Prise de position du Tribunal fédéral du 23 février 2001 au sujet du projet de message relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale et des projets de lois sur le Tribunal fédéral, le Tribunal pénal fédéral et le Tribunal administratif fédéral et

Prise de position du Tribunal fédéral des assurances du 22 décembre 2000 sur le projet de loi sur le Tribunal fédéral et sur le projet de message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale

Les prises de position du Tribunal fédéral du 23 février 2001 et du Tribunal fédéral des assurances du 22 décembre 2000 constituent une annexe supplémentaire au Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (FF 2001 4000).

5622

2001-1991

Prise de position du Tribunal fédéral du 23 février 2001 au sujet du projet de message relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale et des projets de lois sur le Tribunal fédéral, le Tribunal pénal fédéral et le Tribunal administratif fédéral 1.

Rôle et mission du Tribunal fédéral en tant que juridiction suprême

2.

Organisation de la justice fédérale

3.

Rapports avec le TFA

4.

Répartition des affaires

5.

Création prioritaire du Tribunal pénal fédéral

1. Rôle et mission du Tribunal fédéral en tant que juridiction suprême La mission essentielle du Tribunal fédéral consiste à garantir l'unité et le développement du droit ainsi que le respect des droits fondamentaux, comme le message (ch. 2.2) le souligne à juste titre. La surcharge notoire des tribunaux suprêmes fait obstacle à l'exécution optimale de ces tâches et constitue donc la principale justification d'une réforme radicale de la justice. Par conséquent, le but premier de cette réforme, à l'échelon du Tribunal fédéral, est de créer les conditions permettant un recentrage de l'activité jurisprudentielle sur l'essentiel et la réduction du volume de travail à un niveau supportable. Le principe cardinal qui doit sous-tendre la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale et l'objectif principal qui doit être assigné à cette révision sont de soumettre au premier chef à l'examen du Tribunal fédéral les questions qui revêtent une importance fondamentale pour un Etat fondé sur le droit et pour l'organisation politique de cet Etat, dans la mesure où ces questions se prêtent à un traitement judiciaire. Il faut que la plus haute instance judiciaire indépendante du pays jouisse d'une compétence étendue en la matière afin de garantir l'unité du droit. En revanche, le Tribunal fédéral ne devrait pas être tenu d'examiner les jugements qui ne soulèvent pas de questions de principe et qui n'entraînent pas un préjudice notable pour les intéressés; l'exclusion du recours au Tribunal fédéral se justifie également dans divers domaines du droit en raison de la connotation essentiellement politique ou technique des questions qui s'y posent ou encore parce qu'il convient de ménager définitivement aux instances inférieures un large pouvoir d'appréciation. D'une manière générale, le projet de loi tient compte de ces exigences (cf. p. ex. art. 70, 74, 78 et 79 du projet de LTF).

1.1 Le nécessaire recentrage de l'activité jurisprudentielle du Tribunal fédéral sur l'essentiel implique que l'on s'interroge sur les domaines d'exclusion prévus à l'art.

78 du projet de LTF. Par exemple, en vertu du premier al. let. g de cette disposition, tout le domaine de l'entraide pénale et administrative internationale devrait être l'apanage, en dernière instance, des tribunaux fédéraux de rang inférieur. Cette exclusion
totale de la compétence du Tribunal fédéral n'a pas de justification objective. Il ne s'agit ni d'un domaine juridique se prêtant mal à une décision de justice, ni d'une matière présentant un caractère technique prépondérant. D'autres motifs susceptibles de légitimer une telle exclusion ne sont pas perceptibles. L'entraide judiciaire internationale en matière pénale et administrative soulève des questions fondamentales du point de vue de l'Etat de droit, de l'organisation politique de 5623

l'Etat et du droit international; comme on l'a indiqué plus haut, il appartient au Tribunal fédéral de trancher ce genre de questions. L'extradition et l'entraide judiciaire sont d'ailleurs des matières sensibles, ne serait-ce qu'au regard de la problématique des droits de l'homme et du secret bancaire qui fait actuellement l'objet de vives discussions au niveau international. Dès lors, les questions juridiques de principe doivent pouvoir être soumises à l'examen du Tribunal fédéral dans ce domaine également, par analogie avec la réglementation prévue aux art. 70, al. 2, let. a, 74, al. 2, et 79 du projet de LTF.

1.2 Inversement, dans la perspective d'un recentrage de l'activité jurisprudentielle sur l'essentiel, l'élargissement de la compétence du Tribunal fédéral soulève aussi des interrogations, par exemple en matière de circulation routière où l'exclusion initialement prévue du recours contre les mesures des tinées à réglementer le trafic local a été supprimée, mais plus particulièrement dans le domaine du droit des assurances sociales. Les débats récents au sujet de l'initiative parlementaire des CdG visant à décharger le Tribunal fédéral (BO 1999 E 1062 ss, 2000 E 113 ss et 399 s.; 2000 N 46 ss et 664 ss) ont montré que le législateur entend continuer à garantir, dans ce domaine juridique, un contrôle complet des faits et du droit par un organe judiciaire fédéral. Au regard de cette prémisse, un contrôle limité des constatations de fait par le Tribunal fédéral en droit des assurances sociales, comme le prévoient les art. 92 et 99 du projet de LTF, n'est réalisable que si les affaires d'assurances sociales peuvent être soumises en premier lieu à un tribunal administratif fédéral de rang inférieur pour être déférées, ensuite seulement, au Tribunal fédéral dont l'examen sera restreint aux questions juridiques de principe. Si la répartition des compétences devait demeurer telle qu'elle est prévue dans la loi sur le Tribunal fédéral et si celui-ci devait être institué comme seconde instance judiciaire en droit des assurances sociales avec plein pouvoir d'examen, cela conduirait inévitablement à un déséquilibre, dans la jurisprudence fédérale, entre des domaines juridiques équivalents.

