01.067 Message concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale du 7 novembre 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre, en vous proposant de les approuver, les deux crédits d'engagement et les six crédits supplémentaires nécessaires au financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 novembre 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-2445

6087

Condensé Créée en 1931 avec le soutien de la Confédération, la compagnie aérienne Swissair était devenue avec le temps un fleuron de l'économie suisse et de l'aviation internationale. L'ouverture des marchés aériens et la privatisation partielle des entreprises aériennes, lancées dans les années 80 aux États-Unis et poursuivies dès le début des années 90 en Europe, ont contraint notre entreprise nationale d'aviation à rechercher des stratégies en vue d'assurer sa survie. L'échec de ces stratégies, mais surtout le fait que les mesures visant à rectifier la situation ont été prises trop tard et avec trop d'hésitations et que la crise mondiale de l'aviation civile a été aggravée par les conséquences des tragiques attentats du 11 septembre 2001, ont mené les entreprises de la holding SAirGroup, dont Swissair, dans une situation financière sans issue.

L'existence d'une compagnie aérienne active au niveau intercontinental est d'une importance capitale pour la place économique suisse. Au vu des retombées négatives considérables sur l'économie et l'emploi qu'aurait provoqué une absence de réaction, la Confédération a accepté de participer au financement d'un programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale susceptible de contribuer au maintien d'un hub zurichois performant. Ce programme charge Crossair de reprendre une partie de la flotte (jusqu'à 26 moyen-courriers et 26 long-courriers) et des lignes précédemment exploitées par Swissair. Malgré la réduction du nombre de vols et de destinations, il permettra d'assurer la présence du pays au niveau tant européen qu'intercontinental et de maintenir les liaisons internationales directes qui sont indispensables au bon fonctionnement de notre économie.

La réalisation du programme engendrera des coûts très importants et ne sera pas sans risques. Aussi la Confédération a-t-elle très tôt cherché à obtenir le soutien de tous les acteurs intéressés à l'existence d'une compagnie aérienne à vocation intercontinentale basée en Suisse. Selon les accords trouvés, des quelque 4 milliards de francs indispensables à la réalisation du programme, la Confédération apportera 1,6 milliard sous deux formes. Six cents millions de francs représentent le montant souscrit par la Confédération à l'augmentation du capital de la nouvelle société.

Un prêt d'un milliard
de francs, par ailleurs, est accordé à Swissair pour lui permettre de financer une activité de vol réduite durant l'horaire d'hiver 2001-2002.

Avec l'assentiment de la Délégation des finances, le Conseil fédéral s'est juridiquement engagé à verser les montants figurant ci-dessus. Conformément à la loi sur les finances de la Confédération, les crédits d'engagement et les crédits de paiement qui en découlent sont maintenant, par le biais du présent message, soumis à l'approbation ultérieure du Parlement. Les autres crédits de paiement de moindre importance, également soumis à l'approbation du Parlement, sont une conséquence directe du programme de redimensionnement choisi. Ils concernent non seulement les dépenses de l'administration pour la gestion de ce projet (recours à des conseillers extérieurs), et les frais d'émission des mesures de refinancement nécessaires mais aussi le financement de la poursuite de l'enquête comptable sur les causes de la débâcle de SAirGroup et les responsabilités en la matière.

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Dans l'urgence causée par l'immobilisation au sol inattendue de la flotte de Swissair, le Conseil fédéral a, le 3 octobre 2001, avec l'assentiment de la Délégation des finances, déjà accordé un premier prêt de 450 millions de francs à Swissair. Ce prêt a servi à assurer le maintien des dessertes selon un horaire réduit de vol durant le mois d'octobre. Le 4 octobre 2001, le Conseil fédéral s'est expliqué de cette décision devant les Chambres qui l'ont, dans leur majorité, soutenu. Ce prêt de 450 millions doit être rajouté aux 1,6 milliard de francs évoqués ci-dessus pour mesurer l'importance de l'effort financier consenti par la Confédération afin de permettre la réalisation du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale.

L'économie supportera un montant comparable, à savoir 1,6 milliard de francs, sous la forme d'apports de capitaux en faveur de la nouvelle compagnie d'aviation.

Les cantons aéroportuaires, les sociétés exploitant les aéroports ainsi que les banques (UBS, CSG, BCZ) fourniront, par le biais de crédits-relais, des liquidités à court terme aux entreprises connexes du groupe Swissair nécessaires au fonctionnement des services aériens. Jusqu'à la vente de ces entreprises, la capacité de fonctionnement des infrastructures des aéroports devrait ainsi pouvoir être assurée.

Le programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale, établi dans un très court laps de temps, réunit autour de lui tous les acteurs directement concernés par l'avenir d'une compagnie d'aviation nationale à vocation intercontinentale. Les efforts entrepris par toutes les parties impliquées démontrent que le secteur privé et l'Etat sont capables de se mobiliser pour surmonter conjointement une crise.

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Message 1

Partie générale

1.1

Situation initiale

1.1.1

Bref historique

Swissair Schweizerische Luftverkehr Aktiengesellschaft (Compagnie suisse de navigation aérienne Swissair SA) est née le 26 mars 1931 de la fusion de «Balair», société anonyme d'aviation bâloise et de «Ad Astra-Aero», société anonyme suisse d'aviation, Zurich. Ayant son siège à Zurich, Swissair avait pour but, selon l'art. 1 de ses statuts, l'exploitation du transport aérien en Suisse et à l'étranger, consistant dans le transport régulier de personnes, de marchandises et du courrier postal ainsi que l'exercice de toutes les activités connexes à la navigation aérienne. Après avoir étendu sa flotte et son réseau au trafic intercontinental, avec une aide initiale de la Confédération, Swissair est devenue l'une des plus grandes entreprises du pays. Elle a connu le succès pendant de nombreuses années et se situait dans la moyenne parmi les entreprises d'aviation de ligne actives au niveau international. Elle desservait 130 destinations dans plus de 70 pays.

Sur la base de l'art. 103 de la loi fédérale sur l'aviation (LA; RS 748.0), aujourd'hui abrogé, la compagnie aérienne nationale, Swissair, société à caractère mixte, a obtenu le droit d'exploiter le réseau interne, continental et intercontinental déclaré d'intérêt général par l'autorité concessionnaire. Cette disposition a conféré à Swissair un monopole de fait en matière de transport aérien suisse. Le 19 décembre 1966, les droits et les devoirs de Swissair ont pour la première fois été expressément consignés dans une concession.

Sur un arrière-fond de libéralisation en Europe et après la décision de Swissair de transférer de Genève à Zurich la plus grande partie de ses vols de ligne intercontinentaux, le Conseil fédéral a chargé, en date du 8 mai 1996, l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) de réviser l'art. 103 LA dans le sens d'une ouverture du marché. Le message du Conseil fédéral du 28 mai 1997 (FF 1997 III 1058) explicitait les nouvelles conditions cadres qui devaient permettre à Swissair de passer de son statut privilégié à une véritable situation de concurrence. Les modifications de la loi sur l'aviation ont été approuvées par les deux Chambres à une écrasante majorité et sont entrées en vigueur le 15 novembre 1998.

Selon les dispositions transitoires, les droits découlant de concessions existantes restaient acquis pour autant qu'ils
aient été effectivement exercés au moment de l'entrée en vigueur des modifications. La concession de Swissair, prolongée la dernière fois en 1993, serait arrivée à échéance à fin 2008.

6090

1.1.2

Relations entre la Confédération et Swissair

Dans le cadre de la restructuration de Swissair et de la constitution d'une holding, le Conseil fédéral a décidé, en date du 9 avril 1997, de concentrer la participation fédérale sur SAirGroup. Cette participation a aujourd'hui pour base légale l'art. 102 LA. Celui-ci prévoit que la Confédération peut participer à des entreprises exploitant des aérodromes et à des entreprises de transport aérien lorsque l'intérêt général le justifie.

La Confédération détient à l'heure actuelle plus de 368 000 actions de SAirGroup d'une valeur nominale de 69 francs, ce qui correspond à une part de 3 % environ du capital-actions de la société (877,4 millions de francs). La Confédération et le canton de Zurich sont les deux actionnaires individuels les plus importants. Le paquet d'actions détenu par la Confédération figure au bilan à la valeur nominale sous la rubrique patrimoine administratif. Même si l'obligation de la Confédération de participer au capital de Swissair est devenue caduque suite à la suppression de l'art. 103 LA, la Confédération a renoncé à vendre sa participation au capital de SAirGroup, en justifiant cette décision par le fait qu'il fallait préserver l'intérêt public et aussi éviter des effets négatifs sur les cours en bourse de l'action.

Jusqu'au printemps 1999, le gouvernement était représenté au sein du conseil d'administration de SAirGroup, en principe par le secrétaire général du DETEC et des membres de la direction générale des PTT ou des CFF. Le retrait des représentants de l'État du conseil d'administration de SAirGroup est une conséquence directe de la suppression de l'art. 103 LA, ce qui a conduit à une dissociation entre la Confédération et Swissair. En lieu et place d'une représentation des pouvoirs publics au conseil d'administration, un conseil consultatif a été créé, dans lequel des institutions publiques et privées étaient représentées. La tâche de ce conseil était de faire valoir les intérêts des différents partenaires de SAirGroup et d'exercer une fonction consultative dans les prises de décision de l'entreprise.

La surveillance de la Confédération sur les entreprises de transport aérien s'étend uniquement à l'examen des conditions nécessaires à un service aérien fiable du point de vue technique et organisationnel. La Confédération ne vérifie donc pas si une entreprise fait
des affaires rentables ou si les actionnaires et les créanciers sont à l'abri de pertes financières. La fixation des objectifs stratégiques et la responsabilité financière sont du ressort exclusif des organes responsables de l'entreprise qui évolue dans le cadre de l'économie privée.

C'est pour cette raison que la surveillance de la Confédération sur la conduite des affaires de l'entreprise est limitée: ce n'est que lors de l'octroi initial d'une autorisation d'exploiter qu'on examine sommairement si certaines conditions financières sont remplies. Lors du renouvellement d'une autorisation d'exploiter, la situation financière et la tenue d'une comptabilité fiable sont examinées sur la base des rapports de gestion et des rapports des vérificateurs des comptes. La législation sur la navigation aérienne ne prévoit pas de contrôle permanent de la santé économique des entreprises de transport aérien.

En décembre 2000, lors du dernier renouvellement de l'autorisation d'exploiter, Swissair a pu rendre vraisemblable qu'elle disposait des moyens financiers nécessaires pour faire face aux besoins d'un service aérien fiable du point de vue technique et organisationnel. Par conséquent, l'OFAC n'avait aucune raison de refuser le renouvellement ordinaire de l'autorisation.

6091

Depuis la réorganisation du groupe Swissair en 1997, la surveillance de l'OFAC prévue par la législation sur l'aviation se limite à la compagnie d'aviation Swissair car elle seule, et ni la holding SAirGroup ­ dans laquelle la Confédération détient une participation de 3 % ­ ni SAirLines, détient une autorisation d'exploitation ou une concession de routes de la Confédération.

1.1.3

La crise chez Swissair

Lorsque les premiers signes de libéralisation dans la Communauté européenne (CE) sont apparus, à la fin des années 80, la Suisse a immédiatement cherché un terrain d'entente avec les pays membres en réglementant ses liaisons aériennes par un accord commun avec la Communauté. Mais l'intégration d'un grand nombre de marchés régulés des transports aériens dans un unique espace européen libéralisé s'est révélée beaucoup plus complexe qu'une déréglementation à l'intérieur d'un seul État (USA), dont les entreprises de transport aérien ont traditionnellement toujours été en mains privées. La privatisation (partielle), amorcée au début des années 90, des entreprises européennes aux mains des pouvoirs publics était donc une conséquence directe de la libéralisation du ciel européen. L'intégration des différents marchés nationaux des transports aériens s'est achevée en 1997 dans l'Union européenne (UE) par le biais d'un troisième paquet de mesures de libéralisation.

L'accord sur l'Espace économique européen (EEE) prévoyait une intégration complète du transport aérien suisse dans l'espace européen. Une telle intégration était particulièrement importante pour les entreprises suisses d'aviation afin qu'elles puissent lutter à armes égales contre leurs principaux concurrents européens. Après le rejet de l'EEE par le peuple en décembre 1992, il ne restait à la Suisse que la voie des accords bilatéraux pour réglementer les transports aériens avec l'UE. Un mois à peine après la votation sur l'EEE, le Conseil fédéral donnait mandat d'entamer des négociations avec l'UE. L'accord sur le transport aérien a été signé le 21 juin 1999; son entrée en vigueur est subordonnée à l'achèvement du processus de ratification de l'accord sur la libre circulation des personnes par les parlements des différents membres de l'UE. Les pays qui n'ont pas encore ratifié cet accord, à savoir la Belgique, la France et l'Irlande, devraient le faire encore avant la fin de l'année. Les sept accords sectoriels conclus en 1999 entreront en vigueur ensemble le premier jour du deuxième mois suivant la dernière notification du dépôt des instruments de ratification.

Au début des années 90, Swissair envisageait un accord de collaboration avec les trois compagnies d'aviation KLM (Pays-Bas), SAS (pays scandinaves) et AUA (Autriche); leur système de
transport aurait reposé sur sept plaques tournantes principales, à savoir Amsterdam, Copenhague, Oslo, Stockholm, Vienne, Genève et Zurich. Le projet a finalement échoué avant la fin de 1994 principalement parce que les quatre compagnies n'ont pas réussi à s'entendre sur le choix du partenaire américain (Delta Air Lines ou Northwest Airlines).

Pour conserver son indépendance, SAirGroup a pris en 1997 une décision lourde de conséquences en optant pour une stratégie de recherche de partenaires (appelée «hunter strategy» ou stratégie du chasseur). Celle-ci prévoyait une alliance entre Swissair, Sabena, Austrian Airlines et Delta Airlines pour élargir la palette des partenaires européens de SAirGroup, à savoir Finnair, Malev, TAP et Air Lingus.

6092

L'objectif était de sauvegarder l'indépendance de Swissair tout en gardant ouvertes les possibilités d'un rattachement à un système aérien de grande envergure. Le conseil d'administration a approuvé ce projet en 1998.

Un événement a déclenché le réexamen de cette stratégie: le passage de Delta Airlines chez Air France et le départ d'Austrian Airlines du groupe Qualiflyer en 1999. Par la suite, le conseil d'administration a approuvé le choix d'American Airlines comme nouveau partenaire de Swissair et de Sabena.

En janvier 2001, les facteurs qui ont conduit à un changement de stratégie ont été principalement d'ordre financier et concernaient aussi bien les résultats financiers insatisfaisants que les besoins de financement des participations. Ces mauvais résultats faisaient suite à une évolution néfaste des affaires dans la deuxième moitié de l'an 2000 et à l'insécurité croissante quant à la situation de l'industrie du transport aérien.

1.2

Les motifs de l'intervention de la Confédération

1.2.1

Politique des transports

La navigation aérienne fait partie du système global des transports et est étroitement liée à d'autres domaines politiques, en particulier la politique sociale, économique, environnementale et financière. Les objectifs de la politique du transport aérien doivent être définis en fonction de tous ces paramètres. L'aviation civile, faisant partie intégrante du système des transports nationaux et internationaux, doit remplir son rôle de manière sûre, efficace et durable tout en tenant compte des besoins fondamentaux de la société, de l'économie et de l'environnement. Font partie des tâches qui lui incombent: ­

le maintien des acquis sociaux de la mobilité pour tous les groupes sociaux dans toutes les régions et la promotion des transports publics;

­

le soutien de la qualité de la place économique suisse et de sa compétitivité;

­

la connection de la Suisse aux pays européens et au reste du monde;

­

l'action coordonnée avec les autres moyens de transport en tenant compte des avantages spécifiques de chacun d'eux.

