00.086 Message relatif à l'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» du 25 octobre 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)». Nous vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Un projet d'arrêté fédéral est joint au présent message.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

25 octobre 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1701

85

Condensé L'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» a été déposée le 26 octobre 1999, munie de 113 032 signatures valables, sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. Elle vise à inscrire dans la Constitution un droit à la formation professionnelle. Les offres nécessaires seraient financées par un fonds pour la formation professionnelle à l'échelle de la Suisse, alimenté par des contributions des employeurs.

Si l'objectif visé par les auteurs de l'initiative ­ offrir à tous la possibilité de faire une formation professionnelle de base ­ est en soi louable, la voie proposée est cependant inadéquate, et ce pour les raisons suivantes: ­

Avec la révision de la loi sur la formation professionnelle, la Confédération crée des conditions-cadre meilleures, qui permettront d'offrir des places de formation pour que chacun puisse se former en fonction de ses capacités. La nouvelle loi prévoit la possibilité d'obliger les entreprises qui ne font pas de formation professionnelle à verser des contributions de solidarité pour alimenter des fonds de formation professionnelle gérés par les différentes branches de l'économie.

­

La gestion d'un fonds national pour la formation professionnelle exigera de la part des autorités fédérales un travail administratif considérable pour le calcul et l'encaissement des taxes. Les circonstances varient selon les branches concernées et il sera difficile de trouver des solutions valables en partant du principe très général proposé par l'initiative. De plus, l'utilisation de ces ressources entraînera un surcroît de travail pour les cantons et les organisations cantonales des partenaires sociaux.

­

L'introduction d'un fonds uniforme pour la formation professionnelle présente le risque de voir les entreprises se désengager de la formation professionnelle, parce que les formes actuelles de la formation professionnelle seront complétées par des offres de l'Etat, bénéficiant d'un soutien plus large.

­

Il est enfin à craindre qu'avec le développement d'offres de formation proposées par l'Etat le lien étroit et utile qui unit la formation professionnelle à la pratique ne se distende.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

86

Message 1

Partie générale

1.1

Aspects formels

1.1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» a été déposée à la Chancellerie fédérale le 26 octobre 1999 sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

Sa teneur est la suivante: I La constitution fédérale est modifiée comme suit: Art. 34tera (nouveau)* 1

Le droit à une formation professionnelle appropriée est garanti.

2

La Confédération et les cantons veillent à garantir une offre suffisante en matière de formation professionnelle. Cette formation doit être de qualité et peut être dispensée dans des entreprises et dans des écoles professionnelles, dans des écoles publiques ou dans des institutions analogues placées sous la surveillance de l'Etat.

3

La Confédération crée un fonds pour la formation professionnelle.

4

Le financement du fonds est assuré par des contributions de tous les employeurs.

Les coûts des places de formation mises à disposition doivent être pris en compte si ces places satisfont aux exigences de qualité.

5 La Confédération règle la répartition des capitaux du fonds entre les cantons. Les cantons sont compétents pour l'utilisation de ces capitaux. A cet effet, ils associent les partenaires sociaux. Ces derniers participent notamment au contrôle de la qualité des places de formation.

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont modifiées comme suit: Art. 24 (nouveau) * Si la loi d'application n'est pas entrée en vigueur trois ans après l'acceptation de l'article constitutionnel 34tera, le Conseil fédéral prend à cette date les mesures nécessaires par voie d'ordonnance.

*

Suite à la votation populaire du 18 avril 1999, ces articles correspondent aux art. 63 et 197 de la nouvelle Constitution fédérale.

87

1.1.2

Aboutissement

Par décision du 8 novembre 1999, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» déposée le 26 octobre 1999 avait recueilli 113 032 signatures valables et qu'elle avait donc formellement abouti (FF 1999 8495).

1.1.3

Délai de traitement

Selon l'art. 29, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le Conseil fédéral doit soumettre son message à l'Assemblée fédérale dans un délai de douze mois à compter du dépôt de l'initiative, soit en l'espèce avant le 25 octobre 2000.

L'Assemblée fédérale doit arrêter sa décision d'accepter ou de rejeter l'initiative dans la forme sous laquelle elle a été déposée au plus tard 30 mois après le dépôt de ladite initiative, soit en l'espèce d'ici au 25 avril 2002. Ce délai peut être prolongé d'un an par l'Assemblée fédérale si l'une au moins des Chambres fédérales décide d'opposer un contre-projet à l'initiative.

1.2

Validité

1.2.1

Unité de la forme et de la matière, compatibilité avec le droit international

Selon l'art. 139, al. 2 et 3, et l'art. 194, al. 3, de la Constitution du 18 avril 1999 (Cst.), une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution fédérale peut revêtir la forme d'une proposition conçue en terme généraux ou celle d'un projet rédigé. Les formes mixtes ne sont pas admises. La présente initiative «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» se présente sous la forme d'un projet entièrement rédigé.

Le principe de l'unité de la forme est ainsi respecté.

Le principe de l'unité de la matière (art. 139, al. 3, et art. 194, al. 2, Cst.) vise à empêcher qu'une initiative soumise au vote n'aborde plusieurs questions portant sur des thèmes différents. Il permet de garantir que la volonté politique puisse se former librement et qu'elle ne soit pas biaisée.