Aujourd'hui déjà, le Tribunal fédéral rend environ un arrêt sur trois en matière d'assurances sociales. Renoncer
dans ce seul domaine à restreindre sérieusement l'accès et le pouvoir d'examen impliquerait de nouveaux ajustements et risquerait de transformer, pour l'essentiel, le Tribunal fédéral en un Tribunal fédéral des assurances sociales, ce qui ne saurait être le but d'une réforme bien comprise de la justice.

L'institution d'une double instance pour la justice fédérale dans le domaine du droit des assurances sociales, préconisée ici, aurait pour effet de rétablir l'équilibre voulu.

Elle permettrait, de surcroît, de créer l'une des conditions de base pour une intégration du TFA dans le Tribunal fédéral (cf. ch. 3.6).

1.3 Ces deux exemples montrent que le projet de loi ne tient pas suffisamment compte du nécessaire recentrage des tâches du Tribunal fédéral sur l'essentiel. Il importe donc que, dans tous les domaines du droit, la compétence du Tribunal fédéral soit établie, mais aussi restreinte, de manière à ce qu'il n'ait à connaître que des affaires revêtant un caractère de principe ou une importance objectivement non négligeable pour les intéressés. Au demeurant, dans les domaines spécifiques où le recours est exclu à juste titre (art. 78 du projet de LTF), il conviendrait de se demander si les questions de principe d'une portée particulière et aptes à être jugées ne devraient pas être soumises par le Tribunal administratif fédéral à l'examen préjudiciel du Tribunal fédéral (procédure d'avis préjudiciel limitée, sur le modèle de la proposition faite aux art. 107 ss du projet de LTF établi par la commission d'experts; rapport final de juin 1997, p. 97 s.).

5624

2. Organisation de la justice fédérale 2.1 Les projets de lois sur le Tribunal pénal fédéral et sur le Tribunal administratif fédéral (art. 5, al. 1, dans les deux cas) prévoient l'élection des juges des Tribunaux fédéraux de rang inférieur par le Conseil fédéral et réservent l'introduction éventuelle d'une confirmation obligatoire de l'élection par l'Assemblée fédérale.

L'élection par le Conseil fédéral apparaît problématique du point de vue du droit constitutionnel, ce qui justifie le rejet de cette solution. Les Tribunaux fédéraux de rang inférieur sont appelés à examiner des décisions de l'administration fédérale et des ordonnances des autorités d'instruction. Le Conseil fédéral dirige l'administration fédérale (art. 178, al. 1, Cst.). Lui confier la mission d'élire les juges des Tribunaux fédéraux de première instance n'est donc pas une bonne solution. Cela ferait naître à tout le moins l'apparence que le Conseil fédéral pourrait être enclin, sur proposition de l'administration, à choisir comme juges des personnes proches de celle-ci et bien disposées à son égard. Un juge en fonction devrait craindre éventuellement pour sa réélection en cas de jugements donnant tort à l'administration.

L'indépendance des autorités judiciaires, garantie par l'art. 191c Cst. (selon la version de l'arrêté fédéral relatif à la réforme de la justice du 8 octobre 1999), serait ainsi remise en question; de même, il pourrait aussi y avoir des problèmes au regard de l'art. 6 CEDH. L'élection des juges par le gouvernement n'est, au demeurant, pas non plus d'usage dans les cantons. Par conséquent, il faut prévoir un autre organe pour l'élection des juges des Tribunaux fédéraux de première instance. On peut songer, en particulier, à une commission de l'Assemblée fédérale ou à une commission électorale qui reste encore à créer.

2.2 La surveillance des Tribunaux fédéraux de première instance devrait être confiée au Tribunal fédéral. Cette solution a fait ses preuves, s'agissant de la surveillance des commissions d'estimation en matière d'expropriation. L'extension du champ de la surveillance du Tribunal fédéral au Tribunal administratif fédéral et au Tribunal pénal fédéral contribuera à l'édification cohérente du troisième pouvoir étatique au niveau de la Confédération. De même que, dans de nombreux cantons, la surveillance
administrative des tribunaux de première instance est confiée au tribunal cantonal, resp. au tribunal supérieur, les Tribunaux fédéraux de rang inférieur devraient être placés sous la surveillance administrative du Tribunal fédéral. Le Parlement exerce de toute façon la haute surveillance sur les Tribunaux fédéraux. En laissant au Tribunal fédéral le soin de surveiller directement les deux nouveaux Tribunaux fédéraux de rang inférieur, on évitera une dispersion du contrôle et on garantira une application uniforme des directives judiciaires (p. ex. les tarifs des émoluments, les ordonnances sur l'archivage, etc.). Cela permettra, en outre, de créer des conditions favorables pour une collaboration dans l'administration de la justice, en particulier dans le domaine de l'informatique. Les besoins sont les mêmes.