Le but de la politique suisse du transport aérien consiste, tout en limitant au maximum les interventions de l'État, à garantir des conditions cadres permettant que les tâches d'intérêt général relevant du domaine des transports nationaux et internationaux soient prises en charge de manière sûre, efficace et respectueuse de l'environnement. Ce faisant, il convient de tenir compte de l'évolution internationale. Les entreprises suisses de transport aérien sont des instruments importants pour l'économie d'exportation. La Suisse, ouverte au monde, tournée vers l'exportation et fortement axée sur le tourisme a besoin de liaisons aériennes avec l'étranger. L'attractivité et la compétitivité de la place économique suisse se trouveraient fortement réduites si notre pays ne disposait pas de bonnes liaisons aériennes directes avec les principaux centres du monde entier, telles qu'elles sont offertes par les autres hubs européens. En étant privées de ces liaisons directes, les entreprises suisses de services actives au niveau international subiraient dans de nombreux cas de graves désavantages concurrentiels. De plus, il est incontesté que beaucoup d'entreprises étrangères ont précisément choisi de s'établir en Suisse parce que notre 6093

pays offre des vols directs permettant d'économiser du temps et d'éviter des vols fastidieux pour rejoindre d'autres hubs européens. C'est pourquoi des liaisons directes avec les centres commerciaux et industriels du monde entier sont vitales pour le développement politique, économique et social de notre pays.

Le Conseil fédéral a adopté le 18 octobre 2000 les grandes lignes du plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique (PSIA). Outre une collaboration accrue des différents systèmes de transport, une protection globale de l'environnement et une coordination spatiale, le PSIA préconise avant tout une utilisation efficace des aéroports existants. L'infrastructure aéronautique nécessaire à notre pays doit couvrir les besoins en mobilité le plus économiquement possible et en respectant au mieux l'environnement.

Le PSIA souligne l'importance de nos aéroports nationaux en développant les principes suivants: ­

Les aéroports nationaux sont les plate-formes aéroportuaires nationales du trafic aérien international et font partie du système global des transports.

L'aéroport de Zurich doit pouvoir assumer son rôle comme l'une des grandes plate-formes aéroportuaires européennes du transport aérien mondial. Les aéroports de Bâle-Mulhouse et de Genève doivent pouvoir remplir leur fonction tri- et binationale axée sur les vols intercontinentaux nécessaires à l'échelon régional et sur le trafic aérien européen et se développer en conséquence.

­

Sur les aéroports nationaux, la priorité revient au trafic de lignes.

­

Les aéroports nationaux doivent coopérer entre eux et tirer parti des possibilités économiques qui s'offrent à eux pour une répartition judicieuse des tâches.

­

Les aéroports nationaux doivent offrir une infrastructure performante, conforme à la fonction qu'ils remplissent. Les étapes d'extension requises doivent être engagées en temps utile et optimisées, compte tenu des critères de l'aménagement du territoire et des aspects économiques, écologiques et sociaux.

Malgré l'évolution négative que subit actuellement le transport aériens mondial et la crise que traverse Swissair, il n'y a pas de raison de déroger à ces principes. La planification à longue échéance doit continuer à se fonder sur les prévisions à long terme à la base du PSIA.

1.2.2

Politique de l'emploi

Étant donné certaines évolutions imprévisibles et les événements survenus, le secrétariat d'État à l'économie a procédé le 25 octobre 2001 à une nouvelle appréciation de la situation conjoncturelle. Il a tenu compte en particulier du ralentissement de la conjoncture mondiale, plus accentué que prévu, des attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux USA et des baisses des taux directeurs qui ont été décidées. Concernant la Suisse, ce sont la crise chez Swissair et la force du franc qui ont été retenues.

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En Suisse, l'activité économique s'est fortement ralentie au milieu de l'année 2001.

En particulier, les investissements des entreprises et ­ dans le sillage d'un commerce mondial donnant des signes de faiblesse ­ les exportations ont perdu de leur dynamisme. Pour 2001, le groupe d'experts des questions conjoncturelles de la Confédération évalue la croissance à 1,6 %, après certaines corrections. Au cours de la deuxième moitié de 2002 la reprise devrait se manifester, même si les restructurations dans l'aviation suisse la tempèreront. On attend pour 2002 une croissance moyenne annuelle de 1,3 %. Le chômage augmentera quant à lui en 2002 pour atteindre le chiffre de 80 000 chômeurs, ce qui correspond à un taux de chômage de 2,2 %. Le renchérissement reste modeste. Pour l'année 2003, on peut s'attendre à un taux de croissance à la limite du potentiel (+ 2 %).

La mise en oeuvre du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale1 prévoit que 26 avions moyen-courriers et 26 avions long-courriers de Swissair seront repris par Crossair. Ce scénario doit être comparé à celui selon lequel Swissair suspendrait totalement ses activités.

Si le nombre d'emplois perdus devait être bien supérieur à ce que prévoit le scénario 26/26, il faudrait tenir compte du fait que l'hémorragie aurait lieu dans un climat conjoncturel beaucoup plus dur que celui de l'année dernière. Selon toute vraisemblance, cela aggraverait encore la tendance au fléchissement de la consommation.

Les investissements et les exportations de prestations de service subiraient également des effets négatifs. Il est impossible pour l'instant de chiffrer concrètement l'incidence de tels effets sur le PIB.

Avec le scénario 26/26 et sur la base des plans actuels, il est prévu que SAirGroup supprimera 4500 postes à plein temps en Suisse, ce qui équivaut à licencier 5000 personnes. D'après une estimation de l'Office de l'économie et du travail zurichois, 3100 d'entre elles devraient pouvoir retrouver rapidement un emploi. En revanche, il faudrait prévoir des mesures de réinsertion particulières pour 1500 personnes. Les effets indirects (sur les sous-traitants de toute la Suisse ainsi que sur les secteurs dépendant de l'aviation) devraient se traduire par 6000 licenciements supplémentaires.

Avec le scénario 0/0, prévoyant la suppression
de tous les vols court et longcourriers, il aurait fallu s'attendre à court terme à 35 000 licenciements (effets directs et indirects), à savoir au bas mot trois fois plus qu'avec le scénario 26/26. Ces licenciements auraient touché en premier lieu la région de Zurich. Une partie de ceux-ci auraient été directement imputables à la disparition de Swissair (Swissair, entreprises connexes et sous-traitants); en revanche, une autre partie de ces licenciements dépendrait de la manière dont l'aéroport de Zurich arriverait à se développer. Dans un tel scénario, d'autres compagnies d'aviation pourraient certes satisfaire partiellement la demande de services aériens. Par conséquent, toutes les activités liées au transport aérien effectuées par Swissair ne seraient pas supprimées.

Mais un tel scénario comporterait le danger d'une influence néfaste pour la place économique suisse. De plus, il entraînerait des effets très négatifs pour le tourisme et d'autres activités annexes.

A court terme, les effets négatifs d'une suppression d'emplois sur le marché du travail national et régional, et donc sur le chômage, dépendent fortement de la demande actuelle de main-d'oeuvre. Il convient de mentionner à cet égard que le marché suisse du travail, en dépit d'un ralentissement conjoncturel qui se dessine, affiche 1

Pour la description du programme, cf. ch. 2.1

6095

une assez bonne santé. A fin septembre 2001, le taux de chômage s'élevait à 1,7 %, un niveau remarquablement bas.

Il n'en reste pas moins que des licenciements en masse par l'entreprise Swissair tomberaient à un très mauvais moment. En effet, le marché du travail accuse ces derniers mois un fléchissement marquant de la croissance des emplois et une légère hausse du chômage et se trouve, peut-être, à un tournant critique. Rien que les pertes d'emplois consécutives au scénario 26/26, risquent déjà d'entraîner un déséquilibre du marché du travail. Il faut également tenir compte du fait que toutes les personnes licenciées ne retrouveront pas facilement du travail et qu'elles sont fortement concentrées dans la région de Zurich. A l'inverse, il faut aussi considérer que chaque licenciement ne se traduit pas forcément par du chômage et que la durée probable de chômage pour une grande partie des travailleurs concernés devrait être bien inférieure à un an. Dans le canton de Zurich, une augmentation du nombre des chômeurs de 7000 personnes équivaut à une hausse du taux de chômage cantonal d'un point de pourcentage. Le taux national de chômage augmente d'un dixième de point de pourcentage pour 3600 chômeurs supplémentaires.

Dans une perspective à court et moyen termes, la suppression partielle de différentes activités liées au transport aérien entraînera de facto pour le marché du travail une importante dévalorisation d'un savoir-faire très spécifique. C'est une perte en termes de capital humain. Par le redimensionnement de l'aviation civile, les connaissances très pointues dont disposent les spécialistes des transports aériens ne seront plus demandées et perdront donc de leur valeur. Il faudra réinvestir dans la formation d'un nouveau capital humain pour faciliter les reconversions et les adaptations à de nouvelles structures. C'est pourquoi un transfert en bon ordre des activités et du personnel de Swissair à Crossair contribuera grandement au maintien de la valeur de ce capital humain spécifique.

A côté de ces considérations relatives à Swissair, le Conseil fédéral a aussi tenu compte de l'importance du hub de Zurich pour l'économie nationale. Une faillite de Swissair comporterait le risque que l'aéroport perde une partie du rôle majeur qu'il joue dans les transports aériens intercontinentaux.
Les retombées économiques de l'aéroport se subdivisent en effets à court terme sur les revenus et l'emploi et en effets à long terme sur la croissance et les structures.

De plus, les retombées peuvent être directes ou indirectes (par l'influence de l'aéroport sur d'autres secteurs). Ces dernières sont d'ailleurs beaucoup plus importantes; si l'on s'en tient à des études empiriques (Francfort, Amsterdam, Atlanta, Los Angeles), l'effet multiplicateur se situe entre 1,5 et 2,0.

a) Effets sur les revenus et l'emploi Selon une étude de l'Ecole des Hautes Etudes de Saint-Gall réalisée en 1991 sur l'importance de l'aéroport de Zurich pour la Suisse, celui-ci génère, compte tenu des effets directs et indirects, 9 % environ du revenu cantonal et presque 2 % du revenu national. A peu près la moitié des recettes générées profite à des secteurs en dehors de la région de l'aéroport et plus de 40 % à des secteurs hors du canton de Zurich. A peu près 100 000 habitants dépendent directement ou indirectement de l'aéroport de Zurich pour l'acquisition de leur revenu.

6096

Si l'on en croit une étude empirique, 1 million de passagers supplémentaires contribuent à créer 1100 emplois directs auprès des compagnies d'aviation et des aéroports, 1100 emplois indirects (sous-traitants, consommation) ainsi que 1800 emplois divers induits par une plus grande attractivité de la place. L'aéroport de Zurich, en raison de la demande croissante de trafic, exerce donc une incidence positive sur l'évolution de l'emploi en Suisse. Même en période de stagnation économique, entre 1991 et 1996, la région de l'aéroport a vu le nombre des emplois augmenter légèrement alors qu'au niveau suisse on enregistrait un recul de 7 %.

b) Effets sur la croissance et les structures De bonnes liaisons au niveau national et international constituent un facteur important pour l'implantation de beaucoup d'entreprises. L'aéroport de Zurich constitue donc un atout supplémentaire car il renforce l'attractivité de la place économique suisse. Pour certains secteurs d'activité, en particulier les services à haute valeur ajoutée (prestations de service «high touch»), un raccordement international par vols directs peut s'avérer très important.

1.3

Les décisions du Conseil fédéral

Suite à l'échec de la «stratégie du chasseur» (recherche de partenaires), SAirGroup a enregistré des pertes se chiffrant par milliards. Pratiquement l'ensemble du conseil d'administration a démissionné en deux étapes. L'année 2000 a été la pire dans l'histoire de Swissair/SAirGroup puisqu'elle s'est soldée par une perte de 2885 millions de francs. De fortes pertes liées à l'acquisition de participations étrangères (France, Belgique et Allemagne) sont à l'origine de cette déroute. Les comptes du groupe ont été grevés de dépenses uniques à hauteur de 2714 millions, dont une grande partie concerne des provisions pour les participations (2208 millions). En l'an 2000, le capital propre du groupe est passé de 4181 millions de francs (23,4 % de la somme du bilan) à 1160 millions de francs (5,7 % de la somme du bilan). Une révision intermédiaire au 30 juin demandée par la nouvelle équipe dirigeante confirma la gravité de la situation. Après rectification de différentes évaluations problématiques dans le compte annuel 2000, le capital propre a dû être réduit encore une fois de près d'un demi-milliard de francs et ne représentait donc plus qu'environ 2 % du total du bilan.

Ainsi donc, avant les attentats du 11 septembre 2001 dernier et leurs conséquences désastreuses pour le secteur aérien, Swissair se trouvait déjà dans une situation difficile. Or, ces actes terroristes n'ont pas seulement provoqué une réduction brutale des recettes directement tirées du transport aérien en général et transatlantique en particulier, mais également une diminution substantielle du chiffre d'affaires des filiales du SAirGroup. Selon les indications données à l'époque par l'entreprise, les dommages à mettre directement en relation avec les événements du 11 septembre 2001 ont atteint 65 millions de francs en une semaine. Il s'avéra de plus que les conditions prévalant à la vente de certains secteurs du groupe furent sévèrement détériorées.

Quelques jours après les événéments du 11 septembre 2001, les dirigeants de SAirGroup prirent contact avec les autorités fédérales pour les informer de la gravité de

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la situation. Ils attirèrent notamment l'attention de la Confédération sur le fait que le groupe risquait de manquer de liquidités dès le début du mois d'octobre.

Devant l'urgence, des contacts furent pris en vue de trouver une solution rapide.

Dans un premier temps, il s'agissait d'assurer le besoin en liquidités du groupe, mais aussi de rechercher les moyens de le sauver dans son intégralité. Le Conseil fédéral accepta le principe d'une participation à l'assainissement de Swissair par le biais d'une participation ­ limitée dans le temps ­ à une augmentation du capital. Il lia cependant sa décision à une série de conditions parmi lesquelles: ­

L'existence d'une stratégie globale pour l'assainissement du groupe susceptible d'assurer son existence de façon durable.

­

L'implication dans cette stratégie de tous les milieux concernés (les banques, l'économie, les créanciers et actionnaires, le personnel et leurs syndicats).

­

L'initiative de la mise sur pied de cette stratégie devait venir de l'économie privée.

A l'initiative des milieux de l'économie privée, un groupe dirigé par l'ancien conseiller national Ulrich Bremi fut constitué. Il tint sa première séance le 28 septembre 2001. Son but était de sauver le groupe Swissair, même s'il apparut immédiatement que, pour y parvenir, le groupe devrait être redimensionné.

