00.089 Message relatif à l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant ­ pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse» (Initiative «pour la mère et l'enfant») du 15 novembre 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant ­ pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse» (Initiative «pour la mère et l'enfant») et vous proposons de la soumettre sans contre-projet au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Le projet d'arrêté fédéral est joint au présent message.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 novembre 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1633

633

Condensé L'initiative populaire «pour la mère et l'enfant», présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, déposée le 19 novembre 1999 à la Chancellerie fédérale munie de 105 001 signatures valables, demande que la Constitution fédérale soit complétée par une disposition protégeant la vie de l'enfant à naître et prévoyant des directives sur l'aide nécessaire à apporter à sa mère dans la détresse.

Selon l'initiative populaire, il ne serait plus possible de procéder à une interruption de grossesse à moins que la continuation de cette grossesse ne mette la vie de la mère en danger et que ce danger, imminent et de nature physique, soit impossible à écarter d'une autre manière. Une telle législation, qui se base uniquement sur une interprétation stricte de la notion de santé, constituerait cependant un pas en arrière par rapport au droit en vigueur. En outre, elle ne tient pas compte des changements concernant les conditions et les valeurs sociales qui ont eu lieu au cours des trente dernières années, notamment en ce qui concerne la position de la femme dans la notre société. L'initiative populaire exige même de la femme, qui se retrouve enceinte à la suite d'un acte de violence, qu'elle mène sa grossesse à terme, en lui proposant toutefois la possibilité de consentir à l'adoption de son enfant. En pratique, il est depuis longtemps admis qu'une telle situation constitue une des indications permettant une interruption de grossesse. Il n'est en effet guère tolérable de forcer la femme victime d'un viol, à donner naissance à cet enfant. Par ailleurs, les notions imprécises utilisées par l'initiative, engendreront les mêmes problèmes d'interprétation que connaît le droit actuel.

Si le Conseil fédéral salue le principe qui consiste à exiger des cantons qu'ils fournissent une aide à la mère dans la détresse, il convient de rappeler que c'est une tâche qui leur incombe aujourd'hui déjà en vertu de la loi fédérale sur les centres de consultation en matière de grossesse. Il va de soi, que toute proposition d'améliorer les moyens de protection de la vie en devenir doit être prise en compte. Le Conseil fédéral est aussi d'avis que la protection de la vie en devenir ne doit pas être uniquement de nature pénale, mais qu'il s'agit de l'inscrire dans un concept de prévention, d'aide et de conseil où
la consultation joue un rôle primordial et où le droit à l'autodétermination de la femme enceinte est également pris en compte. Il constate que cet aspect fait défaut dans le projet proposé par l'initiative populaire.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral propose aux Chambres de recommander au peuple et aux cantons de rejeter sans contre-projet l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant».

634

Message 1

Partie générale

1.1

Considérations sur la forme

1.1.1

Libellé de l'initiative

L'initiative populaire «pour la mère et l'enfant ­ pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse» (Initiative «pour la mère et l'enfant») a été déposée le 19 novembre 1999 munie de 105 001 signatures valables. Présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, elle a la teneur suivante: I La constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 4bis (nouveau) 1 La

Confédération protège la vie de l'enfant à naître et édicte des directives sur l'aide nécessaire à apporter à sa mère dans la détresse.

2 La

législation fédérale respecte ce qui suit:

a.

Quiconque cause la mort d'un enfant à naître ou y contribue de manière décisive est punissable, à moins que la continuation de la grossesse ne mette la vie de la mère en danger et que ce danger, imminent et de nature physique, soit impossible à écarter d'une autre manière.

b.

Toute forme de pression tendant à faire supprimer la vie d'un enfant à naître est inadmissible.

c.

Si la grossesse est la conséquence d'un acte de violence, la mère peut, dès que la grossesse a été constatée, donner son accord, le seul nécessaire, à l'adoption de l'enfant.

d.

Les cantons accordent l'aide nécessaire à la mère qui, en raison de sa grossesse, se trouve dans un état de détresse. Ils peuvent confier cette tâche à des institutions privées.

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 24 (nouveau) Jusqu'à ce qu'une nouvelle réglementation légale entre en vigueur, toutes les dispositions du Code pénal suisse (CP) qui prévoient l'interruption non punissable de la grossesse sont remplacées par la réglementation de l'art. 4bis, al. 2, let. a, de la constitution fédérale.

635

1.1.2

Aboutissement de l'initiative

Dans une décision datée du 18 janvier 2000, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» avait abouti sur le plan formel1.

1.1.3

Délais du traitement de l'initiative

Aux termes de l'art. 29, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC)2 et l'art. 2, al. 2, de l'ordonnance du 26 février 1997 sur l'entrée en vigueur de la modification de la loi fédérale sur les droits politiques3, le Conseil fédéral dispose jusqu'au 18 novembre 2000 pour présenter aux Chambres le message relatif à cette initiative, dès lors qu'il a décidé de ne pas proposer lui-même de contre-projet.