L'objectif de l'initiative est clair: elle exige un droit à la formation professionnelle de base. Pour que ce droit puisse être exercé, la Confédération et les cantons veillent à prévoir un nombre suffisant de places de formation. Les coûts doivent être couverts par un fonds pour la formation professionnelle, alimenté par les contributions des employeurs. Les différents aspects ont donc un rapport direct. L'unité de la matière est ainsi donnée.

Dans son art. 194, al. 2, la Constitution précise qu'une révision partielle de la Constitution ne doit pas violer les règles impératives du droit international. En voulant garantir un droit à la formation professionnelle, la présente initiative n'est à

88

l'évidence pas en contradiction avec les règles impératives du droit international.

Elle est de ce point de vue parfaitement admissible.

1.2.2

Réalisation

La mise en oeuvre de la présente initiative ne manquerait pas d'entraîner certaines difficultés pratiques (cf. ch. 3.5 Aspects pratiques de l'exécution), mais elle n'en reste pas moins applicable.

2

Partie spéciale

2.1

Contenu et interprétation de l'initiative

Ci-après, les dispositions constitutionnelles proposées sont expliquées comme suit: ­

Un premier passage expose les objectifs de l'initiative tels qu'ils sont présentés dans une brochure rédigée par le comité d'initiative 1.

­

Un deuxième passage propose une interprétation complémentaire du point soulevé.

Art. 63a, al. 1 «Le droit à une formation professionnelle appropriée est garanti.» Selon les explications des auteurs de l'initiative, «chaque jeune doit avoir le droit constitutionnel d'accomplir une bonne formation professionnelle». Le droit à une bonne formation professionnelle est un droit de la personne pour tous les jeunes; c'est aussi la clé pour la future intégration dans le marché de l'emploi.» La formation professionnelle de base doit être suffisante, c'est-à-dire que «l'apprentissage doit permettre aux jeunes de développer un savoir et des connaissances de base de qualité, qui sont indispensables à la formation continue tout au long de la vie.» L'instauration d'un droit individuel à la formation professionnelle oblige l'Etat à faire en sorte que chacun puisse exercer ce droit. Le texte de l'initiative ne précise pas à quel âge ce droit pourrait être exercé, ni ce qu'il faut entendre exactement par une formation professionnelle «suffisante». Il est permis de penser qu'il s'agit d'une première formation professionnelle de base. Une deuxième formation ou une reconversion ne seraient donc pas couvertes par cette notion.

Art. 63a, al. 2 «La Confédération et les cantons veillent à garantir une offre suffisante en matière de formation professionnelle. Cette formation doit être de qualité et peut être dispensée dans des entreprises et dans des écoles professionnelles, dans des écoles publiques ou dans des institutions analogues placées sous la surveillance de l'Etat» En matière de formation professionnelle, l'offre doit être suffisante. Le comité d'initiative considère que l'offre est suffisante lorsque l'offre de places d'apprentissage 1

R. Strahm [concept]; U. Häberlin, R. Margreiter, C. Renfer, C. Schärer et P. Sigerist [rédaction], S. Piller [adaptation française] Initiative pour des places d'apprentissage, Zurich, 1998.

89

est nettement supérieure à la demande. Les jeunes disposent ainsi d'une certaine marge de manoeuvre pour le choix d'une profession et peuvent davantage se laisser guider par leurs envies et leurs capacités. En chiffres, les auteurs de l'initiative estiment que l'offre est suffisante lorsqu'on compte de quatre à six places d'apprentissage pour 100 emplois à plein temps.

Le mandat qu'auraient la Confédération et les cantons de veiller à une offre suffisante pourrait être réalisé de différentes manières: par la gestion d'établissements de formation, en incitant les entreprises à redoubler d'efforts pour faire de la formation professionnelle, ou encore en confiant des mandats à des tiers.

L'initiative exige que la formation soit de qualité. Le texte de l'initiative ne précise toutefois pas ce que recouvre cette notion de «qualité». On peut dès lors penser qu'il s'agit aussi bien de la qualité des contenus de la formation que de la qualité des prestataires de la formation professionnelle (entreprises, écoles, etc.). Par souci d'harmonisation, les critères de qualité devraient être fixés par le législateur, le contrôle de la qualité étant ensuite de la compétence des organes d'exécution.

Art. 63a, al. 3 «La Confédération crée un fonds pour la formation professionnelle.» Le fonds pour la formation professionnelle est l'instrument qui doit permettre à la Confédération de veiller à ce que tous les jeunes puissent bénéficier de leur droit à une formation professionnelle suffisante. Selon le comité d'initiative, les ressources du fonds doivent s'ajouter aux contributions fiscales que la Confédération et les cantons investissent dans la formation professionnelle.

Conformément à l'initiative, les ressources provenant du fonds pour la formation professionnelle viendraient s'ajouter aux moyens investis par les pouvoirs publics, ce qui ne ressort toutefois pas clairement du texte de l'initiative lui-même. Dans l'hypothèse où les sommes ainsi réunies dépasseraient les besoins, la question reste ouverte de savoir dans quelle proportion il faudrait diminuer la redevance dont s'acquittent les employeurs et les moyens investis par les pouvoirs publics. En effet, le texte de l'initiative ne dit pas s'il faut réduire la redevance, les moyens investis par les pouvoirs publics, ou les deux. Ce point devrait être tranché
par le législateur lors de la mise en oeuvre de l'initiative. Une solution mesurée serait de diminuer tant la redevance que les sommes investies par les pouvoirs publics.

