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N» 52. Samedi 1er décembre 1888

XLTM année. Vol. 17.

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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant

les sociétés de secours mutuels et particulièrement les caisses de pensions des chemins de fer.

(Du 24 novembre 1888.)

Monsieur le président et messieurs, Ensuite d'une motion de MM. Curti, Scheuchzer et Grubenmann, le conseil national a pris, en date du 15 juin 1886, l'arrêté ci-après : « Le conseil fédéral est invité à examiner si et de quelle manière la Confédération pourrait intervenir pour vérifier les bases des sociétés de secours mutuels, pour déterminer les garanties à exiger pour leurs placements de fonds et pour faciliter autant que possible leurs affiliations entre elles.

« En outre, le conseil fédéral est invité à examiner la question de savoir si la Confédération ne peut pas obtenir que les caisses de secours des compagnies de chemins de fer soient organisées de telle manière : 1° qu'en cas de changement du propriétaire d'une ligne ou de celui qui l'exploite, les droits résultant pour le personnel de sa participation à la caisse de secours et de ses années de service soient sauvegardés ; Feuille fédérale suisse. Année XL. Vol. IV.

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2° que les agents qui passent du service d'une compagnie & l'autre conservent les avantages résultant de leur participation à la caisse de secours et de leurs années de service. » La motion originaire était rédigée comme suit : « Le conseil fédéral est invité à examiner si et de quelle manière on pourrait modifier l'organisation des sociétés suisses ayant des caisses de secours en cas de maladie ou de décès, de telle sorte que tout membre de l'une de ces sociétés puisse, en cas de changement de domicile, avoir droit de cité (Freizügigkeit) dans la société correspondante. » La motion ainsi rédigée n'avait en vue que le but pratique du droit de die ou de libre circulation ; dans l'arrêté précité du conseil national, par contre, on a introduit quelques autres buts pratiques, et comme moyen d'y parvenir on a soulevé l'idée d'une surveillance de la Confédération, telle qu'elle existe vis-à-vis des sociétés d'assurance.

Les questions de savoir si une telle surveillance est exécutable et si les buts indiqués peuvent être atteints par cette voie ou par une autre ne sont pas, il est vrai, résolues affirmativement dans le postulat, mais recommandées à plus mûr examen.

En effet, ces questions né sont pas de nature si simple qu'elles le paraissent de prime abord. Comme il résulte déjà de la teneur du postulat, nous avons affaire à deux groupes différents de sociétés d'assistance, d'abord aux sociétés de secours mutuels, à l'exclusion des caisses de pensions des chemins de fer, et, en second lieu, à ces dernières. Nous avons chargé notre département de l'industrie et de l'agriculture de l'examen préalable de la situation du premier groupe, et notre département des chemins de fer de l'examen de la situation des caisses de pensiona des chemins de fer.

Pour ce qui concerne les caisses de secours en cas de maladie, le département cité en premier lieu ne pouvait pas perdre de vue que les cantons auxquels, d'après le droit fédéral, incombe l'entretien de leurs ressortissants indigents, possèdent et exercent en partie la compétence de surveiller et au besoin de régler l'assurance pour les cas de maladie ; en conséquence, le département ne pouvait guère faire des propositions sur la matière sans faire au préalable les enquêtes nécessaires sur l'organisation légale de l'assistance des malades. Malgré nos invitations
pressantes, les réponses à notre circulaire y relative du 26 novembre 1886 se sont succédées, à des intervalles plus ou moins longs, jusque dans les mois derniers *).

D'un autre côté, nos sociétés de chemins de fer ont aussi dû être *) Jusqu'ici la réponse d'Appenzell-Rh. int. ne nous est pas parvenue.

667 mises en mesure de se prononcer relativement aux exigences qui leur sont posées.

Nous réservant de citer les réponses qui nous sont parvenues, en traitant l'une après l'autre les idées émises au postulat, nous passons à ce dernier, en conservant autant que possible l'ordre des matières tel qu'il a été établi.

I. Les sociétés de secours mutuels, à l'exclusion des caisses de pensions des chemins de fer.

1. Le postulat désire en première ligne l'examen de la question de savoir « si et de quelle manière la Confédération pourrait intervenir pour vérifier les bases des sociétés de secours mutuels ».

Ce que l'on cherche à obtenir par cette proposition était eu son temps, et en tant que cela est strictement nécessaire, dans les intentions du conseil fédéral, qui, dans son « projet de loi fédérale concernant l'exploitation des entreprises privées en matière d'assurance » proposait en principe de soumettre toutes ces entreprises (grandes et petites) à la surveillance fédérale, avec la restriction toutefois que « le conseil fédéral peut dispenser de cette surveil' lance, sur leur demande, les associations avec exploitation restreinte, comme les caisses de secours en cas de maladie, etc. » Article 1, alinéa 2 du projet du conseil fédéral.

L'adoption de cette proposition aurait probablement eu pour conséquence pratique que des 1500 à 2000 associations de ce genre, une centaine, plus ou moins, et principalement les caisses de décès, auraient été placées sous la surveillance fédérale.

L'assemblée fédérale de 1885 n'a pas même voulu aller aussi loin. Aussi l'alinéa respectif de la loi de surveillance du 25 juin 1885, actuellement en vigueur, a-t-il reçu la rédaction suivante : « La présente loi n'est pas applicable aux associations dont le champ d'exploitation est localement restreint, telles que les caisses de secours en cas de maladie, de décès, etc. » L'assemblée fédérale a donc repoussé positivement la surveillance fédérale non seulement des caisses de secours en cas de maladie, mais aussi des caisses de décès dont le champ d'exploitation est localement restreint, bien que le conseil fédéral ait dépeint dans son message supplémentaire du 6 mars 1885 (page 5 et suivantes) l'organisation défectueuse de ces caisses de décès et se soit prononcé contre leur exemption de la surveillance fédérale.

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Aujourd'hui le conseil fédéral pourrait tout au plus, pour ce qui concerne ces associations locales pour les cas de décès, plaider en faveur d'une extension de la loi de surveillance en vigueur.

S'il ne le fait pas pour le moment, c'est parce qu'il considère que les associations actuelles de cette nature peuvent plutôt être engagées à une exploitation plus rationnelle par des hommes de confiance de leur entourage immédiat et par des ouvrages instructifs, tels que celui qui vient de paraître sous le titre « les sociétés de secours mutuels en Suisse en 1880 », puis parce que la fondation de nouvelles associations de ce genre pourrait être prévenue par le fait que les gouvernements cantonaux s'abstiendraient de " donner leur autorisation à des créations irrationnelles de cette nature.

Pour ce qui concerne une surveillance fédérale de toutes les autres sociétés de secours mutuels, nous ne saurions l'appuyer. Il faudrait d'abord qu'il fût prouvé à l'assemblée fédérale que les directeurs ou gérants de ces autres associations, qui ne s'occupent pas d'assurances sur la vie, fussent dépourvus des qualités intellectuelles ou morales nécessaires pour sauvegarder les intérêts de leurs associations, et en outre que les autorités actuelles, locales ou cantonales, qui ont l'intérêt le plus direct à la prospérité de ces sociétés, fussent impropres à les surveiller, pour que l'assemblée 'fédérale pût se décider à soumettre ces associations d'une organisation extrêmement simple et qui ne disposent que de minimes recottes annuelles, à une réglementation uniforme par un pouvoir central éloigné et ne connaissant ni les personnes, ni les situations respectives, et à allouer les fonds nécessaires pour couvrir les frais d'une telle organisation bureaucratique.

Si la fondation ou l'administration de ces caisses devait dépendre des résultats d'un semblable examen par une autorité fédérale centrale, il en résulterait des froissements non seulement dans la plupart des cantons qui jusqu'ici ont joui, à cet égard aussi, d'une liberté d'association absolue, mais aussi dans ceux où le législateur a rendu l'assurance en cas de maladie obligatoire et l'a organisée, ou est en voie de le faire. , II serait sans doute à 'désirer que de temps en temps, et si possible chaque année, on publiât une statistique de la situation des
sociétés de secours mutuels de tous genres de la Suisse, tel que cela a lieu en France ; cette publication, émanant d'une autorité sans compétences administratives, ne serait guère vue de mauvais oeil ; il est vrai qu'elle entraînerait une augmentation des fonds alloués annuellement à la statistique.

