07.099 Message concernant la loi sur le Tribunal fédéral des brevets du 7 décembre 2007

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre le projet de loi sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 décembre 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-1762

373

Condensé Le projet de loi sous revue a pour but d'améliorer l'administration de la justice en matière de brevets. Pour ce faire, il est prévu de créer à l'échelon fédéral un tribunal des brevets de première instance ayant compétence exclusive pour connaître des questions de violation et de validité juridique des brevets. La concentration des procédures en matière de brevets auprès d'un tribunal national spécial permet de garantir au niveau national une jurisprudence de qualité concernant les litiges civils en matière de brevets.

Contexte Les litiges relatifs aux brevets sont complexes, car ils se trouvent à la croisée de la technique et du droit. Les juges appelés à statuer sur ces litiges doivent donc posséder des connaissances très pointues. L'émergence de nouvelles technologies (p. ex.

les biotechnologies et les nanotechnologies) les met d'ailleurs sans cesse devant de nouveaux défis.

En raison du faible nombre de procès en matière de brevets, les tribunaux cantonaux compétents en la matière ne sont pas tous en mesure de développer des connaissances spécialisées. Ils ne disposent par conséquent pas tous d'une expérience pratique suffisante en droit des brevets. Il en résulte une discontinuité de la jurisprudence et un manque de sécurité juridique. En raison de leur manque d'expérience, ces tribunaux rendent souvent des jugements insatisfaisants, mais qui ont des incidences économiques considérables en raison de la valeur litigieuse souvent élevée. Par ailleurs, les procès relatifs aux brevets accaparent trop fortement leur personnel.

Contenu du projet de loi Le projet de loi prévoit de créer un tribunal national spécial de première instance qui aura compétence exclusive pour juger les questions de violation et de validité juridique des brevets dans le but de protéger les justiciables dans les litiges de brevets. Le Tribunal fédéral restera compétent en seconde instance.

Le tribunal se composera de juges ayant une formation juridique et de juges ayant une formation technique. Il s'agira de juges suppléants, à l'exception du président et d'un autre membre du tribunal, afin de tenir compte du volume de travail attendu du tribunal.

La mise à disposition de l'infrastructure du Tribunal administratif fédéral favorisera la réalisation de synergies judicieuses et contribuera à contenir les coûts. Lorsqu'un litige le requerra, le tribunal pourra cependant aussi siéger ailleurs, ce qui permettra de garantir la flexibilité nécessaire.

374

Le financement du tribunal spécial sera assuré par le biais des émoluments judiciaires et, subsidiairement, par celui des taxes sur les brevets.

Le droit de procédure suit pour l'essentiel le code de procédure civile suisse. Des dérogations à ces prescriptions permettent de tenir compte des particularités procédurales propres au droit des brevets.

375

Table des matières Condensé

374

Liste des abréviations

378

1 Présentation de l'objet 1.1 Contexte 1.2 Initiative parlementaire 1.3 Nouvelle réglementation proposée 1.4 Justification et appréciation de la solution proposée 1.4.1 Justification 1.4.2 Solutions examinées 1.4.3 Résultats de la procédure de consultation 1.5 Corrélation entre les tâches et les ressources financières 1.6 Droit comparé et rapport avec le droit européen

380 380 381 382 382 382 383 384 386 386

2 Commentaire des articles 2.1 Chapitre 1 Statut 2.2 Chapitre 2 Juges 2.3 Chapitre 3 Organisation et administration 2.4 Chapitre 4 Compétences 2.5 Chapitre 5 Procédure 2.5.1 Section 1 Droit applicable 2.5.2 Section 2 Récusation 2.5.3 Section 3 Représentation des parties 2.5.4 Section 4 Frais et assistance judiciaire 2.5.5 Section 5 Conduite du procès et actes de procédure 2.5.6 Section 6 Preuve; expertise 2.5.7 Section 7 Procédure de décision; avis sur les résultats de l'administration des preuves 2.5.8 Section 8 Procédure et décision d'octroi d'une licence et de modification des conditions d'octroi d'une licence au sens de l'art. 40d LBI 2.5.9 Section 9 Mesures provisionnelles 2.6 Chapitre 6 Dispositions finales

388 388 391 396 400 401 401 402 402 404 405 406

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.3.1 Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat 3.3.2 Autres Conséquences 3.3.3 Appréciation de certaines mesures 3.3.4 Conséquences pour l'économie dans son ensemble 3.3.5 Réglementations possibles 3.3.6 Aspects pratiques de l'exécution

412 412 413 413 413 413 414 414 415 415

4 Liens avec le programme de la législature et le plan financier

415

376

407 408 409 410

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Délégation de compétences législatives

416 416 416 416 416

Loi sur le Tribunal fédéral des brevets (projet)

417

377

Liste des abréviations Accord sur les langues CBE

Accord du 17 octobre 2000 sur l'application de l'art. 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens (Accord sur les langues); FF 2005 3647

Acte de révision CBE

Acte du 29 novembre 2000 portant révision de la Convention du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen); FF 2005 3607

CC

Code civil; RS 210

Code de procédure civile/P-CPC

Code de procédure civile (CPC); Projet du 28 juin 2006; FF 2006 7019

Convention sur le brevet Convention du 5 octobre 1973 sur la délivrance de breeuropéen/CBE vets européens (Convention sur le brevet européen); RS 0.232.142.2 Cst.

Constitution fédérale (Cst.); RS 101

EPLA

Accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens (projet)

IPI

Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle

LDIP

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé; RS 291

Loi sur le Parlement/ LParl

Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl); RS 171.10

Loi sur les avocats/ LLCA

Loi du 23 juin 2000 sur les avocats (LLCA); RS 935.61

Loi sur les brevets/LBI

Loi du 25 juin 1954 sur les brevets (LBI); RS 232.14

Loi sur les conseils en brevets/LCBr

Loi sur les conseils en brevets (LCBr); Projet du 7 décembre 2007; FF 2008 363

LPers

Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers); RS 172.220.1

LTAF

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF); RS 173.32

LTF

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF); RS 173.110

LTPF

Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF); RS 173.71

Message complémentaire Message complémentaire du Conseil fédéral du LBI 1951 28 décembre 1951 à l'Assemblée fédérale concernant le projet de révision de la loi sur les brevets d'invention; FF 1952 I 1 Message LBI 1950

378

Message du Conseil fédéral du 25 avril 1950 à l'Assemblée fédérale concernant la révision de la loi sur les brevets d'invention; FF 1950 I 933

Message LBI 2005

Message du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 concernant la modification de la loi sur les brevets et l'arrêté fédéral portant approbation du Traité sur le droit des brevets et du Règlement d'exécution; FF 2006 1

OMC

Organisation mondiale du commerce ayant son siège à Genève

Ordonnance sur les brevets/OBI

Ordonnance du 19 octobre 1977 sur les brevets (OBI); RS 232.141

Ordonnance sur les juges

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2002 sur les juges; RS 173.711.2

379

Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

La haute technicité du droit des brevets exige des juges connaissant des litiges dans ce domaine de vastes connaissances spécialisées et une grande expérience. Actuellement, 60 % environ de tous les litiges de brevets sont jugés par les tribunaux de commerce d'Aarau, de Berne, de St-Gall et de Zurich. En application des règles de for, il arrive cependant régulièrement que des procès en matière de brevets doivent être intentés devant des tribunaux cantonaux qui ne disposent que de peu d'expérience en droit des brevets. Ce manque d'expérience s'explique par le faible nombre de litiges de brevets en Suisse (30 environ par année), lequel empêche la centralisation des litiges auprès d'une seule instance, bien que la loi oblige les cantons à désigner une seule instance cantonale compétente en la matière. Par conséquent, les connaissances spécialisées requises ne peuvent être développées ou consolidées dans les cantons n'ayant pas de tribunal de commerce, et l'administration de la justice, qui est du ressort de l'Etat, est souvent déléguée à des experts externes. Or les tribunaux inexpérimentés peinent souvent à désigner un expert approprié. Par ailleurs, la délégation de la motivation technique et juridique à un expert qui n'est pas membre du tribunal pose un problème de conformité avec les principes régissant l'Etat de droit. Ce constat d'insuffisances est renforcé par le fait que le Tribunal fédéral, en tant que seconde instance, ne dispose que d'une cognition limitée en ce qui concerne le contrôle des faits, malgré la révision de l'art. 67 de l'organisation judiciaire (OJ)1.

Cette disposition ayant été abrogée à la suite de l'entrée en vigueur de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF), l'appréciation des éléments de fait dans les litiges en matière de brevets ne relève plus que d'une seule instance, qui doit satisfaire à des exigences accrues en termes de compétence matérielle.

La nécessité de disposer d'un tribunal fédéral des brevets se fait sentir depuis le milieu des années 19402. Une commission d'experts mise en place à l'époque par le Département fédéral de justice et police a cependant écarté d'emblée les propositions anticonstitutionnelles ou dont la constitutionnalité semblait douteuse, excluant ainsi toute ingérence dans l'organisation judiciaire cantonale ou dans le droit procédural cantonal,
et la proposition visant à créer une chambre compétente en matière de brevets au sein du Tribunal fédéral avec des juges techniquement spécialisés3.

Seul l'aménagement de la procédure en matière de brevets devant le Tribunal fédéral a en fin de compte été retenu, ce qui a finalement abouti à une révision de l'art. 67 OJ4.

La révision de l'art. 122, al. 2, Cst. et l'inscription du nouvel art. 191a dans la Constitution ayant permis de lever les obstacles constitutionnels, les milieux économiques sont revenus à la charge pour demander la création d'un tribunal fédéral des brevets.

1 2 3 4

380

Organisation judiciaire du 16 décembre 1943; RO 1955 893.

Cf. message LBI 1950, pp. 933, 950 Message complémentaire LBI 1951, p. 20 Message complémentaire LBI 1951, p. 20 s.

Dans son message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale5, le Conseil fédéral a indiqué que l'instauration d'un tribunal fédéral des brevets pourrait être envisagée ultérieurement. La priorité a toutefois été donnée aux développements au niveau international, notamment aux efforts visant à mettre en place une cour européenne des brevets compétente en matière de brevets européens. Or le flou régnant au sein de l'Union européenne (UE) autour de la compétence des Etats membres pour négocier la conclusion d'un accord plurilatéral et les projets visant à créer un brevet communautaire ont jeté une ombre sur les négociations, lesquelles sont pour l'heure au point mort. Sur le plan européen, on n'enregistre donc aucune avancée (cf. ch. 1.6 s'agissant de l'état des débats) de sorte qu'il y a de forts risques que les négociations sur la création d'une cour européenne des brevets n'aboutissent pas de sitôt.

Au vu de ces développements et eu égard aux réactions majoritairement positives à l'avant-projet mis en consultation (cf. ch. 1.4.3), le Conseil fédéral propose la création d'un tribunal fédéral des brevets par le biais du présent projet de loi. Un tribunal fédéral de première instance permet en effet de combler le déficit de réglementation actuel et d'assurer une jurisprudence de qualité sur l'ensemble du territoire suisse dans le domaine des brevets. Il déchargera en outre un grand nombre de cantons d'une matière qui accapare trop fortement les ressources humaines de leurs tribunaux les rares fois où ceux-ci sont saisis d'un litige en matière de brevets. Cela fait longtemps que les milieux économiques appellent ce changement de système de leurs voeux. Le groupe suisse de l'AIPPI (Association Internationale pour la Protection de la Propriété Intellectuelle) et INGRES (Institut für gewerblichen Rechtsschutz), soutenus par economiesuisse, réclament depuis plusieurs années que les litiges en matière de brevets soient centralisés auprès d'une instance nationale unique; ils ont soumis des propositions de réglementation allant dans ce sens à l'Administration fédérale.

1.2

Initiative parlementaire

L'initiative parlementaire déposée le 17 juin 2005 par la députée au Conseil des Etats Helen Leumann-Würsch6 réclame notamment la modification de l'art. 76 LBI pour qu'un tribunal fédéral des brevets soit compétent pour les plaintes civiles et les mesures provisionnelles. La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a donné suite à l'initiative parlementaire lors de sa séance du 24 avril 2006. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a confirmé cette décision à l'unanimité lors de sa séance du 14 septembre 2007. Le présent projet de loi permettant d'atteindre les objectifs visés par l'initiative parlementaire, celle-ci peut être classée conformément à l'art. 113, al. 2, let. a, LParl.

5 6

Message du 28.2.2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4021.

05.418 Iv.pa. Leumann-Würsch Helen: Loi sur les brevets. Réglementer la profession d'agent de brevet et créer un tribunal fédéral des brevets.

381

1.3

Nouvelle réglementation proposée

Le projet de loi prévoit la création d'un tribunal national spécial de première instance, appelé «Tribunal fédéral des brevets», ayant compétence exclusive pour juger les questions de violation et de validité juridique des brevets dans le but de protéger les justiciables dans les litiges en matière de brevets. Ce tribunal remplacera les tribunaux cantonaux qui sont actuellement compétents en la matière. Le Tribunal fédéral restera compétent en seconde instance.

Le tribunal se composera de juges ayant une formation juridique et de juges ayant une formation technique. Cette composition a fait ses preuves dans les tribunaux de commerce. En raison du faible nombre de litiges en matière de brevets ­ 30 environ par année ­ le tribunal sera doté de deux juges ordinaires et de juges suppléants, dont la majorité auront une formation technique. Le recours à des juges suppléants permet de tirer avantage des compétences particulières de personnes issues d'un environnement professionnel qui a trait aux brevets et de réagir avec souplesse à la variabilité du volume de travail. Les dispositions régissant l'organisation et l'administration du tribunal s'inspirent des réglementations équivalentes applicables au Tribunal administratif fédéral et au Tribunal pénal fédéral. Il a cependant été nécessaire de prévoir des dispositions particulières permettant de prendre en considération le volume de travail attendu et la taille du tribunal.

Le droit de procédure suit pour l'essentiel le code de procédure civile (CPC). Des dispositions dérogatoires permettent de tenir compte des particularités procédurales propres au droit des brevets.

Les émoluments judiciaires constitueront la principale source de financement du Tribunal fédéral des brevets. Si celui-ci n'est pas en mesure de couvrir ses frais, il recevra des contributions financières de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) provenant des recettes générées par les taxes sur les brevets. Ce modèle de financement n'aura aucune répercussion sur les finances de la Confédération, ni sur celles des cantons.

La mise à disposition de l'infrastructure du Tribunal administratif fédéral permettra de créer des synergies judicieuses et de contenir les coûts fixes.

