ad 97.457 Initiative parlementaire Droit de succession du conjoint survivant. Précision Rapport du 22 janvier 2001 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 9 mars 2001

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 4, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), nous vous soumettons notre avis sur le rapport du 22 janvier 2001 (FF 20011057) de la Commission des affaires juridiques du Conseil national demandant la révision de l'art. 473 du code civil.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 mars 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-0413

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Avis 1

Le point de la situation

Le 18 décembre 1997, Monsieur le conseiller national Marc Suter a déposé une initiative parlementaire, rédigée sous la forme d'une demande conçue en termes généraux, proposant une modification de l'art. 473 du code civil (CC; RS 210).

Cette disposition devrait être précisée de façon à indiquer dans quelle mesure il serait possible de laisser au conjoint survivant, outre l'usufruit, une part de l'héritage en propriété, sans préjudice pour la réserve des descendants.

Selon la proposition de sa commission des affaires juridiques, le Conseil national a décidé sans opposition, le 8 mars 1999, de donner suite à l'initiative, ensuite de quoi la commission des affaires juridiques a élaboré un avant-projet de modification de la disposition légale. L'art. 473, al. 2, CC doit être complété par une phrase précisant que l'usufruit du conjoint survivant ne doit pas être imputé sur la quotité disponible de trois huitièmes. Une minorité de la commission propose de fixer la quotité disponible à deux huitièmes ou un quart.

La commission des affaires juridiques a renoncé à une procédure de consultation, du moment qu'il s'agit simplement pour le législateur de réglementer une question juridique controversée dans l'intérêt de la sécurité du droit et d'en faciliter l'application pratique.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

La situation économique du conjoint survivant

La situation économique du conjoint survivant ne dépend pas seulement du droit successoral. Pour une appréciation globale, il y a lieu de tenir compte du droit des assurances sociales (1er et 2e piliers), de la réglementation du pilier 3a, des possibilités de libéralités offertes par les contrats d'assurance et du droit matrimonial. La sécurité matérielle du conjoint survivant est prioritaire non seulement pour les assurances sociales, mais également pour le pilier 3a (art. 2 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance; RS 831.461.3) et les contrats d'assurance avec des clauses prévoyant des libéralités.

La révision du droit matrimonial et du droit successoral de 1984 poursuivait, entre autres, le but d'améliorer la situation juridique du conjoint survivant. Le conjoint survivant peut être favorisé bien au-delà de ses prétentions légales par des contrats de mariage ou des dispositions pour cause de mort. Les époux soumis au régime matrimonial ordinaire de la participation aux acquêts peuvent en particulier convenir par contrat de mariage que le conjoint survivant reçoit tout le bénéfice (art. 216 CC).

Seule la réserve des enfants non communs est protégée. Lorsque les conjoints adoptent le régime de la communauté de biens, ils peuvent convenir très librement des biens entrant dans la communauté et attribuer celle-ci au conjoint survivant. Au contraire de la participation aux acquêts, la réserve de tous les descendants, mais pas celle des parents, doit être respectée (art. 241 CC). Par ailleurs, dans le droit successoral, la part héréditaire légale du conjoint survivant a été augmentée, par rapport 1902

aux descendants, d'un quart à la moitié (art. 462 CC). Si les descendants sont réduits à leur réserve (art. 471 CC), le conjoint survivant peut se voir attribuer cinq huitièmes de la succession.

2.2

Art. 473 CC de lege lata

L'art. 473 CC est une norme du droit des successions et ne concerne donc que les biens qui constituent la succession après la liquidation du régime matrimonial. La disposition, dont le titre marginal est "Libéralités en faveur du conjoint survivant", permet au disposant de laisser au conjoint survivant l'usufruit de toute la part dévolue à leurs enfants communs et aux enfants du seul disposant, conçus pendant le mariage, ainsi qu'à leurs descendants. Le fait que cette possibilité existe non seulement à l'égard des enfants communs, mais également à l'égard des enfants non communs, conçus pendant le mariage, remonte à la révision du droit de la filiation de 1976 et avait pour but d'améliorer l'acceptation de l'égalité sur le plan successoral entre l'enfant né hors mariage et les enfants nés de parents mariés.

Selon l'art. 530 CC, le disposant peut également grever la part successorale d'un héritier réservataire d'un usufruit, indépendamment de l'art. 473 CC. Toutefois, cela présuppose que la valeur capitalisée de l'usufruit n'est pas plus grande que la différence entre la part héréditaire et la part réservataire (Staehelin, Commentaire bâlois, ad art. 473 CC, n° 1). La particularité de l'art. 473 CC par rapport au legs d'usufruit ordinaire réside dans le fait que les descendants doivent se laisser imposer l'usufruit dans l'intérêt du conjoint survivant, même si leur réserve est lésée, de sorte qu'ils ne peuvent se défendre au moyen d'une action en réduction (cf. art. 522 et 530 CC). La valeur capitalisée de l'usufruit dépend de l'espérance de vie du conjoint survivant.

Plus celui-ci est jeune, et plus grand est le risque d'une atteinte à la réserve des descendants. En revanche, plus il est âgé et plus le même résultat aurait pu être atteint par un legs d'usufruit ordinaire selon l'art. 530 CC, pour lequel les réserves doivent être respectées.