Le dimanche 30 septembre 2001, une délégation de Swissair, de Crossair et des grandes banques impliquées rencontra une délégation du Conseil fédéral pour l'informer de leur analyse de la situation. Les deux entreprises d'aviation et les banques s'étaient mises d'accord sur un plan qu'elles pensaient susceptible de sauver la situation. Devant l'ampleur du montant total requis pour procéder à l'assainissement et à la restructuration de SAirGroup (au moins 7 à 8 milliards), elles reconnaissaient qu'un sauvetage n'était pas possible. Le plan ­ connu sous le nom de «Phoenix» et détaillé dans un document daté du 1er octobre 2001 intitulé «Term Sheet Projekt Phoenix» ­ consistait à rendre son indépendance à la filiale Crossair du groupe, à la structurer et à la capitaliser de façon à la rendre apte à reprendre une partie des activités de vol de Swissair tout en laissant les autres sociétés du groupe poursuivre leur chemin vers la faillite. Pour ce faire, les banques rachetaient la part du groupe Swissair dans Crossair (env. 70 % des actions). Elles laissaient également entrevoir au groupe un crédit de transition gagé de 250 millions de francs. Les banques posaient en condition que l'emploi de l'argent provenant de l'acquisition des actions ainsi que du crédit de transition soit limité aux besoins financiers des entreprises connexes du groupe (SR Technics, Swissport, GateGourmet, Nuance, RailGourmet, GourmetNova, Atraxis, etc.). Elles acceptaient cependant qu'une partie de l'argent provenant de la vente des actions Crossair soit utilisée pour assurer l'exploitation des vols, mais pas au-delà de la date du 3 octobre 2001. Les banques s'engageaient de plus à augmenter le capital de 350 millions de francs pour financer l'extension des activités de Crossair et à mettre à sa disposition un crédit d'exploitation de 500 millions de francs.

Le 1er octobre 2001, les parties concernées (SAirGroup, Crossair, UBS et CSG) approuvèrent le Term Sheet Projekt Phoenix. Le même jour, sur la base des informations
reçues le 30 septembre 2001, le Conseil fédéral décida également d'accorder son soutien de principe au programme «Phoenix». Il renonçait en revanche à l'offre des banques d'acquérir des actions de Crossair. Mais surtout, il invitait les banques et les responsables des compagnies aériennes à faire le

6098

nécessaire pour affronter le terrible manque de liquidités auquel la compagnie était confrontée et éviter l'immobilisation de la flotte Swissair.

Les 2 et 3 octobre 2001, malgré l'appel du Conseil fédéral, la flotte Swissair se trouva clouée au sol. Le groupe n'était plus capable de faire face aux demandes de paiements émanant de ses créanciers. Cet événement créa un choc à l'intérieur du pays, mais également à l'étranger. L'image de confiance, de qualité et de sécurité qui était attachée à la Suisse fut gravement mise à mal.

Le 3 octobre 2001, au vu de la gravité de la situation, le Conseil fédéral, avec l'accord de la Délégation des finances, décida d'accorder immédiatement à Swissair un prêt de 450 millions de francs afin de financer l'exploitation d'un programme réduit de vol jusqu'au 28 octobre 2001 (cf. ch. 3.2.3.2). La réponse du Conseil fédéral à deux interventions parlementaires urgentes2 lui donna l'occasion d'expliquer sa position. Le chef du Département des finances expliqua que la situation du groupe Swissair était si obérée qu'un assainissement devait être exclu.

Dans ce cadre, le soutien au programme «Phoenix» apparaissait au Conseil fédéral comme une possible solution. L'octroi du prêt trouva un large soutien lors des débats parlementaires.

Le 5 octobre 2001, différentes sociétés, dont les holdings SAirGroup et SAirLines, obtenaient un sursis concordataire provisoire3. Le même jour, le Conseil fédéral se pencha à nouveau sur la situation. Il réaffirma son intérêt à l'existence d'une compagnie d'aviation active sur les lignes intercontinentales et basée en Suisse. Il mit sur pied une «Task Force» baptisée «Pont aérien» dans laquelle tous les milieux intéressés furent représentés.

Le cahier des charges de la «Task Force» lui imposait de vérifier que les moyens mis à la disposition de Swissair (prêt de 450 millions) étaient bien utilisés conformément à leur but ainsi que d'assurer le controlling et le monitoring des liquidités de Swissair et des sociétés connexes vitales pour l'exploitation aéroportuaire. La «Task Force» devait de plus accompagner la mise en place du programme «Phoenix», devenu «Phoenix+» suite à la décision de la Confédération de s'investir dans la recherche d'une solution à la crise.

Les mesures prises permirent à la «Task Force» de remplir ses fonctions. L'échange
d'informations en son sein mit au jour les problèmes de tous ordres rencontrés dans la mise en place de «Phoenix+». Ainsi, il apparut rapidement que de nombreuses difficultés avaient été sous-estimées dans le projet initial, quand ce n'est pas carrément oubliées. Parmi les sujets et les problèmes abordés par la «Task Force», il importe notamment de mentionner:

2 3

­

L'analyse du business plan élaboré par la direction de Crossair;

­

L'élaboration du calendrier de la reprise par Crossair des avions moyen et long-courriers de Swissair qu'il est prévu de transférer;

­

Les réponses à différentes questions juridiques influençant les conditions de départ de la nouvelle compagnie d'aviation;

­

La recherche d'une solution globale au financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile.

01.3446 Interpellation Lombardi et 01.3443 Interpellation Leutenegger Oberholzer.

Les sociétés suivantes ont obtenu le sursis concordataire le 5 octobre 2001: SAirGroup, Swissair, SAirLines, Flightlease. Depuis le 8 octobre: Cargologic et Swisscargo.

6099

Les solutions apportées à ces problèmes sont présentées sous ch. 2.1.1.

Les 16/17 et 22 octobre 2001, le Conseil fédéral se pencha à nouveau sur le problème Swissair/Crossair. Il prit une série de décisions, notamment financières, qui fixèrent les contours du programme de redimensionnement de l'aviation civile qui vous est soumis dans le présent message (cf. ch. 2.1.1). Ces décisions présentaient un caractère d'urgence pour les motifs suivants.

­

En premier lieu, il importait encore de déterminer si Swissair serait oui ou non en mesure d'offrir un programme de vols réduit après le 28 octobre (le prêt de 450 millions de francs déjà accordé n'assurait l'exploitation que jusqu'à cette date). Des décisions urgentes s'imposaient notamment en raison de la publication de l'horaire d'hiver 2001-2002 mais aussi vis-à-vis des collaborateurs de Swissair et des sociétés de leasing pour les avions.

Tout retard aurait représenté un nouveau risque pour la réussite du projet.

­

Deuxièmement, il fallait donner un signe clair concernant la recapitalisation indispensable de Crossair, et ce principalement pour les raisons suivantes: ­ Sans engagement ferme de la Confédération, les travaux préparatoires urgents concernant l'intégration des collaborateurs et des avions dans la nouvelle société auraient encore dû être reportés.

­ D'autre part, les investisseurs privés auraient eux aussi pu se sentir, dans l'intervalle, déliés des obligations prises dans le cadre de l'«Accord de principe». Le risque aurait été grand de voir le montage financier difficilement mis sur pied dans un bref laps de temps se dissoudre totalement.

2

Le programme de redimensionnement de l'aviation civile

2.1

Description

2.1.1

Présentation générale du modèle

Les raisons déterminantes relevant de la politique des transports, de la politique économique et de la politique de l'emploi parlant en faveur du maintien d'une compagnie d'aviation nationale active sur le plan intercontinental ont été exposées aux ch. 1.2.1 et 1.2.2. Swissair n'étant plus en situation de jouer ce rôle, il revient à Crossair de prendre la relève. Le but du projet, fondé sur le business plan Phénix+, est de créer une nouvelle compagnie nationale de navigation aérienne avec une offre suffisante en liaisons intercontinentales pour conserver un hub opérationnel.

L'ampleur et la densité du plan de vol coïncideront avec le scénario 26/26/82 (agrandissement de la flotte de Crossair, actuellement de 82 avions, moyennant la reprise de 26 avions moyen-courriers et 26 long-courriers de Swissair). La grandeur définitive de la flotte et le futur programme de vol seront optimisés ces prochains mois en fonction des perspectives prévisibles du marché du transport aérien civil. Le scénario 26/26 donne un ordre de grandeur et ne constitue pas un corset rigide absolu. Mais le but à atteindre pose en revanche des limites claires à la flexibilité.

Conformément au business plan Phoenix +4, Crossair mettra sur pied un service de 4

Cf. annexe 1

6100

vol européen et intercontinental étendu avec un maximum de 26 avions supplémentaires pour les liaisons continentales et de 26 avions supplémentaires pour les liaisons intercontinentales. Le développement du trafic en Europe se fera aussi rapidement que possible (vraisemblablement pour la fin de l'année, mais au plus tard pour la fin mars), celui des long-courriers pour le début de l'horaire d'été 2002.

Les modalités du transfert seront réglées dans un contrat liant Swissair et Crossair.

Une mise en place plus rapide du service de vol n'est pas possible pour des raisons d'organisation, mais également compte tenu du temps nécessaire à l'obtention des autorisations. Trente-six destinations long-courriers et 78 en Europe seraient desservies par la nouvelle société. Par rapport à la situation actuelle (total des destinations desservies par Swissair et Crossair), cela représente une diminution de 9 destinations long-courriers et de 13 en Europe. La flotte globale des deux entreprises serait réduite de 22 appareils. Pour pouvoir faire face aux nouveaux besoins d'investissements, la nouvelle société doit être recapitalisée.

Le programme engendre des besoins financiers importants sur trois plans: 1.

Financement de l'activité de vol réduite Swissair pendant l'horaire d'hiver 2001-2002.

2.

Crédit-relais destiné aux filiales connexes du groupe Swissair vitales pour le fonctionnement des aéroports.

3.

Recapitalisation de la nouvelle compagnie aérienne.

Le tableau ci-dessous donne un aperçu général de la situation: Besoins financiers

Bailleurs de fonds

Part de la Confédération

10005

Confédération

1000

~150

Cantons, exploitants des aéroports, banques

­

Participation à la nouvelle compagnie aérienne (pertes 2740 initiales et coûts de transformation compris)

Banques, économie, cantons et Confédération

600

en millions de francs

Financement de l'activité de vol réduite de Swissair Crédit-relais destiné aux entreprises vitales pour le fonctionnement des aéroports

Ad 1. D'une part, il est indispensable que Swissair continue d'exploiter au moins les lignes qui seront reprises par la nouvelle société. La perte de droits d'atterrissage ou de part de marchés ne pourrait pour autant que cela soit 5

Rappelons que le 3 octobre, le Conseil fédéral a, avec l'assentiment de la Délégation fédérale des finances, accordé une tranche de prêt de 450 millions de francs afin d'assurer une activité de vol réduite durant le mois d'octobre 2001.

6101

possible être compensée qu'au prix de longs et coûteux efforts. La continuation des vols, selon un programme réduit, permet en outre de diminuer l'intensité du problème des billets déjà vendus à des clients mais non encore utilisés. La Confédération prendra à sa charge le déficit d'exploitation attendu par Swissair durant la phase transitoire au moyen d'un prêt de 1 milliard de francs6.

Ad 2. D'autre part, il est indispensable d'assurer la survie des entreprises aéroportuaires vitales pour le fonctionnement des aéroports. Il tombe en effet sous le sens qu'il serait peu utile de donner à la compagnie nationale les moyens d'assurer des vols si l'infrastructure aéroportuaire est hors d'état de fonctionner.

Les entreprises suivantes du groupe Swissair sont notamment d'une importance vitale pour les infrastructures des aéroports suisses: SR Technics Les principales activités de SR Technics consistent à effectuer les travaux de révision et d'entretien des avions, des réacteurs et de certains autres composants, ainsi qu'à fournir diverses prestations techniques (dégivrage des appareils, déplacement des appareils vers l'arrière à l'aide de tracteurs [refoulement]). Plus de 50 compagnies aériennes du monde entier confient à SR Technics le soin d'entretenir tout ou partie de leur flotte, profitant ainsi de l'expérience d'une entreprise chargée d'assurer la maintenance de l'ensemble de la flotte Swissair.

Swissport Swissport est chargée d'effectuer l'ensemble des opérations liées à l'enregistrement des passagers et des appareils de Swissair Group et des compagnies clientes. Ses prestations vont du service des passagers (exploitation des locaux d'enregistrement et de transit, des salons d'accueil et des portes d'embarquement) au service d'escale en passant par le tri des bagages, l'avitaillement, le nettoyage des cabines et l'exploitation des unités centrales d'escale. Swissport est une entreprise internationale exploitant 127 stations de manutention au sol dans 25 pays.

Atraxis Atraxis propose des solutions informatiques destinées à l'industrie du transport aérien, des aéroports, du voyage et du transport ainsi que des services pour l'intégration de systèmes IT. Cette société développe et gère le système des réservations et d'enregistrement pour Swissair, Crossair ainsi que pour dix autres compagnies
d'aviation. Elle fournit des prestations IT centrales pour les aéroports de Zurich, Genève et Bâle ainsi que pour 85 autres escales dans le monde.

Avant la crise financière touchant des entreprises clientes, ces trois sociétés généraient un chiffre d'affaires de plus de 2,3 milliards de francs et employaient 7600 personnes au niveau mondial.

6

Cf annexe 4, Contrat de prêt complémentaire des 24/25 octobre 2001 (n'existe qu'en allemand).

6102

Les travaux de restructuration et d'assainissement de ces sociétés annexes sont en cours et, pour deux d'entre elles, les négociations de vente sont sur le point d'aboutir. Un crédit-relais est désormais assuré pour SR Technics et Atraxis grâce à l'intervention du canton de Zurich et à l'effort conjugué des cantons aéroportuaires, des sociétés aéroportuaires et des banques UBS, CSG et BCZ. Si les ventes se concrétisaient rapidement pour les trois filiales, le crédit-relais nécessaire, évalué initialement à 500 millions de francs pourrait être ramené à 150 millions de francs. Le contrat de prêt7 contient une clause selon laquelle les paiements de la Confédération sont subordonnés à la mise à disposition de moyens par les cantons et l'économie qui suffisent à garantir la survie des sociétés annexes vitales pour le trafic aérien.

Ad 3. L'élargissement des activités de la nouvelle société nécessite une base financière solide. D'après le business plan, le besoin en capital propre de la nouvelle société encore en gestation est évalué à 2,1 milliards de francs (ce qui correspond à une quote-part de capitaux propres de 35 % environ). De plus, la nouvelle compagnie d'aviation sera confrontée, dans la phase de démarrage, à des pertes d'exploitation élevées (jusqu'à fin 2002 environ 800 millions) et à des coûts de transformation (à peu près 140 millions). Ces deux montants additionnés doivent être assumés par l'ensemble des investisseurs, au prorata de leur participation à l'augmentation de capital prévue. Au total, les besoins en capitaux de recapitalisation de la nouvelle société sont les suivants: Besoin en capital propre de la nouvelle société à l'horizon 2003-2004

2,1 milliards de francs

+ Besoin pour le financement des coûts de transformation et de lancement8

0,94 milliard de francs

Besoin brut en capital ./. capital propre de Crossair à la fin de l'année (estimation) Besoin de recapitalisation

7 8

3,04 milliards de francs 0,3 milliard de francs 2,74 milliards de francs

Cf. annexe 4 Ces coûts seront également financés à travers la souscription de nouveau capital-actions.

