un proche avenir les modifications et compléments susceptibles d'être apportés à cet arrangement, en vue de régler notamment la situation des saisonniers et frontaliers.

2) Après un échange de vues préliminaire portant sur divers problèmes de protection sociale et, en particulier, sur les assurances sociales, l'assistance et l'aide à la famille, il est convenu que ces questions devront faire l'objet de pourparlers spéciaux. A cet effet, une documentation rassemblant toutes les dispositions en vigueur sera échangée entre les administrations compétentes des deux Etats par l'entremise de la Légation de Suisse en France et de l'Ambassade de France en Suisse. En ce qui concerne plus particulièrement l'assurance-vieillesse et survivants, il est entendu que l'examen de cette question sera abordé par une conférence commune qui se réunira au plus tard dans le courant du mois de novembre 1946; les autorités françaises compétentes feront connaître au préalable leurs voeux au sujet du traitement à assurer aux ressortissants français résidant en Suisse, en indiquant les prestations dont bénéficient les Suisses résidant en France.

3) II est convenu que la question d'assurer aux ressortissants de chacun des deux Etats résidant sur le territoire de l'autre les mêmes droits et avantages que ceux dont bénéficient les nationaux en matière d'acquisition, de possession et de transmission de la petite propriété rurale et urbaine sera également mise à l'étude. A cet effet, une documentation sera échangée entre les administrations compétentes des deux pays dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues au paragraphe précédent en ce qui concerne divers problèmes de protection sociale.

Fait à Paris, en double exemplaire, le 1er août 1946.

(signé) BIDAULT.

(signé) C. BURCKHARDT.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la conclusion d'un traité de travail avec la France. (Du 6 décembre 1946.)

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