En pratique, le legs d'usufruit selon l'art. 473 CC est fréquemment utilisé afin d'éviter le partage de la succession au décès de l'un des conjoints. Les descendants sont dédommagés par le fait qu'au décès du conjoint favorisé, ils obtiennent la succession en pleine propriété et que leurs droits ne peuvent pas être touchés par la participation d'autres héritiers (remariage du conjoint favorisé, autres descendants, attribution de la quotité disponible à des tiers) (Staehelin, Commentaire bâlois, ad art. 473 CC, n° 2).

2.3

Art. 473 CC de lege ferenda

La commission des affaires juridiques souhaite clarifier la question de l'étendue de la quotité disponible qui peut être attribuée en propriété au conjoint en plus de l'usufruit. La question de savoir si la quotité disponible est de un, deux ou trois huitièmes (querelle dite des "huitièmes") fait depuis longtemps l'objet d'une controverse dans la doctrine. Les différents avis sur cette question sont présentés de manière détaillée dans le Rapport de la commission du Conseil national. Le Tribunal fédéral n'a pas eu, à ce jour, l'occasion de se prononcer sur cette question controversée.

1903

Dans son rapport, la commission des affaires juridiques insiste sur le fait que le montant de la quotité disponible en cas d'attribution de l'usufruit au conjoint survivant dans le cadre de la révision envisagée est avant tout une question d'ordre politique. Il ne s'agirait pas pour le législateur de décider, par une interprétation authentique de la loi, quelle serait la bonne réponse à donner à la querelle des huitièmes.

Bien plus, il s'agirait, de lege lata, de garantir une fois pour toutes (indépendamment de la valeur capitalisée de l'usufruit), la sécurité juridique pour la pratique notariale future et de laisser la plus grande liberté d'action possible au disposant. Ce qui est déterminant pour la majorité de la commission, c'est que, contrairement à ce qui était le cas dans le passé, les descendants qui héritent aujourd'hui de leur parent qui décède en premier, sont déjà âgés de plus de 50 ou 60 ans et se sont déjà bien établis dans la vie. Or, un soutien financier approprié de la part des parents serait bien plus utile au moment de la formation ou de la fondation d'une famille qu'un héritage aussi important que possible au moment du décès du premier parent. C'est pourquoi la majorité de la commission propose de garder la quotité disponible aussi élevée que possible et de la fixer à trois huitièmes. Cela correspond à la quotité disponible lorsque tant le conjoint survivant que les descendants sont réduits à leur réserve et qu'aucun legs d'usufruit n'est attribué.

Dans la motivation de sa proposition, le rapport de la commission des affaires juridiques part de l'idée que la quotité disponible sera utilisée en faveur du conjoint survivant. Toutefois, comme il s'agit de la quotité qui est librement disponible, le disposant peut attribuer, à côté du legs d'usufruit en faveur du conjoint, trois huitièmes de sa succession en propriété à une personne ne faisant pas partie de la famille. Cette solution soulève des questions. Une atteinte aux réserves des descendants, qui survient d'autant plus rapidement que la quotité disponible est grande, ne se justifie pas, selon l'avis du Conseil fédéral, lorsque des tiers en profitent. C'est pourquoi il convient de réfléchir si, dans le cadre de l'art. 473 CC, la part de propriété ne devrait pas forcément être attribuée au conjoint survivant. Cela permettrait
de concilier à nouveau le titre marginal "Libéralités en faveur du conjoint" avec le contenu de la disposition. Par ailleurs, cela créerait un parallèle à l'art. 216 CC: l'art. 473 CC serait une norme particulière, qui permettrait au disposant de partager sa succession d'une manière spéciale entre son conjoint et ses descendants. Dans tous les autres cas, le disposant devrait faire usage de la possibilité prévue à l'art. 530 CC lorsqu'il veut attribuer un legs d'usufruit.

Proposition de discussion: Art. 473, al. 2 2

En plus de l'usufruit, le disposant peut attribuer au maximum trois huitièmes en propriété au conjoint survivant.

Par ailleurs, le Conseil fédéral propose de supprimer la discrimination des descendants non communs conçus pendant le mariage par rapport aux autres descendants nés hors mariage. Dans le droit matrimonial également, les réserves de tous les descendants non communs sont traitées de la même façon aux art. 216, al. 2, et 241, al. 3. Ce qui est déterminant à cet égard, c'est que les descendants non communs, au contraire des descendants communs, n'hériteront pas, de par la loi, du conjoint survivant. Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du fait que les réserves des descendants ont, avec la révision du droit des successions de 1988, été réduites d'un tiers, 1904

afin d'améliorer la position du conjoint survivant. C'est pourquoi l'art. 473, al. 1, CC semble aujourd'hui dépassé et devrait être nouvellement formulé de la manière suivante: Art. 473, al. 1 1 L'un des conjoints peut, par disposition pour cause de mort, laisser au survivant l'usufruit de toute la part dévolue à leurs enfants communs.

Si la norme est limitée aux descendants communs, la question du montant de la part en propriété qui peut être attribuée au conjoint survivant perd de son importance.

C'est pourquoi le Conseil fédéral approuve l'avis de la majorité de la commission selon lequel il convient de laisser au disposant la plus grande liberté possible pour favoriser le conjoint survivant et de fixer la part en propriété à trois huitièmes.

1905