08.076 Message concernant la modification de la loi sur les banques (Renforcement de la protection des déposants) du 5 novembre 2008

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne en vous proposant de l'accepter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

5 novembre 2008

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-2626

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Condensé Le 15 octobre 2008, le Conseil fédéral, la Banque nationale suisse (BNS) et la Commission fédérale des banques (CFB) ont décidé de mettre en oeuvre un train de mesures en vue de stabiliser encore davantage le système financier suisse et de renforcer durablement la confiance à l'égard du marché financier suisse. Parmi ces mesures figure l'amélioration de la protection des déposants: à titre de mesure immédiate, il a été décidé de soumettre aux Chambres fédérales, durant la session d'hiver, un message prévoyant notamment un relèvement adéquat du montant des dépôts protégés et de la limite supérieure du système, les décisions prises par les Etats membres de l'UE devant servir de valeurs indicatives.

Le présent message propose cinq mesures immédiates. Premièrement, il y est préconisé de porter à 100 000 francs le montant des dépôts protégés, qui dépasseront ainsi largement la limite minimale récemment relevée dans l'UE. Deuxièmement, les banques seront désormais astreintes à disposer en permanence de créances couvertes en Suisse ou d'autres actifs situés en Suisse, ceci en proportion des dépôts privilégiés de leur clientèle. Les déposants auront ainsi la certitude que leurs dépôts privilégiés sont en sécurité auprès de n'importe quelle banque suisse. La plupart des banques satisfont déjà à cette exigence minimale ou pourront le faire dans un avenir proche. La CFB peut accorder des exceptions dans des cas justifiés. Troisièmement, un paiement immédiat plus substantiel est prévu, pour les dépôts garantis, en fonction des moyens disponibles de la banque connaissant des difficultés. L'autorité de surveillance fixera pour chaque cas le montant du paiement immédiat, qui représentera un multiple des 5000 francs prévus actuellement. Quatrièmement, la limite supérieure du système passera de 4 milliards de francs à 6 milliards. Enfin, les dépôts ouverts auprès de fondations de prévoyance seront privilégiés de façon séparée, en plus des dépôts bancaires déjà garantis aujourd'hui.

Pour atteindre leur but, les mesures proposées doivent avoir effet immédiatement.

De ce fait, il est nécessaire de modifier d'urgence la loi et de limiter la validité de cette modification au 31 décembre 2010. Dans l'intervalle, le législateur aura eu le temps d'inscrire dans le droit ordinaire une protection sensiblement
améliorée des déposants.

Le système actuel de garantie des dépôts ne comporte que des possibilités limitées d'extension, dès lors que son financement intervient a posteriori, autrement dit qu'il n'est mis en place qu'en cas d'insolvabilité d'un institut. Il en résulte de graves inconvénients. Ainsi, les moyens financiers ne sont pas immédiatement disponibles, l'obligation de verser des contributions a posteriori a un effet procyclique et le risque de réaction en chaîne est réel. Le système actuel de protection des déposants n'est pas non plus en mesure de garantir intégralement les dépôts ouverts auprès des plus grandes banques. La limite supérieure du système ne saurait être étendue à volonté, au risque de voir le sauvetage d'une banque en difficulté fragiliser les autres banques. D'où la nécessité, dans l'optique d'une amélioration durable de la protection des épargnants, d'un réexamen approfondi du système. Un tel processus

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est impensable en quelques semaines. Aussi le Conseil fédéral soumettra-t-il, au début de 2009, un projet comportant d'autres mesures visant à garantir la protection des déposants.

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Message 1

Contexte

1.1

Problèmes actuels et mesures prises dans le secteur financier

La situation des marchés financiers mondiaux s'est dégradée de façon parfois dramatique au cours des dernières semaines. Divers pays européens ont dû prendre dans les plus brefs délais des mesures d'urgence afin d'éviter l'effondrement de certains instituts financiers. Il y a eu des interventions étatiques directes. Le Conseil fédéral a lui décidé le 15 octobre 2008, avec la Banque nationale suisse (BNS) et la Commission fédérale des banques (CFB), de mettre en oeuvre un train de mesures en vue de stabiliser encore davantage le système financier et de renforcer durablement la confiance à l'égard du marché financier suisse. Une partie de ces mesures sont réalisables immédiatement pour améliorer la protection des dépôts bancaires. Elles font l'objet du présent message. Un réexamen en profondeur du système de protection des déposants est prévu dans un second temps.