2.3 Les commissions d'estimation en matière d'expropriation devraient être soustraites à la surveillance générale ­ accompagnée du pouvoir de donner des instructions ­ du Tribunal fédéral et placées sous la «surveillance administrative» du Conseil fédéral (cf. l'annexe ch. 52 à la loi sur le Tribunal administratif fédéral). La surveillance, telle qu'elle est exercée à l'heure actuelle par le Tribunal fédéral, comprend, outre le contrôle administratif de la conduite des affaires et de la tenue de la comptabilité par les présidents, le pouvoir général de donner des instructions ainsi que des compétences en matière de surveillance qui embrassent aussi les questions jurisprudentielles. Ainsi, le Tribunal fédéral procède, par exemple, à l'adaptation périodique du «taux d'intérêt usuel» (au sens des art. 76, al. 5, et 19bis, al. 4, LEx) par 5625

voie de circulaires et il organise des conférences avec les présidents des commissions pour examiner les problèmes d'estimation. Etant donné que les commissions d'estimation sont des tribunaux de milice sans siège fixe, le Tribunal fédéral, resp. la caisse du Tribunal fédéral, remplit des tâches supplémentaires d'administration de la justice telles que l'établissement et la remise de formulaires, l'archivage des dossiers, l'encaissement des amendes d'ordre et le contrôle des décomptes (art. 4, 6 et 56 de l'ordonnance concernant les commissions fédérales d'estimation du 24 avril 1972, OCFE; RS 711.1). Ce statut d'auxiliaire en matière de jurisprudence et de gestion ne saurait être remplacé d'un trait de plume par une «surveillance administrative» du Conseil fédéral, sans que la capacité fonctionnelle de ces tribunaux spécialisés ne soit sérieusement mise en danger. Certaines compétences de surveillance ne peuvent pas être transférées à l'administration fédérale pour la bonne et simple raison que celle-ci revêt elle-même la qualité d'expropriante dans divers domaines (installations militaires, projets visant à la protection de la nature). Si les tâches de surveillance des commissions d'estimation devaient être retirées au Tribunal fédéral pour le décharger, il conviendrait alors qu'elles soient assumées par le Tribunal administratif fédéral en tant que nouvelle instance de recours contre les décisions des commissions d'estimation (art. 77 du projet de LEx).

3. Rapports avec le TFA Le projet propose l'intégration partielle du Tribunal fédéral des assurances dans le Tribunal fédéral. Le message (ch. 2.4.1.6) se borne, sur ce point, à indiquer les raisons qui devraient plaider en faveur d'une intégration partielle. Il passe sous silence les objections que le Tribunal fédéral a formulées par écrit à l'intention du Département fédéral de justice et police (prise de position du 1er septembre 2000); il ne mentionne pas davantage le fait que la commission d'experts, à la suite d'un examen approfondi de la question, a jugé la solution de l'intégration partielle inadéquate et l'a écartée avec des arguments convaincants (rapport final de juin 1997, p. 37). Le Tribunal fédéral s'oppose à l'unanimité à l'intégration partielle, en substance pour les motifs suivants: 3.1 Les critères déterminants pour justifier une modification de l'organisation judiciaire doivent être la qualité et l'efficacité de la juridiction suprême. L'intégration partielle, avec maintien du siège séparé du TFA à Lucerne, n'apporte à cet égard aucun avantage. N'étant ni dans l'intérêt de la justice ni dans celui des justiciables, elle ne permettrait pas non plus, en fin de compte, de faire des économies. Il en résulterait sans doute une diminution de la qualité de la jurisprudence, car, contrairement à l'avis exprimé dans le message (ch. 2.4.1.5), il ne serait plus possible de procéder à un recrutement sélectif des juges; on ne pourrait plus garantir que les arrêts en matière d'assurances sociales soient rendus par des juges qui se sont spécialisés dans cette branche du droit.

3.2 Le droit des assurances sociales constitue un élément essentiel du droit administratif fédéral; il importe donc que son application reçoive l'aval du Tribunal fédéral en dernière instance. Cette condition est déjà remplie à l'heure actuelle. La coordination de la jurisprudence est assurée grâce à une banque de données commune.

Il n'existe pas aujourd'hui de problèmes de communication particuliers entre les deux tribunaux. L'abandon de l'autonomie organisationnelle du TFA avec maintien du siège séparé à Lucerne n'entraînerait aucun progrès.

5626

3.3 Une administration efficace ne se conçoit qu'avec des organes responsables travaillant sur place. Le transfert de l'administration du TFA à Lausanne n'apporterait aucun avantage, pas même pour le TFA, mais présenterait de sérieux inconvénients du point de vue de l'unité organisationnelle. L'intégration partielle engendrerait d'importantes difficultés d'ordre pratique. Il n'est ainsi guère concevable qu'une personne appelée à présider le Tribunal dans son ensemble puisse assumer efficacement ses tâches de gestion depuis Lucerne. De fréquents déplacements à Lausanne seraient inévitables. La même remarque s'applique aux séances plénières, qui se déroulent plusieurs fois par an et pour lesquelles tous les juges de Lucerne, actuellement au nombre de onze, devraient se rendre à Lausanne, ainsi que pour la direction du Tribunal (les membres lucernois de la direction du Tribunal devraient faire le voyage de Lausanne plusieurs fois par mois, au besoin toutes affaires cessantes). Il ne faut pas non plus négliger l'importance des contacts internes que les juges siégeant à Lausanne entretiennent de manière informelle et dont seraient exclus les juges travaillant à Lucerne.

