Texte original

Convention entre la Suisse et le Royaume du Maroc sur le transfèrement des personnes condamnées du 14 juillet 2000

La Confédération suisse et le Royaume du Maroc, soucieux de promouvoir les rapports d'amitié et la coopération en matière judiciaire entre les deux Etats, désireux de régler d'un commun accord les questions relatives au transfèrement des personnes condamnées, désireux de permettre aux personnes condamnées de purger leur peine ou mesure privative de liberté dans leur pays, afin de faciliter leur réinsertion sociale, déterminés dans cet esprit à s'accorder mutuellement, selon les règles et sous les conditions déterminées par la présente Convention, la coopération la plus large en ce qui concerne le transfèrement des personnes condamnées à des peines ou mesures privatives de liberté, sont convenus des dispositions suivantes:

Chapitre I

Dispositions générales

Art. 1

Définitions

Aux fins de la présente Convention, l'expression: a)

«condamnation» désigne toute peine ou mesure privative de liberté prononcée par une juridiction pour une durée limitée ou indéterminée en raison d'une infraction pénale;

b)

«jugement» désigne une décision judiciaire prononçant une condamnation;

c)

«Etat de condamnation» désigne l'Etat où a été condamnée la personne qui peut être transférée ou l'a déjà été;

d)

«Etat d'exécution» désigne l'Etat vers lequel la personne condamnée peut être transférée ou l'a déjà été, afin d'y subir sa condamnation;

e)

«personne condamnée» désigne toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation définitive sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat et se trouvant en détention.

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2001-0294

Transfèrement des personnes condamnées. Convention avec le Maroc

Art. 2

Principes

1. Les deux Etats s'engagent à s'accorder mutuellement, dans les conditions prévues par la présente Convention, la coopération la plus large possible en matière de transfèrement des personnes condamnées sur le territoire d'un Etat vers le territoire de l'autre Etat pour y subir le reste de la condamnation infligée.

2. A cette fin, la personne condamnée ou, en raison de son âge, de son état physique ou mental, son représentant légal peut exprimer, soit auprès de l'Etat de condamnation, soit auprès de l'Etat d'exécution, le souhait d'être transférée en vertu de la présente Convention.

3. Le transfèrement peut être demandé soit par l'Etat de condamnation, soit par l'Etat d'exécution.

4. Toute personne condamnée à laquelle la présente Convention peut s'appliquer doit être informée par l'Etat de condamnation de la possibilité qui lui est offerte par la présente Convention d'être transférée dans son pays pour l'exécution de sa condamnation.

Art. 3

Motifs de refus

Le transfèrement peut être refusé: a)

si les faits qui ont donné lieu à la condamnation se rapportent à des infractions considérées par l'Etat d'exécution soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques, soit comme des infractions fiscales;

b)

si l'infraction pour laquelle la personne a été condamnée est considérée comme une infraction militaire par l'un des deux Etats;

c)

si l'un des deux Etats estime que le transfèrement est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d'autres intérêts essentiels;

d)

si la condamnation qui motive la demande vise des faits sur la base desquels la personne a été définitivement acquittée ou condamnée dans l'Etat d'exécution;

e)

si les faits qui motivent la condamnation font l'objet de poursuites dans l'Etat d'exécution;

f)

si la personne condamnée bénéficie d'une mesure de grâce ou d'amnistie dans l'Etat de condamnation ou dans l'Etat d'exécution;

g)

si la prescription de la sanction est acquise d'après la loi de l'Etat d'exécution;

h)

si les autorités compétentes de l'Etat d'exécution ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu'elles ont exercées pour les mêmes faits;

i)

si la personne condamnée a la nationalité de l'Etat de condamnation;

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j)

Art. 4

si la personne condamnée ne s'est pas acquittée, dans la mesure jugée satisfaisante par l'Etat de condamnation, des amendes, frais de justice, dommages-intérêts et condamnations pécuniaires de toute nature mis à sa charge.

Conditions du transfèrement

Le transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la présente Convention qu'aux conditions suivantes: a)

la personne condamnée doit être ressortissante de l'Etat d'exécution;

b)

le jugement doit être définitif et exécutoire;

c)

au moment de la présentation de la demande de transfèrement, la personne condamnée doit avoir encore au moins un an de peine à exécuter; toutefois, dans des cas exceptionnels, les deux Etats peuvent autoriser le transfèrement même si le reste de la peine est inférieur à un an;

d)

la personne condamnée doit consentir au transfèrement, volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences juridiques qui en découlent; lorsqu'en raison de l'âge de la personne condamnée ou de son état physique ou mental et si l'un des deux Etats l'estime nécessaire, son représentant légal doit consentir au transfèrement étant pleinement conscient des conséquences juridiques qui en découlent;

e)

les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au regard du droit de l'Etat d'exécution ou devraient en constituer une s'ils survenaient sur son territoire; et

f)

l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution doivent s'être mis d'accord sur le transfèrement.

