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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur une imposition uniforme des magistrats de la Confédération.

(Du 4mai 1946.)

Monsieur le Président et Messieurs, Le 29 septembre 1944, M. Holenstein, conseiller national, a déposé le postulat ci-après: Des conseillers fédéraux et des juges fédéraux sont maintenant astreints par les cantons dont ils possèdent le droit de cité à s'acquitter des impôts dans leur commune d'origine; il en résulte que les membres de nos autorités supérieures sont traités diversement en ce qui concerne leur rétribution.

Le Conseil fédéral est invité à dire comment on pourrait remédier à cet état de choses peu satisfaisant.

Ce postulat a été accepté par le Conseil fédéral le 19 septembre 1945.

Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-après un rapport sur la question soulevée et de vous exposer les raisons qui nous paraissent justifier une modification de l'article 9 de la loi du 26 mars 1934 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération.

I.

Les membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, de même que le chancelier de la Confédération, jouissent au lieu où ils exercent leurs fonctions et où, d'après la réglementation en vigueur, ils habitent aussi, de certains privilèges juridiques. L'article 9 de la loi sur les garanties, de 1934, lequel a été repris sans changement de la loi de 1851, dispose que ces magistrats conservent leur domicile politique et civil dans le canton où ils ont droit de cité. Ils sont placés sous la souveraineté et la législation de ce canton pour tout ce qui les concerne comme particuliers. Ce principe ne s'applique cependant pas à la possession d'immeubles ni aux impôts indirects.

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La souveraineté fiscale est un aspect de la souveraineté que les cantons continuent d'exercer sur les magistrats fédéraux qui y ont droit de cité.

Dans l'application de leur législation fiscale particulière, la plupart des cantons font preuve de retenue, aujourd'hui encore. Si le contribuable ne réside pas en permanence sur leur territoire, ils se bornent, en s'inspirant de la pratique adoptée par le Tribunal fédéral en matière de double imposition intercantonale, à imposer les immeubles sis sur le territoire cantonal.

Ils renoncent ainsi, en particulier pour les conseillers fédéraux, à faire valoir intégralement leurs droits fiscaux, et facilitent de cette façon à leur concitoyen l'exercice d'une charge qui implique de grandes obligations financières et honore le canton d'origine également.

Depuis que nous avons pris notre arrêté du 19 janvier 1934 concernant la contribution fédérale de crise (art. 6), la Confédération assujettit ses magistrats aux impôts fédéraux directs (art. 4 de l'arrêté sur l'impôt pour la défense nationale et art. 3 de l'arrêté sur le sacrifice pour la défense nationale). Cela explique en partie pourquoi les lois fiscales cantonales qui ont été revisées ces dernières années règlent expressément les obligations qu'ont envers le fisc les personnes visées par la loi sur les garanties (c'est notamment le cas de l'art. 6 de la loi bernoise et de l'art. 7 de la loi saintgalloise). Ces obligations sont fixées d'après la législation fiscale en vigueur dans le canton et la commune d'origine et non point selon les conditions qui régissent l'imposition des traitements à l'endroit où les intéressés exercent leurs fonctions. Le régime actuel entraîne aussi des inégalités sensibles dans l'imposition des différents magistrats fédéraux.

II.

L'élimination de ces inégalités se justifie certainement. L'octroi de privilèges fiscaux par la Confédération, lequel consacrerait une coutume qui s'est déjà généralisée, serait antidémocratique et, dans les circonstances actuelles, difficilement admissible. La compensation nécessaire ne peut être assurée que par une imposition uniforme et non point par une exonération. A leur domicile effectif, qui coïncide la plupart du temps avec le lieu où ils exercent leurs fonctions, les magistrats fédéraux bénéficient des institutions publiques dans la même mesure que les autres habitants.

C'est pourquoi un régime uniforme, donnant à la communauté le droit d'imposer les intéressés, constitue la seule solution équitable. Eu égard aux cantons qui considèrent la réglementation spéciale prévue par la loi sur les garanties au sujet du domicile des magistrats fédéraux comme une conséquence de leur souveraineté, on ne devrait changer que le strict nécessaire à l'état de choses actuel. Aussi aimerions-nous limiter au revenu du travail le droit d'imposition au lieu de résidence. Il resterait ainsi au canton d'origine le droit d'imposer la fortune et son rendement, ainsi que le droit de percevoir des impôts sur les successions et donations.

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III.

Cette nouvelle réglementation se traduirait, pour la très grande majorité des intéressés, par une amputation de leur revenu. Mais lorsqu'on se demande si une certaine compensation ne serait pas indiquée, on ne peut méconnaître le fait que les revenus des conseillers fédéraux et des juges fédéraux n'ont guère été excessifs jusqu'ici, compte tenu des obligations de leur charge et des possibilités qui leur seraient offertes s'ils mettaient leurs capacités et leurs connaissances au service d'autres organismes que l'Etat.