L'Assemblée fédérale décide, dans un délai de 30 mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, si elle approuve ou non l'initiative. L'Assemblée fédérale peut décider de prolonger le délai d'un an si l'un des conseils au moins a pris une décision sur un contre-projet ou sur un acte législatif qui a un rapport étroit avec l'initiative populaire (art. 27, al. 1 et 5bis, LREC et art. 2, al. 2, de l'ordonnance du 26 février 1997 sur l'entrée en vigueur de la modification de la loi fédérale sur les droits politiques).

1.1.4

Adaptation à la nouvelle Constitution fédérale

Les initiatives populaires qui se fondent encore sur la Constitution fédérale de 1874 doivent être adaptées à la nouvelle Constitution quant à la forme. Le ch. III de l'arrêté fédéral du 18 décembre 1998 relatif à une mise à jour de la Constitution fédérale4 accorde à l'Assemblée fédérale la compétence de procéder à de telles adaptations.

Par conséquent, la numérotation préconisée dans l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» doit être adaptée conformément à la systématique de la nouvelle Constitution. S'agissant de la numérotation proposée (art. 4bis), elle semble indiquer que la nouvelle disposition pourrait être intégrée dans les droits fondamentaux. Or, le texte présente toutes les caractéristiques d'une norme d'attribution de compétence. Il s'agit en effet de confier à l'Etat la tâche de prendre des mesures de protection en faveur de l'enfant à naître et de sa mère dans la détresse. Le premier alinéa énonce un objectif de la Confédération et attribue à cette dernière une compétence législative. Quant à l'al. 2, il mentionne les principes de la législation fédérale à édicter.

Mis à part l'al. 2, let. d, qui vise les cantons, les deux alinéas s'adressent expressément et exclusivement à la «Confédération» et au législateur «fédéral». Le texte de la disposition constitutionnelle laisse donc à conclure à une disposition attributive de compétence. Se fondant sur le droit à la vie, les auteurs de l'initiative exigent que des mesures de protection soient prises pour concrétiser ce droit. La majeure partie du mandat législatif en vue de réaliser la protection du droit à la vie incombant à la Confédération, nous vous proposons donc d'intégrer la nouvelle norme dans le Titre 3, Chapitre 2, Section 8 «Logement, travail, sécurité sociale et santé» sous la forme 1 2 3 4

636

FF 2000 207 RS 171.11 RO 1997 760 RO 1999 2556

d'un art. 116a. Cet article sera également doté du titre marginal «Protection des enfants à naître».

Nous vous proposons également d'adapter la disposition transitoire (art. 24) proposée par l'initiative comme suit: Art. 196, titre médian Dispositions transitoires selon l'arrêté fédéral du 18 décembre1998 relatif à une mise à jour de la Constitution fédérale Art. 197

Dispositions transitoires après acceptation de la Constitution fédérale du 18 avril 1999

1. Disposition transitoire ad art. 116a (Protection des enfants à naître) «Jusqu'à ce qu'une nouvelle réglementation légale entre en vigueur, toutes les dispositions du Code pénal suisse (CP) qui prévoient l'interruption non punissable de la grossesse sont remplacées par la réglementation de l'art. 116a, al. 2, let. a, de la Constitution fédérale.» Pour des motifs de clarté et de précision, nous utiliserons dans la suite du présent message cette nouvelle numérotation.

1.2

Validité

1.2.1

Unité de la forme

Aux termes des art. 139, al. 2 et 3, et 194, al. 3, Cst., une initiative portant sur une révision partielle de la Constitution fédérale n'est valable que si elle est présentée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou d'un projet rédigé de toutes pièces, les formes mixtes n'étant pas admises. La présente initiative revêt exclusivement la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est donc respectée.

Le texte des initiatives rédigées de toutes pièces doit exprimer de manière claire et précise l'objectif visé, de sorte que le corps électoral puisse voter en toute connaissance de cause. Selon les termes de l'initiative populaire, ce but, à savoir la protection de l'enfant à naître et l'aide à sa mère dans la détresse, devra être atteint par la voie législative et devra respecter le mandat énoncé à l'art. 116a, al. 2, let. a à d, (nouvelles) Cst. L'examen sous l'angle de l'unité de la forme ne permet pas de contester cette option qui laisse au législateur le choix des moyens à mettre en oeuvre pour appliquer l'initiative.

1.2.2

Unité de la matière

L'exigence de l'unité de la matière (art. 139, al. 3, et art. 194, al. 2, Cst.) permet d'éviter qu'une initiative porte sur plusieurs objets, sans lien aucun entre eux sur le plan matériel. Ce principe sert à garantir l'expression libre et authentique de la volonté populaire.

637

Dans ce cas-ci, l'objectif de l'initiative est précis: La Confédération protège la vie de l'enfant à naître et édicte des directives sur l'aide nécessaire à apporter à sa mère dans la détresse. La législation fédérale doit rendre punissable tout acte qui cause la mort de l'enfant à naître et toute forme de pression en vue d'une telle atteinte. Il existe dès lors un lien entre les différentes parties de l'initiative populaire et partant la condition de l'unité de la matière est remplie en l'espèce.

1.2.3

Autre condition de la validité

Outre l'unité de la forme et de la matière, la nouvelle Constitution fédérale mentionne à l'art. 194, al. 2, le respect des règles impératives du droit international.