1.2

Protection des déposants en Suisse

La loi du 8 novembre 1934 sur les banques (LB; RS 952.0) prévoit depuis le 1er juillet 2004 des exigences minimales sur la protection des déposants (art. 37a, 37b, 37h et 37i LB). Ces exigences ont été précisées dans des ordonnances (art. 19 et 55 à 59 de l'ordonnance du 17 mai 1972 sur les banques [OB; RS 952.02]; art. 23 de l'ordonnance du 30 juin 2005 sur la faillite bancaire [OFB; RS 952.812.32]).

La protection actuelle des déposants repose sur un système d'autorégulation bancaire inscrit dans la loi. Les banques et les négociants en valeurs mobilières détenant des dépôts garantis (art. 37b et 37h, al. 1, LB) ont créé à cet effet une association au sens des art. 60 ss du code civil (CC; RS 210). Cette association garantit les dépôts effectués par des personnes physiques ou morales auprès de banques ou de négociants en valeurs mobilières autorisés, à hauteur de 30 000 francs au maximum par déposant et à concurrence d'une somme totale de 4 milliards de francs. Le paiement des dépôts protégés dans un délai de trois mois est garanti. Le délai commence à courir au moment où la CFB (FINMA à compter du 1er janvier 2009) ordonne des mesures de protection (par ex. fermeture, sursis, limitation des activités) ou la faillite. La protection suisse des déposants est financée ex post, autrement dit il n'existe pas de fonds alimenté au préalable. Les banques ont pour seule obligation de détenir des liquidités supplémentaires correspondant à la moitié des contributions auxquelles elles sont tenues. Ce n'est qu'après la survenance d'un sinistre que l'association susmentionnée récolte les contributions des banques. En outre, les dépôts garantis ouverts auprès d'une banque sont privilégiés en cas de faillite jusqu'à 30 000 francs par déposant; ils ont donc la priorité sur les autres dépôts lors de la distribution.

Dans la mesure où la garantie des dépôts fournie par les banques sert à financer le paiement desdits dépôts, les créances et autres droits du déposant lui sont transférés.

Indépendamment de l'autorégulation, l'art. 37a LB prévoit que les petits dépôts de 5000 francs au plus doivent être aussitôt payés à partir des moyens de la banque à

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liquider ou à assainir (et donc pas à partir de la garantie des dépôts), pour autant que les actifs liquides disponibles le permettent.

1.3

Protection des déposants à l'étranger

En Europe, la surveillance bancaire est organisée au niveau national. Autrement dit, chaque pays est tenu d'adopter ses propres mesures contre la crise financière. Le 4 octobre 2008, à l'occasion d'une rencontre au sommet, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Italie se sont accordés sur le principe d'une concertation internationale en vue d'aider les banques en difficulté. Le renforcement de la protection des déposants est essentiel dans ce contexte. La limite minimale en vigueur dans l'UE pour la protection des avoirs d'épargne en cas de faillite bancaire s'élevait jusque-là à 20 000 euros par déposant et par institut bancaire. Le 7 octobre 2008, le Conseil des ministres des finances a adopté des mesures supplémentaires au vu de la crise de confiance dont souffrent les marchés financiers. A l'avenir, les dépôts d'épargne effectués par des déposants privés auprès d'une banque devront bénéficier d'une garantie, uniforme à l'échelle de l'UE, d'un montant minimal de 50 000 euros. Le lendemain, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, a sévèrement critiqué la profusion de mesures unilatérales en matière de protection des déposants qui empêchent, à ses yeux, le rétablissement de la confiance sur les marchés. On ignore si l'UE ira au-delà des 50 000 euros susmentionnés. La Commission européenne a livré une proposition (datée du 15 octobre 2008) de modification de la directive européenne relative aux systèmes de garantie des dépôts (94/19/CE), prévoyant le relèvement (par étapes) à 100 000 euros de la couverture des dépôts d'épargne des déposants privés. Aux Etats-Unis, la protection des déposants a été relevée à 250 000 dollars pour tous les déposants.

