05.443 Initiative parlementaire Sommaruga Simonetta. Protection civile. Faire appel au personnel de réserve dans les situations d'urgence Rapport de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats du 23 juin 2008

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons nos réflexions relatives à l'engagement éventuel, dans les situations d'urgence, de personnes astreintes à servir dans la protection civile et incorporées dans le personnel de réserve et, partant, à la modification en ce sens de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi). La commission propose de prendre acte du présent rapport et de classer l'initiative Sommaruga Simonetta.

23 juin 2008

Pour la commission: Le président, Hans Altherr

2008-1782

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Condensé L'initiative parlementaire Sommaruga Simonetta (05.443) vise à compléter l'art. 18, al. 2, de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi). Elle prévoit que, dans des situations de catastrophe et d'urgence ainsi que pour les travaux de remise en état qui en résultent, il devra être possible de recourir immédiatement à des personnes astreintes à servir dans la protection civile qui n'ont pas été formées et qui ont été incorporées dans le personnel de réserve, même sans leur faire suivre une instruction de base préalable; ces réservistes auront les mêmes droits et obligations que les personnes ayant suivi une formation. La législation actuelle, telle qu'elle est appliquée, permet uniquement d'engager les personnes astreintes à servir dans la protection civile qui ont suivi une formation.

Si la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats partage l'opinion de l'auteur de l'initiative quant à la mise sur pied de dispositifs d'engagement pragmatiques en cas de catastrophe et de situation d'urgence, elle estime cependant que l'engagement de personnel de réserve non formé ne constitue pas une solution satisfaisante. Elle est convaincue, d'une part, que la réglementation en vigueur confère aux cantons une marge de manoeuvre suffisante et, d'autre part, que des connaissances de base ­ qui présupposent une instruction préliminaire ­ sont absolument nécessaires pour intervenir dans des situations graves. En outre, elle craint que d'aucuns soient tentés, après la mise en oeuvre de ces dispositions, de réaliser des économies en invoquant la modification proposée pour incorporer au personnel de réserve un nombre accru de personnes astreintes non formées, ce qui aurait une influence néfaste sur la crédibilité de la protection civile.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Obligation de servir

Selon l'art. 59 de la Constitution (Cst.)1, les citoyens suisses accomplissent leur service obligatoire dans l'armée (obligation de service militaire) ou, exceptionnellement, sous la forme d'un service civil (obligation de service civil). Les hommes qui ne sont pas aptes au service militaire, mais qui sont aptes à servir dans la protection civile (service de protection civile obligatoire selon l'art. 61 Cst. et l'art. 11 de la loi fédérale du 4 oct. 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile, LPPCi2), sont astreints à la protection civile. Selon la loi de 1994 sur la protection civile3, l'obligation de servir dans la protection civile naissait l'année du 20e anniversaire de la personne astreinte et durait jusqu'à la fin de sa 52e année. La LPPCi du 4 octobre 2002 a réduit la durée de cette obligation en la ramenant à la fin de la quarantième année de la personne astreinte.

1.2

Recrutement

Actuellement, l'armée et la protection civile procèdent à un recrutement commun.

La procédure comprend l'information aux conscrits, une journée d'information puis le recrutement lui-même, qui dure trois jours au maximum et se déroule dans l'un des centres de recrutement instaurés par Armée XXI. Les conscrits ne peuvent pas choisir leur affectation, qui est déterminée en priorité par l'armée.

En 2007, l'armée a recruté 41 741 conscrits; 25 010 d'entre eux (60 %) étaient aptes au service militaire et 7431 (18 %) aptes à la protection civile; 7667 conscrits (18 %) n'étaient aptes ni à l'un, ni à l'autre; 1673 (4 %) ont vu leur recrutement ajourné.

1.3

Besoins en personnel dans la protection civile

Le Plan directeur de la protection de la population du 17 octobre 20014 estimait que, pour la maîtrise des catastrophes et des situations d'urgence, la protection civile avait besoin d'environ 105 000 personnes pour toute la Suisse. A cela s'ajoute un contingent de quelque 15 000 personnes libérées à titre anticipé de l'obligation de servir dans la protection civile au profit d'organisations partenaires (notamment la police, les sapeurs-pompiers et les services de la santé publique, art. 3 LPPCi). Au total, les effectifs de la protection civile s'élèvent donc à environ 120 000 personnes, soit une réduction de près de deux tiers par rapport à Protection civile 95.