Art. 63a, al. 4 «Le financement du fonds est assuré par des contributions de tous les employeurs.

Les coûts des places de formation mises à disposition doivent être pris en compte si ces places satisfont aux exigences de qualité.» Selon le comité d'initiative, les entreprises peuvent déduire de la taxe dont elles doivent s'acquitter les coûts nets de leurs activités de formation professionnelle (coût global, incluant le personnel de formation, après déduction du rendement dû au travail des apprentis).

Toujours selon les auteurs de l'initiative, le fonds devrait engranger quelque 400 à 500 millions de francs par année.

L'initiative laisse au législateur le soin de fixer les critères pour le prélèvement de la taxe. Pour le montant concret de la taxe, les auteurs de l'initiative énumèrent 90

quelques facteurs qui pourraient servir de base de calcul: nombre d'employés, plusvalue brute, chiffre d'affaires ou cash-flow. Le montant de la taxe varie cependant selon l'offre globale de places d'apprentissage: si cette offre est élevée, la taxe peut être relativement faible, mais si le nombre de places d'apprentissage est insuffisant, la taxe sera augmentée en conséquence.

Les exigences de qualité auxquelles les places de formation doivent satisfaire devront être déterminées par le législateur au niveau fédéral.

Art. 63a, al. 5 «La Confédération règle la répartition des capitaux du fonds entre les cantons. Les cantons sont compétents pour l'utilisation de ces capitaux. A cet effet, ils associent les partenaires sociaux. Ces derniers participent notamment au contrôle de la qualité des places de formation.» La répartition entre les cantons des ressources provenant du fonds doit être réglée par la loi. Elle peut se faire en fonction de l'affectation de ces ressources qui, selon les auteurs de l'initiative, pourraient être utilisées comme suit: gestion des écoles professionnelles, mesures de formation continue, mesures en faveur de l'égalité des sexes, campagnes de motivation et marketing de places d'apprentissage, cours d'intégration, cours d'introduction, pool de formation, formation purement scolaire avec stages pratiques (écoles de métiers), coopération entre les prestataires de la formation (écoles professionnelles et entreprises ou réseaux d'entreprises).

L'argent réparti entre les cantons par la Confédération est géré au niveau régional par les cantons et les partenaires sociaux (gestion tripartite).

La répartition des ressources du fonds entre les cantons et les critères présidant à l'attribution des ces ressources par les cantons seront à régler par la loi, en évitant les doubles subventions. Une clé devrait être déterminée pour la répartition entre les cantons.

L'intervention des partenaires sociaux dans le contrôle de la qualité des places de formation est une innovation. Ce sont jusqu'ici les autorités cantonales de la formation professionnelle qui ont assuré seules cette mission; les modalité de leur collaboration à cette fin avec les partenaires sociaux devrait elles aussi être clarifiées dans une loi.

2.2

Situation juridique actuelle

2.2.1

Constitution du 18 avril 1999

Dans la liste des buts sociaux figurant dans la Constitution, il est dit que la Confédération et les cantons s'engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée, à ce que les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes en âge de travailler, puissent bénéficier d'une formation initiale et d'une formation continue correspondant à leurs aptitudes (art. 41, al. 1, let. f).

Cette disposition, qui a valeur de programme et qui diffère des droits sociaux proprement dits, tels que le droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse (minimum vital; art. 12 Cst.) et le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst.), en ce sens qu'un individu ne peut pas l'invoquer directement devant les tribunaux, fait fonction d'indicateur pour la Confédération et les cantons, 91

qui doivent s'en inspirer pour définir leurs politiques sociales et de formation. La liberté économique (art. 27 Cst.) garantit notamment le libre accès à une profession et le libre choix de celle-ci. Pas plus que de l'art. 10, garantissant la liberté personnelle, on ne peut toutefois s'en prévaloir pour réclamer le droit à une formation dispensée par l'Etat (ATF 125 I 175 c. 3).

La Confédération et les cantons doivent plutôt élaborer leur politique de manière à ce que chacun puisse assurer, sous sa propre responsabilité, les bases de sa subsistance. L'art. 6 Cst. dit en effet que toute personne est responsable d'elle-même et contribue selon ses forces à l'accomplissement des tâches de l'Etat et de la société. L'Etat n'intervient qu'à titre subsidiaire, quand ce but n'est pas accessible à l'individu.

Bien que la Constitution fédérale ne connaisse pas le droit à la formation, d'autres droits fondamentaux permettent des revendications directes. Il est possible, par exemple, d'intenter une action contre des organes publics pour traitement discriminatoire et arbitraire (égalité devant la loi; art. 8 Cst., protection contre l'arbitraire; art. 9 Cst.).

L'histoire du droit à la formation A la différence de celle de divers autres Etats ayant une tradition constitutionnelle comparable à celle de la Suisse, notre Constitution ne compte pas le droit à une formation au nombre des droits fondamentaux. Toutes les tentatives d'inscrire un tel droit dans la Constitution ont jusqu'ici échoué.