1.4

Justification et appréciation de la solution proposée

1.4.1

Justification

En raison de la rapidité de l'évolution technique et de l'émergence de nouvelles technologies, il est essentiel de mettre en oeuvre rapidement les droits conférés par un brevet et d'établir la liberté d'exploitation pour les activités de recherche et de développement futures. Les litiges civils en matière de brevets étant souvent longs, et la jurisprudence très peu unifiée, la protection des brevets et de l'innovation n'est pas suffisamment garantie. Seul un tribunal fédéral spécial précédant le Tribunal fédéral permettra de pallier ces insuffisances de façon satisfaisante et à long terme.

A première vue, le faible nombre de litiges en matière de brevets jugés par année et les coûts fixes d'une telle cour semblent parler en défaveur de son instauration.

Force est pourtant de constater que c'est justement le nombre restreint de cas qui permettra de limiter la taille du tribunal et de contenir ses charges administratives.

Du point de vue économique, il convient en outre de relever que la réglementation 382

proposée déchargera les cantons, qui supportent les coûts du système actuel et que le modèle de financement proposé n'aura pas d'impact financier sur le budget de la Confédération.

Enfin, il faut souligner que l'amélioration sensible de la jurisprudence concernant les litiges en matière de brevets aura certainement pour conséquence une augmentation des cas à moyen et à long termes. Actuellement, les lacunes de l'organisation judiciaire suisse en matière de brevets poussent les parties à se tourner vers des tribunaux étrangers plus professionnels ou à régler le litige par transaction, même lorsqu'une partie suisse est impliquée. La création du Tribunal fédéral des brevets contribuera à rendre la juridiction suisse en matière de brevets plus attractive tant pour les titulaires de brevets suisses que pour les titulaires de brevets des pays voisins limitrophes.

L'existence d'un seul tribunal à l'échelon national, où travailleront des juges qualifiés, assurera une jurisprudence de haut niveau en droit des brevets ­ un droit qui revêt une importance croissante tant pour l'économie que pour la société. La création de ce tribunal présente par conséquent un intérêt considérable pour garantir la mise en oeuvre des moyens de défense des droits de propriété intellectuelle dans le domaine des nouvelles technologies et dans le contexte toujours plus international du droit des brevets et de la réglementation des litiges en la matière.

1.4.2

Solutions examinées

Au lieu de créer un tribunal fédéral des brevets, il aurait été envisageable de maintenir la compétence des tribunaux cantonaux. La révision de la loi sur les brevets a entraîné la modification notamment de l'art. 109 LDIP en vue de favoriser la compétence des tribunaux de commerce cantonaux lors de litiges à caractère international portant sur des droits de propriété intellectuelle.7 A la faveur de cette modification, qui offre au demandeur le choix du for dans les litiges à caractère international également, moins de procès en matière de brevets seront intentés devant des tribunaux disposant de peu d'expérience en droit des brevets. Dans la plupart des cas, il sera en effet possible de fonder la compétence d'un tribunal de commerce, et les tribunaux cantonaux moins expérimentés seront vraisemblablement très peu sollicités. Cette modification ne permet toutefois pas de pallier toutes les insuffisances dans l'administration actuelle de la justice en droit de brevets. Toute médaille a son revers, et le libre choix du for laissé au demandeur peut avoir pour corollaire que ce dernier trouve un intérêt dans l'ajournement d'une procédure judiciaire. Par exemple, une partie qui a lieu de supposer qu'elle sera la cible d'une action en contrefaçon tentera de torpiller la procédure en saisissant un tribunal peu expérimenté d'une action en constatation de la non-existence du droit. La révision de la LDIP accroît ce danger, et offrir la possibilité de choisir d'autres fors ne permet pas de l'éviter, comme on l'a relevé lors de la consultation. Le seul moyen, pour le titulaire d'un droit de protection, de déjouer ce type de stratagème est d'engager suffisamment tôt une action en contrefaçon.

On aurait aussi pu envisager la création d'un tribunal arbitral fédéral. Vu le faible nombre de litiges civils en matière de brevets, cette solution aurait eu l'avantage que le tribunal ne se serait constitué qu'en cas de besoin et que la compétence des juges7

FF 2007 4363

383

arbitres aurait été garantie. Cette option pose cependant des problèmes d'ordre constitutionnel (art. 29a et 30 Cst.), et les frais élevés auraient rendu l'accès à la justice difficile, surtout pour les inventeurs individuels et les petites et moyennes entreprises (PME).

Il aurait également été possible de désigner un tribunal de commerce existant comme tribunal fédéral spécial. Cette solution aurait permis à ce tribunal de se spécialiser dans le traitement des litiges civils en matière de brevets, et elle n'aurait pas nécessité la création de nouvelles structures et ressources. Sa mise en oeuvre pose cependant des problèmes constitutionnels (art. 122 et 191a Cst.); une approche concordataire ne permet pas de garantir une mise en oeuvre efficace des droits de protection sur l'ensemble du territoire suisse tant que tous les cantons n'ont pas adhéré au concordat.

Une quatrième solution, l'instauration d'un tribunal fédéral des brevets sans le rattacher à des structures existantes, aurait permis de combler les déficits actuels de la jurisprudence concernant les litiges civils de brevets. La création de nouvelles infrastructures judiciaires aurait cependant entraîné des frais marginaux élevés et comporté un risque de surdimensionnement.

Une cinquième solution, qu'il convient d'écarter aussi, aurait été de rattacher le Tribunal fédéral des brevets au Tribunal fédéral par la création d'une cinquième chambre. Autorité judiciaire suprême de la Confédération (art. 188, al. 1, Cst.), le Tribunal fédéral n'a pas de chambres de première instance. Il est principalement appelé à vérifier des questions de droit, sans devoir s'occuper de l'établissement des faits, qui prend du temps. Par ailleurs, le rattachement au Tribunal fédéral aurait été contraire à la réforme de la justice, qui visait précisément à décharger la cour suprême. C'est pour cette même raison que l'inscription de l'art. 67 OJ8 dans la loi sur le Tribunal fédéral ­ proposition formulée lors de la consultation ­ n'aurait pas non plus constitué une solution satisfaisante, d'autant moins qu'elle n'aurait pas permis de combler les insuffisances au niveau cantonal.

Enfin, la proposition formulée dans le cadre de la consultation, à savoir de déclarer compétent le Tribunal administratif fédéral, soulève certaines questions. Elle ne tient en effet
pas compte du fait que les problèmes que l'on ambitionne de résoudre par la création du Tribunal fédéral des brevets procèdent de litiges civils en matière de brevets. Eu égard aux différences entre les procédures administrative, d'une part, et civile, de l'autre, et au manque d'expérience des juges du Tribunal administratif fédéral en droit des brevets ­ un sous-domaine du droit civil ­, la compétence du Tribunal administratif fédéral ne saurait combler les lacunes de la jurisprudence dans le domaine des litiges en matière de brevets.

Les solutions examinées ne sont donc pas praticables ou sont dans tous les cas nettement moins avantageuses que la réglementation proposée.

1.4.3

Résultats de la procédure de consultation

Le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur l'avant-projet de loi sur le Tribunal fédéral des brevets le 29 novembre 2006. Celle-ci a pris fin le 30 mars 2007.

8

384

RO 1955 893

L'avant-projet a été approuvépar une nette majorité des entités ayant donné leur avis. 19 cantons, deux partis (PRD, UDC), trois organisations faîtières (economiesuisse, Union patronale suisse, Union suisse des paysans), la majorité des tribunaux, diverses hautes écoles, les milieux spécialisés et des associations industrielles sont favorables à ce que les litiges relevant du droit des brevets soient réglés par un seul tribunal spécialisé et ont réservé globalement un accueil positif à l'avant-projet. A leurs yeux, la réglementation garantit une jurisprudence uniforme de grande qualité et une sécurité juridique, ce qui profite à l'économie et à l'innovation en Suisse. Ils ajoutent que les moyens de défendre les droits de protection font partie intégrante de tout système de brevets efficace et efficient; de plus, la complexité des situations et l'impact économique significatif des brevets exigent une centralisation et une professionnalisation accrues des procédures judiciaires.

Seul le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures, deux partis (PS, PLS), trois tribunaux cantonaux, l'Université de Berne et trois groupements économiques de Suisse romande (Centre patronal, FER, USAM-CVAM) ont rejeté l'avant-projet. Ils craignent un morcellement de la jurisprudence en raison de la création de tribunaux spécialisés, tout en avançant des objections de nature fédéraliste. Ils remettent aussi en question la nécessité, la proportionnalité et l'opportunité de la réglementation proposée.

Voici en résumé les principales objections qui ont été soulevées: ­

Divers participants à la consultation s'interrogent sur la nécessité de créer un tribunal spécial suite à la révision de l'art. 109 LDIP. Pouvoir choisir à l'avenir le for relativise la nécessité de disposer d'un tribunal central, puisque les litiges de brevets se concentreront davantage sur les tribunaux de commerce. Ne s'appliquant pas dans tous les cas, l'art. 109 LDIP ne permet toutefois pas de pallier toutes les insuffisances du système actuel (cf.

ch. 1.4.2).

­

Une autre objection porte sur l'atteinte à la souveraineté des tribunaux cantonaux. Cette ingérence est toutefois modérée et légitime. Le droit des brevets revêt une signification qui dépasse largement les frontières cantonales du fait de sa dimension internationale et de sa technicité ainsi que de la mondialisation des marchés. La très grande majorité des cantons ont d'ailleurs salué la création du Tribunal fédéral des brevets.

­

L'instauration de ce tribunal n'est pas non plus contraire à la réforme de la justice. La procédure devant le Tribunal fédéral des brevets suit le code de procédure civile; elle est donc compatible avec les buts poursuivis par la réforme de la justice, à savoir uniformiser le droit procédural. En même temps, une juridiction centrale permet de raccourcir et de simplifier la procédure puisque les questions de for dans les litiges portant sur les questions de violation et de validité de brevets ne se posent plus. Centraliser les litiges en matière de brevets auprès d'un seul tribunal spécial poursuit donc la même finalité que la réforme de la justice, à savoir soulager le Tribunal fédéral.

­

Une des critiques formulées portait sur l'insuffisance de la charge de travail du futur tribunal. Il a été tenu compte de l'éventualité d'un volume de travail fluctuant, puisque le tribunal sera doté d'une structure souple et peu coûteuse. Il est d'ailleurs probable que l'amélioration de la protection des justi-

385

ciables dans les litiges relevant du droit des brevets se traduise par une hausse du nombre d'affaires à traiter.

­

1.5

D'aucuns, enfin, ont exprimé leur crainte de voir l'instauration du Tribunal fédéral des brevets alimenter les revendications de ceux qui réclament la création d'autres tribunaux spéciaux. Force est pourtant de constater que les conditions justifiant la création du Tribunal fédéral des brevets ne sont pas réunies dans d'autres domaines juridiques. Le droit des brevets est en effet d'une grande complexité puisqu'il est à la croisée de la technique et du droit; du fait de son importance mondiale, il est en outre soumis aux développements internationaux dans ce domaine.

Corrélation entre les tâches et les ressources financières

Le Tribunal fédéral des brevets sera à même de s'autofinancer dans une large mesure du fait des valeurs litigieuses souvent élevées en matière de brevets. Les émoluments judiciaires devront être calculés de sorte à permettre au tribunal de s'autofinancer tout en garantissant aux parties un accès approprié à la justice. Au cas où le Tribunal fédéral des brevets ne serait pas en mesure de couvrir ses frais par le biais des émoluments judiciaires, des contributions financières seraient versées par l'IPI, qui est financièrement autonome. Tout au plus faudrait-il augmenter, à moyen terme, les taxes sur les brevets. Une hausse modérée serait, pour les titulaires de brevets suisses et étrangers, un prix supportable à payer si, en contrepartie, ils pouvaient disposer d'une meilleure jurisprudence au niveau suisse. Compte tenu des recettes générées par les taxes sur les brevets et la bonne situation financière de l'IPI, il n'y a toutefois pas lieu de craindre une hausse des taxes si les conditions générales, qui sont déterminées notamment par le nombre de brevets européens et la clé de répartition de l'Organisation européenne des brevets (OEB), restent inchangées.

1.6

Droit comparé et rapport avec le droit européen

Au niveau européen, seule la Convention sur le brevet européen contient des dispositions unifiées en droit des brevets. Une fois que les brevets européens sont délivrés par l'Office européen des brevets à Munich, il incombe aux Etats membres de veiller à l'application des droits. Cette manière purement nationale de solutionner les litiges contribue inévitablement à la multiplication des contentieux. Si le titulaire d'un brevet européen délivré pour plusieurs Etats entend faire valoir ses droits, il doit introduire plusieurs procédures parallèles ­ pour un seul et même brevet européen et éventuellement contre une seule et unique partie adverse ­, une dans chaque Etat où le droit fondé par le brevet a été violé. Ces démarches sont chères et prennent du temps, mais elles peuvent également provoquer une insécurité juridique, car les tribunaux nationaux parviennent souvent à des solutions divergentes en application de leur propre droit procédural et des règles régissant les dommages-intérêts. Les violations parallèles de brevets donnent par ailleurs souvent lieu à des litiges transfrontaliers et à ce que l'on appelle le forum shopping, qui consiste, pour une partie, à

386

porter le litige devant le tribunal dont elle espère obtenir le jugement le plus avantageux. Cette tendance comporte des risques sérieux pour tout système juridique.

Deux décisions récentes de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) ont contribué à compliquer le problème des litiges multiples. La CJCE a décidé que, sur la base du Règlement (CE) no 44/20019 et des Conventions de Lugano10 et de Bruxelles11, un tribunal n'est pas en droit de porter un jugement concernant la validité de brevets étrangers, que la question soit soulevée par voie d'action ou par voie d'exception.12 De plus, un litige relatif à la contrefaçon d'un brevet européen par différentes entreprises dans différents Etats ne peut être porté devant un seul tribunal, même si ces entreprises appartiennent au même groupe.13 Avec ces décisions, la CJCE a donné un signal clair aux tribunaux qui traitent des litiges de brevets en Europe: seuls les tribunaux nationaux de l'Etat d'enregistrement ou de dépôt peuvent connaître de l'enregistrement ou de la validité de brevets étrangers.

