01.053 Message relatif au Protocole facultatif de 2000 à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés du 5 septembre 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation, par le présent message, le projet d'arrêté fédéral portant approbation du Protocole facultatif de 2000 à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

5 septembre 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-0645

5977

Condensé Par le présent message, le Conseil fédéral soumet à l'approbation des Chambres fédérales le Protocole facultatif du 25 mai 2000 à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. Le Protocole facultatif a été élaboré dans le cadre de l'ONU et complète la Convention relative aux droits de l'enfant (CRDE) ­ à savoir son art. 38 ­ pour ce qui est des enfants soldats. L'art. 38 de la CRDE prévoit en effet que l'âge minimum est de quinze ans pour l'enrôlement et la participation directe aux hostilités, ce qui s'écarte ­ précisément dans les situations extrêmes que sont les conflits armés ­ du principe posé par la Convention elle-même, selon lequel toute personne âgée de moins de dix-huit ans a droit à la protection spéciale garantie aux enfants. Le présent Protocole facultatif améliore la protection des enfants dans les conflits armés sur des points notables: il relève à dix-huit ans l'âge à partir duquel une personne peut faire l'objet d'un enrôlement obligatoire et participer directement aux hostilités; il oblige l'Etat Partie à relever à seize ans l'âge minimum d'engagement volontaire et à déposer une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise cette forme d'enrôlement sur son territoire. Il lui impose en outre de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher des groupes armés d'enrôler ou d'utiliser dans les hostilités, en quelque circonstance que ce soit, des personnes âgées de moins de dix-huit ans. Il exige enfin de lui qu'il prenne des mesures de démobilisation, de réadaptation et de réinsertion sociale des enfants utilisés comme soldats dans des conflits armés. Ce texte constitue donc un apport notable à la protection juridique et effective des enfants, membres les plus vulnérables de la société dans les conflits armés.

Le droit suisse satisfait aux exigences du Protocole facultatif. Le Parlement vient en effet d'y apporter les modifications nécessaires, dans le cadre de la récente ratification de la Convention no 182 de l'OIT, qui fixe à dix-huit ans l'âge minimum d'enrôlement obligatoire.

L'art. 3, par. 2, fait obligation à la Suisse de déposer, lors de la ratification, une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel elle autorise l'engagement volontaire dans les
forces armées nationales et décrivant les garanties qu'elle a prévues pour faire en sorte que cette obligation soit respectée. Le Conseil fédéral se propose d'aller au-delà de l'âge minimum de seize ans que prévoit le Protocole facultatif et de déclarer une interdiction du recrutement des volontaires au-dessous de dix-huit ans par des forces armées nationales en Suisse.

Ainsi, le recrutement des enfants serait interdit d'une manière générale en Suisse.

Cette mesure nécessiterait des modifications à l'échelon de l'ordonnance.

La ratification du Protocole facultatif n'aura aucune répercussion prévisible pour les finances de la Confédération et des cantons. Si le nombre des enfants demandant l'asile après avoir été impliqués dans des conflits armés venait à augmenter, cela pourrait susciter, le cas échéant, des dépenses supplémentaires de réadaptation et de réinsertion sociale à la charge de la Confédération et des cantons. L'expérience des conflits armés au Rwanda, en Bosnie-Herzégovine et au Congo a montré que

5978

peu de demandes d'asile ont été déposées par des enfants ayant été impliqués dans les conflits. Dans l'avenir un tel développement ne peut cependant pas être complètement exclu.

A la fin du mois de juin 2001, le Protocole facultatif avait été signé par 80 Etats et déjà ratifié par quatre. La Suisse, qui a notablement contribué à l'élaboration de ce protocole facultatif, l'a signé le 7 septembre 2000 à l'occasion du Sommet du millénaire de New York. Sa ratification revêt une grande importance pour notre pays, eu égard à la politique qu'il déploie dans le domaine du droit international humanitaire et des droits de l'homme.

5979

Message 1

Partie générale

1.1

Introduction

Les conflits de ces dernières décennies ont fait de plus en plus de victimes parmi les enfants, que ce soit en les prenant pour cibles civiles ou en en faisant des combattants. Selon les chiffres de l'UNICEF, environ deux millions d'enfants ont été tués et six millions d'autres ont été blessés dans des conflits armés entre 1986 et 1996.

Plus d'un million sont devenus orphelins. L'ONU estime qu'il y aurait aujourd'hui quelque 300 000 enfants sous les armes, soit une cinquantaine de milliers de plus qu'il y a quatre ans1. Si les régions du monde les plus touchées sont l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie du Sud, il faut relever que des enfants soldats ont aussi pris part aux hostilités dans les conflits armés qui viennent de se terminer dans les Balkans. Ces chiffres ne disent rien sur l'expérience traumatisante des enfants soldats: perte de leurs proches, interruption de leurs études, souffrances physiques, exploitation sexuelle et infection par le VIH (sida)2.

Ces chiffres effrayants s'expliquent par la multiplication des conflits non internationaux, à motivation matérielle ou ethnique, qui affectent profondément la population civile ainsi que les institutions de l'autorité publique et de la protection sociale. Outre les forces armées régulières, des groupes armés présentant souvent des structures d'organisation et de direction lâches et ne se sentant pas liés par le droit international humanitaire interviennent dans ces conflits. Il faut de plus relever que l'apparition d'armes à feu légères et efficaces facilite l'utilisation d'enfants soldats3.

On préfère souvent recruter des enfants plutôt que des adultes dans la mesure où ils sont plus disponibles, se défendent moins bien contre le recrutement illicite et sont physiquement et affectivement plus faciles à intimider et à motiver. Leur jeune âge et leur inexpérience déforment en peu de temps la vision qu'ils ont du risque et de la souffrance qu'ils infligent souvent sans en avoir conscience. Ils ont parfois sensiblement moins de scrupules car leur système de valeurs n'est pas encore fixé. Dans bien des cas, la violence, voire le meurtre, leur apparaît donc comme une stratégie courante de règlement des conflits. Parmi les groupes les plus touchés par le recrutement il y a les enfants sans liens familiaux ou qui ne sont pas pris en charge par
des adultes (enfants des rues, réfugiés) ainsi que les enfants de couches sociales défavorisées dont les familles ne parviennent pas à s'opposer à l'enrôlement. L'envi1 2

3

Rapport du Secrétaire général de l'ONU du 19 juillet 2000, doc. NU, A/55/163 ­ S/2000/712, par. 1­5.

Sur ces souffrances physiques et psychologiques, on pourra par exemple consulter: I. Cohn et G. S. Goodwin-Gill, Child Soldiers: The Role of Children in Armed Conflict, Londres, Oxford University Press, 1994, pp. 138­147; K. Hedlund Thulin (éd.), Children in armed conflict ­ Background document to the Plan of Action concerning Children in Armed Conflict, Institut Henry-Dunant, Genève, 1995, pp. 35­41; Graça Machel, rapport d'expert, Impact des conflits armés sur les enfants in: doc. NU A/51/306, par. 162­165 (appelé ci-après «rapport Machel»); R. Brett et M. McCallin, Children ­ The invisible soldiers, Rädda Barnen (branche suédoise de Save the Children), Stockholm, 1996, pp. 171­181; Human Rights Watch/Africa et Human Rights Watch Children's Rights Project, Easy prey ­ Child soldiers in Liberia, Human Rights Watch, New York/Washington/Los Angeles/Londres/Bruxelles, 1994, pp. 35­38.

Voir à ce sujet rapport Machel, op. cit., par. 22 ss.

5980

ronnement normal de ces enfants a été dans la plupart des cas profondément perturbé, voire détruit. Leurs structures familiales sont inexistantes, leurs écoles fermées ou incendiées. Ce sont fréquemment des facteurs tels que le malheur ou l'angoisse qui poussent les enfants entre les mains d'organisations militaires. Servir dans l'armée nationale ou dans un groupe armé leur semble dans l'immédiat plus sûr que de rester dans un environnement familier devenu hostile. L'organisation militaire promet de leur fournir le nécessaire: nourriture, médicaments et habillement. Elle leur offre la solidarité et la sécurité ­ même si elles peuvent paraître sujettes à caution ­ avec l'espoir de se venger des injustices, des poursuites et des violences qu'ils ont endurées. Les enfants sont en outre souvent poussés dans les conflits armés par des motifs religieux, politiques ou culturels, mais aussi par la pression de leurs camarades ou, tout simplement, par le goût de l'aventure4.

Chez les enfants, fragilisés du fait que leur personnalité est en cours de formation, les conflits armés laissent des traces plus profondes que chez les adultes. Même en temps de paix, ils ont besoin de la protection de leur famille, de la société et de l'Etat. Ce besoin est encore plus marqué en temps de guerre, c'est-à-dire justement à un moment où il ne peut que mal ou plus du tout être satisfait. A long terme, cela peut perturber leur développement et du coup compromettre la paix et la stabilité pour les générations suivantes. Comme bien des conflits durent plus de dix ans, des générations entières ne connaissent que le temps de guerre et les individus ne sont préparés qu'à la vie de combattant. Le plus souvent, ils sont ensuite condamnés à vivre dans un pays encore plus pauvre qu'avant le conflit, où toutes les structures sociales et étatiques ont été détruites, n'offrant à la jeunesse aucune perspective de développement socio-économique, de vie harmonieuse et «normale» dans des conditions respectant la dignité humaine. La réinsertion sociale des anciens enfants soldats et la reconstruction en deviennent extrêmement difficiles.

Le problème des enfants soldats constitue un véritable défi pour la communauté internationale. Il exige des approches et des méthodes nouvelles et globales de coopération internationale, en plus de l'aide
au développement: toutes sortes d'actions visant à protéger les individus, telles la création de la Cour pénale internationale, la recherche d'une plus grande diffusion et d'une meilleure application du droit international humanitaire, les mesures améliorant le contrôle du commerce des armes légères et de petit calibre et ­ autre mesure importante ­ l'interdiction de recruter des enfants et de les faire intervenir dans les hostilités.

1.2

Normes internationales

Les enfants figurent parmi les membres les plus vulnérables de la société et leur intégrité physique et psychologique est ainsi particulièrement exposée aux atteintes.

Toutefois, la communauté internationale n'a reconnu que tardivement la nécessité de leur garantir une protection spéciale du droit international. Entre la première reconnaissance formelle du besoin spécifique de protection des enfants en droit international par la Société des Nations5 de 1924 et l'adoption du Protocole facultatif 4 5

Sur l'ensemble du rapport Machel, op. cit. par. 36 ss; Graça Machel, «Etude Machel 1996­2000», pp. 9 ss; I. Cohn et G. S. Goodwin-Gill, op. cit., pp. 23 ss.

