Problèmes d'exécution de la loi sur le blanchiment d'argent: La surveillance des intermédiaires financiers visés à l'art. 2, al. 3, LBA Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 29 juin 2001

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Rapport 1

Introduction

1.1

Situation actuelle

La loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (loi sur le blanchiment d'argent, LBA; RS 955.0) adoptée le 10 octobre 1997 par l'Assemblée fédérale est entrée en vigueur le 1er avril 1998. Elle a pour but de lutter contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier et d'assurer que les intermédiaires financiers fassent preuve de la vigilance requise en matière d'opérations financières. L'art. 2 LBA distingue deux catégories d'intermédiaires financiers (ou intermédiaires dans la suite du rapport). La première catégorie d'intermédiaires (al. 2) est soumise à une autorité de surveillance instituée par une loi spéciale. La seconde catégorie d'intermédiaires (al. 3) est soumise à la surveillance de l'Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d'argent (Autorité de contrôle). Les intermédiaires de cette catégorie sont ceux «qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers». Dans ce même alinéa, la loi mentionne, à titre illustratif, les principales activités soumises au champ d'application de la loi.

Exceptés les avocats et les notaires, les intermédiaires financiers selon l'art. 2, al. 3, LBA, avaient jusqu'au 31 mars 2000 pour se soumettre directement à l'Autorité de contrôle ou s'affilier à un organisme d'autorégulation (OAR) reconnu. Ce dernier exerce envers l'intermédiaire affilié la même surveillance que celle exercée par l'Autorité de contrôle sur les intermédiaires qui lui sont directement subordonnés.

L'Autorité de contrôle et les OAR doivent veiller à ce que les intermédiaires respectent les obligations de diligence et les dispositions en cas de soupçon fondé de blanchiment d'argent.

L'Autorité de contrôle précise à l'intention des intermédiaires qui lui sont directement soumis les obligations de diligence et en règle les modalités d'application. Elle octroie les autorisations aux personnes qui veulent exercer l'activité d'intermédiaire financier après le 31 mars 2000. Elle retire les autorisations des intermédiaires qui ne remplissent plus les conditions requises ou qui violent gravement ou de façon répétée leurs obligations légales. Elle tient en outre un registre des intermédiaires qui lui sont directement soumis et des personnes
auxquelles elle a refusé l'autorisation d'exercer l'activité d'intermédiaire financier.

Outre ces activités qui sont comparables à celles des OAR, l'Autorité de contrôle est également chargée de la surveillance des OAR. Elle assume en particulier les tâches suivantes: elle octroie (ou, le cas échéant, retire) la reconnaissance aux OAR, elle surveille les OAR et les intermédiaires financiers qui lui sont directement soumis, elle approuve les règlements édictés par les OAR ainsi que les modifications qui y sont apportées, elle veille au respect à son égard des obligations des OAR en matière d'information et elle gère les listes des OAR (intermédiaires affiliés ou refusés).

L'introduction d'obligations de diligence légales pour les intermédiaires financiers est une nouveauté. Elle touche un groupe de personnes hétérogène dont les activités n'étaient, jusqu'ici, pratiquement pas réglementées. C'est la raison pour laquelle le législateur a prévu des délais transitoires. Les OAR avaient jusqu'au 31 mars 2000

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pour se constituer et déposer une demande de reconnaissance accompagnée d'une proposition de règlement. Douze OAR ont obtenu la reconnaissance et une demande a été rejetée.

Pour ce qui est des intermédiaires, ils avaient deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars 2000, pour s'affilier à un OAR ou se soumettre directement à la surveillance de l'Autorité de contrôle. Les avocats et les notaires devaient s'affilier à leur OAR avant la même date butoir. A ce jour, environ 6000 intermédiaires sont affiliés aux OAR. Pour sa part, l'Autorité de contrôle a reçu environ 550 demandes de subordination directe. Des demandes continuent d'être déposées, tant auprès de l'Autorité de contrôle que des OAR. Ces demandes sont en partie déposées par des intermédiaires déjà actifs qui, en raison de ce dépôt tardif, s'exposent à des mesures pénales.

Il y a infraction à la LBA dans les cas suivants: exercice d'une activité en qualité d'intermédiaire financier sans autorisation (art. 36 LBA), violation de l'obligation de communiquer en cas de soupçon de blanchiment d'argent (art. 37 LBA), insoumission à une décision (art. 38 LBA). A fin octobre 2000, l'Autorité de contrôle avait déposé 28 plaintes. C'est le Département fédéral des finances, concrètement le service juridique du département, qui est chargé de la poursuite et du jugement.

1.2

Mandat et but de l'inspection

Dans la pratique, peu de temps après l'entrée en vigueur de la LBA déjà, des indices ont très rapidement permis de conclure que la mise en oeuvre de la loi ne serait pas aisée. Les problèmes lors de la constitution des OAR, l'opposition d'une grande partie des intermédiaires financiers, les problèmes de ressources de l'Autorité de contrôle sont à l'origine de l'intérêt que la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) porte à l'exécution de la LBA depuis son entrée en vigueur.

La CdG-N avait abordé ce sujet lors des débats sur le rapport de gestion 1998 du Conseil fédéral. La mise en oeuvre de la LBA a ensuite été suivie par la souscommission DFF/DFE de la CdG-N ­ constituée des conseillers nationaux suivants: Brigitta M. Gadient (présidente), Stephanie Baumann, Serge Beck, Walter Bosshard, Maurice Chevrier, Walter Decurtins, Hugo Fasel, Rudolf Imhof, Peter JossenZinsstag, Otto Laubacher et René Vaudroz ­ dans le sens d'une haute surveillance concomitante des services concernés de l'administration fédérale.

Les examens effectués dans ce cadre avaient donc pour but d'accompagner et d'évaluer la mise en oeuvre de la loi par les autorités concernées. Il s'agissait en l'occurrence d'identifier les problèmes du point de vue de la haute surveillance parlementaire et, si nécessaire et dans la mesure des possibilités de la CdG-N, de contribuer au bon fonctionnement de la LBA.

Bien que les problèmes principaux aient été identifiés ­ depuis un certain temps déjà pour quelques-uns uns d'entre eux ­ ni les contacts ni les avis émis jusqu'ici n'ont permis à la sous-commission d'influer sur la situation très insatisfaisante dans ce domaine. Mi-mai 2001, la sous-commission a par conséquent décidé de soumettre à la CdG-N un rapport résumant la situation et comportant un certain nombre de recommandations.

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1.3

Déroulement

En mai 2000, la CdG-N a déjà discuté de la situation lors d'un entretien avec le conseiller fédéral Kaspar Villiger. Lors de cette discussion qui portait sur le rapport de gestion 1999 du Conseil fédéral, elle a, pour la première fois, abordé les problèmes touchant le système d'autorégulation et l'Autorité de contrôle. En raison des problèmes de mise en oeuvre de la LBA qui subsistaient encore après l'échéance du délai du 31 mars 2000, la sous-commission DFF/DFE a repris ce sujet. Ses questions étaient basées sur le rapport d'activités 1998/1999 de l'Autorité de contrôle ainsi que sur un bref rapport de situation qui avait été demandé à l'Autorité de contrôle (état fin avril 2000). En plus des informations demandées par voie écrite, les personnes suivantes ont également été entendues: ­

Peter Siegenthaler (directeur de l'Administration fédérale des finances, AFF) et Raoul Sidler (collaborateur juridique de l'Autorité de contrôle), le 24 novembre 2000

­

deux experts, les représentants de trois OAR ainsi que Niklaus Huber (responsable de l'Autorité de contrôle), le 27 février 2001

­

Barbara Schaerer (sous-directrice, responsable du service juridique du DFF), Niklaus Huber (responsable de l'Autorité de contrôle jusqu'à mi-juin 2001), Peter Siegenthaler (directeur de l'AFF) ainsi que Peter Nobel (président du conseil consultatif), le 10 mai 2001

­

Armand A. Meyer (responsable ad interim de l'Autorité de contrôle), le 26 juin 2001.

De plus, le 14 mai 2001, sur demande de la sous-commission, sa présidente a rencontré le conseiller fédéral Kaspar Villiger afin de l'informer des conclusions de la sous-commission qui estime qu'une intervention urgente s'impose. Lors de l'examen du rapport de gestion 2000 du Conseil fédéral, le conseiller fédéral Villiger a fait à nouveau le point de la situation.

La sous-commission a également trouvé des informations dans le rapport de NOVO Business Consultants SA ainsi que dans le rapport du 21 février 2001 publié par la Mission française d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe.

Pour clarifier un certain nombre de questions juridiques, elle a demandé un avis de droit à l'Office fédéral de la justice (OFJ). Les conclusions de cet avis de droit ont été intégrées au ch. 2.3.