669 2. En seconde ligne le postulat émet l'idée de déterminer les garanties à exiger des sociétés de secours mutuels pour leurs placements de fonds.

A l'instar de la législation française, qui prescrit à l'égard des sociétés de secours mutuels que, pour les sociétés de plus de 100 membres les fonds de caisse excédant 3000 francs, et pour les sociétés qui comptent moins de 100 membres l'excédant au-dessus de 1000 francs doivent être confiés à la caisse de dépôts de l'état, on pourrait aussi prescrire en Suisse que les fonds excédant le besoin habituel prévu fussent placés à intérêt dans un établissement financier garanti par l'état. Les pertes des sociétés de secours mutuels parvenues jusqu'ici à notre connaissance ne semblent cependant pas être de nature si grave qu'il soit nécessaire que la Confédération, qui par elle-même ne possède pas même de caisse de dépôts, édicté des prescriptions qui pourraient entraver fortement ces sociétés dans le placement et la disposition convenables de leurs fonds.

Il se peut que le postulat n'ait pas en vue une prescription frappant toutes les sociétés de secours mutuels sans exception, mais seulement une règle pour les caisses des malades des fabriques, peut-être dans le genre de celle par laquelle la fortune des caisses de secours des chemins de fer a été assurée par la loi fédérale du 20 décembre 1878. On demande avec raison que, en cas de faillite d'une entreprise industrielle, la fortune de la caisse de secours en cas de maladie soit sauvegardée et ne serve pas à satisfaire les créanciers. Selon toutes les prévisions il sera fait droit à cette exigence dans la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (article 245 du projet de loi du 7 janvier 1888). D'ailleurs la surveillance des caisses de secours en cas de maladie est en première ligne de la compétence des cantons.

Bien que la constitution fédérale défère à la Confédération par l'article 34 « le droit de statuer des prescriptions sur la protection à accorder aux ouvriers contre l'exercice des industries insalubres et dangereuses », elle ne lui a cependant pas déféré par là la compétence d'exercer une surveillance sur tout ce qui peut se trouver en relation quelconque avec les conditions sanitaires des ouvriers en général, comme par exemple les caisses de secours en cas de maladie. Le
message du conseil fédéral qui accompagne le projet de loi sur le travail dans les fabriques (P. féd. 1875, IV.

973) déclare en conséquence positivement : « En effet, soit lors de l'élaboration du projet, soit au milieu des différentes phases par 'lesquelles il a passé au moment de la discussion, on s'est toujours préoccupé de ne pas sortir du cadre tracé au législateur.

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« C'est pour cela que toutes les dispositions visant au bienêtre économique des ouvriers et celles qui ont trait à leur développement moral ont été laissées de côto, malgré leur connexion avec le sujet ; c'est pour cela également que la loi s'est abstenue de parler de tout ce qui se rapporte à l'assurance, à la création et à l'administration de caisses de secours », etc.

Aussi, de tout les gouvernements cantonaux, auxquels a été adressée notre circulaire du 26 novembre 1886, relative au postulat précité, pas un ne s'est-il trouvé dans le cas de demander la surveillance fédérale sur les caisses de secours eu cas de maladie, tandis qu'au contraire deux d'eutre eux (Obwalden et St-Gall) ont formulé l'opinion qu'une intervention de la Confédération pourrait entraver l'efficacité de ces institutions de bienfaisance.

3. Passons maintenant au passage du postulat relatif au droit de cité : Le conseil fédéral est invité à examiner si et de quelle manière la Confédération pourrait intervenir pour « faciliter autant que possible les affiliations entre les sociétés de secours mutuels ».

Qu'on ne pense pas, en lisant ces mots, à des obstacles extérieurs, comme par exemple ceux de nature constitutionnelle, par lesquels l'affiliation des sociétés de secours pourrait être entravée.

Toutes les barrières qui autrefois pouvaient opposer des obstacles à la libre circulation de l'ouvrier ont été supprimées, et s'il en existe encore qui puissent empocher les membres d'une société de secours mutuels d'entrer, lors d'un changement de domicile, dans une autre association analogue, ce sont des barrières élevées par les sociétés elles-mêmes et dont la suppression ne dépend que d'elles, c'est-àdire des conditions d'admission, qui ne peuvent être supprimées par le conseil fédéral contre la volonté des sociétés respectives, lors môme qu'on lui conférerait vis-à-vis de celles-ci le même droit de surveillance qu'il possède vis-à-vis des sociétés d'assurance.

Ceci ressort d'un examen attentif de ces conditions d'admission.

Occupons-nous d'abord des caisses de secours en cas de maladie, que le postulat semble avoir en vue en première ligne.

Les caisses de secours en cas de maladie, même celles qui sont organisées sur le pied le plus large, ont fixé, dans l'intérêt de leur propre conservation, différentes conditions d'admission,
dont elles ne peuvent absolument se désister, ou ne le peuvent que dans des circonstances favorables déterminées.

La condition fondamentale est que le nouveau membre soit ìrìen portant à l'époque de son entrée dans l'association. Si une caisse de secours abandonnait cette condition, il en résulterait que bien des gens, qui autrement se seraient fait recevoir de bonne

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heure dans la société, trouvent plus avantageux de retarder leur entrée jusqu'au premier cas de maladie, pour ressortir après leur rétablissement, de manière à ne pas avoir de contribution à payer pendant les périodes de bonne santé. La conséquence de ce procédé serait que la société ne serait composée que de malades. Pour rétablir l'équilibre financier, elle devrait exiger par Semaine de chaque membre une finance de prime de même valeur que ce qu'elle lui rend en secours dans la maladie et en autres prestations ; une assurance de ce genre n'aurait aucune raison d'être. Si par contre on ne peut se faire recevoir de la caisse de secours qu'en état de bonne santé, il n'y aura en moyenne que 3 à 4 °/0 de la totalité des membres qui pourront être malades en môme temps, et dans ce cas il sera facile à la communauté des membres de supporter les frais d'assistance des sociétaires malades.

Si, eu outre, les statuts des caisses de secours en cas de maladie renferment une disposition d'après laquelle un nouveau membre n'a le droit de jouissance qu'après avoir fait partie de la société pendant 6, 8 ou 13 semaines, cette disposition n'a pour but que de maintenir le principe fondamental énoncé plus haut môme dans les cas de simulation ou de preuve insuffisante de bonne santé.

Les statuts des caisses de secours en cas de maladie exigent en outre que le candidat n'ait pas dépassé un certain âge (45 ou SO ans). En relevant de la statistique de la morbidité qu'un homme de 55 ans a par année en moyenne le double des jours de maladie d'un homme de 30 ans, et un homme de 75 ans le double de ceux d'un homme de 55 ans, qu'ainsi la morbidité, comme la mortalité, suit une marche progressive, on comprendra qu'une société de secours en cas de maladie composée uniquement de personnes âgées ne devra pas seulement compter en moyenne 3 à 4^/0 de ses membres malades en même temps, mais 10 °/0 ou davantage, et qu'une telle société, qui ne pourra se recruter de membres jeunes, à cause de l'élévation nécessaire de ses primes, sera peu à peu composée en majorité de membres malades et finira par tomber en décadence.

Les sociétés de secours en cas de maladie exigent en outre de «haque nouveau membre une finance d'admission minime, mais qui est augmentée dans une certaine proportion pour les candidats d'un certain âge. Cette
augmentation, quelque considérable qu'elle soit, est fondée même pour les caisses qui ne disposent pas d'un capital accumulé et ne sera jamais aussi élevée qu'elle le devrait pour compenser le surcroît de risques attaché à un âge plus avancé, à moins que pour les caisses de secours en cas de maladie, comme pour l'assurance sur la vie, la prime ne soit proportionnée au risque inhérent à l'âge.

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Une caisse d'assurance des malades qui renoncerait à ces exigences de la technique la plus élémentaire des assurances, sans introduire pour compensation la participation obligatoire pour la sphère professionnelle à laquelle elle est destinée, signerait sa propre sentence de mort. Les sociétés, même les plus considérables et florissantes actuellement, ne seraient bientôt plus composées dans leur majorité que de malades et d'infirmes ; une société établie sur un pied restreint pourrait être entraînée à sa ruine par l'admission d'un petit nombre de personnes gravement malades.