6103

En l'état actuel des choses (5 novembre 2001), il est possible de compter sur les engagements suivants: en millions de francs

­

Investisseurs privés

1620

­

Pouvoirs publics ­ Confédération

1051 60

­ Canton ZH

30

­ Cantons BS/BL

31

­ Ville de Zurich

50

­ autres cantons

70

Total intermédiaire ­

Capital propre existant (état estimé à fin 2001)

Total capital propre Manque par rapport au but fixé

2671 3009 2971 69

De ces engagements, environ 2160 millions de francs peuvent être considérés comme définitifs, alors qu'environ 430 millions de francs sont encore soumis à des conditions. Dans ce second cas, on trouve en particulier les engagements du canton et de la ville de Zurich, qui doivent encore faire l'objet d'une procédure d'approbation parlementaire, voire populaire. On peut finalement partir de l'idée que les autres cantons participeront au financement de la nouvelle compagnie d'aviation jusqu'à concurrence de 70 millions de francs.

Il manque 69 millions de francs pour atteindre l'objectif fixé. Mais il convient de relativiser ce chiffre pour deux raisons. D'une part, il n'est pas exclu que l'on puisse gagner d'autres investisseurs avant que l'augmentation du capital-actions ne soit définitivement fixée. D'autre part, l'objectif est ambitieux et la barre a été sciemment fixée à un niveau élevé. Même si le montant est légèrement inférieur à l'objectif fixé, le capital propre constitué représente une base financière solide.

La part de la Confédération au besoin de refinancement serait de 22 % de 2,74 milliards de francs, soit 600 millions de francs. Le Conseil fédéral considère cette participation de la Confédération comme un engagement limité dans le temps (pour une période de démarrage d'environ 2 à 3 ans). L'effort pour la couverture du besoin de recapitalisation serait réparti de la façon suivante:

9

Dont 70% propriété de l'UBS et du CSG.

6104

Répartition de la prise en charge du besoin de recapitalisation (2,74 milliards)

Ouvert Confédération 2% 22% Investisseurs privés 47%

Autres pouvoirs publics 16% UBS, CSG 13%

Sur cette base, la structure actionnariale de la nouvelle société serait la suivante:

Structure de l'actionnariat de la nouvelle société (3,04 milliards) Anciens actionnaires Ouvert 2% 3%

Investisseurs privés 42%

Confédération 20% Autres pouvoirs publics 15%

UBS, CSG 18%

L'engagement des différents investisseurs est consigné dans un accord de principe.

La signature de ce document devrait intervenir ces prochains jours. Sous l'angle de la Confédération, les points suivants figurant dans l'accord méritent d'être évoqués: ­

10

La Confédération s'engage à participer à raison de 600 millions de francs à l'augmentation du capital de Crossair10.

Jusqu'à présent, la Confédération ne participait pas au capital de Crossair.

6105

­

Les différents acteurs économiques impliqués s'engagent, individuellement chacun pour le montant indiqué dans l'accord, à participer à l'augmentation du capital pour un montant total (y compris la participation des banques UBS et CSG) d'environ 1620 millions de francs.

­

La participation des cantons et des communes est prévue à hauteur de 450 millions de francs.

­

Le prix des actions a été fixé au même montant que celui payé par les banques lorsqu'elles ont racheté 70 % des actions Crossair à SAirGroup.

­

L'engagement des parties est liée notamment à la réalisation des conditions suivantes: ­ L'engagement des cantons aéroportuaires de Zurich, Bâle et Genève et des sociétés exploitant les aéroports de garantir à hauteur de 100 millions au maximum le financement des secteurs de la société Atraxis nécessaires à l'exploitation des aéroports nationaux et du trafic aérien.

­ La couverture d'assurance de la Confédération pour les dommages causés à des tiers en raison d'actes terroristes est assurée jusqu'au 24 décembre 200111.

­ L'engagement écrit des principales associations du personnel de signer une convention collective de travail correspondant aux principes du business plan.

­

Les règles générales concernant les organes de la société (corporate governance) sont fixées dans l'accord de principe.

­

Les banques (UBS et CSG) confirment leur engagement de mettre à la disposition de la société un crédit de 500 millions de francs, dès l'inscription de l'augmentation du capital au registre du commerce.

2.1.2

Les chances

Pour le pays, la réussite du programme permettra de maintenir de très bonnes liaisons internationales directes avec les plus importantes destinations, y compris intercontinentales, ce qui constitue un atout majeur pour l'attractivité de la place économique suisse tournée vers l'exportation et également pour l'industrie du tourisme par exemple. Le succès du programme permettra en outre d'assurer la survie économique de l'industrie aéroportuaire (sous une forme redimensionnée) et de préserver des milliers d'emplois, dont de nombreux à haute valeur ajoutée. Il s'agit en outre de ne pas laisser un important capital investi et humain disparaître totalement.

Le pays aura, de plus, montré sa capacité à mobiliser ses différentes forces pour trouver une solution à la menace d'effondrement et surmonter une situation de crise.

Même si le projet comporte des risques significatifs, la nouvelle société garde toutes ses chances de s'imposer sur le marché de l'aviation. Sa structure des coûts sera très favorable en comparaison internationale. Que ce soit dans le domaine des coûts du personnel ou des taux de leasing des avions, les ambitieux objectifs de réduction

11

Les décisions déjà prises par le Conseil fédéral permettent de remplir cette condition.

6106

peuvent être considérés comme réalistes. La nouvelle société bénéficiera d'une capitalisation lui conférant une assise financière suffisante. Enfin, sa structure actionnariale ne sera plus morcelée comme celle de l'ancienne compagnie nationale. Les actionnaires, moins nombreux12 et davantage impliqués financièrement, veilleront mieux à remplir leur rôle de contrôle de l'administration et de la direction de l'entreprise.

2.1.3

Les risques

La Confédération a demandé à la Deutsche Bank d'évaluer, en qualité de conseillère financière, le business plan13 établi par Crossair. Le rapport d'expertise (deuxième avis) contient les principales conclusions suivantes.

La Deutsche Bank n'a pas trouvé d'indices montrant que les réflexions sur lesquelles se fonde le business plan seraient inadéquates. Cela s'applique notamment aux réflexions relatives à la création d'une nouvelle compagnie aérienne suisse exploitant des vols court-, moyen- et long-courriers conformément au scénario 26/26/82.

Dans la mesure où il est possible de les évaluer, les principales hypothèses en matière d'exploitation de la nouvelle Crossair semblent avoir été élaborées soigneusement. Par ailleurs, les résultats d'exploitation et les résultats financiers découlant de ces hypothèses paraissent raisonnables si on les compare aux données publiées par d'autres compagnies aériennes européennes cotées. Cependant, la Deutsche Bank a signalé également, au sujet de la réalisation du business plan, toute une série de sérieux risques opérationnels et financiers. La Deutsche Bank estime que les participations financières dans la nouvelle Crossair sont des investissements à haut risque («high risk investment»).

Une analyse large et approfondie des risques juridiques a également été réalisée.

Nous en mentionnons les points essentiels ci-après.

Les risques juridiques auxquels est confrontée la nouvelle Crossair relèvent du droit des sociétés, du droit du travail, du droit de l'exécution forcée et du droit international privé.

Risques découlant du droit des sociétés Du point de vue du droit des sociétés, la question est de savoir si la nouvelle Crossair répond des engagements de son ancienne société-mère (ou de ses anciennes sociétés-soeurs).

En principe, l'actionnaire n'est tenu que des prestations statutaires et ne répond pas personnellement des dettes sociales (art. 620, al. 2, et 689, al. 1, CO). La responsabilité pour les dettes de la société est donc limitée au patrimoine de celle-ci, mais cette limitation est levée (mainmise) si l'invocation de la séparation juridique d'une société et de ses propriétaires semble constituer un abus manifeste d'un droit (art. 2, al. 2, CC).

La doctrine et la pratique traitent le problème de la mainmise surtout dans l'optique de la société unipersonnelle, mais des considérations analogues ne sont pas exclues en ce qui concerne des sociétés comptant plusieurs actionnaires. La mainmise peut 12 13

Fin septembre 2001, l'actionnariat de SAirGroup était formé d'environ 60 000 porteurs.

Cf. annexe 1

6107

même entrer en ligne de compte pour les groupes si certaines filiales sont à ce point dominées par la maison-mère qu'elles n'ont plus la moindre autonomie.

Comme Crossair n'était pas la maison-mère, mais une filiale de SAirGroup et de SAirLines, et une société-soeur de Swissair, il est évident que l'on n'a pas affaire à un cas classique de mainmise.

La mainmise sur le patrimoine d'une société pour garantir les engagements de ses actionnaires ou de la maison-mère («mainmise inverse») n'a en général pas de sens, étant donné que l'on peut saisir les actions de la société par le biais du patrimoine du débiteur. Dans la pratique, toutefois, la «mainmise inverse» a été approuvée quelquefois pour des prétentions non pécuniaires.

Avant d'être acquises par l'UBS et le CSG, les actions de Crossair étaient détenues à raison d'environ 70 % par SAirLines. Crossair était autonome sur le plan opérationnel. Dans ces circonstances, l'autonomie juridique de Crossair ne peut être considérée comme abusive de droit, même en prenant en considération la possibilité d'une «mainmise inverse». Suite à la vente à l'UBS et au CSG, par SAirLines, de sa participation majoritaire, il n'y a de toute façon plus le moindre lien avec Crossair qui serait pertinent du point de vue de la mainmise. Le risque que Crossair subisse une mainmise pour satisfaire les prétentions envers son ancienne maison-mère et ses sociétés-soeurs peut donc être tenu pour négligeable.

Crossair et la Confédération suisse pourraient être tenues pour responsables si leurs organes avaient participé de façon significative à la définition des orientations de la société concernée. Il convient en l'occurrence de distinguer trois phases: avant, pendant et après le sursis concordataire.

Avant l'octroi du sursis concordataire, Moritz Suter, président du conseil d'administration de Crossair, a été pendant une courte période responsable de la direction du trafic aérien de SAirGroup; il semble cependant peu probable que Crossair ait pu exercer dans ce cadre une influence décisive sur le plan de la responsabilité.

Pendant le sursis concordataire, la responsabilité de l'activité de vol de Swissair doit être assumée par les organes de celle-ci jusqu'à ce que Crossair reprenne certains actifs. Si d'autres personnes participent de façon significative à la définition
des orientations de Swissair, la définition fonctionnelle des organes fait que ces personnes risquent d'être tenues pour responsables de dommages éventuels en vertu du droit des sociétés anonymes. La Confédération devra faire preuve de retenue à cet égard. Comme de plus la prise d'influence sur les activités commerciales de Swissair est soumise au contrôle du commissaire au sursis, le risque d'une responsabilité de la Confédération comme organe de la société peut être estimé comme minime.

Après la reprise de Swissair par Crossair, des instructions données à des membres du conseil d'administration par la Confédération pourraient entraîner la responsabilité de celle-ci au titre du droit des sociétés anonymes. Ce danger est lui aussi limité par les dispositions de l'accord de principe (interdiction d'une influence dominante).

Celui qui acquiert un patrimoine ou une entreprise avec actif et passif devient responsable des dettes envers les créanciers, dès que l'acquisition a été portée par lui à leur connaissance ou qu'il l'a publiée dans les journaux (art. 181, al. 1, CO); toutefois l'ancien débiteur reste solidairement obligé pendant deux ans avec le nouveau (al. 2). L'art. 181 CO règle donc les conséquences de la reprise d'un patrimoine ou d'une entreprise sur la responsabilité des parties impliquées.

6108

L'art. 181 CO suppose l'acquisition d'un patrimoine ou d'une entreprise avec actif et passif. Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse de tout le patrimoine d'une personne, la reprise d'une partie suffit. Une unité d'exploitation autonome d'une entreprise tombe aussi sous le coup de l'art. 181 CO. L'entreprise ou le patrimoine repris peut aussi comprendre des droits sur des biens immatériels, des marques, notamment («Swissair», par exemple). Les conséquences juridiques de l'art. 181 CO sont également inchangées dans le cas présent, car la reprise par Crossair d'une partie des vols de Swissair remplit en principe cette condition, mais il existe ici également des arguments contraires.

L'application de l'art. 181 CO dans le cadre d'une procédure concordataire n'a jamais été étudiée à fond jusqu'ici au niveau de la doctrine et n'a pas non plus été tranchée par un tribunal. La procédure concordataire a pour but d'élucider les engagements existants. Ce but est manqué si un intéressé renonce à une reprise à cause de l'art. 181 CO. Il serait donc logique de ne pas appliquer cette disposition à une reprise effectuée dans le cadre d'un concordat (autre avis: Eugen Spirig, commentaire zurichois, 1994, note 25 concernant l'art. 181 CO).

Même si l'art. 181 CO devait être appliqué dans le cas présent, il serait possible de limiter les effets de la reprise solidaire de la dette. Il suffit que, lors de la reprise, le communiqué adressé aux créanciers mentionne expressément les obligations qui ont été transférées. Crossair ne reprend donc de Swissair que les obligations énumérées dans le communiqué destiné aux créanciers ou publié dans la presse.

Droit du travail Selon l'art 333 CO, si l'employeur transfère l'entreprise ou une partie de celle-ci à un tiers, les rapports de travail passent à l'acquéreur avec tous les droits et les obligations qui en découlent à moins que le travailleur ne s'y oppose. Comme pour l'art. 181 CO, le Tribunal fédéral n'a encore jamais dû trancher si cette disposition s'appliquait dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité. Dans la doctrine, la réponse est contestée. Dans une expertise, l'Office fédéral de la justice a conclu qu'il était préférable de ne pas appliquer l'art. 333 CO lorsque l'ancien employeur est impliqué dans une procédure d'insolvabilité. Sinon, il y aurait un risque
de sousréalisation des valeurs patrimoniales encore existantes, et ce aux dépens notamment des employés. En particulier, il serait à craindre qu'un employeur renonce à reprendre l'affaire, pour échapper à de telles obligations. Dans un tel cas, l'application de l'art. 333 CO irait clairement à l'encontre du but recherché, celui de la plus grande protection possible des employés. Cela dit, le Conseil fédéral ne peut naturellement garantir que le juge qui devrait, après la reprise, statuer sur des revendications d'employés à l'encontre de Crossair, interprétera forcément l'art. 333 CO dans ce sens.

Droit de l'exécution forcée Les risques découlant du droit de l'exécution forcée tiennent à la possibilité, pour les créanciers de sociétés en situation de sursis concordataire, de demander la révocation des actes de leur débitrice (action paulienne; art. 286 ss LP). Lors de l'exécution d'un concordat, les demandeurs sont les liquidateurs. Si ceux-ci renoncent à faire valoir de telles prétentions, chaque créancier est en droit d'en exiger la cession (art. 325 LP en relation avec l'art. 260 LP). Les risques encourus à ce titre par Crossair sont limités, dans la mesure où le droit d'intenter l'action révocatoire est prescrit par deux ans à compter de la notification de l'acte de défaut 6109

de biens après saisie ou par deux ans à compter de l'ouverture de la faillite (art. 292 LP).

Droit international privé On examinera ici le risque encouru par Swissair et par la Confédération en tant que coresponsable de Crossair de voir les valeurs patrimoniales des deux compagnies séquestrées ou saisies à l'étranger. Ces valeurs patrimoniales sont avant tout des installations au sol et des avions, mais aussi la fortune et l'inventaire des succursales établies à l'étranger. Chez Swissair, la part des valeurs patrimoniales étrangères est relativement faible; ses avions sont en grande partie loués en leasing. La situation est apparemment la même chez Crossair.