Après avoir donné au chef du DFF la possibilité de se prononcer sur la forme et le fond du rapport, la sous-commission a soumis son rapport à la CdG-N le 29 juin 2001 qui l'a accepté à l'unanimité et qui en a décidé la publication.

Le présent rapport est structuré en fonction des principaux problèmes apparus lors des divers examens auxquels la sous-commission a procédé. La chronologie n'est respectée que lorsque l'évolution dans le temps revêt une importance particulière.

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2

Problèmes identifiés

Pour certains, les problèmes abordés ci-après sont étroitement liés. Leur gravité est souvent encore accentuée en raison de l'influence réciproque qu'ils exercent les uns sur les autres.

2.1

Autorité de contrôle: multitude de tâches et problèmes de ressources

2.1.1

Tâches de l'Autorité de contrôle

Les tâches de l'Autorité de contrôle ­ mentionnées dans l'introduction ­ ne donnent pas une image complète des activités que cet organe déploie quotidiennement et de la charge de travail qui est la sienne. Il faut en effet aussi tenir compte du fait que l'Autorité de contrôle accomplit également d'autres tâches, notamment dans le cadre de l'entraide administrative, et qu'elle doit souvent assumer une grande charge de travail administratif découlant des activités déjà mentionnées. Ainsi, jusqu'au début 2001, ses ressources en personnel ont-elles été fortement mises à contribution par l'élaboration de normes minimales auxquelles les règlements des OAR doivent répondre, par la reconnaissance en tant que telle des OAR ainsi que, tout particulièrement, par le contrôle et l'accompagnement de la mise en application par les OAR de leurs obligations. En effet, durant leur phase de constitution, la plupart des OAR ont dû être accompagnés par l'Autorité de contrôle voire, pour une partie d'entre eux, être avertis de manière répétée afin qu'ils respectent les exigences liées à leur reconnaissance. Quelques OAR ont même recouru contre un certain nombre de ces exigences. Les contacts entre l'Autorité de contrôle et certains OAR se sont avérés difficiles. Des refus de coopérer ont été constatés. De tels refus se sont notamment manifestés par des demandes de renseignements relatives à l'obligation légale de s'affilier alors même que ces questions avaient été déjà clarifiées par l'Autorité de contrôle et que les principes applicables en la matière avaient été rendus publics. Il semblerait même qu'un OAR soit allé jusqu'à accorder des prolongations de délai illicites à ses affiliés et qu'il ait tenté d'exercer des pressions sur la direction de l'office pour éviter que l'Autorité de contrôle ne prononce les sanctions correspondantes. D'autres OAR ne disposaient tout simplement pas du personnel qui leur aurait permis de garantir un accomplissement des tâches conforme aux dispositions légales (situation tendue sur le marché du travail, manque de spécialistes). Par conséquent, à ce jour, très peu de sanctions ont été prononcées à l'encontre d'intermédiaires financiers.

Pour une meilleure compréhension de la situation, il convient ici de souligner le statut particulier des OAR. Pour une grande partie d'entre eux, ils
ont en effet dû se constituer dans un environnement économique hostile: de nombreux intermédiaires ont très mal accueilli la LBA et, pour la plupart d'entre eux, ils n'étaient pas sensibilisés aux problèmes liés au blanchiment d'argent1. Les OAR se trouvent dans la situation de devoir traiter les intermédiaires comme des «clients». De plus, dès leur démarrage, ils ont également dû couvrir leurs coûts de fonctionnement au moyen des cotisations versées par les intermédiaires affiliés. Les OAR sont chargés d'exercer sur ceux-ci une surveillance ancrée dans la loi. Si les intermédiaires ne comprennent 1

Contrairement à la situation des intermédiaires financiers présentée ici, la convention de diligence de l'Association suisse des banquiers est issue de la volonté même des milieux bancaires et, partant, son acceptation n'a pas posé de problèmes.

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pas la raison d'être de cette surveillance, il est alors évident que, à leurs yeux, les services des OAR ne sauraient apporter de plus-value. Ce point de vue ne les pousse évidemment pas à s'affilier à un OAR (ni à se soumettre à la surveillance de l'Autorité de contrôle). Les OAR se retrouvent donc pris entre l'Autorité de contrôle qui exécute ses obligations légales et la volonté des intermédiaires qui veulent maintenir le niveau de réglementation le plus bas possible et qui cherchent à minimiser les tâches administratives. Ce dernier point est particulièrement important pour les PME. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que quelques OAR tiennent compte des intérêts des intermédiaires qui leur sont affiliés, ce qui occasionne un surcroît de travail pour l'Autorité de contrôle qui doit procéder à de nombreuses corrections. Jusqu'ici, le système d'autorégulation se trouvait en phase de démarrage. A l'avenir toutefois, l'Autorité de contrôle devra selon la CdG-N désigner les OAR dénoncés, comme cela est d'ailleurs le cas pour la Commission fédérale des banques (CFB) et les banques soumises à sa surveillance.

Le traitement des demandes de subordination directe doit également être analysé de plus près. Les intermédiaires financiers avaient jusqu'au 31 mars 2000 pour choisir entre l'affiliation à un OAR ou la subordination à la surveillance de l'Autorité de contrôle. De plus, les intermédiaires financiers restants et les intermédiaires financiers qui se constitueront au-delà de cette date peuvent également choisir entre la subordination à la surveillance de l'Autorité de contrôle ou l'affiliation à un OAR. Les intermédiaires qui ne se sont pas décidés avant cette échéance et ceux qui se constitueront comme tels après cette date butoir devront obligatoirement se soumettre à la surveillance de l'Autorité de contrôle. En plus de ceux qui avaient des raisons légitimes pour le faire, un nombre relativement important d'intermédiaires ont, durant cette première phase, déposé une demande de subordination à l'Autorité de contrôle, soit parce qu'ils ne remplissaient pas les conditions pour s'affilier à un OAR, soit parce qu'ils avaient connaissance de la surcharge de travail de l'Autorité de contrôle et qu'ils voulaient ainsi retarder leur assujettissement à la surveillance le plus longtemps possible. L'Autorité
de contrôle a par conséquent dû traiter de nombreux cas délicats et a dû consentir des efforts importants en matière d'examen des demandes. Dans de très nombreux cas, les demandes ne contenaient que des indications rudimentaires et ont obligé l'Autorité de contrôle d'exiger des données complémentaires auprès de chaque intermédiaire concerné. Plus de cent demandes ont été déposées après l'échéance du délai. Il est de plus permis de douter que tous les intermédiaires assujettis à la LBA aient déjà entrepris les démarches en vue de leur subordination.

Selon l'art. 18, al. 2, LBA, l'Autorité de contrôle peut effectuer des contrôles sur place, aussi bien auprès des OAR que directement auprès d'intermédiaires et d'intermédiaires présumés. Un certain nombre de contrôles auprès d'intermédiaires ont abouti à des plaintes parce que l'Autorité de contrôle a dû constater des activités d'intermédiaire financier assujetties à la LBA.

En tant qu'organe de surveillance, l'Autorité de contrôle doit répondre à la question de savoir si une personne ou l'activité d'une personne entre dans le champ d'application de la LBA ou non (question de l'assujettissement). Bien que les problèmes liés à cette question seront abordés plus loin il est déjà possible de souligner ici l'importante consommation de ressources qui en a résulté.

En liaison avec l'application de ces nouvelles dispositions légales, il faut encore relever que l'Autorité de contrôle doit également assumer un certain nombre de tâches importantes dans le domaine de l'information des OAR et des intermédiaires financiers. Pour pouvoir garantir l'application de normes minimales homogènes au 6018

cours du temps et assurer que la LBA jouisse d'une large acceptation, il est indispensable de consentir des efforts importants en matière de coordination et d'information. Outre la communication entre l'Autorité de contrôle et les OAR et celle entre les OAR et les intermédiaires, il est également judicieux de développer la communication entre OAR. L'Autorité de contrôle accorde une importance particulière à cette partie de ses divers domaines d'activité. Depuis le début, l'Autorité de contrôle propose de nombreuses informations utiles sur son site Internet et elle informe régulièrement les OAR et leurs assujettis au moyen de circulaires. Elle a aussi élaboré des règlements types à l'intention des OAR ainsi que des listes de contrôle à l'intention des intermédiaires financiers. Avec l'aide de Niklaus Huber, le responsable de l'Autorité de contrôle, il a été possible de fonder le Forum des OAR qui joue le rôle de plate-forme d'information et qui a déjà plusieurs séances à son actif. Entre autres aspects positifs, ce forum a notamment permis à l'Autorité de contrôle et à l'AFF d'informer les OAR et de discuter des points importants avec leurs représentants. Il a ainsi contribué à améliorer la communication entre les OAR et l'Autorité de contrôle, donc l'AFF. Lorsqu'un domaine d'activité fait pour la première fois l'objet d'une réglementation légale, ce qui est le cas ici, des incertitudes apparaissent en cours d'application. En tant qu'autorité responsable de ce domaine, l'Autorité de contrôle devait clarifier ces incertitudes et se fixer une ligne de conduite claire qui soit comprise par les concernés. Elle a ainsi contribué à garantir la sécurité du droit. Ces problèmes seront encore abordés plus en détail ci-après.