En réponse à différentes interventions parlementaires, le Conseil fédéral propose trois nouveaux articles portant sur la formation et la recherche dans son message du 19 janvier 1972. Les deux articles constitutionnels 27 et 27bis sur la formation seront rejetés lors de la votation populaire du 4 mars 1973 (FF 1973 I 1155), obtenant certes la majorité des suffrages mais échouant sur l'écueil de la majorité des cantons (dix cantons et trois demi-cantons les ont refusés).

Cette décision populaire a eu des conséquences au-delà du vote, puisque le Tribunal fédéral, s'en prévalant, a renoncé à développer un droit social fondamental non écrit à la formation (ATF 103 Ia 369, c. 4a, 103 Ia 394, c. 2a). Le sens d'une telle norme constitutionnelle est incontesté dans la doctrine.

En 1986, l'initiative populaire «pour une formation
professionnelle et un recyclage garanti» a été rejetée. Elle aurait obligé le Conseil fédéral à créer plus de places de formation, plus de possibilités de recyclage et de formation continue. Les cantons auraient été mandatés pour créer des écoles de métiers et d'autres établissements de formation. Une grande partie des coûts aurait dû être assumée par le patronat.

Dans la plupart des constitutions cantonales, la formation occupe une place importante. Le canton du Jura mérite une mention particulière, puisque sa constitution reconnaît, en son art. 4, al. 1, un droit à la formation: «Le droit à la formation est reconnu. L'Etat et les communes facilitent la fréquentation des écoles et des universités, ainsi que la formation professionnelle en général.» Les cantons de Berne, de Soleure, de Bâle-Ville, d'Appenzell Rhodes-Extérieures et du Tessin ont prévu des dispositions allant dans le sens des buts sociaux de la Constitution fédérale.

92

2.2.2

Loi fédérale du 19 avril 1978 sur la formation professionnelle

La loi du 19 avril 1978 sur la formation professionnelle (LFPr) actuellement en vigueur ne dit rien au sujet des deux principales revendications de l'initiative, à savoir le droit à une formation professionnelle de base et un fonds de financement de la formation professionnelle.

On peut déduire de l'art. 9 LFPr que toute personne peut acquérir une formation professionnelle de base, dans la mesure où elle conclut un contrat d'apprentissage avec une entreprise ou si elle a été admise dans une école de métiers ou une école d'arts appliqués. Il n'existe pas de droit illimité à une formation professionnelle de base.

L'actuelle LFPr ne prévoit pas la possibilité de prélever des taxes auprès des employeurs, comme l'exige l'initiative. Or, une taxe telle que la conçoit l'initiative serait à considérer comme un impôt et ne pourrait donc pas être introduite sur la base constitutionnelle existante.

2.2.3

Arrêté fédéral du 18 juin 1999 relatif à des mesures visant à améliorer l'offre de places d'apprentissages et à développer la formation professionnelle (2e arrêté sur les places d'apprentissage)

Depuis des décennies, la Confédération se soucie de permettre à tous les jeunes de prendre un bon départ dans le monde du travail, surtout quand les places d'apprentissage sont relativement peu nombreuses. Après avoir contribué financièrement entre 1997 et 1999, dans le cadre du premier arrêté sur les places d'apprentissage, à instituer des mesures visant à améliorer l'offre en ce domaine, le Conseil fédéral finance maintenant, en se fondant sur le 2e arrêté, des mesures visant à augmenter l'offre de places d'apprentissage, à trouver une solution aux problèmes structurels qui affectent le marché des places d'apprentissage et à tester de nouveaux modes de formation en prévision de la nouvelle loi sur la formation professionnelle. L'arrêté sera abrogé une année après l'entrée en vigueur de la loi révisée sur la profession professionnelle. Pour les années 2000 à 2004, 100 millions de francs sont à disposition.

2.3

Le projet de nouvelle loi sur la formation professionnelle

La loi sur la formation professionnelle est en cours de révision. L'objectif est de renforcer la formation professionnelle dans son ensemble. La nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle (nLFPr) se concentre donc sur la mise en place de conditions-cadre optimales tant pour les apprentis que pour les prestataires de places d'apprentissage. Elle mise sur des offres de formation différenciées, tenant compte à la fois des capacités individuelles des personnes en formation et des différences d'exigences et de possibilités des branches économiques.

La nLFPr part du principe qu'on ne peut pas contraindre les entreprises à former des apprentis, pas plus qu'on ne peut forcer les gens à acquérir une formation. C'est la conviction quant au sens de la formation et l'engagement qui en résulte qui consti-

93

tuent le fondement d'une formation professionnelle réussie. Une politique exclusivement axée sur les places de formation perd de vue le marché du travail, tant du point de vue des qualifications transmises que des emplois disponibles.