Il ne peut donc être question d'imposer à une caisse de secours en cas de maladie l'obligation d'admettre tous les ouvriers se trouvant dans une localité qui pourraient se présenter, à moins d'attacher aussi pour les ouvriers, à ce droit d'admission, {'obligation de se faire recevoir, afin que les caisses de secours ne recrutent pas uniquement des malades et des infirmes.

Mais, nous objectera-t-on, il ne s'agit pas d'assurer le droit d'admission à tous les ouvriers qui arrivent dans une localité, mais seulement à ceux qui ont déjà fait partie en Suisse d'une caisse de secours en cas de maladie ; en d'autres termes, il s'agit de généraliser, c'est-à-dire d'étendre à toutes les sociétés suisses de secours en cas de maladie la jouissance du droit de libre circulation, qui existe par exemple entre les sections de la caisse des malades de la société du Griitli, entre celles de la Société suisse de secours des ouvriers, celles de la caisse bernoise de secours en cas de maladie et de la Société vaudoise de secours mutuels.

Voilà précisément ce qui est impossible, si l'on veut éviter à certaines sociétés de secours en cas de maladie les conséquences fatales que nous venons de désigner comme suites de la suppression des conditions d'admission.

Pour les sections de la caisse de secours de la société du Grtitli et les autres sociétés collectives précitées, ces conséquences fatales ne peuvent se présenter, attendu que dans ces associations collectives toutes les sections forment un tout solidaire, c'est-à-dire une seule société avec une caisse unitaire. Que le hasard accumule par exemple dans la section B de la caisse cantonale bernoise de secours un grand nombre de membres malades ou âgés, il ne s'ensuit pas que cette section soit trop
grevée par son excédant de dépenses, car la caisse centrale lui prêtera un concours complémentaire ; cette section n'a donc ni le motif, ni le droit de s'opposer à l'admission, de membres malades venant d'autres sections.

Mais aussi, quelque libre que soit, dans une telle association1 collective, par les raisons énoncées, le passage d'un membre d'une section à une autre, cette association ne peut user de la même libé-

67ä ralité vis-à-vis d'autres caisses de secours. Aussi ]es statuts de la caisse de secours de la société suisse du Grütli prononcent-ils l'exclusion de candidats malades et de ceux âgés de plus de 45 ans; ils fixent un temps d'expectative ou de suspension de jouissance (Karenzzeit) de huit semaines et la finance d'admission s'élève, suivant l'âge du candidat, de 1 à 10 francs. Il en est de même des autres associations collectives précitées ; elles non plus n'admettent pas de candidats malades ; elles fixent le temps d'expectative à trois mois ; l'âge maximal d'admission est fixé à 50 ans pour la société suisse de secours des ouvriers et pour la société vaudoise de secours mutuels, et à 40 ans pour la caisse bernoise de secours en cas de maladie.

Le motif de cette exclusion est facile à comprendre : là où la solidarité financière cesse, l'admission libre cesse de même.

Pendant l'été de 1886 on a, il est vrai, tenté un essai afin d'assurer, au moyen d'une association de libre circulation aux membres des sociétés suisses de secours en cas de maladie, lors de leurs changements de domicile ou de place, l'admission réciproque et gratuite et le bénéfice immédiat de l'assistance. Notre postulat datant de cette époque se trouve peut-être en connexion avec la fondation de cette association.

Si cette association ne réalise, comme il nous est parvenu, que des succès minimes, cela tient sans doute principalement à ce que nos sociétés de secours ne peuvent, par les raisons indiquées plus haut, renoncer à leurs conditions d'admission.

Il est dans la nature de la chose que cette association aussi a dû d'emblée subordonner le droit de libre circulation entre des sociétés qui n'étaient pas financiellement solidaires, à certaines dispositions restrictives.

En .première ligne, d'après les statuts de l'association, le droit de libre circulation n'existe pas pour les membres de sociétés affiliées malades à l'époque de leur changement de domicile ; ensuite, les caisses de secours obligatoires et celles des fabriques ne doivent admettre les nouveaux membres qui leur arrivent de sociétés affiliées qu'en tant que, par leurs rapports de placement, ils appartiennent à la caisse respective, c'est-à-dire qu'ils ont trouvé de l'occupation dans la fabrique respective ; finalement ceux qui ont pris congé d'une société sans
se présenter dans le terme de trois mois à une autre société perdent tous leurs droits conventionnels.

Ces restrictions sont-elles de nature à rassurer suffisamment, les sociétés de secours des grands centres industriels, où les ouvrier* entrants sont en plus grand nombre que les sortants, pour les engager à entrer dans l'association ? Ceci dépend de circonstances

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dont il faut tenir compte et qu'il faut prendre en considération dans chaque cas particulier. C'est justement dans ces grands centres qu'on se plaint de ce que les caisses de secours sont surchargées de membres âgés et infirmes, tandis que les ouvriers jeunes et bien portants se tiennent à l'écart.

Or, si dans l'un de ces centres industriels il se trouve plusieurs caisses de secours, dont l'une perçoit des primes peu élevées et l'autre des primes plus fortes, mais en prêtant une assistance plus large, il se peut que les plus grands risques tombent à la charge de cette dernière société, tandis que les ouvriers jeunes et bien portants, habitués dans d'autres localités à des primes minimes, se joignent à la première de ces sociétés, ou à aucune d'elles, pour peu que les ouvriers nouvellement entrés dans la localité puissent faire usage du droit de libre circulation.

Les différences dans l'organisation et notamment dans les prestations de chacune des caisses de secours de la Suisse sont d'ailleurs si grandes que, même dans le cas où l'association de libre circulation fondée le 1er septembre 1886 jouirait d'une forte participation, le gain ne serait pas si considérable qu'on se le figure peut-être. On peut relever de la brochure intitulé : « Les sociétés de secours mutuels de la Suisse en 1880 » que les prestations hebdomadaires des caisses de secours délivrées aux malades varient chez les différentes sociétés de fr. 2 à fr. 24. 50, et la durée admissible de l'assistance pour la même maladie de quatre semaines au même nombre d'années. Une réciprocité de cette nature aurait un caractère plutôt nominal qu'effectif. Et puis un ouvrier ou domestique, qui aurait payé pendant des années de fortes primes d'assurance dans la localité où il travaillait précédemment, risquerait de passer dans une autre localité où n'existerait pas de société de secours en cas de maladie.

La participation obligatoire pourrait seule éliminer ces différences de conditions de l'assurance en cas de maladie dans les différentes communes et introduire l'uniformité, en supposant que cette dernière fût motivée par l'état des choses.

On peut, il est vrai, étendre aux caisses de secours en cas de maladie le droit de surveillance de la Confédération inti'oduit par l'article 34 de la constitution fédérale, mais il ne s'ensuit pas que par
là la Confédération obtienne la compétence d'introduire des réformes de si grande portée.

Ce domaine est resté jusqu'ici étranger à la législation fédérale.

D'après les décisions des diètes, l'assistance des malades et des indigents appartient depuis des siècles aux cantons (ou états) dont ils sont ressortissants. Ce n'est que depuis un certain nombre d'an-

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nées que, ensuite de l'accroissement de circulation qui caractérise notre époque, la Confédération, agissant au nom de 17 cantons, a conclu avec les états limitrophes des traités d'après lesquels les états contractants se garantissaient réciproquement l'assistance gratuite de leurs ressortissants malades et l'ensevelissement de leurs morts.

En 1865 on est aussi parvenu à conclure entre 16 cantons un concordat par lequel ces cantons se garantissaient réciproquement l'assistance de leurs ressortissants malades et l'ensevelissement de leurs morts moyennant un remboursement déterminé d'après un tarif modéré.

Finalement, l'article 48 de la constitution fédérale actuelle a déféré à une loi fédérale la tâche de statuer les dispositions nécessaires pour régler ce qui concerne les frais de maladie et de sépulture des ressortissants pauvres d'un canton tombés malades ou décédés dans un autre canton.

Par ce fait le principe territorial en matière d'assistance des indigents a été reconnu, bien que dans une mesure très-restreinte.

La loi fédérale du 22 juin 1875 développe cet article de la constitution dans les termes suivants : « Art. 1er. Les cantons ont à pourvoir à ce que les secours nécessaires et un traitement médical soient donnés aux ressortissants nécessiteux d'autres cantons qui tombent malades et dont le retour dans leur canton d'origine ne peut s'effectuer sans préjudice pour leur santé ou pour la santé de tierces personnes. En cas de mort, ils seront ensevelis décemment.