Il n'existe pas de norme de règle impérative du droit international qui soit touchée par l'initiative populaire.

1.2.4

Applicabilité

Chaque initiative populaire est examinée sous l'angle de son applicabilité de fait.

Quand bien même la mise en oeuvre de l'initiative «pour la mère et l'enfant» pourrait entraîner certaines difficultés d'ordre essentiellement pratiques, cela ne change rien à son applicabilité de fait.

L'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» est donc valable.

2

But et teneur de l'initiative

Selon ses termes, l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» rend caduques toutes les dispositions du code pénal en matière d'interruption non punissable de grossesse. Il s'agit en l'occurrence de l'art. 120 du code pénal, étant donné que les autres dispositions (art. 118 et 119 CP) rendent l'avortement punissable. Elle exige des directives qui punissent quiconque cause la mort d'un enfant à naître ou y contribue d'une manière décisive. Il est en outre inadmissible que des tiers fassent pression sur la femme enceinte afin qu'elle se décide à supprimer la vie de l'enfant à naître (al. 2, let. a et b). L'initiative ne prévoit qu'une seule indication qui permette de causer la mort de l'enfant à naître. Il s'agira du cas où la continuation de la grossesse entraînera un danger physique imminent, impossible à détourner autrement et menaçant la vie de la mère. En ce qui concerne les cas de grossesse issue d'un acte de violence, l'initiative «pour la mère et l'enfant» prévoit une réglementation spéciale. Dans pareil cas, la femme enceinte pourra, après constatation de la grossesse, donner son accord à l'adoption de son futur enfant (al. 2, let. c). La nouvelle législation devra également prévoir des prestations destinées à aider la femme enceinte qui se trouvera dans un état de détresse. En vertu de l'al. 2, let. d, la responsabilité de cette assistance incombera aux cantons. Ceux-ci pourront confier cette tâche à des institutions privées.

638

3

Partie spéciale

Dans les pays industrialisés, les 30 dernières années ont été notamment caractérisées, dans le domaine de la sexualité, par un meilleur accès des populations aux méthodes contraceptives ainsi que par un développement de l'éducation sexuelle. Ce double mouvement a eu un impact sur les grossesses non désirées, qui sont moins nombreuses.

Si la question d'une interruption de grossesse continue néanmoins à se poser à un moment donné, c'est bien le signe d'une certaine défaillance préalable de la contraception, puisqu'une grossesse non désirée n'a pu être évitée. Une telle défaillance est flagrante lorsque l'on se réfère aux grossesses précoces survenant chez de jeunes adolescentes. Phénomène encore peu répandu en Suisse, il est par contre devenu un véritable problème de société aux Etats-Unis notamment. Or, une grossesse précoce chez une très jeune femme renvoie non seulement à l'éducation sexuelle telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui ­ comment informer, quel message transmettre, comment aider ­ mais aussi et plus globalement à l'égalité sociale, puisque ce phénomène touche essentiellement des milieux socio-économiques plus défavorisés.

L'interruption de grossesse ne peut ainsi être détachée du domaine, bien plus vaste, de la santé sexuelle et reproductive, qui comprend, par exemple, les thèmes de l'éducation sexuelle, de la contraception, de la prévention des maladies sexuellement transmissibles et du planning familial. Elle ne peut, non plus, faire abstraction du contexte socioculturel et économique dans lequel elle prend place.

3.1

Droit en vigueur

Selon les art. 118 et 119 CP, l'avortement est punissable s'il est commis par la mère ou par un tiers. En revanche, selon l'art. 120 CP, l'interruption de grossesse est autorisée lorsqu'elle est pratiquée en vue d'écarter un danger impossible à détourner autrement et menaçant la vie de la mère ou menaçant sérieusement sa santé d'une atteinte grave et permanente (indication dite médicale). L'interruption de la grossesse doit être assortie du consentement écrit de la femme enceinte et l'intervention pratiquée par un médecin diplômé sur avis conforme d'un second médecin diplômé.

L'art. 120 CP autorise dès lors l'interruption de grossesse uniquement sur indication médicale. Alors que le législateur pensait autrefois5 en premier lieu à des dangers de nature somatique pour la vie et la santé de la femme enceinte, on applique aujourd'hui la notion large de la santé telle qu'elle est définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS): la santé est un état de bien-être complet tant physique, psychique que social. Ce qui implique que l'on ne saurait exiger qu'une femme mène à terme une grossesse découlant d'un acte délictueux (indication dite juridique). Il en va de même lorsque l'éducation de l'enfant semble exiger des efforts insurmontables notamment d'ordre financier (indication dite sociale) ou lorsqu'il est prévisible que l'enfant naîtra avec des lésions physiques ou psychiques (indication dite autrefois eugénique, appelée aujourd'hui aussi embryopathique ou génétique).

Même si ces indications ne figurent pas expressément en tant que faits justificatifs à 5

Le législateur de 1937 s'est fondé sur un texte qui remonte à un avant-projet d'une commission d'experts de 1918 (cf. Message du 30 septembre 1974 relatif à une loi fédérale sur la protection de la grossesse, ainsi qu'au nouveau régime de répression de l'interruption de la grossesse (FF 1974 II 726).