Chapitre II Procédure Art. 5

Voies de communication

1. Les demandes sont adressées par le Ministère de la Justice de l'Etat requérant au Ministère de la Justice de l'Etat requis. Les réponses sont transmises par la même voie dans les meilleurs délais.

2. Chaque Etat communique par écrit à l'autre Etat l'autorité compétente désignée.

Art. 6

Demandes de transfèrement et réponses

1. Toute demande de transfèrement et toute réponse doivent être formulées par écrit.

2. La demande indiquera notamment l'identité complète de la personne condamnée, son adresse dans l'Etat d'exécution ainsi que son lieu d'incarcération.

3. L'Etat requis doit informer l'Etat requérant, dans les plus brefs délais, de sa décision d'accepter ou de refuser le transfèrement demandé.

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4. La personne condamnée doit être informée de l'évolution de son dossier, ainsi que de toute décision prise par l'un des deux Etats au sujet de son transfèrement.

Art. 7

Pièces à l'appui

1. L'Etat de condamnation doit fournir les documents suivants, soit à l'appui de sa demande, soit en réponse à la demande formulée par l'Etat d'exécution: a)

une copie certifiée conforme du jugement, avec attestation de la force exécutoire, et des dispositions légales appliquées;

b)

un exposé des faits indiquant les circonstances de l'infraction, la date et le lieu où elle a été commise;

c)

des indications sur la durée de la condamnation, sur le début de la sanction privative de liberté compte tenu de la détention préventive éventuelle et mentionnant tout autre acte affectant l'exécution de la condamnation;

d)

une déclaration recueillie par l'autorité compétente constatant le consentement de la personne condamnée ou de son représentant légal conformément à l'art. 4;

e)

toute information utile sur les modalités de l'exécution de la sanction dans l'Etat de condamnation.

2. L'Etat d'exécution doit fournir les documents suivants, soit à l'appui de sa demande, soit en réponse à la demande formulée par l'Etat de condamnation: a)

un document ou une déclaration indiquant que la personne condamnée est ressortissante de cet Etat;

b)

une copie des dispositions légales de l'Etat d'exécution desquelles il résulte que les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation dans l'Etat de condamnation constituent une infraction pénale au regard du droit de l'Etat d'exécution ou en constitueraient une s'ils survenaient sur son territoire;

c)

un document indiquant la nature et la durée de la sanction restant à subir dans l'Etat d'exécution après le transfèrement, ainsi que les modalités d'exécution des sanctions.

3. L'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution peuvent, l'un et l'autre, demander à recevoir tout document ou toute information jugés utiles avant de présenter une demande de transfèrement ou de prendre la décision d'accepter ou de refuser le transfèrement.

Art. 8

Vérification du consentement

L'Etat de condamnation doit donner à l'Etat d'exécution la possibilité de vérifier, par l'intermédiaire d'un agent consulaire ou d'une autre personne désignée d'un commun accord, que le consentement a été donné volontairement et en pleine connaissance des conséquences juridiques qui en découlent.

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Art. 9

Révocation du consentement

Le consentement de la personne condamnée est irrévocable après l'accord des deux Etats sur le transfèrement.

Art. 10

Informations concernant l'exécution

L'Etat d'exécution fournira des informations à l'Etat de condamnation concernant l'exécution de la condamnation: a)

lorsqu'il considère terminée l'exécution de la condamnation;

b)

si la personne condamnée s'évade avant que l'exécution de la condamnation ne soit terminée, ou

c)

si l'Etat de condamnation lui demande un rapport spécial.

Art. 11

Dispense de légalisation

Les documents transmis en application de la présente Convention seront dispensés de toute formalité de légalisation.

Art. 12

Langues

Chaque Etat pourra se réserver la faculté de solliciter que les demandes et pièces annexes lui soient adressées accompagnées d'une traduction dans la langue ou l'une de ses langues officielles.

Art. 13

Escorte et frais

1. L'Etat d'exécution fournit l'escorte pour le transfèrement.

2. Les frais de transfèrement, y compris ceux de l'escorte, sont à la charge de l'Etat d'exécution, sauf s'il en est décidé autrement par les deux Etats.

3. Les frais occasionnés exclusivement sur le territoire de l'Etat de condamnation sont à la charge de cet Etat.

4. L'Etat d'exécution peut toutefois recouvrer tout ou partie des frais de transfèrement auprès de la personne condamnée.

Chapitre III Conséquences du transfèrement Art. 14

Effets dans l'Etat de condamnation

1. La prise en charge de la personne condamnée par les autorités de l'Etat d'exécution a pour effet de suspendre l'exécution de la condamnation dans l'Etat de condamnation. Lorsque la personne condamnée, une fois transférée, se soustrait à l'exécution, l'Etat de condamnation récupère le droit d'exécuter le reste de la peine qu'elle aurait eu à purger dans l'Etat d'exécution.

