08.074 Message concernant l'initiative populaire «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement» du 29 octobre 2008

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous présentons ci-après le message concernant l'initiative populaire «Contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement». Nous vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 octobre 2008

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-2001

7907

Condensé L'initiative populaire entend soumettre l'autorisation de construire ou d'agrandir les installations portant atteinte à l'environnement ou au paysage à la condition qu'elles répondent à un besoin urgent de la politique nationale de la santé, de la formation, de la protection de la nature ou du paysage et que le développement durable soit assuré.

Le texte de l'initiative, qui mentionne explicitement de nombreuses installations des domaines du sport, des loisirs, de l'approvisionnement et de la transformation ou de l'élimination des déchets, englobe les complexes industriels et artisanaux de même que d'importantes infrastructures nationales. Comme les conditions posées à la réalisation ou à l'agrandissement à l'avenir de ces installations sont formulées de manière très restrictive, l'acceptation de l'initiative équivaudrait dans la majorité des cas à leur interdiction de fait.

L'initiative oblige le législateur fédéral à prévoir l'emplacement et la dimension des implantations visées de manière contraignante pour les propriétaires fonciers. Cette exigence n'est pas seulement une ingérence grave dans les compétences des cantons en matière d'aménagement du territoire, elle viole également le droit de recours garanti par la Convention européenne des droits de l'Homme, car aucun recours ne pourrait être formé contre les décisions du législateur fédéral.

Le Conseil fédéral craint que l'acceptation de l'initiative porte gravement préjudice à la place économique suisse et qu'elle stoppe l'innovation dans de nombreux domaines de la vie privée et publique.

7908

Message 1 1.1

Aspects formels et validité de l'initiative Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement» a la teneur suivante: I La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 75, al. 4 (nouveau) Les implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement telles que les complexes industriels ou artisanaux, les carrières, les aérodromes, les grandes surfaces, les centres d'élimination ou de transformation des déchets, les usines d'incinération, les stations d'épuration, les stades, les centres sportifs ou de loisirs, les parcs d'attraction, les parkings et les places de parc ne peuvent être créées ou agrandies que si elles répondent à un besoin urgent de la politique nationale de la santé, de la formation, de la protection de la nature et du paysage et que le développement durable est assuré. La loi fixe les emplacements et la taille des implantations dans des plans ayant force obligatoire.

4

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau) 8. Disposition transitoire ad art. 75, al. 4 (Implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement) Le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance les dispositions d'exécution nécessaires et les plans si la législation correspondante n'est pas entrée en vigueur deux ans après l'acceptation de l'art. 75, al. 4, par le peuple et les cantons.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 6 juin 20061 et a été déposée le 18 décembre 2007, munie des signatures nécessaires.

1

FF 2006 4989

7909

Par décision du 18 janvier 2008, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti, avec 106 098 signatures valables2.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne souhaite pas lui opposer de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)3, le Conseil fédéral a jusqu'au 18 décembre 2008 pour soumettre au Parlement un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale dispose de 30 mois à compter du dépôt de l'initiative, en l'occurrence jusqu'au 18 juin 2010, pour statuer sur l'initiative.

1.3

Validité

L'initiative est conforme aux conditions de validité figurant à l'art. 139, al. 2 de la Constitution (Cst.)4: ­

elle revêt exclusivement la forme d'un projet rédigé de toutes pièces et respecte par conséquent le principe de l'unité de la forme;

­

il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l'initiative. Le principe de l'unité de la matière est donc également respecté;

­

l'initiative ne viole aucune règle impérative du droit international. Elle remplit donc les exigences dans ce domaine.

L'impossibilité manifeste d'appliquer une initiative dans les faits constitue la seule limite matérielle non écrite à une révision de la Constitution. L'initiative populaire «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement» peut être concrétisée sur le plan juridique et appliquée dans les faits.

Elle est donc valable.