1.4

Faiblesses de la protection des déposants en Suisse

La protection des déposants répond à des objectifs économiques et sociaux. Elle vise à préserver le système financier et à empêcher toute crise de confiance liée à des retraits massifs (bank run). D'autre part, elle entend donner aux clients de la banque un accès rapide à leur argent, pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins et afin d'éviter, ou du moins d'atténuer, les retombées d'une crise financière sur la vie économique. Un système de garantie des dépôts doit donc: ­

assurer une garantie adéquate mais limitée des dépôts;

­

permettre un remboursement aussi rapide que possible des dépôts protégés;

­

disposer d'un financement adéquat.

Les événements ont mis en évidence les faiblesses du système suisse de garantie des dépôts: ­

Les dépôts garantis par client, d'un montant de 30 000 francs, étaient déjà relativement modestes avant la crise; depuis que de nombreux pays ont relevé leurs limites (allant parfois jusqu'à la totalité des dépôts), la limite actuelle est perçue comme insuffisante et non concurrentielle. D'où le risque que les épargnants retirent leurs avoirs de Suisse pour les placer dans un 7955

pays où les déposants bénéficient d'une meilleure protection. La protection des déposants fausse la concurrence internationale et risque, en période de crise, d'ébranler même les banques en bonne santé.

1

­

Le système n'est pas conçu pour garantir à tous les déposants protégés, en cas de liquidation d'une banque, un accès ininterrompu et permanent à leurs comptes à hauteur du montant protégé. Cet accès n'est pas exclu, mais il dépend de la situation financière de la banque à liquider ou à assainir; la loi prescrit néanmoins un délai de remboursement de trois mois. Le système de garantie des dépôts ne dispose en toute logique pas immédiatement de l'argent nécessaire, parce qu'avant tout paiement aux déposants, il faut réclamer les contributions dues par chaque banque.

­

Les deux points qui précèdent montrent qu'à lui seul, le système suisse de garantie des dépôts n'est pas en mesure d'empêcher une ruée de clients souhaitant récupérer leur avoir (bank run). La limite prévue pour le dépôt garanti par client étant relativement basse, on peut comprendre que les clients soient tentés de retirer la partie de leurs dépôts qui excède cette limite pour la mettre en sécurité. Ils retireraient également leurs valeurs patrimoniales, même la partie garantie, pour échapper à une restriction d'accès temporaire à leurs fonds.

­

Le financement ex post n'est pas satisfaisant. Il présente l'avantage, par rapport au financement ex ante, de ne pas accaparer les moyens financiers des banques. Comme l'a montré le cas Kaupthing, si la collecte effectuée après coup auprès des banques pour obtenir leurs contributions retarde le paiement des dépôts garantis, il est possible d'y remédier par des mesures ciblées. Un système entièrement financé par un régime de contributions a posteriori ne convient toutefois que si des banques connaissent des difficultés ponctuelles, pour des raisons qui leur sont propres et non suite à une crise du système.

Dans ce dernier cas, l'obligation faite aux banques de verser des contributions a posteriori prive le marché de liquidités, ce qui ne fait qu'aggraver le manque général de liquidités typique lors d'une crise. A cet effet procyclique s'ajoute que l'obligation de verser des contributions risque de précipiter encore d'autres banques dans l'insolvabilité (réaction en chaîne).

­

Une autre lacune, évoquée dans la discussion politique, est que les dépôts des preneurs de prévoyance et des assurés des 2e et 3e piliers ne sont pas garantis séparément (cf. 08.3529 Motion Bischof Pirmin Renforcement de la protection des déposants).

­

La limite supérieure du système, fixée à 4 milliards de francs, pose également problème. Avec une telle limite, le système ne permet a priori de surmonter ni l'effondrement simultané de plusieurs banques de moyenne importance («crise systémique»), ni celui de l'une des plus grandes banques.

Les chiffres le montrent clairement: les dépôts protégés dans le système bancaire suisse avoisinaient 193 milliards de francs à la fin du mois de septembre 20081. Huit banques ou groupes bancaires affichaient des dépôts protégés d'un montant supérieur à 5 milliards de francs chacune, et même de 36 milliards de francs pour la plus grande. Trois de ces banques sont toutefois des banques cantonales, dont les dépôts sont entièrement ou partielleDont 13 milliards de francs de petits dépôts de moins de 5000 francs.

