07.094 Message concernant le traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et le Chili du 28 novembre 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, un projet d'arrêté fédéral concernant le Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Confédération suisse et la République du Chili, signé le 24 novembre 2006.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 novembre 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-0073

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Condensé Dans sa lutte contre la criminalité internationale, la Suisse s'emploie à tisser, dans toutes les régions du monde, un vaste réseau de traités d'entraide judiciaire en matière pénale. Le traité conclu avec la République du Chili, qui est soumis à l'approbation des Chambres fédérales par le présent message, apporte une pierre de plus à cet édifice.

Point de la situation Face à la mondialisation croissante et au développement accru de réseaux transnationaux, la criminalité prend de plus en plus une dimension internationale. Aussi, pour être efficace, la lutte contre la criminalité doit-elle s'appuyer dans une plus large mesure sur la collaboration internationale. Les progrès techniques intervenus ces dernières années, notamment dans le domaine des télécommunications et de la transmission de données, permettent aux criminels de commettre plus facilement leurs forfaits par-delà les frontières. En outre, certains types d'infractions sont de plus en plus le fait d'organisations structurées. Au vu de cette évolution, la probabilité qu'un Etat parvienne à maîtriser seul les enjeux d'une lutte efficace contre le crime s'amenuise de jour en jour. Pour contrecarrer le déficit de sécurité qui peut en résulter, il importe de constituer, dans toutes les régions du monde, un réseau d'instruments juridiques dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale.

Le traité conclu avec la République du Chili s'inscrit dans la droite ligne de cette stratégie.

La Confédération suisse avait subordonné l'ouverture de négociations en vue de la conclusion d'un traité d'entraide judiciaire avec le Chili à la conclusion préalable d'un accord de réadmission. Celui-ci ayant été paraphé au mois d'août 2005, plus rien ne s'opposait au lancement des travaux.

Le traité d'entraide judiciaire conclu avec la République du Chili reprend les principes de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de 1959 (CEEJ; RS 0.351.1). Sur cette base, la Suisse peut collaborer plus efficacement avec un autre pays extra-européen dans la lutte contre la criminalité internationale, notamment contre le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme.

Teneur du traité Cet instrument établit une base de droit international public permettant aux autorités judiciaires des deux Etats
de coopérer dans la recherche et la poursuite des infractions. Jusqu'ici, la Suisse ne pouvait accorder l'entraide judiciaire aux autorités chiliennes qu'en se fondant sur sa législation nationale, à savoir la loi sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1).

Le traité intègre les développements récents intervenus dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale (en particulier le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale; RS 0.351.12). Il a pour effet de simplifier et d'accélérer la procédure d'entraide

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entre les deux Etats et réduit les formalités, notamment en prévoyant une dispense des légalisations. En outre, il permet l'audition par vidéoconférence et la constitution d'équipes communes d'enquête et définit les règles applicables aux livraisons surveillées. Enfin, il instaure deux Autorités centrales (une par Etat), qui sont chargées d'assurer une coopération sans faille entre les Etats dans le domaine qu'il couvre et qui sont les interlocutrices officielles lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes ou de dissiper des malentendus. La mise en oeuvre du traité n'exige aucune modification de la législation suisse.

Après le Pérou, l'Equateur, le Brésil et le Mexique, la République du Chili est le cinquième Etat d'Amérique latine avec lequel la Suisse a conclu un traité bilatéral.

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Table des matières Condensé

76

1 Partie générale 1.1 Contexte 1.2 Déroulement des négociations 1.3 Aperçu de la teneur du traité 1.4 Appréciation du traité 1.5 Relation avec le droit européen

79 79 79 80 81 81

2 Commentaire des différentes dispositions du traité 2.1 Chapitre I: Dispositions générales 2.2 Chapitre II: Demande d'entraide judiciaire 2.3 Chapitre III: Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires ­ comparution de témoins et d'experts 2.4 Chapitre IV: Casier judiciaire et échange d'avis de condamnation 2.5 Chapitre V: Procédure 2.6 Chapitre VI: Transmission spontanée et dénonciation aux fins de poursuite et de confiscation 2.7 Chapitre VII: Dispositions finales

82 82 84

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons 3.2 Conséquences économiques

98

4 Relation avec le programme de législature

88 94 94 96 97

98 98 98

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Procédure de consultation

99 99 100

Arrêté fédéral portant approbation du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Suisse et le Chili (Projet)

101

Traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la Confédération suisse et la République du Chili

103

78

Message 1

Partie générale

1.1

Contexte

Au cours de ces dernières années, la République du Chili a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de conclure avec la Suisse un traité d'entraide judiciaire en matière pénale. Parallèlement, l'Office fédéral des migrations (ODM) s'est efforcé, depuis 2001, d'engager des négociations avec le Chili en vue de la conclusion d'un accord de réadmission. Au fil des ans toutefois, il est apparu que les autorités chiliennes s'opposeraient à la négociation d'un accord de réadmission tant que la Suisse ne se déclarerait pas disposée à négocier un traité d'entraide judiciaire en matière pénale.