639

l'art. 120 CP, elles peuvent, selon des avis dominants, être prises en considération lors de l'évaluation de l'indication médicale6. De plus en plus, on a recours en pratique à l'indication dite psychiatrique qui tient compte de toutes ces indications.

Cependant, il existe entre les cantons de grandes différences concernant l'interprétation de la loi et partant son application. Aussi les médecins se sentent-ils liés par leurs propres convictions en ce qui concerne la question de l'interruption de grossesse. Ceci peut entraîner auprès des personnes concernées une certaine insécurité du droit et une inégalité devant la loi; la pratique de l'interruption de grossesse dépendant de l'interprétation plus ou moins restrictive de la loi. Dans les cantons plus restrictifs en la matière, les femmes ont moins de possibilités d'interrompre leur grossesse que dans les cantons où la loi est interprétée plus largement. Cette inégalité devant la loi provoque un «tourisme de l'avortement».

Depuis que la réglementation sur l'interruption de la grossesse existe, les conditions et les valeurs sociales ont changé. La position de la femme dans la société a évolué.

En 1971, les citoyennes suisses obtenaient le droit de vote et d'éligibilité; en 1981, l'article constitutionnel sur l'égalité entre hommes et femmes était approuvé par le peuple et les cantons. L'égalité des sexes fut introduit par étapes dans le droit de la famille avant qu'en 1996, la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes n'entre en vigueur. Après la seconde Guerre mondiale, l'idée d'autonomie de l'individu avait acquis une importance croissante. A la fin des années 80, le droit à l'autodétermination a été tiré du droit fondamental à la liberté personnelle. Dans ce contexte, l'aspiration de la femme à la liberté de décision en matière d'interruption de grossesse s'est affirmée parallèlement à une attitude plus ouverte face à la sexualité. Par ailleurs, on constate un changement de l'image traditionnelle de la famille.

La femme est de plus en plus la seule à porter les responsabilités inhérentes à l'éducation des enfants. Telles sont notamment les raisons pour lesquelles l'interruption de grossesse est considérée aujourd'hui comme une question relevant du droit de la femme à l'autodétermination. Dans ce contexte il convient de constater que
depuis 1980, il n'y a pratiquement plus eu de jugements pénaux prononcés en vertu des art. 118 et 119 CP (en vertu de l'art. 118 CP: en 1982 une condamnation; en 1986 deux condamnations; en 1988 une condamnation; en vertu de l'art. 119, al.

2, CP: en 1997 une condamnation)7. Cela prouve que la société actuelle n'a de toute évidence pas la volonté de faire appliquer les dispositions pénales sur l'interruption de grossesse non autorisée. S'agissant des indications permettant l'interruption de grossesse, tous les cantons suisses, à l'exception d'Uri, d'Obwald, de Nidwald, d'Appenzell Rhodes-Intérieures, ont admis, ces dernières années, une pratique plus ou moins libérale8.

6 7 8

640

Cf. Rehberg/Schmid, Strafrecht III Delikte gegen den Einzelnen, p. 21, 6e éd., Zurich, 1994.

Cf. Statistique des jugements prononcés en vertu des art. 118 ss CP établie par l'Office fédéral de la statistique.

Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale I, n 273, 3e éd., Zurich, 1997.

3.2

Droit comparé9

En ce qui concerne le droit en vigueur dans les autres pays, on distingue les Etats où l'interruption de grossesse est autorisée uniquement pour sauver la vie de la femme enceinte, ceux où l'indication médicale est restrictive, ceux qui associent indication médicale et indication sociale et ceux qui ont opté pour le régime du délai. La Suisse appartient de jure au groupe de pays qui connaissent seulement l'indication médicale.

La réglementation la plus courante dans les pays industrialisés est celle du délai. Les Etats-Unis et la plupart des pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Suède, République tchèque) ont opté pour elle. Les différences entre ces pays se situent dans les détails de l'application: dispositions figurant dans le code pénal ou dans une loi spéciale, durée du délai (variant entre 10 et 24 semaines après les dernières règles), conception différente des conseils donnés aux intéressées, etc. En Espagne, en Grande-Bretagne et en Pologne, l'interruption de grossesse n'est autorisée qu'en cas d'indication propre à chaque législation respective. Au Canada, la Cour suprême a décidé en 1988 que la loi régissant l'interruption de grossesse était contraire à la dignité de la femme et l'a purement et simplement annulée.

Le Parlement européen a adopté en 1990 une résolution demandant aux pays de l'Union européenne et à ceux de l'Espace économique européen de «garantir aux femmes le droit de disposer de leur corps, c'est-à-dire, en l'occurrence le droit de choisir entre la maternité et l'interruption d'une grossesse non désirée» 10.

