00.420 Initiative parlementaire Détention en phase préparatoire lors d'abus en matière d'asile Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats du 30 avril 2001

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), nous vous soumettons le présent rapport, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission vous propose d'approuver le projet de modification de loi ci-joint.

30 avril 2001

Pour la commission: Le président, Maximilian Reimann

5164

2001-0845

Rapport 1

Genèse

1.1

Détention en phase préparatoire de ressortissants étrangers en situation illégale ayant déposé une demande d'asile après leur interpellation (initiative parlementaire Hess Hans)

Le 14 juin 2000, M. le conseiller aux Etats Hans Hess (PRD/OW) a déposé une initiative parlementaire visant à compléter la loi par une disposition qui permette d'ordonner la détention en phase préparatoire ­ à savoir avant que la décision de renvoi n'ait été prononcée ­ des étrangers qui ont été appréhendés en situation illégale et qui risquent de passer à la clandestinité.

Le 6 novembre 2000, procédant à l'examen préliminaire de l'initiative précitée, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats a effectivement constaté l'existence d'un vide juridique se traduisant sur le plan du droit par une situation non conforme à la volonté exprimée par le législateur lorsqu'il a approuvé les «mesures de contrainte en matière de droit des étrangers» (LF du 18 mars 1994, approuvée par le peuple le 4 décembre 1994; RO 1995 146, 151). Face aux risques d'abus liés audit vide juridique, la commission a proposé par 8 voix contre 0, et 3 abstentions, au Conseil de donner suite à ladite initiative. Le 13 décembre 2000, le Conseil des Etats s'est rallié à cette proposition par 22 voix contre 6 (BO 2000 E 916). Suite à ce vote, la commission a été chargée de proposer dans un délai de deux ans un projet de loi qui permette de transposer en droit les objectifs visés par l'initiative.

1.2

Caractère actuellement non punissable de la complicité apportée à l'arrangement de mariages fictifs (selon informations fournies par le TF aux CdG, et des CdG aux CIP)

Dans le cadre de la haute surveillance qu'il leur appartient d'exercer sur le Tribunal fédéral, les Commissions de gestion (CdG) ont prié ce dernier de lui signaler tout arrêt susceptible de justifier une intervention du législateur. Dans ce contexte, la sous-commission DFJP/Tribunaux de la CdG du Conseil national a transmis par lettre en date du 2 novembre 2000 aux deux CIP un arrêt du Tribunal fédéral du 30 avril 1999 (ATF 125 IV 148) aux termes duquel «arranger des mariages fictifs dans le but d'aider des étrangers à obtenir, sans droit, des autorisations de séjour en Suisse ne tombe pas sous le coup de l'art. 23, al. 1, par. 5, LSEE, ni de l'art. 23, al. 2, LSEE».

Dans le cadre des débats du Conseil des Etats consacrés à l'examen préliminaire de l'initiative Hess Hans, le rapporteur de la CIP a attiré l'attention du Conseil sur la problématique soulevée par l'ATF précité, en précisant que rien n'empêchait de combler la lacune concernée en profitant des travaux qui seront consacrés à l'initiative, les deux dossiers relevant sur le plan du droit du même domaine.

5165

1.3

Elaboration d'un projet, et relation avec le projet de révision totale de la LSEE

La loi appelée à remplacer la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), à savoir la loi fédérale sur les étrangers (LEtr), est en cours d'élaboration. Le délai fixé pour la procédure de consultation a expiré le 10 novembre 2000. L'art. 70 de cet avant-projet reprend les dispositions contenues dans l'art. 13a LSEE, ce qui, en d'autres termes, signifie qu'il n'a pas encore été tenu compte des objectifs visés par l'initiative Hess Hans. En revanche, ledit avantprojet contient nouvellement une disposition intitulée «Comportement frauduleux à l'égard des autorités», réprimant l'arrangement ou la conclusion de mariages de complaisance. Selon les informations que l'administration a fournies à la commission, le Conseil fédéral soumettra aux Chambres le message concerné d'ici la fin 2001.