A l'occasion d'une rencontre qui eut lieu en février 2005, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) et l'ambassadeur de la République du Chili en Suisse sont convenus que la Confédération consentirait à l'ouverture de négociations portant sur un traité d'entraide judiciaire aussitôt que le Chili accepterait de négocier un accord de réadmission avec les autorités helvétiques. Les travaux d'élaboration dudit accord se sont achevés le 26 août 2005 avec le paraphe, aplanissant ainsi la voie en vue de la conclusion du présent traité. Cet instrument trouve son fondement dans l'évolution de la criminalité: dans le contexte actuel d'internationalisation croissante du crime, les Etats ne sont plus en mesure d'enrayer seuls ce fléau. Le renforcement constant du réseau mondial d'instruments bilatéraux d'entraide judiciaire en matière pénale permet donc de répondre aux exigences nouvelles de la lutte contre la criminalité et, partant, de renforcer la sécurité.

1.2

Déroulement des négociations

Une première session de négociations a réuni une délégation de chaque Etat à Santiago du Chili à la mi-septembre 2005. Au cours des discussions, il est clairement apparu que la délégation chilienne aspirait à une conclusion rapide et qu'elle était, dès lors, prête à faire des compromis. Cette attitude tient notamment au fait que le Chili redouble d'efforts pour imprimer un mouvement d'ouverture vers l'Europe dans de nombreux domaines, y compris dans celui de la coopération judiciaire internationale.

La pression exercée sur le gouvernement chilien par les milieux politiques nationaux n'est pas non plus étrangère au succès des négociations, qui ont abouti dès la première session: à cette époque, la Commission suisse de recours en matière d'asile avait confirmé l'admission provisoire accordée à un extrémiste chilien soupçonné du meurtre d'un policier. L'opinion publique chilienne avait eu l'impression que les autorités helvétiques ne considéraient pas la République du Chili comme un Etat de droit. La conclusion d'un traité d'entraide judiciaire avec la Confédération suisse a permis au gouvernement chilien de dissiper cette impression.

Le Conseil fédéral a approuvé le traité d'entraide judiciaire avec la République du Chili le 5 avril 2006. A l'occasion de sa visite au Chili, le chef du Département fédéral de justice et police a signé le traité le 24 novembre 2006.

79

1.3

Aperçu de la teneur du traité

Le traité d'entraide judiciaire conclu entre la Confédération suisse et la République du Chili établit une base de droit international public permettant aux autorités judiciaires des deux Etats de coopérer dans la recherche et la poursuite des infractions.

Les parties contractantes s'engagent à s'accorder, conformément aux dispositions du traité, l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute enquête et procédure pénale. Jusqu'ici, la Suisse ne pouvait accorder l'entraide judiciaire aux autorités chiliennes que sur la base et dans les limites de sa législation nationale.

Le traité reprend les principes essentiels consacrés par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ)1 ainsi que par la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale (EIMP)2. Il intègre en outre des réglementations figurant dans le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale3, entré en vigueur pour la Suisse le 1er février 2005. Après le Pérou, l'Equateur, le Brésil et le Mexique, la République du Chili est le cinquième Etat d'Amérique latine avec lequel la Suisse a conclu un traité bilatéral dans ce domaine.

Un acquis majeur de cet instrument réside dans la réduction sensible de la durée de la procédure d'entraide judiciaire en Suisse comme au Chili. Cette accélération résulte de trois éléments principaux: premièrement, l'instauration de deux Autorités centrales ­ pour le Chili, le Ministère des affaires étrangères et pour la Suisse, l'Office fédéral de la justice ­ qui communiquent directement entre elles (art. 25); deuxièmement, la définition détaillée du contenu de la demande d'entraide (art. 27); troisièmement, l'abandon des exigences de forme (art. 29).

Par analogie avec l'art. 74a EIMP, le traité prévoit la remise à l'Etat requérant en vue de confiscation d'objets et valeurs saisis par l'Etat requis (art. 11). Il contient en outre des dispositions régissant la constitution d'équipes communes d'enquête (art. 22) et les livraisons surveillées (art. 23).

A certaines conditions, des informations pourront être transmises à l'autre Etat contractant sans qu'il soit nécessaire que ce dernier présente une demande d'entraide judiciaire au préalable (art. 32). Cette transmission spontanée apporte une contribution
décisive à la lutte contre le crime: l'échange, le plus tôt et le plus rapidement possible, de renseignements pertinents constitue en la matière une arme de première importance.

Eu égard aux possibilités offertes par les technologies modernes de télécommunication, un article autorise l'audition par vidéoconférence (art. 21). Fondée sur le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, cette disposition s'applique lorsque la comparution de la personne concernée sur le territoire de l'Etat requérant est inopportune ou impossible.

Concernant le règlement des différends, les parties contractantes ont renoncé, à la demande de la République du Chili, à inscrire une clause prévoyant le recours à un tribunal arbitral, comme c'est généralement le cas dans les traités de ce type. Toute divergence de vue et tout différend sera donc réglé exclusivement par la voie diplomatique (art. 37).

1 2 3

80

RS 0.351.1 RS 351.1 RS 0.351.12

1.4

Appréciation du traité

Le traité d'entraide judiciaire conclu avec le Chili s'inscrit dans la droite ligne de la politique menée par le Conseil fédéral afin de tisser un réseau d'accords bilatéraux dans toutes les régions du monde et d'intensifier, ainsi, la lutte contre la criminalité internationale. Le but premier de ce nouvel instrument est d'empêcher que la place financière helvétique ne soit utilisée à des fins criminelles et que la Suisse ne se transforme en plaque tournante du crime organisé, où les criminels trouveraient refuge en toute impunité.

