425

# S T #

Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur

le projet de loi portant augmentation du nombre des membres du Tribunal fédéral.

(Du 13 juin 1904.)

Monsieur le président et messieurs, La loi fédérale sur l'Organisation judiciaire du 22 mars 1893, entrée en vigueur le 1er octobre 1893, a fixé le nombre des membres du Tribunal fédéral à 14 et celui des suppléants à 9. A la suite du transfert au Tribunal fédéral des compétences du Conseil fédéral en matière de poursuite pour dettes et de faillite, la loi fédérale du 25 juin 1895, en vigueur depuis le 1er janvier 1876, a élevé le nombre des membres du Tribunal à 16. Le Tribunal fédéral se divise en deux sections principales de sept membres cbacune, présidées l'une par le président et l'autre par le vice-président du Tribunal, et d!une troisième section, celle de la poursuite pour dettes et de la faillite, composée du vice-président du Tribunal comme président, et de deux autres membres (art. 16 et 16 bis de la loi sur l'Organisation judiciaire). Le règlement attribue principalement à la première section les recours en appel et en cassation en matière civile, et à la seconde section les litiges de droit public et les appels dans les litiges relatifs à la loi fédérale sur l'état-

426

civil et le mariage et aux lois sur la responsabilité civile. Les procès civils directs sont répartis selon les matières entre les deux sections. Les autorités préposées à l'administration de la justice pénale fédérale (art. 18 L. O. J.) sont constituées sans égard au fait que les juges appartiennent à l'une ou à l'autre des sections prémentionnées. Le Tribunal siégeant en séance plénièrc a pour attribution principale les jugements en matière d'extradition et d'expropriation. Les sections principales et la chambre des poursuites et des faillites doivent toujours siéger au complet ; pour les séances plénières le quorum est de 11 (art. 24 et 25 L. O. J.). Les membres des diverses sections sont appelés en première ligne à se suppléer réciproquement; on ne doit avoir recours au suppléant qu'en seconde ligne {art. 20 L. O. J.)

Dès l'entrée en vigueur de la loi sur l'organisation judiciaire de 1893, le Tribunal fédéral a été tellement chargé de travail que chaque juge s'est trouvé entièrement absorbé par les occupations qui lui incombait dans sa propre section. Seuls les deux juges de la troisième section était moins chargés d'ouvrage. Mais, par le fait qu'ils furent appelés à siéger comme suppléants dans les autres sections, ils se trouvèrent également entièrement absorbés dès le début. Les cas de vacance temporaire d'un siège, de maladie, d'empêchements, etc., devaient dans ces conditions conduire à ce que les juges disponibles fussent surchargés. Or, dans un collège de seize membres, les cas de ce genre ne doivent pas être considérés comme l'exception, mais bien comme la règle, surtout si l'on tient compte de la composition du Tribunal ; effectivement, depuis 1893, un ou plusieurs membres du Tribunal ont presque constamment manqué, sans compter les vacances qui se produisent nécessairement parfois dans le personnel. On n'a pas tenu compte au début de ces circonstances clans la composition et l'organisation du Tribunal.

En outre, il faut observer que le nombre des affaires à traiter a été constamment en augmentant, ce que l'on peut voir dans le tableau annexé au rapport de gestion du Tribunal fédéral pour 1903 (pages 8 et 9 du rapport imprimé). Il faut considérer comme déterminants les derniers chiffres de ce tableau qui concernent le nombre total des affaires sans les expropriations, car pour les
expropriations les chiffres ne donnent pas une idée juste du travail accompli. Nous ajoutons à ce tableau les chiffres suivants pour l'année 1904, qui démontrent que la tendance à l'augmentation ne fait que s'accentuer :

427

Nombre des affaires nouvelles, ouvertes du 1er anvier au 31 mai : Affaires civiles .

.

.

.

Recours de droit public .

.

Recours en matière de poursuite pour dettes et de faillite .

lus

1903.

1904.

132 128

163 164

31 36

71

131

60 127

II est certain qu'à la suite de cette augmentation des affaires, la situation est devenue critique, car le juge qui veut consciencieusement vaquer à ses fonctions doit se surmener, ce qui n'est arrivé que trop souvent durant les dernières années ; cette situation est du reste aussi nuisible à l'administration de la justice, au point de vue de la forme et du fond.