La CIP s'est interrogée sur le point de savoir s'il valait mieux traiter l'initiative Hess Hans dans le cadre de la révision totale de la LSEE, ou présenter avant cette révision un projet de modification de loi distinct. Notons à cet égard que dans son rapport en date du 22 novembre 2000, la CIP, dans sa majorité, s'est prononcée provisoirement en faveur de cette seconde solution, en invoquant qu'«une révision partielle de la loi actuelle permettrait en revanche d'éliminer au plus vite une anomalie manifeste, démarche d'autant plus justifiée qu'une grande partie de la population risquerait de voir d'un mauvais oeil que cette modification soit repoussée à plus tard. Il faut également garder à l'esprit que l'examen de la nouvelle loi sur les étrangers, qui couvre un domaine large et complexe, prendra un certain temps; de plus, comme un remaniement de l'ensemble du droit relatif aux étrangers soulève de nombreuses questions très controversées sur le plan politique, il y a des risques de voir échouer le projet».

Le Conseil des Etats ayant donné suite à l'initiative concernée, la commission, réunie le 23 janvier 2001 afin de décider de la marche à suivre, a décidé par 7 voix contre 4 de s'engager sur la voie d'une révision partielle anticipée de la LSEE, destinée à permettre la prise en compte et de l'initiative Hess et de la problématique liée à l'arrangement de mariages fictifs. Suite à cette décision, les services administratifs concernés et le secrétariat de la CIP ont préparé un avant-projet de
loi que la commission a examiné le 30 avril 2001. Dans le cadre du vote sur l'ensemble, la commission a adopté ledit projet par dix voix contre zéro et avec une abstention.

2

Les grandes lignes du projet

La Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil des Etats a mis le doigt sur deux lacunes, constituant toutes deux des sources d'abus possibles, en matière de droit d'asile et de droit des étrangers, à savoir: 1. En l'état actuel du droit, lorsqu'un ressortissant étranger est appréhendé sur le territoire suisse alors qu'il s'y trouve depuis un certain temps en situation irrégulière, il lui suffit de déposer alors une demande d'asile pour échapper à la détention en phase préparatoire, c'est-à-dire pendant la préparation de la décision de renvoi. Si, aux termes de l'art. 33 de la loi sur l'asile, une demande d'asile présentée dans l'intention manifeste de se soustraire à l'exécution imminente d'une expulsion ou d'un renvoi entraîne une décision de non-entrée en matière, il n'en reste pas moins 5166

qu'il est impossible de placer en détention la personne concernée pendant le laps de temps qui sépare la date du dépôt de la demande et la date à laquelle sera prononcée la décision précitée, en l'absence d'autres motifs de mise en détention. Cette faille permet à l'intéressé de se soustraire à l'action des autorités et de rester sur le territoire en toute illégalité.

2. Le droit en vigueur ne réprime pas le fait de faire délibérément aux autorités des déclarations fausses en vue d'obtenir, ou de faire obtenir, une autorisation de séjour, notamment en contractant ou en arrangeant un mariage à seule fin de procurer un titre de séjour à un ressortissant étranger.

Aux yeux de la CIP, ces abus sont manifestement de nature à nuire au crédit des institutions suisses, et une partie importante de l'opinion publique s'étonne qu'ils continuent actuellement d'être tolérés. Aussi la CIP souhaite-t-elle que la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) soit complétée dans les meilleurs délais par les deux dispositions suivantes: 1. Quiconque séjournant illégalement en Suisse et présentant une demande d'asile dans l'intention manifeste de se soustraire à l'exécution imminente d'une expulsion et d'un renvoi, doit pouvoir être placé en détention provisoire de façon à garantir l'exécution du renvoi (cf. ch. 31).