Au vu des conditions actuelles, il ne fait pas le moindre doute qu'un Etat ne peut plus, à lui seul, combattre efficacement le fléau de la criminalité internationale.

Comme elle l'a fait avec d'autres pays d'Amérique latine, la Suisse noue ainsi des liens contractuels avec un nouvel Etat important sur le continent sud-américain. Ce renforcement de la collaboration internationale en matière judiciaire est l'un des fondements de la sécurité intérieure de la Suisse.

Grâce à ce traité, la République du Chili et la Confédération helvétique peuvent coopérer plus étroitement en matière de lutte contre la criminalité internationale, notamment contre le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme. Tout en s'appuyant sur les principes éprouvés de l'entraide judiciaire internationale, le texte du traité intègre les dernières évolutions en la matière. Il s'inscrit dans le prolongement des accords que la Suisse a conclus jusqu'ici dans ce domaine. Il s'agit d'un instrument moderne et efficace, qui répond aux exigences de la pratique. Sa mise en oeuvre n'exige aucune adaptation du droit suisse.

1.5

Relation avec le droit européen

La coopération entre la Suisse et les Etats membres du Conseil de l'Europe dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale est régie par la CEEJ et le Deuxième Protocole additionnel à cette Convention. Des traités bilatéraux conclus entre la Suisse et quatre de ses voisins sont également appliqués à titre complémentaire4. D'autres instruments du Conseil de l'Europe, tels que la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime ou la convention relative à la corruption, règlent l'entraide judiciaire concernant certains types de criminalité.

Non seulement le traité d'entraide judiciaire entre la Suisse et le Chili reprend tous les principes essentiels statués par la CEEJ, mais il tire aussi parti des innovations introduites par d'autres instruments du Conseil de l'Europe. Partant, il est compatible avec le droit européen.

4

La Suisse a conclu des traités additionnels à la CEEJ avec l'Allemagne (RS 0.351.913.61), l'Autriche (RS 0.351.916.32), la France (RS 0.351.934.92) et l'Italie (RS 0.351.945.41).

81

2

Commentaire

2.1

Chapitre I: Dispositions générales

Art. 1

Obligation d'accorder l'entraide judiciaire

Le par. 1 oblige les Etats contractants, sur la base du droit international public, à s'accorder l'entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible. Une demande d'entraide doit, par conséquent, être exécutée dans le cadre du traité s'il n'y a pas de motif d'inapplicabilité (art. 2) ou de refus (art. 3).

Le par. 2 a été introduit à la demande de la République du Chili. Dans cet Etat, les ministères publics ne sont pas assimilés à des autorités judiciaires. Afin qu'ils puissent eux aussi présenter des demandes d'entraide judiciaire à l'Autorité centrale chilienne au sens de l'art. 25 il était dès lors impératif de les mentionner expressément.

Le par. 3 énumère les mesures classiques d'entraide judiciaire au titre du traité (let. a à i). La let. j contient une clause générale permettant aux autorités d'ordonner toute autre mesure que celles qui sont expressément énumérées, pour autant que deux conditions soient remplies: ladite mesure doit être compatible avec les buts du traité et avec le droit national des Etats contractants. La clause générale précitée permet d'adopter des solutions pragmatiques dans le cas d'espèce et de tenir compte de l'évolution du droit.

Art. 2

Inapplicabilité

Cette disposition définit les actes qui sont exclus du champ d'application du traité, à savoir l'arrestation et l'extradition de personnes poursuivies pénalement ou condamnées et de l'exécution de jugements pénaux. Il s'agit là d'une délimitation classique du champ d'application d'un traité d'entraide judiciaire.

Art. 3

Motifs pour refuser ou différer l'entraide judiciaire

Cette disposition énumère les motifs qui peuvent justifier le refus de l'entraide judiciaire ou l'ajournement des mesures demandées. Afin de garantir l'entraide judiciaire la plus large possible et de conserver une certaine marge d'action face à l'évolution du droit, ces motifs sont présentés sous la forme potestative. Lorsque, dans un cas d'espèce, il existe un motif de refus au sens du traité, l'Etat requis détermine, à la lumière de son droit interne, s'il est tenu de refuser l'entraide. Pour la Suisse, les dispositions pertinentes sont essentiellement les art. 1a, 2, 3 et 5 EIMP, sur lesquels se fonde la liste des motifs de refus. En présence de l'un ou de plusieurs de ces motifs, l'EIMP prévoit le refus de l'entraide5.

La liste des motifs de refus que l'Etat requis peut faire valoir au sens du par. 1 est exhaustive.

­

5

82

Ainsi, il n'est pas tenu d'accorder l'entraide si la procédure pénale ouverte à l'étranger se rapporte à une infraction politique, militaire ou fiscale (let. a à c). Le texte apporte une précision s'agissant de l'infraction fiscale:

Font exception les demandes présentées pour les cas d'escroquerie en matière fiscale (art. 3, al. 3, EIMP).

l'entraide pourra, cependant, être accordée dans le cas d'une escroquerie en matière fiscale6.

6 7 8 9

10

­

L'entraide judiciaire pourra également être refusée si l'Etat requis estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels (let d.).

Selon la conception juridique suisse, la notion d'«ordre public» couvre également le respect des droits fondamentaux dont font notamment partie le droit à la vie, l'interdiction de la torture ou de tout autre traitement ou peine cruel, inhumain ou dégradant et les garanties élémentaires de procédure. Au niveau mondial, ces garanties sont notamment statuées par le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques7 (ci-après «Pacte ONU II»).