En 1999, l'OEB a décidé de s'attaquer à ce problème. Lors d'une conférence gouvernementale à Paris, ses Etats membres ont chargé un groupe de travail d'élaborer un accord facultatif sur la création d'une cour européenne des brevets compétente pour juger les contentieux concernant les brevets européens selon un droit uniforme et des règles de procédure harmonisées. En quatre ans, ce groupe de travail a mis au point un projet d'accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens (European Patent Litigation Agreement; EPLA) et de statut pour une cour européenne des brevets.14 L'EPLA permettrait la création d'un système judiciaire européen commun, avec un tribunal de première instance et une instance d'appel. Ces juridictions auraient une compétence exclusive en matière d'actions en contrefaçon et en nullité de brevets européens dans les Etats signataires. Le tribunal de première instance serait constitué d'une cour centrale et de plusieurs cours régionales dans les divers Etats. Cette conception décentralisée faciliterait l'accès à la justice. Une cour d'appel commune traiterait en dernière instance les appels contre les décisions du tribunal de première instance.

Il n'a pas été possible de conclure les travaux en raison des efforts
actuels visant la création d'un brevet communautaire et du flou régnant autour de la compétence de négociation au sein de l'UE. La future politique européenne des brevets, en particulier l'institution d'un brevet communautaire, a fait l'objet d'une consultation de la Commission européenne au début de l'été 2006et d'une audition publique. A cette occasion, l'EPLA a recueilli une large adhésion.15 Les premiers avis de la Commission laissaient présager une conclusion rapide de l'EPLA. Or, dans sa communica-

9

10 11 12 13 14 15

Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22.12.2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JOCE L 12 du 16.1.2001, p. 1 Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 16.9.1988; RS 0.275.11.

Convention CEE concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 27.9.1968, JOCE L 285 du 3.10.1989, p. 1 CJCE, aff. C-4/03, GAT / LuK, Rec. 2006, I-6509 CJCE, aff. C-539/03, Roche / Primus, Rec. 2006, I 6535 Les projets peuvent être consultés sur le site de l'Office européen des brevets; http://www.european-patent-office.org/epo/epla/index_f.htm.

Cf. Audition publique sur la future politique des brevets en Europe, http://ec.europa.eu/internal_market/indprop/patent/hearing_fr.htm

387

tion du 3 avril 200716, la Commission a présenté une approche intégrant des éléments de l'EPLA et de la juridiction communautaire qu'elle avait proposée à l'origine. Aujourd'hui, trois projets sont donc en discussion sur le plan européen: la conclusion de l'EPLA, la création d'une juridiction communautaire et le compromis de la Commission visant la mise en place d'un système juridictionnel intégré pour les brevets.

Aucune de ces trois options n'a pour l'heure recueilli de majorité, d'autant moins que seul le projet d'accord sur le règlement des litiges est suffisamment élaboré. Les récents développements au niveau international montrent cependant clairement qu'en créant un tribunal national spécial dans le domaine des brevets, la Suisse se positionne avantageusement sur le plan européen, quelle que soit la tournure des événements. Ainsi, le Tribunal fédéral des brevets constitue non seulement une solution nationale viable en cas d'échec des efforts internationaux ou de création d'une juridiction communautaire, mais aussi une approche qui facilitera l'intégration, à terme, de la Suisse dans le système juridictionnel européen en cas de conclusion de l'EPLA. Enfin, le besoin d'avoir en Suisse une jurisprudence professionnelle et de haute qualité se fait de plus en plus pressant depuis que la CJCE a rendu son jugement sur la compétence des tribunaux nationaux pour statuer sur la validité des brevets.

2

Commentaire des articles

2.1

Chapitre 1

Art. 1

Statut

Principe

L'al. 1 désigne le Tribunal fédéral des brevets comme étant le tribunal de première instance de la Confédération en matière de brevets et crée la base légale pour l'instauration d'un tribunal national spécial qui s'occupe de la protection des justiciables dans les litiges civils en matière de brevets. Le Tribunal fédéral des brevets a la compétence exclusive de juger les questions de violation et de validité juridique des brevets; il remplace les tribunaux cantonaux qui étaient compétents jusqu'à présent (cf. art. 26, al. 1, let. a).

Art. 2

Indépendance

L'art. 2 reformule dans la loi le principe de l'indépendance des autorités judiciaires inscrit à l'art. 191c Cst.

Art. 3

Surveillance

Reprenant la réglementation de l'art. 3, al. 1, LTAF, l'al. 1 prévoit que la surveillance sur la gestion du Tribunal fédéral des brevets incombe au Tribunal fédéral. La surveillance portera principalement sur la direction du tribunal, l'organisation, la liquidation des dossiers ainsi que les questions relatives au personnel et aux finan-

16

388

Cf. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2007/com2007_0165fr01.pdf

ces.17 En tant qu'instance judiciaire suprême, le Tribunal fédéral est mieux placé que l'Assemblée fédérale pour remarquer des anomalies dans la gestion et pour y réagir.

La compétence de l'Assemblée fédérale en tant qu'autorité de haute surveillance (al. 2) découle de l'art. 169, al. 1, Cst. Selon cette disposition, l'Assemblée fédérale exerce la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux, donc sur le Tribunal fédéral des brevets. Elle confie cette tâche aux Commissions de gestion des deux Conseils (art. 26 et 52 s. LParl). Les moyens de la haute surveillance parlementaire sont limités. Une ingérence de l'Assemblée fédérale dans le processus décisionnel serait contraire au principe de l'indépendance de la justice et à celui de la séparation des pouvoirs. Le Parlement exerce déjà cette surveillance sur le Tribunal administratif fédéral, le Tribunal pénal fédéral et le Tribunal fédéral. En tant qu'autorité de haute surveillance, l'Assemblée fédérale devra contrôler en premier lieu comment le Tribunal fédéral exerce sa surveillance et s'il respecte l'autonomie et l'indépendance du Tribunal fédéral des brevets.

Le Tribunal fédéral des brevets devra soumettre chaque année au Tribunal fédéral son projet de budget, ses comptes et son rapport de gestion pour approbation par l'Assemblée fédérale (al. 3) afin de permettre au premier d'exercer la surveillance administrative et à la seconde la haute surveillance.

Art. 4

Financement

Le financement du Tribunal fédéral des brevets est assuré en premier lieu par le biais des émoluments judiciaires (cf. art. 31 et 33). Etant donné que les valeurs litigieuses sont souvent élevées dans les contentieux en matière de brevets, le tribunal sera largement en mesure de s'autofinancer.

Subsidiairement, l'IPI versera des contributions prélevées sur les taxes qu'il perçoit chaque année sur les brevets. Le Conseil fédéral réglera les modalités dans une ordonnance. Financer partiellement le Tribunal fédéral des brevets par les taxes sur les brevets est logique. Ce sont en effet les titulaires des brevets suisses et des brevets européens qui prennent effet en Suisse qui versent les taxes. Le Tribunal fédéral des brevets sera ainsi financé subsidiairement par tous les utilisateurs du système des brevets, lesquels trouvent finalement leur compte dans la création du tribunal et dans le renforcement de la protection des brevets en général. Le cofinancement du tribunal selon le principe de l'utilisateur-payeur a recueilli une large adhésion lors de la consultation. Il convient par ailleurs de relever que les taxes sur les brevets ne sont pas des émoluments au sens classique du terme. En particulier, les annuités versées pour le maintien des brevets ne servent pas uniquement à rétribuer des actes administratifs, mais doivent être affectées à l'accomplissement de tâches publiques générales en relation avec le droit de la propriété intellectuelle, au nombre desquelles figurent le développement des systèmes national et international des brevets, mais aussi l'amélioration de la protection des justiciables dans les litiges en matière de brevets. L'indépendance institutionnelle du Tribunal fédéral des brevets n'est pas remise en question par le versement de contributions par l'IPI. Ce mécanisme de financement traduit simplement le fait qu'au niveau fédéral il incombe à l'IPI de fournir au tribunal les moyens financiers nécessaires pour assurer son fonctionnement.

17

Cf. Règlement du 11 septembre 2006 sur la surveillance par le Tribunal fédéral; RS 173.110.132.

389

Art. 5

Infrastructure et personnel nécessaires aux tâches administratives accessoires

Certains participants à la consultation ont jugé problématique le rattachement du Tribunal fédéral des brevets à l'infrastructure de l'IPI et le recours au personnel de ce dernier, estimant que cette solution pouvait donner l'impression que le tribunal dépend de l'IPI. Pour répondre à cette inquiétude, l'avant-projet de loi a été modifié en ce sens qu'il est prévu de rattacher le Tribunal fédéral des brevets aux infrastructures du Tribunal administratif fédéral. Cette solution, qui rend plus apparente la séparation infrastructurelle ­ locaux et ressources humaines ­ entre justice et administration, fait ressortir davantage l'indépendance institutionnelle du tribunal. L'idée du recours à des infrastructures existantes n'est pas abandonnée pour autant puisqu'elle semble toujours judicieuse tant du point de vue des coûts que de celui du volume de travail attendu.

L'art. 5 prévoit par conséquent que le Tribunal fédéral des brevets peut utiliser l'infrastructure du Tribunal administratif fédéral et faire appel au personnel de celuici pour les tâches administratives accessoires. Il faudra cependant veiller à ce que l'indépendance du Tribunal fédéral des brevets soit préservée. Le personnel chargé des tâches administratives accessoires est subordonné à la direction du Tribunal fédéral des brevets dans l'accomplissement de son activité pour ce tribunal. Les rapports de travail sont régis par la LPers et par l'ordonnance du 26 septembre 2003 relative aux conditions de travail du personnel du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal administratif fédéral (OPersT)18. Le Tribunal administratif fédéral facture au Tribunal fédéral des brevets les coûts de personnel générés par l'activité de ses employés pour ce dernier et les coûts d'utilisation de son infrastructure (locaux, informatique, bibliothèque). Il est tenu de facturer ces prestations à leur prix de revient.

Art. 6

Lieu d'audience et lieu de service

Le Tribunal administratif fédéral mettant son infrastructure à la disposition du Tribunal fédéral des brevets, le lieu d'audience et le lieu de service ordinaires du tribunal sont donc déterminés par le siège du Tribunal administratif fédéral. Le rattachement structurel à ce dernier permet de contenir les coûts de fonctionnement et de tenir compte de la taille du tribunal, de son indépendance et de la souplesse dont il devra faire preuve.

Art. 7

Lieu d'audience spécial

L'art. 7 permet au Tribunal fédéral des brevets de tenir ses audiences dans les locaux d'un tribunal cantonal. Le tribunal a ainsi la latitude nécessaire pour se rendre dans certaines localités si le litige l'exige. Ce déplacement peut en particulier s'imposer pour des raisons linguistiques ou pour des motifs d'économie de la procédure. Il incombera au tribunal de régler les modalités dans son règlement (art. 20, al. 3, let. a). Par rapport à la situation actuelle, l'utilisation des infrastructures judiciaires cantonales n'impose pas de charges supplémentaires aux tribunaux cantonaux. Les cantons seront au contraire déchargés de manière significative grâce à la création du Tribunal fédéral des brevets. Ils n'auront plus à payer la part des coûts des procès en matière de brevets qui n'est pas couverte par les émoluments judiciai18

390

RS 172.220.117

res puisque les tribunaux cantonaux ne seront en principe plus saisis de ces procédures très gourmandes en temps et en personnel et ne serviront qu'occasionnellement du lieu d'audience. La création du Tribunal fédéral des brevets permet donc aux cantons de faire des économies, raison pour laquelle il est légitime de leur demander de mettre leur infrastructure gratuitement à la disposition du tribunal pour la tenue de procès. Lors de la consultation, deux cantons ont émis des doutes quant à la décharge financière que cette solution leur apporterait.

2.2 Art. 8

Chapitre 2

Juges

Composition du tribunal

A la croisée entre technique et droit, le droit des brevets requiert de la part des juges qui traitent les litiges de brevets de vastes connaissances dans les deux domaines. Il est par conséquent nécessaire qu'un tribunal spécial des brevets soit composé de juges ayant une formation juridique et de juges ayant une formation technique. Seule la constitution d'une cour sur la base de ces critères permet l'établissement d'une jurisprudence qualifiée dans les litiges civils en matière de brevets. Il est en outre nécessaire que tant les juges ayant une formation juridique que les juges ayant une formation technique justifient d'une expérience suffisante en droit des brevets, faute de quoi il ne sera pas possible de garantir l'indispensable couplage des connaissances techniques et juridiques. La loi ne définit pas les exigences formelles afin de donner à l'autorité d'élection la latitude nécessaire pour élire les personnes aptes à remplir la charge; on évite ainsi de restreindre inutilement l'éventail des candidats potentiels. Le critère de la formation juridique et de la formation technique sera rempli si les juges ont accompli des études de droit ou de sciences naturelles ou encore d'ingénierie sanctionnées par un diplôme dans une haute école suisse ou s'ils sont titulaires d'un diplôme jugé équivalent délivré par une haute école à l'étranger, et s'ils justifient d'une expérience pratique de plusieurs années dans une activité juridique, scientifique ou technique dans le domaine des brevets.

L'al. 2 prévoit que, le Tribunal fédéral des brevets se compose de deux juges ordinaires, dont un au moins doit avoir une formation juridique (cf. art. 18, al. 3). Il est ressorti clairement des avis exprimés lors de la consultation que le tribunal devait compter plus d'un juge ordinaire, contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet. La répartition des tâches entre deux juges ordinaires contribue à écarter les dangers inhérents à la concentration de fonctions centrales entre les mains d'une seule personne et à garantir la continuité de la jurisprudence. Elle permet en particulier de prévenir le risque qu'une seule personne influe négativement sur la jurisprudence.

L'IPI et les milieux spécialisés seront consultés avant l'élection des juges (cf. art. 9, al. 4). Cette disposition vise à garantir que la compétence
professionnelle des juges ordinaires et suppléants prime lors de l'élection.

L'autorité d'élection sera libre d'élire les deux juges ordinaires à des postes à plein temps (total 200 %) ou de prévoir des temps partiels. Sa décision devra être guidée par le volume de travail, mais aussi par le souci d'assurer le bon fonctionnement du tribunal.