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ment garantis par le canton. Même un système de financement ex ante, susceptible de comporter une limite plus élevée, ne permettrait pas de couvrir intégralement les dépôts privilégiés des grandes banques.

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1.5

Enfin, il faut garder à l'esprit que notre système de garantie des dépôts repose sur le privilège en cas de faillite. Les dépôts privilégiés sont toujours honorés avant toutes les autres créances, sur la base des actifs disponibles dans la masse en faillite. En règle générale, seule une avance sur ces dividendes est consentie par le biais de la garantie des dépôts. Au bout du compte, ce sont les autres déposants non privilégiés et les autres créanciers qui font les frais des nouveaux privilèges. En l'occurrence, une extension du privilège en cas de faillite accroîtrait le risque supporté par les déposants non privilégiés, ce qui aurait des conséquences négatives sur le refinancement des banques.

Mesures de correction

Etant donné que les Etats du monde entier relèvent les garanties accordées à leurs dépôts bancaires et que les faiblesses de la protection des déposants en Suisse sont avérées, il est indiscutablement nécessaire que nous agissions. Le présent message propose l'adoption de mesures rapidement réalisables: ­

relever la limite de garantie au niveau européen;

­

prescrire aux banques d'assurer en permanence la couverture des dépôts privilégiés, en dehors de la garantie des dépôts, en principe par des créances couvertes en Suisse ou par d'autres actifs situés en Suisse;

­

prévoir, en dehors de la garantie des dépôts, le paiement immédiat des dépôts privilégiés à concurrence du montant le plus élevé possible, à partir des moyens liquides dont dispose la banque concernée;

­

relever la limite supérieure du système, dans le cadre de ce que peut supporter le système en place de garantie des dépôts;

­

étendre le privilège des dépôts, en plus des autres dépôts privilégiés et indépendamment de ceux-ci, aux dépôts détenus par chacun des preneurs de prévoyance ou des assurés auprès de fondations bancaires et de fondations de libre passage.

Ce train de cinq mesures fait l'objet du présent message. Il tient compte de la nécessité de renforcer immédiatement la protection des dépôts et soulage ainsi grandement la place financière suisse d'un handicap concurrentiel issu de la crise.

Le défaut majeur du système actuel de garantie des dépôts tient à son financement a posteriori. Un tel système n'est pas extensible à volonté, parce qu'un relèvement de ses limites accentuerait tant son effet procyclique que le risque de réaction en chaîne. Il n'est donc pas en mesure de couvrir entièrement les dépôts effectués auprès des plus grandes banques. L'amélioration de la protection des déposants en Suisse nécessite donc de repenser en profondeur le système et, le cas échéant, de le réorganiser ­ en mettant notamment l'accent sur son financement (préfinancement, octroi d'avances, solution d'assurance, etc.). On vérifiera aussi s'il y a lieu de le coordonner, et le cas échéant de quelle manière, avec les systèmes étrangers. Il est

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exclu d'examiner toutes ces questions en quelques semaines. Le Conseil fédéral y consacrera donc un projet au début de 2009.

1.6

Résultat de l'audition

Le présent message a été soumis, lors d'une brève audition, à la Banque nationale suisse (BNS) et à l'Association suisse des banquiers (ASB). La BNS est d'accord avec le projet. L'ASB est également d'accord sur les grandes lignes. Sa seule réserve concerne la nouvelle obligation faite aux banques de disposer en permanence d'actifs à hauteur de 125 % de leurs dépôts privilégiés, sous forme de créances couvertes en Suisse ou d'autres actifs situés en Suisse (ch. 2.2). L'ASB fait valoir que certains types de banques ne pourraient pas faire face à cette obligation. Le Conseil fédéral tient compte de cette réserve en prévoyant un régime d'exception.