3.3

Interventions parlementaires et politiques11

Les dispositions pénales qui régissent l'interruption de grossesse (art. 118 à 121 CP) ont plus de cinquante ans. Nombreuses sont les interventions parlementaires et politiques visant une modification de la législation en vigueur. La présente initiative populaire est la dernière en date. Les tentatives entreprises depuis 1971 poursuivaient des buts différents, certaines envisageaient la dépénalisation totale de l'interruption de grossesse, d'autres tendaient à empêcher une libéralisation. Tous ces projets ont été rejetés par le peuple et par les cantons 12.

La dernière proposition de modifier le code pénal ­ précédant l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» ­ se présente sous la forme d'une initiative parlementaire déposée en 1993 par la Conseillère nationale Haering Binder. Cette initiative parlementaire a pour but de rendre l'interruption de grossesse non punissable pendant les premiers mois de la grossesse et d'instaurer le régime du délai. En février 1995, le

9 10 11

12

Cf. Eser A./Koch H.-G., Schwangerschaftsabbruch im internationalen Vergleich, Teil I, Baden-Baden, 1988.

Résolution du Parlement européen Doc . B3-396/90 Cf. Message du 30 septembre 1974 relatif à une loi fédérale sur la protection de la grossesse, ainsi qu'au nouveau régime de répression de l'interruption de la grossesse (FF 1974 II 706 ss); Message du 19 mai 1976 relatif à l'initiative populaire «pour la solution du délai» (FF 1976 II 778 ss); Message du 28 février 1983 relatif à l'initiative populaire «pour le droit à la vie» (FF 1983 II 1 ss).

Cf. la chronologie mentionnée dans le rapport de la commission des affaires juridiques du Conseil national du 19 mars 1998 (FF 1998 2632).

641

Conseil national y a donné suite13. Il a été admis que les inégalités qu'entraîne le droit en vigueur n'étaient plus acceptables et qu'il fallait réviser la législation actuelle. Les travaux de la commission des affaires juridiques du Conseil national ont abouti sur un projet de loi prévoyant le régime du délai. Le rapport y relatif date du 19 mars 199814.

Dans une large procédure de consultation à laquelle ont participé les cantons, les partis politiques et les milieux intéressés, la proposition avait été en majorité accueillie favorablement. Dans sa prise de position du 26 août 199815, le Conseil fédéral conclut à son tour qu'il était nécessaire de modifier les dispositions pénales en matière d'interruption de grossesse. Toutefois, une nouvelle réglementation doit prendre en compte le droit de la femme à l'autodétermination ainsi que la responsabilité de l'Etat de protéger la vie en devenir. Le régime du délai tel qu'il est proposé par la commission des affaires juridiques du Conseil national ne remplissant pas suffisamment ces conditions, il est rejeté par le Conseil fédéral. Par décision du 5 octobre 1998, le Conseil national a cependant adopté le régime du délai tel qu'il était proposé par sa commission des affaires juridiques16. Le 21 septembre 2000, le Conseil des Etats a également approuvé cette solution en y apportant cependant plusieurs amendements17. L'initiative parlementaire Haering Binder a manifestement motivé le lancement, en 1998, de l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant».

4

Appréciation de l'initiative

4.1

En général

Lancée en 1998, à une époque où la commission des affaires juridiques du Conseil national, suite à l'initiative parlementaire Haering Binder, publiait l'avant-projet et le rapport explicatif pour un régime du délai, l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» peut être considéré comme une sorte de «réplique» au régime du délai.

Alors que le régime du délai proposé par le Conseil national tient compte exclusivement du droit à l'autodétermination de la femme enceinte, le libellé de l'initiative populaire se limite à une protection stricte de l'enfant à naître en exigeant une aide à sa mère dans la détresse. On constate en outre que la présente initiative ne parle ni d'avortement ni d'interruption de grossesse, mais qu'elle utilise les termes «causer la mort d'un enfant à naître». Le seul et unique motif qui rend l'«homicide» d'un enfant à naître non punissable est le fait que la continuation de la grossesse mette la vie de la mère en danger et que ce danger, imminent et de nature physique soit impossible à écarter d'une autre manière. Il s'agit donc clairement et exclusivement d'une indication médicale, telle qu'elle était prévue par le législateur historique, donc dans un sens restrictif.

La pratique actuelle s'appuie cependant sur la notion de la santé telle qu'elle est définie par l'OMS chaque fois qu'elle examine la présence d'une indication médicale. On peut donc constater que l'initiative populaire fait indéniablement un pas en 13 14 15 16 17

642

BO 1995 N 339 ss FF 1998 2629 FF 1998 4734 BO 1998 N 1989 ss BO 2000 E 533

arrière par rapport au droit et à la pratique en vigueur. L'acceptation de l'initiative populaire signifierait pratiquement une interdiction générale de l'avortement et l'obligation d'enfanter. Une indication purement médicale ­ telle qu'elle est exigée par l'initiative populaire ­ qui ne tient compte que du bien-être physique de la femme enceinte, ne serait applicable que dans les cas les plus rares. Cela amènerait les femmes qui veulent interrompre leur grossesse à recourir à d'autres moyens ou à s'adresser à des personnes non qualifiées; ce qui risquerait d'entraîner des conséquences graves pour la santé de ces femmes. Il ne fait aucun doute qu'il est nécessaire de réviser les dispositions pénales en matière d'interruption de grossesse, mais la voie empruntée par l'initiative populaire n'est manifestement pas la bonne.