Le projet de loi ne précise pas le nombre de juges suppléants. La consultation a en effet montré qu'une limitation comme celle proposée dans l'avant-projet risquait de restreindre inutilement l'élection. Néanmoins, la majorité des juges suppléants 391

doivent avoir une formation technique (al. 2). En effet, si leur nombre était insuffisant, tous les domaines techniques ne seraient pas représentés, et le Tribunal fédéral des brevets devrait continuer à faire appel à des experts externes. Or le projet de loi vise justement à éviter cette délégation de l'administration de la justice, qui pose un problème de conformité avec les principes régissant l'Etat de droit, et les coûts élevés occasionnés par les expertises externes. Afin de pouvoir constituer dans tous les cas une cour techniquement qualifiée, le tribunal doit donc pouvoir choisir parmi un nombre suffisant de juges ayant des connaissances techniques spécialisées, tout en veillant aux exigences formulées aux art. 10 (incompatibilité à raison de la fonction) et 29 (récusation) et à la nécessité de réunir des compétences tant juridiques que techniques dans les trois langues officielles19. Les coûts du tribunal ne risquent pas d'exploser même si la loi ne limite pas le nombre de juges suppléants. En effet, ces derniers ne recevront des indemnités que lorsqu'ils feront partie d'une cour appelée à statuer sur un cas soumis au Tribunal fédéral des brevets. Il incombera donc à l'autorité d'élection de déterminer le nombre exact de juges suppléants. En dotant le Tribunal fédéral des brevets d'une majorité de juges suppléants qui possèdent des connaissances techniques spécialisées, on lui donne les moyens de réagir avec souplesse au volume de travail attendu et de tirer avantage des compétences de ces membres.

Art. 9

Election

L'al. 1 détermine les conditions d'éligibilité au Tribunal fédéral des brevets. Pour être éligible, il faut disposer du droit de vote au sens de l'art. 136, al. 1, Cst.

La compétence d'élire les juges ordinaires revient à l'Assemblée fédérale (al. 2). Vu la signification restreinte de la jurisprudence en matière de brevets et la taille du tribunal, l'élection des juges suppléants ressortit à la Commission judiciaire du Parlement. Cette solution permet de décharger l'Assemblée fédérale de l'élection et de la réélection des juges suppléants tout en maintenant sa compétence. La Commission judiciaireparaît toute désignée pour faire office d'autorité d'élection vu son expérience de la préparation de l'élection des juges pour les autres tribunaux fédéraux.

En élisant les juges, elle devra veiller non seulement à la qualification professionnelle des candidats, mais aussi à une représentation équitable des domaines techniques ­ chimie, biotechnologie, construction et mécanique, physique et électrotechnique ­ et des langues officielles (al. 3; cf. commentaire de l'art. 8).

Il faut en outre que les exigences formulées à l'art. 8 soient remplies pour que l'équilibre, la compétence et l'efficacité d'un tribunal spécial chargé de connaître des litiges civils en matière de brevets puissent être garantis. Le Tribunal fédéral des brevets ne pourra pallier les faiblesses du système juridictionnel actuel dans le domaine des brevets que si ses juges possèdent des connaissances du droit des brevets. Aussi les participants à la consultation ont-ils proposé que l'on tire avan19

392

80 % environ des demandes de brevets nationales sont déposées en allemand, 15 % environ en français et quelque 5 % en italien (IPI, Statistiques 2005, du 25.4.2006). Il n'est pas possible de fournir de chiffres exacts pour les brevets européens prenant effet en Suisse. Mais l'IPI sait d'expérience que, parmi les brevets délivrés dans une langue officielle suisse, la plupart sont rédigés en allemand, et que autant de traductions en allemand que de traductions en français sont remises pour les brevets publiés en anglais. Le nombre des traductions en italien est faible.

tage, lors de l'élection, de l'expérience des milieux spécialisés. L'al. 4 tient compte de cette proposition. Ainsi, la Commission judiciaire peut consulter les milieux spécialisés ­ au nombre desquels figurent l'IPI, les professionnels de la branche et les milieux intéressés ­ pour faire en sorte d'élire des juges qui disposent d'une expérience avérée en droit des brevets et en droit procédural. Lors de ces consultations, les milieux spécialisés peuvent proposer des candidats à la Commission judiciaire.

Art. 10

Incompatibilité à raison de la fonction

L'al. 1 est une émanation du principe de la séparation des pouvoirs (cf. art. 144, al. 1, Cst.). Des dispositions équivalentes figurent dans les lois sur le Tribunal fédéral (LTF) et sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF); il convient toutefois de relever que l'activité de juge au Tribunal fédéral des brevets n'exclut a priori pas l'appartenance à un autre tribunal fédéral (cf. ch. 3 et 4 de l'annexe «Modification du droit en vigueur», modification des art. 6, al. 1, LTPF et art. 6, al. 1, LTAF).

L'élection de juges travaillant pour d'autres tribunaux fédéraux de première instance à la fonction de juges suppléants du Tribunal fédéral des brevets ne remet pas en cause l'indépendance du tribunal. Par contre, l'activité d'un membre du Tribunal fédéral en tant que juge au Tribunal fédéral des brevets serait problématique étant donné que le second précède le premier dans la voie judiciaire.

En raison de la particularité de la composition du Tribunal fédéral des brevets, qui comptera une majorité de juges ayant une formation technique, il tombe sous le sens que les personnes élues à la fonction de juge suppléant devront être des professionnels qualifiés, par exemple des professeurs ou des chargés de cours employés dans des universités techniques ou de sciences naturelles, ou encore des employés de l'IPI. Grâce à leurs connaissances techniques spécialisées, ils contribueront grandement à la qualité du tribunal; ils ne doivent donc pas être exclus du cercle des membres potentiels à cause de leurs rapports de travail avec la Confédération. L'autorité d'élection devra examiner au cas par cas si un candidat satisfait aux exigences requises (cf. en particulier l'al. 2). Les règles de récusation (art. 45 P-CPC) permettent d'éviter tout risque de conflit d'intérêt dû par exemple à la prévention d'un examinateur de brevets20. Le projet de loi tient ainsi compte d'une préoccupation majeure formulée lors de la consultation, à savoir ne pas restreindre inutilement le choix des candidats à la fonction de juge compte tenu de l'exiguïté du cercle des spécialistes.

L'al. 2 s'inspire des art. 6, al. 2, LTF et 6, al. 2, LTAF. Il interdit sous la forme d'une clause générale l'exercice d'activités susceptibles de nuire à l'exercice de la fonction de juge, à l'indépendance du tribunal ou à sa réputation. Cette
interdiction revêt de l'importance notamment pour les juges exerçant leur métier à temps partiel ou pour les juges suppléants.

L'al. 3 reprend, en l'assouplissant quelque peu, la réglementation prévue aux art. 6, al. 3, LTF et 6, al. 3, LTAF puisqu'il n'interdit pas de manière générale aux juges d'accepter des décorations ou des titres étrangers. Cette disposition n'exclut pas, au demeurant, du cercle des membres potentiels du tribunal les examinateurs de brevets 20

Il y a peu de risque que de tels conflits d'intérêts surgissent. En effet, conformément à l'art. 59, al. 4, LBI, l'IPI n'examine pas si une invention est nouvelle et si elle découle de manière évidente de l'état de la technique.

393

de nationalité suisse travaillant à l'Office européen des brevets. Cette crainte formulée au cours de la procédure est donc infondée. Ces personnes exercent en effet une fonction officielle au sein d'une organisation internationale dont la Suisse est membre.

Les incompatibilités énumérées aux al. 1 à 3 s'appliquent aux juges ordinaires, employés à plein temps ou à temps partiel, et aux juges suppléants.

L'al. 4 règle l'incompatibilité la plus importante: la représentation de tiers à titre professionnel devant les tribunaux. L'inscription de cette incompatibilité dans la loi est pertinente, car les juges ordinaires peuvent être employés à temps partiel. La possibilité d'exercer une autre activité parallèlement à la fonction de juge augmente le risque d'un amalgame problématique entre activité d'avocat et activité de juge.

L'interdiction faite aux juges ordinaires d'exercer une activité d'avocat figure également dans des lois cantonales d'organisation judiciaire. Elle garantit aux citoyens le droit constitutionnel à un tribunal indépendant et impartial (art. 30, al. 1, Cst.).

Les conseils en brevets au sens de la loi sur les conseils en brevets (LCBr; cf. art. 29, al. 1) étant habilités à représenter les parties dans les litiges relevant du droit des brevets, cette disposition s'applique également eux.

S'il peut sembler souhaitable, à première vue, d'étendre l'interdiction de représenter des parties devant le Tribunal fédéral des brevets aux juges suppléants, des raisons pratiques dictées par l'exiguïté du cercle des spécialistes en matière de brevets parlent en défaveur de cette extension. Si l'on interdisait en effet aux juges suppléants de représenter des parties dans des procès devant le Tribunal fédéral des brevets, on restreindrait l'éventail des juges potentiels d'une manière telle que la qualité du travail du tribunal s'en ressentirait grandement. Les expériences des tribunaux cantonaux, qui appliquent déjà la réglementation retenue, sont bonnes.

Celle-ci est donc reprise pour le Tribunal fédéral des brevets. Le projet de loi prévoit un motif de récusation pour éviter des conflits d'intérêts (art. 28), suivant en cela une proposition formulée lors de la consultation.

L'al. 5 interdit en outre aux juges ordinaires employés à plein temps d'exercer toutes les fonctions dont sont exclus
les juges ordinaires du Tribunal fédéral en vertu de l'art. 144, al. 2, Cst. (cf. art. 6, al. 4, LTAF et 6, al. 4, LTF). Le principal critère de délimitation entre activités autorisées et activités interdites est le but lucratif; les paiements symboliques et le remboursement de frais ne transforment cependant pas une occupation en activité lucrative. L'al. 5 ne s'applique pas aux juges ordinaires exerçant leur fonction à temps partiel. Ceux-ci peuvent exercer des activités lucratives s'ils remplissent les conditions de l'art. 10, al. 2 à 4, et s'ils ont obtenu le consentement du tribunal (art. 11).

Art. 11

Autre activité

Cette disposition s'inspire de l'art. 7 LTAF. Les juges ordinaires employés à temps partiel doivent obtenir le consentement du tribunal pour exercer d'autres activités lucratives. Cette obligation répond à un besoin de transparence; elle s'impose parce que seule une publication complète des activités extrajudiciaires permet en fin de compte de vérifier le respect des conditions de l'art. 10, al. 2 à 4. Les juges suppléants n'ont pas besoin d'obtenir le consentement du tribunal pour exercer leur activité principale.

394

C'est la direction du tribunal qui octroie les autorisations. Le membre du tribunal qui sollicite l'autorisation doit se récuser (art. 22, al. 4).

La décision d'octroi de l'autorisation doit garantir le droit constitutionnel des citoyens de disposer d'un tribunal indépendant et impartial (art. 30, al. 1, Cst.)

Art. 12

Incompatibilité à raison de la personne

L'art. 12 correspond aux art. 8 LTF, 8 LTPF et 8 LTAF. Afin de pouvoir juger si deux personnes font durablement ménage commun, il faut tenir compte des critères développés par le Tribunal fédéral dans le cadre de sa jurisprudence concernant l'ancien art. 153, al. 1, CC relatif au concubinage.

Art. 13

Période de fonction

L'al. 1 reprend les art. 9, al. 1, LTF, 9, al. 1, LTPF et 9, al. 1, LTAF. La période de fonction est ainsi la même pour tous les juges des tribunaux fédéraux. Les juges du Tribunal fédéral des brevets peuvent être réélus. Cette possibilité tient compte du fait qu'il n'existe qu'un cercle restreint de spécialistes en matière de brevets et permet au Tribunal fédéral des brevets de s'assurer de précieuses expériences professionnelles sur une période prolongée.

L'al. 2 correspond à l'art. 9, al. 2, LTAF; il conduit à une harmonisation entre la réglementation régissant le moment où le juge quitte sa fonction pour des raisons d'âge et celle régissant les rapports de travail du personnel de la Confédération (cf. art. 10, al. 2, let. a, LPers). Par souci d'efficacité, la disposition est cependant légèrement modifiée, comme cela a été suggéré lors de la consultation. Ainsi, les juges qui s'occupent d'un cas en suspens au moment d'atteindre l'âge ordinaire de la retraite peuvent, d'un commun accord avec la direction du tribunal, être chargés de le régler. L'al. 3 prévoit que les sièges vacants sont repourvus pour le reste de la période de fonction (cf. art. 9, al. 3, LTAF).

Art. 14

Révocation

L'art. 14 correspond à l'art. 10 LTAF et prévoit que la révocation ­ tout comme l'élection des juges ­ est de la compétence de l'Assemblée fédérale ou de celle de la Commission judiciaire du Parlement.

Art. 15

Serment

Les juges prêtent serment devant la cour plénière. Pour le reste, l'art. 15 reprend les art. 10 LTF et 11 LTAF.

Art. 16

Immunité

L'art. 16 correspond à la réglementation applicable aux juges du Tribunal fédéral (art. 11 LTF), du Tribunal administratif fédéral (art. 12 LTAF) et du Tribunal pénal fédéral (art. 11a LTPF). Les dispositions relatives à l'immunité s'appliquent toutefois uniquement aux juges ordinaires. L'immunité permet d'assurer le libre exercice de la fonction de juge auquel il convient d'opposer l'intérêt à la bonne administration de le justice pénale. La poursuite pénale d'un juge suppléant ne compromet nullement le bon fonctionnement du tribunal. C'est pourquoi le juge suppléant ne 395

peut pas se prévaloir de l'immunité dans une procédure pénale qui ne présente pas de lien avec l'exercice de sa fonction ou de son activité.

Art. 17

Rapports de travail et traitement

L'art. 17 autorise l'Assemblée fédérale à régler les rapports de travail et le traitement des juges ordinaires par voie d'ordonnance. Par analogie aux dispositions applicables au Tribunal pénal fédéral et au Tribunal administratif fédéral, l'application de l'ordonnance sur les juges aux juges ordinaires semble indiquée.

Les rapports de travail et le traitement des juges suppléants seront vraisemblablement régis par l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 23 mars 2007 concernant les indemnités journalières et les indemnités de déplacement des juges du Tribunal fédéral21.

Le Tribunal administratif fédéral statuera sur les recours contre les décisions concernant les rapports de travail des juges du Tribunal fédéral des brevets (cf. annexe «Modification du droit en vigueur», ch. 3, modification de l'art. 33, let. cbis, LTAF).

2.3

Chapitre 3

Art. 18

Organisation et administration

Présidence

L'Assemblée fédérale élit le président du Tribunal fédéral des brevets parmi les juges ordinaires (al. 1) en vertu de sa compétence d'élection des juges (cf. art. 9, al. 2).

Le président est élu pour une période de six ans. La loi prévoit la possibilité d'une réélection (al. 2).

Aux termes de l'al. 3, le président doit avoir une formation juridique, car il lui incombe, en tant que juge instructeur, de diriger la procédure (cf. art. 35) et d'exercer les compétences de juge unique (cf. art. 23).