« Art. 2. Les caisses ou établissements publics du canton d'origine n'ont pas à rembourser les frais occasionnés par les prescriptions de l'article 1er ci-dessus.

« Ces frais ne peuvent être réclamés que dans le cas où l'indigent lui-même ou d'autres personnes qui seraient civilement tenues à les payer sont en état de les rembourser ».

Il y a lieu de citer ici aussi la disposition de l'article 341 du code fédéral des obligations : « Lorsque celui qui a engagé ses services vit dans le ménage de son maître et qu'il contracte, sans sa faute, une maladie passagère, le maître doit lui procurer à ses propres frais les soins et les secours médicaux nécessaires. » Si dans les dispositions des deux lois que nous venons de citer le législateur ne fait pas mention des nombreuses sociétés de secours

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mutuels, c'est sans doute parce qu'il ne pouvait ni prévoir ni régler l'extension générale de l'assurance en cas de maladie. C'est pourquoi il abandonne aux cantons le soin de statuer à leur égard.

Notre postulat nous a fourni l'occasion de nous enquérir auprès des gouvernements cantonaux au sujet de l'exécution des dispositions légales mentionnées plus haut, attendu que nous supposions que ces dispositions devaient avoir exercé une certaine influence sur le développement des sociétés de secours mutuels.

Tel qu'il gît dans la nature de la chose, ces gouvernements n'ont pu nous fournir, pour ce qui concerne la disposition précitée du code des obligations, que peu de renseignements puisés dans leurs propres observations; cependant il résulte de quelques réponses que cette disposition a aidé à favoriser l'assurance en cas de maladie pour les ouvriers.

La loi fédérale du 22 juin 1875 a engagé non pas tous, mais la plupart des gouvernements cantonaux à prendre des mesures positives en faveur des personnes étrangères à leur territoire qui, ensuite de maladie, auraient besoin de secours. Cinq cantons seulement ont déféré les obligations qui leur étaient imposées par la loi fédérale, à l'assistance locale du domicile ou du lieu de séjour momentané des personnes qui se trouvaient dans le cas d'être assistées ; dans la majeure partie des cantons ces obligations sont remplies entièrement ou en partie par le fisc, par le fonds cantonal d'assistance ou par des établissements cantonaux.

Quelques cantons favorisent le séjour des ressortissants d'autrescantons au moyen de l'assurance obligatoire en cas de maladie.

L'assurance obligatoire avait déjà existé antérieurement dans quelques cantons et quelques communes de la Suisse. Elle a été statuée vis-à-vis des ouvriers étrangers au canton dans le canton de Zurich par les § 25--31 de la loi sur la police du 16 décembre 1844, dans le canton de Berne par le § 89 de la loi sur l'industrie du 7 novembre 1849, et renouvelée par le § 49 de la loi sur les pauvres du 1er juillet 1857.

Si les résultats de ces prescriptions ont laissé à désirer, c'est en partie à cause de scrupules constitutionnels soulevés par l'article 41 de la constitution fédérale de 1848.

En 1879 (17 novembre), le grand conseil d'Appensell-Eh. ext.,, s'appuyant sur la loi fédérale de 1875, a autorisé
les communes à obliger les ressortissants étrangers en séjour à participer à une société de secours en cas de maladie ; ensuite de cette prescription il existe dans toutes les communes des sociétés de ce genre avec droit de libre circulation.

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Dans le canton de St-Gall une loi du 19 janvier 1885 ordonne l'introduction dans chaque commune d'une caisse de secours obligatoire pour tous les étrangers en séjour à la seule exception de ceux qui justifient de la jouissance d'une autre assurance suffisante.

Les voies ont été préparées à la publication de prescriptions analogues dans le canton de Baie-ville par arrêté du grand conseil du 6 décembre 1875, et dans le canton d'Argovie par l'article 85 de la constitution de 1885.

Nous avons cru devoir citer ces décrets parce qu'ils constatent la compétence de la législation cantonale de régler ces rapports en connexion avec les dispositions générales concernant l'assistance des indigents, et pour démontrer que cette législation, en tant qu'elle s'occupe des caisses d'assistance et des hôpitaux publics en rapport avec ces dernières, est forcée de mettre en harmonie les droits et les devoirs des membres, afin que les caisses de secours en cas de maladie, qu'elle fait naître, puissent aussi subsister.

En n'acceptant pas des charges plus lourdes qu'elles ne peuvent le supporter, les caisses de secours en cas de maladie obéissent à une loi vitale si impérieuse que la Confédération, même en s'arrogeant un droit de surveillance, ne pourrait violer ce principe, mais devrait au contraire veiller strictement à son maintien ; en conséquence, et tout en reconnaissant les efforts louables de l'association de libre circulation .susmentionnée, elle devra s'en remettre à l'appréciation des sociétés de secours au sujet de la question de savoir s'il est dans leur intérêt d'y entrer, dans la pleine conviction qu'elles favoriseront volontiers tout accroissement de participation qui ne sera pas de nature à faire péricliter leurs fonds.

On serait encore moins fondé d'imposer des obligations relatives à l'admission de membres malades ou âgés, au détriment des caisses respectives, aux sociétés qui joignent à l'assurance en cas de maladie des tâches de grande portée financière, telles que l'assurance de la vieillesse, l'assurance en cas de décès, ainsi que notamment aux caisses de décès proprement dites. Une caisse d'assurance de la vieillesse bien organisée ne peut absolument pas assurer une rente d'âge à des membres de 40 à 50 ans, qui n'ont plus que quelques années de primes à payer, au même prix qu'à des candidats
de 20 ans ; elle doit exiger que les nouveaux membres âgés de 40 ans paient jusqu'à l'âge où ils auront droit de jouissance une contribution telle (intérêts compris) qu'elle puisse subvenir aux rentes à délivrer plus tard à cette classe d'âge. De môme, une caisse de décès bien organisée doit, à l'instar des sociétés d'assurance sur la vie, viser à ce que les primes (intérêts compris) des membres entrant à un âge déterminé, correspondent à l'indemnité de décès

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à payer au même groupe de contribuables ; en outre elle devra exiger un certificat de santé. A l'augmentation des primes on peut aussi substituer une somme ronde à payer comme finance d'admission pour combler le découvert. Si la Confédération devait se charger de la surveillance des caisses de ce genre, non seulement elle ne pourrait les dispenser de calculer rationnellement de cette manière, mais bien plus, elle devrait exiger que là où cela ne se pratique pas encore, les prestations des assurés fussent mises d'accord avec celles de la caisse.

Entre les caisses de décès et d'âge ainsi rationnellement organisées, le droit de libre circulation n'aurait pas besoin d'être introduit de par l'autorité ; il y existe déjà en tant qu'il est fondé sur les circonstances. La caisse de décès dit au candidat bien portant âgé de 45 ans, et forcé par les circonstances de passer d'une autre caisse à elle : Ou bien vous payerez la prime annuelle que nous devons exiger de ceux de nos membres qui sont âgés de 45 ans, ou bien vous ne payerez que celle que nous payent les membres entrés dans notre société a l'âge de 30 ans ; mais dans ce dernier cas vous verserez comme finance de réception la somme que ces membres de 30 ans ont accumulée à titre de réserve. Ce candidat a droit à la même somme, au moins approximativement (en supposant la même somme d'assurance), de la part de la caisse à laquelle il contribuait antérieurement dès l'âge de 30 ans, à titre d'indemnité de sortie, s'il est forcé à cette dernière par des circonstances majeures. Tout autre droit de cité ou de libre circulation que celui-ci, qui repose sur des raisons techniques, serait dénué de fondement.

Ce genre de droit de libre circulation serait sans doute aussi applicable ans caisses de secours en cas de maladie, si ces caisses calculaient leurs primes d'après les principes techniques et, si au lieu d'employer les économies effectuées sur les jeunes membres en faveur d'autres membres plus âgés, elles en formaient une réserve qui, tant que les membres continuent à contribuer à la caisse, servirait à combler le risque de l'âge avancé, et en cas de départ des membres, permettrait de leur délivrer des indemnités de sortie, grâce auxquelles ils pourraient payer la finance de réception à une autre caisse.