2. Quiconque fait délibérément aux autorités chargées de l'exécution de la LSEE des déclarations fausses en vue d'obtenir, pour lui-même ou pour un tiers, une autorisation de séjour, notamment en contractant ou en arrangeant un mariage fictif, s'expose à des sanctions pénales (cf. ch. 32).

3

Commentaires

3.1

Introduction d'un nouveau motif de détention en phase préparatoire

3.1.1

Rappel des faits

L'initiative visant à introduire un nouveau motif de détention en phase préparatoire se fonde sur deux arrêts rendus par le Tribunal fédéral le 27 avril 2000 (2A.142/2000 et 2A.147/2000), dans le cas de deux personnes séjournant irrégulièrement en Suisse et travaillant au noir. Selon l'exposé des faits de ces arrêts, une enquête menée par la police auprès des autorités allemandes a révélé que l'une de ces personnes avait été déboutée, en juillet 1996, d'une demande d'asile enregistrée en République fédérale d'Allemagne et qu'elle y était portée disparue depuis le 17 novembre 1997. L'autorité était par conséquent fondée à supposer que cette personne se trouvait sur sol suisse à compter de cette date. La demande d'asile déposée en Suisse ne remonte toutefois qu'au 28 mars 2000, date à laquelle l'intéressé a été interpellé par la police.

Le 31 mars 2000, l'autorité compétente a examiné le bien-fondé de la détention en phase préparatoire ordonnée à l'encontre de l'intéressé. Constatant qu'aucun des motifs énoncés à l'art. 13a de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) n'était constitué, elle a néanmoins admis que la demande d'asile avait à l'évidence été déposée de façon abusive, raison pour laquelle il convenait d'examiner non pas si l'intéressé remplissait les conditions d'une détention en phase préparatoire, mais celles d'une détention en vue du refoulement (art. 13b LSEE). Elle a par ailleurs estimé que l'intéressé risquait de passer à 5167

la clandestinité, au sens de l'art. 13b, al. 1, let. c, LSEE, puisqu'il était entré en Suisse à l'aide de passeurs, qu'il avait donné de fausses indications sur son identité et qu'il travaillait de façon clandestine.

Dans ses décisions, le Tribunal fédéral constate que: «Le risque de voir la personne passer à la clandestinité ne figure pas parmi les motifs de détention prévus dans l'art. 13a LSEE, et que cet argument ne saurait par conséquent justifier la mise en détention en phase préparatoire. Le législateur aurait pu, s'il l'avait voulu, prévoir dans l'art. 13a le risque de passer dans la clandestinité. S'il ne l'a pas fait, il n'y a pas lieu d'élargir l'interprétation de l'art. 13a, let. a, LSEE au sens de l'art. 13b, al. 1, let. c, LSEE. En outre, si le législateur n'a pas pensé à des cas tels que celui-ci, ce n'est pas au juge de combler ce vide juridique. Il paraît par ailleurs discutable de parler de vide juridique. Il est en effet prévu qu'un étranger peut être expulsé s'il ne détient pas d'autorisation de séjour, s'il ne peut pas en obtenir ou encore s'il n'en dispose plus (expiration, révocation ou au retrait du titre de séjour). La décision de renvoi matérialise l'obligation de quitter la Suisse et n'a, en principe, pas d'incidence sur la procédure d'obtention d'un titre de séjour (...). Elle peut donc être exécutée sans formalités (...). Il est également possible d'ordonner, à ce titre, une détention en vue du refoulement, dans la mesure où les conditions prévues sont remplies. Il ne devrait donc pas subsister de vide juridique. S'il est nécessaire de lier explicitement l'art. 13a, LSEE (motifs permettant d'ordonner la détention) et l'art.

33, LAsi, entrée en vigueur le 1er octobre 1999, il appartient, le cas échéant, au législateur de le faire.»1 (Considérant 3b bb, 2A.142/2000).

L'initiative parlementaire déposée par le conseiller aux Etats Hans Hess vise, compte tenu de ces décisions du Tribunal fédéral, à introduire un nouveau motif permettant d'ordonner la détention en phase préparatoire.