Voir la Déclaration de Genève de Save the Children International Union, adoptée le 16 septembre 1924 par la Société des Nations; pour son texte, voir Geraldine von Bueren, International Documents on Children, Dordrecht etc., 1993, pp. 3 ss.

5981

concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés le 25 mai 20006, quelques règles protégeant expressément les enfants en cas de conflits armés ont été prévues par le droit international humanitaire et les droits de l'homme.

Les Conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes de la guerre7 (ci-après «Conventions de Genève de 1949») contiennent de nombreuses dispositions portant sur les besoins de protection spécifique des enfants8, mais ne prévoient aucune règle en matière d'âge minimum de recrutement ou de participation aux hostilités. Il a fallu attendre le protocole additionnel du 8 juin 1977 pour que soit adoptée une disposition de ce type, ce qui a constitué à l'époque une étape importante dans l'amélioration de la protection assurée aux enfants par la IVe Convention de Genève9. Les deux protocoles additionnels interdisent explicitement l'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans. L'art. 77 du premier protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1949 (ci-après «Protocole additionnel I» ou «PA I») stipule que les parties aux conflits doivent prendre «toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités»10. L'art. 4, par. 3, let. c, du second protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1949 (ci-après «Protocole additionnel II» ou «PA II»)11 renforce cette protection dans les conflits non internationaux. Il interdit en effet la participation directe et indirecte des enfants de moins de quinze ans aux hostilités internes, et est également contraignant pour certains groupes armés non étatiques12. L'interdiction d'enrôlement de personnes de moins de dix-huit ans avait déjà été proposée lors de la préparation du Protocole additionnel I à la Conférence diplomatique de Genève sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés de 1974 à 1977 (CDDH)13.

6

7

8 9

10 11 12

13

Pour une synthèse des efforts déployés au plan international pour améliorer la protection des enfants, se reporter au message sur l'adhésion de la Suisse à la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant (ci-après appelée message CRDE), FF 1994 V 4 ss.

Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne; RS 0.518.12; Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer; RS 0.518.23; Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre; RS 0.518.42; Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre; RS 0.518.51.

Se reporter à ce sujet au message CRDE; FF 1994 V 70, note 240.

L'art. 24 de la IVe Convention de Genève prévoit des mesures sociales en faveur des enfants de moins de quinze ans devenus orphelins ou séparés de leur famille du fait de la guerre ainsi que des mesures facilitant l'identification de tous les enfants de moins de douze ans. La situation des enfants dans les conflits armés fait l'objet d'autres dispositions de la même convention, à savoir: art. 14 (zones sanitaires et de sécurité), art. 17 (évacuation des zones assiégées ou encerclées), art. 23 (libre passage de tout envoi de médicaments et de matériel sanitaire, ainsi que de vivres et de vêtements indispensables), art. 38 (traitement préférentiel au même titre que les ressortissants de l'État intéressé), art. 50 (soutien aux établissements consacrés au soin et à l'éducation des enfants des territoires occupés), art. 51 (interdiction d'astreindre au travail des personnes âgées de moins de dix-huit ans dans les territoires occupés) et art. 68 (interdiction de condamner à mort une personne protégée de moins de dix-huit ans).

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, du 8 juin 1977; RS 0.518.521.

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, du 8 juin 1977; RS 0.518.522.

Ann Sheppard, «Child soldiers: Is the optional protocol evidence of an emerging «straight-18» consensus?», in: The international Journal of Children's Rights, volume 8, no 1, 2000, p. 41.

Abréviation française usuelle CDDH ci-après.

5982

Cette proposition n'avait cependant pas été retenue. Il en a toutefois été tenu compte dans la mesure où la phrase prescrivant aux parties au conflit de s'efforcer de donner la priorité aux personnes plus âgées dans l'incorporation de personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans14 avait été ajoutée au par. 2 de l'art. 77.

La préparation de la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant15 aurait offert une nouvelle occasion de mieux protéger les enfants contre le recrutement et l'utilisation dans les conflits armés, mais cette chance n'a pas été saisie. L'art. 38 de la CRDE se contente de reprendre les normes des protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949. Il sanctionne ainsi un écart par rapport au principe énoncé à l'art. 1 de la CRDE qui stipule que toute personne âgée de moins de dixhuit ans révolus a droit à la protection spéciale garantie aux enfants, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. L'art. 38, par. 2, qui prévoit que l'on doit prendre toutes les mesures possibles pour éviter que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans participent directement aux hostilités, reflète aussi pour l'essentiel le contenu de l'art. 77, par. 2, du PA I. Cette disposition va toutefois moins loin que celle du Protocole additionnel II correspondante, car elle est formulée de façon moins contraignante et n'interdit que la participation directe aux conflits armés16. La règle de l'âge minimum d'enrôlement et le principe selon lequel les Etats qui incorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans doivent s'efforcer d'enrôler en priorité les plus âgés, est encore conforme à la norme du Protocole additionnel I17. L'art. 38 de la CRDE va plus loin dans la mesure où il étend le champ d'application de cette règle aux conflits armés non internationaux. Compte tenu des circonstances du moment, il n'a pas été possible d'améliorer davantage la protection des enfants dans les conflits armés et il a fallu s'en remettre à l'évolution ultérieure du droit.

Le problème des enfants soldats se retrouve aussi dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (ci-après «Statut de Rome») que la Suisse a signé le 18 juillet 1998. Le Statut qualifie de crime de guerre le fait de soumettre à l'enrôlement
obligatoire des enfants de moins de quinze ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités dans des conflits armés internationaux ou non18. La responsabilité pénale individuelle de l'agent recruteur aide indubitablement cette règle à s'imposer avec valeur universelle.

Un grand pas a encore été fait en 1999 avec l'adoption de la Convention no 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination. C'est le premier accord international à relever l'âge minimum autorisé pour l'enrôlement obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés de quinze à dix-huit ans 19. La Suisse a ratifié ce texte le 28 juin 2000 et il est entré en vigueur le 28 juin 2001.

14 15 16 17 18

19

Actes CDDH, Genève, 1974-1977, Berne, DFAE, 1978, Acte III, p. 314.

RS 0.107.

Ann Sheppard, op. cit., p. 43.

Art. 77, par. 2, PA I.

Statut de Rome de 1998 de la Cour pénale internationale, art. 8, par. 2, let. b, ch. xxvi (crimes de guerre dans les conflits armés internationaux) et art. 8, par. 2, let. c, ch. vi (crimes de guerre dans les conflits à caractère non international) (FF 2001 I 561).

Art. 1 à 3 de la Convention de l'OIT (no 182) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants, RS 0.822.728.2; voir également FF 2000 317.

5983

C'est la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, entrée en vigueur en novembre 1999, qui va le plus loin. Son art. XXII fait obligation aux Etats Parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire la participation d'enfants aux hostilités ainsi que leur recrutement. Par conséquent, elle proscrit à la fois l'enrôlement obligatoire et l'engagement volontaire de personnes de moins de dixhuit ans ainsi que leur participation directe aux conflits armés, internationaux ou non.20.

1.3

Genèse du Protocole facultatif

L'art. 38 de la CRDE prévoit un âge minimum de quinze ans seulement pour l'enrôlement et la participation directe aux hostilités. Lors de l'adoption de ce texte par la Commission des droits de l'homme, de nombreuses délégations ­ parmi lesquelles la Suisse ­ ont critiqué cette disposition, trouvant cet âge trop bas. Le Comité des droits de l'enfant a examiné ce point au cours de ses premières réunions et a notamment proposé que soit rédigé un protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant afin de mieux protéger les enfants dans les conflits armés21. Dans sa déclaration finale, la Conférence mondiale des Nations Unies sur les droits de l'homme réunie à Vienne en 1993 a expressément prié le Comité des droits de l'enfant d'étudier la question du relèvement de l'âge minimum d'enrôlement dans les forces armées22. La même année, l'Assemblée générale des Nations Unies demandait à Graça Machel, ancien ministre de l'éducation du Mozambique, d'entreprendre une étude sur la situation des enfants dans les conflits armés et la protection que leur assure le droit international en cas de conflit armé, puis de lui présenter ses recommandations23.

Le 9 mars 1994, la Commission des droits de l'Homme de l'ONU a constitué un groupe de travail chargé de préparer un protocole facultatif à la Convention améliorant la protection des enfants dans les conflits armés en se basant sur un avant-projet du Comité des droits de l'enfant24. Réunie à Genève en 1995, la 26e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a recommandé aux parties en conflit de s'abstenir de recruter des personnes de moins de dix-huit ans et de prendre toutes les mesures possibles pour éviter qu'elles ne prennent part aux hostilités25.

En août 1996, Mme Machel a présenté à l'Assemblée générale des Nations Unies son rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants26. Elle y estimait que, dans le Protocole facultatif, il convenait de relever à dix-huit ans l'âge minimum d'enrôlement et de participation aux hostilités. A la suite de cela, l'Assemblée générale des Nations Unies a recommandé que soit nommé un représentant spécial du Secrétaire général qui poursuivrait l'étude de l'impact des conflits armés sur les enfants et qui utiliserait son autorité morale pour défendre les intérêts des enfants dans les conflits armés. Depuis septembre 1997, c'est M. Olara Otunnu (Ouganda) qui 20 21 22 23 24 25 26

Doc. OUA CAB/LEG/153/rev.2, art. 2.

Doc. NU CRC/C/16, annexe VII; voir également E/CN.4/1994/91.

Doc. NU A/Conf.157/23, chap. II ch. 50.

Doc. NU A/C.3/48/L.40.

Doc. NU E/CN.4/RES/1994/91.

26e conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, résolution 2, C, let. d.

Voir Doc. NU A/51/306 et add. 1.

5984

exerce cette fonction sur mandat du Secrétaire général de l'ONU. Il s'est engagé en faveur d'un Protocole facultatif avec un niveau élevé de protection des enfants. En 1999, l'Assemblée générale de l'ONU a prolongé son mandat de trois ans jusqu'en novembre 2003.

Les négociations sur le Protocole facultatif ont pourtant été difficiles. En particulier, jusqu'en 1998, aucun consensus n'a été trouvé sur la question de l'âge minimum d'enrôlement et de participation aux hostilités. En relevant à dix-huit ans l'âge minimum de participation aux opérations de maintien de la paix, le Secrétaire général de l'ONU a donné un exemple de poids, soutenant l'action des pays en faveur d'un Protocole facultatif avec un niveau élevé de protection27. Au cours de cette phase délicate, de grandes organisations non gouvernementales se sont unies dans le but de porter le problème des enfants soldats à la connaissance du public et d'accentuer la pression exercée sur les Etats pour leur faire accepter le Protocole facultatif. Ainsi est née la «Coalition pour mettre fin à l'utilisation des enfants soldats». En 1999, elle a convoqué trois conférences régionales sur ce thème (Maputo, Montevideo, Berlin). La Suisse a apporté un soutien financier important et y a activement participé.