II. Les caisses de pensions des chemins de fer.

Nos compagnies suisses de chemins de fer possèdent des caisses dites de secours. Tantôt ils ont une, le plus souvent deux, exceptionnellement trois de ces caisses, destinées à assister les employés

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qui ont encouru un accident ou contracté une maladie, à desservir des retraites à des fonctionnaires ou employés âgés et à payer après leur mort une pension à leurs veuves et à leurs enfants. Dans la règle, les caisses de pensions que notre postulat a en vue prennent soin des fonctionnaires et employés proprement dits, tandis que pour les ouvriers il n'existe que des caisses de secours en cas de maladie, qui n'accordent pas de pensions continues, et par conséquent n'entrent pas ici en ligne de compte.

1. Passons maintenant aux deux réquisitions de notre postulat qui concernent les caisses de pensions des chemins de fer.

Par esprit de suite nous nous permettrons de traiter en première ligne la seconde de ces propositions, dans laquelle il est question d'appliquer le principe de la libre circulation, dont nous venons de vous entretenir, aux caisses de pensions des chemins de fer : « . . . . les agents qui passent du service d'une compagnie à l'autre conservent les avantages résultant de leur participation à la caisse de secours et de leurs années de service.» Examinons en premier lieu la signification pratique de cette exigence vis-à-vis des dispositions existantes des statuts des caisses de pensions en question. Ces dernières assimilent d'abord, quant au chiffre de la prime à payer, tous les membres entrant avant les 30 ans révolus (quelques statuts même tous ceux qui entrent jusqu'à leur 35me ou 40me année) aux membres entrés à un âge moins avancé; quelques caisses exigent des membres qui se présentent après la 30me ou la 35me année révolue le versement de toutes les primes qu'ils auraient dû payer dès cette année-là. A partir des 40 ans révolus, la caisse de pensions ne reçoit en règle générale plus de membres (vu le peu de probabilité que les versements complémentaires soient effectués) ; les candidats de santé incertaine sont mêmes exclus avant leur 40me année. Le chiffre de la pension allouée à l'employé hors de service, ainsi qu'à sa veuve et à ses enfants, est fixée d'après les années de service.

La Confédération peut-elle bien exiger que les caisses de pensions des chemins de fer se départent, dans l'admission de nouveaux membres, dans une mesure encore plus large que jusqu'ici, des prescriptions de la technique des assurances, d'après laquelle les primes à percevoir, intérêts compris,
doivent équilibrer les pensions à desservir plus tard aux membres de la même classe d'âge? La libre circulation prise dans ce sens ne peut, nous l'avons dit, être obtenue que par une graduation des primes d'après l'âge d'entrée ou, si l'on ne veut pas élever les primes pour les membres entrant à un certain âge, par un versement complémentaire à titre de finance de

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réception. Dans ce sens la Confédération ne peut exiger aucun adoucissement des conditions A'admission.

Ce n'est pas non plus ce que notre postulat exige à proprement parler; sa signification veut plutôt dire que lorsqu'un agent passe du service d'une compagnie à celui d'une autre, le chiffre plus élevé de la prestation exigée par cette dernière compagnie à raison d'un âge d'entrée plus avancé, doit fitre comblé par la première sous la forme ^indemnité de sortie, et qu'il ne devrait pas arriver, comme c'est le cas dans presque toutes les compagnies, qne les membres sortant volontairement encourussent la déchéance de tous les droits dérivant de leurs versements.

La réponse que nos compagnies de chemins de fer (auxquelles notre postulat a été communiqué pour consulter leur manière de voir) ont fait parvenir au département des chemins de fer par la «présidence administrative de la conférence des chemins de fer suisses » ne peut être envisagée comme une réfutation suffisante d'une telle prétention.

La conférence des chemins de fer prétend et prouve ensuite par des chiffres que, ensuite des dispositions très diverses des statuts des caisses de pensions, les droits qui en dérivent par exemple pour un fonctionnaire devenu invalide dans la première année de service, vis-à-vis de la compagnie, sont si disparates, qu'on ne pourrait accorder un droit de libre circulation d'une ligne à une autre, qui ne tiendrait aucun compte de ces différences. D'accord! Mais s'ensuit-il qu'il ne doive être servi aucune indemnité de sortie?

La conférence des chemins de fer prétend en outre que le dédommagement accordé aux agents qui passent au service d'une autre ligne placerait ceux-ci dans une position plus avantageuse que ceux qui quittent le service des chemins de fer pour embrasser une autre carrière. Ils s'ensuivrait seulement que tous les employés sortants ont droit à une indemnité de sortie.

La conférence précitée prétend finalement que l'agent qui passe à une autre ligne ne renoncerait pas à ses droits si, en dépit de cette perte, il ne préférait sa nouvelle position par des motifs quelconques. Les employés auxquels cela s'applique pourraient répliquer dans bien des cas qu'ils n'ont pas été engagés à changer de service par l'espoir d'une compensation au moyen d'avantages matériels, mais par des circonstances
forcées personnelles ou de famille et dont une compagnie de chemins de fer vis-à-vis de laquelle ils ont accompli leur devoir ne devrait pas tirer profit.

La circonstance que fait ressortir la conférence des chemins de fer, que ces mutations de service sont rares, ne serait pas non plus

681 une raison contre le payement d'âne indemnité de sortie, mais plutôt une raison en sa faveur.

Nous croyons cependant que si notre postulat avait demandé positivement le payement d'une indemnité de sortie aux employés qui quittent le service volontairement, les compagnies de chemins de fer n'auraient pas été en peine dans les circonstances actuelles de trouver des arguments très péremptoires pour s'opposer à une telle exigence.

Les compagnies de chemins de fer pourraient avec raison se prévaloir de ce que la disposition introduite dès le principe dans les statuts de leurs caisses de pensions, d'après laquelle les membres sortant volontairement se désistent de tous leurs droits sur leurs versements, est une clause du contrat d'engagement établie dans l'intérêt du service continu de la ligne, adoptée par tous les employés, et dont la suppression ne pourrait être exigée que si les caisses de secours justifiaient d'un excédant de recettes. Or, les expériences acquises par toutes les caisses de pensions des chemins de fer qui fonctionnent depuis longtemps ont démontré que les primes ont été calculées dans le principe à un chiffre trop bas et que malgré les augmentations postérieures le déficit qui en est résulté n'a pu être comblé, que par conséquent toute extension des droits des membres exigerait une augmentation ultérieure des primes.

Sans doute, si la prime de nos caisses de pensions de chemins de fer avait été calculée dès le principe d'après les vrais procédés techniques de manière à ce que la caisse disposât d'un capital de réserve pour chaque membre sortant, la demande de payement d'une indemnité de sortie serait alors fondée et le droit de libre circulation requis par notre postulat serait alors possible par le fait même de l'organisation de ces caisses. Mais non seulement tel n'est pas le cas pour le présent, mais même, vu la marche que suit la reconstitution de ces caisses, on ne peut encore pour le moment viser au payement d'une telle indemnité de sortie aux membres sortant volontairement, attendu que la réalisation des ressources qui permettraient d'accomplir les prestations promises par les statuts mettent en réquisition dans une mesure extraordinaire les finances des membres et des compagnies de chemins de fer. Les enquêtes techniques qui ont eu lieu ces dernières aunées^sur les
différentes caisses de pensions de fondation plus ancienne ont démontré que les prestations promises par elles à leurs membres actuels dépasseraient d'un ou de plusieurs millions les ressources disponibles et celles sur lesquelles on pourrait compter d'après les mêmes statuts. D'après ce qui précède nous sommes en droit de supposer que chez les Feuille fédérale 'suisse. Année XL,

Vol. IV.

49

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antres caisses de pensions, qui n'ont pas encore été soumises à une enquête, les mômes causes produiront aussi des disproportions analogues entre l'actif et le passif.

Dans de telles circonstances nous avons lieu en première ligne de nous féliciter, si nous pouvons arriver à ce que les caisses de secours au moins soient en état de tenir ce qu'elles ont promis.

A cette occasion nous pouvons du reste rappeler à votre mémoire qu'il existe aussi des caisses cantonales et obligatoires de pensions pour les fonctionnaires et employés de différentes professions, qui ne payent pas de remboursement aux membres sortants pour les contributions versées. Mais cela ne signifie pas du tout que, dans les circonstances existantes, aucun employé n'ait droit à une indemnité de sortie. Cette question devra être décidée pour chaque caisse d'après le droit et l'équité, et pour ce qui est des nouvelles caisses à créer et des nouveaux statuts à établir, il va de soi que pour l'avenir ces droits devront être fixés et assurés d'une manière conforme aux circo astances.