3.4 Le fait, pour un candidat potentiel à la fonction de juge fédéral, de ne pas savoir si son lieu de travail sera Lausanne ou Lucerne peut dissuader un certain nombre de personnalités aptes à remplir cette fonction de mettre leur nom à disposition pour une candidature.

Le message (ch. 2.4.1.5) expose certes qu'en cas de vacance, il faudrait d'abord examiner et décider si la place vacante pourrait être prise par un juge en fonction qui souhaiterait l'occuper, de sorte que les candidats et l'Assemblée fédérale connaîtraient déjà le lieu de travail du nouveau juge à élire; mais on peut aussi y lire ­ en contradiction avec ce qui précède ­ que l'ancienneté des juges en fonction devrait céder le pas aux compétences du juge nouvellement élu (ch. 4.1.1.2 ad art. 5 et ch. 4.1.1.3 ad art. 16). Quoi qu'il en soit, le mode de faire préconisé sous ch. 2.4.1.5 est exclu par l'art. 16, al. 2, du projet de LTF, qui prescrit de tenir dûment compte des compétences lors de l'attribution des juges aux cours. Il va de soi que si les compétences sont déterminantes à cet égard, l'attribution ne pourra pas se faire en fonction des voeux personnels exprimés
par les juges en place désireux de changer de cour; elle ne saurait du reste intervenir avant l'élection du nouveau juge, dès lors que le Tribunal ­ et pas seulement le Parlement ­ doit, lui aussi, prendre en considération les compétences du nouvel élu. Au demeurant, il est déjà d'usage que le Tribunal fédéral tienne compte des connaissances spéciales et n'attribue un juge à une cour, après une vacance, qu'une fois le nouveau juge élu et avec la collaboration de l'intéressé. Cette manière de procéder satisfait, de surcroît, à l'exigence légitime de fairplay. Cela étant, les défauts de la solution proposée d'un libre passage entre les deux sièges du Tribunal apparaissent clairement.

3.5 Si l'on en croit le message (ch. 2.4.1.6), l'intégration partielle traduirait mieux la volonté du constituant de confier la juridiction suprême de la Confédération à un Tribunal fédéral (art. 188, al. 1, Cst.). Toutefois, la situation actuelle ne prête pas à discussion au regard du droit constitutionnel. Le TFA est, formellement, une partie intégrante du Tribunal fédéral. En outre, la Constitution peut être interprétée d'un point de vue téléologique en ce sens que le Tribunal fédéral y est désigné en tant qu'institution. Considérée sous cet angle, la division du Tribunal fédéral en plusieurs tribunaux autonomes n'est pas exclue par la Constitution fédérale. Celle-ci ne doit d'ailleurs pas être interprétée grammaticalement sur ce point, comme on peut s'en convaincre en examinant la réalité constitutionnelle telle qu'elle a été vécue sous l'empire de l'ancienne Constitution fédérale. En effet, la teneur des art. 103, al.

5627

3, et 114bis, aCst. n'a pas empêché l'Assemblée fédérale d'attribuer au Tribunal fédéral les contestations administratives qui auraient normalement dû être déférées à une cour administrative fédérale; de même, on n'a rien trouvé à redire au fait que les arrêts en matière de droit des assurances sociales ont été rendus depuis 1917 par un Tribunal fédéral des assurances autonome, qui a été rattaché en 1969 au Tribunal fédéral. Au cours des délibérations relatives à la nouvelle Constitution fédérale, aucune voix ne s'est du reste élevée pour remettre en question la situation actuelle.

3.6 Lorsqu'il s'est déterminé sur le projet de la commission d'experts, le Tribunal fédéral n'a pas formulé d'objections à l'encontre d'une intégration totale, pour autant que le droit de procédure puisse être unifié et que, par des restrictions d'accès, l'effectif du personnel, y compris le nombre de juges, puisse être sensiblement réduit. Il est toujours favorable à une intégration totale pour peu que ces conditions de base soient créées, en particulier que les voies de droit dans le domaine des assurances sociales soient aménagées de telle manière que le volume de travail de la juridiction fédérale soit réparti équitablement, dans la mesure du possible, entre toutes les branches du droit. L'institution, évoquée plus haut (ch. 1.2), d'une double instance fédérale pour traiter les affaires d'assurances sociales y contribuerait grandement.

Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal fédéral rejette à l'unanimité la solution proposée de l'intégration partielle, car elle n'entraînerait aucune amélioration par rapport à la situation actuelle dans le domaine de l'activité juridictionnelle et ne permettrait nullement, en fin de compte, de réduire les tâches administratives des deux tribunaux. Dans ce contexte, on ne saurait non plus approuver, en particulier, l'intention esquissée dans le message (ch. 2.4.1.6 à la fin) de profiter de la décharge du Tribunal fédéral pour transférer à Lausanne des compétences en matière de droit des assurances sociales.