Lors de la 27e conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui s'est tenue en novembre 1999 à Genève, les membres ont rappelé dans le plan d'action 2000­2003 la recommandation de la 26e conférence internationale, selon laquelle il convient de s'abstenir de recruter des personnes de moins de dix-huit ans et d'éviter qu'elles ne prennent part aux hostilités28.

A l'occasion de la sixième session du groupe de travail qui s'est tenue à Genève en janvier 2000, les délégations ont enfin pu se mettre d'accord sur un texte de compromis. Après la Commission des droits de l'homme et le Conseil économique et social, l'Assemblée générale des Nations Unies l'a adopté le 25 mai 200029. Depuis qu'il a été ouvert à la signature lors de la session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies «Femmes 2000» le 5 juin 2000, le Protocole facultatif a connu un succès remarquable: début juin 2001, 80 Etats l'avaient déjà signé et quatre (Andorre, le Bangladesh, le Canada et le Sri Lanka) l'avaient ratifié. La Suisse l'a signé le 7 septembre 2000, à l'occasion du Sommet du millénaire à New York. Le Conseil fédéral accorde une importance prioritaire à sa ratification.

1.4

Objectifs de la Suisse relatifs au Protocole facultatif

Eu égard à sa tradition humanitaire et à sa qualité de dépositaire des Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977, ainsi que de partie à ces accords, la Suisse assume une responsabilité particulière dans la défense du respect et du développement du droit international humanitaire. Lors de la préparation du Protocole facultatif, elle s'était fixé pour but d'obtenir l'interdiction générale en matière d'enrôlement et de participation des enfants aux hostilités. Sa position, synthétisée dans l'expression «straight 18», coïncide avec celles d'autres pays et

27 28

29

Communiqué de presse des Nations Unies SG/SM/6777 PKO/79 du 29 octobre 1998.

27e conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, annexe 2 de la résolution 1, «Plan d'action pour les années 2000­2003», «Mesures proposées», £section 1, let. f.

Doc. NU A/RES/54/263.

5985

celle de l'organisation non gouvernementale «Coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats». Elle peut être résumée de la manière suivante: ­

l'âge minimum de participation directe et indirecte aux hostilités doit être porté à dix-huit ans;

­

l'âge minimum d'enrôlement obligatoire comme d'engagement volontaire doit être porté à dix-huit ans;

­

il faut interdire aux groupes armés non étatiques de procéder au recrutement de personnes de moins de dix-huit ans, que ce soit par enrôlement forcé ou obligatoire ou par engagement volontaire, et de les utiliser lors d'hostilités.

La Suisse a participé très activement à l'élaboration du Protocole facultatif et a contribué à ce qu'un compromis jugé acceptable par tous les Etats soit finalement trouvé.

2

Partie spéciale: Contenu et domaine d'application du Protocole facultatif

2.1

Contenu du Protocole facultatif

Le Protocole facultatif comporte 13 articles, dont les huit premiers constituent des dispositions de droit matériel. Il reflète l'évolution du droit international30 et améliore la protection accordée par l'art. 38 de la CRDE aux enfants dans les conflits armés. Le Protocole facultatif relève à dix-huit ans l'âge minimum de participation directe aux hostilités et d'enrôlement obligatoire. Il oblige l'Etat Partie à relever à seize ans l'âge minimum d'engagement volontaire et à déposer une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise cette forme d'enrôlement sur son territoire. Il lui impose en outre de prendre toutes les mesures possibles pour empêcher les groupes armés d'enrôler ou d'utiliser dans les hostilités en quelque circonstance que ce soit des personnes âgées de moins de dix-huit ans. Il exige également de lui qu'il prenne des mesures de démobilisation, de réadaptation et de réinsertion sociale des enfants utilisés comme soldats dans des conflits armés et qu'il contribue par une coopération technique et une assistance financière à l'élimination des causes de la présence d'enfants dans les organisations armées. Le Protocole stipule enfin que ces dispositions ne doivent pas être interprétées comme empêchant l'application de dispositions du droit national ou international plus propices à la réalisation des droits de l'enfant31.

30

31

Convention no 182 de l'Organisation internationale du travail concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, et Charte africaine de 1990 des droits et du bien-être de l'enfant.

Art. 5 du Protocole facultatif.

5986

2.2

Détail des obligations contractées par les Etats Parties

2.2.1

Age minimum de participation directe aux hostilités (art. 1)

L'art. 1 exige des Etats Parties qu'ils prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de dix-huit ans ne participent pas directement aux hostilités.

Le relèvement dans le droit international de l'âge minimum de participation directe aux hostilités de quinze à dix-huit ans améliore nettement la protection de l'enfant.

Les personnes de moins de dix-huit ans doivent être préservées des pires effets des conflits armés. Elles doivent bénéficier de la «protection des personnes civiles», définie dans la IVe Convention de Genève et ses protocoles additionnels, qui est accordée aux personnes civiles pour autant qu'elles ne participent pas directement aux hostilités32. L'art. 1 n'admettant plus la participation directe d'enfants aux hostilités, tous les enfants sont désormais couverts par la «protection de la population civile»33.

Sur le plan pratique, cette nouvelle norme contribuera à empêcher au moins la participation d'enfants de moins de quinze ans aux conflits armés. Par le passé, les chefs militaires ont argué du fait que les enfants soldats présents dans leurs troupes ­ pour lesquels on ne dispose la plupart du temps pas de documents d'identité ou de certificats de naissance ­ avaient quinze ans mais paraissaient plus jeunes en raison de la précarité de leurs conditions de vie. En règle générale, cet argument s'est révélé extrêmement difficile à réfuter. L'incorporation abusive d'enfants de moins de quinze ans deviendra impossible avec le relèvement de l'âge minimum à dix-huit ans, compte tenu de la différence d'âge maintenant très nette34.

Le terme d'«hostilités» se trouve déjà dans l'art. 38, par. 2, de la CRDE et dans les protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949. Dans les conflits armés35, les phases d'hostilités alternent en général avec des moments de trêve36. Par «hostilités», il faut comprendre les actes de guerre dont la nature porte atteinte aux biens humains et matériels des forces armées adverses pendant un conflit armé37.

L'opinion selon laquelle la notion couvrait aussi les préparatifs du combat et la re32 33

34 35

36 37

Voir en particulier l'art. 51 du Protocole additionnel I et l'art. 13 du Protocole additionnel II.

CICR, Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés: Argumentaire du Comité international de la Croix-Rouge, 27 octobre 1997, in: Revue internationale de la Croix-Rouge no 829, 31 mars 1998, pp. 113­132 (ci-après «Argumentaire»), par. 6 s.

Ann Sheppard, op. cit., pp. 48 s.

Le terme de «conflits armés» se réfère aux situations qui ressortissent au droit international humanitaire. Ni les Conventions de Genève de 1949 ni leurs deux protocoles additionnels n'en donnent toutefois une définition. Le CICR estime qu'il ne s'agit pas d'un terme juridique, mais de la description d'un état de fait («Commentaire ­ La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre», ci-après «Commentaire de la IVe Convention de Genève», publié sous la direction de Jean S. Pictet, Genève, CICR, 1956, pp. 40 ss et 515 ss; CICR, «Argumentaire», op. cit. par. 35).

CICR, «Argumentaire», op. cit., ch. 85 ss.

Actes XIV, CDDH/III/SR.2, pp. 14­15; «Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949» (ci-après «Commentaire des Protocoles additionnels»), publié et coordonné par Y. Sandoz, C. Swinarski, B. Zimmermann, Genève, 1987, ch. 1679.

5987

traite du combat avait été émise à la CDDH38. Dans le cadre de la discussion sur la protection des personnes ayant pris part aux hostilités39, il avait en outre été souligné que cette notion ne se réfère pas seulement à la période au cours de laquelle la personne utilise une arme, mais aussi à celle pendant laquelle elle porte l'arme sur elle. Les actes commis sans se servir d'une arme et visant à frapper le personnel et le matériel des forces adverses doivent également être considérés comme hostilités40.

Lors de l'élaboration du Protocole facultatif, outre la fixation de l'âge minimum luimême, le caractère contraignant des règles concernant la limite d'âge et la question de la participation directe ou indirecte aux hostilités ont également été l'objet de controverses. Dans la recherche du consensus, les pays ont fini par adopter une solution qui comporte certaines faiblesses. La première porte sur la formulation de l'obligation faite aux Etats Parties. Il s'agit d'un comportement plutôt que d'un résultat: «les Etats Parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que» les enfants ne participent pas directement aux hostilités. Cette formulation reprend celle de l'art. 77, par. 2, PA I. Quant à la version anglaise, elle utilise «take all feasible measures» comme formulation. Elle laisse une certaine marge de manoeuvre, même réduite, aux Etats Parties, ce qui apparaît en particulier dans la version française. Il incombe donc aux Etats Parties de décider quelles mesures peuvent être mises en oeuvre en vertu des circonstances.

Le Protocole facultatif n'interdit que la participation directe des enfants aux hostilités. Il demeure donc licite d'utiliser indirectement dans les combats des enfants à partir de 16 ans (engagés volontaires41). Comme cela a déjà été relevé précédemment, la protection assurée par cette disposition est plus faible que celle du Protocole additionnel II, qui interdit la participation directe et indirecte. La distinction entre ces deux formes de participation est difficile à définir, à mettre en pratique, et à reconnaître pour l'adversaire. La formulation adoptée dans le Protocole facultatif a été reprise de l'art. 38, par. 2, de la CRDE et de l'art. 77, par. 2, du PA I, car les motifs invoqués alors ont conservé leur pertinence pour la présente disposition.
L'intention des auteurs du Protocole additionnel I était de tenir les enfants de moins de quinze ans en dehors de la lutte armée42. La notion de «participation directe» devait donc être prise dans une acception large. Le CICR estime que la participation aux hostilités est directe à partir du moment où l'activité de la personne en question présente un lien de cause à effet direct entre l'activité exercée et les coups qui sont portés au personnel et au matériel des forces armées adverses43. On peut donc penser que le nouveau Protocole facultatif n'interdit pas non plus aux enfants soldats enga-

38 39 40 41 42 43

«Commentaire des Protocoles additionnels», op. cit., ch. 1679.