Comme le dit le Conseil fédéral dans son message du 6 septembre 2000, la réforme envisagée, tournée vers l'avenir, ne se fera pas sans frais. La nLFPr prévoit un engagement accru des pouvoirs publics. Les moyens supplémentaires mis à disposition serviront assurément au financement de réformes, sans mélanger le développement de capacités avec une utilisation non spécifique des moyens et une imposition générale des entreprises qui n'offrent pas de places d'apprentissage. Un nouveau système de financement permettra d'utiliser les ressources disponibles avec plus d'efficacité et de transparence. Ce nouveau système s'articule autour du versement de montants forfaitaires aux cantons, pour permettre à ceux-ci de remplir de manière autonome les tâches qui leur sont imparties, d'un financement complémentaire ciblé sur des projets de formation professionnelle novateurs et de contributions de soutien à des prestations particulières d'intérêt public.

Les fonds de formation professionnelle par branches que propose le projet de loi sont complètement différents du système que propose l'initiative sur les places d'apprentissage: en se limitant à des fonds gérés par certaines branches, on tient compte du fait que l'offre évolue très différemment selon les domaines et que le coût des places d'apprentissage varie beaucoup. Celles-ci peuvent être rentables pour une entreprise individuelle, alors qu'elles représentent une charge financière pour l'association concernée. Dans d'autres cas, les entreprises qui n'offrent pas de possibilités de formation profitent des efforts consentis par leurs concurrents. Il faut pouvoir contraindre ces «resquilleurs» à alimenter le fonds de leur branche. Ainsi adaptée, la réglementation garantira une affectation efficace des moyens et empêchera que des secteurs structurellement faibles, ou des branches qui n'en ont nul besoin, ne soient subventionnés.

2.4

Réglementations des cantons et des branches économiques

2.4.1

Fonds de formation professionnelle

Les cantons et les institutions économiques sont libres de créer des fonds de formation professionnelle.

Dans certaines branches économiques, des associations ont décidé de créer des fonds de promotion de la formation professionnelle. Le plus connu est le Parifonds de la construction.

Le canton de Genève dispose d'un «Fonds en faveur de la formation et du perfectionnement professionnels», alimenté par des contributions des employeurs (en fonction des employés, au maximum 5 de la masse salariale) et des subventions cantonales.

Depuis des années, le canton de Fribourg gère un fonds de formation professionnelle, alimenté par cinq sources: le canton et les employeurs, à raison d'un quart chacun, les communes d'habitation et d'apprentissage à raison d'un cinquième chacune, et les communes où se trouve l'école professionnelle à raison d'un dixième. Les contributions des employeurs sont fixées par le Conseil d'Etat. Le fonds de formation professionnelle soutient la formation dans les domaines qui ne 94

sont pas pris en charge directement par le canton. Une association, dans laquelle le canton, les différentes communes et les organisations des partenaires sociaux sont représentés, décide de l'allocation des moyens.

Dans le canton de Neuchâtel, il existe depuis 1999 un «fonds pour la formation et le perfectionnement professionnels», géré par un organe tripartite (Etat, patronat et salariés). Ce fonds a pour buts de revaloriser la formation et le perfectionnement professionnels, de stimuler la formation continue, de soutenir la formation pratique, de répartir entre toutes les entreprises du canton les tâches de formation professionnelle, et de soutenir les entreprises qui forment des apprentis. Il finance une indemnité forfaitaire pour toutes les personnes en formation, des cours d'introduction donnés en dehors du canton, la durée supplémentaire des cours d'introduction, la coordination de la formation professionnelle, le matériel nécessaire aux examens de fin d'apprentissage, la formation continue des experts aux examens, la formation des maîtres d'apprentissage, etc. Le fonds est alimenté par des contributions annuelles dont s'acquittent les employeurs imposables, auxquelles s'ajoute une somme de 800 000 francs prélevée sur le «fonds pour l'encouragement des études et de la formation professionnelle». Les contributions des employeurs sont fixées chaque année par le Conseil d'Etat. Elles fluctuent entre 20 et 40 francs par employé.

2.4.2

Déductions fiscales pour les entreprises

Une initiative populaire des jeunes radicaux du canton de Zurich veut réduire la charge fiscale des entreprises de 4000 francs par année et par place d'apprentissage offerte. Le Conseil d'Etat zurichois demande au Grand Conseil de déclarer l'initiative nulle; il considère en effet qu'elle ne respecte pas l'unité de la forme. Selon lui, l'initiative violerait également le principe de l'égalité de traitement, car elle exclut des déductions envisagées les employeurs qui mettent à disposition des places d'apprentissage, mais ne sont pas soumis à l'impôt. Indépendamment des lacunes juridiques de l'initiative, les crédits liés aux apprentissages seraient difficilement applicables; les frais administratifs qu'ils entraîneraient seraient disproportionnés, et il faudrait engager du personnel supplémentaire.

Déposée le 22 juin 2000, la motion Bangerter «Incitation à la formation d'apprentis» demande des allégements fiscaux pour les entreprises qui forment des apprentis.

Dans sa réponse du 6 septembre 2000, le Conseil fédéral propose le rejet de la motion pour les motifs suivants: l'idée a déjà été examinée par une commission parlementaire, qui l'a abandonnée; la formation entraîne des coûts très différents selon les entreprises; la charge financière n'est pas un argument pertinent dans la décision de l'entreprise d'assurer une formation ou non; les rentrées fiscales diminueraient considérablement.