2

Contexte

Le sol est un bien limité et non extensible. Il faut en prendre soin. Le Comité d'initiative estime que le sol suisse est menacé par l'urbanisation débridée; il est d'avis qu'il faut intervenir sans tarder, sous peine de ne plus avoir de paysage non construit dans quelques années, mais un espace urbain de Genève à St. Margrethen.

Ce souci s'exprime dans les initiatives tandem «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement» et «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires», qui ont été déposées simultanément sous le titre «Sauver le sol suisse».

Selon le droit en vigueur, les constructions et les installations qui ont une incidence considérable sur le territoire, l'équipement et l'environnement ne peuvent être réalisées que si les plans d'aménagement nécessaires à cet effet ont été établis. Cette obligation prévue à l'art. 2 de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT)5 permet de garantir que ces constructions et installations ne sont réalisées 2 3 4 5

FF 2008 1001 RS 171.10 RS 101 RS 700

7910

qu'au terme d'une procédure démocratique et d'une pesée des intérêts en présence.

A cet égard, la prise en compte des buts et principes définis aux art. 1 et 3 LAT revêt une importance particulière.

Dans ce contexte, toutes les autorités chargées de l'aménagement du territoire sont en outre tenues de respecter les principes constitutionnels de l'utilisation judicieuse et mesurée du sol et de l'occupation rationnelle du territoire (art. 75 Cst.).

Pour résoudre les problèmes susceptibles de se poser en relation avec des installations portant atteinte à l'environnement, la législation fédérale en vigueur vise l'ampleur de la charge prévisible sur l'environnement et non l'affectation de l'installation en tant que telle. En vertu de l'art. 74 Cst., la Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. Elle veille à prévenir ces atteintes. L'exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons dans la mesure où elle n'est pas réservée à la Confédération par la loi. La loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE)6 règle les installations portant atteinte à l'environnement et assigne à l'autorité décisionnelle en matière de planification, de construction ou de modification de ces installations l'obligation d'examiner le plus tôt possible leur compatibilité avec les dispositions en matière d'environnement (cf. art. 10a LPE). En outre, la législation fédérale relative à la protection de l'environnement précise quelles installations doivent être soumises à une étude de l'impact sur l'environnement7.

La protection du paysage est réglée pour l'essentiel dans la législation sur la protection de la nature et du paysage. En vertu de l'art. 78, al. 1 Cst., la protection de la nature et du paysage relève de la compétence des cantons. Les aspects de la protection du paysage doivent être dûment pris en compte dans la pesée des intérêts à laquelle doivent procéder les autorités lors de la planification ou de l'autorisation de constructions et d'installations.

Les initiatives découlent d'une part de la déclaration d'intention du Conseil fédéral d'abroger la loi du 16 décembre 19838 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (dite Lex Koller)9. D'autre part, les deux initiatives s'inscrivent
dans le contexte de la mondialisation de l'économie, de l'accord bilatéral avec l'UE sur la libre circulation des personnes et de l'immigration qui lui est liée. Enfin, de grandes constructions et installations prévues ou réalisées, comme la mise en zone à bâtir en 2004 de quelque 55 hectares de terrain agricole dans la commune de Galmiz (FR), en vue de l'implantation d'une entreprise biopharmaceutique, ont joué un rôle dans le lancement des initiatives tandem. Ces changements en droit et en fait nourrissent les craintes d'une explosion de la demande de terrain à bâtir et, en conséquence, d'une extension supplémentaire des zones constructibles, qui entraînerait le rapprochement des villes et des villages et affecterait des paysages encore largement préservés.

6 7 8 9

RS 814.01 Ordonnance du 19 octobre 1988 relative à l'étude de l'impact sur l'environnement (OEIE; RS 814.011), en particulier l'annexe.

RS 211.412.41 Cf. le communiqué de presse du 12 janvier 2005; http://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msg-id=789

7911

3

Buts et teneur de l'initiative

3.1

Buts de l'initiative

La présente initiative entend fortement limiter la construction et l'agrandissement d'installations portant atteinte à l'environnement et au paysage. Ces installations ne doivent plus être possibles qu'à des fins tout à fait spécifiques. L'initiative vise également à renforcer la position de Confédération quant aux importantes questions d'aménagement du territoire.