3.1.2

Principe de la détention en phase préparatoire

La détention en phase préparatoire a été introduite par la loi fédérale du 18 mars 1994 sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers (RO 1995 146 151; FF 1994 I 301), entrée en vigueur le 1er février 1995. Cette mesure permet, sous certaines conditions, de placer un étranger en détention pour une durée maximale de trois mois, pendant la préparation de la décision sur son droit de séjour, soit, dans le contexte d'une procédure d'asile, avant qu'une décision de première instance n'ait été rendue.

La détention en phase préparatoire est soumise à une double condition. D'une part, elle doit être ordonnée dans le seul but prévu par le législateur. Elle doit donc viser exclusivement à «assurer le déroulement d'une procédure de renvoi». D'autre part, elle doit être ordonnée sur la base d'un motif prévu. Ces motifs sont énumérés de façon exhaustive dans la loi et sont soumis à certaines restrictions.

1

Ces arrêts du Tribunal fédéral n'existent qu'en allemand. Le passage cité a été traduit pour les besoins du présent document. NdT

5168

3.1.2.1

La détention en phase préparatoire au regard du droit international

La Convention relative au statut des réfugiés n'interdit pas la mise en détention d'un requérant d'asile au cours de la procédure d'asile, dans la mesure où elle s'avère nécessaire et à condition qu'elle soit prévue par la loi. Aux termes de l'art. 5, ch. 1, let. f, CEDH, la détention en vue du refoulement est expressément autorisée. L'art. 5 précise de façon détaillée les conditions dans lesquelles une privation de la liberté se justifie.

Quant au fond, un étranger ne peut faire l'objet d'une mise en détention qu'en prévision d'un éloignement. La détention en vue du refoulement est donc admissible tant et aussi longtemps qu'elle vise à permettre aux autorités compétentes d'assurer, avec l'urgence qui s'impose, l'exécution d'une décision d'expulsion ou de renvoi. Dans ce sens, il est possible de l'ordonner avant l'intervention d'une décision d'expulsion ou de renvoi, soit pendant l'enquête menée par les autorités, sur laquelle se fondera la décision. A noter par ailleurs, que selon la jurisprudence des instances chargées de l'application de la Convention, la mise en détention ne peut pas être considérée comme abusive si l'enquête ne débouche pas sur une décision d'expulsion ou de renvoi.

Cet argument plaide également en faveur de l'introduction d'un nouveau motif de détention en phase préparatoire.

3.1.2.2

La détention en phase préparatoire au regard du droit interne

Une mise en détention porte nécessairement atteinte à la liberté personnelle inscrite à l'art. 10 de la Constitution (Cst.). La privation de liberté ne peut être ordonnée que si les conditions définies à l'art. 31 Cst. sont remplies, conditions auxquelles a été soumise l'institution de la détention en phase préparatoire. Or, l'introduction d'un nouveau motif de détention en phase préparatoire suppose un réexamen du principe de la proportionnalité dicté par l'art. 36 Cst. (cf. ch. 3.1.3).

3.1.3

Eléments constitutifs du nouveau motif de détention en phase préparatoire

Chacun des motifs prévus suppose un élément constitutif d'une infraction grave de nature à justifier une mise en détention en phase préparatoire en vue d'assurer le déroulement de la procédure de renvoi. Dans le cas présent, cet élément n'est pas seulement constitué par le risque de voir l'intéressé passer à la clandestinité mais, bien plutôt, par l'intention de tromper les autorités. Cette tromperie ressort, en premier lieu, du fait que l'intéressé séjournait en Suisse en situation irrégulière. En effet, bien que l'intéressé ait largement eu l'occasion, depuis son arrivée en Suisse, de communiquer aux autorités son besoin de protection contre des persécutions, il a attendu, pour ce faire, d'être interpellé par les autorités. Or, l'étranger qui souhaite demander protection à la Suisse est tenu de présenter sa demande à la frontière ou, du moins, immédiatement après son entrée dans le pays: il ne doit pas commencer par y séjourner clandestinement.