2. Notre postulat invite en outre le conseil fédéral à examiner la question de savoir si la Confédération ne peut pas obtenir que les caisses de secours des compagnies de chemins de fer soient organisées de telle manière : «qu'en cas de changement du propriétaire d'une ligne ou de celui qui l'exploite, les droits résultant pour le personnel de sa participation à la caisse de secours et de ses années de service soient sauvegardés. » Bien que, d'après les rapports qui nous sont parvenus de la part des compagnies de chemins de fer, le cas ne semble pas s'être présenté que, lors du changement de propriété ou d'exploitation de lignes ou de tronçons suisses, les fonctionnaires ou les employés aient été par là lésés dans leurs droits, une garantie contre une telle éventualité n'en est pas moins désirable.

Sous date du 5 août 1887 la «présidence administrative de la conférence des chemins de fer suisses», citée plus haut, nous écrit cependant au sujet de ce postulat, au nom des compagnies suisses, ce qui suit: «Pour ce qui regarde le chiffre 1, concernant la question de savoir si l'on peut arriver à obtenir des prescriptions par lesquelles, en cas de changement de propriétaire d'une ligne ou do celui qui l'exploite, les droits du personnel à la caisse de secours
soient sauvegardés, nous sommes forcés d'y répondre négativement. La solution de cette question dépend, cas échéant, d'une entente entre les parties contractantes, et comme l'acquéreur soit acheteur éventuel d'une

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ligne ou d'un tronçon est pour nous un terme inconnu, nous ne sommes pas dans le cas de lui prescrire la moindre des choses ou de formuler une supposition quelconque sur ses intentions. Le passage d'une ligne en la propriété d'une tierce personne peut se concevoir sous la supposition que le nouvel acquéreur prenne à sa charge tous les droits et toutes les obligations dépendant de la caisse de secours, dans lequel cas (en admettant la solvabilité de cette dernière) le fonctionnaire qui passe sous un autre régime conservera la même position que sous le vendeur. Mais on peut aussi se représenter que l'acquéreur d'une ligne, que ce soit la Confédération, une compagnie déjà existante ou une compagnie à constituer, se placera sous le point de vue qu'il n'achète qu'à condition d'avoir ses coudées franches quant au licenciement ou au maintien des employés et à l'institution d'une nouvelle caisse de secours, et de n'être pas grevé des obligations quelconques inhérentes à la caisse de secours, tandis que par contre le fonds accumulé resterait au précédent propriétaire. L'acceptation de telles obligations ne sera guère déclinée par ce dernier, pourvu que le mode de cession soit du reste à son gré, et dans ce cas les droits des employés à la caisse de secours devront être sauvegardés par la voie d'une liquidation de la caisse, soit immédiate, soit successive. Pour ce qui concerne le mode d'une telle liquidation, on ne peut rien fixer de positif à l'avance, les circonstances particulières de chaque caisse de secours devant être prises essentiellement en considération. » Les administrations des chemins de fer suisses nous déclarent ainsi par ces lignes que, en cas de changement du propriétaire d'une ligne ou de celui qui l'exploite, les droits résultant pour le personnel de sa participation à la caisse de secours et de ses années de service ne sont pas sauvegardés et ne peuvent pas l'être, premièrement parce que le nouvel acquéreur ou amodiateur ne veut peut-être pas se désister de son droit de libre disposition relativement aux contrats d'engagement et à la caisse de secours existants, puis aussi parce que le propriétaire actuel d'une ligne ne repousserait pas, à cause de la caisse de secours, un contrat de cession, pourvu que « le mode de cession soit du reste à son gré », et que dans ce cas les droits des
employés sur la caisse de secours devront être sauvegardés par la voie d'une liquidation immédiate ou successive, sur le mode de laquelle on ne peut rien fixer de positif a l'avance.

Cette déclaration des compagnies de chemins de fer a de quoi inquiéter ses employés âgés, qui jusqu'ici croyaient avoir pourvu par la caisse de secours aux besoins de l'âge avancé et au cas de décès, et dans cette croyance avaient omis tout autre genre d'assurance.

684

La vente de la ligne qui les emploie peut donc détruire leur perspective pour l'avenir? L'acquéreur de la ligne peut donc décliner la charge de la caisse de secours, et le vendeur peut, au lieu d'insister sur l'acceptation de cette charge, procéder à son gré à la liquidation?

Qu'est-ce qui pourrait, demandons-nous, pousser l'acquéreur à décliner la charge de la caisse de secours et le vendeur à s'y prêter? L'acquéreur qui désire avoir une caisse de secours pour les employés de la ligne à acheter se chargera pourtant dans tous les cas de préférence d'une caisse solvable, fonctionnant déjà, plutôt que d'en fonder une nouvelle ; un acquéreur principiellement opposé à combiner un contrat d'engagement temporaire avec un contrat d'assurance a vie,. peut néanmoins se charger d'une caisse solvable, puis, ou laisser expirer les contrats, ou charger une société privée d'assurance d'en effectuer la liquidation au moyen d'un .contrat de réassurance. Il est vrai qu'avec la caisse de secours il se charge aussi des employés do la ligne, mais à des conditions qui ne 'diffèrent en rien de celles qui existaient précédemment, c'est-à-dire que, malgré la caisse de secours, il peut congédier sans dédommagement ceux qui contreviennent au règlement de service.

C'est pourquoi nous inclinons à ne pas envisager cet engagement limité de l'acquéreur vis-à-vis des employés de la ligne et vis-à-vis de leur caisse de secours comme le principal obstacle à ce qu'ils passent à son service, mais à voir plutôt cet obstacle dans la situation financière des caisses de pensions des chemins de fer.

Mais dans tous les cas, et à cause de cette situation financière, rien n'est plus menaçant pour leurs membres que la liquidation. La liquidation « immédiate » d'une caisse qui ne dispose pas des capitaux de réserve nécessaires, ne peut être que désastreuse pour ses membres; l'indemnité de sortie qu'ils obtiennent dans la liquidation immédiate ne leur permettra guère dans un âge avancé de subvenir dans une société d'assurance aux frais d'assurance plus élevés correspondant à leur âge ; probablement aussi le certificat de bonne santé exigé pour une nouvelle assurance ne pourra-t-il plus être fourni. La « sauvegarde des droits à la caisse de secours par la voie d'une liquidation immédiate» présentera donc l'aspect d'une perte des droits sur
la caisse de secours par la voie d'une liquidation immédiate, voie qui, à notre connaissance, n'était mentionnée jusqu'en 1888 dans les statuts d'aucune caisse de pensions de chemins de fer, tandis qu'au contraire plusieurs statuts se prononcent contre une répartition de la fortune.

Nous avons vu que la situation financière des caisses de pensions des chemins de fer rend impossible le payement d'une indemnité de sortie, et par conséquent la seule forme rationnelle de la

685 libre circulation du personnel des chemins-de fer; nous avons vu en outre que cette même situation financière est l'obstacle principal au transfert d'une caisse de secours à l'acquéreur de la ligne, et qu'enfin, en cas de liquidation résultant de cette difficulté, elle menace d'une atteinte grave les intérêts des assurés. Mais, comme nous le verrons, cette situation financière constitue même sans la vente ou la liquidation de la ligne un danger pour les assurés, et dans tous ces sens le seul remède possible est que la Confédération tranche le mal dans sa racine.

Toutefois ceci ne peut se faire qu'après avoir reconnu la cause du mal et le moyen de le réparer.

L'organisation des caisses de pensions des chemins de fer, qu'on recommandait encore il y a peu d'années à la Confédération comme modèle de l'assurance obligatoire des fonctionnaires, repose-t-elle sur un principe faux?