Lors des débats relatifs à l'initiative parlementaire Haering Binder, le Conseil fédéral a reconnu cette nécessité de réviser les dispositions pénales en matière d'interruption de grossesse, mais il a répété et insisté à de nombreuses reprises qu'une nouvelle réglementation devait trouver un équilibre entre le droit à l'autodétermination de la femme et la responsabilité de l'Etat de protéger la vie en devenir. Cet équilibre ne se retrouve pas dans l'initiative populaire qui, à l'évidence, ne fait que protéger l'enfant à naître obligeant pratiquement la mère à enfanter.

4.2

En particulier

L'al. 1 de l'art. 116a de l'initiative populaire pose le principe en vertu duquel la vie de l'enfant à naître doit être protégée et que l'Etat édicte dans ce but des directives destinées à assurer une aide à la mère dans la détresse. Sans développer les notions de «directives» ou de «mère dans la détresse» l'al. 2 énonce en termes généraux le contenu de ces «directives».

Partant, l'initiative laisse à la Confédération le soin de définir la notion de «détresse» dans une loi. Or, ce sont précisément de telles notions imprécises qui ont suscité des interprétations différenciées du droit actuel et qui ont entraîné une insécurité du droit et une inégalité devant la loi. On se retrouverait donc dans une situation insatisfaisante identique à celle qui prévaut aujourd'hui déjà.

Selon l'al. 2, let. a, toute personne qui cause la mort d'un enfant à naître ou y contribue de manière décisive sera punissable. Il n'est pas précisé si la sanction sera la même pour le médecin, pour le tiers et pour la femme enceinte alors que le droit actuel fait cette distinction. L'art. 118 CP prévoit une sanction moindre pour un avortement commis par la mère et une incrimination plus forte pour le tiers (art. 119 CP). Dans le débat général actuellement en cours autour de l'interruption de grossesse, un des points principaux sur lequel les avis divergent le moins est précisément la volonté d'alléger la répression frappant la femme concernée18. Au surplus, l'interdiction préconisée par l'initiative populaire signifie pratiquement une obligation pour la femme enceinte de donner naissance à tout prix, à la seule exception près que la continuation de la grossesse mette sa vie en danger et qu'il soit impossible d'écarter ce danger imminent et de nature physique autrement que par une interruption de grossesse. Cette condition extrêmement restrictive constitue une indication qui ne tiendrait compte que de l'état de santé physique de la femme enceinte.

18

Cf. Hurtado Pozo, op. cit., n 237.

643

L'indication médicale, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, se fonde sur une notion large de la santé et prend en considération - mais de manière très différenciée selon les cantons - les indications juridique, embryopathique et sociale. L'initiative populaire rejette toutes ces indications pour ne retenir que l'indication médicale dans son sens strict. L'initiative ne précise pas non plus qui constate, et avec quels moyens il sera procédé, pour savoir si la continuation de la grossesse met la vie de la mère en danger et que ce danger, de nature physique, est imminent. La future législation devra apporter des réponses à toutes ces questions. Ayant à l'esprit que le Conseil fédéral s'est toujours prononcé pour une nouvelle réglementation claire qui tienne compte aussi bien des intérêts de l'enfant à naître que de ceux de la femme enceinte, et eu égard les motifs énoncés précédemment, il y a lieu de rejeter la let. a.

La let. b, disposition en vertu de laquelle toute forme de pression tendant à faire supprimer la vie d'un enfant à naître est inadmissible, s'adresse à toute tierce personne, mais en premier lieu au père du futur enfant et aux proches de la femme enceinte. Dans la pratique, la mise en oeuvre de cette disposition ne sera pas aisée.

En cas de grossesse consécutive à un acte de violence, une réglementation spéciale est prévue à la let. c, à savoir la possibilité pour la mère de donner son accord en vue de l'adoption de son futur enfant. Ce qui implique que la femme enceinte devrait mener la grossesse à son terme et donner naissance à un enfant non désiré et fruit d'un crime. Cette obligation de donner naissance après un viol est inacceptable et doit être rejetée. En effet, on ne saurait demander à la personne enceinte d'accepter une grossesse résultant d'une infraction contre les moeurs. Aujourd'hui, une femme qui est enceinte à la suite d'un viol peut interrompre sa grossesse, les conditions de l'indication psychiatrique étant remplies19.