­

L'entraide pourra, en outre, être refusée si la demande vise des faits pour lesquels la personne prévenue a été acquittée ou condamnée par l'Etat requis, à condition que la sanction éventuellement prononcée soit en cours d'exécution ou ait déjà été exécutée (let. e). Ce motif de refus découle du principe ne bis in idem, selon lequel nul ne peut être poursuivi pénalement deux fois pour les mêmes faits8.

­

Il y a également matière à refuser l'entraide s'il existe des raisons sérieuses de croire que faire droit à la demande porterait préjudice à une personne pour des raisons liées à sa race, à son sexe, à sa religion, à son origine ethnique ou à ses opinions politiques (let. f).

­

L'Etat requis peut également refuser de faire droit à la demande d'entraide, si son exécution devait se faire en violation des droits de l'homme que les Etats se sont engagés à respecter dans le cadre d'instruments internationaux, en particulier dans le Pacte ONU II, auquel tant le Chili que la Suisse sont parties (let g). Cette disposition vise à garantir que l'entraide judiciaire ne soit pas fournie au détriment des droits de l'homme, ce qui constituerait une violation des engagements internationaux pris en la matière par les Etats contractants9.

­

L'entraide judiciaire peut également être refusée si la demande concerne une infraction pour laquelle la peine de mort est prévue selon le droit de l'Etat requérant et que cet Etat n'a pas donné à l'Etat requis des assurances suffisantes que la peine de mort ne sera pas prononcée ou, si elle l'est, qu'elle ne sera pas exécutée (let. h). Si cette clause importante aux yeux de la Suisse a été intégrée dans le traité, c'est parce que le Chili n'a aboli la peine de mort en temps de paix qu'en 2001. La dernière exécution au Chili remonte à 1985. En Suisse, la peine de mort est interdite aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre. L'art. 10, al. 1, de la Constitution10 l'interdit expres-

Conditions déterminant l'escroquerie en matière fiscale ATF 125 II 250.

RS 0.103.2 ATF 123 II 464 consid. 2b avec renvois; 118 IV 269 consid. 2.

ATF 130 II 217 consid. 8 avec renvois (entraide judiciaire à Taiwan); 129 II 268 consid. 6 avec renvois (entraide judiciaire au Nigeria); 126 II 324 consid. 4 et 123 II 161 consid. 6 (entraide judiciaire à la Russie).

RS 101

83

sément. Après l'adoption du Protocole no 13 à la CEDH11 sur l'abolition de la peine de mort, protocole qui est entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2003, cette peine a été abolie en toutes circonstances. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la peine de mort est un motif qui exclut la coopération internationale en matière pénale lorsque la personne inculpée dans le cadre d'une procédure à l'étranger est passible de cette peine12. L'existence de la peine de mort peut donc empêcher la coopération non seulement en matière d'extradition, mais également en matière d'entraide judiciaire.

Le par. 2 donne à l'Etat requis la faculté de différer l'entraide judiciaire lorsque l'exécution de la demande serait préjudiciable à une procédure pénale en cours dans cet Etat. Si, par exemple, dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, l'Etat requérant demandait la remise de moyens de preuve dont l'Etat requis a besoin dans le cadre d'une procédure pénale conduite sur son territoire, ce dernier Etat pourrait surseoir à la remise jusqu'à ce que cette procédure soit close.

Les par. 3 et 4 règlent la procédure à suivre lorsque l'Etat requis entend refuser ou différer l'entraide judiciaire. En pareil cas, l'Etat requis est tenu d'informer l'Etat requérant des motifs de sa décision (par. 3, let. a). Simultanément, il doit examiner si l'entraide judiciaire peut néanmoins être accordée aux conditions qu'il estime nécessaires (let. b). Tout refus total ou partiel de l'entraide judiciaire doit être motivé (par. 4).

2.2

Chapitre II: Demande d'entraide judiciaire

Art. 4

Droit applicable

Le par. 1 consacre le principe selon lequel les demandes sont exécutées conformément au droit de l'Etat requis. En Suisse, elles le seront conformément à l'EIMP et au droit procédural déterminant des cantons et de la Confédération.

Le par. 2 permet de déroger au principe susmentionné: l'Etat requérant peut expressément exiger que la demande d'entraide judiciaire soit exécutée conformément à son propre droit procédural. L'Etat requis ne doit donner suite à cette exigence que si son droit national ne s'y oppose pas. L'application de cette clause dérogatoire peut se révéler judicieuse notamment dans les cas où l'Etat requérant ne peut exploiter les moyens de preuve que s'ils ont été recueillis à l'étranger selon la procédure prévue par son propre droit. Une disposition similaire figure à l'art. 65 EIMP ainsi que dans le Deuxième protocole additionnel à la CEEJ (art. 8).

Art. 5

Mesures de contrainte

Le par. 1 permet aux Etats contractants de refuser l'exécution d'une demande d'entraide lorsqu'elle implique le recours à des mesures de contrainte. Pour justifier ce refus, il faut que les faits qui sont à l'origine de la demande ne soient pas punissables dans les deux Etats contractants. Concrètement cela signifie que, dans le 11

12

84

Protocole no 13 du 3 mai 2002 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances (RS 0.101.093).