Le président préside la cour plénière (al. 4) et est membre d'office de la direction du tribunal (cf. art. 20, al. 2). Il pourra dès lors influer sur l'activité des organes collégiaux principaux chargés de l'administration du Tribunal fédéral des brevets.

Le suppléant du président doit avoir une formation juridique afin de pouvoir accomplir les tâches ressortissant à la présidence (al. 5; cf. art. 19, al. 1).

Art. 19

Cour plénière

L'ensemble des juges compose la cour plénière. La cour plénière a les prérogatives prévues expressément par la loi, notamment celle d'élire le vice-président.

Elle peut siéger ou décider par voie de circulation. Dans les deux cas, les deux tiers des juges doivent participer à la décision pour qu'elle soit valable (al. 2). La prise de décision est régie par l'art. 22.

21

396

RS 172.121.2

Art. 20

Direction du tribunal

L'al. 1 constitue la base légale pour la création d'un organe collégial chargé de l'administration du tribunal. Au nombre des tâches administratives figurent par exemple l'engagement des greffiers, l'établissement du budget et des comptes à l'intention de l'Assemblée fédérale l'examen de projets mis en consultation.

La direction du tribunal se compose de trois juges. De par la loi, elle comprend le président du Tribunal fédéral des brevets, le second juge ordinaire et le vice-président à condition qu'il s'agisse d'un juge suppléant (al. 2). Si le second juge ordinaire exerce la fonction de vice-président, la cour plénière élit le troisième membre de la direction du tribunal parmi les juges suppléants (art. 19, al. 1).

La direction du tribunal est en outre chargée d'édicter les règlements (al. 3, let. a) et d'exercer toutes les tâches ne ressortissant pas à la cour plénière (al. 3, let. b). Il est ressorti de la consultation qu'il n'était pas judicieux d'attribuer la compétence d'édicter les règlements à la cour plénière, comme le prévoyait l'avant-projet. Cette tâche présuppose en effet des connaissances de l'activité législative et requiert des qualités que les juges ayant une formation technique ­ donc la majorité des juges suppléants ­ n'ont pas. De surcroît, force est de constater que, d'un point de vue pratique, il est difficile de convoquer une séance plénière.

Le tribunal devra prendre une multitude de décisions d'ordre administratif, surtout au début de son activité. Par analogie à la loi fédérale du 18 mars 2005 concernant la mise en place du Tribunal administratif fédéral22, il sera de ce fait judicieux de constituer un organe de direction restreint avant que le tribunal n'entame ses activités. Cet organe exercera des tâches qui ressortissent à la direction du tribunal conformément à la réglementation des compétences prévue dans la loi sur le Tribunal fédéral des brevets. Contrairement aux craintes exprimées lors de la consultation, l'intégration d'un juge suppléant ne ralentira ni ne compliquera le travail de la direction du tribunal puisque celle-ci pourra s'appuyer sur les travaux préparatoires de cet organe et aura la possibilité d'emprunter des éléments à des règlements existants.

Art. 21

Cour appelée à statuer

En règle générale, le Tribunal fédéral des brevets décidera à trois juges (al. 1). Cette composition se justifie tout d'abord pour des motifs d'efficacité. Au moins un des trois juges doit avoir une formation technique et un une formation juridique. Cette constellation garantit que la jurisprudence sera rendue par des juges ayant des connaissances en brevets et en droit des brevets. La compétence du juge unique prévue à l'art. 23 est réservée. Il est ressorti de la consultation que la composition de la cour appelée à statuer avec deux juges ayant une formation juridique pouvait se révéler inappropriée suivant les questions techniques et juridiques soulevées par un litige. La nature du litige doit commander la composition de la cour appelée à statuer: si le contentieux soulève des questions techniques complexes et si la compréhension de ces aspects revêt une importance particulière pour la décision, il doit être possible de recourir à davantage de juges ayant une formation technique. Les questions qui se posent dans les actions en nullité seront avant tout de nature technique, alors que celles qui seront au centre d'actions en cession seront d'ordre plus juridique. Le projet de loi permet au Tribunal fédéral des brevets d'adapter à la nature du 22

RO 2005 4603

397

litige la composition de la cour appelée à statuer: il peut ainsi constituer tantôt une cour comptant une majorité de juges ayant une formation technique, tantôt un cour comptant une majorité de juges ayant une formation juridique.

Le président du Tribunal fédéral des brevets peut ordonner que le tribunal statue à cinq juges lorsque l'intérêt du développement du droit ou celui de l'homogénéité de la jurisprudence l'impose (al. 2).

Les litiges relevant du droit des brevets se caractérisent souvent par leur transdisciplinarité technique. En pareil cas, la cour appelée à statuer doit pouvoir réunir en son sein tous les domaines techniques concernés. C'est pourquoi l'al. 3 donne au président les moyens de constituer une cour adaptée aux ciconstances.

Le projet de loi prévoit qu'un juge ordinaire doit toujours être membre de la cour appelée à statuer (al. 5). Cette contrainte permet d'assurer l'homogénéité et la coordination de la jurisprudence au sein du tribunal, vu la taille de celui-ci et le volume de travail attendu. Le président du tribunal pouvant déléguer la conduite de la procédure (cf. art. 35), la charge de travail des juges ordinaires paraît acceptable. Et comme le Tribunal fédéral des brevets compte deux juges ordinaires (art. 8, al. 2), son fonctionnement ne sera pas perturbé par des absences dues à la maladie ou à des vacances. Le projet de loi tient ainsi compte des inquiétudes formulées par certains participants lors de la consultation.

Art. 22

Vote

L'art. 22 s'inspire des art. 21 LTF et 22 LTAF. Il s'applique aux votes de tous les organes du tribunal prévus par la loi (cour plénière, direction du tribunal) qui concernent l'organisation du tribunal.

L'al. 3 précise que les juges suppléants et les juges ordinaires exerçant leur fonction à temps partiel disposent d'une voix. Difficile à mettre en oeuvre, l'aménagement du droit de vote en fonction du taux d'occupation serait irrationnel.

Les juges qui ont un intérêt personnel dans une affaire doivent se récuser (al. 4; cf. art. 11).

Art. 23

Juge unique

Les décisions à juge unique se justifient pour la radiation du rôle des procédures devenues sans objet ou pour le refus d'entrer en matière sur des actions manifestement irrecevables (p. ex. lorsque l'avance de frais n'est pas versée ou qu'un moyen de droit est manifestement tardif) puisque la décision ne porte que sur les frais. Elles permettent en outre la conclusion rapide des procédures. Dans ces cas, la compétence du juge unique est illimitée. Le président statue par ailleurs sur les demandes d'assistance judiciaire et de mesures provisionnelles; au vu de ses connaissances du dossier, il est en effet le mieux à même de décider du bien-fondé de ces demandes (al. 1, let. a à d). Au cours de la consultation, on a fait remarquer que le juge unique devait aussi être habilité à ordonner des mesures provisionnelles pendant la procédure principale pour éviter que la procédure de mesures provisionnelles ne prenne trop de retard. Le projet de loi ne restreint donc pas la compétence du juge unique en la matière. La procédure est régie par l'art. 117 P-CPC concernant la demande d'assistance judiciaire et par les art. 244 et 257 à 266 P-CPC concernant les mesures provisionnelles (cf. ch. 2.5).

398

La let. e attribue en outre au président la compétence de statuer comme juge unique sur les demandes d'octroi d'une licence au sens de l'art. 40d LBI dans sa version du 22 juin 200723. L'urgence avec laquelle il convient de combattre certains problèmes de santé publique réclame en effet un traitement expéditif des demandes sollicitant l'octroi d'une licence obligatoire pour l'exportation. Enumérées aux art. 40d, al. 5, et 40e LBI dans leur version du 22 juin 2007, les preuves à fournir par le demandeur seront précisées dans l'ordonnance sur les brevets sur la base de la décision de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).24 Eu égard à la précision des conditions légales régissant l'octroi d'une licence obligatoire pour l'exportation et à l'urgence de ce type de demandes, il est opportun que la décision d'octroi d'une telle licence relève de la compétence du juge unique (cf. ch. 2.5.8).

L'al. 2 prévoit que le président peut, eu égard à ses nombreuses tâches, déléguer celles relevant de la compétence du juge unique en tout ou en partie à d'autres juges ayant une formation juridique.

Art. 24

Greffiers

Par analogie aux art. 24 LTF et 26 LTAF, la loi ne prescrit pas le nombre de greffiers, ni n'attribue cette compétence à l'Assemblée fédérale. L'engagement des greffiers en fonction des moyens financiers à sa disposition relève de l'autonomie du Tribunal fédéral des brevets. Les greffiers sont engagés par la direction du tribunal (cf. art. 20, al. 3). Celui-ci peut régler la procédure d'engagement interne, et notamment prévoir des droits de proposition ou de participation particuliers pour les juges.

Les al. 1 et 2 énumèrent les tâches traditionnelles des greffiers. Ceux-ci élaborent principalement des rapports et motivent les jugements par écrit; ils sont par ailleurs responsables de la rédaction des procès-verbaux des audiences. Les greffiers peuvent également être associés à l'instruction. Ils ont voix consultative lors des audiences dont ils prennent le procès-verbal.

Les rapports de travail des greffiers sont régis par la loi sur le personnel de la Confédération et ses dispositions d'exécution (al. 4). Le Tribunal administratif fédéral statue sur les recours contre les décisions concernant les rapports de travail des greffiers (cf. annexe «Modification du droit en vigueur», ch. 3, modification de l'art. 33, let. cbis, LTAF).

Art. 25

Information

Il est primordial d'informer le public pour garantir la sécurité juridique. Il est donc opportun d'inscrire le devoir d'information du Tribunal fédéral des brevets dans la loi (cf. également art. 27 LTF et 29 LTAF).

La loi ne précise pas par quels moyens le tribunal doit informer le public, mais la publication électronique (Internet, CD-ROM) paraît la plus appropriée.

A la différence de l'avant-projet, le projet de loi n'oblige plus Tribunal fédéral des brevets à publier les jugements sous une forme anonyme. En effet, les décisions relevant du droit des brevets ne présentent un intérêt, que si les revendications qui sont contestées sont connues. La publication des revendications et des numéros des brevets permet donc de remonter jusqu'aux titulaires et de déterminer en fin de 23 24

FF 2007 4363 Cf. message LBI 2005, p. 106 ss

399

compte les parties au litige. C'est pourquoi la publication d'un jugement sous une forme anonyme ne se justifiera que dans les cas où des considérations de principe s'opposeront à la publication.

2.4

Chapitre 4

Compétences

Art. 26 La Tribunal fédéral des brevets a la compétence exclusive de juger les actions en validité ou en contrefaçon de brevets et les actions en octroi de licences permettant l'utilisation d'inventions brevetées (al. 1, let. a). Il s'agit d'actions en nullité (art. 26 à 28 et 140k LBI), d'actions en octroi d'une licence (art. 36 ss LBI), d'actions en cessation ou en suppression (art. 72 LBI), d'actions en dommages-intérêts (art. 73 LBI) et d'actions en constatation (art. 74 LBI). Le Tribunal fédéral des brevets connaît également de litiges portant sur des brevets étrangers, pour autant que la compétence d'un tribunal suisse soit établie. Cette précision ne figurait pas dans l'avant-projet. Bien qu'elle n'apporte rien de neuf, elle permet de clarifier l'interprétation de l'art. 76 LBI25, selon laquelle les tribunaux suisses peuvent être saisis de litiges portant sur des brevets étrangers.

Les mesures provisionnelles revêtent une importance considérable dans les litiges de brevets. Eu égard à la compétence exclusive du Tribunal fédéral des brevets inscrite à la let. a, il n'aurait pas été opportun que l'ordonnance de mesures provisionnelles relève de la compétence d'un tribunal cantonal, notamment pour des raisons d'économie de procédure (risque de morcellement des procédures, qui sont souvent complexes). Il est donc raisonnable d'attribuer la compétence exclusive pour ordonner de telles mesures au Tribunal fédéral des brevets dans le cadre des actions visées à la let. a, même avant litispendance de l'action principale (al. 1, let. b).

En vertu de sa compétence exclusive, le Tribunal fédéral des brevets a également la compétence d'exécuter les décisions qu'il a rendues (al. 1, let. c) pour autant qu'il soit compétent (par analogie à la procédure principale).

Les litiges civils en matière de brevets soulèvent souvent des questions relevant tant de la propriété intellectuelle que du droit contractuel. Ainsi, il n'est pas rare que les prétentions purement contractuelles soulèvent des questions préjudicielles relatives au droit de protection, notamment concernant la validité du brevet. En vertu de l'al. 2, le Tribunal fédéral des brevets peut être saisi d'actions contractuelles ayant pour objet l'exécution d'un contrat de cession ou de licence, ou encore de litiges portant sur la titularité ou sur
la rémunération d'inventions de service26. Dans ces cas et par dérogation à l'al. 1, let. a, le tribunal ne jouit pas d'une compétence exclusive; la possibilité de saisir les tribunaux cantonaux pour les litiges contractuels demeure. Eu égard à la compétence des tribunaux cantonaux, la compétence exclusive du Tribunal fédéral des brevets se limitera aux actions impliquant l'application du droit matériel des brevets.

Afin de rendre les connaissances spécialisées du Tribunal fédéral des brevets accessibles aux tribunaux cantonaux saisis d'une procédure, l'al. 3 prévoit que ceux-ci 25 26

400

ATF 129 III 295 Art. 332 du code des obligations; RS 220.

peuvent saisir le Tribunal fédéral des brevets. Ainsi, si une partie soulève devant un tribunal cantonal la question préjudicielle ou l'exception de validité ou de contrefaçon d'un brevet, le Tribunal fédéral des brevets doit être saisi de ces questions. Le tribunal cantonal fixe un délai à la partie invoquant la violation ou la nullité du brevet pour intenter une action en contrefaçon ou en nullité devant le Tribunal fédéral des brevets et suspend la procédure jusqu'à ce que la décision du Tribunal fédéral des brevets soit entrée en force. Si le tribunal n'est pas saisi dans le délai imparti, le tribunal cantonal reprend la procédure, et l'exception de violation ou de nullité du brevet n'est pas prise en compte.

Le Tribunal fédéral des brevets a également la compétence exclusive de statuer sur des demandes reconventionnelles en nullité ou en contrefaçon d'un brevet. C'est pourquoi le tribunal cantonal doit lui transmettre la demande et la demande reconventionnelle (al. 4). Cette réglementation s'écarte du code de procédure civile, qui ne prescrit pas que le tribunal saisi de la demande principale est également compétent pour statuer sur la demande reconventionnelle. Pour le reste, l'admissibilité de la demande reconventionnelle est régie par l'art. 221 P-CPC. Ainsi, elle ne peut être transmise au Tribunal fédéral des brevets que si le demandeur ne risque pas d'être privé d'un degré d'instance. Il n'est ainsi pas possible d'introduire une demande reconventionnelle relevant de la compétence matérielle du Tribunal fédéral des brevets lorsqu'un procès est en instance devant un tribunal cantonal.