Au début 2007, en Suisse, environ 77 687 personnes astreintes à servir dans la protection civile sont incorporées dans le service civil. Ce chiffre devrait se stabiliser 1 2 3 4

RS 101 RS 520.1 RO 1996 1445 FF 2002 1669

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à 83 000 à la suite des régionalisations en cours. Les motifs qui poussent les cantons à limiter les effectifs de la protection civile par rapport aux chiffres cités dans le Plan directeur de la protection de la population (­21 %) sont essentiellement d'ordre financier.

1.4

Personnel de réserve

Il ressort du message du 17 octobre 2001 concernant la révision totale de la législation sur la protection civile5 que le Conseil fédéral, en proposant l'art. 18 LPPCi, avait pour objectif d'éviter que l'on instruise des personnes astreintes qui ne participent pas aux interventions. Le message ajoute que, sur le plan de l'organisation, le personnel de réserve permet de gérer avec davantage de souplesse les divers besoins régionaux et cantonaux en effectifs.

Le Parlement a ensuite précisé l'art. 18 en ce sens que les personnes incorporées dans le personnel de réserve ne doivent pas nécessairement suivre une formation et ne peuvent se prévaloir du droit de servir dans la protection civile (délibérations du 4 juin 2002 du Conseil des Etats6). La question de l'engagement, en cas d'urgence, de personnes astreintes incorporées dans le personnel de réserve n'a cependant pas été éclaircie, ce qui laissait place à l'interprétation. L'art. 18 LPPCi permet aux cantons d'incorporer dans le personnel de réserve des personnes astreintes, sans qu'elles doivent suivre une formation. Il ne s'agit donc pas des mêmes «réservistes» que ceux de l'armée, qui ont suivi une formation et se sont acquittés de leur obligation de servir. L'incorporation dans le personnel de réserve permet d'éviter de former inutilement des personnes astreintes dont on n'a pas besoin en cas d'intervention. Les personnes astreintes à la protection civile et incorporées dans le personnel de réserve doivent renforcer la protection civile uniquement dans les conflits armés, c'est-à-dire en cas de montée en puissance. Les personnes astreintes ayant suivi une formation sont incorporées au personnel de réserve dans une mesure restreinte.

Le 7 octobre 2004, le comité directeur de l'Office fédéral de la protection de la population a adopté les commentaires relatifs aux bases légales fédérales régissant l'instruction dans la protection de la population. On peut y lire, à propos de l'art. 18 LPPCi, que si des personnes astreintes à servir dans la protection civile qui ont été incorporées dans le personnel de réserve et qui n'ont donc pas été formées sont «réactivées», elles doivent suivre l'instruction de base conformément à l'art. 33 LPPCi, qui dure de deux à trois semaines. Ainsi, les personnes astreintes qui ont été incorporées sans formation
préalable dans le personnel de réserve ne peuvent pas être convoquées conformément à l'art. 27 LPPCi. Le but est de limiter au maximum les effectifs réglementaires; cependant, il est ainsi exclu a priori d'avoir recours à des personnes astreintes qui n'ont pas suivi de formation. Dans ses commentaires, l'Office fédéral de la protection de la population estime que, en cas de besoin urgent, il convient d'avoir recours à des personnes astreintes ayant suivi une formation et appartenant à des organisations partenaires. En cas de catastrophe, le principe est donc le suivant: les premières à être appelées sont les organisations de protection civile des communes concernées, puis celles des autres communes du canton qui ne 5 6

FF 2002 1607 BO 2002 E 294

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sont pas touchées, et enfin celles des autres cantons. Cette procédure a été confirmée dans une convention de la Conférence des directeurs cantonaux des départements des affaires militaires et de la protection civile (CCMP), datée du 13 mai 2005.

Jusqu'à présent, jamais des réservistes n'ayant pas suivi de formation n'ont été convoqués.

Au 1er janvier 2007, le personnel de réserve comptait 45 000 personnes environ. Ces dernières doivent payer, dès l'âge de vingt ans et jusqu'à trente ans, une taxe d'exemption du service militaire, qui est réduite de 4 % par jour de service accompli chaque année. Sur la demande des cantons, les personnes astreintes peuvent être incorporées directement au personnel de réserve au cours du recrutement, après avoir été affectées à une fonction. En 2006, ce cas s'est produit pour 1277 personnes dans l'ensemble de la Suisse.