3

Conséquences de l'initiative

3.1

Effets sur l'économie

La mise en oeuvre de l'initiative sur les places d'apprentissage entraînerait une extension de la formation professionnelle organisée exclusivement par l'Etat aux dépens de la formation professionnelle duale traditionnelle. Le comité d'initiative part du principe que le nombre de places d'apprentissage offertes par les entreprises 95

augmenterait; en réalité, lors d'une future pénurie passagère de places d'apprentissage, on assisterait sans doute plutôt à un transfert de la formation en entreprise vers l'école. Un engagement accru des pouvoirs publics dans des institutions de formation à plein temps serait difficilement réversible en cas d'amélioration sur le marché des places d'apprentissage. Il faudrait dès lors s'attendre à une diminution de l'engagement de l'économie en faveur de la formation professionnelle, l'Etat veillant de toute façon à assurer des places de formation.

Le lien traditionnellement très étroit entre formation professionnelle et marché du travail se relâcherait encore, ce qui aurait des effets négatifs sur l'actualisation des qualifications professionnelles. En conséquence, les entreprises devraient introduire des phases de mise au courant moins productives et il s'ensuivrait un besoin accru de recyclage professionnel.

3.2

Effets sur divers groupes sociaux

Employeurs exerçant une activité de formation Les employeurs qui offrent déjà des places d'apprentissage devraient, en plus de leurs prestations en matière de formation, verser une redevance au fonds. Les moyens qu'ils engagent pour couvrir les coûts de leurs places de formation seraient certes pris en compte, mais il n'existe pas à ce jour de critères reconnus pour établir un relevé de ces coûts. Selon le cas, les entreprises concernées seraient ainsi subventionnées ou imposées davantage.

Si une entreprise formatrice parvient ­ à tort ou à raison ­ à la conclusion que, malgré ses efforts, elle doit encore passer à la caisse, il y a fort à craindre qu'elle abandonne la formation et préfère payer pour se débarrasser du problème. La tradition éprouvée de notre système de formation professionnelle serait ainsi ébranlée par des interventions de l'Etat.

Employeurs n'exerçant pas d'activité de formation Les entreprises qui n'offrent pas de places d'apprentissage devraient verser une redevance plus élevée. Mais l'offre de places d'apprentissage dépend de bien d'autres facteurs que du montant d'une redevance: perspectives d'avenir, capacité de formation, structure de l'entreprise etc. Il n'y a aucune raison de penser qu'une redevance pourrait inciter une telle entreprise à s'engager davantage en faveur de la formation professionnelle. En revanche, la mise en oeuvre de l'initiative entraînerait à moyen terme la constitution de capacités de formation professionnelle financées par les pouvoirs publics qui, elles, décourageraient durablement un tel engagement.

Personnes en formation Avec le droit à une place de formation, il est à craindre que le choix d'une profession se fasse à la légère, sans grande réflexion quant à la situation sur le marché du travail. Le glissement prévisible d'une offre de formation privée vers une offre publique risquerait de faire disparaître le lien, précieux du point de vue pédagogique, entre théorie et pratique dans le système dual de formation professionnelle. Du fait du manque de contact avec la pratique et avec les réalités du monde du travail, les jeunes qui terminent une formation risqueraient de ne pas trouver d'emploi et auraient besoin très rapidement d'une réorientation professionnelle.

96

Il est vrai que certaines personnes pourraient particulièrement profiter de cette initiative: les jeunes qui aujourd'hui, pour diverses raisons (manque de compétences scolaires et sociales, problèmes linguistiques, préjugés des responsables de la formation dans les entreprises, etc.), rencontrent des difficultés à s'intégrer au système de formation professionnelle. Mais c'est précisément pour ce groupe que le 2e arrêté sur les places d'apprentissage et le projet de nouvelle loi sur la formation professionnelle prévoient déjà des mesures particulières.

3.3

Conséquences financières

L'initiative sur les places d'apprentissage table sur un montant de 400 à 500 millions de francs par année, qui alimenterait le fonds pour la formation professionnelle. Cela reviendrait à débloquer le double des moyens que la Confédération investit à l'heure actuelle pour la formation professionnelle.

Une telle profusion de moyens dépasserait la capacité d'absorption des structures actuelles de la formation professionnelle. Elle conduirait à un gonflement du système. Il s'ensuivrait soit une extension du secteur public aux dépens de l'économie, soit un allégement des charges supportées par la Confédération et les cantons dans le domaine de la formation professionnelle. Il faudrait s'attendre, à court terme, à un investissement inefficace des fonds et, à plus long terme, à des changements structurels dans l'offre de formation aux dépens d'une orientation économique de la formation professionnelle.

3.4

Conséquences pour la Confédération et les cantons

Pour la Confédération, l'encaissement d'une nouvelle redevance représenterait une dépense supplémentaire considérable, car le montant de cette redevance devrait être déterminé séparément pour chaque branche, voire pour chaque entreprise.

Pour le calcul et l'encaissement de la redevance, la Confédération devrait créer environ 20 postes supplémentaires.

Au niveau des cantons et des partenaires sociaux, il faudrait prévoir environ 80 nouveaux postes au total pour la répartition des fonds, c'est-à-dire pour arrêter des décisions en faveur de projets concrets.