ATF 130 II 217 consid. 8.8 et 131 II 228 consid. 3.3 (entraide judiciaire à Taiwan).

cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, la Suisse ne peut ordonner des mesures de contrainte que si les faits donnant lieu à poursuite pénale correspondent aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. La règle selon laquelle toute mesure coercitive exige préalablement la double punissabilité de l'infraction pour laquelle l'entraide est demandée est une règle-clef du droit suisse en matière d'entraide judiciaire. Elle est, du reste, statuée à l'art. 64 EIMP ainsi que dans la déclaration formulée par la Suisse s'agissant de l'art. 5, par. 1, CEEJ.

Intégré dans le corps du traité à la demande de la délégation chilienne, le par. 2 clarifie les mesures de contrainte auxquelles les Etats contractants peuvent recourir aux fins de l'entraide judiciaire. L'énumération s'inspire de l'art. X, par. 2, de l'Accord entre la Suisse et l'Italie en vue de compléter la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et d'en faciliter l'application13.

Art. 6

Mesures provisoires

Selon cette disposition, un Etat contractant peut exiger de l'autre que soient ordonnées des mesures provisoires en vue de maintenir une situation existante, de protéger des intérêts juridiques menacés ou de mettre en sûreté des éléments de preuve. Toutefois, l'Etat requis n'ordonnera de telles mesures que si certaines conditions sont remplies. La réglementation prévue à l'art. 6 s'inspire du libellé de l'art. 18 EIMP et figure également, quoique de façon moins détaillée, à l'art. 24 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ.

Le par. 1 permet aux autorités judiciaires de l'Etat requis d'ordonner des mesures provisoires, telles que le blocage de comptes bancaires, si l'Etat requérant l'exige expressément. Une mesure provisoire ne peut toutefois être ordonnée que si l'octroi de l'entraide judiciaire est admissible dans le cas d'espèce, autrement dit s'il n'existe aucun motif manifeste de refuser l'entraide. La mesure doit être conforme au principe de la proportionnalité14. Dans l'hypothèse où la Suisse serait l'Etat requis, il résulte de ce qui précède que les autorités suisses ne pourraient pas faire droit à une demande de mesures provisoires présentée par la République du Chili si cette demande vise, par exemple, une infraction qui n'est pas de droit commun ou qui ne répond pas à l'exigence de la double punissabilité.

S'il y a péril en la demeure, l'Etat requis peut ordonner en vertu du par. 2 des mesures provisoires avant même d'avoir reçu une demande formelle d'entraide judiciaire.

Il suffit que l'envoi de cette demande ait été annoncé. En l'occurrence, les renseignements fournis par l'Etat requérant doivent, cependant, être tels qu'ils permettent à l'Etat requis de vérifier si toutes les conditions permettant d'ordonner les mesures provisoires sont remplies. L'Etat requis est tenu de limiter dans le temps l'application d'une mesure provisoire, en respectant le principe de la proportionnalité. A cet effet, il impartit à l'autre Etat un délai adapté aux circonstances pour présenter une demande formelle d'entraide judiciaire. Si ce délai n'est pas respecté, les mesures provisoires sont levées.

13 14

RS 0.351.945.41 Cf. ATF 130 II 329 consid. 3 ss.

85

Art. 7

Présence de personnes participant à la procédure

Cette disposition permet aux personnes qui participent à une procédure ouverte dans l'Etat requérant (par exemple, un juge d'instruction, un procureur ou un défenseur) d'assister à l'exécution de la demande d'entraide dans l'Etat requis. Encore faut-il que l'Etat requis y ait consenti expressément. Une disposition analogue figure à l'art. 4 CEEJ.

En Suisse, la mise en oeuvre de cette disposition est régie par l'art. 65a EIMP. La présence de personnes qui participent à la procédure ouverte à l'étranger, lors d'actes d'entraide, ne doit pas déboucher sur une participation active de ces personnes à la procédure d'entraide dans l'Etat requis ni avoir pour conséquence que des faits ressortissant au domaine secret soient prématurément portés à leur connaissance. Il incombe au juge chargé d'exécuter la demande d'entraide de diriger la procédure. Il doit s'assurer qu'aucune information ou pièce (par exemple, documents bancaires) frappée du secret ne soit communiquée aux personnes étrangères présentes, avant que leur transmission ait été autorisée par une décision entrée en force. A défaut d'une telle réglementation, le fait d'associer ces personnes aux actes d'entraide reviendrait de facto à éluder les dispositions régissant la procédure d'entraide15.

Art. 8

Dépositions de témoins sur le territoire de l'Etat requis

Cette disposition définit la procédure à suivre lorsqu'une personne doit être entendue en qualité de témoin sur le territoire de l'Etat requis. L'audition est régie par le droit de cet Etat. Quant au droit de refuser de témoigner, il peut être invoqué tant en vertu du droit de l'Etat requérant qu'en vertu du droit de l'Etat requis.

Le par. 1 consacre le principe selon lequel les témoins sont entendus conformément au droit de l'Etat requis. Ce principe vaut, en particulier, pour le droit de refuser de témoigner. Cependant, la personne entendue peut également refuser de déposer si le droit de l'Etat requérant le lui permet.