2

Grandes lignes du projet

Le projet de modification vise à autoriser le recours, en situation de catastrophe ou d'urgence ainsi que pour des travaux de remise en état, à des personnes astreintes n'ayant pas suivi de formation; ces personnes auraient les mêmes droits et obligations que les personnes astreintes justifiant d'une formation. Cette proposition se fonde sur les expériences de certaines communes, selon lesquelles le recours à des réservistes de la protection civile n'ayant pas suivi de formation s'avère tout à fait souhaitable lorsque les organisations partenaires elles-mêmes sont déjà à pied d'oeuvre et n'ont plus d'effectifs à mettre à la disposition d'autres communes ou cantons. Grâce au projet de modification de l'art. 18 LPPCi, les réservistes qui n'ont pas suivi de formation pourraient eux aussi être appelés rapidement, sans obligation de formation préalable La LPPCi, dont seul l'art. 18, al. 2, sera modifié, se fonde sur l'art. 61 Cst., lequel attribue à la Confédération une compétence générale en matière de protection civile.

Elle peut en particulier légiférer sur l'intervention de la protection civile en cas de catastrophe et dans les situations d'urgence (art. 61, al. 2, Cst.).

Le droit en vigueur prévoit que les réservistes n'ayant pas suivi de formation peuvent aider à maîtriser une catastrophe ou une situation d'urgence uniquement en qualité de volontaires. Sous la direction de la protection civile, ils sont alors assurés conformément à la loi fédérale sur l'assurance militaire (LAM7), comme le prévoit l'art. 29 LPPCi, mais n'ont droit ni à une solde, ni à une allocation pour perte de gain, pas plus qu'à une réduction de la taxe d'exemption de l'obligation de servir. Si l'on faisait appel à des personnes astreintes sans formation pour des tâches effectuées jusqu'à présent par des volontaires, il faudrait compter un coût supplémentaire moyen de 200 francs par jour et par personne, soit 172 francs d'allocation pour perte de gain8, 8 francs de solde9 et environ 20 francs de frais de transport et d'hébergement. Le coût des allocations pour perte de gain serait alors supporté par la Confédération, tandis que les autres frais seraient pris en charge par les cantons. Il s'agirait en outre de régler les questions d'assurance. Enfin, pour pouvoir faire appel rapidement aux personnes astreintes, il faudrait disposer d'un système d'alerte qui per7 8 9

RS 833.1 Montant maximal, sans allocation pour charge d'assistance En moyenne

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mette de les joindre par téléphone, par radiomessageur (pager), etc. Or, à ce jour, la plupart des organisations manquent déjà de moyens financiers pour y relier toutes les personnes justifiant d'une formation, ce qui explique a fortiori que son extension aux personnes non formées ne serait pas prévue.

L'Office fédéral de la protection de la population insiste lui aussi sur le fait que, lorsqu'il s'agit de maîtriser une catastrophe, les personnes astreintes n'ayant pas suivi de formation ne sont pas plus efficaces que les volontaires. A titre d'exemple, après les intempéries d'août 2005, le responsable de la protection civile au sein de l'état-major de conduite du canton de Lucerne a indiqué que le personnel de réserve n'était pas entraîné à faire face à ce genre de situation et qu'une formation de base était indispensable pour garantir une action efficace. En outre, l'Office fédéral de la protection de la population estime que ces intempéries ont montré une fois de plus que de tels volontaires ne manquaient pas dans ce genre de situation: mais, pendant la phase aiguë de l'intervention, ces derniers sont une charge supplémentaire car il faut les diriger et leur fournir équipement, nourriture et hébergement; de plus, leur travail est généralement peu utile comparé à celui des membres de la protection de la population ayant suivi une formation. Par contre, pour les travaux de remise en état qui peuvent être exécutés sans qu'il y ait urgence, les volontaires sont en règle générale les bienvenus. L'Office fédéral de la protection de la population considère que le personnel de réserve est surtout utile dans le cadre de la montée en puissance.