D'une manière très générale, il faut noter qu'une société opérant à l'échelle internationale doit s'attendre à se voir intenter des actions judiciaires à l'étranger et à être menacée de la saisie de ses valeurs patrimoniales et de ses succursales à l'étranger si des prétentions existent ou sont alléguées à son encontre. Ce principe s'applique encore davantage s'il y a des créanciers étrangers. Le risque existe même si, en droit suisse, aucune prétention ne pourrait être soulevée contre la société. Car en cas de litige, un tribunal étranger appliquera son droit, selon les règles que ce dernier définit pour le droit international privé ­ surtout en l'absence d'une réglementation fixée par traité. Quant au droit de l'exécution forcée, l'application du droit de l'État du for est même la règle, par exemple s'il s'agit de déclarer admissible une saisie ou un séquestre. Pour les sociétés débitrices actives à l'échelle internationale, ces risques font pratiquement partie de l'ordinaire.

Des prévisions sur le comportement des tribunaux étrangers sont de par leur nature incertaines, parce qu'il s'agit de droit étranger et de l'appréciation de coutumes étrangères. La présentation qui suit du droit étranger se fonde sur les informations qui ont pu être obtenues, dans les délais impartis, de la part de l'Institut de droit comparé et grâce à l'intervention des ambassades suisses de Belgique et de France.

Dans les causes civiles et dans le droit de l'exécution forcée, l'admissibilité et la mise en oeuvre, à l'étranger, de mesures conservatoires sont réglées au début par le droit procédural interne de l'État étranger, faute de convention contraire; dans
le cas qui nous occupe, il faut cependant tenir compte encore de deux traités: la Convention de Lugano de 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ConvLug; RS 0.275.11) et la Convention de Rome de 1933 pour l'unification de certaines règles relatives à la saisie conservatoire des aéronefs (RS 0.748.671).

La Convention de Rome vaut, en Europe, pour la Belgique, le Danemark, l'Allemagne, l'Espagne, la Finlande, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Suède et la Suisse, et, hors d'Europe, surtout pour certains États africains et sud-américains, mais non pour les États-Unis. Selon l'art. 3 du traité, sont exempts de saisie conservatoire: ­

les aéronefs affectés exclusivement à un service d'État;

­

les aéronefs mis effectivement en service sur une ligne régulière de transports publics et les aéronefs de réserve indispensables;

6110

­

tout autre aéronef affecté à des transports de personnes ou de biens contre rémunération, lorsqu'il est prêt à partir pour un tel transport, excepté dans le cas où il s'agit d'une dette contractée pour le voyage qu'il va faire ou d'une créance née au cours du voyage.

Hors du domaine exempté, un cautionnement suffisant empêche la saisie conservatoire et donne droit à la mainlevée immédiate (art. 4). S'il a été procédé à la saisie d'un aéronef insaisissable d'après les dispositions de la Convention, ou si le débiteur a dû fournir un cautionnement pour en empêcher la saisie ou pour en obtenir la mainlevée, le saisissant est responsable, suivant la loi du lieu de la procédure, du dommage en résultant pour l'exploitant ou le propriétaire (art. 6).

La ConvLug s'applique aux États de l'UE ainsi qu'à la Norvège, l'Islande et la Pologne. Selon ce traité, la compétence judiciaire qui permet d'ordonner des mesures conservatoires s'applique surtout aux pays dans lesquels Swissair et Crossair sont tenues de remplir une obligation contractuelle (art. 5, ch. 1, ConvLug) et/ou détiennent des valeurs patrimoniales (art. 24 ConvLug et Cour européenne du 17 novembre 1998, affaire van Uden). La ConvLug ne s'applique qu'en dehors d'une procédure d'insolvabilité, c'est-à-dire dans les États qui n'ont pas (encore) reconnu le sursis concordataire suisse (voir plus bas).

Dans la mesure où la Convention de Rome et la ConvLug ne posent pas de limites, c'est le droit procédural interne qui entre en application. D'après le droit procédural interne de la plupart des pays entrant en ligne de compte dans notre cas, une mesure conservatoire est possible aux mêmes conditions que le séquestre défini aux art. 271 ss LP, c'est-à-dire sur dépôt justifié d'une réquisition et d'un motif de séquestre.

En France, pays qui n'a pas signé la Convention de Rome, la possibilité de saisir des aéronefs est limitée par l'art. R 123-9 du code français de l'aviation civile. En principe, la confiscation d'un aéronef étranger peut être requise au lieu d'atterrissage (juge d'instance). La mesure est cependant levée en cas de cautionnement. En outre, les aéronefs destinés au transport de passagers ou de marchandises et ceux affectés à un service d'Etat ne peuvent être séquestrés que si la réquisition est déposée par le propriétaire pour motif d'acquisition, de contrat de formation ou d'un entretien lié à l'usage de l'aéronef.

Au Royaume-Uni, il n'existe pratiquement plus de séquestre dans les transports internationaux. Le droit judiciaire l'a remplacé par l'institution de la Mareva Injunction. Contrairement au
séquestre, la Mareva Injunction n'entraîne pas de confiscation. Le défendeur se voit en revanche interdire certaines manières de disposer de toutes ses valeurs patrimoniales (qu'elles se trouvent dans le pays ou à l'étranger), par exemple en les transférant dans un pays qui n'exécuterait pas un arrêt anglais ou en les soustrayant d'une autre façon à ses créanciers. Dans le cas qui nous intéresse, le risque qu'une pareille injonction soit prononcée paraît minime. La condition primordiale en est en effet que le défendeur essaie de dissimuler son patrimoine et de priver ainsi ses créanciers d'une partie de la masse en faillite.

Pour être maintenues, les mesures conservatoires évoquées doivent d'ailleurs être plaidées en principe devant une cour par le créancier, dans une procédure sur le fond (voir ci-dessous).

Crossair est une personne morale distincte de SAir, SAirLines ou Swissair.

L'éventualité d'une action à l'encontre de valeurs patrimoniales de Crossair pour les dettes de Swissair doit être considérée à deux niveaux. D'une part, le droit matériel applicable peut être conçu de telle sorte qu'à certaines conditions, Crossair soit co6111

responsable de dettes de Swissair (mainmise au sens large). D'autre part, et toujours moyennant certaines conditions, le droit de l'exécution forcée peut autoriser l'intégration de valeurs patrimoniales d'un tiers dans la masse en faillite.

Avant d'avoir été vendue aux grandes banques, Crossair était une filiale de SAirLines. Selon la LDIP, la question de la mainmise entre sociétés enregistrées en Suisse tombe en principe sous le droit suisse (art. 154 LDIP). Il en va de même de la question de la responsabilité de Crossair en tant qu'organe de ses anciennes maisons-mères. Dans une procédure qui se déroulerait à l'étranger, le tribunal étranger appliquerait toutefois ses propres règles de droit international privé (DIP). Dans le droit des sociétés du DIP, la référence au lieu d'enregistrement ou au siège européen effectif de la société est très répandue. Dans le cas qui nous intéresse, les deux systèmes ramènent au droit suisse. Mais dans la question de la mainmise, justement, lors de litiges portant sur des contrats, l'ordre public peut nécessiter que ce soit le droit de l'État où a été engagée la procédure qui soit appliqué. Il n'est donc pas certain qu'en matière de mainmise, ce soit le droit suisse qui serait appliqué si une procédure était engagée à l'étranger.

Pour la question du droit matériel par rapport au droit suisse, on renvoie aux considérations précédentes. En cas d'application éventuelle du droit étranger (par un tribunal étranger), la mainmise en vertu du droit matériel ne peut être exclue d'emblée.

Crossair reprend des parties de l'exploitation de Swissair. Tout comme le droit suisse (art. 181 CO), les réglementations étrangères ­ la française, par exemple ­ stipulent que le repreneur répond des dettes de la société reprise. Il est vrai que, sur ce point, les tribunaux étrangers appliqueront cependant en général le droit suisse.

Mais dans la mesure où le sursis concordataire suisse n'est pas reconnu dans certains États, les tribunaux de ces derniers n'appliqueront pas les restrictions définies par le droit suisse en matière d'insolvabilité.

En cas de reprise totale ou partielle d'une entreprise, les réglementations étrangères sur la protection des salariés peuvent prévoir le transfert des obligations de l'employeur. En droit anglais, par exemple, la reprise par Crossair de
parties de Swissair pour assurer le scénario 26/26 pourrait entraîner une responsabilité de la première en tant que nouvel employeur (mais ce droit ne vaudrait que pour le personnel travaillant en Angleterre).

Sur le plan du droit de l'exécution forcée, il convient d'envisager les actions en contestation (actions pauliennes) et autres chefs analogues. Ces demandes éventuelles de révocation concernent la vente d'actions de Swissair à l'UBS et au CSG et les transactions entre Swissair et Crossair effectuées respectivement avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, avant la reconnaissance de celle-ci à l'étranger, ou encore avant l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'étranger. Les actions pauliennes peuvent parfaitement prévoir une mainmise plus «généreuse» sur les valeurs patrimoniales n'appartenant pas au débiteur, en droit civil, que ne le fait la LP suisse; c'est par exemple le cas du droit français et du droit belge.

Au sein de l'UE, ainsi qu'en Norvège, Islande et Pologne, la compétence pour le jugement sur le fond précédant l'exécution est réglée par la Convention de Lugano.

Ainsi, pour des procédures engagées en Belgique et en France par Sabena et les compagnies d'aviation françaises, le for est le lieu d'exécution des obligations contractuelles, pour autant que les prestations monétaires et de services contestées aient été fournies en ce lieu (art. 5, ch. 1, ConvLug). Selon la nature des prétentions ou les conventions sur la compétence judiciaire, l'État où s'ouvre une procédure 6112

peut changer. Il est ainsi parfaitement possible que des procédures soient engagées en Suisse hors de la procédure d'insolvabilité (for du défendeur, art. 2 ConvLug).

Toutefois la Convention de Lugano ne s'applique plus non plus à Swissair à l'étranger si la faillite y est ouverte ou que la procédure concordataire suisse y soit reconnue, car elle exclut les faillites, concordats et autres procédures analogues de son champ d'application (art. 1, al. 2, ch. 2, ConvLug). Cela signifie notamment que les fors du demandeur exclus à l'art. 3 de la Convention peuvent être appelés en vertu du droit procédural étranger.

Les décisions issues de ces procédures, mais aussi les mesures préventives ­ pour autant qu'elle aient été prises en respectant le droit du défendeur d'être entendu (art.

27, ch. 2, ConvLug) ­ sont reconnues dans toute l'Europe, car elles sont exécutables au terme d'une procédure rapide et unilatérale d'exequatur (art. 25 ss, 31 ss ConvLug). Ce principe vaut en particulier pour la Suisse, dont les autorités seraient sans doute tenues d'exécuter ou de colloquer pareilles décisions. Les restrictions apportées par la Convention de Rome ou le droit français en matière de séquestre d'aéronefs ne s'appliquent pas à l'exécution d'un jugement rendu sur le fond par un tribunal. Pour l'exécution de mesures prises à l'encontre de valeurs patrimoniales de Crossair, on renvoie aux considérations émises précédemment.

Il est possible, en principe, que la procédure suisse d'insolvabilité soit reconnue dans quelques États européens. La chose devrait être possible au regard des droits allemand, belge, britannique, espagnol, français, grec et italien. Aux Etats-Unis, d'après des articles de journaux, la gestion des faillites connaît déjà la protection des créanciers.

La reconnaissance de la procédure suisse d'insolvabilité permettrait d'éviter l'ouverture de procédures isolées de droit civil et en matière d'exécution forcée dans les pays qui prévoient la reconnaissance des faillites étrangères. On éviterait aussi l'ouverture de faillites indépendantes concernant le solde du patrimoine de Swissair dans ces États, et donc la liquidation de valeurs patrimoniales de Swissair qui y sont situées (faillite de succursale). Enfin la reconnaissance de la procédure d'insolvabilité aurait pour effet de limiter la
responsabilité du repreneur pour faits de reprise. Quant à savoir si, de la part de ces États, pareille reconnaissance sera favorable aux mesures administratives et autres du régime suisse des faillites, cela dépend des modalités individuelles du droit international de l'insolvabilité impliqué.

La gestion de la faillite principale n'a souvent pas grande influence sur la procédure secondaire ou auxiliaire ouverte dans un État qui reconnaît notre régime.

Conclusion D'après ce qui vient d'être dit, des mesures conservatoires (séquestres) à l'encontre des avions Swissair et Crossair sont en principe inadmissibles en droit international pour les États signataires de la Convention de Rome. En droit français, le séquestre d'avions est limité. Étant donné toutefois le climat particulier et teinté d'émotion, de telles mesures ne sont toutefois pas complètement exclues dans certains États.

Rappelons que dans les États mentionnés qui ont signé la Convention de Rome, ainsi qu'en France et dans toute une série d'États des États-Unis, il est prévu que les mesures conservatoires puissent être levées moyennant caution, ce dans l'intérêt d'une exploitation sans heurts des vols.

Des arrêts judiciaires à l'encontre de Swissair sont aussi tout à fait possibles en dehors de Suisse, notamment en Belgique et en France. En vertu des traités inter6113

nationaux, de tels jugements affectant les valeurs patrimoniales de Swissair seraient exécutables dans les États de l'UE ainsi qu'en Norvège, Islande et Pologne, mais on notera que les valeurs patrimoniales situées dans ces pays ne sont pas considérables.

L'exécutabilité immédiate serait aussi concevable en Suisse si la protection des créanciers y était levée. L'exécutabilité à l'étranger pourra être évitée en obtenant la reconnaissance de la procédure suisse d'insolvabilité dans quelques cas, que les liquidateurs suisses devront étudier soigneusement et peser un à un.

Il n'est pas possible d'exclure l'éventualité de jugements ou de voies d'exécution prononcés par des instances étrangères à l'encontre de Crossair, et qui seraient fondés sur des considérants relevant du droit matériel ou du droit de l'exécution forcée. D'éventuels jugements à l'encontre de Crossair sont à leur tour exécutables en principe dans les États de l'UE ainsi que dans tous les pays signataires de la Convention de Lugano, sous réserve de l'ordre public local.

La procédure choisie et les mesures visées comportent sans aucun doute certains risques juridiques. Mais toute opération financière complexe exécutée au niveau international est sujette à des aléas. Dans le cas présent, des problèmes d'insolvabilité, des questions juridiques ayant trait au transport aérien et au droit privé international viennent encore compliquer la situation. Il ne faut cependant pas renoncer pour autant à mettre en oeuvre une solution visant à atténuer les dommages économiques et à conserver des emplois. Toutes les autres solutions envisagées (comme par exemple la création d'un nouveau consortium) n'étaient pas réalisables du point de vue juridique ou présentaient encore beaucoup plus de risques en la matière. En outre, il est possible de minimiser certains de ces risques en prenant des mesures appropriées (renoncement à des actions qui pourraient entraîner des responsabilités, définition claire des obligations reprises, accord du commissaire au sursis, fourniture de sûretés, pression pour faire reconnaître la procédure suisse d'insolvabilité, etc.).