Art. 45 Protocole additionnel I Voir «Commentaire des Protocoles additionnels», op. cit., ch. 1943.

Voir art. 2 du Protocole facultatif.

«Commentaire des Protocoles additionnels», op. cit., ch. 3187.

CICR, «Argumentaire», op. cit., ch. 29.

5988

gés volontaires d'intervenir comme cuisiniers, personnel de maison, voire d'être affectés au transport du ravitaillement44.

2.2.2

Age minimum d'enrôlement obligatoire (art. 2)

Le relèvement de quinze à dix-huit ans de l'âge minimum d'enrôlement obligatoire dans les forces armées nationales constitue une nette amélioration par rapport à l'art. 38 de la CRDE. Dans la pratique, la protection prévue dans l'art. 38, par. 3, de la CRDE et l'art. 77, par. 2, du PA I (enrôler en priorité les plus âgées des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans) s'est en effet révélée insuffisante. L'interdiction de recrutement obligatoire des enfants est le pendant de celle de leur participation directe aux hostilités. En effet, dès lors que des enfants ont été enrôlés et ont reçu une formation militaire, la tentation devient forte de mettre leurs connaissances à profit et de les affecter à des opérations militaires. L'interdiction de recrutement obligatoire des enfants a donc un caractère avant tout préventif puisqu'elle est censée faire obstacle à leur participation aux hostilités.

Le droit international ne définit pas mieux la notion d'enrôlement. Son acception dans ce contexte découle du sens général du terme. Il recouvre donc l'incorporation fonctionnelle d'une personne dans une structure d'organisation militaire comme les forces armées nationales ou des groupes armés. Est réputée «enrôlée» une personne suivant une formation militaire, mais aussi un enfant directement incorporé sans recrutement ni formation préalable. Il n'est pas nécessaire que la personne enrôlée participe directement à des hostilités ni qu'elle soit armée. Les journées d'information, les campagnes de sensibilisation ou les cours d'instruction prémilitaire d'une durée limitée n'entrent pas dans cette catégorie pour autant que les participants ne fassent pas l'objet d'une incorporation fonctionnelle dans une structure d'organisation militaire45. L'enrôlement est obligatoire lorsqu'il est imposé par la loi. Il faut le distinguer de l'enrôlement forcé, sans base juridique, que le droit international interdit quel que soit l'âge de la recrue.

2.2.3

Age minimum de l'engagement volontaire (art. 3)

Cette disposition stipule que les Etats Parties relèvent l'âge minimum de l'engagement volontaire dans leurs forces armées nationales d'au moins un an par rapport à l'âge fixé au par. 3 de l'art. 38 de la CRDE. Chaque Etat Partie dépose, lors de la ratification du Protocole ou de l'adhésion à cet instrument, une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise l'engagement volontaire, en décrivant les garanties qu'il a prévues pour que cet engagement ne 44

45

Voir «Commentaire des Protocoles additionnels», op. cit., par. 3187; à l'art. 8 (2)(b)(xxvi) du Statut de Rome, la formulation retenue a été: «ou de les faire participer activement à des hostilités», car elle englobe non seulement la participation directe des enfants aux combats, mais aussi leur participation à des activités militaires d'autre nature comme l'espionnage, le sabotage ou leur utilisation en tant que leurre. Seules les activités sans lien direct avec les hostilités, comme les travaux de maison ou le transport du ravitaillement en vivres à l'arrière ne tombent pas sous le coup de cette disposition (Michael Cottier in: O. Triffterer (éd.), Commentary on the Rome Statute (1999), art. 8, ch. 232).

Voir également Michael Cottier, «Commentary on the Rome Statute», art. 8, ch. 227 ss.

5989

soit pas contracté sous l'effet de la force ou de la contrainte. Les mesures figurant dans cette déclaration (âge minimum d'enrôlement et garanties) peuvent être renforcées à tout moment par voie de notification adressée au Secrétaire général de l'ONU. L'obligation de relever l'âge minimum de l'engagement volontaire ne s'applique pas aux établissements scolaires placés sous l'administration ou le contrôle des forces armées.

La fixation de l'âge minimum d'engagement volontaire a été très controversée pendant les négociations. Pour diverses raisons, bien des pays souhaitaient que la limite soit fixée à dix-huit ans. Ils doutaient notamment que les personnes plus jeunes possèdent la maturité suffisante pour évaluer la portée et les conséquences de leur engagement. Ils jugeaient en outre que la fixation d'un âge minimum inférieur nuirait considérablement à la mise en oeuvre de l'interdiction de participation directe aux hostilités et d'enrôlement obligatoire des enfants. En effet, les enfants sont, d'une part, souvent enrôlés dans les forces armées nationales dans des conditions qui amènent à douter du caractère volontaire de leur engagement, les preuves restant toutefois très difficiles à administrer dans la plupart des cas. D'autre part, les enfants engagés volontaires sont exposés aux mêmes dangers que les combattants adultes alors qu'ils ne sont encore qu'en formation, surtout s'ils participent à des opérations militaires: ils sont stationnés dans des installations militaires ou à proximité de combattants considérés comme des cibles licites. De plus, lorsque la situation les contraint à mobiliser jusqu'à leurs dernières forces, les forces armées nationales sont tentées de mettre à profit le potentiel de connaissances militaires des enfants soldats engagés volontaires et d'utiliser ces derniers dans les hostilités. L'âge minimum de dix-huit ans doit également empêcher que des enfants soient poussés vers une organisation militaire par des circonstances extérieures comme la pauvreté, la faim ou le danger permanent46.

D'autres pays voulaient imposer à l'engagement volontaire une limite d'âge inférieure en argumentant que c'est la seule façon de trouver suffisamment d'aspirants aptes à répondre aux exigences des forces armées nationales. Dans ce cas de figure, il va de soi que l'âge de recrutement
doit être inférieur à l'âge minimum de participation aux hostilités puisque l'écart entre les deux est consacré à la formation militaire des recrues47. La volonté de donner aux jeunes la possibilité d'entrer dans l'armée à l'âge où ils choisissent normalement un métier est un autre argument en faveur de l'autorisation de recrutement à seize ans48. Quelques Etats ont en outre rappelé que le service militaire et les écoles militaires jouent un rôle social important dans les pays à chômage élevé chez les jeunes, car ils constituent pour nombre de ces derniers la seule possibilité de trouver un emploi ou de suivre une formation supérieure49.

Les pays se sont finalement accordés sur l'âge minimum de seize ans pour l'engagement volontaire, ce qui améliore la protection de l'enfant. Chaque Etat Partie garde cependant toute liberté pour fixer la barre plus haut.

Au sens de cette disposition, il y a engagement volontaire lorsque la personne s'engage dans l'armée de son propre chef. Le consentement peut parfaitement être motivé par des conditions de vie difficiles ou des promesses attrayantes de l'armée; 46 47 48 49

Doc. NU E/CN.4/1997/96 ch. 26.

Doc. NU E/CN.4/1997/96 ch. 31.

Doc. NU E/CN.4/1994/96 13/2/Add. 3, ch. 4.

Doc. NU E/CN.4/1998/902 ch. 30 et 40.

5990

il suffit que certaines garanties aient été respectées. En revanche, il n'y a pas engagement volontaire lorsque l'armée pousse l'enfant à s'engager par la force, sous la menace de préjudices graves ou par toute autre atteinte à sa liberté. L'enrôlement prévu par une obligation juridique ne peut pas non plus être assimilé à un engagement volontaire.

Les garanties dont l'engagement volontaire des personnes de moins de dix-huit ans est assorti (à savoir le consentement en connaissance de cause des parents ou gardiens légaux de l'intéressé, l'information complète de ce dernier sur les devoirs qui s'attachent au service militaire et la preuve fiable de son âge avant admission au service militaire) doivent permettre de s'assurer que la personne s'engage bien de son propre gré. Mais le respect de ces garanties peut se révéler délicat dans des pays en proie à la guerre. Dans des conflits armés, beaucoup d'enfants sont abandonnés à leur propre sort, sans contacts avec leurs parents ou leur tuteur légal. Dans divers pays, il est par ailleurs presque impossible de fournir la preuve fiable de l'âge car les naissances ne sont pas ou plus enregistrées.

Au cours de la rédaction du Protocole facultatif, il est clairement apparu que de nombreux pays disposent d'établissements ou de structures d'enseignement secondaire et supérieur administrés par les forces armées nationales mais offrant des programmes d'études en grande ou en majeure partie civils. A cet égard, le groupe de travail s'est d'emblée efforcé de prévoir un régime dérogatoire susceptible de réunir un consensus en ce qui concerne la limite d'âge d'engagement volontaire. La difficulté de cette approche résidait dans la mise au point d'une définition satisfaisante du caractère militaire ou civil des établissements concernés et du contenu militaire admissible de leurs programmes de formation50. La nouvelle disposition se réfère aux art. 28 et 29 de la CRDE qui garantissent le droit de l'enfant à l'éducation et définissent les buts de celle-ci. Il en découle que seules peuvent bénéficier du régime dérogatoire les écoles militaires favorisant l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, lui inculquant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de
ses parents, de son identité culturelle et de sa langue ainsi que d'autres cultures, le préparant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre et tolérante, lui inculquant le respect du milieu naturel et possédant donc un caractère essentiellement civil. Ces écoles pouvant être gérées par les forces armées nationales, les Etats Parties doivent veiller à ce que la distinction entre les élèves et les soldats soit très nette, de sorte que les enfants scolarisés ne puissent être confondus avec les membres des forces armées nationales et ainsi pris pour cibles militaires légitimes. L'école de recrues du système suisse ne poursuit pas intégralement ces nombreux objectifs d'éducation et ne bénéficie donc pas de la dispense.

50

Voir art. 2 par. 4, du projet en annexe du doc. NU E/CN.4/1996/102.

5991

2.2.4

Groupes armés (art. 4)

Compte tenu du fait qu'en 1997, la majorité des conflits en cours ne présentaient pas un caractère international et qu'un nombre significatif d'enfants avaient été enrôlés par des groupes armés distincts des forces armées des Etats51, presque tous les pays étaient d'accord pour intégrer dans le Protocole facultatif une disposition sur les groupes armés. Seuls quelques pays ne voulaient pas que la communauté internationale s'occupe de conflits internes, arguant systématiquement que les groupes armés non étatiques ne constituaient pas des sujets de droit international. S'il va de soi que le Protocole facultatif a valeur juridiquement contraignante pour les Etats Parties, on s'est longtemps demandé comment imposer ces obligations à des groupes armés non étatiques.