Les par. 2 et 3 ont trait aux effets juridiques du refus de témoigner lorsqu'il est fondé sur le droit de l'Etat requérant. En pareille occurrence, les autorités de cet Etat doivent arrêter une décision dûment motivée statuant sur la licéité du refus de déposer, décision qu'ils communiquent aux autorités de l'Etat requis. En tout état de cause, la personne qui fait valoir le droit de refuser de témoigner n'encourt aucune sanction légale.

Art. 9

Remise d'objets, de documents, de dossiers ou d'éléments de preuve

L'art. 9 touche à ce qui constitue le coeur même de l'entraide judiciaire. L'Etat requis remet à l'Etat requérant les documents, dossiers, objets ou éléments de preuve dont celui-ci a demandé la production pour les besoins d'une procédure pénale. Les modalités de la remise sont inspirées de l'art. 6 CEEJ et par analogie de la réglementation figurant à l'art. 74 EIMP.

15

86

Jugement du Tribunal fédéral 1A.259/2005 du 15 novembre 2005 consid. 1.2.

Art. 10

Dossiers de tribunaux ou d'instruction

L'Etat requis peut mettre à la disposition des autorités de l'Etat requérant des actes de tribunaux ou d'instruction si ces pièces sont nécessaires à l'exécution d'une procédure judiciaire. Toutefois, ces actes ne peuvent être remis que s'ils se rapportent à une procédure close. Quant aux pièces afférentes à une procédure pendante, elles ne peuvent être remises qu'avec l'autorisation de l'Autorité centrale de l'Etat requis. En Suisse, cette autorisation est délivrée par l'Office fédéral de la justice.

Art. 11

Restitution d'objets et de valeurs

Dans le cadre de la lutte contre la criminalité internationale, il est capital non seulement de pouvoir transmettre des moyens de preuve en vue de la poursuite des auteurs d'infractions mais encore de soustraire le plus rapidement possible à leur possession les objets ou valeurs acquis délictueusement, autrement dit les biens provenant de l'infraction, pour les remettre aux autorités judiciaires de l'Etat contractant qui conduisent la procédure pénale. La remise des biens provenant de l'infraction est un autre volet essentiel de l'entraide judiciaire qui vient s'ajouter à la transmission d'éléments de preuve au sens des art. 9 et 10 du traité. La réglementation prévue est en harmonie avec l'art. 74a EIMP.

Le par. 1 constitue la base juridique permettant à l'Etat requis de restituer aux autorités judiciaires de l'Etat requérant les biens saisis provenant d'une infraction. Cette disposition s'applique aussi aux valeurs de remplacement. S'agissant de l'utilisation qui doit en être faite, dans l'Etat requérant, le par. 1 dispose que les objets et valeurs ou, à défaut, leur valeur de remplacement, sont restitués en vue de leur confiscation.

Avant que la restitution n'ait lieu, il importe de satisfaire les tiers qui feraient valoir de bonne foi des droits sur les objets ou valeurs séquestrés.

Le par. 2 prévoit que la restitution n'est généralement possible que si l'Etat requérant produit une décision de confiscation définitive et exécutoire. Dans des cas exceptionnels, l'Etat requis peut, cependant, déroger à cette norme et restituer les biens provenant de l'infraction à un stade antérieur de la procédure. Cette manière de procéder peut se justifier lorsqu'il existe des indices qui donnent clairement à penser que les objets et valeurs saisis ont été acquis délictueusement et que ceux-ci peuvent être attribués sans réserve à une personne ou à un groupe de personnes déterminés. En pareil cas, la jurisprudence du Tribunal fédéral établit16 qu'il n'est pas indiqué que la Suisse attende la clôture de la procédure pénale pour restituer à l'Etat requérant les biens provenant de l'infraction. La restitution des biens provenant d'une infraction peut ­ à l'instar d'autres mesures d'entraide judiciaire ­ être subordonnée à des conditions (art. 80p EIMP).

Art. 12

Partage des valeurs patrimoniales confisquées

Cette disposition revêt de l'importance uniquement pour la République du Chili. La délégation chilienne a demandé que l'article soit inséré dans le traité car son Etat ne dispose pas, dans son droit interne, d'une base légale permettant de procéder au partage avec d'autres Etats, dans le cadre d'une procédure bilatérale, de valeurs patrimoniales confisquées. Il était donc impératif d'intégrer cette disposition pour 16

ATF 131 II 169 consid. 6 (entraide judiciaire au Nigeria): il n'est pas dans l'intérêt de la Suisse d'être un refuge pour les valeurs qui sont le produit du crime.

87

rendre possible à l'avenir la conclusion de conventions bilatérales dans ce domaine entre les deux Etats. Pour sa part, la Suisse possède déjà la base légale requise en vertu de la loi fédérale du 19 mars 2004 sur le partage des valeurs patrimoniales confisquées (LVPC)17.

Art. 13

Utilisation restreinte

Cette disposition définit la règle de la spécialité, à laquelle la Suisse attache une grande importance. Elle précise l'utilisation qui peut être faite dans l'Etat requérant des informations et des moyens de preuve obtenus par voie d'entraide. La règle de la spécialité est établie à l'art. 67 EIMP, dont la présente disposition s'inspire; elle est rappelée également dans la réserve que la Suisse a formulée à propos de l'art. 2, let. b, CEEJ.