Nos caisses de pensions des chemins de fer ne sont pas autre chose qu'une imitation d'une organisation étrangère, et avant tout allemande. Mais à quoi en étaient ces caisses .étrangères lorsque nous les avons prises pour modèles, c'est ce que nous dit une publication sortie à cette époque-là de la plume d'un technicien allemand en matière d'assurance (Dr Aug. Wiegand: Mathematische Grundlagen für Eisenbahnpensionskassen, 1859.) «Les caisses de pensions des chemins de fer, y est-il dit, manquent actuellement de tout fondement mathématique. Les compagnies ont élaboré des statuts dans lesquels elles ont fixé certains pour cent de pension pour les différents âges de service; pour subvenir à ces prestations elles ont imposé aux employés des contributions de tant pour cent de leur traitement et alloué une somme additionnelle de leur chef sans s'être assurées par le moindre calcul technique si une prestation correspond à l'autre; bref, toutes ces déterminations de sommes d'argent ont été fixées arbitrairement; on est même allé jusqu'à ne tenir aucun compte de l'âge d'entrée ; on n'a pas réfléchi qu'avec l'âge augmente le danger de mortalité et d'incapacité de service, mais on a bien plutôt imposé un employé de 20 ans au môme taux qu'un autre de 40 ans. Puis on a accumulé, il est vrai, des capitaux de réserve, mais sans savoir si ces capitaux font balancer dans le sens technique l'actif et le passif de l'institution.

Sur toutes
ces questions aucune de ces caisses n'a une opinion même approximative ; l'une a copié les statuts de l'autre et cru que ce qui convenait à cette autre lui convenait aussi. » C'est ce qui nous est aussi arrivé. Suivant l'exemple donné par d'autres, les compagnies ont institué pour leur personnel des caisses obligatoires, qui assuraient aux employés, pour le cas d'invalidité,

686

et, pour le cas de leur décès, à leurs veuves et à leurs orphelins, de modiques pensions. En revanche, on a prélevé sur le traitement de ces employés une retenue moyenne de 2'/2 ou même de 2 °/0 seulement, à laquelle la compagnie ajoutait un subside annuel, ou même ne le faisait pas ; la caisse était en outre alimentée par quelques recettes accidentelles, telles que amendes, produit de la vente d'objets trouvés et non réclamés, etc. Pendant un certain nombre d'années la chose allait fort bien; le bilan annuel pouvait justifier d'un fonds toujours croissant, que l'on considérait comme réserve économisée, comme fondation de bienfaisance, sans se douter que cet actif se trouvait peut-être opposé à un passif encore plus considérable, bien que les statuts admissent la possibilité d'une revision pour le cas où la nécessité de ressources plus importantes se ferait sentir.

Et cette éventualité s'est présentée dans une mesure beaucoup plus large qu'on ne s'en était douté *) ; les revisions de statuts se sont succédées de dizaine en dizaine d'années ; une société qui avait commencé avec une prime moyenne de 2 °/0, l'a déjà élevée pour tous les employés à 5 °/0 ; par contre elle a fait subir une réduction très considérable aux prestations de la caisse, et môme aux rentes des veuves qui jouissaient déjà de la pension, et laisse entrevoir en première ligne d'autres réductions encore, s'il résulte de la prochaine revision de la caisse que l'équilibre financier n'est pas encore rétabli. En même temps, les contributions de la compagnie aux caisses de pensions sont successivement augmentées, un peu tard, il est vrai. Toutes ces mesures sont prises plus ou moins en con*) L'exemple suivant montre dans quelle proportion le nombre des employés pensionnés de ces caisses de secours a successivement augmenté : ni imion

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687

sidération des mémoires que la compagnie s'est fait soumettre par ·des experts.

Un petit nombre de compagnies seulement ont établi l'équilibre entre les recettes et les dépenses d'une manière à peu près suffisante ; les autres s'en remettent à cet égard à l'avenir.

On comprend aisément que, par cette manière de procoder par essais et tâtonnements dans le domaine de l'assurance sur la vie, les employés assurés d'une compagnie de chemins d^e fer supportent des charges inégales. La première génération s'en tire à bon marché, car les charges principales sont rejetées sur l'avenir ; la seconde génération, par contre, qui hérite des obligations de la première, paye pour elle. Les membres entrant maintenant et dans un âge encore peu avancé pourraient se demander si, malgré les forts subsides complémentaires de la compagnie, ils n'obtiendraient pas les mêmes résultats à un prix plus avantageux d'une société privée d'assurance. Mais si précisément ces membres, qui achètent leur assurance assez cher, doivent craindre que lors de la vente de leur ligne leur caisse de secours ne soit dissoute, tandis que cette dernière ne peut subvenir à ses engagements que dans la supposition <îe la continuation de son existence et de la continuation de subsides élevés de la part de la compagnie, alors ils se demanderont, et bien avec raison, s'il n'existe pas de protection pour les membres assurés d'une compagnie de chemins de fer suisses, si la Confédération qui, depuis quelques années, exige même dans ses concessions la fondation de caisses de secours, et qui, dans les dispositions concernant les rachats des concessions, fait la réserve des droits de tierces personnes aux caisses de secours, sera impuissante à procurer aux membres de ces caisses vme situation plus assurée.

La Confédération exerçant, conformément à la loi du 25 juin 1885, la surveillance sur les entreprises privées en matière d'assurance, la voie de redressement la plus- simple semble être celle de soumettre à cette loi les compagnies de chemins de fer qui concluent en Suisse, moyennant une perception de primes, des assurances sur la vie humaine.

Mais par cette manière de procéder nous dépasserions le but.

En mettant sous le régime de cette loi fédérale les caisses de pensions des chemins de fer, on serait tout simplement obligé de leur refuser la
concession d'exploitation et de leur interdire la conclusion de nouveaux contrats d'assurance ; en supprimant l'obligation pour les nouveaux employés, on prononcerait l'extinction de ces caisses, et la prompte diminution des membres payants les entraînerait à ce dont on veut les préserver, à la liquidation..

688

Vu J'organisation de ces caisses de pensions, elles ne correspondraient déjà pas dans leur majorité aux exigences techniquesimposées par la loi fédérale aux sociétés d'assurance sur la vie.

Mais elles ne pourraient non plus suffire sous le rapport de la forme, ni comme sociétés anonymes, ni comme associations mutuelles. Bien que fondées par des sociétés anonymes, elles ne possèdent pas en propre le capital en actions garantissant l'assurance sur la vie que nous exigeons des sociétés d'assurance sur la vie ; elles peuvent encore moins être envisagées comme des associations dans un but d'assurance mutuelle, car nous ne savons pas du tout encore si l'assemblée générale des assurés, qui est encore à créer, voudrait et pourrait se charger, au moyen de statuts indépendants à faire, des prestations nécessaires à une conduite sérieuse des opérations d'assurance.

Mais nous n'avons pas affaire à des entreprises d'assurances, ni en somme à des entreprises de caractère absolument privé, mais à des établissements publics de transports, déjà concessionnés pour un temps déterminé, et qui peuvent même dans certains terme» être rachetés par la Confédération ou les cantons, à des établissements déjà soumis à la surveillance de la Confédération, dont les statuts doivent être présentés à son approbation, et pour lés bilans desquels il a déjà été édicté des dispositions dans le code des obligations et dans une loi spéciale.

Nous pouvons faire valoir pour les caisses de secours des chemins de fer les vrais principes techniques en matière d'assurance sans sortir des limites légales, et sans traiter ces caisses de secours comme quelque chose d'étranger, comme des entreprises particulières qui demandent accueil. Elles existent à notre su et vu et de notre gré, et si nous apercevons des défectuosités dans leur organisation, nous avons à y mettre ordre aussi bien que possible, sans pousser à la liquidation de ces établissements.

Si jusqu'ici nous avons regardé par errelir les fonds des caisses de secours des chemins de fer comme une épargne de réserve pour les cas imprévus, comme un actif suffisant amplement à son but, nous savons aujourd'hui que cet actif se trouve opposé à un passif incontestablement beaucoup plus considérable, et il est mCme possible de calculer ce passif au moyen de statistiques très soignées de
l'invalidité et de la mortalité du personnel des chemins de for, dressées par les compagnies de chemins de fer de l'Allemagne.

C'est ainsi aussi que ce passif aurait dû être calculé et porto au bilan des caisses de pensions et de secours des chemins de fer, conformément aux principes indiqués dans la loi fédérale du 21 décembre 1883 sur la comptabilité des compagnies de chemins de fer

689 et dans la loi fédérale du 20 décembre 1878 concernant les garanties a donner aux caisses de malades, de secours, de dépôt, d'épargne et de pensions des employés des chemins de fer. Cette prescription n'est pas sans doute formulée positivement dans les lois précitées, attendu que le législateur, qui n'était pas orienté dans la matière, n'en a pas entrevu la nécessité. Mais après avoir reconnu l'importance de la chose nous aurons à réparer cet oubli.