3

Travaux de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-E)

3.1

Travaux de la 1re phase et consultation

La commission s'est penchée sur l'initiative pour la première fois le 3 avril 2006. A l'instar de son auteur, une forte majorité des membres de la CPS-E a relevé qu'il apparaissait nécessaire de compléter la réglementation en vigueur. Beaucoup considéraient notamment que faire appel à des réservistes de la protection civile pouvait s'avérer judicieux, en particulier pour les travaux de déblaiement et de remise en état à moyenne et à plus longue échéance. Le 4 septembre 2006, la commission homologue du Conseil national a décidé à l'unanimité de donner suite à l'initiative, considérant que celle-ci permettrait, d'une part, de réglementer clairement les questions liées à l'octroi des indemnités (solde et perte de gain) et, d'autre part, de clarifier les questions d'assurances pour toutes les personnes participant aux travaux de déblaiement. La commission du Conseil des Etats avait chargé une première fois son secrétariat de rédiger un rapport à ce sujet le 11 septembre 2006, mais elle a dû entretemps examiner s'il n'était pas plus opportun de réaliser les objectifs de l'initiative dans le cadre de la révision partielle de la LPPCi, annoncée par le Conseil fédéral pour 2009. Ayant finalement conclu que non, la commission a confirmé le mandat à son secrétariat le 20 février 2007. Le projet a fait l'objet d'une discussion au sein de la CPS-E le 30 août 2007, date à laquelle il a également été mis au point et approuvé.

La consultation des partis, des cantons et des associations intéressées a eu lieu au quatrième trimestre 2007. Une tendance générale au rejet de l'initiative s'est dégagée: si trois partis (PDC, PEV et UDC) sur les cinq ayant participé à la procédure se sont déclarés favorables au projet, seuls deux cantons (GR et OW) sur 25 l'ont approuvé. Quant aux associations faîtières (milieux économiques, communes, villes, 7006

régions de montagne et autres milieux intéressés), six ont rejeté le projet et deux ont explicitement renoncé à se prononcer. Les principaux arguments invoqués par les opposants sont les lourdes répercussions possibles en matière de dépenses, des craintes en matière de sécurité, la concurrence éventuelle des entreprises privées, certaines réserves au vu des exigences actuelles en matière de qualité et d'efficacité, ainsi que les problèmes pratiques posés par une instruction adéquate, par la remise d'équipement et la convocation des personnes concernées. Rare point positif relevé: beaucoup estiment que les personnes ne justifiant pas de l'instruction ad hoc peuvent, en règle générale, prendre part sans problème aux travaux les plus simples.

3.2

Recommandations

Certes la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats partage toujours l'opinion de l'auteur de l'initiative quant à la mise sur pied de dispositifs d'engagement pragmatiques et efficaces en cas de catastrophe et de situation d'urgence. Elle estime toutefois superflu de légiférer à ce sujet.

A la lumière des résultats de la procédure de consultation, la commission est arrivée à la conclusion qu'il faut absolument disposer de connaissances de base pour intervenir dans des situations graves: une formation préalable apparaît donc indispensable, d'autant plus que les opérations se déroulant durant la phase aiguë qui suit un événement majeur doivent être minutieusement organisées. Elle estime donc peu judicieux de confier à des personnes sans formation des travaux qui devraient être exécutés avec professionnalisme, que ce soit par des détachements de la protection civile dûment formés (mesures prioritaires) ou par des entreprises locales (travaux de remise en état). La commission craint également que ne surviennent des problèmes dus, d'une part, à la collaboration, au sein d'une même équipe, entre les personnes ayant suivi une formation et les autres ainsi que, d'autre part, à l'intervention de réservistes ne disposant pas d'équipement personnel. En outre, après la mise en oeuvre de ces dispositions, d'aucuns pourraient être tentés de réaliser des économies en invoquant la modification proposée pour incorporer au personnel de réserve un nombre accru de personnes astreintes non formées, au risque de nuire gravement à la crédibilité de la protection civile. La commission a également relevé que les effectifs des équipes d'intervention s'étaient révélés plus que suffisants lors des catastrophes de ces dernières années, comme l'ouragan Lothar (1999) ou les intempéries de 2005.

Par ailleurs, la commission considère que la réglementation en vigueur est assez flexible pour répondre aux différents besoins des cantons (en règle générale, les régions rurales requièrent davantage d'effectifs que les régions urbaines, qui disposent en permanence d'un grand nombre de professionnels prêts à intervenir).

Aujourd'hui déjà, les cantons ont toute latitude d'organiser leurs effectifs de protection civile en fonction de leur appréciation des besoins en cas de catastrophe et de situation d'urgence. En outre,
si une catastrophe d'ampleur inédite devait survenir, il serait possible d'appliquer d'abord le droit de nécessité, qui pourrait prévoir de nouvelles possibilités d'engagement pour les réservistes et les volontaires.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats propose de prendre acte du présent rapport et de classer l'initiative Sommaruga Simonetta.

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