Aux termes de l'arrêté fédéral du 17 décembre 1942 concernant les traitements des membres du Conseil fédéral, le traitement annuel des membres du Conseil fédéral est fixé, jusqu'au 31 décembre 1947, à 40 000 francs. L'imposition de ce traitement, à Berne, le ramènerait à peu près au niveau antérieur, soit à 32 000 francs, lequel pouvait être considéré comme un revenu net à l'époque où il fut fixé, à savoir en 1927. Or un traitement de ce montant ne permettrait pas aujourd'hui à un conseiller fédéral de faire face aux obligations privées qu'impliqué sa qualité de membre du gouvernement central. Il paraîtrait donc équitable d'empêcher que la nouvelle réglementation (imposition du revenu au domicile effectif) ait pour effet de réduire considérablement le revenu. Le Conseil fédéral ne veut cependant pas se prononcer sur l'étendue d'une compensation. Il laisse, selon, la tradition, à l'Assemblée fédérale le soin de décider.

En 1928, le traitement annuel des membres du Tribunal fédéral a été fixé à 25 000 francs; en 1946, il s'élève, avec les allocations de renchérissement, à 27 750 francs. Comme pour les conseillers fédéraux, ce traitement pouvait être considéré comme revenu net. Le Tribunal fédéral a signalé que les traitements versés à ses membres devraient être quelque peu augmentés, notamment pour qu'il ne devienne pas plus difficile de compléter ce collège par l'élection d'avocats renommés et de membres du corps enseignant de nos universités. Pour tenir compte de ce légitime désir, nous prévoyons de porter à 30 000 francs par année le traitement de base des juges fédéraux. Le président du Tribunal fédéral continuerait de recevoir une indemnité annuelle de 2000 francs.

Le chancelier de la Confédération touche un traitement annuel de 23 000 francs et des allocations de
renchérissement. Dans la commune de Berne, il aurait actuellement à verser au fisc, sur son revenu professionnel, une somme d'environ 3500 francs par année. Le traitement du chancelier de la Confédération devrait donc être porté de 23 000 à 26 000 francs par année, pour assurer une compensation, compte tenu des allocations de renchérissement.

Nous vous recommandons d'approuver le projet ci-joint, tendant à modifier l'article 9 de la loi du 26 mars 1934 sur les garanties politiques

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et de police en faveur de la Confédération, ainsi que le projet d'arrêté fédéral concernant les traitements des membres du Tribunal fédéral.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Ber,ne, le 4 mai 1946.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, KOBELT.

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Le vice-chancelier, Ch. OSER.

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(Projet.)

Loi fédérale modifiant

la loi sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 4 mai 1946, arrête : Article premier.

L'article 9 de la loi fédérale du 26 mars 1934 sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération est abrogé et remplacé par la disposition suivante: Art. 9. Les membres du Conseil fédéral et. du Tribunal fédéral, ainsi que le chancelier de la Confédération, conservent leur domicile politique et civil dans le canton où ils ont droit de cité. S'ils possèdent le droit de cité dans plusieurs cantons, ils seront considérés, pour l'application de l'article 96 de la constitution fédérale, comme citoyens du canton où ils avaient leur domicile lors de leur élection et, s'ils n'étaient domiciliés dans aucun de ces cantons, comme citoyens de celui où leur droit de cité a été acquis en dernier lieu.

Le domicile civil, visé par le 1er alinéa, est le lieu d'imposition de la fortune mobilière, du rendement de celle-ci et des bénéfices qui en découlent, ainsi que de la perception d'impôts sur les successions et les donations ayant pour objet des biens mobiliers. L'imposition du revenu du travail appartient au canton et à la commune où les membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, ainsi que le chancelier de la Confédération, ont leur domicile effectif (art. 23 du code civil). Les impôts sur la fortune immobilière, sur le rendement de celle-ci et sur les bénéfices qui en découlent, de même que les impôts sur les successions et les donations sont perçus d'après les principes visant à empêcher qu'un citoyen ne soit imposé à double (art. 46, 2e alinéa, de la constitution fédérale).

Art. 2.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

L'article 197 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 22 mars 1813/13 juin 1928 cessera ses effets à cette date.

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(Projet.)

Arrêté fédéral concernant

le traitement des membres du Tribunal fédéral.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 85, chiffre 3, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 4 mai 1946, arrête :

Article premier.

Le traitement annuel des membres du Tribunal fédéral est fixé à 30 000 francs. Le président du Tribunal fédéral reçoit une indemnité de 2000 francs.

Art. 2.

La pension des anciens membres du Tribunal fédéral ou de leurs survivants est calculée sur la base de 25 000 francs.

Art. 3.

Le présent arrêté n'est pas d'une portée générale et a effet au 1er janvier 1946.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur une imposition uniforme des magistrats de la Confédération. (Du 4 mai 1946.)

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1946

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4978

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23.05.1946

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136-141

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