2.1.2

Ressources en personnel de l'Autorité de contrôle

A l'origine, 10 postes de travail avaient été prévus pour permettre à l'Autorité de contrôle de remplir ses nombreuses tâches. Même s'il est difficile de comparer la situation de l'Autorité de contrôle avec celle de la Commission fédérale des banques (CFB) étant donné que, contrairement à ce qui est le cas de l'Autorité de contrôle, la CFB assume une surveillance prudentielle complète, force est de constater une importante différence du point de vue des ressources en personnel2.

Au cours du printemps 2000, l'Autorité de contrôle a travaillé avec 6,5 postes occupés, dont un demi poste pourvu de manière temporaire. Passagèrement, des collaborateurs du service juridique de l'AFF sont venus la renforcer. La recherche de candidats qualifiés pour occuper les postes encore vacants s'est avérée extrêmement difficile à plusieurs égards. En effet, la bonne conjoncture avait asséché le marché du travail. Les banques et les études d'avocats d'affaires avaient également un urgent besoin de spécialistes ­ expérimentés ­ présentant des profils identiques (économistes, juristes versés dans les domaines économiques). Cette situation a influé sur les salaires à un point tel que les salaires moyens qui pouvaient être offerts par l'administration fédérale n'étaient pas concurrentiels. Cette situation est telle qu'un poste de réviseur est encore vacant puisque, à ce jour, aucune personne ayant le profil requis n'a accepté les conditions proposées. Selon les renseignements du conseiller fédéral Kaspar Villiger (27 juin 2001), un collaborateur qualifié a pu être engagé entre-temps. Il entrera en fonction le 1er août 2001.

A aucun moment, l'effectif réglementaire autorisé n'a été atteint. Outre un effectif réglementaire déjà insuffisant, les problèmes de ressources de l'Autorité de contrôle 2

Le secrétariat de la Commission fédérale des banques compte environ 100 collaborateurs.

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ont encore été accentués par les nombreux départs. Au printemps 2001, après une série de départs, l'Autorité de contrôle ne comptait plus que trois personnes, c'est-àdire Niklaus Huber et deux secrétaires. Les raisons de ces départs étaient multiples.

Des lettres d'anciens collaborateurs révèlent toutefois que la très grande charge de travail a joué un rôle important dans un bon nombre de ces décisions de départ. Le manque de reconnaissance pour le travail effectué auprès de l'Autorité de contrôle et les diverses conceptions au sujet de certains aspects de la LBA entre les divers services de l'administration chargés de lutter contre le blanchiment d'argent ont aussi été des facteurs de frustration pour les collaborateurs. Bien que plus secondaire, les meilleures conditions financières proposées par le secteur privé ont également joué un rôle. De plus, ces départs abondamment commentés par la presse ont sans doute encore réduit l'attractivité de l'Autorité de contrôle en tant qu'employeur.

Ces départs ont entraîné divers problèmes: Ils ont tout d'abord créé une perte de savoir-faire, c'est-à-dire une concentration du savoir-faire sur la personne de Niklaus Huber. A son tour, cette concentration a encore plus fortement limité le champ d'action de l'Autorité de contrôle et a ralenti le traitement des cas en souffrance. Les collaborateurs de fraîche date n'étaient pas en mesure de remplir de nombreuses tâches de manière autonome. De plus, Niklaus Huber ne pouvait pas se concentrer entièrement sur l'accomplissement direct de ses tâches étant donné qu'il devait aussi assurer la formation des nouveaux collaborateurs. Le fait que les connaissances soient ainsi concentrées sur le responsable de l'Autorité de contrôle rendait l'exécution de la LBA largement dépendante d'une seule et même personne. La démission de Niklaus Huber mi-juin 2001 a encore accentué ce problème au niveau du savoir-faire. Toutefois, le poste de conseiller spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent à la disposition du directeur de l'AFF actuellement occupé par l'ancien responsable de l'Autorité de contrôle a permis de le désamorcer.

La CdG est d'avis que le déséquilibre entre les tâches à effectuer et les ressources en personnel (effectif existant et effectif théorique) est l'une des raisons principales qui explique le
retard pris dans la mise en oeuvre de la LBA qui, aujourd'hui encore, n'est que partielle. Ainsi, par exemple, à la mi-mai 2000, aucune demande de subordination directe à la surveillance de l'Autorité de contrôle n'avait encore été entièrement traitée.

Lors de la discussion entre la CdG et le conseiller fédéral Kaspar Villiger portant sur le rapport de gestion 1999, Niklaus Huber parlait déjà d'une grande quantité de cas en souffrance et jugeait qu'il fallait 6 à 8 mois de travail pour en venir à bout. Le conseiller fédéral Villiger a assuré la CdG que les questions du renforcement de l'effectif et de la réévaluation du statut hiérarchique, donc de la réorganisation de l'Autorité de contrôle serait examinée. En juillet 2000 ­ après son entrée en fonction en tant que directeur de l'AFF ­ Peter Siegenthaler a chargé une société de conseil d'analyser la situation et, entre autres points, d'évaluer les besoins en personnel.

L'étude achevée fin septembre 2000 proposait notamment d'augmenter l'effectif à 18 postes durant un an pour ensuite le stabiliser à 11,5 postes au moins, cela à la condition que les révisions des intermédiaires financiers soient confiées à des tiers.

Dans le cas contraire, il serait indispensable de créer 3 à 4 postes supplémentaires.

L'étude conseillait également de promouvoir l'Autorité de contrôle au rang de division et d'externaliser («outsourcing») la révision des intermédiaires financiers.

Le 1er janvier 2001, le DFF a promu l'Autorité de contrôle au rang de division et a augmenté l'effectif à 11,5 postes. Ces décisions ouvrent de nouvelles perspectives pour les collaborateurs de l'Autorité de contrôle, tant du point de vue hiérarchique 6020

que salarial. Ce nouveau statut doit être clairement mis en valeur lors des futures recherches de personnel. Mi-mai 2001, lors de la discussion portant sur le rapport de gestion 2000 du Conseil fédéral, la situation toujours précaire tant du point de vue de l'effectif réglementaire que de celui de l'effectif atteint a incité la CdG-N à attirer une fois encore l'attention du conseiller fédéral Kaspar Villiger sur l'urgence d'une solution. Les moyens destinés à la mise en place d'une task force chargée de liquider les demandes d'autorisation en suspens ont été octroyés au 1er janvier 2001.

Les moyens pour sa constitution ont été accordés en même temps que la réévaluation du statut hiérarchique de l'Autorité de contrôle. Le 1er mai 2001, une task force de neuf étudiants a été constituée pour réduire les demandes en souffrance (qui, entretemps, accuse environ 550 demandes en suspens) le plus rapidement possible. Des instructions de travail et des listes de contrôles détaillées leur ont été données. Le contact avec les intermédiaires financiers et les décisions en matière d'autorisations sont cependant demeurés de la compétence exclusive de l'Autorité de contrôle. Au vu des qualifications du personnel engagé par les OAR pour effectuer les mêmes tâches, la commission doute que des étudiants disposent des connaissances nécessaires qui leur permettraient de traiter ces demandes qui sont en partie très complexes.

Vu ainsi, il ne semble pas qu'une liquidation rapide des cas en suspens soit garantie.

Le 27 juin 2001, le conseiller fédéral Kaspar Villiger a indiqué qu'un réviseur ayant pu être engagé entre-temps, la question de l'externalisation de la révision des intermédiaires financiers pouvait être abordée.