3.2

Teneur de la réglementation proposée

Pour que des installations portant atteinte au paysage et à l'environnement puissent être construites, elles doivent répondre à un besoin de la politique de la santé, de la formation, de la protection de la nature ou du paysage. Ce besoin, démontré à l'échelle nationale, doit être urgent. De plus, le développement durable doit être garanti. Enfin, la loi doit fixer les emplacements et les dimensions de ces installations par le biais de plans ayant force obligatoire pour les autorités et les particuliers.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Le nouvel al. 4 de l'art. 75 Cst. règle les conditions auxquelles la construction ou l'agrandissement d'installations portant atteinte au paysage et à l'environnement peuvent être autorisés. Par installations portant atteinte à l'environnement, il faut comprendre les installations fixes qui ont ou peuvent avoir un impact au sens de la LPE. L'énumération des installations portant atteinte à l'environnement et au paysage n'est pas exhaustive. Les voies de communication telles que les routes et les chemins de fer, les installations de production, de stockage et de transport d'énergie ou les installations militaires en font vraisemblablement partie. Par installations portant atteinte au paysage, il faut comprendre en premier lieu les ouvrages consommant du sol non construit.

Au vu des exemples cités par l'initiative et du contexte de celle-ci, on peut conclure que seules les installations dépassant un certain degré de charge sur l'environnement ou le paysage sont visées. En cas d'acceptation de l'initiative, il incomberait vraisemblablement au législateur fédéral de déterminer les installations non soumises aux nouvelles dispositions.

Parmi les installations portant atteinte au paysage et à l'environnement, selon la volonté des auteurs de l'initiative, seules celles qui répondent à un besoin de la politique nationale de la santé, de la formation, de la protection de la nature ou du paysage pourront encore être autorisées. Ainsi, il est exclu de construire des installations portant atteinte à l'environnement ou au paysage qui ne répondraient, par exemple, qu'à un besoin économique, militaire, touristique ou d'approvisionnement.

L'éventail des installations susceptibles d'être autorisées est encore limité par la condition du besoin urgent et avéré sur le plan national. De ce fait, les installations répondant à un besoin urgent cantonal, régional ou local et celles dont la réalisation semble pouvoir être différée n'entrent pas en ligne de compte.

7912

Enfin, l'initiative exige que le développement durable soit assuré. Aux termes de l'art. 2, al. 2, Cst., la Confédération suisse soutient notamment le développement durable. La notion de développement durable, telle qu'elle est employée dans cette disposition constitutionnelle, ne se rapporte pas seulement à la protection de l'environnement: elle est un principe d'action général de l'Etat, qui vaut aussi pour les politique économique et financière10. En revanche, le développement durable au sens de l'initiative concerne exclusivement l'écologie. L'initiative ne peut ni ne veut poursuivre un développement durable incluant les aspects de la société et de l'économie. Elle interprète le devoir constitutionnel d'encouragement du développement durable de manière unilatérale. Sa formulation, selon laquelle le développement durable «est assuré», n'est pas moins problématique. L'avis prédomine aujourd'hui que le développement durable ne saurait être réalisé comme une condition et qu'on ne peut qu'y tendre. L'objectif est en particulier d'atteindre un équilibre à long terme entre l'environnement, la société et l'économie.