Le par. 1 précise la portée de ladite règle: les informations et moyens de preuve obtenus par voie d'entraide judiciaire ne peuvent, dans l'Etat requérant, être utilisés que dans des procédures pénales relatives aux poursuites d'infractions pour lesquelles l'entraide judiciaire peut être accordée, en d'autres termes les infractions de droit commun. L'intérêt principal de cette disposition pour la Suisse est que les renseignements, documents ou objets transmis ne puissent, dans l'Etat requérant, être utilisés dans une procédure visant une infraction fiscale, à moins qu'il ne s'agisse d'un cas d'escroquerie en matière fiscale au sens du droit suisse18. Utiliser ces informations dans le cadre de procédures fiscales reviendrait à détourner l'entraide judiciaire de son but. L'interdiction d'exploiter les informations transmises s'applique également aux faits qualifiés d'infractions politiques ou militaires.

Le par. 2 fixe les modalités d'application de la règle de la spécialité: l'Etat requérant doit solliciter le consentement de l'Etat requis s'il entend utiliser les pièces obtenues à la faveur de l'entraide à des fins autres ou dans le cadre d'une procédure autre que celles qui avaient donné lieu à la demande. En Suisse, l'autorité compétente pour donner ce consentement est l'Office fédéral de la justice. Les let. a à c énumèrent les cas dans lesquels l'Etat requérant peut se dispenser de demander ce consentement.

2.3

Chapitre III: Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires ­ comparution de témoins et d'experts

Art. 14 à 18

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires; comparution de témoins et d'experts

Les dispositions sur la notification d'actes de procédures et de décisions judiciaires ainsi que sur la citation à comparaître de témoins et d'experts sont, dans une large mesure, calquées sur la CEEJ (art. 7 à 10 et 12). Toutefois, elles s'en écartent sur les points suivants:

17 18

88

RS 312.4 Cf. art. 3, al. 3, EIMP (RS 351.1).

Art. 14

Notification d'actes de procédure et de décisions judiciaires

La demande tendant à la notification d'une citation à comparaître d'une personne faisant l'objet de poursuites pénales dans l'Etat requérant et se trouvant sur le territoire de l'Etat requis doit parvenir à l'Autorité centrale de cet Etat au plus tard 45 jours avant la date fixée pour la comparution (par. 4). Dans le cadre de l'entraide judiciaire entre Etats Parties à la CEEJ, celle-ci prévoit un délai de 30 jours19. Celuici s'est révélé trop court lorsque la demande de notification émane d'Etats extraeuropéens. Cela explique que l'on ait également prévu un délai de 45 jours dans les traités d'entraide judiciaire conclus avec le Brésil20 et le Mexique21 notamment.

Art. 18

Sauf-conduit

Pendant 30 jours, la personne citée à comparaître jouit, sur le territoire de l'Etat requérant, d'une immunité contre toute poursuite ou restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ de l'Etat requis.

Toutefois, son sauf-conduit expirera si, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de l'Etat requérant pendant trente jours consécutifs, elle ne l'a pas fait (par. 3). La durée de validité du sauf-conduit prévue par le traité est plus longue que celle qui est fixée dans la CEEJ (15 jours). Cette prolongation s'est imposée dans le cadre de la coopération avec plusieurs Etats extra-européens22.

Art. 19

Etendue du témoignage sur le territoire de l'Etat requérant

Cette disposition, qui est le pendant de l'art. 8, règle le cas du témoin qui, résidant sur le territoire de l'Etat requis, doit être entendu dans l'Etat requérant.

Le par. 1 dispose que la personne qui comparaît à titre de témoin sur le territoire de l'Etat requérant à la suite d'une citation est tenue de déposer à moins qu'elle ne jouisse du droit de refuser de témoigner en vertu de la législation de l'un des Etats contractants. En pareil cas, l'autorité peut recourir à la contrainte pour obtenir le témoignage et la production des moyens de preuve.

Le par. 2 a trait aux modalités de l'audition de témoins.

Art. 20

Remise temporaire de personnes détenues

Cette disposition est calquée sur l'art. 11 CEEJ. Elle est complétée par un par. 4 qui règle l'imputation de la détention subie dans l'Etat requérant. Il oblige l'Etat requis à prendre en compte la détention que la personne concernée a subie sur le territoire de l'Etat requérant et à en imputer la durée sur celle de la peine. Cette clause additionnelle répond à l'intérêt de la personne remise. On la retrouve dans d'autres traités bilatéraux d'entraide judiciaire23.

19 20 21 22

23

Cf. la déclaration formulée par la Suisse à propos de l'art. 7, par. 3, CEEJ (RS 0.351.1).

Art. 14, par. 4 (FF 2007 1925 1930) Art. 15, par. 4 (FF 2006 8679 8685) Par exemple, art. 19, par. 3, du traité d'entraide judiciaire avec les Philippines (RS 0.351.964.5) ou art. 18, par. 3, du traité d'entraide judiciaire avec le Brésil (FF 2007 1925 1931).

Par exemple, à l'art. 21, par. 4, du traité d'entraide judiciaire avec les Philippines (RS 0.351.964.5) ou à l'art. 20, par. 4, du traité d'entraide judiciaire avec le Brésil (FF 2007 1925 1931).