Si les bilans publiés par les compagnies de chemins de fer doivent avoir une signification, il ne nous est pas permis de ne pas tenir compte . d'obligations qui représentent des millions. Ou ne pourra guère nous objecter qu'il est complètement au pouvoir des compagnies de chemins de fer de maintenir l'équilibre entre les dépenses courantes et les recettes de ces caisses en élevant à volonté les prestations des assurés et en réduisant de même leurs jouissances au moyen d'une revision des statuts.

Une société d'assurance mutuelle qui s'est chargée, par des statuts fixés d'une manière indépendante, de la responsabilité pleine et entière de l'accomplissement des promesses qui y sont contenues, peut sans doute être tenue de satisfaire à la solidarité dont elle s'est chargée. Ici les assurés n'ont qu'un fragment d'administration propre. Les caisses de secours pour le personnel des chemins de fer sont fondées par les compagnies ; ces dernières ont édicté les premiers statuts, de même que tous les suivants, et ont mis en perspective leur coopération. Les promesses faites aux assurés à titre de partie de leur revenu ne doivent pas être abaissées au chiffre de prestations insuffisantes ; le modique salaire des assurés ne doit pas être réduit arbitrairement par des retenues en faveur de la caisse de secours ; et notamment il ne peut être consenti à ce que le déficit de la caisse de secours soit déchargé sur une autre génération. 11 est temps de mettre terme aux changements continuels des conditions d'assurance, des droits et des devoirs des membres et du manque de précision dans les promesses des 'compagnies.

Il est nécessaire d'établir des statuts basés sur les principes techniques des assurances et qu'on puisse en bonne conscience prescrire comme obligatoire pour les nouveaux membres. Ces derniers doivent en même temps y trouver une garantie de ce que
leurs contributions ne servent pas à combler le déficit existant, mais à acquérir pour eux ou leurs familles des pensions assurées, dont la valeur réelle corresponde au moins à celle de leurs versements et ait même une valeur plus élevée en considération du fait que la compagnie offre en perspective des contributions complémentaires régulières à titre de facilité en faveur de leur assurance. Le chiffre de cette contribution régulière en leur faveur, et non dans le but de combler le déficit existant, doit leur être indiqué.

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La fraction de la contribution complémentaire destinée à combler le déficit devra donc être détachée de la contribution régulière ; on devra pourvoir à combler le déficit au moyen d'autres recettes que les contributions régulières futures, et à cet effet ce déficit devra être fixé.

On ne peut sans doute exiger des compagnies de chemins de fer que le déficit soit calculé sur la base des primes originaires trop faibles des membres, comme si ces primes ne pouvaient pas être augmentées, au moins pour l'avenir, et les pensions quelque peu diminuées. La compagnie doit avoir la latitude d'appliquer immédiatement la détermination des droits et des devoirs qui lui semble équitable pour les nouveaux membres d'après la moyenne d'âge de leur' entrée, aux anciens membres aussi, tout en les tenant encore quittes de ce qu'on avait réclamé d'eux de trop peu jusqu'ici. Les statuts normaux équitables pour les nouveaux membres seront donc appliqués immédiatement aux anciens membres. La somme du chiffre de laquelle, d'après ces statuts, les dépenses futures de la caisse excéderont les recettes futures, constitue le capital de réserve, qui de droit devrait se trouver en caisse. La somme du chiffre de laquelle la fortune existante en caisse reste en dessous du capital de réserve, soit le passif de la caisse, est le déficit, que la compagnie, qui en est l'auteur, a à combler au moyen de contributions extraordinaires.

Ce que l'on doit donc exiger pour étaolir une situation de droit stable, c'est qu'un statut soit établi, tel qu'il peut être exigé équitablement pour les nouveaux membres d'une certaine moyenne d'âge, et qu'on procède d'après ce statut au calcul du déficit et à son amortissement.

Ces statuts sont assez importants pour être soumis à l'approbation du conseil fédéral, à l'instar des statuts des compagnies, qui, d'après l'article 7 de la loi sur les chemins de fer, doivent être soumis à l'approbation de cette autorité. Les comptes et bilans à établir sur leur base sont alors à traiter de la même manièro que les comptes et les bilans principaux.

Si, comme nous avons l'honneur de vous le proposer, la loi fédérale sur la comptabilité des compagnies de chemins de fer est complétée dans ce sens, le sort des caisses de pensions ne sera plus précaire lors du passage d'une ligne à un autre propriétaire, lors même
que ces caisses présenteraient un déficit, attendu que ce dernier devrait être comblé en premier lieu, à l'égal des autres dettes, au moyen du produit de la vente, et que l'acquéreur ne ferait pas de difficultés, et pourrait même être tenu de pourvoir à la liquidation des contrats existants. Mais on n'aurait pas seulement paré

691 à ce seul cas, on aurait même mis un terme à la? situation actuelle et précaire des caisses de pensions, situation qui a été mise en lumière plus haut en traitant ce cas.

La question du dédommagement des employés de chemins de fer qui quittent spontanément ne peut être prise en sérieuse considération que lorsque les caisses de pensions des chemins de fer seront assez fortes pour, remplir leurs engagements actuels. La mise en action de ce postulat dans les circonstances actuelles ne ferait qu'augmenter le déficit et la prime d'assurance à fixer et qu'agrandir les difficultés déjà assez considérables de la réorganisation de ces caisses de pensions.

Dans l'espoir d'avoir satisfait dans notre proposition à la partie la plus importante et la plus urgente du postulat, nous saisissons cette occasion pour vous renouveler, messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 24 novembre 1888.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le vice-président : HAMMER.

Le chancelier de la Confédération: RINQIER.

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Projet.

Loi fédérale contenutili

la comptabilité des caisses de secours des compagnies de chemins de fer.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la

CONFÉDÉBATION SUISSE, vu le message du conseil fédéral du 24 novembre

1888,

décrète :

1. La loi fédérale du 21 décembre 1883 sur la comptabilité des compagnies de chemins de fer reçoit les adjonctions suivantes : Art. 4bl9.

Les statuts ou prescriptions des caisses de secours des compagnies de chemins de fer doivent être soumis à l'approbation du conseil fédéral.

Les statuts ou prescriptions des caisses de secours qui ont en en vue l'assurauce en oas d'invalidité, de vieillesse ou de décès des fonctionnaires ou employés des compagnies de chemins de fer doivent mettre d'une part les prestations de la caisse, et d'autre part les contributions des assurés et de la compagnie de chemins de fer dans une concordance telle que les assurés n'aient pas à supporter des charges inéquitables.

Art. 4ter.

- Les comptes annuels et les bilans des caisses de secours doivent ótre soumis à l'approbation du conseil fédéral, qui veillera à ce qu'ils

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soient établis conformément aux prescriptions de l'article 656 du code des obligations et de l'article 6 de la loi fédérale du 25 juin 1885 concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance.

Les bilans des caisses de secours instituées en vue de l'assurance de l'invalidité, de la vieillesse ou du décès du personnel des chemins de fer .doivent être établis d'après les principes techniques en matière d'assurance au moins tous les cinq ans, et extraordinairement lors du passage de la caisse à un autre propriétaire. Dans les comptes des années écoulées dans l'intervalle, il sera satisfait à la présente loi, si le capital de réserve est augmenté du montant de l'excédant de recettes résultant du compte annuel.

Si le bilan boucle par un déficit, celui-ci tombera à la charge de la compagnie des chemins de fer et devra être pris en considération lors de l'établissement du bilan général de la compagnie.

Le conseil fédéral fixera, après s'être fait soumettre un plan d'amortissement, dans quel terme et au moyen de quels versements ce déficit devra être comblé.

Les excédants de comptes des caisses de secours seront employés -en première ligne à fonder et à augmenter les réserves spéciales qui paraîtraient nécessaires pour combler les déficits possibles, puis aussi en d'autres manières dans l'intérêt des assurés.

Dispositions transitoires.

La disposition 4 reçoit l'adjonction suivante : 4bis. Les statuts et les comptes des caisses de secours des compagnies de chemins de fer, fonctionnant actuellement, devront, au plus tard jusqu'au 1er janvier 1891, être mis en harmonie avec les prescriptions de la présente loi.

2. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 février 1874, concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, d'ordonner la publication de la présente loi et de fixer l'époque de son entrée en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant les sociétés de secours mutuels et particulièrement les caisses de pensions des chemins de fer. (Du 24 novembre 1888.)

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01.12.1888

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