En l'espèce, le comportement de l'intéressé constitue une violation grave à son obligation de collaborer. Dans son message du 22 décembre 1993 relatif à la loi 5169

fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, le Conseil fédéral précisait que la détention en phase préparatoire permettait de sanctionner les violations graves à l'obligation de collaborer. Constituaient ainsi une violation grave, le refus de décliner son identité, le dépôt de plusieurs demandes d'asile sous différentes identités, le fait de ne pas donner suite, sans raisons valables, à une convocation émanant des autorités, notamment une convocation à une audition. Or en se soustrayant ainsi à ses obligations, l'intéressé se montre d'emblée peu disposé à coopérer avec les autorités ultérieurement.

Le nouveau motif de détention en phase préparatoire concernera typiquement des personnes qui cherchent, en déposant une demande d'asile, à reporter ou à empêcher l'exécution d'une décision de renvoi. Ce motif est constitué, p. ex., lorsque le dépôt de la demande survient dans le contexte d'une arrestation ou à l'ouverture d'une procédure pénale. Dans les exemples évoqués, l'intéressé aura, en principe, eu amplement le temps d'entreprendre les démarches nécessaires pour demander l'asile ou une autorisation de séjour relevant du droit des étrangers. Son intention n'est pas de se protéger contre des persécutions mais de contourner le risque d'être renvoyé. Ce comportement constitue une violation grave de son obligation de collaborer, et démontre qu'il sera peu disposé à coopérer avec les autorités ultérieurement. Compte tenu de la gravité de ce manquement aux obligations qui lui incombent, qui se traduit souvent par des difficultés accrues dans l'exécution du renvoi, la mise en détention en phase préparatoire semble également se justifier à la lumière du principe de la proportionnalité.

La nouvelle réglementation proposée ne concerne pas les personnes qui sont réellement en quête d'asile ou de protection en Suisse. L'autorité qui ordonne la détention est tenue d'examiner, à ce titre, s'il existe un motif légitime excusant le dépôt tardif de la demande d'asile. Dans l'affirmative, il ne peut pas être ordonné de détention sur la base du motif proposé. Ce délai sera notamment excusable lorsque le contrôle d'identité intervient immédiatement après le passage illégal de la frontière ou dans une région frontalière; lorsqu'un centre d'enregistrement est temporairement fermé; lorsque
l'intéressé est malade et qu'il souhaite se rétablir avant de déposer une demande d'asile; ou encore s'il est manifestement traumatisé. Ces motifs découlent de l'art. 31 de la Convention relative au statut des réfugiés: «Les Etats Contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés2 qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'art. 1, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières.»

3.1.4

Nécessité d'introduire un nouveau motif de détention en phase préparatoire

Dans sa décision 2A.142/2000, le Tribunal fédéral a constaté que le législateur aurait pu, s'il l'avait voulu, inscrire le risque de passer dans la clandestinité parmi les motifs permettant la détention en phase préparatoire. Le tribunal a en outre précisé que s'il était nécessaire de lier explicitement l'art. 13a LSEE (motifs de détention) et l'art. 33, LAsi (non-entrée en matière en cas de dépôt ultérieur abusif d'une demande d'asile), il appartenait, le cas échéant, au législateur de le faire. La Commis2

Le terme réfugiés désigne requérants d'asile dans ce contexte, NdR

5170

sion se rallie aux conclusions du Tribunal fédéral. Elle prend en compte, outre les violations énumérées à l'art. 13a LSEE, l'existence d'un certain nombre d'autres manquements graves à l'obligation de collaborer, qui nécessiteraient une mise en détention afin d'assurer le déroulement d'une procédure de renvoi (FF 1994 I 319).