4. Répartition des affaires (art. 20 du projet de LTF) 4.1 De lege lata, la pratique est la suivante: les matières sont attribuées aux cours par le règlement. Le Tribunal fédéral fixe périodiquement la composition des cours (répartition des 30 juges dans les 5 cours du Tribunal fédéral) par une décision constitutive. L'attribution des affaires aux différents juges est faite par les présidents de cours en fonction de la langue, de la matière, de la connexité entre les causes et de la charge de travail, sans que l'on renonce toutefois à une certaine flexibilité afin d'assurer une liquidation équitable des diverses affaires dans des délais comparables. Ce système a fait ses preuves. Il tient suffisamment compte du principe du juge établi par la loi.

4.2 Selon l'art. 20 du projet de LTF, qui innove sur ce point, le Tribunal fédéral devrait fixer par voie de règlement la composition des cours appelées à statuer et l'affectation des juges suppléants. En tant qu'il commande de fixer par un acte général et abstrait la composition des cours, le projet est impraticable. La composition des cours et l'affectation des juges suppléants doivent pouvoir s'effectuer de manière flexible en considération, notamment, de la langue, des connaissances spéciales et de la charge de travail. Un système général et abstrait diminue notablement l'efficacité du Tribunal et le danger existe qu'il en résulte un allongement des procédures; il faudrait, le cas échéant, en atténuer les conséquences par un vaste catalogue d'exceptions.

5628

5. Création prioritaire du Tribunal pénal fédéral 5.1 Le message (ch. 2.1.4) part de l'idée que la loi sur le Tribunal fédéral, la loi sur le Tribunal pénal et la loi sur le Tribunal administratif seront adoptées et mises en vigueur à la même date. Ces dernières années, il est apparu clairement que l'absence d'un Tribunal pénal fédéral de rang inférieur constitue l'un des défauts majeurs de l'organisation judiciaire fédérale. C'est pourquoi la création du Tribunal pénal fédéral de première instance est prioritaire. Celui-ci devrait être opérationnel dès que possible. Aussi la loi sur le Tribunal pénal devrait-elle être discutée et mise en vigueur prioritairement, d'autant plus qu'il y a lieu de penser que l'adoption des projets de lois sur le Tribunal fédéral et sur le Tribunal administratif prendra beaucoup de temps.

5.2 Le projet «efficacité» devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2002. Selon toute vraisemblance, le Tribunal pénal fédéral de première instance ne devrait pas être opérationnel d'ici là, raison pour laquelle il faudra trouver une solution transitoire pour décharger la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral. Celle-ci ne pourrait en aucun cas supporter, même pas pour une période transitoire, l'important surcroît de travail qu'engendrera le projet «efficacité», ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà souligné dans la note qu'il a adressée le 22 mai 2000 aux Chambres fédérales.

5629

Prise de position du Tribunal fédéral des assurances du 22 décembre 2000 sur le projet de loi sur le Tribunal fédéral et sur le projet de message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale Sommaire I.

Remarques générales

II. Fusion des deux tribunaux III. Recours unifié IV. Uniformisation de la procédure V.

Organisation et administration

VI. Statut des collaborateurs juristes du Tribunal fédéral VII. Remarques finales

I. Remarques générales (1) A titre préliminaire, il convient de souligner avec toute la clarté nécessaire que le Tribunal fédéral des assurances (TFA) appuie résolument le projet de révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, ainsi que les projets de lois ­ judicieusement coordonnés ­ qui l'accompagnent. La révision tient compte des points essentiels que le TFA a mentionnés dans sa prise de position de principe du 20 juin 2000 à l'intention de la cheffe du Département fédéral de justice et police: (2) La jurisprudence suprême en matière d'assurances sociales est et reste de la compétence du Tribunal fédéral.

(3) Les voies de droit dans le domaine des assurances sociales s'insèrent dans le système d'une protection juridictionnelle concentrée sur l'essentiel, ce qui est un des buts visés par la loi sur le Tribunal fédéral. Il existe une interdépendance entre les mesures proposées.

(4) Les assurances sociales ne sont pas un domaine juridique à part. C'est une branche du droit à laquelle s'appliquent les principes généraux du droit administratif dont elle constitue une partie importante; intégrée dans l'ordre juridique général, elle est étroitement liée au droit international, au droit constitutionnel ou à d'autres domaines, notamment le droit privé.

(5) Il importe de garantir l'unité de la jurisprudence et l'évolution coordonnée du droit. Cette garantie est un des buts novateurs et fondamentaux de la révision totale de l'organisation judiciaire.

(6) La procédure devant le nouveau Tribunal fédéral sera soumise à des règles identiques pour l'ensemble du droit administratif. Il s'agit pour cela d'apporter un correctif nécessaire aux particularités actuelles de la procédure en matière d'assurances sociales (pouvoir d'examen et frais de justice).

5630

II. Fusion des deux tribunaux (7) Le TFA s'en tient à l'objectif, défini dans son rapport susmentionné et selon lequel le Tribunal fédéral et le Tribunal fédéral des assurances doivent fusionner pour former un nouveau Tribunal fédéral.