2

Modifications proposées

2.1

Privilège en cas de faillite et dépôt garanti

2.1.1

Etat actuel

Les dépôts bancaires en Suisse sont partiellement privilégiés en cas de faillite d'un institut bancaire. En vertu de l'art. 37b, al. 1, LB, les dépôts qui ne sont pas libellés au porteur, y compris les obligations de caisse déposées auprès de la banque au nom du déposant, sont attribués, jusqu'à un montant maximal de 30 000 francs par créancier, à la deuxième classe au sens de l'art. 219, al. 4, LP. Selon les règles du système d'autorégulation, la banque ne peut opérer de compensation, pour cette somme, entre les dépôts garantis et les dettes du déposant (par ex. hypothèques). Le privilège protège ainsi, par exemple, les comptes salaires des PME, mais aussi les dépôts tels que les obligations de caisse, les placements en devises étrangères ou les dépôts d'origine étrangère effectués auprès de comptoirs suisses. En revanche, les dépôts d'autres banques, les créances libellées au porteur, les prétentions en restitution des valeurs déposées (par ex. suite au prêt non couvert de valeurs mobilières, ou securities lending) ou les demandes d'indemnisation ne sont pas couverts; il en va de même pour les dépôts auprès d'établissements étrangers de banques (cf. art. 23 OFB).

Par le privilège en cas de faillite, les déposants n'obtiennent toutefois pas davantage qu'un traitement privilégié de leur créance lors d'une distribution ultérieure de la masse en faillite. Aussi n'y a-t-il ni paiement rapide des dépôts est exclu, ni garantie que, dans la faillite, le déposant récupérera la totalité de son argent si la banque est profondément surendettée (scénario improbable mais pas exclu). La garantie des dépôts prévue à l'art. 37h LB corrige ces lacunes. L'art. 37h, al. 1, LB charge les banques de veiller à garantir auprès de leurs comptoirs suisses les dépôts privilégiés au sens de l'art. 37b et à adhérer à cet effet au système d'autorégulation des banques.

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2.1.2

Proposition de modification (art. 37b, al. 1bis, LB)

Le relèvement du montant maximal des dépôts privilégiés est dicté par l'évolution internationale. La réglementation minimale de l'UE servait jusqu'ici de référence.

Mais, comme indiqué plus haut, l'UE a porté son seuil à 50 000 euros, la question d'un relèvement supplémentaire restant ouverte. Cette limite n'est applicable qu'à la couverture de la clientèle privée des Etats membres de l'UE, alors qu'en Suisse, tous les déposants sont protégés. Un relèvement à 100 000 francs des dépôts privilégiés, et à ce titre garantis en Suisse, paraît indispensable pour ne pas pénaliser les banques face à la concurrence étrangère. La définition plus large des dépôts offre de meilleures conditions que les exigences minimales prévues par l'UE.

Avec un relèvement du montant maximal des dépôts garantis à 80 000 francs (conformément à la limite minimale en vigueur dans l'UE), les dépôts privilégiés de l'ensemble des banques passeraient de 193 milliards de francs à 314 milliards. Avec la limite préconisée ici, soit 100 000 francs, le montant augmente encore, mais à 353 milliards de francs seulement. Autrement dit, le relèvement à 100 000 francs ne grève que légèrement plus le système de garantie des dépôts qu'un relèvement à 80 000 francs. Une comparaison avec le montant total actuel, plafonné à 30 000 francs, montre que les dépôts privilégiés ne doubleraient même pas. Le relèvement du montant maximal des dépôts privilégiés comporte toutefois ­ et c'est le revers de la médaille ­ des inconvénients pour les déposants non privilégiés, puisque la substance restante pour leur désintéressement diminue (d'un montant total de près de 160 milliards). Il faut s'accommoder de ces répercussions négatives, dans l'intérêt de l'amélioration de la protection des déposants qui est prioritaire et répond à un besoin urgent; mais elles limitent clairement toute augmentation ultérieure.

2.2

Garantie des dépôts privilégiés par les actifs de la banque

2.2.1

Etat actuel

La protection des dépôts assurée par les moyens propres de la banque ne fait aujourd'hui l'objet d'aucune prescription particulière, en dehors des dispositions ordinaires en matière de liquidité et de fonds propres.

2.2.2

Proposition de modification (art. 37b, al. 5, LB)

Les banques doivent garantir les dépôts privilégiés de leurs clients et en assurer la couverture complète. A cet effet, elles doivent disposer en permanence d'actifs sous forme de créances couvertes en Suisse ou d'autres actifs situés en Suisse, en vue d'une disponibilité effective en cas de crise. La part des actifs à détenir est fixée à 125 % de tous les dépôts privilégiés de la banque concernée. D'où une marge de sécurité allant au-delà des dépôts privilégiés. La CFB/FINMA doit en outre être habilitée à relever à titre général, ou pour certains types de banques ou modèles commerciaux, la part des dépôts privilégiés devant être garantie par des actifs.