La question de l'effet juridiquement contraignant des normes humanitaires sur les groupes armés non étatiques n'est pas nouvelle dans l'histoire du droit international humanitaire. Elle s'est en effet déjà posée lors de la rédaction de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949. La conférence diplomatique de 1949 l'avait résolue en estimant que, eu égard au contenu indéniablement et fondamentalement humanitaire de cette protection, les obligations de l'Etat engageaient en principe non seulement le gouvernement, mais aussi toutes les autorités et même les particuliers se trouvant sur son territoire, y compris les insurgés52. L'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 parle de «chacune des Parties au conflit» sans autre précision. Il faut en conclure que cette disposition s'applique également aux cas où ne s'affrontent que des groupes armés, sans participation d'aucune force armée nationale53. Cette approche a été reprise dans le Protocole additionnel II, mais avec une portée différente; ce texte s'applique à tous les conflits armés opposant les forces armées d'une Haute Partie contractante et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le protocole54.

La solution adoptée dans le Protocole facultatif relève d'une approche différente. Il a été tenu compte du souci de certains Etats qui souhaitaient que l'on
s'en tienne au principe juridique classique selon lequel les instruments des droits de l'homme n'engagent que les Etats Parties, les groupes armés non étatiques étant couverts par le droit national55. Dans le Protocole facultatif, le par. 1 n'en pose pas moins que les groupes armés qui sont distincts des forces armées d'un Etat ne devraient en aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes âgées de moins de dix-huit ans. Le prudent choix des mots («ne devraient») exprime que les groupes armés ne sont soumis à cette obligation que de manière indirecte, c'est-à-dire par le biais des dispositions pénales nationales exigées à l'art. 4, par. 256. La formulation 51

52 53 54 55

56

Le Comité des droits de l'enfant a ainsi indiqué à la troisième session du groupe de travail, en 1997, que des groupes armés utilisaient dans une large mesure directement et indirectement des enfants dans les hostilités dans les 28 conflits non internationaux du moment (doc. NU E/CN.4/1997/96 ch. 45).

Message relatif aux protocoles additionnels aux Conventions de Genève, FF 1981 I 1044; voir également «Commentaire de la IVe Convention de Genève», op. cit., pp. 40 ss.

«Commentaire des Protocoles additionnels», op. cit., ch. 1373­1374.

Art. 1, par. 1, Protocole additionnel II.

Helle Daniel, «Optional Protocol on the Involvement of Children in Armed Conflict to the Convention on the Rights of the Child», in International Review of the Red Cross, no 839, pp. 806 s.

Voir doc. NU. E/CN. 4/2000/74 ch. 35 ss., ch. 108 et Add. art. 4

5992

«en aucune circonstance» englobe toutes les formes d'enrôlement ou d'engagement: obligatoire, volontaire, voire forcé. De plus, les modalités d'utili-sation des enfants ne sont pas précisées, ce qui fait que leur participation aux hostilités est interdite57, qu'elle soit directe ou indirecte.

Le par. 2 prévoit que les Etats Parties prennent toutes les mesures possibles pour empêcher l'enrôlement et l'utilisation des enfants par les groupes armés et sanctionner pénalement ces pratiques. Cette formulation large oblige aussi les Etats Parties non impliqués dans un conflit à sanctionner l'enrôlement d'enfants par des groupes armés sur leur territoire. Il faudra voir dans quelle mesure les dispositions du droit pénal national peuvent influencer le comportement de groupes armés non étatiques dans des pays en proie à des conflits, d'autant que lesdits groupes armés peuvent déjà s'attendre à de très sévères sanctions pénales du fait de leurs attaques contre les forces gouvernementales. En période de conflit interne, le gouvernement n'est en outre souvent plus en mesure de faire appliquer efficacement le droit national. Cela dit, les groupes armés violant le Protocole facultatif doivent s'attendre à des poursuites pénales à l'issue du conflit.

Parmi les mesures relevant de l'art. 4, par. 2, on peut aussi penser aux pressions politiques systématiquement exercées par la communauté internationale sur les groupes armés58. Certains d'entre eux sont en effet intéressés par la publicité favorable et la reconnaissance que leur vaut dans le monde une déclaration par laquelle ils s'engagent unilatéralement à respecter certains instruments du droit international59.

Les dispositions du Protocole facultatif sont plus strictes pour les groupes armés que pour les Etats Parties. Il est ainsi interdit aux groupes armés d'engager des volontaires de moins de dix-huit ans, alors que les forces armées nationales peuvent recruter des volontaires dès seize ans. Cet écart entre les obligations imposées de part et d'autre a été justifié pendant les négociations par le fait que les forces armées nationales sont mieux à même de garantir qu'elles tiendront leurs membres de moins de dix-huit ans à l'écart des hostilités. De nombreux Etats, et le CICR avec eux, ont en revanche rappelé le principe important en droit international
humanitaire selon lequel toutes les parties impliquées dans une guerre doivent être soumises aux mêmes obligations. Ce principe constitue aussi un argument de poids pour convaincre les groupes armés de respecter le droit international humanitaire. Cette inégalité de traitement pourrait être ressentie comme injuste par les groupes armés. C'est pourquoi l'on considère que la force morale de ce texte et son aptitude à être respecté sont plutôt ténues.

Le par. 3 stipule que l'art. 4 est sans effet sur le statut juridique de toute partie à un conflit armé. On retrouve la même disposition dans l'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 en référence aux conflits non internationaux, ainsi qu'à

57 58 59

Helle Daniel, op. cit. pp. 806 s.

Pour d'autres actions possibles, se reporter à la section 2.2.5.

Le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la protection des enfants dans les conflits armés est ainsi parvenu à pousser les FARC colombiennes à s'engager unilatéralement à démobiliser les enfants soldats de moins de quinze ans (communiqué de presse HR/4471 du 5 mai 2000 du représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la protection des enfants dans les conflits armés; voir également doc. NU E/CN.4/1997/96 par. 35; Cohn et Goodwin-Gill, op. cit. N 9 ad 76; Ann Sheppard, op. cit., p. 53).

5993

l'art. 4 du Protocole additionnel60. Ce principe a été repris dans le Protocole facultatif pour dissiper les craintes que nourrissaient certains gouvernements de voir l'application du Protocole facultatif dans des conflits non internationaux interprétée comme la reconnaissance implicite du statut d'insurgé, de belligérant, voire d'Etat de la partie adverse61.

2.2.5

Mesures d'application (art. 6)

Par le par. 1 de l'art. 6, chaque Etat Partie s'engage à prendre toutes les mesures voulues ­ d'ordre juridique, administratif et autre ­ pour assurer l'application et le respect effectifs des dispositions du Protocole facultatif dans les limites de sa compétence. Les principaux aspects de l'application du Protocole facultatif sont spécifiquement mentionnés ­ par exemple les mesures d'ordre juridique interdisant et sanctionnant l'enrôlement de personnes de moins de dix-huit ans dans des groupes armés du par. 2 de l'art. 4, l'obligation de faire largement connaître le contenu du Protocole aux adultes comme aux enfants du par. 2 de l'art. 6, ou encore les mesures de démobilisation, de réadaptation et de réinsertion sociale à du par. 3 de l'art. 6.

Les mesures particulières d'information prévues au par. 2 de l'art. 6 se justifient surtout par le fait que les publics spécifiquement visés ici ne sont en général pas atteints par les modes normaux de publication des textes de conventions et de lois. La sensibilisation des adultes, mais également des enfants, aux dangers de l'enrôlement des enfants et de leur participation aux hostilités doit en particulier freiner l'engagement volontaire. Mais elle doit aussi concourir à accroître la pression de l'opinion publique sur les Etats Parties ou les groupes armés contrevenant aux dispositions du Protocole facultatif.

Le par. 3 exige des Etats Parties qu'ils prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les personnes relevant de leur compétence et qui sont enrôlées ou utilisées dans des hostilités en violation du Protocole facultatif soient démobilisées ou de quelque autre manière libérées des obligations militaires, et qu'ils accordent à ces personnes toute l'assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale. Cette disposition vise à mettre en place le cadre social sans lequel l'interdiction d'enrôlement et de participation des enfants aux hostilités ne serait pas durablement applicable. Elle s'adresse aux Etats Parties sur le territoire desquels se trouvent de telles personnes. Lui sont donc également soumis les Etats Parties où se sont réfugiés des enfants soldats récemment démobilisés ou qui en accueillent.

Les Etats Parties jouissent d'une large marge de manoeuvre dans l'application
pratique de l'art. 6. Ils peuvent par exemple aller jusqu'à instituer ou améliorer les procédures d'enregistrement des naissances, à faciliter l'accès des enfants à l'édu-cation et au travail, à renforcer les valeurs communes ou à faciliter le regroupement familial62.

60

61 62

Cette disposition n'a pas été explicitement reprise dans le Protocole additionnel II; elle a toutefois valeur implicite, l'art. 1 prévoyant que le Protocole développe et complète l'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949.

Voir doc. NU E/CN.4/1997/96, par. 115.

Voir Anne Sheppard, op. cit. p. 45.

5994

2.2.6

Coopération internationale (art. 7)

L'art. 7 demande aux Etats Parties de coopérer à l'application du Protocole facultatif, notamment pour la prévention de toute activité contraire à ce dernier et pour la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes. L'assistance financière et la coopération technique doivent se faire en consultation avec les Etats Parties concernés et les organisations internationales compétentes. Les Etats Parties qui sont en mesure de le faire fournissent cette assistance par l'entremise des programmes multilatéraux, bilatéraux ou autres déjà en place ou, le cas échéant, dans le cadre d'un fonds de contributions volontaires constitué conformément aux règles établies par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette disposition s'explique par le fait que de nombreux pays en développement ne seraient guère en mesure de mettre en oeuvre le Protocole facultatif sans l'aide des autres membres de la communauté internationale.

2.3

Procédure de contrôle international (art. 8)

Le mécanisme de contrôle du respect du Protocole facultatif consiste en une procédure de soumission de rapports. Chaque Etat Partie présente, dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à son égard, un rapport au Comité des droits de l'enfant visé à l'art. 43 de la CRDE63; ce rapport contient des renseignements détaillés sur les mesures qu'il a prises pour donner effet aux dispositions du Protocole facultatif. Les rapports suivants sur la mise en oeuvre du Protocole facultatif revêtent la forme de compléments d'information inclus dans les rapports présentés au Comité tous les cinq ans en application de la Convention relative aux droits de l'enfant. Les Etats Parties qui ont signé la Convention relative aux droits de l'enfant mais ne l'ont pas ratifiée64 présentent un rapport indépendant.