2.1.4

Les différents acteurs et leurs responsabilités

2.1.4.1

Les compagnies aériennes

Swissair effectue pendant l'horaire d'hiver 2001/2002 (28 octobre 2001 ­ 29 mars 2002) un nombre réduit de vols long, moyen et court-courriers14 découlant du contrat de prêt de droit public passé entre la Confédération et Swissair les 24 et 25 octobre 2001.

Swissair en assume l'entière responsabilité commerciale et opérationnelle, sauf pour les vols court et moyen-courriers repris par Crossair avant la fin de l'horaire d'hiver 2001/2002 (objectif: 1er janvier 2002), pour autant que les conditions juridiques soient remplies. En l'occurrence, les moyens financiers mis à disposition par la Confédération ne doivent plus servir à couvrir les coûts d'exploitation de ces vols.

Un groupe de travail chargé de contrôler l'utilisation du prêt de la Confédération a été mis sur pied.

Swissair dispose de l'appui de Crossair au niveau de la responsabilité commerciale des vols, notamment en matière de planification opérationnelle des réseaux, de décisions relatives à ces derniers, de fixation des prix et de gestion des revenus.

14

Cf. annexe 4

6114

Crossair assumera la responsabilité exclusive de tous les vols sur le plan commercial et sur le plan de l'exploitation au plus tard à partir du début de l'horaire d'été 2002.

Crossair désignera, immédiatement après la signature d'un contrat de collaboration15, les personnes de Swissair qu'elle souhaite engager. Sur cette base, Swissair désignera les personnes qui seront chargées de la gestion et de l'exploitation pour la période de l'horaire 2001/2002.

Pendant la période de l'horaire d'hiver 2001/2002, Swissair: ­

ramènera ses coûts de personnel, d'entente avec les associations de personnel, le plus rapidement possible au niveau prévu par le business plan Phoenix Plus;

­

abaissera les taux de leasing pour les avions qu'elle exploite le plus rapidement possible au niveau prévu par le business plan Phoenix Plus;

­

aidera à transférer en temps utile à Crossair les droits de décollage et d'atterrissage (slots);

­

effectuera dans les délais, jusqu'à la fin de l'horaire d'hiver 2001/2002, les paiements prévus par les contrats de leasing pour les avions requis.

Un projet global visant quatre objectifs a été élaboré en vue de la mise en place des structures requises chez Crossair: définition de la stratégie, développement progressif de l'exploitation aérienne, fixation de la nouvelle structure de l'entreprise et mise en place de l'infrastructure. L'exploitation aérienne assurée jusqu'ici est maintenue pendant tout l'horaire d'hiver.

Pour la mise en oeuvre de ce projet, une organisation de projet couvrant tous les domaines d'activités a été créée. Il s'agit des domaines gestion des réseaux, vente, production, technique, opérations, systèmes d'information, personnel, finances, flotte, droit et communication. Sont également engagés les groupes de travail intersectoriels Business Planning, alliances et exploitations connexes, ainsi qu'un bureau de coordination. Le comité de coordination fixe les objectifs globaux pour les différents domaines d'activités. Les groupes de travail élaborent toutes les mesures requises et fixent les objectifs de mise en oeuvre. Chacun des groupes de travail rend chaque semaine un rapport au comité de coordination concernant l'état d'avancement des travaux dans ses domaines respectifs.

2.1.4.2

Les pouvoirs publics

Pour la Confédération, comme pour les cantons et communes, il s'agit en premier lieu d'assurer l'existence de conditions-cadres propres à permettre l'existence et la survie de la nouvelle société. Pour la Confédération, cela signifie faire en sorte que les autorisations et autres actes administratifs indispensables à la reprise des appareils et des vols soient délivrés sans retard, bien entendu après démonstration par l'entreprise qu'elle remplit les conditions légales.

Pour les cantons, il s'agit de faire en sorte qu'une infrastructure aéroportuaire adéquate soit à disposition, à un prix permettant la compétitivité de l'aviation civile

15

Pour la période transitoire (novembre 2001 à mars 2002), les rapports entre Swissair et Crossair sont définis dans un contrat de collaboration.

6115

nationale. Ils doivent veiller au développement harmonieux de cette infrastructure et à la survie des entreprises connexes vitales pour l'exploitation des aéroports.

Mais Confédération, cantons et communes seront également actionnaires de la nouvelle entreprise. Ensemble, ils devront veiller à ce que les buts fixés dans le business plan soient atteints avec les moyens à disposition. Aussi longtemps qu'elle détiendra une participation importante dans le capital de la société, la Confédération sera représentée dans son conseil d'administration. Durant la phase transitoire ­ maintien des dessertes selon un horaire réduit, mise sur pied de la nouvelle société ­ la Confédération jouera un rôle de coordination entre les différents acteurs en continuant de diriger la «Task Force»¸ (cf. ch. 2.1.5). A terme, la Confédération entend retirer sa participation au capital de la nouvelle entreprise et se cantonner dans son rôle de régulateur.

2.1.4.3

Le secteur privé

Le secteur privé doit rester le moteur central des activités aériennes. Ce segment de l'économie ne nécessite pas d'intervention financière étatique permanente. Même pour garantir un certain service public une intervention financière des pouvoirs publics ne saurait se justifier dans un secteur capable de générer des profits. La satisfaction des besoins minimaux en relations aériennes internationales doit incomber aux acteurs privés, comme elle doit l'être chaque fois que cela est possible. Le marché doit jouer son rôle. C'est pourquoi le Conseil fédéral a tenu à ce que, dès le départ, l'économie privée ait une part prépondérante dans l'actionnariat de la nouvelle société.

Ce fait doit aussi être un gage de la saine gestion des affaires de la société. Parmi les différents facteurs à l'origine de la déconfiture du groupe Swissair, l'insuffisance de contrôle de la part de l'actionnariat pourrait avoir joué un rôle central. Une disposition statutaire interdisait à tout actionnaire de posséder plus de 3 % du capitalactions. Ce système a morcelé l'actionnariat, l'empêchant de former un contrepoids face au conseil d'administration et à la direction. Ce système a également favorisé la constitution d'un actionnariat de petits porteurs, peu apte au contrôle de l'activité d'un groupe international. La nouvelle structure actionnariale, formée d'un nombre restreint d'actionnaires représentant quelques-unes des plus importantes sociétés du pays, sera bien plus en situation d'assurer une surveillance efficace sur les organes de la nouvelle société.

2.1.5

La mise en oeuvre du programme

Sous l'égide de la Confédération, une organisation de projet a été créée pour assurer la mise en oeuvre du programme16. Les responsabilités commerciales respectives demeurent bien entendu auprès des organes des sociétés concernées. Le projet comprend deux volets: l'un touche au redimensionnement et à la liquidation en bonne et due forme des filiales concernées du groupe Swissair; l'autre se concentre sur la construction de la nouvelle société par l'intégration de certains éléments du groupe Swissair, notamment le personnel. Les responsabilités seront séparées pour les deux 16

Cf. annexe 2

6116

domaines, même si une coordination sera exercée par la «Task Force». Ce modèle permettra une meilleure répartition des responsabilités, tout en assurant la circulation des informations et la coordination nécessaires. La première priorité pour le groupe chargé du redimensionnement ira à la mise à disposition de capacités accrues au niveau du management, alors que le groupe chargé de la construction de la nouvelle société devra s'occuper avant tout de la composition des organes de la nouvelle société.

L'organisation de projet est complétée par deux autres groupes. L'un s'occupera du controlling et du monitoring de l'emploi du prêt de 1 milliard de francs accordé par la Confédération pour le financement de l'activité de vol réduite de Swissair durant la période d'hiver 2001/2002. Il s'agit de continuer le même travail que celui qui a déjà été accompli ­ avec efficacité ­ durant le mois d'octobre 2001 pour l'emploi du prêt de 450 millions de francs. La responsabilité en incombera au Contrôle fédéral des finances (CDF). De plus, la «Task Force Personnel» jouera le rôle de conseiller et d'intermédiaire dans les questions relatives au plan social et à son financement, auquel la Confédération et l'assurance-chômage ne participeront pas.

Même si les difficultés de l'exercice ne peuvent pas être niées, le Conseil fédéral croit aux chances de réussite du programme. Grâce à la structure de projet retenue, il pourra garder la mainmise sur le dossier et influencer son développement de façon à pouvoir réagir rapidement et s'adapter à l'évolution de ce processus extraordinairement dynamique.

2.1.6

Mesures prises pour trouver des solutions en faveur du personnel de Swissair et des entreprises connexes

Le Conseil fédéral est parfaitement conscient des implications économiques et sociales de la situation actuelle. D'ailleurs, le 1er octobre 2001 le chef du DFE a institué une «Task Force Personnel Swissair» placée sous la direction de Jean-Luc Nordmann, responsable de la Direction du travail au seco. En collaboration avec les autorités cantonales compétentes et avec les partenaires sociaux, ce groupe de travail a pour tâche de trouver des solutions devant permettre d'éviter la mise au chômage du personnel de Swissair licencié et de favoriser la réinsertion professionnelle des employés pour qui cette mesure sera inévitable.

La Task Force s'est immédiatement mise à l'oeuvre. Le centre de placement de Swissair (AMZ) mis en place par le service cantonal de l'économie et du travail de Zurich (AWA) de concert avec SAirGroup a ouvert ses portes le 10 octobre 2001 à l'aéroport de Kloten. L'AMZ doit répertorier les employés licenciés ou menacés de licenciement et veiller à ce que ces personnes retrouvent rapidement un emploi.

Vingt collaborateurs de l'AWA (conseillers en placement et personnel administratif) assurent actuellement le fonctionnement de l'AMZ. Si nécessaire, ce nombre pourra être augmenté rapidement par la mise à disposition d'autres collaborateurs de l'AWA et de personnes déjà désignées à cette fin, provenant de différents services de l'administration cantonale. Des dispositions ont d'ores et déjà été prises sur les plans du personnel et de l'informatique afin qu'on soit prêt, le cas échéant, à maîtriser la charge administrative supplémentaire qu'impliquerait une brusque augmentation du nombre de demandes d'indemnités en cas d'insolvabilité.

6117

Pour le moment Zurich, le canton le plus touché, étudie avec SAirGroup différents projets dans le cadre d'un programme de transfert. Ces projets axés sur les compétences professionnelles, d'une part, et sur les personnes, de l'autre, ont pour but de garantir la réinsertion professionnelle aussi rapide que possible des collaborateurs qui seront licenciés. Un projet pilote de nouveaux modèles de temps de travail (partage du travail) pour le personnel de cabine est à l'étude. Différentes mesures concernant les pilotes sont également passées en revue afin que ces derniers restent disponibles sur le marché de l'emploi. Ces projets ne s'adressent pas uniquement aux Zurichois mais également aux collaborateurs du groupe résidant dans d'autres cantons. Les mesures de reconversion et de réintégration qui seront mises en oeuvre peuvent, en vertu des dispositions légales en vigueur, être prises en charge par l'assurance-chômage.

On notera encore que le marché du travail, dans la région économique de Zurich, n'est pas encore asséché pour les travailleurs qualifiés. De plus, les personnes concernées par les licenciements n'habitent pas toutes dans la région zurichoise.

Celles qui viennent du reste de la Suisse vont donc chercher un nouveau poste de travail sur le marché «local».

Le Conseil fédéral pense que les instruments mis en place et les ressources prévues par la loi sur l'assurance-chômage sont suffisants pour venir en aide aux employés touchés par la crise de Swissair.

2.1.7

Plan social

Depuis début octobre, le responsable de la Task force «personnel de Swissair» conduit des entretiens ayant trait aux plans sociaux avec les chefs du personnel du groupe Swissair et de Crossair ainsi qu'avec les représentants des associations du personnel et des deux grandes banques. La plupart des prestations relatives au plan social sont, pour SAirGroup, déjà fixées dans les conventions collectives de travail.

Début octobre, afin d'obtenir une vue d'ensemble très générale, ces prestations ont été chiffrées à 650 millions de francs environ pour la variante 26/26, pour le personnel travaillant en Suisse et à l'étranger. Si le groupe était considéré comme un tout, les créances privilégiées de première classe seraient couvertes par les actifs. Mais la procédure de sursis concordataire exige de calculer séparément pour chaque entreprise les coûts du plan social et les actifs.

Pour obtenir des chiffres plus précis, il a fallu attendre le choix de la variante (22 octobre 2001). Par ailleurs, la somme dépend fortement de l'âge des personnes licenciées et du nombre d'années de service qu'elles ont à leur actif. Pour le personnel travaillant à l'étranger, le pays est déterminant puisque les prescriptions varient considérablement d'un pays à l'autre. Les chiffres pour l'étranger ne sont pas encore connus.

6118

En ce qui concerne la Suisse, il faut compter avec les chiffres suivants : a) Sociétés en sursis concordataire (Swissair compagnie d'aviation suisse SA, Swisscargo SA, Cargologic SA, Flightlease SA, SAirGroup) Licenciements prévus: 2 500 ­

coûts des plans sociaux: 65 millions de francs si ce sont principalement des personnes jeunes qui seront licenciées (35 millions de francs supplémentaires pour le délai de congé).

­

coûts des plans sociaux: 135 millions de francs si les licenciements ne se concentrent pas sur du personnel jeune (76 millions de francs supplémentaires pour le délai de congé).

b) Sociétés qui ne sont pas en sursis concordataire (Gate Gourmet SA, SR Technics SA, Atraxis SA, Swissport SA, autres) Licenciements prévus: 2000 ­

coûts des plans sociaux: 70 millions de francs si ce sont principalement des personnes jeunes qui seront licenciées (30 millions de francs supplémentaires pour le délai de congé).

­

coûts des plans sociaux: 127 millions de francs si les licenciements ne se concentrent pas sur du personnel jeune (65 millions de francs supplémentaires pour le délai de congé).

c) Actifs Selon les renseignements de l'administrateur, pour les sociétés qui se trouvent actuellement en sursis concordataire, on peut partir de l'idée, au vu de l'état actuel, qu'il y aura suffisamment d'actifs pour SRGroup, Flightlease et Swisscargo SA.

C'est surtout chez Swissair compagnie de navigation aérienne SA, qui devra licencier 1740 personnes, qu'il n'y a pas suffisamment d'actifs à disposition. Cela signifie qu'il y aura collocation des créances privilégiées en première classe. Ce n'est qu'à l'achèvement de la procédure, qui durera certainement plus d'un an, que ces créances pourront être honorées à un taux qui n'est pas encore défini.

Les grandes banques UBS et CSG se sont déjà déclarées prêtes à octroyer des crédits de transition lorsque des actifs sont disponibles. Cela signifie qu'en l'état actuel la majorité des personnes licenciées ne peuvent pas compter sur des avances de la part des grandes banques.

Ce n'est pas la tâche de la Confédération de financer un plan social alors que par son engagement elle a déjà aidé à sauver 10 000 emplois auprès de SAirGroup et 15 000 emplois auprès des sous-traitants. De telles prestations financières seraient inéquitables vis-à-vis de toutes les autres entreprises qui, en cas de sursis concordataire ou de faillite, ne sont pas en mesure d'assumer les coûts d'un plan social. Cela serait notamment inéquitable pour tous les sous-traitants, qui sont également touchés par la débâcle de Swissair.