La mise en oeuvre de l'initiative exigerait une adaptation des dispositions du Code civil suisse (CC) sur l'adoption20 notamment de l'art. 265b CC réglant le moment du consentement à l'adoption. En effet, cette disposition prévoit que la mère ne puisse donner son consentement avant un délai de six semaines suivant la naissance de son enfant. Au
surplus, ce consentement peut être révoqué dans les six semaines qui suivent. Le but de cette règle étant d'éviter que la femme soit incitée ou contrainte à donner son enfant alors qu'elle peut se trouver dans état dépressif dû à la grossesse21. En pratique, la femme enceinte peut en tout temps, donc aussi déjà pendant sa grossesse, manifester sa volonté de ne pas garder son enfant et de le donner en vue d'une adoption. Elle sait que l'enfant sera, dès sa naissance, placé jusqu'à ce que d'une part elle donne son consentement après l'expiration du délai légal et que d'autre part, en l'absence d'une révocation, le consentement entre en force. Or, le consentement, tel qu'il est prévu par l'initiative, ne serait pas une simple déclaration d'intention mais, aussitôt donné, il déploierait ses effets juridiques. Même dans le cas d'une grossesse découlant d'un viol, une telle réglementation ne saurait être dans l'intérêt de la mère ni dans celui de son futur enfant. Par ailleurs, l'initiative irait à l'encontre de l'art. 5, ch. 4, de la Convention européenne en matière d'adoption des enfants22 qui prévoit le même délai de réflexion. Il en résulte que pour toutes ces raisons la let. c est à rejeter.

19 20 21 22

644

Stratenwerth BT I, par. 2 n 13, 25, 5 e éd. Berne, 1995; Trechsel StGB Kurzkommentar, Art. 120 n 10, 2 e éd., Zurich, 1997; Rehberg/Schmid, op. cit., p. 21.

RS 210 FF 1971 I 1248. Message du 12 mai 1971 concernant la révision du CC.

RS 0.211.221.310

En vertu de la let. d, les cantons sont chargés d'accorder l'aide nécessaire à la mère qui, en raison de sa grossesse, se trouve dans un état de détresse. Ils peuvent faire appel à la coopération d'institutions privées. La protection de l'enfant à naître ne doit pas être garantie par le droit pénal uniquement mais englober une aide qui sera accordée non seulement à la femme enceinte ­ mais également à la mère qui en a besoin après la naissance de son enfant. Vu sous cet angle, l'objectif poursuivi par l'initiative est de créer une solidarité de la population toute entière avec la femme en détresse. Mise à part le problème de la définition de la notion de «détresse», cet objectif est à saluer, certes. Toutefois, il convient de rappeler dans ce contexte, que depuis 1981, les cantons ont déjà l'obligation d'instaurer des centres de consultation en matière de grossesse23. Dans tous les cantons, ces centres, qui existent depuis 1984, offrent conseils et aide aux femmes enceintes qui les sollicitent ainsi qu'à toutes les personnes directement concernées par la grossesse. La consultation est gratuite, elle porte sur l'assistance publique et privée sur laquelle ces personnes peuvent compter pour mener la grossesse à terme, sur les conséquences médicales d'une interruption et sur la prévention de la grossesse. La let. d peut et doit être saluée, mais le but qu'elle vise est déjà réalisé par le droit en vigueur.

Finalement, l'initiative populaire préconise une disposition transitoire selon laquelle toutes les dispositions du CP qui prévoient l'interruption non punissable de la grossesse seront remplacées par la réglementation de l'art. 116a, al. 2, let. a, Cst. jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle réglementation légale en la matière. Ceci signifie que le régime des indications médicales prévu à l'art. 120 CP serait aboli dès le lendemain de la votation et que toute interruption de grossesse serait pratiquement punissable en attendant une nouvelle législation en matière d'interruption de grossesse suivant le nouveau mandat constitutionnel. On se retrouverait dans une situation délicate où la seule indication médicale restrictive serait applicable et il serait regrettable que les efforts entrepris visant à trouver un équilibre entre les différents intérêts en cause aient été vains.

Pour toutes ces
raisons, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant». A de nombreuses occasions dans le passé (cf. ci-dessus ch. 3.3) et plus récemment en 1998, il a été amené à prendre position sur des projets de nouvelle réglementation de l'interruption de grossesse. Tout en rejetant le régime du délai, il a reconnu la nécessité de réviser le code pénal dans le sens d'une adaptation du droit aux faits. Il a non seulement reconnu la nécessité d'une révision mais également réitéré le souci de trouver une solution qui tienne compte de la protection de la vie en devenir et des intérêts de la femme enceinte. Le régime du délai, tel qu'il est proposé par le Conseil national dans le cadre de l'initiative parlementaire Haering Binder ne remplit qu'une de ces deux conditions. Quant à l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant», tout en allant dans le sens opposé, elle ne les remplit pas non plus. La protection de l'enfant à naître se révèle être au détriment de l'autodétermination de la femme. Or, aux yeux du Conseil fédéral, il est indispensable de tendre vers une nouvelle réglementation qui se situe dans le mouvement amorcé au cours des années notamment en ce qui concerne les acquis sociaux de la femme.

Pour le Conseil fédéral toutefois, il incombe à l'Etat d'assumer sa part de responsabilité lorsqu'il s'agit de protéger la vie en devenir. Il est évident que la difficulté réside précisément dans le fait d'allier cette démarche au droit de la femme à l'autodétermination et de trouver un équilibre entre ces deux conditions nécessa ires.

23

Loi fédérale du 9 octobre 1981 sur les centres de consultation en matière de grossesse; RS 857.5 et l'ordonnance y relative du 12 décembre 1983; RS 857.51.