Mi-juin 2001, d'un commun accord, Niklaus Huber a quitté ses fonctions de chef de l'Autorité de contrôle. Des divergences sont apparues entre le responsable de l'Autorité de contrôle et le directeur de l'AFF au sujet du rôle du chef de l'Autorité de contrôle et ses priorités en matière de direction. Le fait d'assumer une fonction de plus en plus exposée et médiatisée constituait en outre un handicap pour l'avenir professionnel de Niklaus Huber, ce qui l'a incité à démissionner. Armand Meyer, ancien président du Tribunal de commerce de Zurich, a été nommé pour lui succéder à titre intérimaire. Ce
dernier peut compter sur le soutien d'un conseiller juridique externe ainsi que d'un conseiller spécialisé faisant partie de l'état-major personnel du chef du DFF; la direction de l'Autorité de contrôle paraît donc assurée pour l'instant. Le 26 juin, avant d'achever son rapport, la sous-commission a entendu le nouveau responsable. Armand Meyer a présenté les points forts de son action. Il veut notamment organiser l'Autorité de contrôle en fonction des procédures. Il a décidé que les dossiers importants lui seraient confiés. Le dossier du président du Conseil national Peter Hess fait notamment partie de ces dossiers. Comme le conseiller fédéral Kaspar Villiger l'a déclaré lors de l'heure des questions au Conseil national, les résultats de cet examen seront rendus publics dans leur intégralité. La commission attend de l'Autorité de contrôle qu'elle rende des décisions à la fois fondées et rapides et qu'elle pratique une communication ouverte. La présentation d'Armand Meyer a convaincu la sous-commission qu'il était en mesure de satisfaire aux exigences requises.

Recommandation 1: Le Conseil fédéral est invité à rapidement garantir une meilleure répartition du savoir-faire au sein de l'Autorité de contrôle. Dans ce but, il convient notamment de créer un encadrement de chefs de section et de former les titulaires en conséquence.

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Recommandation 2: Au vu de l'importance qu'il convient d'accorder à une mise en oeuvre rapide et crédible de la LBA, la Commission estime que l'effectif est encore insuffisant.

Elle invite par conséquent le Conseil fédéral à procéder rapidement à une augmentation substantielle du nombre de postes de l'effectif, notamment aussi pour régler les cas de demandes de subordination directe.

Recommandation 3: Le Conseil fédéral est invité à faire en sorte que la tâche de révision de l'Autorité de contrôle soit assurée dans les faits cette année encore.

2.2

Assujettissement à la LBA

En vertu de l'art. 2, al. 3, LBA, le champ d'application de la LBA s'étend aux «personnes qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers [...]» (intermédiaires).

De manière non exhaustive, cet alinéa énumère ensuite sept activités assujetties à la LBA. En vertu de l'art. 13 LBA, ces intermédiaires font l'objet d'une surveillance exercée par l'Autorité de contrôle ou un OAR. En pratique, le champ d'application de la LBA ainsi défini a été interprété différemment par les personnes concernées et par les organes de surveillance. En raison de la nouveauté de ces dispositions, la clarification de ces points controversés doit ressortir de la pratique en la matière des autorités d'application et de recours. L'établissement d'une telle pratique prend du temps. Cependant, du point de vue de la sécurité du droit, il est nécessaire que ces questions trouvent rapidement une réponse. Les divergences d'intérêts sont présentées sommairement dans les deux catégories distinguées ci-après.

2.2.1

Activités contestées dans leur ensemble

Il s'agit ici de personnes morales et physiques qui contestent l'assujettissement de leur activité à la LBA d'une manière générale estimant qu'elle n'entre pas dans la définition de l'art. 2, al. 3, LBA. Les négociants en matières premières ou les grands magasins avec les cartes de clients en sont des exemples connus. Ces questions sont encore ouvertes plus d'un an après l'échéance du délai imparti pour l'affiliation à un OAR ou la subordination à l'Autorité de contrôle alors même que le texte de l'art. 2 ne semble pas sujet à l'interprétation.

Recommandation 4: Le Conseil fédéral est invité à veiller à ce que les questions d'assujettissement soient traitées rapidement avec les ressources nécessaires.

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2.2.2

Assujettissement contesté en raison de la part peu importante représentée par les activités entrant dans le champ d'application de la LBA

Un certain nombre de personnes morales et physiques ont estimé qu'elles n'avaient pas à se soumettre à la surveillance de l'Autorité de contrôle ou à s'affilier à un OAR étant donné que la part de leurs activités entrant dans le champ d'application de la LBA ne représente qu'une fraction de l'ensemble de leurs activités et ne concerne par conséquent qu'un volume peu important dans l'absolu. Cela est par exemple le cas d'avocats qui ne gèrent que quelques petits mandats entrant dans le champ d'application de la LBA. A cet égard, il est également question de l'interprétation de la notion «à titre professionnel» telle qu'elle est utilisée à l'art. 2, al. 3, (préambule), LBA. A ce sujet, l'Autorité de contrôle a élaboré un catalogue de critères pouvant être appliqués dans divers secteurs3.

Sur demande de la Société suisse des hôteliers, l'AFF a, le 5 janvier 2001, précisé cette notion pour le domaine hôtelier. Est ainsi réputé change à titre non professionnel ou gracieux le change de monnaies au cours du jour de la banque cantonale locale avec prélèvement d'une commission forfaitaire de 3 % au maximum plafonnée à 15 francs. En revanche, s'il est question d'une commission minimale de 5 francs par transaction, il n'est plus considéré qu'il s'agit de change à titre non professionnel. Il est en outre présumé que lorsque le change ou l'encaissement d'un chèque atteint 5000 francs par transaction, cela représente au moins un avantage indirect pour l'hôtelier et que, partant, le change ou l'encaissement du chèque est effectué à titre professionnel. Cette précision a été communiquée par écrit à la Société suisse des hôteliers. Les OAR en ont eu connaissance par les médias, ce qui les a contrariés. Les intermédiaires se trouvant dans une situation comparable à celle des hôteliers (notamment les stations-service qui offrent la possibilité de changer de l'argent) estiment avoir été victimes d'une inégalité de traitement. Cette précision apparaît comme un assouplissement de l'attitude jusque-là inflexible de l'Autorité de contrôle. Du point de vue de la simplification de l'application de la LBA, cette précision est la bienvenue. En revanche, s'agissant de l'égalité de traitement, du principe de la bonne foi et de l'indispensable transparence, elle suscite un certain nombre de réserves.

L'amélioration de la
pratique en matière d'exécution de la LBA passe par le recours aux instruments juridiques prévus à cet effet comme les ordonnances d'exécution, les décisions de constatation, les directives, etc.

Recommandation 5: Le Conseil fédéral est invité à garantir une exécution de la loi respectant le principe de la bonne foi ainsi que l'égalité de traitement pour tous les intermédiaires financiers et tous les OAR. Les précisions et les modifications éventuelles de la pratique en matière d'exécution de la LBA doivent être transparentes et rendues publiques.

3

Voir http://www.admin.ch/efv/gwg/f/zufragen.htm.

6023

2.2.3

Instance de décision compétente

La première instance de décision est l'autorité d'exécution, l'Autorité de contrôle en l'occurrence. Elle a le devoir d'exécuter la LBA et dispose certainement de l'expérience pratique la plus vaste et des connaissances les plus approfondies en la matière. Dans certains cas, l'examen de l'obligation de l'affiliation peut nécessiter des efforts importants et exige justement de vastes connaissances basées sur l'expérience pratique. Celles-ci jouent un rôle très important lorsqu'il s'agit de faire respecter des décisions d'affiliation par de grandes entreprises qui ne sont pas disposées à le faire. L'un des problèmes centraux de l'exécution de la LBA réside dans l'absence de valeurs seuils. En vertu de la loi, l'Autorité de contrôle est obligée de faire respecter les obligations d'affiliation et de diligence par tous les intermédiaires financiers visés par l'art. 2, al. 3, LBA, quel que soit le volume de leurs activités soumises à autorisation. En raison de cet état de fait, une partie des ressources de l'Autorité de contrôle sont accaparées par de nombreux cas de peu d'importance.

Etant donné que ces intermédiaires doivent consentir à des efforts relativement importants pour respecter la LBA (pour une partie peu importante de leurs activités qui entre dans le champ d'application de la LBA), ils ne sont souvent pas d'accord de s'affilier à un OAR ou de se soumettre à la surveillance de l'Autorité de contrôle.

2.2.4

Valeurs seuils

En raison de l'absence de valeurs seuils, l'Autorité de contrôle ne peut pas fixer les priorités qui seraient pourtant indispensables vu ses ressources limitées. Une surveillance non différenciée de tous les intermédiaires nécessite des ressources très importantes et provoque l'incompréhension des intermédiaires qui ne sont que marginalement concernés. De pareilles circonstances sont également de nature à renforcer encore l'impopularité de la LBA. Il faut également se poser la question de savoir si une telle approche tient suffisamment compte des manifestations modernes du blanchiment d'argent. L'AFF a reconnu ce problème et elle a chargé le professeur Peter Nobel d'examiner la question de savoir si l'introduction de valeurs seuils impliquait une révision de la LBA. Depuis peu, l'AFF se penche sur une possibilité de réglementer les cas de peu d'importance d'une façon qui soit compatible avec les recommandations du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). La commission est d'avis que cette idée va dans la bonne direction.