2.5

Chapitre 5

Procédure

2.5.1

Section 1

Droit applicable

Art. 27 L'art. 27 prévoit que la procédure devant le Tribunal fédéral des brevets est régie par le code de procédure civile.

Les dispositions spéciales du présent projet de loi et de la loi sur les brevets, qui tiennent compte des particularités des procès en matière de brevets, sont réservées.

La loi sur les brevets contient en particulier des dispositions relatives à la qualité pour agir (cf. art. 28, 33 et 72 ss LBI), à la qualité pour agir du preneur de licence exclusive (art. 75 et 77, al. 5, LBI dans leur version du 22 juin 200727), au délai pour intenter une action (art. 31 LBI), aux conditions et à la décision du juge relative à l'octroi de licences (art. 40e LBI dans sa version du 22 juin 200728), aux conditions de la responsabilité (art. 66 LBI), au renversement du fardeau de la preuve (art. 67 LBI), à la sauvegarde du secret d'affaires (art. 68 LBI), aux mesures en cas de condamnation (art. 69 LBI), à la publication et à la communication de décisions (art. 70 LBI et 70a LBI dans sa version du 22 juin 200729) et à l'interdiction d'échelonner les actions (art. 71 LBI).

Les dispositions du projet de code de procédure civile permettant de tenir compte des particularités des litiges en matière de brevets, il n'est pas nécessaire de prévoir des règles de procédure spéciales.

27 28 29

FF 2007 4363 FF 2007 4363 FF 2007 4363

401

Le mémoire préventif, par exemple, est un moyen de défense très important en droit des brevets en cas de mesures superprovisionnelles imminentes. Comme l'art. 266 P-CPC prévoit déjà la possibilité de remettre un mémoire préventif dans lequel il est possible de se prononcer de manière anticipée, une réglementation explicite dans la loi sur le Tribunal fédéral des brevets est inutile.

Il arrive souvent qu'un litige en matière de brevets soit soulevé par des reproches injustifiés de violation d'un brevet. La partie manifestement accusée à tort doit pouvoir se défendre. Eu égard à la technicité de la matière, il faut qu'un tel reproche puisse être vérifié avec la compétence et le savoir techniques requis. La réglementation du code de procédure civile concernant les mesures provisionnelles et la disposition énoncée à l'art. 26 garantissent donc la compétence exclusive du Tribunal fédéral des brevets pour ordonner les mesures de protection de la personnalité.

Les dispositions du projet de code de procédure civile permettent également de tenir compte de la taille du tribunal. Il n'est ainsi pas nécessaire que l'audition de témoins et la conduite d'une inspection et des auditions des parties soient faites par l'ensemble du tribunal. En règle générale, c'est le juge instructeur qui administrera les preuves; une partie peut cependant requérir, pour de justes motifs, que les preuves soient administrées devant le tribunal qui juge l'affaire (cf. art. 152 P-CPC).

Le Tribunal fédéral des brevets doit toujours motiver ses décisions par écrit (cf.

art. 235, al. 3, P-CPC; cf. art. 112 LTF). Cette prescription permet d'atteindre les objectifs visés par la création du Tribunal fédéral des brevets, à savoir garantir l'homogénéité et la prévisibilité de la jurisprudence du tribunal et assurer une plus grande sécurité juridique eu égard au nombre attendu de litiges civils en matière de brevets.

Il faudra attendre l'adoption du projet de code de procédure civile par le Parlement pour adapter certaines de ses dispositions, par exemple celles relatives à la compétence des tribunaux, au présent projet de loi.

2.5.2

Section 2

Récusation

Art. 28 En complémentde l'art. 45 P-CPC, l'art. 28 prévoit que les juges suppléants doivent se récuser lorsqu'une partie est représentée par un collègue travaillant dans le même cabinet d'avocats ou pour le même employeur. Cette disposition permet d'éviter les conflits d'intérêts qui pourraient surgir du fait que les juges suppléants peuvent représenter une partie dans un procès devant le Tribunal fédéral des brevets (cf.

commentaire de l'art. 10, al. 4).

2.5.3

Section 3

Représentation des parties

Art. 29 La complexité du droit des brevets constitue un défi aussi bien pour les parties que pour leurs représentants. Se faire seconder par des personnes ayant des connaissan-

402

ces techniques spécialisées pour traiter et présenter les questions techniques d'un cas peut dès lors s'avérer très utile pour les parties.

Dans l'avant-projet, la représentation de parties à titre professionnel devant le Tribunal fédéral des brevets était réservée aux avocats, et la cour plénière avait qualité pour régler le droit de représentation des conseils en brevets. Cette réglementation a été critiquée pendant la consultation.

Le présent projet de loi prévoit pour les conseils en brevets au sens du projet de LCBr, outre un droit général d'être entendus et de participer (cf. al. 3), le pouvoir de représenter les parties dans les actions en nullité. L'al. 1, qui accorde un droit de représentation aux conseils en brevets, s'applique en plus de l'art. 66, al. 2, P-CPC, lequel règle le droit de représentation des avocats. Pourquoi accorder un tel droit aux conseils en brevets pour les actions en nullité? Parce que celles-ci portent le plus souvent sur des questions techniques. Cette prescription s'inspire de la réglementation européenne régissant le droit de représentation des conseils en brevets européens devant l'Office européen des brevets, à ceci près que la procédure devant le tribunal n'est pas régie par la maxime inquisitoire, comme devant l'Office européen des brevets, mais par la maxime de disposition et par la maxime des débats. La loi sur les conseils en brevets spécifie les exigences matérielles et procédurales auxquelles les représentants doivent satisfaire (cf. art. 2 LCBr) de sorte que l'on peut être sûr que les conseils en brevets disposent des connaissances requises pour conduire de telles procédures. Dans ces conditions, il est raisonnable d'autoriser les conseils en brevets à représenter seuls les parties dans les actions en nullité devant le Tribunal fédéral des brevets. L'inscription de cette disposition dans le projet de loi permet de répondre à une requête formulée par une large frange des milieux spécialisés lors de la consultation.

La loi ne prévoit toutefois pas un droit de représentation général pour les conseils en brevets. En effet, la conduite des autres procédures devant le Tribunal fédéral des brevets (cf. art. 26) nécessite non seulement l'expérience de tels procès, mais aussi des connaissances en droit civil et en droit procédural civil. C'est pourquoi seuls
les avocats autorisés à exercer la représentation en justice devant les tribunaux suisses en vertu de la loi sur les avocats (art. 66, al. 2, P-CPC) sont habilités à représenter les parties dans ces procédures. Ceci vaut aussi pour les actions en contrefaçon lorsque la validité d'un brevet est contestée par voie d'exception ou par voie de demande reconventionnelle. La conduite de ces procédures doit être réservée aux avocats puisque les questions qui se posent devant le tribunal ne sont pas principalement de nature technique, ni ne relèvent uniquement du droit des brevets. Les conseils en brevets sont habilités à représenter des parties devant le Tribunal fédéral des brevets à condition qu'ils exercent leur profession dans le seul intérêt de leur clientèle; c'est ce qui est précisé à l'al. 1. La projet de LCBr ne contient aucune règle professionnelle. A la différence des avocats qui doivent fournir la preuve de leur indépendance pour être inscrits dans le registre cantonal conformément à l'art. 8 de la loi sur les avocats, les conseils en brevets n'ont pas besoin d'apporter la preuve de leur indépendance pour être inscrits au registre des conseils en brevets (art. 12 LCBr).

Le Tribunal fédéral des brevets peut exiger que le conseil en brevets lui présente des documents appropriés prouvant son indépendance (al. 2). Par analogie avec l'application de la loi sur les avocats, les conseils en brevets devraient pouvoir exercer une

403

activité accessoire à titre d'indépendants à condition que leur indépendance soit garantie.30 En vertu de ce principe, ils ne seraient par conséquent pas autorisés à représenter à titre d'indépendants leur employeur ou les employés de ce dernier, des entreprises liées, des clients ou des partenaires d'affaires.31 La possibilité de recourir à des experts sert la cause; elle existe déjà dans les procédures judiciaires, où elle relève de la libre appréciation du tribunal.

La consultation a montré que la situation actuelle n'était pas claire, et la pratique non uniforme. L'al. 3 accorde aux conseils en brevets au sens du projet de LCBr un droit d'audition devant le Tribunal fédéral des brevets. Les conseils en brevets peuvent apporter leur soutien à une partie ou à un représentant habilité à la représenter en justice en faisant une exposition technique des faits devant le tribunal. Ils ont droit à la parole dans tous les débats, mais, à l'instar d'un témoin expert, leur droit d'être entendu se limite à l'exposé technique des faits et aux premières conclusions (al. 3).

En limitant ainsi ce droit et en le réservant aux personnes habilitées à porter le titre de conseil en brevets, le projet de loi garantit les connaissances techniques spécialisées dans les procédures, ce qui contribue à l'économie de la procédure.

La possibilité pour le Tribunal fédéral des brevets de consulter des personnes qui exercent l'activité de conseil en brevets sans être habilitées à porter le titre en vertu du projet de LCBr est laissée à la libre appréciation du juge. La loi ne stipule cependant pas de droit pour ces personnes à être entendues; elle prévoit simplement la possibilité pour le tribunal d'ordonner leur consultation comme il peut ordonner de manière plus générale la consultation d'experts auxquels une partie a recours.

2.5.4 Art. 30

Section 4

Frais et assistance judiciaire

Frais

L'art. 30 définit les frais.

Art. 31

Frais judiciaires

La disposition commence par énumérer les dépenses du tribunal qui font partie des frais judiciaires (al. 1).

Les al. 2 à 4 constituent la base légale permettant à la direction du tribunal d'édicter un tarif qui règle en détail les frais judiciaires (cf. art. 20, al. 3, let. a). Le projet de loi n'énonce que les principes de calcul des frais judiciaires (cf. art. 33); le Tribunal fédéral des brevets se voit ainsi accorder la latitude nécessaire pour établir les tarifs dans le respect des principes constitutionnels et dans le but d'assurer son financement en premier lieu par le biais des émoluments judiciaires. Les frais ne doivent pas être prohibitifs. Un tarif qui ne tiendrait compte que de la valeur litigieuse pourrait s'avérer trop rigide et fixer des émoluments disproportionnés.

Il est ressorti de la consultation qu'il n'était pas nécessaire de faire une distinction entre litiges avec et litiges sans valeur litigieuse. On a en effet peine à imaginer qu'il n'y ait pas de valeur litigieuse dans un procès en matière de brevets. Il a en outre été 30 31

404

Cf. ATF 130 II 104 s.

Cf. ATF 123 I 200

relevé, lors de la consultation, que la fourchette de l'émolument judiciaire n'était pas appropriée. On a en particulier critiqué la limite inférieure et le fait que la limite supérieure ne puisse pas dépasser le double du montant maximal de 150 000 francs.

On a demandé que les frais soient en adéquation avec la valeur litigieuse, la durée de la procédure et le travail des juges. Les al. 3 et 4 tiennent compte de ces considérations.

Par dérogation à l'art. 105, al. 2, P-CPC, l'al. 5 dispose que, lors de la répartition des frais judiciaires, le tribunal peut renoncer au recouvrement des frais judiciaires qui n'ont pas été causés par une partie ou par des tiers. Vu que le Tribunal fédéral des brevets est un tribunal de première instance spécial de la Confédération, il ne serait pas approprié d'imposer ces charges aux cantons.

Art. 32

Dépens

En dérogation à l'art. 103, al. 2, P-CPC, l'art. 32 renvoie à l'art. 33, selon lequel le Tribunal fédéral des brevets fixe le tarif des frais de procès. Les dépens sont par ailleurs régis par l'art. 93, al. 3, P-CPC. Les dépens comprennent également les frais liés à la représentation à titre professionnel par les conseils en brevets conformément à l'art. 29.

Art. 33

Tarif

Un tarif doit être établi pour les frais de procès, c'est-à-dire les frais judiciaires et les dépens. Par dérogation à l'art. 94 P-CPC, il n'est pas fixé par les cantons mais par le Tribunal fédéral des brevets, donc au niveau fédéral, ce qui permet de garantir uniformité et transparence.

Art. 34

Liquidation des frais en cas d'assistance judiciaire

L'assistance judiciaire est régie par les art. 115 à 121 P-CPC. Par dérogation à l'art. 120 P-CPC, les dépens et les frais judiciaires ne sont pas à la charge des cantons mais à celle de la caisse du Tribunal fédéral des brevets (cf. art. 64 LTF). Le montant des dépens sera fixé dans le tarif à établir par le Tribunal fédéral des brevets.

2.5.5 Art. 35

Section 5 Conduite du procès et actes de procédure Juge instructeur

Le juge instructeur conduit le procès. Il s'agit du président du Tribunal fédéral des brevets ou d'un juge désigné par la présidence et ayant une formation juridique (al. 1). Vu la taille du tribunal et la souplesse dont il devra faire preuve, la conduite du procès par le juge instructeur sera la règle, en dérogation à l'art. 122, al. 1 et 2, P-CPC, qui dispose que la conduite du procès incombe au tribunal.

Le juge instructeur pourra se limiter à la conduite formelle du procès, car la procédure est clairement structurée (cf. art. 216 ss P-CPC) et dépendra de la diligence des parties (maxime des débats et maxime de disposition). Mais pour la conduite matérielle du procès, notamment pour l'instruction d'experts, le juge instructeur doit faire 405

appel au savoir spécialisé de membres du tribunal ayant une formation technique.

Ressortant de la consultation, cette exigence figure maintenant dans le projet de loi: l'al. 2 autorise le juge instructeur à faire appel à un juge ayant une formation technique, lequel a voix consultative.

Art. 36

Langue de la procédure

Le Tribunal fédéral des brevets désigne la langue de la procédure en tenant compte de la langue utilisée par les parties dans la mesure où il s'agit d'une langue officielle (al. 1). Cette disposition a été critiquée lors de la consultation parce qu'elle entraîne un manque de sécurité juridique et qu'elle pose des problèmes d'ordre pratique comme le choix d'un représentant devant la justice. En réponse à cette critique, le projet de loi prévoit que chaque partie peut utiliser une langue officielle autre que celle de la procédure (al. 2). Il incombera dès lors au tribunal de définir dans son règlement selon quels critères il déterminera la langue de la procédure.