En ce qui concerne les compétences du Comité, le Protocole facultatif prévoit simplement qu'il peut demander aux Etats Parties un complément d'information concernant l'exécution des engagements contractés. L'absence de catalogue de compétences n'est pas à interpréter comme un silence qualifié: les enfants soldats relevant déjà de la compétence du Comité en vertu de l'art. 38 de la CRDE, et le deuxième rapport national sur la mise en oeuvre du Protocole facultatif étant intégré au rapport national sur celle de la Convention relative aux droits de l'enfant, les compétences du Comité devraient être les mêmes pour ce qui est des contrôles de mise en oeuvre du Protocole facultatif et de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il n'a apparemment pas été jugé nécessaire d'énumérer explicitement les compétences du Comité dans le Protocole facultatif.

Le Comité peut donc faire des suggestions et des recommandations d'ordre général et les soumettre à l'Assemblée générale de l'ONU, accompagnées le cas échéant des observations des Etats Parties. Il peut aussi inviter les institutions spécialisées de l'ONU, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et tous autres orga-

63

64

Le Comité des droits de l'enfant se compose de dix experts qui siègent à titre personnel mais sont élus sur une liste de personnes désignées par les Etats Parties. Le Comité se réunit en général une fois par an.

L'importance de cette règle tient à l'heure actuelle au fait que les Etats-Unis n'ont pas ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant, qu'ils ont toutefois signée. En dehors des Etats-Unis, seule la Somalie n'est pas partie à la CRDE.

5995

nismes qu'il juge appropriés à donner des avis spécialisés sur l'application du Protocole facultatif. Comme dans les mécanismes de contrôle d'autres conventions universelles relatives aux droits de l'homme, le Comité pour les droits de l'enfant n'a toutefois pas autorité pour condamner formellement des Etats Parties pour une quelconque violation du Protocole facultatif. Il ne peut non plus recevoir de plaintes d'Etats ni de communications de particuliers relatives à des violations d'engagements contractés par les Etats.

2.4

Dispositions finales (art. 9 à 12)

Le Protocole facultatif est ouvert à la signature de tout Etat qui est Partie à la Convention relative aux droits de l'enfant ou qui l'a signée (art. 9, par. 1). Les instruments de ratification ou d'adhésion sont déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (art. 9, par. 2). Le Protocole entre en vigueur trois mois après la date de dépôt du dixième instrument de ratification ou d'adhésion.

Pour l'Etat qui le ratifie ou y adhère après son entrée en vigueur, le Protocole entre en vigueur un mois après la date à laquelle il a déposé son instrument de ratification ou d'adhésion (art. 10). Le Protocole peut être dénoncé (art. 11); la dénonciation prend effet un an après la date à laquelle le Secrétaire général de l'ONU en a reçu notification. Si toutefois, à l'expiration de ce délai d'un an, l'Etat Partie auteur de la dénonciation est engagé dans un conflit armé, celle-ci ne prend pas effet avant la fin du conflit.

Une autre disposition prévoit des règles d'amendement du texte de l'accord (art. 12).

L'amendement entre en vigueur lorsqu'il a été approuvé par l'Assemblée générale des Nations Unies et accepté par une majorité des deux tiers des Etats Parties. Il n'a force obligatoire que pour les Etats Parties qui l'ont accepté.

Le Protocole facultatif ne contient aucune disposition en matière de réserves. Conformément au droit international public des traités, ces dernières sont admissibles pour autant qu'elles restent compatibles avec l'objet et le but du Protocole facultatif.

Elles peuvent être retirées à tout moment.

3

Le Protocole facultatif et l'ordre juridique suisse

3.1

Obligations relevant du droit international public; dispositions directement ou non directement applicables

Comme toutes les conventions internationales, le Protocole facultatif fera partie intégrante de l'ordre juridique suisse dès son entrée en vigueur pour la Suisse. Dans la mesure où des dispositions d'un instrument juridique international sont directement applicables, il est possible de faire valoir les droits qui en découlent devant les autorités suisses dès la date de l'entrée en vigueur. Sont directement applicables les dispositions qui ­ considérées dans leur contexte global et à la lumière de l'objet et du but du Protocole facultatif ­ sont inconditionnelles et suffisamment précises pour s'appliquer comme telles dans un cas d'espèce et constituer le fondement d'une décision. Il appartient aux autorités chargées de l'application du droit de décider, dans chaque cas, si une disposition particulière du Protocole facultatif est justiciable.

5996

Le Protocole facultatif contient des normes ­ par exemple celles des art. 6 et 7, qui fixent les diverses obligations des Etats en matière de protection, d'assistance et de promotion ­ dont la formulation est trop peu précise pour fonder un droit de nature justiciable. Ces obligations font toutefois partie de l'ordre juridique objectif et les autorités sont également tenues de mettre en oeuvre les dispositions moins précises.

En revanche, d'autres dispositions paraissent tellement précises qu'elles peuvent, sans autre formalité, servir de fondement à une décision concrète. Certes, elles s'adressent, selon leur libellé, en premier lieu aux législateurs des Etats signataires mais elles ne leur donnent pas une grande marge de manoeuvre. Dès lors, on ne saurait exclure a priori que ces dispositions puissent être directement applicables65. Il y a lieu de citer à titre d'exemples les interdictions de l'enrôlement obligatoire, de l'engagement volontaire ainsi que de la participation directe aux hostilités qui font l'objet des art. 1 à 3.

Les Etats Parties sont tenus de rendre des comptes au Comité des droits de l'enfant et de montrer que leur ordre juridique et leur politique satisfont à toutes les obligations directement ou non directement applicables découlant du Protocole facultatif.

Au demeurant, toutes les dispositions du Protocole facultatif revêtent une importance pour une interprétation du droit interne conforme au droit international public.

3.2

Age minimum pour l'enrôlement ou pour la participation à des hostilités

La compatibilité des dispositions du Protocole facultatif avec celles du droit national est examinée dans les chapitres qui suivent.

3.2.1

Enrôlement obligatoire

La législation suisse ne connaît pas l'enrôlement obligatoire d'enfants. La conscription des Suisses astreints aux obligations militaires contient d'une part l'obligation de s'annoncer pour être enregistré au contrôle militaire (art. 7 de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire/LAAM)66 et, d'autre part, l'obligation de participer au recrutement (art. 8 LAAM). Ces deux obligations ne prennent toutefois naissance qu'au début de l'année au cours de laquelle la personne astreinte aux obligations militaires atteint 19 ans. Selon l'art. 13, al. 1, LAAM, l'obligation d'accomplir du service militaire prend même naissance au début de l'année au cours de laquelle le conscrit atteint 20 ans. L'école de recrues doit en règle générale être également accomplie à partir de ce moment (art. 49, al. 1, LAAM). En revanche, l'ancienne réglementation de l'art. 82 LAAM ne serait pas compatible avec le Protocole facultatif puisque cette disposition conférait au Conseil fédéral la compétence d'abaisser jusqu'à dix-huit ans l'âge de la conscription durant le service de défense nationale. Le Parlement a toutefois déjà modifié cette disposition le 24 mars 2000 dans le cadre de la ratification de la Convention no 182 de l'OIT, pour qu'elle

65 66

Voir à ce sujet Kälin/Malinverni/Nowak, «Die Schweiz und die UNO-Menschenrechtspakte», 2e édition, 1997, pp. 71 ss.

RS 510.10.

5997

concorde avec l'âge minimum de dix-huit ans prévu pour l'enrôlement obligatoire.

La modification est entrée en vigueur le 1er mai 2001. Les dispositions suisses sont ainsi compatibles avec l'art. 2 du Protocole facultatif.

3.2.2

L'engagement volontaire

Selon l'art. 5, al. 1, let. c, de l'ordonnance concernant le recrutement des conscrits (OREC)67, les jeunes Suisses qui les desirent peuvent participer au recrutement au cours de leur dix-septième ou dix-huitième année et accomplir par la suite leur école de recrues de manière anticipée à partir de l'âge de dix-huit ans (art. 60, al. 3, de l'ordonnance sur les services d'instruction, OSI)68. Les Suissesses qui se sont annoncées volontairement pour le service militaire peuvent être convoquées au recrutement dès leur dix-huitième année (art. 5, al. 1, let. d, OREC). D'autres personnes peuvent être attribuées ou affectées à l'armée dès le début de l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de dix-huit ans (art. 11, al. 1, OSI).

Les journées d'information préalables au recrutement ainsi que les cours facultatifs hors service ou d'instruction prémilitaire, qui ne sont pas pris en compte au titre du service militaire obligatoire, n'entrent pas dans la notion de «l'engagement volontaire» au sens de l'art. 3 du Protocole facultatif. Par cours d'instruction prémilitaire, il faut entendre l'instruction aéronautique prémilitaire, les cours radio ou de pionnier, ou encore les cours de jeune tireur, qui sont effectués avant le recrutement mais qui ne sont pas pris en compte au titre de service militaire.

La législation suisse est ainsi également compatible avec l'art. 3 du Protocole facultatif, qui prévoit un âge minimum de seize ans pour l'enrôlement de volontaires.

3.2.3

La déclaration de la Suisse concernant l'âge minimum de dix-huit ans pour l'engagement volontaire

Selon l'art. 3, par. 2, du Protocole facultatif, chaque Etat Partie dépose, lors de la ratification du protocole, une déclaration indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise l'engagement volontaire et décrivant les garanties qu'il a prévues pour respecter cette obligation. Le Conseil fédéral a l'intention, par cette déclaration d'engager la Suisse à relever à dix-huit ans l'âge minimum pour l'engagement de volontaires. Outre les considérations de droit matériel déjà évoquées au par. 2.2.3 cidessus, d'importants motifs d'ordre politique ainsi que la préservation de notre crédibilité font que la Suisse, qui a milité de manière convaincante en faveur de l'option dix-huit ans lors des travaux préparatoires du Protocole facultatif, la reprenne maintenant dans son droit national. D'ailleurs, l'armée suisse n'a pas intérêt à recruter des jeunes gens manquant de maturité, ni à voir de telles personnes accomplir leur école de recrues. En outre, les jeunes gens ne peuvent souvent pas se rendre compte, avec toute la mesure requise, des conséquences de leur enrôlement.

Ces problèmes seront également pris en compte dans le cadre d'armée XXI. C'est ainsi par exemple, qu'un laps de temps moins long qu'aujourd'hui (un à deux ans) 67 68

RS 511.11.

RS 512.21.