Recommandation 6: Le Conseil fédéral est invité à accélérer la mise en place d'une réglementation des cas de peu d'importance pour que l'Autorité de contrôle puisse concentrer ses ressources de façon à optimiser l'exécution de la LBA en fonction des intermédiaires potentiellement concernés par le blanchiment d'argent.

6024

2.3

Pratique du service juridique/voie de droit/ sanctions en cas d'infraction à la LBA

De mai à octobre 2000, l'Autorité de contrôle a déféré 28 intermédiaires au service juridique du DFF (service juridique). Contrairement à ce qui est le cas des OAR qui peuvent prononcer directement des sanctions à l'encontre des intermédiaires qui leur sont affiliés, l'Autorité de contrôle ne peut intenter des procédures contre les intermédiaires en infraction que par voie de plainte.

En novembre 2000, le directeur de l'AFF a ordonné un moratoire pour les plaintes de presque un mois en raison des premières décisions de l'instance de recours (nonentrée en matière sur les plaintes). Ce moratoire devait servir à clarifier la situation juridique en la matière. Ensuite, jusqu'aux auditions qui ont eu lieu début mai 2001, aucun autre cas n'a été déféré. A une exception près (art. 38 LBA, insoumission à une décision), toutes les plaintes portaient sur une infraction à l'art. 36 LBA (exercice d'une activité sans autorisation). Dans 9 cas le service juridique n'est pas entré en matière, dans 11 cas la procédure de droit pénal administratif a été suspendue, 5 cas étaient encore en suspens au 10 mai 2001 et 3 cas ont abouti à une condamnation à une amende, respectivement de 100, de 500 et de 1000 francs.

Les plaintes devraient être un moyen efficace pour garantir l'exécution de la LBA et punir les infractions. L'effet dissuasif de la LBA demeure cependant très faible au vu de la jurisprudence actuelle qui ne fait état que de très peu de condamnations et d'amendes très clémentes. Pour comprendre la pratique en la matière, la souscommission DFF/DFE de la CdG-N a requis la production des décisions du service juridique rendues anonymes (contrôle de la tendance). Elle a également entendu la responsable de ce service ainsi que le responsable de l'autorité chargée des dénonciations, c'est-à-dire l'Autorité de contrôle.

2.3.1

Décisions de non-entrée en matière

En ce qui concerne les décisions de non-entrée en matière, il s'agit d'une part de cas d'intermédiaires qui ont contacté l'Autorité de contrôle avant l'échéance du délai, c'est-à-dire avant le 31 mars 2000 et, d'autre part, de cas d'intermédiaires qui ont déposé une demande de subordination au contrôle de l'Autorité de contrôle après le 31 mars 2000 mais avant le 31 mai 2000. Pour la première catégorie d'intermédiaires, le service juridique a estimé qu'une demande d'autorisation était en cours et, par conséquent, que les intermédiaires concernés n'avaient pas contrevenus aux prescriptions en matière de délai. D'une manière générale, la CdG-N est d'accord avec le service juridique, tant il est vrai que, en toute bonne foi, il n'est pas possible de rendre les intermédiaires responsables du fait que la procédure d'autorisation n'était pas encore achevée. Pour la seconde catégorie d'intermédiaires, le service juridique estime que la disposition transitoire de la LBA qui fixe le délai du 31 mars 20004 demande à être interprétée. Le libellé de cette disposition est le suivant: «Deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, les intermédiaires financiers visés à l'art. 2, al. 3, seront, s'ils ne sont pas affiliés à un organisme d'autorégulation reconnu, soumis à la surveillance directe de l'autorité de contrôle, auprès de laquelle ils devront déposer une demande d'autorisation (art. 14).» 4

Voir art. 42, al. 3, LBA.

6025

Selon cet énoncé, il est envisageable que la surveillance directe de l'Autorité de contrôle commence le 1er avril 2000, mais que la demande puisse encore être déposée après le 31 mars 2000. Le service juridique a résolu ce problème par analogie avec l'art. 28, al. 2, LBA, octroyant ainsi 2 mois de plus aux intermédiaires pour déposer leur demande d'autorisation.

A cette argumentation, qui a pour effet de prolonger un délai légal, il convient d'opposer le fait qu'un deuxième délai n'a pas de sens dans la logique de l'art. 42, al. 3, LBA. En outre, dans les informations publiées par les autorités5, et plus particulièrement par l'Autorité de contrôle6, il a toujours été question d'un seul délai pour le dépôt d'une demande d'autorisation, soit deux ans. Par ailleurs, la presse n'a pas non plus publié d'informations divergentes. Ces constatations vont à l'encontre du point de vue du service juridique qui y voit une possible incertitude du droit.

C'est la raison pour laquelle cette interprétation du service juridique est contestable.

Une telle latitude d'interprétation est dommageable à l'image que l'autorité doit donner en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Cependant, le fait que l'échéance de ce délai remonte à un certain temps déjà lui enlève dorénavant toute portée pratique.

2.3.2

Suspension de la procédure

En ce qui concerne les procédures suspendues, le service juridique n'est pour l'instant pas entré en matière étant donné qu'à son avis, l'Autorité de contrôle n'a pas réglé la question de l'assujettissement. Il est d'avis que la procédure pénale administrative, avec le service juridique en tant qu'autorité de poursuite et de jugement, ne se prête pas à la clarification des questions en la matière. Dans de tels cas, le service juridique estime qu'il incombe à l'Autorité de contrôle de clarifier cette question et de communiquer ses conclusions à l'intermédiaire concerné sous forme d'une décision sujette à recours. Si l'intermédiaire conteste son assujettissement, la nature du recours ressortit au droit administratif7.

A ce sujet, il convient de souligner qu'un renvoi à l'Autorité de contrôle de la question de l'assujettissement n'entre en ligne de compte que dans les cas de doute manifestes. Le fait de devoir, pour chaque plainte, communiquer au préalable à l'intermédiaire qu'il est subordonné à la surveillance de l'Autorité de contrôle par décision formelle entraînerait un surcroît de travail et provoquerait d'inutiles ralentissements de la procédure. Selon l'avis de droit de l'OFJ, la stricte séparation légale des procédures de recours du droit administratif et du droit pénal administratif réduit considérablement la marge de manoeuvre en matière de rationalisation de la procédure. En particulier, la question de l'obligation de la subordination directe des intermédiaires financiers au contrôle ne peut traiter les questions préjudicielles dans le cadre de la procédure pénale administrative. Si l'intermédiaire financier conteste son assujettissement, l'Autorité de contrôle doit prononcer une décision de constatation.

Elle peut cependant déposer une plainte auprès du service juridique avant que la procédure ait abouti à la décision de constatation. En revanche, la décision de con5 6 7

Voir communiqué de presse du DFF daté du 19 avril 2000.

Voir lettre d'information no 7 de l'Autorité de contrôle datée du 8 octobre 1999.

C'est la loi fédérale sur la procédure administrative (LPA; RS 172.021) qui est applicable, contrairement à la procédure pénale administrative qui est régie par la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0).

6026

statation doit en tous les cas être prononcée au plus tard en même temps que le jugement pénal. Vu sous cet angle, les suspensions de la procédure par le service juridique paraissent douteuses. Le droit en vigueur ne connaît pas de possibilité de rationaliser la procédure autre que le dépôt d'une plainte avant la décision de constatation. Il faudrait toutefois examiner d'autres possibilités de rationaliser la procédure lors de futures révisions de la législation. En particulier, comme l'OJ l'a proposé, il serait judicieux d'examiner la question de savoir si, en matière de procédure pénale administrative, la poursuite et le jugement d'infractions à la LBA ne devraient pas être confiés à l'Autorité de contrôle.

En ce qui concerne les questions d'assujettissement abordées au ch. 2.2.2, c'est-àdire lorsque l'assujettissement d'une activité en tant que telle n'est pas remise en question et que c'est son importance très faible pour l'intermédiaire ou la question de son exercice à titre professionnel ou non qui est en cause, le service juridique a suspendu la procédure en raison de ce qu'il estime être une insuffisance de preuves produites par l'Autorité de contrôle. Dans ce contexte, il convient de se poser la question de la responsabilité en matière d'établissement des preuves. Alors que le service juridique considère que cette responsabilité incombe exclusivement à l'Autorité de contrôle, celle-ci, en se fondant sur l'art. 39, al. 1, seconde phrase, LBA, estime que, en tant qu'autorité de poursuite et de jugement, le service juridique doit compléter la constatation des faits lorsqu'elle estime que l'état des moyens de preuve est insuffisant. En d'autres termes, les deux services se renvoient la responsabilité de l'administration des preuves.