Il est nécessaire et urgent de remédier à un pareil état de choses. A cet effet, on pourrait songer à restreindre les compétences du Tribunal fédéral ou à modifier la procédure de façon à diminuer la charge des membres du Tribunal. Le Tribunal fédéral a lui-même mentionné dans son rapport quelques réformes possibles dans ce sens, mais il aboutit à recommander comme dernier remède l'augmentation du nombre de ses membres. Une étude approfondie du sujet lui a démontré qu'en réalité c'est là le meilleur moyen de sortir d'une situation aussi fâcheuse.

Le Conseil fédéral partage cette opinion.

Il faut avant tout reconnaître qu'en principe c'est un mauvais système que de déterminer et d'organiser les compétences et la procédure d'une autorité judiciaire d'après l'état de son personnel, ou d'après la charge de travail du moment ; on ne doit se diriger pour cela que d'après des raisons effectives, et inversement, le chiffre du personnel du Tribunal doit être déterminé d'après les compétences et les exigences de la procédure. Si donc il peut paraître désirable de modifier dans ce sens les dispositions en vigueur, il ne convient pas d'aborder cette question dans l'idée et dans le but de diminuer le travail du Tribunal. En outre, les propositions qui ont été faites dans ce domaine nécessiteraient de longues réflexions et délibérations ; elles devraient au point de vue de leur influence être étudiées sur les bases et le système de la loi en vigueur, ce qui amènerait des modifications profondes et traînerait l'affaire en longueur, alors qu'il est urgent de remédier

428

à la situation. Enfin, il faut observer que toutes les modifications auxquelles on peut songer clans ce domaine ne sont pas également, désirables, et que les réformes qu'on pourrait obtenir n'auraient pas pour effet de diminuer notablement la charge des membres du Tribunal.

Le Conseil fédéral aboutit donc, d'accord avec le Tribunal fédéral, à vous recommander l'augmentation du nombre des juges fédéraux ; il est également d'accord avec le Tribunal pour fixer l'augmentation à trois membres.

Par ce moyen, chacune des trois sections du Tribunal recevrait un membre de plus, de sorte que les deux premières sections se composeraient de huit juges et la section des poursuites de trois membres permanents. Te'ile est la manière la plus simple et la plus naturelle de décharger les membres du Tribunal ; elle n'exige qu'un minimum de modification dans les dispositions d'organisation, ainsi que dans la répartition des affaires fixée par le règlement et consacrée par l'usage.

Mais, afin que l'augmentation du nombre des juges se fasse sentir de façon efficace, le quorum des deux sections principales doit être laissé à sept ; pour l'exercice de l'activité régulière de chaque section, on ne doit faire siéger que sept juges, c'est-à-dire uia nombre impair, de sorte qu'un des juges désigné à tour de rôle ne paraîtrait pas aux séances. D'après l'organisation actuelle, le vice-président, qui appartient à une des sections principales et la présida, est également de plein droit président de la troisième section. Ce système, surtout pour une aussi petite section, présente des inconvénients réels et personnels ; il s'est montré défectueux. Le président de la troisième section, qui change tous les deux ans, est plus ou moins étranger aux affaires, et pourtant c'ost lui qui doit trancher en cas de divergence de vues entre les deux autres membres.

Si un membre se trouve empêché ou si un poste est vacant, la préparation de toutes les affaires incombe à un seul membre ; étant donné la manière dont la troisième section est actuellement composée, les compétences administratives et de surveillance (notamment dans le domaine de la statistique et de la composition des formulaires) ne peuvent être exercées comme il faudrait. D'après le système proposé, cette section comprendrait trois membres, dont un la présiderait. D'accord avec
le Tribunal fédéral, le Conseil fédéral estime que le président de ladite section doit être désigné par le Tribunal et non par l'Assemblée fédérale, avec le titre d'un IIe vice-président, dans l'idée que le président de la troisième section aurait essentiellement les mêmes devoirs que les autres menifares de la section. L'aug-

429

mentation du nombre des membres de la chambre des poursuites aurait aussi pour effet de soulager les autres sections, car les membres de la troisième section doivent en première ligne fonctionner comme suppléants dans les deux premières.

Le vice-président s'en trouvera également soulagé.