5998

devra s'écouler entre la date du recrutement et celle de l'école de recrues. L'école de recrues pourra ainsi être accomplie à l'âge de dix-huit ans révolus, immédiatement après le recrutement. En recrutant des personnes qui ont atteint l'âge de dix-huit ans et qui ont par conséquent également atteint leur majorité juridique, on s'assurera que tous les membres de l'armée sont soumis aux dispositions du droit pénal militaire et du droit disciplinaire militaire. Avec cette déclaration contraignante, le Conseil fédéral veut montrer à la communauté internationale que concrétiser rigoureusement la protection des enfants dans ce domaine constitue un impératif majeur.

Le relèvement de l'âge minimum à dix-huit ans pour l'engagement volontaire aura pour conséquence que les jeunes gens n'auront plus la possibilité de se présenter au recrutement ou d'accomplir leur école de recrues au cours de leur dix-septième ou de leur dix-huitième année déjà. Pendant les années 1997 à 1999, 360 à 400 jeunes par année (environ 1,5 %) ont fait usage de cette possibilité. Le Conseil fédéral est d'avis qu'une interdiction mondiale de l'enrôlement d'enfants, pour les raisons évoquées ci-dessus, compense la perte de flexibilité relative au choix de la date du recrutement ou de l'accomplissement du service militaire. Le Conseil fédéral envisage dès lors de procéder aux adaptations requises au niveau de l'ordonnance.69 Dorénavant, seules les personnes majeures pourront être convoquées au recrutement et servir dans l'armée.

En relevant à dix-huit ans l'âge minimum pour l'engagement de volontaires, l'Etat signataire n'a plus d'obligation de mettre en place des garanties pour la protection de l'enfant, comme l'exige l'art. 3, par. 3, du Protocole facultatif.

3.2.4

Contenu de la déclaration selon l'art. 3

Dans sa déclaration, la Suisse s'engagera à relever à dix-huit ans l'âge minimum pour l'engagement de volontaires en Suisse par les forces armées du pays. Seuls des actes officiels tels que l'acte de naissance ou le passeport sont admis comme preuves de l'âge de la recrue. La Suisse ne connaît pas d'établissements scolaires, au sens de l'art. 3, par. 5, du Protocole facultatif, qui seraient placés sous l'administration ou le contrôle de l'armée suisse.

3.3

Caractère répréhensible de l'enrôlement et de l'utilisation d'enfants

3.3.1

Situation dans le droit pénal suisse

L'art. 4, par. 2, du Protocole facultatif oblige les Etats Parties à prendre des mesures de droit pénal dans le but de criminaliser dans leur sphère de souveraineté l'enrôlement d'enfants et leur utilisation dans des hostilités par des groupes armés qui sont distincts des forces armées d'un Etat. Il y a lieu de se demander dans quelle mesure le droit pénal en vigueur en Suisse satisfait déjà aux exigences de cette disposition du Protocole facultatif.

69

En particulier, l'art. 5, al. 1, let. c et d, OREC et les art. 11, al. 1, et 60, al. 3, OSI.

5999

Selon l'art. 271 CP70, celui qui, sans y être autorisé, aura procédé sur le territoire suisse pour un Etat étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics, sera puni de l'emprisonnement et, dans les cas graves, de la réclusion (ch. 1, al. 1). Sont également punissables les mêmes actes accomplis pour un parti étranger ou une autre organisation de l'étranger (ch. 1, al. 2). La genèse de l'al. 2 du ch. 171 n'a pas permis à la doctrine et à la jurisprudence de clarifier totalement le champ d'application de cette norme pénale. Pour interpréter la notion «d'autre organisation de l'étranger», le Tribunal fédéral a recouru à sa définition de l'autre organisation de l'art. 272 CP (service de renseignements politiques)72. Ce terme recouvre un groupement de plusieurs personnes qui poursuivent un but politique en commun, même si l'association n'est qu'informelle et qu'elle ne dispose pas de statuts ni de véritables organes73. On peut laisser indécise la question de savoir si ­ en raison du titre de la disposition pénale (Actes exécutés sans droit pour un Etat étranger) ­ l'organisation doit présenter un caractère para-étatique ou se battre pour le pouvoir et l'indépendance contre un Etat74. Même si l'on applique une telle restriction, les groupes armés qui procèdent à des enrôlements en Suisse au sens du Protocole facultatif tombent sous le coup de l'art. 271. Cette disposition est en outre également applicable aux organisations internationales. Pour déterminer si l'art. 271 est applicable, il y a lieu d'examiner si les activités déployées pour le groupe armé constituent des actes «qui relèvent des pouvoirs publics». Il faut qu'il s'agisse d'actes de souveraineté; il suffit à cet égard que les actes revêtent un caractère officiel de par leur nature75. Si des enfants de moins de dix-huit ans sont enrôlés en Suisse pour un groupe armé, il y a lieu d'admettre l'existence d'un acte relevant des pouvoirs publics et d'affirmer ainsi le caractère punissable de cet acte au sens de l'art. 271. En revanche, il y a lieu, dans chaque cas particulier, d'examiner si les campagnes au cours desquelles des personnes âgées de moins de dix-huit ans sont invitées de manière non équivoque à s'annoncer pour un engagement dans des conflits armés ne constituent pas déjà des enrôlements et ainsi des actes relevant des pouvoirs
publics au sens de l'art. 271.

L'art. 129 CP (mise en danger de la vie d'autrui) sanctionne pénalement la mise en danger imminente de la vie d'autrui. Cette disposition pénale peut être appliquée à l'engagement d'un enfant soldat dans des hostilités. En revanche, elle ne permet pas de punir le simple recrutement de personnes car ce seul acte ne cause pas encore, en règle générale, une mise en danger de mort imminent.

Les crimes ou délits contre la liberté (art. 180 ss CP) comprennent les recrutements opérés sous contrainte76. S'agissant de ces délits, il y a généralement lieu d'apporter la preuve que la restriction de liberté est intervenue contre la volonté de la victime.

70 71

72 73 74 75 76

Actes exécutés sans droit pour un Etat étranger.

Le Tribunal fédéral suisse n'avait pas admis, dans le cas Vitianu, de faire entrer dans le champ d'application de l'art. 271 un acte accompli pour le parti communiste (unique) de Roumanie. Après cette affaire, le législateur a introduit l'al. 2 de cette disposition en 1950.

ATF du 9 septembre 1977 en la c. J.C.A. (Semaine judiciaire 1978, p. 360).

ATF 82 IV 163 cons. 4a; 80 IV 86.

Un tel complément a été à tout le moins suggéré à diverses reprises; voir G. Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, BT II; Berne 1995, § 44 N 15; ATF 61 I 413.

ATF 80 IV 86.

En pareil cas, il y a également lieu de prendre en considération le caractère répréhensible prévu par l'art. 271, ch. 2 et 3, CP.

6000

Dans le cas présent, cela signifie que se rend coupable celui qui enrôle un enfant contre sa volonté et l'utilise dans un conflit armé77.

Les énoncés des faits constitutifs d'infractions aux art. 299 et 300 CP (violation de la souveraineté territoriale étrangère, actes d'hostilité contre un belligérant ou des troupes étrangères) satisfont en partie à l'exigence du caractère répréhensible stipulée par le Protocole facultatif. Font partie de ces infractions les actes qui tentent de troubler par la violence l'ordre politique d'un Etat étranger à partir du territoire suisse. Cela est notamment le cas lorsque des groupes recrutent des enfants en Suisse pour un engagement armé à l'étranger.

Il y a lieu d'accorder une attention particulière à l'art. 109 du code pénal militaire (CPM). Selon cette disposition, sera puni celui qui aura contrevenu aux prescriptions de conventions internationales sur la conduite de la guerre ainsi que pour la protection de personnes et de biens ou celui qui aura violé d'autres lois et coutumes de la guerre reconnues. Le cas échéant, les civils tombent également sous le coup de cette disposition (art. 2, ch. 9, CPM). L'art. 109 CPM fait référence aux conventions et au droit coutumier international qui contiennent des dispositions sur la protection des personnes dans les conflits armés. Le Protocole facultatif est applicable aussi bien en temps de paix qu'en période de conflit armé. S'agissant des énoncés de faits légaux du Protocole facultatif qui sont applicables en temps de paix, l'applicabilité de l'art. 109 CPM est en principe exclue. Il importe en outre de relever qu'en cas d'application de l'art. 109 CPM en relation avec l'art. 4 du Protocole facultatif, les groupes armés ne sont qu'indirectement sanctionnés, c'est-à-dire au moyen des dispositions pénales nationales exigées par l'art. 4, al. 278.

Le code pénal militaire contient en outre des dispositions pénales calquées sur les normes pénales précitées du code pénal et qui peuvent dès lors s'appliquer suivant la situation de fait aux enrôlements opérés en Suisse79. Le code pénal militaire ne comporte cependant pas de norme comparable à celle de l'art. 271 CP. Selon l'art. 7 CPM, les personnes auxquelles le droit pénal militaire est applicable restent toutefois soumises au droit pénal ordinaire pour les infractions
non prévues par le code pénal militaire.

Le cas difficilement envisageable d'un recrutement d'enfants et de leur utilisation dans des hostilités en Suisse par des groupes armés suisses aurait notamment pour conséquence que ­ pour les enfants jusqu'à quinze ans ­ le deuxième protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 serait applicable. Un tel acte tomberait en outre, indépendamment de l'âge de la personne enrôlée, sous le coup des dispositions pénales des titres douzième et treizième du CP («crimes ou délits contre la paix publique» ou «crimes ou délits contre l'Etat et la défense nationale»), notamment sous le coup de l'art. 260 (émeute), de l'art. 265 (haute trahison), de l'art. 266 (atteinte à l'indépendance de la Confédération) ou de l'art. 275 (atteinte à l'ordre constitutionnel). Dans ce contexte également, les dispositions pénales protégeant la vie et l'intégrité corporelle ainsi que la liberté peuvent être applicables.

77 78 79

L'auteur se rend le cas échéant coupable de menaces (art. 180), de contrainte (art. 181) ou de séquestration et enlèvement (art. 183).

Voir par. 2.2.4.

Art. 92, 149, 150 et 151a CPM.

6001

3.3.2

Récapitulation

En résumé, il découle des considérations qui précèdent que le droit pénal suisse sanctionne déjà l'enrôlement ou l'utilisation d'un enfant dans des hostilités pour des groupes armés; il ne semble dès lors pas nécessaire de créer une nouvelle norme pénale punissant ce type de comportement. L'art. 271 CP, qui sanctionne les actes exécutés sans droit pour un Etat étranger ou pour une organisation de l'étranger, se trouve au premier plan des dispositions pénales applicables. Des activités analogues de groupes armés suisses tomberaient notamment dans le champ d'application des autres dispositions pénales des titres douzième et treizième du code pénal.