6119

En ce qui concerne le paiement du salaire durant le délai de congé, le commissaire au sursis a décidé, pour éviter un traitement privilégié de certains créanciers, de ne pas verser de salaires aux collaborateurs licenciés qui ont été mis à pied durant le délai de congé. Pour de tels cas, la loi sur l'assurance-chômage prévoit, à l'art. 29, que le fonds de l'assurance-chômage verse 70 ou 80 % du gain assuré (au maximum 8900 francs par mois). Le gain assuré sera versé à raison de 100 % pour les mois de novembre et décembre 2001, au moyen du crédit-relais de la Confédération. Ces paiements doivent permettre, dans un domaine hautement sensible du point de vue de la sécurité, de faciliter une transition dans le sens souhaité par la Confédération.

3

Le financement du programme

3.1

La répartition des charges

Le dossier de la déconfiture de Swissair laissera des traces dans les portefeuilles de larges couches de la population. Les fournisseurs et les divers créanciers, mais également les porteurs d'obligations et actionnaires, les banques et les sociétés de leasing, auront également à supporter une part de la déconfiture du groupe. Il n'est pas pour le moment possible de dire dans quelle mesure leurs créances pourront être couvertes par les actifs lors de la liquidation. Ainsi que nous le montrons dans les chapitres suivants, les contribuables auront également à porter une part du fardeau.

Pour la Confédération, outre les 450 millions de francs du prêt destiné à assurer le maitien des dessertes de Swissair selon un horaire réduit durant le mois d'octobre 2001, il sera encore nécessaire d'injecter 1 milliard de francs dans le même but pour la période de l'horaire d'hiver 2001/2002 (soit novembre 2001 à fin mars 2002), d'investir 600 millions de francs de capital-risque dans la nouvelle entreprise et d'amortir la participation de la Confédération à SAirGroup qui figure encore au bilan pour environ 26 millions de francs.

3.2

Le financement de la part de la Confédération

3.2.1

Bases légales

Les prêts sans intérêts de 450 millions et de 1 milliard de francs promis, voire octroyés à Swissair pour assurer l'exploitation d'un réseau réduit reposent sur l'art. 101 de la loi sur l'aviation (LA; RS 748.0), qui prévoit que la Confédération peut allouer des subventions ou des prêts à l'aviation pour l'exploitation des lignes aériennes régulières. Les prêts accordés à des conditions préférentielles sont considérés comme des aides financières aux termes de l'art. 3, al. 1, de la loi sur les subventions (LSu; RS 616.1). Dans le cas de Swissair, les prêts ont été promis en vertu de contrats de droit public (art. 16, al. 2, LSu). Le contrat de base du 5 octobre 2001 relatif à un prêt de 450 millions de francs devait permettre à Swissair de poursuivre l'exploitation d'un réseau de routes réduit jusqu'au 28 octobre 2001 (fin de l'horaire d'été). Le prêt d'un milliard de francs promis aux termes du contrat complémentaire des 24 et 25 octobre 2001 doit permettre de maintenir les activités en question jusqu'au 31 mars 2002 (fin de l'horaire d'hiver 2001/2002). Les deux contrats ont été approuvés par le commissaire au sursis de Swissair.

6120

La participation de la Confédération à hauteur de 600 millions de francs à l'augmentation du capital-actions de Crossair repose sur l'art. 102 LA selon lequel la Confédération peut participer à des entreprises exploitant des aérodromes et à des entreprises de transport aérien lorsque l'intérêt général le justifie. Par ailleurs, cette prise de participation n'est pas contraire à l'art. 36, al. 2, de la loi sur les finances de la Confédération (LFC; RS 611.0) puisqu'elle n'est pas effectuée à des fins de placement mais dans le but de sauvegarder des intérêts publics. La Confédération a confirmé sa participation dans le cadre d'un accord de principe passé avec les autres investisseurs.

3.2.2

Droit financier

Le prêt de base de 450 millions de francs promis à Swissair le 5 octobre 2001 a été versé au cours du mois d'octobre 2001. Il n'a donc pas été nécessaire de demander de crédit d'engagement. En revanche, vu l'urgence de l'affaire, le Conseil fédéral et la Délégation des finances se sont vus contraints de recourir à la forme du crédit provisoire ordinaire pour pouvoir libérer le crédit (art. 18, al. 1, LFC). La dépense urgente est soumise à l'approbation de l'Assemblée fédérale dans le cadre du deuxième supplément au budget 2001 (art. 18, al. 2, LFC).

Le prêt complémentaire de 1 milliard de francs promis à Swissair pour maintenir l'exploitation de ses vols jusqu'à la fin de l'horaire d'hiver 2001/2002 sera versé par tranches, en fonction des besoins de trésorerie de la société. Les engagements financiers contractés déploieront donc leurs effets au-delà de l'exercice budgétaire en cours. En pareil cas, un crédit d'engagement est nécessaire en vertu de l'art. 25, al. 1, LFC. Comme il fallait agir vite, le Conseil fédéral a libéré le crédit d'engagement sous forme de crédit provisoire ordinaire (avec l'assentiment de la Délégation des finances) en se fondant sur l'art. 31, al. 3, LFC. Les Chambres fédérales sont également appelées à approuver cette mesure dans un deuxième temps. Le prêt complémentaire grèvera vraisemblablement le budget courant à hauteur de 600 millions de francs et celui de l'année prochaine de 400 millions de francs. De ce fait, la première tranche de 600 millions de francs a aussi été ouverte par voie de procédure urgente avec l'assentiment de la Délégation des finances. L'Assemblée fédérale devra se prononcer sur l'octroi de cette tranche dans un deuxième temps.

Pour garantir l'unité de la matière, nous vous proposons d'approuver simultanément le crédit de paiement relatif aux dépenses de l'ordre de 400 millions de francs prévisibles en 2002 (en anticipant sur le budget 2002). Ces deux postes de dépenses sont conditionnés par les engagements pris.

L'augmentation du capital-actions de Crossair sera échelonnée entre la midécembre 2001 et fin mars 2002. La promesse d'une participation de la Confédération à hauteur de 600 millions de francs a donc également nécessité un crédit d'engagement. Par ailleurs, les crédits de paiement nécessaires pour l'exercice en cours et le suivant
doivent être mis à disposition. En termes d'urgence et de procédure, l'approche a été la même que pour les prêts à Swissair : le Conseil fédéral a déjà libéré le crédit d'engagement sous forme de crédit provisoire ordinaire (avec l'assentiment de la Délégation des finances) et le soumet à l'approbation de l'Assemblée fédérale dans un deuxième temps. Comme la première tranche de 180 millions de francs ne devra être libérée qu'à mi-décembre 2001, il a été possible de renoncer à un crédit provisoire. Il faut toutefois bien être conscient que cette

6121

tranche, comme celle de 420 millions de francs qui devra être libérée en 2002, est conditionnée, tant dans les faits qu'en droit, par la promesse faite dans l'accord de principe conclu avec les investisseurs. En l'occurrence également, il est prévu que l'Assemblée fédérale se prononcera simultanément sur les deux tranches de paiement en anticipant sur le deuxième supplément au budget 2001 et sur le budget 2002.

3.2.3

Détails des crédits requis

3.2.3.1

Les crédits d'engagement

Titre

Article budgétaire concerné

Montant en millions de francs

Maintien de l'exploitation des lignes Swissair

803.4200.002

1000

Participation à l'augmentation du capital de Crossair

803.4200.003

600

Avec l'approbation de la Délégation des finances, le Conseil fédéral a approuvé ces deux crédits d'engagement selon la procédure d'urgence. Ils sont maintenant soumis, en vertu de l'art. 31, al. 3, de la loi sur les finances de la Confédération17, à l'approbation ultérieure du Parlement. En vertu de l'art. 159 de la Constitution18, ils sont soumis au frein aux dépenses.

Le premier crédit d'engagement porte sur l'octroi d'un prêt complémentaire en vue du financement par la Confédération du programme de vol réduit de Swissair pour l'horaire d'hiver 2001/2001. Sa construction présente une analogie avec la réglementation en vigueur pour l'indemnisation du trafic régional. En effet, le montant d'un milliard de francs doit permettre de couvrir le déficit d'exploitation prévu par Swissair durant cette période. Les recettes de la compagnie aérienne aideront à financer les coûts d'exploitation. Le commissaire au sursis a donné son accord à cette façon de procéder. Les relations entre la Confédération et Swissair ont été fixées dans un contrat de droit public figurant à l'annexe 4. Ce prêt s'intègre dans une commande unique de prestations auprès de Swissair. Lors de l'octroi de la première tranche de 450 millions de francs, on est parti faussement de l'idée que la transition entre Swissair et la nouvelle société pourrait être effective au début de l'horaire d'hiver 2001. Pour les raisons évoquées plus haut (cf. ch. 2.1.1), cette transition ne sera terminée qu'à la fin mars 2002. Si ce fait avait été connu lors de l'octroi du prêt de 450 millions de francs, il en aurait été immédiatement tenu compte. Les systèmes de controlling et de monitoring mis en place permettront de s'assurer que le montant à disposition ne sera pas dépassé.

Le second crédit d'engagement porte sur 600 millions de francs et recouvre l'engagement de la Confédération à participer à l'augmentation du capital de la nouvelle société. Selon le calendrier actuel, une assemblée générale extraordinaire 17 18

RS 611.0 RS 101

6122

de Crossair doit décider en décembre 2001 de l'augmentation du capital pour porter ce dernier à un peu plus de 3 milliards de francs (cf. ch. 2.1.1). L'intégralité de l'augmentation sera inscrite au registre du commerce, mais la libération des montants souscrits par les actionnaires se fera par tranche. La première tranche de libération devrait porter sur 30 % du montant souscrit. Pour la Confédération, cela représente 180 millions de francs de paiements en 2001.

Nous avons présenté sous ch. 1.3 les raisons pour lesquelles le Conseil fédéral a dû impérativement décider de ces crédits d'engagement le 22 octobre 2001 et pourquoi la décision ne souffrait aucun retard.

3.2.3.2

Les crédits de paiement

Article budgétaire

803.4200.002 1 Maintien des services de vol

Crédit supplémentaire II/01

Budget 2002

Total

en francs

en francs

en francs

1 050 000 000 (450 000 000 + 600 000 000)

400 000 000

1 450 000 000

803.4200.003 2 Participations à des compagnies aériennes

180 000 000

420 000 000

600 000 000

601.3180.100 Commissions, taxes et 3 frais de la trésorerie fédérale

12 000 000

24 000 000

36 000 000

601.3180.000 4 Prestations de service de tiers

700 000

2 000 000

2 700 000

100 000

100 000

803.3181.005 5 Autres prestations de service de tiers 611.3180.000 6 Prestations de service de tiers

200 000

300 000

500 000

611.3190.000 7 Autres biens et services

20 000

30 000

50 000

1 242 920 000

846 430 000

2 089 350 000

Total

Tous les crédits supplémentaires pour 2001 figurant en gras dans le tableau cidessus ont été décidés d'urgence par le Conseil fédéral, en accord avec la Délégation des finances.

6123

Le tableau distingue les crédits de paiements ­

indispensables en 2001 encore et devant être intégrés dans le deuxième supplément au budget 2001,

­

de ceux se rapportant à l'année 2002 et qui devront être intégrés dans le budget de la Confédération pour cette année. Les montants relatifs à 2002 viennent s'ajouter aux crédits de paiement requis par le Conseil fédéral dans son message concernant le budget 2002.

Commentaire relatif aux différents crédits de paiements: 1.

Le montant total du crédit supplémentaire comprend les 450 millions de francs de prêt consentis à Swissair pour assurer le programme de vol réduit durant le mois d'octobre 2001. Ce montant a été décidé par le Conseil fédéral le 3 octobre 2001, avec l'assentiment de la Délégation des finances, selon la procédure provisoire.

La répartition entre 2001 et 2002 des crédits de paiement relatifs à l'article budgétaire 803.4200.002 qui découlent du crédit d'engagement à l'appui du prêt d'un milliard de francs suscite encore de grandes incertitudes. On peut toutefois s'attendre à ce que les derniers mois de 2001 génèrent des déficits comparativement plus élevés que les trois mois de 2002. Cela tient à ce que, vu les moyens restreints à disposition pour octobre 2001, seules les factures les plus urgentes ont été payées durant ce mois, les autres ayant été repoussées à plus tard. Par ailleurs, la part des vols réservés et payés avant l'entrée en sursis concordataire tend à diminuer avec le temps. Enfin, grâce au prêt de la Confédération, les clients ont une garantie de pouvoir ­ même si ce n'est que jusqu'à la fin mars 2002 ­ voler à nouveau avec Swissair. Cet effet devra se faire sentir davantage au cours de 2002. L'argent n'étant mis à disposition que par tranches, en fonction des besoins effectifs qui seront mis en évidence par le système de monitoring et de controlling, il n'est pas à craindre que le crédit de paiement soit trop vite consommé. En estimant largement le crédit supplémentaire pour 2001, on a voulu éviter de se trouver confronté, à des difficultés de trésorerie.

2.

Le montant de 180 millions de francs comme crédit supplémentaire pour 2001 correspond à une libération de 30% de la part (600 millions de francs) souscrite par la Confédération à l'augmentation du capital de Crossair. La libération des 420 millions de francs restants est attendue pour 2002.

3.

La mise à disposition des capitaux nécessaires pour le prêt à Swissair et la participation de la Confédération à l'augmentation du capital de Crossair nécessitera un prélèvement sur le marché des capitaux. Il s'ensuivra des coûts d'émission non budgétés d'environ 12 millions de francs pour cette année et d'environ 24 millions de francs pour l'année prochaine. Notons cependant qu'une grande partie de ces frais reviendront dans les caisses de la Confédération sous forme de droits de timbre. Afin que le calendrier soit respecté, un crédit provisoire pour la part afférente à l'année en cours (12 millions) est sollicité. En ce qui concerne l'augmentation des intérêts passifs en raison des nouveaux emprunts, elle s'inscrira en 2001 dans le cadre des crédits alloués. Pour l'an 2002, demander une modification du crédit de paiement prévu au budget serait prématuré. L'évolution des taux d'intérêt dans le courant de l'année montrera s'il y aura lieu de recourir à une demande de crédit supplémentaire avec le second supplément au budget 2002.

6124

4.

Le 19 juin 2001, à la demande de la Confédération et du canton de Zurich, le Tribunal de district de Zurich a demandé à la société Ernst & Young SA de procéder à un contrôle spécial de SAirGroup. Les travaux, qui ont commencé début août 2001, sont aujourd'hui pratiquement à mi-chemin. En vertu de l'art. 697g, al. 2, CO, les frais engendrés par le contrôle spécial sont à la charge de la société contrôlée. En raison de ses problèmes de trésorerie, SAirGroup n'a toutefois payé que l'avance de 250 000 francs exigée par le juge. Les factures en souffrance présentées par Ernst & Young pour les travaux exécutés jusqu'ici s'élèvent globalement à 2 millions de francs, auxquels s'ajouteraient 2 millions de francs supplémentaires au maximum si le contrôle spécial devait être mené à terme (y compris la rédaction d'un rapport final détaillé). A défaut d'une garantie de financement de cette somme, la poursuite du contrôle spécial serait compromise, au risque de ne pas pouvoir exploiter les éléments déjà mis à jour. D'un autre côté, SAirGroup est en sursis concordataire depuis le 5 octobre 2001, ce qui crée une situation nouvelle par rapport au contrôle spécial. La question qui se pose est de savoir si, compte tenu de la nouvelle donne, il incombe à la Confédération et au canton de Zurich d'assumer tout ou partie de ce financement.