Le libellé de l'initiative ne précise pas si les emplacements et la taille des implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement doivent être déterminés par une loi fédérale ou par les lois cantonales. Le contexte indique toutefois clairement que le législateur fédéral est visé. En effet, l'initiative n'entend admettre que des installations répondent à un besoin urgent à l'échelle nationale. L'existence de ce besoin doit logiquement être déterminée par la Confédération et non par chacun des cantons. La disposition transitoire élimine toute ambiguïté: le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance les dispositions d'exécution et les plans nécessaires si la législation correspondante n'est pas entrée en vigueur deux ans après l'acceptation de la nouvelle disposition constitutionnelle. On ne peut qu'en déduire que le Conseil fédéral serait appelé à agir provisoirement à la place du législateur fédéral. Il n'est pas envisageable qu'il édicte en lieu et place des cantons retardataires leurs lois et leurs plans. Au demeurant, les auteurs ont rappelé à plusieurs reprises que l'initiative vise à renforcer les compétences de la Confédération en matière d'aménagement du territoire.
La détermination des emplacements et de la dimension des implantations n'implique pas qu'une planification directrice contraignante pour les autorités, mais bien une délimitation de zones ayant également force obligatoire pour les particuliers, c'est-àdire contraignante pour les propriétaires fonciers. L'autorité compétente en matière d'aménagement du territoire serait alors le législateur fédéral. A l'instar de ce qui prévaut actuellement pour les plans d'affectation établis par les cantons ou les communes, cette planification des zones d'affectation sur le plan fédéral devrait être précisée au niveau de la parcelle, afin de satisfaire les exigences de l'initiative. Selon l'initiative, la planification est fixée au niveau de la loi.

La disposition transitoire oblige le législateur à légiférer ou à procéder immédiatement à la planification. En effet, le Conseil fédéral doit édicter une réglementation provisoire par voie d'ordonnance au cas où la législation correspondante ne serait pas entrée en vigueur dans un délai de deux ans après l'acceptation de l'initiative.

10

Cf. Expertise de l'Office fédéral de la justice du 29 juin 2000, VPB/JAAC 2001 I, p. 37.

7913

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des buts

L'initiative vise notamment à préserver le paysage et l'environnement d'une destruction et d'une construction sans limites en restreignant radicalement les possibilités de réaliser des implantations qui portent atteinte au paysage et à l'environnement et en transférant à la Confédération la compétence d'établir les plans d'affectation correspondants.

Dans son rapport de 200511, l'Office fédéral du développement territorial montre que les surfaces d'habitat et d'infrastructure ont augmenté de 32 700 hectares au cours des vingt dernières années, ce qui correspond environ à un mètre carré par seconde.

Toutefois, une grande partie de l'augmentation de la surface bâtie n'est pas due aux implantations visées par l'initiative, mais aux habitations. Les seules maisons familiales représentent 32 % de la surface bâtie durant les vingt dernières années. La forte progression du milieu bâti au détriment des terrains agricoles est notamment problématique eu égard au fait que les réserves d'utilisation dans les zones à bâtir actuelles demeurent très importantes12. Or, l'initiative ne se réfère pas aux habitations et elle ne distingue pas non plus la construction ou l'agrandissement d'installations dans des zones déjà classées en zone à bâtir de celles qui requièrent une nouvelle mise en zone. Enfin, elle n'autorise la densification dans le sens d'extension d'installations existantes, par exemple dans une zone industrielle, qu'à des conditions restrictives.

La clause du besoin est formulée de manière unilatérale: seuls les besoins de la politique de la santé, de la formation, de la protection de la nature ou du paysage peuvent justifier une autorisation. Les autres aspects, comme les besoins de la politique de sécurité, de la politique sociale ou de la politique économique ne sont pas pris en compte. L'initiative s'éloigne ainsi d'un aménagement du territoire qui, prenant en considération les besoins légitimes des habitants, des entreprises et des organisations, contribue à gérer et à concilier les intérêts environnementaux, sociaux, culturels et économiques. Par ailleurs, dans ce contexte, on ne sait au juste quelles implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement pourraient bien constituer un besoin (urgent) de protection de la nature ou du paysage.