645

5

Eventualité d'un contre-projet

Pour les motifs exposés ci-dessus, le Conseil fédéral vous propose de rejeter l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant» sans présenter de contre-projet. Il souhaite néanmoins que la discussion entamée aux Chambres sur l'initiative parlementaire Haering Binder aboutisse à une solution qui soit digne de notre société et qui tienne compte de la protection de la vie en devenir et des intérêts de la femme enceinte. La réglementation de l'interruption de grossesse ne devra en aucun cas relever uniquement du ressort du droit pénal, mais s'inscrire dans un concept sociopolitique global. Dans ce contexte, l'ensemble des mesures d'accompagnement devront être prises en considération. Parmi ces mesures, il y a lieu de citer les mesures d'accompagnement proposées par le postulat de la commission des affaires juridiques du Conseil national du 5 octobre 199824. Elles se rapportent en grande partie aux tâches incombant aux centres de consultation en matière de grossesse.

Dans le domaine médical, la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal)25 contient des dispositions qui prévoient la prise en charge des coûts des prestations spécifiques à la maternité et à l'interruption de la grossesse.

S'agissant des allocations familiales, deux projets sont actuellement en discussion; l'un visant, selon une initiative parlementaire Fankhauser26, à fixer un montant minimal à ces allocations applicable à l'échelon national et l'autre dans le cadre du projet «Nouvelle péréquation financière» allant dans le sens d'une législation unifiée et neutre en ce qui concerne les coûts27. Suite au rejet en votation populaire d'un projet de loi sur l'assurance maternité, la question de la protection de la maternité fait l'objet de diverses interventions parlementaires. Dans ce cadre, le Conseil fédéral est d'avis qu'il convient d'améliorer la réglementation actuelle sur la perte de gain en cas de maternité, qui s'est révélée insatisfaisante du point de vue sociopolitique, et il s'est engagé à proposer au Parlement un projet de solution durant la législature en cours.

Compte tenu de l'ensemble de ces mesures, il convient de préconiser une modification non seulement du droit pénal mais aussi de différentes lois fédérales sans pour autant recourir à une modification de la Constitution.

Vu ce qui précède et compte tenu des travaux législatifs en cours au parlement, le Conseil fédéral renonce à présenter un contre-projet.

24 25 26 27

646

Cf. Postulat CAJ-CN 98.3047 Interruption de la grossesse. Mesures d'accompagnement.

Cf. art. 29 (Maternité) et art. 30 (Interruption non punissable de la grossesse) LAMal; RS 832.10.

Iv. pa. Fankhauser 91.411 Prestations familiales, BO 1992 N 215 ss; cf. aussi FF 1999 2942 et 2000 4422.

Cf. Rapport final de l'organisation de projet instituée conjointement par le DFF et la CdC, du 31 mars 1999, p. 81 et 82.

6

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

6.1

Pour la Confédération

Les modifications législatives requises par l'initiative populaire n'ont de conséquences ni sur le personnel ni d'ordre financier pour la Confédération.

6.2

Pour les cantons

L'initiative populaire demande expressément aux cantons d'accorder l'aide nécessaire à la mère qui, en raison de sa grossesse, se trouve dans la détresse. Il n'est pas exclu que les centres de consultation existants doivent être dotés de moyens supplémentaires pour remplir cette tâche qui leur incombe déjà aujourd'hui. Ces frais supplémentaires ne sauraient être évalués à ce jour.

7

Compatibilité avec le droit européen

La Commission européenne des droits de l'homme a expressément laissée ouverte la question de savoir dans quelle mesure la notion de vie au sens de l'art. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)28 incluait la vie de l'enfant à naître29. Etant donné que les législations des Etats membres divergent considérablement, elle leur a laissé une certaine liberté d'appréciation tout en reconnaissant expressément la possibilité de restreindre la protection de la vie par des règles régissant l'interruption de grossesse en faveur d'une protection de la mère30.

L'initiative populaire n'est donc pas en contradiction avec la jurisprudence des organes de la CEDH.

Ni le droit communautaire ni le droit de l'Union européenne ne contiennent de règles relatives à l'interruption de grossesse.

Par ailleurs, comme il est précisé ci-dessus au ch. 4.2, la réglementation relative à l'adoption préconisée par l'initiative ne correspondrait pas avec ce que prévoit la Convention européenne en matière d'adoption des enfants.

8

Conclusion

Le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «pour la mère et l'enfant ­ pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse». Pour lui, la présente proposition ne constitue pas la bonne manière de régler l'interruption de grossesse. Elle ne tient pas suffisamment compte de tous les intérêts en jeu ainsi que des changements intervenus dans la société au cours des dernières décennies. Par

28 29 30

RS 0.101 Rapport de la Commission européenne des droits de l'homme en la cause Brüggemann und Scheuten/ D, DR 10, 115.

(Nr. 8416/79, X./UK, DR 19, 244; Nr. 17004/90, H./Norwegen, DR 73, 155).

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ailleurs, elle contient des propositions qui dans leur mise en oeuvre entraîneraient des conséquences insatisfaisantes voire inacceptables.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral propose aux Chambres de recommander au peuple et aux cantons de rejeter sans contre-projet l'initiative «pour la mère et l'enfant ­ pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse».

648