Il n'est pas exclu que l'anglais soit choisi comme langue de la procédure ou que les parties puissent l'utiliser, si ces dernières et le tribunal donnent leur accord. La décision du tribunal doit toutefois être rédigée dans une langue officielle étant donné que le Tribunal fédéral est l'instance de recours (al. 3; art. 54 LTF).

Il arrive de plus en plus fréquemment que les parties joignent à leurs mémoires des pièces qui ne sont pas rédigées dans une langue officielle. La pratique tend à admettre ces pièces sans requérir leur traduction lorsque les membres du tribunal, le greffier et les autres parties connaissent la langue dans laquelle elles sont rédigées. A l'avenir, cette pratique sera très importante pour les brevets européens en anglais prenant effet en Suisse. Suite à l'entrée en vigueur de l'Accord sur les langues CBE, le déposant ou le titulaire d'un brevet européen en langue anglaise ne sera en effet plus tenu de remettre une traduction du brevet dans une langue officielle suisse.

C'est ce qui est prévu à l'al. 4. En vertu de l'art. 2 de l'Accord sur les langues CBE, il reste néanmoins possible d'exiger du titulaire du brevet qu'il produise, à ses frais, une traduction dans une langue officielle en cas de litige judiciaire. Lorsque des pièces sont présentées en anglais, l'accord de l'autre partie ne doit pas être explicite.

Il y a accord tacite lorsque chaque partie remet des pièces dans la même langue étrangère sans joindre de traduction dans une langue officielle.

Si une partie ne maîtrise pas la langue de la procédure ou la langue choisie par la partie adverse pour ses mémoires, le Tribunal fédéral des brevets ordonne la traduction de tous les écrits et de toutes les déclarations orales dont doit disposer la partie afin de pouvoir suivre la procédure (al. 4).32

2.5.6

Section 6

Preuve; expertise

Art. 37 Les expertises judiciaires sont régies par les dispositions du code de procédure civile (art. 180 à 186 P-CPC). Eu égard à la complexité et à la technicité des procès en droit des brevets, il ne semble toutefois pas indiqué que l'expertise puisse être présentée par oral (art. 184 P-CPC). C'est pourquoi l'al. 1 prescrit que, dans les procé32

406

Cf. ATF 118 Ia 462 ss

dures devant le Tribunal fédéral des brevets, l'expert doit rendre son expertise par écrit. Cette disposition implique dès lors que l'expert apporte par écrit des explications complémentaires ou des clarifications. Nonobstant cette exigence, l'expert peut présenter son expertise écrite lors des débats, et les parties doivent avoir l'occasion de lui demander des explications et de lui poser des questions complémentaires (art. 184, al. 4, P-CPC).

En complément de l'art. 184 P-CPC, l'al. 2 donne aux parties de se prononcer par écrit sur le rapport.

Aux termes de l'art. 180, al. 3, P-CPC, le tribunal qui fait appel aux connaissances spécialisées de l'un de ses membres doit en informer les parties pour qu'elles puissent se déterminer à ce sujet. Lors de la consultation, on a proposé de compléter cet article par une disposition réglant ces avis spécialisés, leur inscription au procèsverbal et le droit des parties de se prononcer. C'est ce qui figure à l'al. 3. Les avis spécialisés émis par les juges ayant une formation technique joueront un rôle important dans l'administration des preuves.

2.5.7

Section 7 Procédure de décision; avis sur les résultats de l'administration des preuves

Art. 38 Les preuves ne seront, en règle générale administrées que lors des débats principaux, après les premières plaidoiries conformément à l'art. 227 P-CPC. Il est possible de déroger à cette règle, car, suivant la situation, il peut être nécessaire de les administrer avant, en cas de mesures provisionnelles (art. 155 P-CPC) ou de débats d'instruction (art. 223 P-CPC).

Dans les procès en matière de brevets, l'administration des preuves porte souvent sur des dossiers volumineux et des questions techniques complexes. L'art. 38 tient compte de cette réalité. Si, par exemple, de vastes moyens de preuve sont présentés lors des débats principaux dans le but de déterminer l'état de la technique, on ne peut pas exiger des parties qu'elles se déterminent oralement tout de suite après.

C'est pourquoi l'art. 38 donne aux parties l'occasion de se prononcer par écrit sur les résultats de l'administration des preuves. L'obligation de motiver la demande permettra d'éviter l'interruption et le ralentissement de la procédure, mais les exigences relatives à la validité des motifs avancés ne seront pas trop restrictives.

407

2.5.8

Section 8 Procédure et décision d'octroi d'une licence et de modification des conditions d'octroi d'une licence au sens de l'art. 40d LBI

Art. 39 En vertu de la décision de l'OMC du 30 août 200333, un pays en développement ne disposant pas de capacités de production dans le secteur pharmaceutique peut importer les médicaments dont il a besoin pour juguler un problème de santé publique sur la base d'une licence obligatoire. Le Rwanda est le premier Etat à avoir notifié à l'OMC, le 19 juillet 2007, qu'il aurait recours à cette mesure.34 Cette notification n'est cependant que la première d'une série de démarches avant que le pays en développement ne puisse s'approvisionner avec les médicaments nécessaires. La mise en oeuvre de la décision incombe en effet au législateur national. En Suisse, la transposition dans la loi sur les brevets s'est faite par le biais de l'art. 40d LBI dans sa version du 22 juin 200735, qui prévoit une licence obligatoire pour l'exportation de produits pharmaceutiques. L'action en octroi de cette licence obligatoire pour la production et l'exportation de produits pharmaceutiques brevetés ou de produits fabriqués à l'aide d'un procédé breveté doit être introduite devant le Tribunal fédéral des brevets. Il est important que la décision d'octroi soit prise rapidement afin d'éviter que des procédures nationales longues et onéreuses ne viennent contrecarrer la finalité même de la décision de l'OMC, à savoir l'amélioration de l'approvisionnement médical des pays en développement, qui doivent pouvoir se procurer rapidement et à un prix abordable un médicament dont ils ont besoin pour combattre des problèmes sanitaires graves.36 L'art. 39 tient compte de cette nécessité.

Il appartiendra au juge unique de statuer sur les actions en octroi d'une licence obligatoire pour l'exportation (cf. art. 23, al. 1, let. e).

Par dérogation à l'art. 248, al. 2, P-CPC, la demande doit être faite par écrit; elle ne peut pas être présentée par oral pour consignation au procès-verbal (al. 1).

Les actions en octroi d'une licence et en modification des conditions d'octroi d'une licence au sens de l'art. 40d LBI dans sa version du 22 juin 200737 doivent être traitées rapidement. Il est en effet impératif, pour des raisons de sécurité du droit, d'éviter qu'une licence ne soit octroyée de fait moyennant l'ordonnance de mesures provisionnelles. Il faut que l'octroi soit fondé dans une décision finale ayant autorité de force jugée. Eu égard
à la clarté des conditions juridiques (cf. art. 40e LBI dans sa version du 22 juin 200738) régissant l'octroi d'une licence obligatoire d'exportation et à l'urgence inhérente à ce type de demandes, il est opportun qu'une décision soit rendue en l'espace d'un mois (al. 2). Au moment de l'introduction de l'action, le demandeur dispose déjà des moyens de preuve nécessaires, autrement dit les faits peuvent être prouvés de suite. Une licence ne peut être octroyée, ou les conditions 33

34 35 36 37 38

408

Doc. WT/ L/540 du 1.9.2003 et doc. JOB(03)/177 du 30.8.2003, http://www.ige.ch/E/jurinfo/pdf/Basistext.pdf et http://www.ige.ch/E/jurinfo/pdf/Einigung.pdf Doc. IP/N/9/RWA/1 du 19.7.2007 Cf. FF 2007 4363 Cf. message LBI 2005, FF 2006 1 107 FF 2007 4363 FF 2007 4363

d'octroi modifiées, que si la preuve est apportée que les efforts déployés en vue de l'obtention d'une licence contractuelle sont restés vains et que l'on est en présence d'une situation d'urgence nationale ou d'extrême urgence. Il est donc raisonnable d'exiger du demandeur qu'il fournisse les preuves requises au moment de l'introduction de l'action (cf. art. 40d, al. 5, LBI dans sa version du 22 juin 200739). Lors de la consultation, certains participants ont demandé que la procédure de modification d'une licence obligatoire octroyée soit facilitée si la production du médicament se révélait insuffisante pour normaliser l'approvisionnement et la situation sanitaire.

Cette requête avait fait l'objet des débats nourris devant le Parlement40, qui a finalement renoncé à modifier l'art. 40e LBI dans sa version du 22 juin 200741 au motif que, dans les situations d'urgence nationale ou d'extrême urgence, il n'est pas nécessaire d'apporter la preuve que les négociations n'ont pas abouti (art. 40e, al. 1, LBI dans sa version du 22 juin 200742) même si les conditions d'octroi de la licence changent. L'existence d'une situation d'urgence ne devrait pas être difficile à établir.

Par ailleurs, la durée de la procédure ­ un mois ­ est la plus courte possible pour ne pas compromettre son bon déroulement. Au demeurant, le besoin d'une modification se fait en général ressentir suffisamment tôt. Si le demandeur obtient l'accord du titulaire du brevet, l'action en justice devient inutile; cela permet, en fin de compte, d'économiser du temps et de l'argent.

Dans la mesure où l'art. 39 ne contient pas de disposition divergente, l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d LBI dans sa version du 22 juin 200743 est régi par les dispositions du code de procédure civile sur la procédure sommaire (al. 3).

La loi prévoit un délai de dix jours pour le dépôt du recours devant le Tribunal fédéral (cf. annexe «Modification du droit en vigueur», ch. 2, modification de l'art. 100, al. 2, let. d, LTF) parce que les litiges doivent être réglés avec célérité en procédure d'appel également et que le Tribunal fédéral doit statuer sur le recours dans le mois qui suit son dépôt (cf. annexe «Modification du droit en vigueur», ch. 2, modification de l'art. 107, al. 4, LTF). Le recours n'a pas d'effet suspensif (art. 40e, al. 6, LBI dans sa version du 22 juin 200744 et art. 103, al. 1, LTF).

2.5.9

Section 9

Mesures provisionnelles

Art. 40 Les mesures provisionnelles jouent un rôle déterminant dans les procédures relevant du droit des brevets. Il n'est pas rare qu'elles déterminent le cours de la procédure principale. C'est pourquoi elles ne seront en général pas ordonnées sans que les juges ayant une formation technique aient été consultés au préalable. L'art. 40 assure le recours aux connaissances spécialisées de ces juges. Conformément à la let. a, le juge unique peut demander l'avis d'un juge ayant une formation technique, lequel a voix consultative.

39 40 41 42 43 44

FF 2007 4363 BO 2007 E 447 FF 2007 4363 FF 2007 4363 FF 2007 4363 FF 2007 4363

409

Selon le code de procédure civile, les mesures provisionnelles sont ordonnées dans le cadre d'une procédure sommaire (cf. art. 244 P-CPC). Dans ce type de procédure, seuls les moyens de preuve immédiatement disponibles sont admis. Les autres moyens de preuve sont toutefois admissibles si la procédure ne risque pas d'être sensiblement retardée (art. 250, al. 2, let. a, P-CPC). Lors de la consultation, cette réglementation a été jugée inappropriée pour les procès relevant du droit des brevets.

La let. b tient compte de cette critique. Les questions qui se posent dans les procédures de mesures provisionnelles étant en général d'ordre technique, les expertises succinctes revêtent une importance primordiale. Elles se révèlent indispensables notamment lorsqu'il s'agit de prouver des affirmations techniques en relation avec l'exception de nullité. Elles permettent d'évaluer les chances de succès de la procédure principale et doivent se prononcer sur la crédibilité des arguments techniques du demandeur et des objections du défendeur. A la différence des autres moyens de preuve visés à l'art. 250, al. 2, P-CPC, une expertise succinte doit pouvoir être demandée même si la procédure risque d'être sensiblement retardée, car la décision d'ordonner des mesures provisionnelles doit se fonder sur les connaissances nécessaires.

Les connaissances spécialisées des juges doivent être rendues accessibles aux parties dans la procédure de mesures provisionnelles également (art. 180, al. 3, P-CPC).

2.6 Art. 41

Chapitre 6

Dispositions finales

Modification du droit en vigueur

Art. 2, al. 1, let. f, LPers La loi sur le personnel de la Confédération s'appliquera au personnel du Tribunal fédéral des brevets (cf. art. 24, al. 4, P-LTFB).

Art. 3, al. 3, LPers L'al. 3 précise que le Tribunal fédéral des brevets aura le statut d'employeur dans la mesure où les lois applicables ou le Conseil fédéral lui délèguent les compétences nécessaires (cf. art. 24, al. 4, P-LTFB).

Art. 1, al. 2, LTF L'al. 2 reprend l'art. 3, al. 1, P-LTFB, selon lequel le Tribunal fédéral exerce la surveillance sur la gestion du Tribunal fédéral des brevets.

Art. 74, al. 2, let. e, et 75, al. 1, LTF Le recours devant le Tribunal fédéral contre les décisions du Tribunal fédéral des brevets est recevable quelle que soit la valeur litigieuse. Cette disposition s'inscrit dans la logique du droit en vigueur (cf. art. 76 LBI en relation avec l'art. 74, al. 2, let. b, LTF).

410

Art. 100, al. 2, let. d, et 107, al. 4, LTF L'action en octroi d'une licence obligatoire d'exportation visée à l'art. 40d LBI dans sa version du 22 juin 200745 doit être traitée rapidement (cf. art. 39 P-LTFB). La même célérité vaut pour les voies de droit.

Art. 6, al. 1, LTAF et 6, al. 1, LTPF L'activité de juge au Tribunal administratif fédéral ou au Tribunal pénal fédéral n'exclut pas celle de juge suppléant au Tribunal fédéral des brevets (cf. art. 10 PLTFB).

Art. 33, let. cbis, LTAF Le Tribunal administratif fédéral connaît des recours contre les décisions relatives aux rapports de travail du personnel du Tribunal fédéral des brevets (cf. art. 17 et 24, al. 4, P-LTFB).

Art. 77 LBI La disposition de l'avant-projet (art. 41 AP-LTFB) réglant la possibilité de demander la description de procédés et de produits a suscité des réactions controversées lors de la consultation. Même si la plupart des participants l'ont approuvée, certains ont rappelé que les secrets d'affaires ou de fabrication devaient être préservés, le rapport avec l'art. 77 LBI devait être clarifié et que la disposition devait être précisée.