(8) De cette manière, l'ensemble du droit des assurances sociales sera soumis, en matière de pouvoir d'examen et de frais de justice, aux règles de procédure applicables aux autres domaines du droit administratif. Il en résultera non seulement une réduction sensible du nombre des procédures, mais également un changement dans le mode de liquidation des affaires. Finalement, cette solution mettra un terme aux insuffisances et aux problèmes actuels de coordination en matière de jurisprudence, d'administration de la justice et de communication, ce qui veut dire ­ compte tenu de l'effet de synergie ­ que des motifs d'économie et d'organisation plaident également en faveur d'une réunion des deux tribunaux.

(9) La loi sur le Tribunal fédéral (LTF) est entièrement conçue comme une loi de fusion. Avec la LTF, la réunion institutionnelle des deux tribunaux suprêmes deviendra réalité. Ainsi prendra fin un processus qui a été entamé en 1917 par la création du TFA et qui, passé la période intermédiaire de l'intégration du droit des assurances sociales dans l'organisation judiciaire fédérale (dès 1969), aboutira à la réunion des deux tribunaux dans un nouveau Tribunal fédéral, comme le prévoit l'art. 188, al. 1, Cst. (Sägesser, Die Bundesbehörden, p. 493, ch. 1068).

(10) Il est prévu, logiquement, que le siège du Tribunal fédéral se trouve à Lausanne (art. 4, al. 1). En revanche, il n'est pas juste, à notre avis, d'instituer un deuxième siège à Lucerne (art. 4, al. 2). La réunion institutionnelle implique que la loi se borne à indiquer le lieu (Lucerne) où se trouvent les deux cours décentralisées. Aussi bien l'art. 4, al. 2, devrait-il être ainsi rédigé: «Une à deux cours siègent à Lucerne».

(11) Si, actuellement, une intégration complète ne devait pas être possible, cela ne signifierait pas que deux tribunaux fédéraux autonomes doivent coexister. Ce qui est déterminant, c'est la fusion institutionnelle, consacrée par le projet, du Tribunal fédéral et du TFA en un nouveau Tribunal fédéral (Spira, Faut-il supprimer le Tribunal fédéral des assurances?, RSAS 2000, p. 487 ss).
(12) La création de deux tribunaux suprêmes entièrement séparés, indépendants l'un de l'autre et siégeant en des lieux différents, avec le TFA fontionnant comme autorité de recours de dernière instance spécialisée dans le domaine de l'assurance sociale (situation existant avant le 1er octobre 1969) est une solution qui, pour des motifs d'ordre constitutionnel déjà, doit être écartée d'emblée (cf. supra ch. 9).

(13) Tout aussi fermement faut-il rejeter l'idée de transformer le TFA en un tribunal administratif fédéral spécialisé en droit des assurances sociales, jouissant d'un pouvoir d'examen étendu et dont les décisions seraient ­ avec d'importantes limitations ­ sujettes à recours devant le Tribunal fédéral: (14) La création d'un tribunal administratif fédéral pour le droit des assurances sociales, fonctionnant comme autorité intermédiaire subordonnée au Tribunal fédéral, avec un plein pouvoir d'examen et la gratuité en matière de prestations d'assurance, serait certes de nature à atténuer les effets de l'uniformisation de la procédure et à 5631

opérer un filtrage des causes soumises au Tribunal fédéral. Cependant, si l'on prend en considération la procédure d'opposition, qui s'est développée comme une voie de droit à part entière et dont la généralisation est consacrée à l'art. 52 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), le justiciable pourrait alors faire valoir ses moyens devant quatre instances successives. Vouloir intercaler une autorité judiciaire supplémentaire constituerait une nouveauté en droit administratif.

Ainsi, il serait pour le moins singulier d'attribuer au nouveau Tribunal administratif fédéral ­ appelé à connaître principalement de décisions de l'administration fédérale (cf. p. 4187 sv. du message et art. 29 du projet de loi sur le Tribunal administratif fédéral) ­ des compétences dans un domaine juridique où les décisions des autorités précédentes émanent de juridictions cantonales (tribunaux administratifs ou tribunaux des assurances). En outre, pour les litiges qui relèvent du droit fédéral des assurances sociales, les cantons ont déjà mis sur pied des autorités judiciaires de dernière instance qui fonctionnent bien et qui ont valeur de référence pour le justiciable. Ces juridictions risqueraient d'être démotivées par l'introduction d'une autorité judiciaire supplémentaire au plan fédéral. Enfin, l'instauration d'une autorité de cette nature allongerait encore et de manière importante l'échelonnement des instances, ce qui, compte tenu des expériences récentes, apparaîtrait extrêmement problématique sous l'angle aussi bien de l'art. 29, al. 1, in fine Cst. que des dispositions de la CEDH. Il n'existe pas de motif fondé d'allonger le déroulement de la procédure dans un domaine du droit fédéral où, précisément, la règle de la simplicité et de la rapidité du procès est érigée en principe général. Par conséquent, la transformation du TFA en un tribunal administratif fédéral des assurances sociales, subordonné au Tribunal fédéral, est un modèle d'organisation inadéquat. Vouloir par ailleurs attribuer au Tribunal administratif fédéral la compétence de connaître en dernière instance des litiges dans le domaine des assurances sociales, avec la possibilité d'un recours au Tribunal fédéral pour les seules affaires de principe, est une solution qui apparaît tout aussi inappropriée.