A ce sujet, l'OFJ explique que, en raison de l'art. 18, al. 1, let. b et f, LBA, en corrélation avec l'art. 12 de la loi fédérale sur la procédure administrative, l'Autorité de contrôle est compétente pour l'administration des preuves en matière d'assujettissement à la LBA. En revanche, si une procédure de droit pénal administratif est ouverte avant l'aboutissement de la procédure administrative, le service juridique doit, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires à la procédure pénale selon les art. 37 ss DPA, notamment en matière de conservation des preuves.
Du point de vue de la loi sur la procédure administrative (art. 10 LPA), en raison de la prévention, une participation du service juridique à la décision de constatation ou son implication en tant qu'instance de plainte administrative paraît délicate si elle est amenée à prononcer son jugement pénal directement à la suite d'une décision de constatation.

2.3.3

Condamnations

L'amende est la sanction qui a été prononcée à trois reprises. Dans le premier cas, il s'agissait d'un relais autoroutier qui faisait le change (1000 francs d'amende). Le deuxième cas concernait le dépôt tardif d'un intermédiaire financier (500 francs d'amende). Le troisième cas concernait une société de financement qui a été condamnée à l'amende pour défaut d'autorisation. Comme ce dernier cas était de peu d'importance, l'amende prononcée n'a été que de 100 francs. Au vu de la limite maximale de 200 000 francs et d'un niveau de cotisation d'affiliation aux OAR qui oscille entre environ 2000 et 3000 francs par an, des amendes de si peu d'importance ne vont certainement pas déployer l'effet préventif recherché. Les prochains cas ne pourront plus se prévaloir du léger dépassement du délai imparti pour la demande d'autorisation, si bien que l'on peut s'attendre à des amendes nettement plus élevées.

6027

2.3.4

Conclusions

La situation actuelle est très insatisfaisante du point de vue de l'exécution de la LBA. L'Autorité de contrôle tente de renforcer la crédibilité de l'exécution de la loi avec ses maigres ressources, en prenant notamment les mesures qui lui incombent également en matière de plainte. Cette situation de blocage issue d'interprétations différentes n'est satisfaisante ni pour l'Autorité de contrôle ni pour le service juridique et, à la connaissance de la CdG, n'a pas été réglée par la hiérarchie. De plus, la crédibilité de l'exécution de la LBA souffre fortement d'une telle pratique de la part des autorités et elle affecte non seulement le comportement de certains intermédiaires et OAR, mais nuit également à la perception que les milieux internationaux ont de l'attitude de la Suisse en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Pour cette raison, la commission estime qu'il est urgent de clarifier les questions en matière d'assujettissement et de régler définitivement la question de la délimitation des responsabilités entre l'Autorité de contrôle et le service juridique. En fonction de ces éclaircissements il se peut qu'il s'avère nécessaire de renforcer l'effectif du service concerné. Le rapport de la société NOVO Business Consultants révèle que, du point de vue des ressources en personnel, le service juridique n'est pas en mesure de venir à bout des plaintes. Il conviendra également d'examiner les possibilités de rationalisation de la procédure.

Recommandation 7: Le Conseil fédéral est invité à répondre définitivement à la question relative à la compétence décisionnelle en matière d'assujettissement des intermédiaires financiers dont l'exercice de l'activité à titre professionnel est contesté et à la répartition des compétences en matière d'établissement des faits et d'administration des preuves. Il veillera à tenir compte des effets de la réponse à cette question sur l'effectif des services concernés et à mettre en oeuvre les diverses possibilités de rationalisation des procédures administrative et pénale administrative.

La CdG-N a encore constaté une autre anomalie: l'Autorité de contrôle ne dispose d'aucune possibilité de recours. Lorsque l'autorité déférente n'est pas d'accord avec une décision du service juridique, elle n'a plus de voie de droit qui lui permettrait de recourir contre
cette décision. Les intermédiaires disposent en revanche d'un droit de recours. Toutefois, au vu de la jurisprudence, les intermédiaires dénoncés jusqu'ici n'avaient pas intérêt à recourir (même pas les trois intermédiaires condamnés à une amende). Il conviendrait d'examiner l'inscription dans la loi d'une voie de recours en faveur de l'Autorité de contrôle.

Recommandation 8: Le Conseil fédéral est invité à examiner l'opportunité d'une révision de la LBA pour instituer une voie de recours en faveur de l'Autorité de contrôle afin de lui permettre d'attaquer les décisions du service juridique du DFF qui lui paraissent insatisfaisantes.

Des animosités personnelles entre les collaborateurs des services concernés sont encore venues se superposer aux problèmes décrits ci-dessus. La jurisprudence du ser-

6028

vice juridique a été un important facteur de frustration pour les collaborateurs de l'Autorité de contrôle.

2.4

Conseil consultatif

Le conseil consultatif permanent a été institué par le DFF au début 2001. Cette commission d'experts est constituée du professeur Peter Nobel (président du conseil consultatif, Zurich), du professeur Paolo Bernasconi, (avocat, vice-président, Lugano), de Jean-Marc Futterknecht (docteur en droit, Zurich), de Peter R. Isler, (docteur en droit et avocat, Zurich), de Paul Perraudin (avocat et juge d'instruction, Genève), du professeur Mark Pieth (professeur de droit pénal à l'Université de Bâle) et de René Schwarzenbach (docteur en droit et avocat, Zurich). Il s'agit d'un organe de conseil indépendant institué par le DFF. Il est par conséquent subordonné au département et non à l'AFF. Selon son acte d'institution, il est notamment chargé de conseiller l'AFF dans l'application de la LBA ainsi que pour l'établissement et la mise à jour de la stratégie de l'Autorité de contrôle.

Au cours des auditions, la composition du conseil consultatif a été commentée de manière critique par certains experts et représentants des OAR. Le manque de proximité par rapport à la pratique et l'absence de représentants des OAR au sein de ce conseil ont été critiqués. De plus, il a été relevé que, en grande partie, les intermédiaires affiliés connaissaient mal l'action des membres de ce conseil du point de vue du blanchiment d'argent, si bien qu'ils ne contribuent guère à améliorer l'acceptation de la LBA. Le risque de collision d'intérêts, c'est-à-dire de voir les groupes de pression abuser de la position du conseil consultatif qui dispose d'un accès direct à l'AFF, a également été relevé. Etant donné que le conseil consultatif a été créé récemment, la CdG-N manque de recul pour juger du bien-fondé de ces réserves. Avant début juin, le conseil consultatif n'a siégé qu'à deux reprises. Lors de sa première séance il s'est forgé une opinion de l'état de la situation et des problèmes en suspens et a fixé des priorités en vue de les résoudre. Lors de sa deuxième séance, le conseil consultatif est, entre autres, parvenu à la conclusion qu'il était nécessaire de renforcer l'effectif de l'Autorité de contrôle. Cette redite de la nécessité d'un tel renforcement est peut-être de nature à souligner l'urgence du problème, mais elle n'est toutefois rien d'autre qu'une reprise des exigences formulées dans le rapport établi par la société
NOVO Business Consultants et des constatations faites à plusieurs reprises par la sous-commission DFF/DFE de la CdG-N.

Au vu des conclusions du conseil consultatif, la CdG-N a été étonnée de devoir constater que, selon toute vraisemblance, la liste des priorités de celui-ci n'a pas été basée sur les connaissances pratiques accumulées par l'Autorité de contrôle. Cette liste fait en revanche état d'aspects fortement axés sur le niveau opérationnel. Le conseil consultatif a ainsi très rapidement provoqué des conflits de compétence. Par leurs déclarations à la presse, certains membres du conseil, son président en particulier, ont largement outrepassé leur rôle en tant que membre d'un organe consultatif, ce que la commission estime intolérable. Elle estime en outre que, dans la situation actuelle, quatre séances par an sont tout à fait insuffisantes pour permettre au conseil consultatif d'accomplir les tâches qui lui incombent. Il n'est donc pas étonnant que les importantes questions de principe n'aient pas encore été abordées à ce jour. En raison de ces expériences négatives, la commission remet l'utilité de ce conseil en doute.

6029

Recommandation 9: En raison des expériences négatives faites à ce jour, le Conseil fédéral est invité à examiner l'utilité et la nécessité du conseil consultatif et, le cas échéant, à prendre la décision de supprimer cette institution.