D'un point de vue purement économique, rien ne les y pousse. En cas de concordat par abandon d'actifs ou de faillite, il appartient prioritairement au liquidateur ou à l'administration de la faillite d'élever des prétentions en responsabilité (art. 757, al. 1, CO). Les actions en responsabilité se prescrivent par cinq ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage, ainsi que de la personne responsable, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit (art. 760, al. 1, CO). Si le liquidateur ou l'administration de la faillite renonce à exercer ce droit, les créanciers sociaux peuvent le faire en deuxième priorité. Le produit sert d'abord à couvrir les créances des créanciers demandeurs. Les actionnaires participent uniquement à l'éventuel excédent (art. 757, al. 2, CO). En tant qu'obligataire, la Confédération est également créancière de SAirGroup, sa créance étant toutefois limitée à quelque 3 millions de francs. En revanche,
les prêts de droit public de 450 millions et d'un milliard de francs ont été octroyés à Swissair. Il ne sera donc pas possible de rechercher SAirGroup pour en obtenir le remboursement. Suite à la tournure qu'ont pris les événements ces derniers temps, le contrôle spécial de SAirGroup ne revêt donc plus la même importance pour la Confédération.

D'un point de vue politique, en revanche, la situation pourrait être tout autre.

Au début de l'année, la Confédération et le canton de Zurich ne se sont pas seulement engagés pour sauvegarder leurs droits d'actionnaires ; leur action visait aussi à démêler l'écheveau des responsabilités. La question de savoir s'il faut poursuivre le contrôle spécial sous une forme ou sous une autre doit être examinée en tenant compte de ce contexte. Pour que la Confédération s'engage financièrement, il faudrait toutefois qu'une solution adéquate soit trouvée avec le juge compétent, l'administrateur, la société chargée du contrôle spécial, le canton de Zurich et d'autres intéressés. Ces discussions sont encore en cours et leur issue est incertaine. Pour pouvoir soutenir le cas échéant, avec le canton de Zurich et d'autres parties intéressées, la poursuite du contrôle spécial, nous vous demandons d'approuver un crédit de

6125

2 millions de francs à charge du budget 2002 (article budgétaire 601.3180.000, Prestations de services de tiers).

Pour le même article budgétaire, l'Administration fédérale des finances a encore besoin de 700 000 francs supplémentaires pour la fin de l'année 2001. Elle doit en effet, dans sa gestion du dossier, faire face à de nombreux problèmes nouveaux pour elle et recourir aux services de spécialistes externes. Le crédit demandé de 700 000 francs couvre les frais du monitoring et du controlling effectué par la firme BDO Visura durant le mois d'octobre 2001 sur l'utilisation du prêt de base de 450 millions de francs, les honoraires de l'institut bancaire mandaté pour effectuer une seconde opinion sur le business plan de la nouvelle société ainsi que le recours à des services externes pour l'élaboration, la mise au point et la signature de l'accord de principe entre les investisseurs concernés.

5.

Les questions relatives à la compatibilité du programme de redimensionnement avec l'accord du 21 juin 1999 entre la Suisse et la CE sur le transport aérien font et feront encore l'objet de discussions régulières avec la Commission européenne (cf. aussi ch. 5). Pour s'y préparer au mieux et se faire conseiller sur ces questions très complexes, l'administration (Office fédéral de l'aviation civile) aura recours à des experts. Un crédit de 100 000 francs sur le budget 2002 est requis à cet effet.

6.

Le CDF doit absolument pouvoir continuer de s'appuyer sur des capacités extérieures pour le controlling et le monitoring de l'emploi par Swissair des prêts accordés par la Confédération. Pour les 5 mois allant jusqu'à fin mars 2002, il en coûtera environ 500 000 francs. L'avance de 200 000 francs demandée couvre les mois de novembre et décembre de cette année.

7.

Il s'agit ici des frais et débours des collaborateurs du CDF qui sont en permanence engagés dans le controlling et le monitoring des prêts. Ces coûts sont estimés à 10 000 francs par mois, soit 50 000 francs jusqu'à fin mars.

L'avance de 20 000 francs demandée couvre les frais jusqu'à la fin de l'année.

4

Conséquences financières

4.1

Pour la Conféderation

Les conséquences financières sur la Confédération ressortent clairement du ch.

3.2.3.2. Le total des dépenses supplémentaires attendues se monte à 2,1 millions de francs, dont environ 1 243 millions de francs grèveront le compte d'Etat 2001 et 846 millions de francs le budget 2002. Bien entendu, ceci ne restera pas sans conséquences sur le résultat du compte financier de la Confédération pour l'année en cours et l'année suivante.

Le budget de l'exercice courant, qui prévoyait un résultat équilibré, enregistrera vraisemblablement un important déficit. Aux charges supplémentaires prévues aux termes du présent message s'ajoutent des crédits supplémentaires d'un volume supérieur à la moyenne à long terme, ainsi qu'un fort recul des recettes fiscales provenant de certains impôts fédéraux (impôt anticipé, droits de timbre). Ce repli ne pourra pas être compensé par l'augmentation des produits d'autres impôts (notamment de la TVA) et des postes de recettes non fiscaux (remboursement de prêts accordés à 6126

l'assurance-chômage et dans le cadre de la garantie contre les risques à l'exportation, réduction de la valeur nominale des actions Swisscom). Pour le moment, il n'est pas exclu que l'objectif de limitation de l'excédent de dépenses inscrit dans la Constitution (2 % des recettes = env. 980 millions) soit dépassé. Pour le budget 2002, l'excédent de recettes d'environ 350 millions de francs prévu initialement dans le message du Conseil fédéral fera place à un déficit de l'ordre d'un demimilliard de francs. Compte tenu de la dégradation croissante des perspectives conjoncturelles et de la persistance de la surcharge structurelle du budget fédéral, il faudra assurément faire preuve d'une plus grande attention et de prudence dans la politique budgétaire.

Le Conseil fédéral entend contrer ces nouveaux signes précurseurs de détérioration de la situation budgétaire avec les mesures suivantes: ­

Concernant le train de mesures fiscales 2001, il semble pour le moins nécessaire de s'en tenir au maximum aux pertes de recettes prévues dans le projet du Conseil fédéral. Le gouvernement insistera fortement sur ce point lors des débats au second conseil.

­

Le Conseil fédéral continuera à s'engager pour le maintien de la participation de la Confédération aux financements actuels et planifiés de l'AVS et de l'AI par le biais d'une partie du produit de la TVA. A défaut de ces quote-parts de recettes correspondant à des contributions en pour-cent des dépenses, le budget affichera très rapidement un déséquilibre structurel qui entraînera soit une nouvelle augmentation de la dette soit une véritable politique d'austérité dans d'autres domaines prioritaires.

­

Il s'agit aussi de modérer la politique des dépenses et de définir des priorités. Il convient en particulier de se montrer vigilant au sujet des nombreux postes de dépenses que l'on souhaite créer ou augmenter, et dont les chiffres ne figurent pas encore dans le plan financier en raison de l'état d'avancement des travaux les concernant.

Après la clôture de l'exercice 2001, le Conseil fédéral procédera à une nouvelle appréciation de la situation du point de vue de la politique budgétaire. Il devra alors se prononcer sur la nécessité de mesures de consolidation spécifiques dictées par les dispositions constitutionnelles relatives à l'objectif budgétaire 2001. A ce sujet, il paraît important de relever le fait que, contrairement au texte de l'arrêté fédéral concernant un frein à l'endettement soumis au vote, ces dispositions n'accordent aucune marge de manoeuvre en cas de situation et d'événements exceptionnels. A la lumière de l'actualité, il apparaît clairement que ce texte est plus souple et pragmatique que la Constitution dans son état actuel.

Au nombre des conséquences financières pour la Confédération, il faut également compter les retombées sur l'assurance-chômage, même si celle-ci dispose de comptes séparés de ceux de la Confédération. Le montant exact que cela représente ne peut pas encore être chiffré à l'heure actuelle, vu que l'on est en droit de penser qu'une proportion non négligeable des personnes licenciées réintégreront rapidement le marché du travail. On peut néanmoins estimer que, pour 1000 personnes licenciées par Swissair, le montant à la charge de l'assurance-chômage devrait être d'environ 50 millions de francs par année et le montant à la charge de l'assurance en cas d'insolvabilité de 7 millions de francs par mois. Aux termes de la décision du commissaire, les collaborateurs licenciés ou mis à pied par les entreprises de SAirGroup qui sont en sursis concordataire ne touchent plus de salaire, et ce avec 6127

effet immédiat. Ils ont en revanche immédiatement droit aux indemnités de l'assurance-chômage, mais seulement à hauteur de 70 ou 80% du gain assuré (soit un maximum de 8900 francs par mois), ce qui, pour l'assurance-chômage, représente environ 5 millions de francs de dépenses par mois pour 1000 collaborateurs licenciés. Pour faciliter la transition, la convention passée entre la Confédération suisse, le commissaire, les entreprises en sursis concordataire et les partenaires sociaux prévoit que le commissaire fera financer, pour les collaborateurs licenciés ou mis à pied par Swissair, la différence entre les indemnités de chômage et le gain assuré par un crédit-relais de la Confédération (mesure limitée au 31 décembre 2001). En retenant le chiffre d'environ 2 500 suppressions d'emplois, le montant nécessaire pour les deux derniers mois de l'année est estimé à quelque 11 millions de francs. Le Conseil fédéral est d'avis que les instruments existants et les moyens disponibles au titre de la loi sur l'assurance-chômage sont suffisants pour soutenir les travailleurs touchés par la crise de Swissair. Un autre crédit-cadre n'est donc pas nécessaire.

4.2

Pour les cantons

L'impact financier sur les cantons a été présenté de façon exhaustive au ch. 2.1.1, dans la mesure où il est connu à la date de l'approbation du présent message. Pour l'essentiel, il se compose des deux éléments suivants: ­

la participation à la recapitalisation de Crossair pour un montant d'environ 400 millions de francs (auxquels on peut ajouter 50 millions de francs promis par la ville de Zurich);

­

la prise en charge de tout ou partie des besoins de liquidités des entreprises vitales pour l'exploitation aéroportuaire, ce qui, selon les estimations actuelles, représente quelque 150 millions de francs.

4.3

Pour l'économie nationale

Nous nous permettons ici également de renvoyer aux développements figurant sous ch. 1.2.2.

5

Relations avec le droit européen

La question de la relation des mesures suisses avec le droit européen se pose en connexion avec l'accord sur le transport aérien (ci-après, ATA) que la Suisse et la CE ont signé le 21 juin 1999. L'ATA étend aux relations Suisse-CE l'ensemble de l'acquis communautaire en matière de droit de la concurrence dans le domaine du transport aérien existant au moment de la signature de l'accord.

L'ATA n'est pas encore en vigueur. Toutefois, conformément au principe de la bonne foi qui est ancré dans l'art. 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités ainsi que dans le droit international public coutumier, la Suisse ne peut pas prendre des mesures qui saperaient les buts de l'ATA ou qui compromettraient la capacité de la Suisse de l'appliquer après son entrée en vigueur. Le Conseil fédéral a

6128

ainsi pris sa décision en tenant compte de l'ATA, bien que la Suisse ne soit pas formellement tenue de se conformer à l'ATA tant qu'il n'est pas en vigueur.

Selon l'art. 14 ATA, le contrôle des aides d'Etat reste de la compétence de chaque partie à l'accord. Les autorités suisses sont donc compétentes pour vérifier la conformité des mesures adoptées par la Suisse. Bien que l'art. 14 ATA n'ait pas d'effet obligatoire pour le moment, la Suisse a, conformément à l'esprit de l'ATA, informé la Commission européenne des mesures adoptées et poursuit un échange d'informations régulier.

Selon l'art. 13 ATA, les aides d'Etat qui faussent ou menacent de fausser la concurrence sont incompatibles avec l'accord. Toutefois, conformément à l'art. 13, al. 2 et 3, de l'ATA, certaines aides d'Etat sont compatibles avec l'ATA ou peuvent être considérées comme compatibles avec l'ATA. Ces dispositions ne sont pas encore en vigueur. Le Conseil fédéral a cependant examiné les prêts à Swissair et la participation minoritaire à Crossair au regard de l'art. 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il a abouti à la conclusion que les prêts, de même que la participation minoritaire, ne sont pas susceptibles de saper les buts de l'ATA ni de compromettre la capacité de la Suisse d'appliquer l'ATA après son entrée en vigueur.

Les prêts à Swissair pourraient être considérés comme une aide au sauvetage. Les aides au sauvetage sont destinées à permettre la poursuite de l'exploitation d'une entreprise durant la période nécessaire pour l'élaboration d'un plan de restructuration ou de liquidation. De telles aides au sauvetage ne sont pas remises en cause par principe par la Communauté19.

La participation minoritaire de la Confédération à Crossair peut être considérée comme un comportement normal dans une économie de marché. Il ressort en effet de la pratique constante de la Commission que celle-ci ne considère pas les participations des pouvoirs publics à des compagnies aériennes comme des aides dans la mesure où l'Etat se comporte comme un investisseur privé guidé par des objectifs de rentabilité. Le Conseil fédéral considère que c'est le cas de la participation minoritaire de la Confédération à Crossair. La participation majoritaire de l'économie montre que l'augmentation du capital est un investissement raisonnable
pour les investisseurs privés également. Si des détails de l'augmentation de capital devaient conduire à une autre appréciation, le Conseil fédéral considère de toute façon que la participation minoritaire est, pour l'essentiel, conforme aux principes du droit communautaire concernant l'approbation des aides à la restructuration20. En aucun cas la participation au capital ne saperait les buts de l'ATA ni ne compromettra la capacité de la Suisse d'appliquer l'ATA après son entrée en vigueur.

19

20

Voir à ce sujet les lignes directrices communautaires pour les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, 1999/C 288/02 du 9.10.99. Ces directives remplacent les lignes directrices communautaires pour les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, 1994/C 368/12 du 23.12.94.

Cf. les lignes directrices ci-dessus pour les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, 1999/C 288/02 du 9.10.99.

6129

6

Bases légales

Comme exposé au ch. 3.2.1, tant le crédit accordé à Swissair que la participation de la Confédération à Crossair se fondent sur la loi fédérale sur l'aviation (LA), ellemême basée sur les art. 36 et 37ter de l'ancienne constitution fédérale. Ces dispositions sont aujourd'hui reprises dans les art. 87 et 92 de la nouvelle Constitution fédérale (voir RO 2001 1678). L'arrêté soumis à l'approbation des Chambres est par conséquent conforme à la Constitution et à la loi.

Aux termes de l'art. 167 Cst., la souveraineté financière appartient aux Chambres fédérales. Le projet d'arrêté fédéral se fonde sur cette compétence et n'est pas soumis au référendum. Il prend donc la forme d'un arrêté simple (art. 163, al. 2, Cst.).

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Annexes: 1

Scénarios élaborés pour une compagnie aérienne suisse Phoenix+

2

Organisation du projet «Pont aérien: Phase 2»

3

Öffentlichrechtlicher Darlehensvertrag du 5 octobre 2001 (seulement en al lemand)

4

Öffentlichrechtlicher Darlehensvertrag (Ergänzungsvertrag) des 24/25 octobre 2001 (seulement en allemand)

Les annexes ne sont pas publiées dans la Feuille fédérale, mais elles peuvent être consultées sur le site Internet suivant: http://www.efd.admin.ch/f/aktuell/airline/index.htm

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