(15) Enfin,
en raison de la fusion institutionnelle du Tribunal fédéral et du Tribunal fédéral des assurances, l'Assemblée fédérale élira des juges au Tribunal fédéral. La possibilité pour un juge de changer de cour («libre passage») qui en résulte est une mesure dont nous nous félicitons et, sur ce point, nous partageons la motivation convaincante du message. Cette possibilité de libre passage d'une cour à une autre concrétise le fait que tous les juges fédéraux sont les juges suprêmes du pays et non pas, d'abord, des juges spécialisés dans un domaine particulier. On ne voit pas de raison objective qui militerait à l'encontre du libre passage.

III. Recours unifié (16) Le TFA approuve l'introduction du recours unifié. Il s'agit là d'un des objets les plus importants de la révision. Cette mesure, qui répond à l'exigence d'équité du procès, simplifiera considérablement le régime actuel et complexe des voies de droit et le rendra plus proche du citoyen.

(17) Le changement de système lié à la réglementation du recours unifié introduit une ligne de démarcation en fonction du domaine juridique dont relève la question à trancher. Le facteur de rattachement à un type de recours dépend de la nature du rapport juridique qui est à la base du litige.

5632

(18) Par conséquent, diverses possibilités restent ouvertes pour la répartition des matières entre les différentes cours du Tribunal fédéral. Par exemple, on pourrait envisager d'attribuer à une cour les affaires relevant du droit social au sens large et pas seulement du droit des assurances sociales au sens traditionnel (cf. la remarque analogue en p. 4083 du message, ad art. 16).

IV. Uniformisation de la procédure (19) On l'a vu, il n'existe plus de raison d'accorder au droit des assurances sociales un statut particulier en matière de procédure. Ce postulat trouve clairement son expression dans la structure, convaincante, et la logique de la LTF. Nous souscrivons dès lors pleinement au système proposé d'uniformisation de la procédure (conséquence de l'introduction du recours unifié), qui englobe le droit des assurances sociales. Du point de vue de la politique sociale, cette solution est tout à fait défendable.

(20) Nous approuvons aussi la proposition de limiter le pouvoir d'examen, également pour les prestations d'assurances sociales, au seul contrôle de l'application du droit.

(21) A titre de mesures d'accompagnement, nous suggérons d'inclure dans le projet la proposition discutée par le groupe de travail constitué en juin 2000 (message, p. 4036, note 2 en bas de page), mais qui n'a pas été reprise dans le message. Cette proposition visait à instaurer un pouvoir d'examen différencié pour certains domaines sensibles du droit (donc pas seulement pour certaines parties du droit des assurances sociales, mais aussi, par exemple, en matière de bail à loyer, de droit du travail et de droit de la tutelle, ou encore dans le domaine des assurances complémentaires régies par la loi sur le contrat d'assurance). Dans ce contexte, on rappellera aussi que l'art. 80 al. 2 LTF n'exclut pas l'institution d'une deuxième instance cantonale ­ ou d'une autorité commune à plusieurs cantons (cf. art. 191b, al. 2, Cst.) ­ pour tous les domaines du droit public et donc aussi pour celui des assurances sociales. L'instauration d'une autorité cantonale supplémentaire impliquerait cependant une modification de l'art. 57 LPGA. Cette mesure présenterait en outre, jusqu'à un certain point, les inconvénients signalés sous ch. 14. Mais la création de tribunaux cantonaux (ou intercantonaux) comme autorités immédiatement subordonnées au Tribunal fédéral, avec un plein pouvoir d'examen, opérerait un filtrage des affaires, sans pour autant remettre en cause la création, telle qu'elle est prévue, d'un Tribunal administratif fédéral appelé à remplacer les commissions fédérales de recours et les services de recours des départements.

(22) Nous sommes convaincus que la généralisation de la procédure d'opposition
(art. 52 LPGA) atténuera les effets d'une limitation du pouvoir d'examen au contrôle de l'application du droit. Il est dans l'intérêt d'une protection juridictionnelle raisonnable, efficace et économique de pouvoir rectifier un état de fait inexact, peu clair ou imprécis au stade déjà d'une procédure administrative proche du justiciable.

Comme le démontre du reste l'expérience, la procédure d'opposition a un effet de décharge important pour les tribunaux cantonaux des assurances.

(23) Le TFA approuve l'introduction d'une procédure onéreuse pour toutes les causes, y compris les litiges en matière de prestations d'assurances sociales.

5633

(24) La réglementation particulière de l'art. 61, al. 4, LTF pour les prestations d'assurances sociales est une mesure qui, à notre avis, n'a pas sa place dans la systématique du projet de loi, dès lors que ­ conformément au principe de l'uniformisation de la procédure ­ ce projet ne contient plus aucune norme spéciale pour le contentieux de l'assurance sociale. Les modestes limites pour la fixation de l'émolument prévues par cette disposition profiteront aussi, de manière générale, aux institutions d'assurance et ne tiennent pas compte du fait qu'il existe (en plus des cas de rente) des domaines où la valeur litigieuse est très élevée (par exemple les prestations de sortie dans la prévoyance professionnelle surobligatoire). Un émolument compris entre 200 francs et 1000 francs se situe dans des limites beaucoup trop étroites. C'est pourquoi il ne nous paraît pas nécessaire de prévoir ici une réglementation spéciale pour les litiges relevant des assurances sociales. L'art. 61, al. 2, LTF, selon lequel l'émolument est fixé en fonction de la situation financière des parties, offre une garantie suffisante. Si, pour des motifs de politique sociale, on veut aller plus loin, il est en tout cas nécessaire de faire figurer l'al. 4 sous une let. c de l'al. 2, de telle sorte que, pour ce type de litiges également, les montants-limites puissent être majorés.