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Une grande partie des banques satisfont déjà à cette exigence minimale. Pour les autres la CFB/FINMA accordera des exceptions. Outre le montant, les exceptions envisageables concernent le genre de moyens à fournir en garantie et leur localisation. En règle générale, il s'agira toutefois d'exceptions temporaires. Pour les catégories de banques qui ne peuvent disposer d'actifs en quantité suffisante en Suisse sans restructurer de fond en comble leurs activités, la CFB/FINMA pourra aussi accorder des exceptions durables. Que l'on pense par exemple à des banques gestionnaires de fortune qui ont placé la plus grande partie de leurs dépôts à l'étranger, mais qui disposent d'une couverture équivalente grâce à une diversification appropriée. Par contre, les succursales de banques étrangères ne doivent pas bénéficier de ces exceptions. En effet, l'expérience a montré que, justement dans de tels cas, il est difficile, voire impossible, de rapatrier les fonds en vertu du droit étranger en matière de faillite.

2.3

Petits dépôts/paiement immédiat

2.3.1

Etat actuel

Les créanciers qui disposent d'un ou plusieurs dépôts bénéficiant en vertu de l'art. 37b d'un privilège dans la faillite et ne dépassant pas 5000 francs au total (mais non les créanciers qui ont des dépôts plus élevés) doivent être désintéressés en vertu de l'art. 37a, al. 1, LB, en dehors de l'état de collocation, et sont ainsi définitivement exclus de la procédure. Ce traitement des petits dépôts enfreint le principe de l'égalité de traitement des créanciers. Mais cette disposition a été justifiée, lors de la dernière révision de la protection des déposants, par le fait qu'elle simplifie considérablement la procédure et permet d'éviter des frais. La CFB/FINMA est habilitée en vertu de l'art. 37a, al. 2, LB à faire passer ce montant à moins de 5000 francs, ce qu'elle fera notamment si les liquidités de la banque ne suffisent pas pour rembourser l'ensemble des petites créances. Les dépôts restants des créanciers qui n'ont pas été désintéressés bénéficient du privilège prévu par l'art. 37b LB.

2.3.2

Proposition de modification (art. 37abis LB)

Le remboursement immédiat d'un montant largement supérieur aux dépôts de moins de 5000 francs aurait été possible même dans une situation aussi délicate que la faillite de la succursale suisse de la banque Kaupthing Luxembourg. Il est en effet fréquent que les banques disposent de liquidités suffisantes pour couvrir davantage que ces petits dépôts. Leurs moyens suffisent souvent à financer, en bonne partie, les dépôts actuellement privilégiés (jusqu'à 30 000 francs). Cette couverture est également présente dans les grandes banques, davantage exposées toutefois au problème de la localisation des actifs à l'étranger (dont le rapatriement en cas de crise est incertain, en raison d'interventions étatiques telles que l'interdiction de paiement ou la mise en place d'un dispositif de ségrégation des avoirs [ring-fencing], cf. le cas du groupe Lehman).

Compte tenu de ce qui précède, il est justifié de ne plus fixer dans la loi le montant des dépôts immédiatement remboursables par les propres moyens de la banque, mais de charger la CFB/FINMA de le déterminer dans le cas d'espèce, compte tenu des actifs liquides effectivement disponibles. Pour cette raison également, il n'est pas 7960

indiqué de prévoir un montant fixe, dès lors que les structures varient d'une banque à l'autre. La flexibilité en la matière est particulièrement importante quand les mesures de protection ont une incidence sur la poursuite (restreinte) de l'activité commerciale et sur les solutions d'assainissement. Lors de la fixation du montant immédiatement remboursable, la CFB/FINMA tient compte des droits des créanciers au sens de l'art. 219 LP, la priorité en l'occurrence étant de distinguer le montant probable revenant aux travailleurs et aux autres créanciers de première classe.