L'initiative empiète de manière radicale
mais aussi ponctuelle sur la structure fédéraliste de l'aménagement du territoire. Aujourd'hui, l'établissement des plans d'affectation est du ressort des cantons, voire en majeure partie des communes; l'initiative entend transférer à la Confédération une partie de cette compétence, à savoir la planification de l'utilisation du sol pour les installations d'une certaine dimension. Il est vrai que le législateur fédéral règle déjà l'utilisation des territoires en dehors des zones à bâtir. Cette compétence est toutefois fondée sur la séparation fondamentale entre territoire constructible et non constructible. De plus, la Confédération exerce sa compétence par le biais de la loi et de l'ordonnance, soit de manière générale et abstraite, et non pas, comme le demande l'initiative, par une planification de l'affectation des sols définie au niveau de la parcelle.

11 12

Office fédéral du développement territorial, Rapport sur le développement territorial 2005, p. 31.

Office fédéral du développement territorial, Rapport sur le développement territorial 2005, p. 33.

7914

4.2

Conséquences en cas d acceptation

4.2.1

Limitation aux besoins des politiques de la santé ou de la formation, de la protection de la nature ou du paysage

Comme l'initiative subordonne l'autorisation de construire ou d'agrandir des installations portant atteinte au paysage et à l'environnement à un besoin de la politique de la santé, de la formation, de la protection de la nature ou du paysage, son acceptation exclurait une multitude de constructions et d'installations. La construction et l'agrandissement des installations suivantes seraient par exemple interdits: ­

les installations répondant à des besoins touristiques, telles que téléphériques, télésièges et téléskis;

­

les installations d'utilité économique, telles que les installations industrielles et artisanales, les centres commerciaux; les gravières et les carrières;

­

les installations servant à la production et à l'approvisionnement énergétiques, telles que centrales solaires, éoliennes ou hydrauliques, conduites de gaz ou d'électricité à haute tension;

­

les installations militaires;

­

les installations sportives telles que terrains de sport, stades, pistes;.

­

les tronçons ferroviaires ou routiers.

4.2.2

Limitation à des besoins urgents à l'échelle nationale

La limitation supplémentaire à des besoins urgents sur le plan national suisse restreint encore considérablement le nombre d'installations possibles. Ainsi, les installations qui, au bénéfice d'une interprétation généreuse, pourraient encore entrer dans la catégorie «politique de la santé» ou «protection de la nature», ne satisfont souvent qu'à des besoins urgents sur le plan local ou régional; leur construction ou leur agrandissement ne serait donc plus possible. En font par exemple partie: ­

les stations d'épuration des eaux usées d'importance régionale;

­

les hôpitaux régionaux.

Même des installations comme les grandes constructions paravalanches, qui portent atteinte au paysage, ne répondent généralement pas à un besoin national urgent.

7915

4.2.3

Conséquences sur les finances et le personnel de la Confédération et des cantons

L'acceptation de l'initiative affecterait la Confédération sur le plan du personnel et des finances, notamment parce que celle-ci devrait réaliser en très peu de temps (l'initiative parle de deux ans) un plan d'affectation à l'échelle de la Suisse entière pour les installations portant atteinte au paysage et à l'environnement. L'expérience manque s'agissant d'une planification à l'échelle fédérale. Même l'engagement d'un grand nombre de personnes qualifiées ne permettrait pas de tenir les délais fixés. En outre, les cantons devraient investir des ressources humaines considérables dans ce projet, car l'établissement d'un tel plan d'affectation ne serait réalisable que par une étroite coopération entre la Confédération et les cantons. Il n'est pas possible, à l'heure actuelle, d'estimer de manière fiable les coûts d'une mise en oeuvre de l'initiative.

4.2.4

Incidences en matière de droit international et sur les relations entre la Suisse et l'UE

Le mandat, formulé par l'initiative à l'attention du législateur fédéral, de déterminer dans des plans ayant force obligatoire pour les autorités et les particuliers quelles installations portant atteinte au paysage et à l'environnement sont susceptibles d'être autorisées, est problématique, en particulier au regard des voies de droit. En vertu de l'art. 33, al. 2, LAT, une voie de recours au moins doit exister dans les cantons contre les plans d'affectation prévus. Cette disposition correspond à la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle les mesures relevant du droit de la construction et de l'aménagement du territoire, qui ont une incidence directe sur l'exercice des droits du propriétaire de biens fonciers, sont régies par l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)13. Or, aucune voie de droit ne permet de recourir contre les décisions du législateur fédéral. L'initiative contrevient donc à l'art. 6 CEDH. Comme cette disposition ne fait pas partie du droit international impératif, l'initiative ne saurait être déclarée irrecevable; mais elle contrevient au droit international.