La nouvelle disposition devrait donc permettre de placer un étranger en détention en phase préparatoire lorsqu'il dépose une demande d'asile après avoir séjourné clandestinement en Suisse pendant quelque temps, manifestement dans le but de se soustraire à un renvoi. Ce type de comportement dénote également un autre risque, qui existe avant même qu'une décision n'ait été rendue, à savoir le risque de voir l'intéressé passer à la clandestinité. La proposition visant à compléter les motifs de détention en phase préparatoire a ainsi pour seul objet d'assurer le bon déroulement d'une procédure de renvoi au sens de l'art. 5 CEDH.

3.2

Nouveau fait constitutif de l'infraction dans les procédures de droit des étrangers: comportement frauduleux à l'égard des autorités

3.2.1

Situation initiale

Par rapport aux autres prescriptions du droit des étrangers en matière d'admission, les dispositions relatives au regroupement familial prévoient des facilitations essentielles (art. 7, al. 1, et 17, al. 2, de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers; LSEE; RS 142.20; art. 38 et 39 de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers, OLE; RS 823.21). En effet, ces dispositions permettent aux étrangers, à certaines conditions, de conserver une vie familiale en Suisse ou de créer une famille. Toutefois, comme le montre également la pratique dans d'autres pays, ces facilitations comportent hélas des risques d'abus. Ainsi, l'étranger tente parfois, par le biais d'un mariage de complaisance, de faire venir en Suisse un conjoint étranger ou de faire passer pour ses propres enfants les enfants mineurs d'un autre couple.

Lorsque de tels abus sont constatés, l'autorité compétente peut refuser d'accorder le regroupement familial. Elle peut aussi révoquer les autorisations délivrées ou refuser de les prolonger (art. 7, al. 2, 9, al. 2, let. a et al. 4, let. a, LSEE).

Est qualifié de mariage de complaisance ou fictif, le mariage qui a été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers ou lorsque pareils motifs sont à l'origine du maintien de l'union conjugale. Le mariage a dès lors été contracté sans aucune intention de fonder une communauté conjugale.

En règle générale, la preuve ne peut en être apportée que de manière indirecte, en invoquant des indices tels que: le mariage a été contracté peu avant l'expiration du délai de départ; la brève durée de la relation avant le mariage et les circonstances à l'origine de l'union conjugale; le logement séparé après le mariage sans motifs compréhensibles; la très grande différence d'âge entre les conjoints, les prestations financières à l'adresse du conjoint en Suisse (ATF 122 II 289 ss, 121 II 1 ss, 121 II 97 ss, Peter Kottusch, mariages de complaisance du point de vue de la police des étrangers, «Zentralblatt ZBl» 84/1983, p. 423 s.).

Il est cependant très difficile et très fastidieux pour les autorités de police des étrangers de fournir des indices susceptibles de prouver un mariage de complaisance. Une telle démarche n'est fréquemment possible qu'à posteriori.

5171

La commission a déclaré à l'unanimité qu'une lutte systématique contre les abus renforcerait la crédibilité de la politique des étrangers ainsi que son acceptation au sein de la population.

3.2.2

Considérants du Tribunal fédéral concernant la punissabilité selon la législation en vigueur

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le séjour consécutif à un mariage est considéré comme légal tant que l'autorité compétente n'a pas prononcé sa révocation ou le refus d'accorder sa prolongation, même lorsque le mariage a été contracté uniquement dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers. En l'espèce, il ne s'agit pas d'un séjour illégal en Suisse, qui tomberait sous le coup de l'art. 23, al. 1, 4e phrase, LSEE. Par conséquent, la conclusion, l'arrangement ou l'organisation d'un mariage de complaisance ne peuvent être interprétés comme une facilitation ou comme une aide à préparer une entrée illégale dans notre pays (qui serait punissable selon l'art. 23, al. 1, 5e phrase, LSEE).