V. Organisation et administration (25) Le TFA approuve les dispositions très larges du projet dans le domaine de l'organisation et de l'administration (administration propre dans le sens de la réforme de la justice; art. 188, al. 3, Cst.), qui permettent au tribunal de réagir de manière flexible par la voie de son règlement. En particulier, il est juste, du point de vue de l'autonomie du Tribunal fédéral, que la LTF ne fixe pas le nombre des cours et ne définisse pas non plus les matières qui leur seront attribuées.

(26) Comme le relèvent à juste titre les auteurs du message (p. 4044), il appartiendra au tribunal de décider par voie réglementaire si et dans quelle mesure l'administra-tion du tribunal sera fractionnée en unités disposant d'une plus grande autonomie.

VI. Statut des collaborateurs juristes du Tribunal fédéral (27) Dans notre prise de position du 29 janvier 1998 sur le projet de la commission d'experts concernant une loi fédérale sur le Tribunal fédéral, nous avons largement discuté du statut des collaborateurs juristes du Tribunal fédéral et formulé à ce sujet diverses propositions. C'est ainsi que nous avons exposé que la majorité des cas est aujourd'hui traitée de manière indépendante par les collaborateurs et collaboratrices juristes, lesquels rédigent un projet d'arrêt qui est soumis à l'examen et à l'approbation du juge délégué, avant d'être transmis au tribunal pour décision. L'art. 22, al.

2, ne reflète pas entièrement l'importance des responsabilités liées à cette activité des greffiers, dont le message se fait pourtant à juste titre l'écho (p. 4086). En référence à l'art. 7, al. 2, du règlement du TFA du 16 novembre 1999 (RS 173.111.2), l'activité des greffiers devrait être définie comme suit: «Les greffiers participent à l'instruction des causes et à leur jugement. Ils élaborent des rapports, avec ou sans instruction du juge délégué. Ils ont voix consultative.»

5634

Compte tenu des responsabilités évoquées ci-dessus dans le cadre du processus de décision du tribunal et du fait que la voix consultative doit s'exercer à l'abri de toute influence, on peut se demander s'il ne conviendrait pas, en outre, de prévoir dans la loi ­ comme c'est le cas aujourd'hui (art. 7, al. 2, OJ) ­ une période administrative d'une certaine durée pour les greffiers.

(28) Il est regrettable que le message ne s'exprime pas sur d'autres modèles de collaboration et sur le plan de carrière des greffiers, comme nous l'avons proposé dans notre prise de position du 29 janvier 1998.

(29) Le terme «greffier» ne reflète pas suffisamment la nature de l'activité et la fonction à responsabilités des collaborateurs juristes du Tribunal fédéral; il pourrait être remplacé par le terme de «référendaire» (en allemand: Gerichtsreferent»).

(30) Enfin, les collaborateurs du Tribunal fédéral, contrairement à la situation actuelle (cf. l'art. 58, al. 2, let. b, ch. 1 et 2, StF; RS 172.221.10, de même que l'art. 36, al. 2, de la loi sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000) seront les seuls salariés en Suisse qui n'auront pas accès à un tribunal indépendant en cas de contestation en matière de droit du personnel (cf. art. 29, let. a et b, LTA et art. 36 de la loi sur le personnel de la Confédération selon la version de l'annexe à la LTA). Il convient donc de créer une voie de recours externe au tribunal, également pour le personnel du Tribunal fédéral.

VII. Remarques finales (31) Un volume de travail écrasant, des tâches administratives importantes qui incombent à la direction du tribunal, des travaux de coordination et d'administration de la justice pèsent aussi bien sur le collège des juges que sur les collaboratrices et collaborateurs du tribunal. Le risque latent existe que les tâches essentielles d'une cour suprême, qui sont notamment de veiller à l'unité de la jurisprudence et à un développement coordonné du droit, ne puissent plus être garanties de manière satisfaisante. Avec le temps, il apparaît de plus en plus que le système d'organisation en vigueur depuis plus de trente ans ne satisfait plus aux exigences actuelles et qu'il est dès lors dépassé. Grâce aux nouvelles dispositions constitutionnelles introduites par la réforme de la justice, il existe aujourd'hui une occasion unique d'organiser de façon innovatrice la protection juridictionnelle sur les plans institutionnel, procédural et personnel, en d'autres termes et pour prendre formule imagée, de bâtir une nouvelle maison, au lieu de conserver un assemblage disparate ou de rénover un vieil édifice avec des moyens de fortune. Le projet de loi et le message qui l'accompagne nous offrent cette chance et répond de manière optimale à notre préoccupation majeure pour l'avenir: la fusion des deux tribunaux dans un nouveau tribunal et l'uniformisation de la procédure.

Lucerne, le 22 décembre 2000

5635