Tous les déposants profiteront désormais du remboursement immédiat à concurrence du montant maximal fixé ­ donc aussi les clients dont l'avoir total dépasse cette limite. Le cas Kaupthing a montré que la distinction actuelle, selon laquelle les uns reçoivent immédiatement de l'argent et les autres doivent attendre le désintéressement basé sur la garantie des dépôts, n'est pas comprise. Ainsi, il a fallu rembourser immédiatement et donc privilégier, des clients qui avaient réduit leurs dépôts à 5000 francs ou moins juste avant l'intervention de la CFB, tandis que les clients dont les dépôts dépassaient 5000 francs n'ont obtenu un remboursement que plus tard, dans le cadre de la garantie des dépôts.

2.4

Limite supérieure du système

2.4.1

Etat actuel

Le système d'autorégulation obligatoire, tel qu'il se présente aujourd'hui, est soumis à l'approbation de la CFB/FINMA (art. 37h, al. 2, LB). L'art. 37h, al. 3, let. a à c, LB prévoit son approbation s'il: a.

permet d'assurer le paiement des dépôts garantis dans un délai de trois mois après l'introduction des mesures prévues à l'art. 26, al. 1, let. e à h, ou après l'ouverture de la procédure de liquidation prévue aux art. 33 à 37g;

b.

limite à 4 milliards de francs au maximum la somme de l'ensemble des contributions dues;

c.

garantit que chaque banque dispose en permanence, en plus du montant de sa liquidité légale, de moyens liquides correspondant à la moitié des contributions auxquelles elle est tenue.

La limite supérieure du système ­ soit le montant maximal pris en charge par le système de garantie des dépôts en cas d'insolvabilité ­, ne peut être fixée de manière arbitraire. Comme le signalait déjà le message relatif à la modification correspondante de la protection des déposants (FF 2002 7476 p. 7519), «pour des raisons d'ordre économique et politique, un système de garantie doit assurer en tout état de cause un niveau de sécurité aussi élevé que possible. La garantie des dépôts ne doit cependant pas compromettre la stabilité du système bancaire. Il s'agit d'exclure que ­ dans une situation économique tendue ­ l'effondrement d'une banque déclenche une réaction en chaîne, soit la ruine d'autres établissements bancaires en raison de l'obligation qu'ont les banques de contribuer à la garantie des dépôts. Si un tel cas devait se produire, la garantie des dépôts aurait non seulement manqué son but, mais provoqué l'effet inverse de ce qui était recherché. Il est toutefois extrêmement difficile de déterminer quelles doivent être les limites de la capacité financière de l'organisme de garantie des dépôt.» De longues discussions avec la Commission des banques, la Banque nationale et l'Association suisse des banquiers avaient alors 7961

amené à penser que la fixation du montant maximal à 4 milliards de francs constituait une solution encore viable qui tenait compte au mieux des intérêts légitimes de tous les acteurs concernés. La limite avait été fixée en sachant que quelques grandes banques disposent de dépôts privilégiés (au sens de l'art. 37b) dont le total dépasse la limite susmentionnée. On était alors parvenu à la conclusion que la couverture de tels dépôts dépassant le montant maximal n'était pas envisageable dans le cadre de l'autorégulation, car elle pourrait entraîner un risque systémique. On s'en était notamment accommodé en sachant qu'aucun pays industrialisé ne connaît un système de garantie des dépôts susceptible d'assurer la disponibilité des dépôts protégés en cas de fermeture d'une grande banque sans apport de liquidités de la part de l'Etat. Il est bien clair aujourd'hui qu'il faudrait envisager dans certains cas des mesures de soutien plus poussées, si une banque essentielle au système financier de notre pays était en proie à de graves difficultés.

2.4.2

Proposition de modification (art. 37h, al. 3, let. bbis, LB)

La garantie des dépôts n'est pas censée couvrir tous les dépôts garantis ouverts en Suisse, mais seulement la différence entre le nouveau montant maximal payable immédiatement à partir des moyens de la banque, fixé sur la base des actifs liquides dont dispose la banque, et le montant maximal des dépôts garantis. De la sorte, le montant de la couverture potentiellement nécessaire n'augmentera pas massivement.

D'où la proposition de relever la limite du système à 6 milliards de francs. Il s'agit d'une hausse modérée qui, même si elle est susceptible de causer des problèmes passagers de liquidités à certaines banques, ne menace pas de manière irresponsable la stabilité du système bancaire au cas où cette somme serait entièrement utilisée. La limite préconisée offre à l'ensemble des dépôts garantis une protection plus étendue en pourcentage que celle qui est prévue dans les systèmes de garantie des autres pays. Par ailleurs, même les systèmes comportant un régime de financement ex ante des fonds ne parviennent à couvrir qu'une fraction de tous les dépôts garantis.