Eu égard à ces revendications fondées, on a renoncé à inscrire une nouvelle disposition dans la LTFB. En lieu et place, il est proposé de modifier l'art. 77 LBI (annexe «Modification du droit en vigueur», ch. 5). Cette modification permet notamment de mettre en évidence que la description demandée à titre de mesure provisionnelle a pour fonction de conserver des preuves et non pas de fournir des moyens de preuve.

L'al. 1 donne au demandeur la possibilité de requérir une description précise des procédés et des produits dont il prétend qu'ils portent atteinte à ses brevets et leur saisie.

Aujourd'hui, une description ne peut être ordonnée que de manière restraintepuisque la conservation des preuves ordonnée à titre de mesure provisionnelle est subordonnée aux mêmes conditions que les autres mesures provisionnelles et qu'elle présuppose un préjudice imminent et difficilement réparable résultant de la violation du brevet. Or un tel préjudice risque le plus souvent d'entraîner la perte du moyen de preuve. Le simple fait, pour le titulaire du brevet, de ne pas connaître les détails de la violation présumée de son brevet n'est pas considéré comme un préjudice suffisant.

C'est pourquoi l'al. 2
prévoit que la partie requérant la description doit rendre vraisemblable qu'elle subit ou qu'elle risque de subir une violation d'un droit dont elle est titulaire. L'art. 257, al. 1, let. b, P-CPC, selon lequel la personne doit encourir un préjudice difficilement réparable, ne s'applique pas à la description en tant que mesure de conservation des preuves. Il suffit que la partie requérante rende vraisemblable, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, qu'il existe une probabilité suffisante que les droits découlant de son brevet soient violés. On évite ainsi que l'on abuse de 45

FF 2007 4363

411

la description pour espionner la partie adverse et que cette mesure ne soit ordonnée au moindre soupçon de violation. On tient compte ainsi des inquiétudes exprimées à ce sujet par différents participants à la consultation. Par ailleurs, l'al. 3 protège les intérêts de la partie qui viole prétendument le brevet en disposant que les secrets de fabrication ou d'affaires des parties doivent être préservés (cf. aussi art. 68 LBI et art. 153 P-CPC). Il incombe au tribunal de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir la protection des informations confidentielles, notamment en restreignant la participation des parties à l'établissement de la description (en dérogation à l'art.

152, al. 3, P-CPC). En effet, la participation du demandeur ou de son représentant à l'établissement de la description comporte régulièrement un risque d'espionnage et d'appropriation de secrets d'affaires. La protection des intérêts de la partie adverse commandera donc en général qu'il soit tenu à l'écart.

La description est faite par un membre du Tribunal fédéral des brevets, ce qui garantit son établissement par une personne ayant les compétences techniques requises (al. 4).

Le rapport rédigé par le membre du Tribunal fédéral des brevets devra être remis au demandeur. Le tribunal devra prendre les mesures qui s'imposent pour protéger les secrets d'affaires. C'est pourquoi la partie adverse doit avoir la possibilité de se prononcer sur l'admissibilité et le bien-fondé des mesures provisionnelles ordonnées à son encontre, et notamment de faire valoir des secrets de fabrication ou d'affaires (al. 5). Ainsi, le tribunal peut par exemple restreindre l'accès à certains documents ou caviarder certains passages dans le but de sauvegarder des intérêts dignes de protection.

Les preuves à futur ont également pour but la conservation des preuves. Aux termes de l'art. 155 P-CPC, le tribunal peut à tout moment administrer des preuves, en particulier lorsque la loi confère le droit d'en faire la demande. L'art. 77 LBI fonde un tel droit. C'est pourquoi les mesures provisionnelles visées à l'art. 77 LBI ­ notamment la description ­ peuvent être requises avant qu'un procès ne soit pendant et servir entre autres à tirer au clair les preuves et les chances d'aboutissement du procès (cf. art. 155, al. 1, let. b, P-CPC).

Art. 42

Disposition transitoire

Le Tribunal fédéral des brevets reprend, s'il en a la compétence, les procédures qui sont pendantes devant les tribunaux cantonaux. Si la procédure est déjà très avancée, on renoncera au transfert pour des raisons d'économie de la procédure.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le Tribunal fédéral des brevets se financera par le biais des émoluments judiciaires et subsidiairement par des contributions de l'IPI provenant des taxes sur les brevets.

Sa création n'aura donc pas d'incidence sur le budget de la Confédération, puisque l'IPI est autonome dans sa gestion.

412

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

La mise à disposition gratuite de l'infrastructure cantonale lorsque les circonstances l'exigent n'entraînera pas de charges supplémentaires pour les cantons. Le projet de loi leur permet au contraire de faire des économies puisqu'il décharge les tribunaux cantonaux des litiges civils en matière de brevets.

3.3

Conséquences économiques

3.3.1

Nécessité et possibilité d'une intervention de l'Etat

Véritables incitations à l'investissement dans la recherche et le développement, les brevets sont considérés comme des facteurs indispensables au progrès de la science et de la technologie. Le système des brevets joue donc un rôle primordial pour stimuler l'innovation dans un pays et favoriser sa croissance. Son efficacité dépend grandement des moyens de défense des titres de protection. L'économie n'aura en effet aucun intérêt à investir dans la recherche et le développement et dans la protection de ses biens immatériels si elle ne peut pas défendre ces droits devant les tribunaux. On relève par ailleurs une antinomie entre la durée de protection limitée des brevets et la longueur des procédures nécessaires à leur application. Le coût des actions en justice constitue d'ailleurs un obstacle pour les inventeurs individuels et pour les PME désireux de défendre leurs droits. Le but du Tribunal fédéral des brevets est de permettre au système des brevets de jouer pleinement son rôle en faveur de l'innovation grâce à une jurisprudence efficace.

Il y a longtemps que les milieux économiques critiquent la compétence des tribunaux cantonaux en matière de litiges relevant du droit de la propriété intellectuelle, qui présente d'ailleurs des défauts. La création du Tribunal fédéral des brevets, qui est une réponse à ce manque d'efficacité, favorisera le développement de compétences spécialisées.

3.3.2

Autres Conséquences

D'aucuns craignent que le Tribunal fédéral des brevets sera plus cher que les tribunaux cantonaux pour les inventeurs individuels et les PME. Les émoluments exacts qui seront perçus par le nouveau tribunal ne sont pas encore arrêtésmais ne devraient guère dépasser ceux que percevaient les tribunaux cantonaux. Tout comme les tarifs cantonaux, les émoluments judiciaires du Tribunal fédéral des brevets doivent être conformes aux principes constitutionnels et ne devront notamment pas être prohibitifs.

Les groupements de défense des intérêts des industries suisses concernées par la propriété intellectuelle (groupe suisse de l'AIPPI, INGRES) et economiesuisse soutiennent depuis des années l'idée de centraliser les litiges en matière de brevets auprès d'une seule instance nationale. Pour l'industrie, la qualité et la transparence d'une solution centralisée présentent des avantages incontestables.

La création du Tribunal fédéral des brevets permettrait de décharger les tribunaux cantonaux, particulièrement lorsque la juridiction cantonale ne dispose pas des

413

connaissances spécialisées en droit des brevets et que le traitement des litiges de brevets mobilise beaucoup de ressources.

Les questions liées à la protection de la propriété intellectuelle doivent être considérées dans leur contexte international. Aujourd'hui, lorsqu'un litige éclate en matière de brevets et qu'une partie suisse est impliquée, on tend à se tourner vers des tribunaux étrangers, plus professionnels, en raison des lacunes de l'administration de la justice dans ce domaine en Suisse. La création du Tribunal fédéral des brevets permettrait d'inverser cette tendance.

3.3.3

Appréciation de certaines mesures

Compte tenu des valeurs litigieuses habituelles des litiges en matière brevets, le Tribunal fédéral des brevets pourra très certainement s'autofinancer en grande partie par le biais des émoluments judiciaires. Economiquement parlant, le modèle de financement prévu (émoluments judiciaires et taxes sur les brevets) est judicieux puisque aucun émolument supplémentaire n'est perçu et que les cantons sont déchargés des litiges en matière de brevets sans contrepartie.

Le Tribunal fédéral des brevets pourra recourir à l'infrastructure du Tribunal administratif fédéral; il y tiendra en général ses audiences. Il sera toutefois libre de siéger aussi ailleurs si la proximité d'un lieu est susceptible de contribuer au meilleur traitement du litige. Le rattachement du Tribunal fédéral des brevets au Tribunal administratif fédéral permet de réaliser des synergies judicieuses.

Eu égard au nombre de litiges que le tribunal sera appelé à juger par année, il est prévu de le doter de deux juges ordinaires et de juges suppléants, dont la majorité devront avoir une formation technique. Cette composition permet de réunir les compétences spécialisées et linguistiques nécessaires pour assurer en Suisse l'établissement d'une jurisprudence professionnelle et de qualité.

3.3.4

Conséquences pour l'économie dans son ensemble

Le système des brevets revêt une importance considérable pour la Suisse: il stimule les investissements dans la recherche et le développement, l'innovation, l'encouragement de la recherche et la diffusion du savoir. Sa finalité est de favoriser l'émergence d'innovations dans les domaines où le marché libre leur fait barrage.

L'innovation crée des emplois, stimule la croissance économique et accroît l'attrait de la place économique suisse. Une juridiction centralisée de qualité, qui veille au bon fonctionnement du système des brevets, renforcera le rôle majeur de ce système dans le processus d'innovation et contribuera ainsi à la prospérité en Suisse dans son ensemble.

La jurisprudence du Tribunal fédéral des brevets sera plus homogène et de meilleure qualité; elle offrira de ce fait une sécurité accrue et garantira une plus grande continuité aux justiciables dans les litiges relevant du droit des brevets. La création du tribunal vise par conséquent à instaurer clarté, transparence et sécurité juridique. La réglementation proposée améliorera la protection conférée par les brevets en Suisse et favorisera ainsi la compétitivité du pays.

414

3.3.5

Réglementations possibles

Les autres réglementations envisagées ont été présentées et commentées plus haut (cf. ch. 1.4.2).

3.3.6

Aspects pratiques de l'exécution

La création du Tribunal fédéral des brevets permet d'optimiser l'exécution du droit des brevets dans les litiges civils, de simplifier les voies de droit et de faciliter l'accès à celles-ci. Elle améliore la sécurité du droit puisque la plupart des questions liées à la compétence ne se poseront plus. La concentration et la qualité accrue de la jurisprudence accroîtront la prévisibilité des décisions et la transparence. L'instauration du Tribunal fédéral des brevets vise aussi à simplifier l'accès à la justice et à contribuer à une meilleure application et protection des droits conférés par les brevets.

4

Liens avec le programme de la législature et le plan financier

Le projet est annoncé dans le programme de la législature 2003 à 2007 comme objet des Grandes lignes (FF 2004 1048 1079).

La création du Tribunal fédéral des brevets constitue l'un des volets de la révision de la loi sur les brevets. Comme celle-ci portait sur de nombreux thèmes ne présentant pas tous la même urgence et la même portée, le Conseil fédéral a décidé, le 11 mars 2005, après avoir pris connaissance des résultats de la consultation qui avait eu lieu en 2004, de procéder par étapes. La création d'un tribunal fédéral de première instance dans le domaine des brevets était moins urgente et moins compliquée que les autres points de la révision comme la ratification de l'Acte de révision CBE.

Contrairement aux autres volets de la révision, il n'existait pas non plus de projet rédigé, car seule l'idée d'un tribunal avait été discutée lors de la consultation. C'est pour cette raison que le Conseil fédéral a décidé, dans un premier temps, de reporter ce volet de la révision de la loi sur les brevets malgré l'accueil favorable qu'il avait reçu lors de la consultation, tout en se réservant le droit de reconsidérer l'idée.

Entre-temps, le Parlement a adopté le premier volet de la révision de la loi sur les brevets, c'est-à-dire la ratification de l'Acte de révision CBE et de l'Accord sur les langues CBE; la Suisse a déposé ses instruments de ratification le 12 juin 2006. Le 22 juin 2007, les Chambres fédérales ont aussi adopté le deuxième volet ­ la pièce de résistance ­ de la révision de la loi sur les brevets (FF 2007 4363). Le présent projet de loi constitue le troisième volet de la révision, à savoir l'amélioration de l'administration de la justice dans le domaine des brevets. Ce but figurant à nouveau dans ses Objectifs 200646, le Conseil fédéral a mis en consultation un avant-projet de loi sur la création d'un tribunal fédéral des brevets fin 2006 afin de pouvoir décider des prochaines étapes dans la seconde moitié de 2007.47 Le projet de loi tient en 46 47

Cf. Les Objectifs 2006 du Conseil fédéral, décision du Conseil fédéral du 23.11.2005, p. 8 s.

Cf. Les Objectifs 2007 du Conseil fédéral, décision du Conseil fédéral du 29.11.2006, p. 7 s.

415

outre compte de l'initiative parlementaire de la conseillère aux Etats Helen Leumann-Würsch (cf. ch. 1.2).

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

La loi sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB) se fonde sur l'art. 191a, al. 3, Cst.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

S'agissant de l'organisation du Tribunal fédéral des brevets et des règles de procédure qui dérogent du code de procédure civile, le projet du Conseil fédéral est compatible avec les obligations internationales de la Suisse, en particulier avec les exigences découlant de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).48 Le Tribunal fédéral des brevets satisfait en particulier aux exigences formulées à l'art. 6, ch. 1, CEDH en ce qui concerne l'indépendance et l'impartialité des tribunaux, tant sur le plan institutionnel et que du point de vue de son personnel.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet de loi contient des dispositions importantes fixant des règles de droit qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. La compétence de l'Assemblée fédérale découle de l'art. 163, al. 1, Cst.

5.4

Délégation de compétences législatives

Les art. 17, 20, al. 3, et 33 P-LTFB prévoient la délégation de compétences législatives. L'art. 17 charge l'Assemblée fédérale de régler les détails des rapports de travail des juges. Il correspond aux dispositions analogues applicables au Tribunal administratif fédéral et au Tribunal pénal fédéral (art. 13 LTAF et 12 LTPF). Les art. 20, al. 3, et 33 autorisent le Tribunal fédéral des brevets à édicter des règlements et à établir le tarif des frais de procès. Cette délégation de compétences s'inspire des dispositions analogues applicables aux autres tribunaux fédéraux (art. 15 et 65 LTF, 16 LTAF et 15 LTPF).

48

416

RS 0.101