Sur le plan juridique, l'acceptation de l'initiative n'affecterait pas directement les relations de la Suisse et de l'UE. Celle-ci pourrait en bénéficier en ce sens que nombre d'entreprises désireuses de se développer transféreraient vraisemblablement leur siège à l'étranger, parce qu'elles n'auraient plus de perspective de croissance dans notre pays.

4.3

Mérites et lacunes de l'initiative

4.3.1

Mérites

L'initiative vise à mettre en évidence des carences dans le développement territorial des dernières décennies. Elle demande notamment, que le principe de développement durable soit mieux respecté. Elle invite à examiner si la répartition traditionnelle des rôles dans l'aménagement du territoire entre la Confédération, les cantons 13

RS 0.101

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et les communes est encore à même de résoudre de manière optimale les problèmes qui se posent ou s'il n'y aurait pas lieu, à tout le moins dans certains domaines, d'étendre la compétence de la Confédération.

4.3.2

Lacunes

Les limitations posées par l'initiative à l'autorisation de construire ou d'agrandir des installations portant atteinte au paysage et à l'environnement sont unilatérales et ne permettraient plus la pesée globale des intérêts. Elles conduiraient à paralyser le développement et l'innovation dans de vastes domaines de la vie publique et privée en Suisse. La progression spatiale des installations serait effectivement arrêtée au profit de paysages intacts. Mais le renouvellement des constructions et des installations dans le sens d'un agrandissement serait également stoppé à l'intérieur des zones constructibles. La place économique suisse ne serait plus concurrentielle en peu de temps. Les investissements seraient réalisés à l'étranger. Le développement du tourisme et du sport en Suisse serait aussi compromis.

Les atteintes de l'initiative à divers principes constitutionnels rendraient son acceptation très problématique:

5

­

Le droit de recours garanti par la Convention européenne des droits de l'Homme serait entamé; ce point entre en contradiction avec l'art. 5, al. 4, Cst. qui oblige la Confédération et les cantons à respecter le droit international;

­

par sa conception unilatérale du développement durable, l'initiative contrevient à l'art. 2 Cst.;

­

l'intervention de l'Etat ne respecterait plus le principe de proportionnalité visé à l'art. 5, al. 2 Cst.;

­

l'initative est en contradiction avec l'art. 29a Cst., qui garantit l'accès au juge;

­

le principe de la liberté économique, prévu à l'art. 94 Cst., serait lui aussi mis à mal; les intérêts de l'économie suisse dans son ensemble ne seraient pas sauvegardés et la sécurité économique de la population serait menacée; l'environnement favorable à l'économie privée, visé à l'al. 3 de cette disposition, serait compromis.

Conclusions

L'initiative n'est pas équilibrée et ne tient aucunement compte des intérêts économiques, sociaux, culturels et de la politique de sécurité. Les conséquences de son acceptation seraient graves pour l'économie suisse. L'initiative porte en outre fortement atteinte à la structure fédéraliste de l'aménagement du territoire, viole le droit international et enfreint diverses dispositions constitutionnelles.

Le Conseil fédéral est d'avis que les mesures proposées ne permettraient pas de réaliser les objectifs visés. La révision à venir de la loi sur l'aménagement du territoire devrait permettre de contenir la dispersion des constructions et de mieux concilier les exigences posées au territoire. Les tâches de la Confédération seront 7917

précisées, dans le respect du principe de subsidiarité, et des améliorations seront proposées dans le domaine des planifications fédérales et des plans directeurs cantonaux14.

Pour toutes les raisons invoquées, l'initiative populaire «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement» doit être rejetée.

14

Message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 2011 (FF 2008 639).

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