3.4

Mise en oeuvre

Sur le plan administratif, la Suisse remplit déjà les conditions nécessaires à la mise en oeuvre du Protocole facultatif. A son entrée en vigueur, le Protocole sera publié au Recueil officiel. D'autres mesures devront être prises pour que les enfants aient effectivement connaissance de ses principes, surtout au niveau des autorités scolaires cantonales. Des organisations non gouvernementales intervenant spécifiquement dans le domaine des droits de l'enfant auront aussi un rôle à jouer. L'armée suisse devra intégrer le contenu du Protocole facultatif dans la formation de ses membres.

Il conviendra de décider le moment venu comment les autorités publiques peuvent soutenir encore ce travail de diffusion. Il semble opportun et judicieux de coordonner l'effort d'information pour ce qui est de la publicité à donner à la Convention relative aux droits de l'enfant et à son Protocole facultatif.

Le par. 3 de l'art. 6 fait obligation aux Etats Parties de fournir, lorsque c'est nécessaire, l'assistance appropriée en vue de la réadaptation physique et psychologique et de la réinsertion sociale des ex-enfants soldats. Compte tenu de la situation politique actuelle de l'Europe, il paraît improbable que la Suisse soit impliquée dans un conflit armé et confrontée à un problème important d'enfants soldats sur son territoire.

Elle dispose dès aujourd'hui d'un dispositif social capable d'assister les enfants soldats démobilisés. On peut en particulier penser aux institutions d'aide sociale prévues dans le droit de la tutelle, à l'assistance sociale ainsi qu'aux dispositions de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions. Le Conseil fédéral est convaincu que, en cas de besoin, la Suisse dispose de l'infrastructure nécessaire pour mettre en place des mesures spécifiques en temps utile.

L'obligation de démobilisation, de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale s'appliquerait plus vraisemblablement à la Suisse au cas où elle accueillerait des enfants soldats étrangers récemment démobilisés et ayant besoin de protection. Leur présence en Suisse serait régie par la loi sur l'asile80, qui autorise à séjourner en Suisse les personnes à qui le droit de résider dans le pays a été accordé en qualité de réfugiés (art. 2), les demandeurs d'asile pendant la procédure (art. 42), ainsi que les personnes
à protéger aussi longtemps qu'elles sont exposées à un danger général grave, notamment pendant une guerre ou une guerre civile ou lors de situations de violence généralisée (art. 4). Lorsqu'elles se trouvent sur le territoire suisse, toutes ces personnes relèvent de la compétence de la Suisse, et notre pays est tenu de prendre notamment les mesures nécessaires à leur réadaptation physique et psychologique ainsi qu'à leur réinsertion sociale, dans la mesure où la durée de leur 80

RS 142.31.

6002

séjour en Suisse le justifie. Il s'est jusqu'à présent agi de cas isolés; dans ces circonstances, la Suisse possède actuellement l'infrastructure nécessaire pour satisfaire à cette obligation. C'est en particulier l'Office fédéral des réfugiés qui aurait à intervenir dans ce domaine.

3.5

Les efforts de la Suisse en faveur des enfants soldats dans le cadre de la coopération internationale

L'art. 7 du Protocole facultatif prévoit que les Etats Parties coopèrent à son application, notamment pour la prévention, ainsi que pour la réadaptation et la réinsertion des enfants soldats. Cette disposition part de l'observation que c'est justement dans les zones où des enfants soldats sont enrôlés et utilisés que le Protocole facultatif ne saurait être mis en oeuvre sans l'aide des pays développés et des organisations internationales.

De nombreux programmes de la Direction du développement et de la coopération (DDC) visent à améliorer les conditions de vie et la formation des enfants et de leur entourage, et touchent indirectement ainsi à certains aspects spécifiques du problème des enfants soldats. D'une part la DDC accorde des aides financières à des organisations non gouvernementales suisses ou de régions en guerre réalisant des programmes et projets en faveur des enfants du tiers-monde. D'autre part, elle s'efforce d'intégrer dans ses stratégies et ses actions concernant les pays de concentration de sa coopération au développement des mesures d'amélioration de l'alimentation et de l'éducation des enfants. De plus, les enfants sont souvent inclus dans des programmes globaux de coopération au développement. On peut citer le cas du programme d'aide d'urgence et de développement de la DDC au Rwanda, qui comporte notamment des mesures d'aide à la démobilisation et à la réinsertion sociale visant surtout les enfants affectés par la guerre. Des programmes similaires sont envisagés pour des pays comme l'Afghanistan, le Sri Lanka, la Sierra Leone ou la Colombie. La DDC s'est fixé pour objectif de reconduire cette aide au même niveau et d'accorder à l'avenir une attention accrue aux besoins des enfants impliqués dans les conflits armés.

La DDC a dépensé plus d'un milliard de francs de fonds publics en 2000; du total de 262,2 millions de francs consacrés à l'aide humanitaire, une grande partie a été spécifiquement destinée aux enfants. D'autres programmes de la DDC se sont concentrés sur le développement durable et ont donc eu des effets bénéfiques, directs et indirects, sur les conditions de vie des enfants. Dans le cadre de la coopération multilatérale, la Suisse a fourni des aides notables à des organisations internationales spécialisées dans l'assistance aux enfants. L'UNICEF et le représentant
spécial du Secrétaire général pour la protection des enfants dans les conflits armés ont été dans ce domaine des partenaires privilégiés de la Suisse. Notre pays a versé 17 millions de francs d'aide à l'UNICEF en 2000, et 150 000 francs au représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU.

6003

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

L'art. 43, par. 11 et 12, prévoit que les frais du Comité des droits de l'enfant, chargé de contrôler la mise en oeuvre de la Convention par les Etats Parties, sont pris en charge par le budget général des Nations Unies. Les rapports que l'art. 8 du Protocole facultatif fait obligation aux Etats Parties de présenter engendrent un surcroît de dépenses pour le Comité, mais on peut penser qu'elles seront également financées sur le budget général des Nations Unies. Bien que la Suisse ne soit pas membre de l'ONU, elle contribue déjà aux frais généraux administratifs de l'Organisation. La ratification du présent Protocole facultatif ne ferait donc encourir à la Suisse aucun frais supplémentaire à ce titre.

L'art. 6, par. 3, fait obligation à la Suisse d'accorder aux personnes relevant de sa compétence toute l'assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale. L'infrastructure nécessaire à l'exécution de cette nouvelle obligation est, dans l'ensemble, en place. Si le nombre des enfants demandant l'asile après avoir été impliqués dans des conflits armés venait à augmenter, cela pourrait susciter, le cas échéant, des dépenses supplémentaires de réadaptation et de réinsertion sociale pour la Confédération et les cantons.

L'expérience des conflits armés au Rwanda, en Bosnie-Herzégovine et au Congo a montré que peu de demandes d'asile ont été déposées par des enfants ayant été impliqués dans les conflits. Dans l'avenir un tel développement ne peut cependant pas être complètement exclu. Les autres obligations découlant du Protocole facultatif n'auront aucune conséquence financière directe pour la Confédération ou les cantons. Le coût supplémentaire en ressources humaines et financières encouru par la Confédération (en particulier pour la préparation du rapport au Comité, les poursuites pénales engagées à l'encontre des groupes armés enrôlant des enfants et la coopération internationale) peut être absorbé par le plan financier en cours et l'effectif actuel du personnel.

5

Programme de la législature

L'effort déployé par la Suisse pour obtenir l'approbation du Protocole facultatif au plan international figure dans le rapport du 1er mars 2000 sur le programme de la législature 1999­2003. Compte tenu du fait qu'il était impossible de prévoir, au moment de la préparation du programme, la date à laquelle le Protocole facultatif serait adopté, sa ratification n'y figure pas81.

6

Constitutionnalité

La constitutionnalité de l'arrêté fédéral relatif à la ratification du Protocole facultatif repose sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution fédérale, qui autorise la Confédération à conclure des traités de droit international. L'art. 166, al. 2, de la Constitution fédérale donne compétence à l'Assemblée fédérale pour approuver la ratification.

81

FF 2000 III 2168, 2175-2175, R4.

6004

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, de la Constitution fédérale, les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et qu'ils ne peuvent pas être dénoncés, prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou entraînent une unification multilatérale du droit. Le Protocole facultatif peut être dénoncé (art. 11) et n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale.

Il reste donc simplement à examiner si la ratification entraînerait une unification multilatérale du droit. Selon la pratique constante du Conseil fédéral, seuls sont impérativement soumis au référendum facultatif les traités qui contiennent du droit uniforme directement applicable pour l'essentiel, réglant en détail un domaine juridique bien défini, à savoir suffisamment important pour justifier sur le plan national la rédaction d'une loi distincte82. Le Parlement a précisé la pratique du Conseil fédéral et décidé que dans certains cas ­ en raison de l'importance ou de la nature des dispositions ou parce qu'il est prévu de créer des organes de contrôle internationaux ­ il peut y avoir unification multilatérale du droit même lorsque les normes internationales correspondantes sont peu nombreuses83. La notion d'unification du droit ne peut s'appliquer à des dispositions isolées que lorsque celles-ci présentent une importance fondamentale84.

En fixant un âge minimum d'engagement volontaire et d'enrôlement obligatoire dans les forces armées nationales et les groupes armés non étatiques, le Protocole facultatif unifie bien le droit, mais avec des conséquences minimes pour la Suisse: il ne crée pas d'obligations ou droits de portée notable ou d'importance fondamentale.

De plus, les dispositions du Protocole facultatif ne sont en grande partie pas directement applicables. Elles établissent plutôt des principes à caractère de programme, qui doivent guider les politiques des Etats Parties. Si l'applicabilité directe de certaines dispositions du Protocole facultatif ne peut être d'emblée écartée, elles ne sont pas nouvelles pour la Suisse. A l'occasion de la ratification de la Convention no 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, la Suisse a en
effet déjà apporté à son droit pénal militaire les modifications nécessaires en ce qui concerne l'enrôlement obligatoire85. Les dispositions du Protocole facultatif renforcent donc l'application du droit national déjà en vigueur.

En conclusion, le Protocole facultatif ne constitue pas une unification multilatérale du droit visée à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution fédérale.

L'arrêté fédéral soumis n'est donc pas sujet au référendum facultatif.

82 83 84 85

FF 1988 II 894, FF 1990 III 904, FF 1992 III 319.

FF 1990 III 904 (avec références).

Le Protocole additionnel no 6 à la CEDH, qui se limitait à interdire la peine de mort, était sujet au référendum facultatif.

Art. 82 LAAM; FF 2000 292 ss et 342.

6005