2.5

Dépôts auprès de fondations de prévoyance

2.5.1

Etat actuel

Les dépôts auprès des fondations de prévoyance des banques (fondations bancaires au sens de l'art. 82 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité; LPP; RS 831.40: pilier 3a) et auprès des fondations de libre passage (institutions de libre passage au sens de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage; LFLP; RS 831.42: 2e pilier) ne bénéficient pas d'une protection supplémentaire. Un régime de protection ne leur est accordé que dans la mesure où d'autres avoirs n'atteignent pas déjà le montant maximal des dépôts privilégiés.

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2.5.2

Proposition de modification (art. 37b, al. 4, LB)

Les avoirs auprès de fondations de prévoyance doivent donner droit pour chaque déposant au privilège en cas de faillite, indépendamment des autres dépôts desdits épargnants. Cette mesure permettra de doubler les dépôts privilégiés par client. Au total, la somme de tous les dépôts privilégiés augmentera de moins de 5 %. Tout indique, avec le privilège séparé en cas de faillite dont bénéficie chaque preneur de prévoyance ou assuré ­ et au vu notamment de l'obligation faite aux banques de détenir des actifs à hauteur de 125 % des actifs privilégiés ­, que cet argent sera rapidement accessible aux fondations de prévoyance pour faire face à leurs besoins courants. En revanche il n'est pas nécessaire ­ comme pour les autres dépôts bancaires ­ de mettre immédiatement à disposition des fondations de prévoyance ces dépôts spécifiquement protégés. De même, ces dépôts ne sont pas inclus dans la garantie des dépôts, laquelle vise principalement l'octroi (gratuit) d'avances et donc le paiement rapide des dépôts privilégiés.

Cette adaptation de la loi obligera les instituts à effectuer des adaptations techniques substantielles dans le domaine informatique. Ces adaptations devront être réalisées au premier semestre 2009. L'introduction avec effet immédiat de ce privilège supplémentaire est néanmoins justifiée, puisque par nature celui-ci ne nécessite pas de paiement immédiat. De la sorte, on peut s'accommoder de retards dans la mise en oeuvre sur le plan technique, mais ces retards ne doivent pas mener à différer l'introduction en tant que telle du privilège.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a aucune incidence pour la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Le projet n'a aucune incidence pour les cantons et les communes.

3.3

Conséquences économiques

Le projet améliore sensiblement la protection des déposants en Suisse. Or une meilleure protection des épargnants contribuera à diminuer les transferts à l'étranger des dépôts d'épargne auquel on assiste aujourd'hui et consolidera globalement la place financière suisse.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est pas prévu dans le programme de la législature pour des raisons évidentes.

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5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

La modification proposée de la loi sur les banques se fonde, comme ladite loi, sur l'art. 98 Cst.

Sa durée est limitée au 31 décembre 2010. D'ici là, la protection des déposants devra avoir fait l'objet d'un réexamen approfondi et être inscrite dans le droit permanent.

La modification est déclarée urgente en vertu l'art. 165, al. 1, Cst. L'urgence découle des buts visés par le projet, à savoir stabiliser rapidement le système financier suisse, compte tenu de la crise durable des marchés financiers, et restaurer la confiance à l'égard du marché financier suisse. Toute temporisation compromettrait la réalisation de ces objectifs.

La modification entrera en vigueur le lendemain de son adoption par les Chambres.

Elle est sujette au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, let. b, Cst.

En vertu des règles de la technique législative, les modifications proposées ici apparaîtront dans le recueil systématique du droit fédéral (RS) avec la mention «bis», dès lors qu'elles suspendent provisoirement l'application des dispositions existantes (cf. dispositions transitoires). Par souci de clarté, les dispositions suspendues ne figureront plus dans le RS. Une note de bas de page renverra à l'acte modificateur.

5.2

Rapports avec le droit européen

Les mesures proposées renforcent la protection des déposants en Suisse au-delà des réglementations minimales européennes (cf. ch. 1.3).

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