Certes, le Tribunal fédéral estime répréhensible le comportement consistant à aider les étrangers à induire en erreur les autorités. Toutefois, une prescription comparable à l'art. 14 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0), laquelle prévoit de punir celui qui aura astucieusement induit en erreur l'administration par des affirmations fallacieuses et aura de la sorte, pour lui-même ou pour un tiers, obtenu sans droit une autorisation (ATF 125 IV 148 ss) ne figure pas dans la LSEE.

Le droit pénal administratif n'est applicable que lorsque la poursuite et le jugement d'une infraction ont été transmis à une autorité administrative de la Confédération.

Or, une telle procédure n'est pas prévue en matière de droit des étrangers.

Aussi, la commission est-elle parvenue à la conclusion que cette lacune devait être comblée dès que possible, parallèlement à la mise en oeuvre des revendications émises par l'initiative parlementaire Hess. Elle reprend par conséquent une proposition de la commission d'experts chargée de la révision totale de la LSEE qui a intégré une disposition pertinente dans le projet de nouvelle loi sur les étrangers (art.

104 LEtr). La commission voit dans cette disposition un moyen efficace de prévention des abus, en particulier de l'arrangement et de la conclusion de mariages de complaisance.

3.2.3

Proposition relative à une nouvelle disposition pénale

Les personnes qui induisent en erreur les autorités compétentes en matière d'autorisations n'ignorent guère que l'autorisation leur serait refusée si l'autorité avait connaissance des circonstances réelles. En vertu de l'art. 3, al. 2, LSEE, les personnes impliquées dans la procédure sont tenues de renseigner exactement l'autorité sur tout ce qui est de nature à déterminer sa décision. Par ailleurs, les personnes qui ont déposé une demande sont tenues, en application de l'art. 13 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA; RS 172.021), de collaborer à la constatation des faits. Dans la législation sur les étrangers, une très grande importance est accordée à cette obligation de collaborer, car les autorités doivent pouvoir compter sur la véracité des indications du requérant. Lorsqu'il s'agit de faits que la personne concernée connaît mieux et qui nécessiteraient des efforts disproportionnés 5172

de la part des autorités chargées de l'enquête pour les élucider, la fiabilité du requérant est déterminante (cf. aussi ATF 124 II 361 consid. 2b p. 365). Cependant, en matière de droit des étrangers, les comportements frauduleux ne sont pas seulement liés aux mariages de complaisance. Parfois, l'étranger tente de faire passer pour ses propres enfants des enfants de tiers, dans le but d'obtenir le regroupement familial; par ailleurs, notamment en matière d'activité lucrative, il se peut que l'étranger donne volontairement de faux renseignements sur les conditions de rémunération et de travail, qui sont déterminantes pour l'octroi de l'autorisation (art. 9 OLE).

Le comportement frauduleux peut également consister à omettre des faits ou à dissimuler des circonstances essentielles susceptibles d'influencer la décision. Ces comportements sont régulièrement observés dans des cas de mariages de complaisance. En l'occurrence, les conjoints passent sous silence l'absence d'intention de créer une communauté conjugale ou plutôt simulent une telle intention. Assurément, un lien de causalité doit être établi entre le comportement frauduleux et l'octroi d'une autorisation. Il faut que le comportement frauduleux ait déterminé le règlement des conditions de séjour.

Par conséquent, la commission estime qu'il convient de reprendre, moyennant certaines adaptations, la disposition pénale que la commission d'experts chargée de la révision totale de la LSEE a proposé d'insérer dans le projet de nouvelle loi sur les étrangers envoyé en consultation (art. 104 LEtr), dont la teneur est la suivante: Art. 104 LEtr

Comportement frauduleux à l'égard des autorités

1

Quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou une autre personne ou évite le retrait d'une autorisation sera puni de l'emprisonnement ou d'une amende de 20 000 francs au plus.

2 S'il a agi pour se procurer ou pour procurer à un tiers un enrichissement illégitime, il sera puni de l'emprisonnement d'un an au moins et d'une amende de 100 000 francs au plus.