2.5

Indépendance de l'Autorité de contrôle

En vertu de l'art. 17 LBA, l'Autorité de contrôle est rattachée à l'AFF. En tant qu'unité administrative régulière de l'AFF, elle est subordonnée au directeur de l'AFF, non seulement du point de vue administratif, mais également du point de vue matériel. De plus, en tant que partie intégrante de l'AFF, l'Autorité de contrôle est aussi subordonnée au DFF. Le manque d'indépendance de l'Autorité de contrôle a été mis en cause à diverses reprises. Particulièrement pour ce qui concerne les décisions en matière d'assujettissement, mais aussi pour ce qui concerne certaines conditions de l'Autorité de contrôle envers les OAR, la sous-commission a eu vent de rumeurs selon lesquelles des intermédiaires concernés, des associations de branche et quelques OAR se seraient adressés aux supérieurs de l'Autorité de contrôle afin de peser sur ses décisions. Jusqu'ici, en raison de sa pratique, l'Autorité de contrôle a été parfois mal vue. Cela étant, de l'avis des experts et des représentants des OAR entendus, la ligne suivie par l'Autorité de contrôle est certes dure, mais elle a le mérite d'être claire et a, jusqu'ici, contribué à la sécurité du droit. La lettre de l'AFF à la Société suisse des hôteliers précisant les exploitations hôtelières qui ne sont pas assujetties à la LBA, a été envoyée après que la branche s'était défendue contre son assujettissement. Bien que la clarification de la question de l'assujettissement constitue justement une priorité importante de l'Autorité de contrôle et de l'AFF, la lettre a été en partie comprise comme un assouplissement de l'attitude jusque-là inflexible de l'Autorité de contrôle. Le problème qui se pose ici est un problème de perception, de communication et d'attitude cohérente des services administratifs concernés envers le public.

Si le degré d'indépendance de l'Autorité de contrôle est insuffisant pour permettre à celle-ci d'imposer sa pratique, alors l'attitude des services qui lui sont hiérarchiquement supérieurs joue un rôle primordial dans le soutien qu'ils peuvent lui apporter pour l'exécution de la LBA. Les auditions de personnes n'appartenant pas à l'administration fédérale ­ effectuées par la société NOVO Business Consultants8 ­ ainsi que celles de représentants de l'Autorité de contrôle révèlent que cette dernière n'a pas été suffisamment soutenue par les
services auxquels elle est subordonnée.

Entre-temps, les services concernés ont reconnu ce problème. Dorénavant, le directeur de l'AFF est consulté lors de chaque décision importante. Depuis peu, le chef du département est également impliqué de manière plus importante pour ce qui est des questions concernant l'exécution de la LBA. Ainsi, le 14 mai 2001, il a rencontré des représentants d'OAR. La nouvelle subordination du responsable ad interim de l'Autorité de contrôle, qui dépend directement du chef du département, est de nature a renforcer, au moins temporairement, sa position hiérarchique.

Comme pour la question des effectifs de l'Autorité de contrôle, la question du degré d'indépendance de l'Autorité de contrôle est souvent considérée en établissant des 8

Page 21 du rapport.

6030

parallèles avec la CFB. Comme l'Autorité de contrôle, la CFB assume une fonction de surveillance d'intermédiaires financiers. Ses compétences s'étendent à la surveillance des banques et d'autres domaines du secteur financier. Elle doit en particulier veiller au respect des prescriptions en matière de lutte contre le blanchiment d'argent qui s'appliquent aux banques. Il apparaît donc que les deux organes sont exposés de manière semblable. Il est par conséquent normal de comparer la position de ces deux organes.

La CFB est une commission désignée par le Conseil fédéral. Elle dispose d'un secrétariat permanent. Sa direction est nommée par le Conseil fédéral après avoir entendu la Commission des banques. Le reste du personnel du secrétariat est engagé par la Commission des banques ou par le secrétariat.9 Il s'agit d'une autorité administrative de droit fédéral rattachée administrativement au DFF mais ne faisant pas partie de l'administration centrale. Le Conseil fédéral ne peut pas donner d'instructions à la CFB. Il ne fait aucun doute que la position hiérarchique de la CFB lui laisse une indépendance beaucoup plus grande que celle de l'Autorité de contrôle et qu'elle est en mesure de donner l'image d'une autorité de surveillance bien plus homogène.

Du point de vue du directeur de l'AFF, le rattachement de l'Autorité de contrôle à l'AFF n'est pas indispensable. La CdG-N est d'accord avec lui et considère que la question de la révision de son statut devrait être réexaminée dans le cadre de la réorganisation de la réglementation et de la surveillance des marchés financiers en Suisse.10 Jusque-là, la crédibilité de l'Autorité de contrôle et de sa ligne de conduite en matière d'exécution de la LBA doivent être renforcées par une pratique claire, une meilleure coordination et un appui réciproque des efforts de l'Autorité de contrôle, de l'AFF et du conseil consultatif. De plus, l'Autorité de contrôle et sa pratique en matière d'exécution de la LBA doivent également être soutenues à l'échelon politique. Sur ce point, le chef du département est également concerné.

Recommandation 10: Le Conseil fédéral est invité à veiller à ce que les services de l'administration fédérale concernés donnent une image homogène en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Il convient également d'accorder plus d'attention à l'aspect de l'exécution de la LBA à l'échelon du département.

2.6

Information et communication

2.6.1

Autorités et OAR

De part et d'autre, la communication entre l'Autorité de contrôle et les OAR a été qualifiée de difficile. Alors que l'Autorité de contrôle émet une opinion critique au sujet de la communication en raison de l'attitude d'obstruction de certains OAR, ceux-ci se sont plaints de l'attitude souvent rigide, bien que correcte, de l'Autorité 9 10

Art. 51, al. 1 et 2, Ordonnance sur les banques et les caisses d'épargne (O sur les banques, OB; RS 952.02).

A ce sujet, voir le rapport rédigé en automne 2000 par un groupe d'experts présidé par le professeur Jean-Baptiste Zufferey. Le Conseil fédéral a décidé de se prononcer sur les recommandations qu'il comporte d'ici à l'été 2001.

6031

de contrôle. En particulier, les OAR disposés à coopérer à la mise en oeuvre de la LBA et qui ont scrupuleusement respecté les dispositions légales et les instructions de l'Autorité de contrôle ont eu l'impression d'être traités de manière injuste par rapport aux autres.

Outre le cas déjà mentionné des conditions particulières en matière d'assujettissement concédées à la branche hôtelière, il est également possible de citer les problèmes apparus cette année concernant la perception d'émoluments pour la tenue du registre. Ces exemples soulignent la nécessité d'améliorer la communication. Bien que le principe de la perception d'émoluments figure dans la LBA, les OAR ont, selon leurs dires, été surpris d'apprendre en début d'année que l'Autorité de contrôle prélèverait de tels émoluments. Le fait que les OAR n'aient pas été consultés lors de la création du conseil consultatif ou lors de la fixation de l'agenda concernant l'élaboration du plan directeur pour les OAR sont encore d'autres exemples qui illustrent le fait que les OAR n'ont pas été suffisamment consultés. C'est pour cette raison que l'attitude du directeur de l'AFF a été critiquée et taxée, par certains, d'autoritaire.

Bien que les autorités assument une fonction de surveillance relevant de la souveraineté de l'Etat et, partant, doivent demeurer indépendantes des OAR et des intermédiaires qu'elles surveillent, il serait judicieux de prévoir une certaine participation des OAR ­ qui assument également des fonctions de surveillance en partie semblables à celles des autorités ­ et, lorsque cela s'avère judicieux, des intermédiaires.

Une telle attitude serait en effet de nature à améliorer l'acceptation et l'exécution de la LBA. La discussion du chef du département avec les OAR portant sur le plan directeur et des ateliers de travail correspondants planifiés pour cette année constitue un pas dans la bonne direction. L'AFF et l'Autorité de contrôle devront à l'avenir tenir compte de cet aspect de la communication de manière accrue afin de mieux intégrer les OAR (au moins ceux qui font preuve de bonne volonté) dans la stratégie de lutte contre le blanchiment d'argent.

En tant qu'organisation faîtière des OAR, l'association communément appelée Forum des OAR fondée entre-temps est appelée à jouer un rôle important dans ce domaine.

2.6.2

Autorités et intermédiaires

La prise de conscience par chaque intermédiaire qu'il est assujetti à la LBA et l'acceptation de cette subordination sont très importantes pour l'exécution des normes de la LBA dans un secteur économique ne connaissant jusqu'ici aucune réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Avec les milieux spécialisés, la CdG-N s'accorde à penser que, aujourd'hui encore, il est fort probable que tous les intermédiaires assujettis à la LBA n'ont pas encore déposé de demande d'autorisation auprès de l'Autorité de contrôle. Pour cette raison, il est nécessaire de procéder à une information généralisée. L'Autorité de contrôle, mais surtout les OAR ont certainement un rôle à jouer dans ce domaine. Dans un certain sens, les comptes-rendus de la presse au sujet des problèmes dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent ont sans aucun doute contribué à informer une bonne partie des personnes concernées par la LBA. Cette tâche d'information doit maintenant être poursuivie de manière ciblée pour atteindre les catégories en demeure. Les problèmes liés aux questions d'affiliation déjà mentionnés plus haut ainsi 6032

que l'image en partie hétérogène des autorités ­ à l'origine du sentiment d'insécurité du droit de certains intermédiaires ­ ont également eu une influence négative.