3.5

Aspects pratiques de l'exécution

Pour la mise sur pied du fonds au sens où l'entendent les auteurs de l'initiative, diverses clarifications seraient nécessaires. La législation devrait préciser concrètement, par exemple, le montant de la redevance et sa différenciation par branche voire par entreprise, les normes de qualité, la manière de réagir à un excédent de l'offre de places d'apprentissage ainsi que la clé de répartition des ressources du fonds entre les cantons.

Le calcul de la redevance devrait se faire sur la base de la différence entre le total des entreprises et le nombre de celles qui, parmi elles, fournissent un travail de formation; mais bien d'autres variables devraient encore être prises en compte, 97

notamment la branche en question, les données régionales, les particularités des diverses entreprises etc. Il faudrait donc se procurer beaucoup d'informations, ce qui entraînerait un important travail administratif.

Pour l'encaissement de cette redevance unique en son genre, il faudrait développer des procédures spéciales et mettre en place les services correspondants.

Pour les cantons et les partenaires sociaux, les décisions relatives à l'utilisation des ressources impliqueraient du travail supplémentaire, car il faudrait instituer de nouveaux organes.

Enfin, en ce qui concerne l'indemnisation du travail de formation fourni par les entreprises, l'initiative exige de manière impérative un examen de la qualité. Cet examen pourrait probablement être effectué par les cantons, dans le cadre de leur fonction de surveillance, mais il en résulterait également un important travail administratif supplémentaire, d'autant que, toujours selon l'initiative, les partenaires sociaux devraient être associés à cet examen.

3.6

Relation avec le droit européen

Ce que requiert l'initiative relève de la politique de formation, puisqu'elle demande de prendre des mesures dans le domaine de la formation professionnelle. Dans le cadre de l'Union européenne, c'est à chacun des Etats membres qu'il appartient de formuler sa politique en matière de formation et de déterminer comment il entend organiser son système de formation. Par conséquent, les accords bilatéraux entre l'UE et la Suisse ne comportent aucune clause qui contraindrait la Suisse à suivre telle ou telle voie en matière de politique de formation. Sous l'angle de la relation avec le droit européen, l'initiative ne pose donc aucun problème.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Droit à une formation professionnelle appropriée offrant un nombre suffisant de places de formation

Les bases légales fédérales et cantonales en vigueur sont fondées dans une large mesure sur les buts sociaux cités plus haut (art. 41 et 63 Cst.): à l'échelle nationale, la règle veut que tous les jeunes qui ont terminé leur scolarité obligatoire puissent accéder à une formation supplémentaire, qu'elle relève de la culture générale ou du domaine de la formation professionnelle. Inscrire dans la Constitution un droit individuel à la formation équivaudrait à y intégrer une disposition en porte-à-faux avec le droit constitutionnel suisse.

Pour la formation professionnelle en particulier, l'apprentissage selon le système dual reste le plus important sous un angle quantitatif. Dans ce système, les entreprises assument une part considérable des responsabilités en matière de formation. La raison en est, d'une part, qu'elles assurent ainsi la relève dont elles ont besoin et de l'autre, qu'elles bénéficient de la contribution à la productivité apportée par les jeunes en formation.

Là où les structures des entreprises le permettent, les branches de l'économie assument des tâches de formation en fonction des besoins prévisibles de relève. Cepen-

98

dant, dans les secteurs de pointe ­ comme le domaine des hautes technologies ­ les entreprises ne sont plus toujours en mesure de couvrir tous les aspects d'une formation de base étendue.

Pour tenir compte de cet état de fait, le droit en vigueur prévoit déjà des structures de formation diversifiées: mis à part l'apprentissage dual en entreprise et à l'école professionnelle, il y a les formations à plein temps dans les écoles de métiers, les écoles de commerce et les écoles d'arts appliqués, et la possibilité pour les entreprises de se regrouper afin d'offrir des structures de formation communes.

Dans le projet de nouvelle loi sur la formation professionnelle, ces possibilités sont encore complétées ou développées. A cet égard, citons la mise en place d'écoles professionnelle spécialisées, les possibilités accrues en vue d'une organisation plus souple des formations, notamment pour ce qui a trait à la durée et à la part de la formation assumée par chaque institution (entreprises formatrices, cours interentreprises, écoles professionnelles).

Le projet précité institutionnalise le développement permanent de la formation professionnelle. Il prévoit également la possibilité d'indemniser les prestations particulières d'intérêt public. Il permet donc l'engagement de mesures ciblées, sans entraîner pour autant les répercussions indésirables qui résulteraient de l'initiative pour des places d'apprentissage. Pour cette tâche légale, une partie (environ un dixième) des fonds de la Confédération en faveur de la formation professionnelle ont été réservés. De cette manière, on peut réagir avec rapidité et efficacité à l'évolution du marché de la formation professionnelle, sans pour autant institutionnaliser des struc-tures inutiles à long terme ni être obligé d'en créer. Tous ceux qui peinent à trouver une offre de formation adéquate au degré secondaire II en profiteront.

En complément de ces offres, il existe également des passerelles entre l'école obligatoire et le degré secondaire II. Elles sont destinées aux jeunes qui ne sont pas (encore) aptes à entamer une formation professionnelle, en raison de lacunes linguistiques, scolaires ou autre.