Selon l'Office fédéral des étrangers, la majorité des milieux consultés dans le cadre du projet LEtr ont réservé un accueil favorable à cette disposition, en particulier les cantons qui n'ont pas manqué de l'approuver expressément. Certains participants (notamment le Tribunal fédéral) ont toutefois émis des doutes quant à la formulation choisie, car ils ne sont pas certains qu'elle permettra de condamner effectivement l'arrangement, la conclusion ou le maintien d'un mariage fictif. Ces actes ne sont pas directement liés à l'exécution du droit des étrangers et n'incombent habituellement pas aux autorités compétentes en la matière. C'est pourquoi la commission propose de compléter le projet soumis à la consultation par la mention expresse du mariage de complaisance en tant que forme particulière de comportement frauduleux. Elle a en outre adapté les sanctions prévues à celles qui figurent dans la LSEE, lesquelles sont généralement moins sévères que celles du projet LEtr. Les mêmes sanctions que dans la LSEE sont prévues dans le projet de la commission à l'encontre de celui qui entre ou réside en Suisse illégalement et de celui qui facilite ou aide à préparer une entrée ou une sortie illégale (art. 23, al. 1 et 2, LSEE).

5173

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnnel

L'introduction d'un nouveau fait constitutif de la détention en phase préparatoire (art. 13a, al. 1, let. f, LSEE) peut avoir des conséquences financières car, en vertu de l'art. 15 de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE; RS 142.281), la Confédération alloue aux cantons, pour l'exécution de la détention en phase préparatoire et de la détention en vue de refoulement d'une durée de douze heures au minimum, un forfait de 130 francs par jour. Cependant, l'application de ce nouveau fait constitutif de la détention, qui ne touchera vraisemblablement qu'un faible pourcentage de cas, n'engendrera guère de frais de détention supplémentaires statistiquement significatifs. Dès lors, les conséquences financières pour les cantons sont quasiment inexistantes.

Tout laisse à penser que l'inscription dans la loi d'une disposition sanctionnant désormais les déclarations fausses faites à une autorité permettra à l'Etat de faire certaines économies, même si celles-ci sont impossibles à chiffrer à l'heure actuelle.

Les modifications de la LSEE proposées n'auront aucune conséquence directe en matière de personnel.

4.2

Applicabilité

Par le biais de ses propositions, la commission entend donner suite dans deux domaines aux suggestions du Tribunal fédéral relatives au droit des étrangers. Le nouveau fait constitutif de l'infraction susceptible d'entraîner la détention en phase préparatoire est déjà clairement esquissée dans les considérants du Tribunal fédéral.

La disposition de la loi fédérale sur le droit pénal administratif, prévoyant de sanctionner des comportements frauduleux analogues, s'est révélée efficace. En outre, les cantons chargés de l'application de la LSEE ont exprimé le souhait qu'une telle disposition soit instaurée.

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Lien avec l'accord bilatéral sur la libre circulation

Dès que l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne ainsi que ses Etats membres sur la libre circulation sera entré en vigueur, la question des mariages de complaisance concernera en premier lieu les ressortissants de pays non-membres de l'UE. Après la période transitoire, les ressortissants des Etats membres de l'UE auront un droit de séjour en Suisse s'ils y exercent une activité lucrative ou s'ils disposent des moyens financiers suffisants pour subvenir à leurs besoins.

La résolution du Conseil de l'Union européenne du 4 décembre 1997 sur les mesures à adopter en matière de lutte contre les mariages de complaisance (97/C 382/01) met en exergue la volonté de l'Union européenne de renforcer sa lutte contre les mariages de complaisance.

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Constitutionnalité

En vertu de l'art. 121, al. 1, Cst., la législation sur l'entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers et sur l'octroi de l'asile relève de la compétence de la Confédération. La législation en matière de droit pénal relève également de la compétence de la Confédération (art. 123 Cst.).

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