L'absence de sanctions lors d'infractions à la LBA, en particulier en ce qui concerne les demandes d'affiliation, entre aussi dans la catégorie des points négatifs. En raison de la quasi-absence de contrôles et de sanctions en cas d'exercice sans autorisation, les intermédiaires hostiles n'ont guère été motivés à s'affilier à un OAR ou à se soumettre à la surveillance de l'Autorité de contrôle. Dans ce cas, il faut rapidement attirer l'attention des intéressés sur les sanctions qu'ils encourent et souligner que les amendes seront nettement plus importantes du fait que le délai est échu depuis plus d'un an. L'importance des sanctions prononcées à l'avenir doit paraître crédible.

2.6.3

Autorités et milieux nationaux et internationaux

Au-delà des questions abordées jusqu'ici, la LBA et son exécution ont encore une signification plus grande dans le sens où c'est à elle que la volonté et la capacité de la Suisse à lutter efficacement contre le blanchiment d'argent se mesurent. Cette constatation vaut d'une part pour la population suisse et, d'autre part, pour les pays de l'Union européenne, pour les Etats-Unis et pour les institutions internationales engagées dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Avec la LBA, la Suisse s'est dotée de la réglementation la plus moderne en comparaison internationale. En couvrant largement le secteur non bancaire, la Suisse joue indéniablement un rôle de pionnier au plan international. Les autres pays sont très nombreux à ne pas avoir atteint le standard de la Suisse dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur non bancaire. Cela étant, il n'en demeure pas moins que la valeur de la LBA se mesure à l'efficacité de son exécution. La Suisse ne peut par conséquent pas se permettre de contre-performances dans ce domaine. Toutefois, dans un tel contexte, il est important que les objectifs déjà atteints en matière d'exécution soient également reconnus publiquement et de manière adéquate. Ainsi, la création en trois ans de 12 OAR qui surveillent plus de 6000 intermédiaires est, à n'en pas douter, une performance appréciable. Si la coopération d'un certain nombre d'OAR laisse quelque peu à désirer, cela ne signifie pas que le système d'autorégulation en tant que tel ne fonctionne pas. L'information et les communications qui émanent des autorités doivent clairement faire la différence entre les OAR coopératives, qui fonctionnent bien et les OAR hostiles et qui ne donnent pas satisfaction. Il faut éviter de jeter le discrédit sur l'ensemble du système à cause de quelques «moutons noirs». Comme cela a déjà été dit, pour des raisons de transparence de l'exécution de la LBA, la consolidation du système d'autorégulation n'ira pas sans désigner les fauteurs de troubles.

Recommandation 11: Le Conseil fédéral est invité à assurer que dans le cadre de l'exécution de la LBA, le DFF, l'AFF et l'Autorité de contrôle informent de manière à ce que les acquis positifs soient mieux mis en valeur. Les renseignements données doivent être intégrés dans un concept d'information.

6033

2.6.4

Communication entre les différentes autorités

La communication et l'information entre l'Autorité de contrôle, le service juridique, l'AFF et le conseil consultatif sont encore sujettes à amélioration. Etant donné, notamment, que les différends entre l'Autorité de contrôle et le conseil consultatif ont, depuis le début 2001, régulièrement fait l'objet de comptes-rendus de la part de la presse, les concernés devraient faire preuve de retenue et chercher à établir un dialogue interne et objectif. Il en va aussi bien de l'intérêt de la chose que de celui du public. Le changement à la tête de l'Autorité de contrôle et la participation nouvellement décidée de son responsable au conseil consultatif constituent de bonnes conditions de départ.

Des problèmes de communication semblent également peser sur les relations entre le service juridique et l'Autorité de contrôle. Le fait que le service juridique ne soit pas entré en matière sur une part importante des cas déférés par l'Autorité de contrôle et que les deux parties s'en soient mutuellement rejeté les responsabilités a conduit à une situation de blocage que les parties concernées et leur hiérarchie auraient dû identifier. La CdG-N n'a pas connaissance que des mesures visant à débloquer la situation et à améliorer la communication entre l'Autorité de contrôle et le service juridique aient été prises. La communication et l'information technique entre ces deux services doivent être assurées, le cas échéant par le chef du département, et doivent tendre vers la résolution des problèmes actuels.

3

Appréciation globale des mesures de l'AFF et du DFF

En tant qu'organe chargé de la haute surveillance de l'administration fédérale, la CdG n'examine que le rôle joué par les unités administratives concernées. En complément aux explications qui précèdent, la CdG-N aborde encore brièvement ici la manière dont la hiérarchie de l'Autorité de contrôle et du service juridique ont abordé cette problématique. La direction de l'AFF, qui a changé avec effet au 1er juillet 2000, a pris diverses mesures pour remédier aux problèmes rencontrés. Début 2000, après que l'Autorité de contrôle elle-même, mais aussi la CdG avaient abordé la question de son trop faible effectif, la société NOVO Business Consultants a été chargée de procéder à une analyse de la situation. Cette société a livré son rapport final à l'AFF fin septembre 2000. Fin novembre 2000, la direction de l'AFF a présenté un plan de mesures de mise en oeuvre des recommandations du rapport et, entre autres, le projet de promotion de l'Autorité de contrôle au rang de division. Comme cela a déjà été mentionné, cette mesure a été prise en même temps que l'augmentation de l'effectif réglementaire à 11,5 postes. Au cours du printemps 2001, la task force et le conseil consultatif ont entamé leurs travaux. Les travaux en vue de l'élaboration d'un plan directeur en matière d'autorégulation ont démarré et devraient être achevés d'ici à fin 2001. Au mois de novembre 2000, le directeur de l'AFF a annoncé qu'un concept de communication et une stratégie ­ comportant également une définition de priorités ­ seraient élaborés en collaboration avec le conseil consultatif et seraient achevés vers le milieu de 2001. Il n'est donc pas question de prétendre que le DFF est demeuré passif. Il a, d'une manière générale, identifié les problèmes qui se posaient.

En plus des lacunes décrites dans les paragraphes précédents, l'évolution observée de l'exécution de la LBA éveille le sentiment d'une attitude réactive qui a parfois conduit à des retards importants. Ces retards ont été l'une des raisons de la remise en 6034

doute de la volonté dont la hiérarchie de l'Autorité de contrôle faisait preuve en matière d'exécution de la LBA. Même le chef du département aurait dû accorder une plus grande attention à ces circonstances qui ont été rendues publiques. De plus, cela ne fait que peu de temps que ce dernier est également intégré de manière active dans le processus de sensibilisation des OAR. En tant que responsable hiérarchique du service juridique, de l'AFF et de l'Autorité de contrôle, il aurait lui aussi dû contribuer à trouver une solution au problème du traitement des plaintes évoqué plus haut et participer à la mise en place d'une collaboration optimale entre le service juridique et l'Autorité de contrôle. Ainsi, au cours du printemps 2000 déjà, la question de la réévaluation du statut de l'Autorité de contrôle avait déjà été un sujet de discussion entre la CdG et le chef du département. Sept mois se sont écoulés avant que cette réévaluation soit effectivement décidée.

4

Perspectives

L'ensemble de la réorganisation de la réglementation et de la surveillance des marchés financiers est actuellement en cours d'examen. Même si une telle réorganisation ne manquera pas d'avoir des effets sur la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur non bancaire également, il est indispensable de mettre l'actuelle LBA intégralement en oeuvre, et cela le plus rapidement possible. Bien que les expériences accumulées jusqu'ici dans le domaine de l'exécution aient permis de constater que des optimisations sont encore nécessaires, il faut souligner le fait que la LBA est une loi qui permet de lutter efficacement contre le blanchiment d'argent.

5

Suite des travaux

La CdG-N prie le Conseil fédéral de l'informer avant fin 2001 des mesures qu'il compte prendre au vu du présent rapport.

29 juin 2001

Au nom de la sous-commission DFF/DFE: La présidente, Brigitta M. Gadient, conseillère nationale Le secrétaire de la sous-commission, Christoph Albrecht Au nom de la Commission de gestion: Le président, Rudolf Imhof, conseiller national

6035

Liste des abréviations AFF

Administration fédérale des finances

art.

article

CdG

Commission de gestion

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CFB

Commission fédérale des banques

DFE

Département fédéral de l´économie

DFF

Département fédéral des finances

DPA

Loi fédérale sur le droit pénal administratif

etc.

et cetera

GAFI

Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux

LBA

Loi sur le blanchiment d'argent

O

Ordonnance

OB

Ordonnance sur les banques et les caisses d'épargne

OAR

Organisme d'autorégulation

OFJ

Office fédéral de la justice

LPA

Loi fédérale sur la procédure administrative

PME

Petites et moyennes entreprises

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