4.2

Constitution d'un fonds pour la formation professionnelle alimenté par des taxes versées par tous les employeurs

Faire contribuer tous les employeurs ­ c'est-à-dire aussi ceux qui n'offrent pas de places de formation ­ aux coûts de la formation professionnelle est une vieille revendication. En 1996/97, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national a mené une large consultation afin d'étudier si l'introduction d'un système de bonus-malus pouvait inciter les entreprises à assumer des tâches de formation. Vu les résultats obtenus, un système de ce genre a été écarté non seulement lors de l'élaboration du premier arrêté sur les places d'apprentissage en 1997, mais aussi lors des délibérations concernant le deuxième arrêté sur les places d'apprentissage, en 1999.

Dans un rapport sur des modèles de financement de la formation professionnelle2, l'Institut de recherches conjoncturelles de l'EPFZ parvient à la conclusion que le 2

Andreas Frick et Petra Huth, «Finanzierungsmodelle für die Berufsbildung», Zurich, 2000, p. 2.

99

fonds pour la formation professionnelle proposé dans l'initiative présente de graves lacunes d'un point de vue économique. Les mécanismes d'incitation y sont excessifs et le système de prélèvement des fonds ne permet pas d'atteindre le but visé. Leur mise en oeuvre aurait des conséquences dommageables sur les structures de la formation professionnelle. Le transfert, à la charge des entreprises, d'une partie des coûts relevant des dépenses générales pour la formation ne se justifie pas davantage d'un point de vue économique.

Par surcroît, on craint qu'un tel fonds national ne produise pas l'effet recherché par les auteurs de l'initiative mais plutôt l'inverse. Au lieu de provoquer un engagement accru des entreprises en faveur de la formation professionnelle, l'introduction d'un tel fonds pourrait au contraire se révéler dissuasive: les entreprises qui s'engagent aujourd'hui dans ce domaine pourraient être tentées d'utiliser les sommes qu'elles investissent actuellement dans la formation pour se dispenser de cette tâche. On peut s'attendre à ce un tel scénario dans les entreprises dont la direction provient d'un pays où les formations de type dual ne sont pas la tradition. Adopter une mesure de ce genre reviendrait à saper le système dual et, partant, les liens avec la pratique et avec les réalités du marché du travail.

Le fonds national proposé pour la formation professionnelle serait un instrument très rigide. Il ne tiendrait suffisamment compte ni des particularités régionales, ni des spécificités des entreprises; en outre, il ne permettrait pas de prendre en considération les structures des coûts, qui varient d'une entreprise à l'autre.

4.3

Avis du Conseil fédéral

Les buts sociaux inscrits dans la Constitution, les dispositions légales en vigueur, ainsi que le système actuel de formation professionnelle constituent une assise suffisante pour donner à chacun dans notre pays la possibilité d'accéder à une formation appropriée. La formation ne peut être imposée ni aux formateurs, ni aux personnes en formation. Elle doit procéder d'une volonté et d'un engagement réciproques pour permettre l'acquisition réussie des aptitudes et des connaissances professionnelles.

Garantir le droit à une formation professionnelle comme le revendique l'initiative ne serait ni judicieux, ni réalisable.

Dans son message relatif à une nouvelle loi sur la formation professionnelle, le Conseil fédéral propose une solution qui tient compte de la revendication centrale de l'initiative ­ garantir un nombre suffisant de places de formation - sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution. L'initiative générerait de lourdes charges administratives supplémentaires et conduirait à la rupture du lien entre la formation professionnelle de base et la pratique, ainsi qu'au désengagement des entreprises à l'égard du système dual. Vu l'impopularité des systèmes d'incitation en faveur de la formation professionnelle de base, il faut renoncer à introduire un fonds comme source de financement pour la formation professionnelle. La nouvelle loi sur la formation professionnelle, qui prévoit une souplesse accrue et la suppression de différentes taxes, motive les entreprises à assumer des responsabilités en matière de formation professionnelle. La participation de la Confédération aux dépenses publiques pour la formation professionnelle passera d'environ 20 % à environ 25 %. En outre, les nouvelles dispositions légales prévoient la possibilité de prélever, à certaines conditions, des contributions de solidarité auprès des partenaires d'une branche économique qui ne les verseraient pas de plein gré, aux fins d'alimenter un fonds en 100

faveur de la formation professionnelle dans la branche concernée. Cette option représente une solution adéquate pour rappeler les entreprises à leurs responsabilités en matière de formation. Dans l'ensemble les nouvelles dispositions légales tiennent compte de la volonté de moderniser la formation professionnelle. Elles permettent la mise sur pied d'un large éventail d'offres différenciées qui donneront à chacun la possibilité de se former selon ses aptitudes.

Aucun contre-projet à l'initiative n'a été élaboré: le projet de nouvelle loi sur la formation professionnelle répond mieux aux exigences de l'initiative qu'une solution à l'échelon constitutionnel. Il constitue un contre-projet indirect à l'initiative.

5

Conclusion

Au vu des considérations qui précèdent, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative populaire «Pour une offre appropriée en matière de formation professionnelle (Initiative pour des places d'apprentissage)» au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

101