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2. L'Etat de condamnation ne peut plus exécuter la condamnation lorsque l'Etat d'exécution considère l'exécution de la condamnation comme étant terminée.

Art. 15

Effets dans l'Etat d'exécution

1. La sanction prononcée par l'Etat de condamnation est directement applicable dans l'Etat d'exécution.

2. L'Etat d'exécution est lié par les constatations de fait, ainsi que par la nature juridique et la durée de la sanction résultant de la condamnation.

3. Toutefois, si la nature et la durée de cette sanction sont incompatibles avec la législation de l'Etat d'exécution, cet Etat peut adapter la sanction à la peine ou mesure prévue par sa propre loi pour des infractions de même nature. Cette peine ou mesure correspond, autant que possible, quant à sa nature, à celle infligée par la condamnation à exécuter. Elle ne peut aggraver par sa nature ou par sa durée la sanction prononcée dans l'Etat de condamnation ni excéder le maximum prévu par la loi de l'Etat d'exécution.

4. L'exécution de la sanction dans l'Etat d'exécution est régie par la loi de cet Etat.

Il est seul compétent pour prendre les décisions concernant les modalités d'exécution de la sanction, y compris celles concernant la durée du temps d'incarcération de la personne condamnée.

Art. 16

Conséquences du transfèrement

1. Toute personne transférée, conformément aux dispositions de la présente Convention, ne pourra être jugée ou condamnée à nouveau dans l'Etat d'exécution sur la base des faits qui ont donné lieu à la condamnation dans l'Etat de condamnation.

2. Toutefois, la personne transférée pourra être détenue, jugée et condamnée dans l'Etat d'exécution pour tout fait autre que celui ayant donné lieu à la condamnation dans l'Etat de condamnation, lorsqu'il est sanctionné pénalement par la législation de l'Etat d'exécution.

Art. 17

Cessation de l'exécution de la sanction

1. L'Etat de condamnation informera sans délai l'Etat d'exécution de toute décision ou mesure intervenue sur son territoire qui met fin à l'exécution.

2. L'Etat d'exécution doit mettre fin à l'exécution de la condamnation dès qu'il a été informé par l'Etat de condamnation de toute décision ou mesure qui a pour effet d'enlever à la condamnation son caractère exécutoire.

Art. 18

Grâce et amnistie

Chaque Etat peut accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine conformément à sa Constitution ou à ses autres règles juridiques.

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Art. 19

Révision du jugement

Seul l'Etat de condamnation a le droit de statuer sur tout recours en révision introduit contre le jugement.

Art. 20

Transit

1. Si l'un des deux Etats transfère une personne condamnée d'un pays tiers, l'autre Etat collaborera pour faciliter le transit par son territoire. L'Etat qui a l'intention d'effectuer un tel transit en avertira à l'avance l'autre Etat.

2. Chaque Etat peut refuser d'accorder le transit: a)

si la personne objet du transit est un de ses ressortissants; ou

b)

si l'infraction qui a donné lieu à la condamnation ne constitue pas une infraction au regard de sa législation.

Chapitre IV Dispositions finales Art. 21

Application dans le temps

La présente Convention est applicable à l'exécution des condamnations prononcées soit avant soit après sa mise en application.

Art. 22

Relations avec d'autres accords

La présente Convention ne porte pas atteinte aux droits et obligations des deux Etats découlant d'accords d'extradition et autres accords de coopération internationale en matière pénale prévoyant le transfèrement des personnes détenues à des fins de confrontation ou de témoignage.

Art. 23

Echanges de vues et consultations

1. Si elles le jugent utile, les autorités compétentes des deux Etats procèdent, verbalement ou par écrit, à des échanges de vues sur l'application de la présente Convention, de façon générale ou pour un cas particulier.

2. Chaque Etat peut demander la convocation d'une réunion d'experts, composée de représentants des Ministères de la Justice et des Affaires étrangères, afin de discuter de toute question concernant l'interprétation ou l'application de la présente Convention ou d'une question en rapport avec un cas particulier.

3. Tout différend est réglé par la voie de la négociation entre les deux Etats.

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Art. 24

Application provisoire et entrée en vigueur

1. La présente Convention sera appliquée à titre provisoire dès sa signature.

2. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la dernière notification attestant l'accomplissement des formalités constitutionnelles requises dans chacun des deux Etats.

3. La présente Convention est conclue pour une durée indéterminée.

Art. 25

Dénonciation

Chaque Etat peut dénoncer la présente Convention en tout temps par notification écrite adressée à l'autre Etat. La dénonciation prendra effet six mois après la date de la réception de cette notification.

En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés par leur Gouvernement respectif, ont signé la présente Convention.

Fait à Rabat, le 14 juillet 2000, en double exemplaire, en langue française et en langue arabe, les deux textes faisant également foi.

Pour la Confédération suisse:

Pour le Royaume du Maroc:

Daniel von Muralt

Omar Azzimann

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