Le Conseil fédéral croit que l'augmentation proposée du nombre des membres du Tribunal fédéral est de nature à remédier de façon efficace aux inconvénients signalés, et il la considère comme absolument nécessaire.

Agréez, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 13 juin 1904.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, COMTESSE.

Le chancelier de la Confédération, RINOIER.

430

Projet.

Loi fédérale concernant

l'augmentation du nombre des membres du Tribunal fédéral.

L'ASSEMBLEE E ÌDEEALE de la CONFÉDÉEATION SUISSE, En application de l'art. 106 de la constitution fédérale et en modification de la loi fédérale du 22 mars 1893 sur l'organisation judiciaire fédérale et de celle du 28 juin 1895 transférant au Tribunal fédéral la haute surveillance en matière de poursuite pour dettes et do faillite ; Vu le message du Conseil fédéral du 13 juin 1904, décrète :

Art. 1er. Les articles 1er, 16, 16 bis, 19 et 25 de la loi fédérale sur l'organisation judiciaire fédérale du 22 mars 1893, modifiés par la loi fédérale du 28 juin 1895, reçoivent la teneur suivante:

431

Art. 1er. Le Tribunal fédéral se compose de 19 membres et de 9 suppléants nommés par l'Assemblée fédérale, qui aura égard à ce que les trois langues nationales y soient représentées (article 107 de la constitution fédérale).

Art. 16. Le Tribunal fédéral se divise en deux sections de huit membres chacune, plus une troisième section (chambre des poursuites et des faillites) composée de trois membres.

L'une des premières sections est présidée par le président du Tribunal, l'autre par le vice-président. Le président de la troisième section est nommé par le Tribunal fédéral.

Art. 19. Le Tribunal fédéral désigne pour la durée de deux ans, à partir du 1er janvier, les membres de ses deux sections, ceux de la chambre des poursuites et des faillites, de la chambre d'accusation, de la chambre criminelle, de la cour pénale fédérale et de la cour de cassation, ainsi que le président de la troisième section, celui de la chambre d'accusation et celui de la cour de cassation.

Il désigne en même temps parmi ses suppléants trois remplaçants ordinaires pour la chambre d'accusation, autant pour la chambre criminelle et la cour pénale fédérale, et trois également pour la cour de cassation.

Le président de la chambre criminelle et celui de la cour pénale fédérale sont désignés par le Tribunal fédéral pour chaque affaire.

Art. 25. Sept membres devront toujours prendre part aux délibérations et votations dans chacune des deux premières sections. La troisième section et les chambres pénales doivent toujours siéger au complet.

432

Art. 2. Après l'entrée en vigueur de la présente loi, l'Assemblée fédérale procédera à la nomination de trois nouveaux membres du Tribunal fédéral, dont les fonctions expireront en même temps que celles des autres membres. Le Tribunal fédéral procédera ensuite à une nouvelle formation de ses sections.

Art. 3. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loî. et de fixer la date de son entrée en vigueur.

433

# S T #

Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi créant une banque centrale d'émission, en exécution de l'article 39 de la constitution fédérale.

(Du 13 juin 1904.)

Monsieur le président et messieurs, I.

Considérations générales.

A la suite de la motion de MM. Scherrer-Füllemann et cosignataires, adoptée par le Conseil national dans la séance du 20 mai 1903, et à laquelle le Conseil des Etats a donné son adhésion dans la séance du 11 juin 1903, nous avons repris l'étude du problème, posé dans l'article 39 de la constitution, d'une banque centrale d'émission.

Nous rappelons que la motion de MM. Scherrer-Füllemann et cosignataires, amendée par le Conseil fédéral, a été adoptée par le Conseil national unanime dans la forme suivante : « Le Conseil fédéral est invité à soumettre le plus tôt « possible aux Conseils législatifs un nouveau projet de loi «pour l'exécution de l'article 39 de la constitution fédérale».

Nous nous sommes placés pour résoudre le problème sur le terrain de la seconde alternative de l'article constitutionnel, qui autorise la Confédération à concéder l'exercice du monoFeuille fédérale suisse. Année LVI. Vol. IV.

28

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur le projet de loi portant augmentation du nombre des membres du Tribunal fédéral. (Du 13 juin 1904.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1904

Année Anno Band

4

Volume Volume Heft

25

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

22.06.1904

Date Data Seite

425-433

Page Pagina Ref. No

10 075 919

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.