89

Art. 21

Audition par vidéoconférence

Les progrès techniques dans le domaine des télécommunications ouvrent de nouvelles perspectives aux autorités de poursuite pénale. Les nouvelles technologies permettent en particulier d'auditionner des personnes dans l'Etat contractant où elles résident, grâce à une liaison vidéo directe, ce qui les dispense de se rendre personnellement dans l'autre Etat contractant. L'art. 21 règle les conditions auxquelles les témoins et les experts ainsi que, dans certains cas, les personnes poursuivies pénalement ou les suspects peuvent être entendus par vidéoconférence. Le recours à la vidéoconférence est limité aux cas dans lesquels il est inopportun ou impossible que les personnes à entendre comparaissent sur le territoire de l'Etat requérant pour y être entendues (par. 1). La procédure est subordonnée à des exigences précises qui visent à garantir le respect des droits de l'homme: l'Etat requis consent à l'audition par vidéoconférence à condition que le recours à cette technique ne soit pas contraire aux principes fondamentaux de son droit (par. 2). En outre, le respect des principes élémentaires de procédure doit être garanti (par. 5).

Les par. 1 à 7 traitent de l'audition par vidéoconférence de témoins et d'experts. Ils définissent les conditions auxquelles est subordonné le recours à la vidéoconférence et la procédure à suivre en la matière:

90

­

Un Etat contractant peut demander à entendre une personne par vidéoconférence, lorsqu'il est impossible que cette personne se rende dans cet Etat ou inopportun qu'elle y comparaisse pour y être entendue (par. 1). Tel peut être le cas, par exemple, lorsqu'il y a risque de collusion ou de fuite, que l'état de santé ou l'âge de la personne concernée ne lui permet pas de se déplacer ou encore lorsqu'il y a nécessité d'assurer la protection d'un témoin. Cette disposition pourrait également s'appliquer lorsque la personne concernée risque des poursuites pénales dans l'Etat qui a requis son audition. Il est également envisageable de recourir à la vidéoconférence lorsque la présence d'un témoin ou d'un expert est indispensable au déroulement d'une autre procédure dans l'Etat requis. Enfin, l'audition par vidéoconférence pourrait se justifier lorsqu'un témoin appréhendé dans l'un des deux Etats contractants fait l'objet d'une procédure d'extradition vers un Etat tiers.

­

L'Etat requis est tenu d'organiser l'audition par vidéoconférence pour autant que le recours à cette méthode ne soit pas, dans le cas d'espèce, contraire aux dispositions fondamentales de son droit et à condition qu'il dispose des moyens techniques nécessaires (par. 2). Dans l'hypothèse où la Suisse serait l'Etat requis, cela signifierait que lors de l'audition par vidéoconférence le droit à un procès équitable devrait être respecté. Cependant, l'audition de témoins et d'experts par vidéoconférence ne saurait être refusée pour le seul motif que le droit de l'Etat requis ne prévoit pas le recours à cette méthode ou ne régit pas certaines modalités auxquelles doit obéir l'audition. En outre, le fait que l'Etat requis ne dispose pas des moyens techniques nécessaires ne saurait être considéré comme un motif de refus suffisant dans l'hypothèse où l'Etat requérant pourrait mettre ces moyens à la disposition de l'Etat requis.

­

Dans la demande, il y a lieu d'exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas d'espèce, il n'est pas opportun ou possible que la personne à entendre comparaisse personnellement devant les autorités de l'Etat requérant (par. 3).

­

Si l'audition par vidéoconférence est acceptée, l'autorité compétente de l'Etat requis est tenue de citer à comparaître la personne concernée selon les formes prescrites par le droit interne (par. 4). Cette obligation vise à garantir que toutes les mesures appropriées seront prises pour assurer la présence de cette personne à la vidéoconférence.

­

Le déroulement de la vidéoconférence obéit aux règles essentielles de procédure (par. 5). Les principes fondamentaux du droit de l'Etat requis doivent être respectés pendant l'audition (let. a). L'autorité judiciaire compétente de cet Etat assiste à l'audition. Elle est tenue de prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir le respect des prescriptions de son droit national.

Elle doit intervenir immédiatement si elle constate que l'autorité judiciaire de l'Etat requérant ne respecte pas ces prescriptions et use, durant l'audition, de moyens déloyaux ou incorrects dans le but d'influencer le résultat de celle-ci. Elle peut, par exemple, débrancher le microphone ou interrompre la liaison.

Pour l'audition elle-même, deux options sont possibles: soit la personne est interrogée directement par l'autorité judiciaire de l'Etat requérant au moyen de la liaison vidéo, soit elle l'est par l'autorité judiciaire de l'Etat requis sous la direction de celle de l'Etat requérant. Dans les deux cas, le droit applicable est celui de l'Etat requérant (let. c). De même, dans les deux cas, la personne entendue doit disposer des mêmes droits que ceux dont elle jouirait si elle s'était rendue dans l'Etat requérant pour y être auditionnée.

A l'instar d'une audition classique, la personne à entendre est, au besoin, assistée d'un interprète (let. d); elle doit également pouvoir bénéficier des mesures de protection nécessaires (let. b).

Le droit de refuser de témoigner est soumis aux mêmes règles que lors d'une audition classique (let. e). Lorsqu'un témoin refuse de déposer ou fait de fausses dépositions, la législation de cet Etat s'applique comme elle s'appliquerait si l'audition avait lieu dans le cadre d'une procédure nationale (par. 7).

Le par. 8 autorise l'audition par vidéoconférence de personnes poursuivies pénalement ou de suspects aux conditions suivantes: ­

L'autorité judiciaire de l'Etat requérant et celle de l'Etat requis se sont mises d'accord sur la méthode d'audition et les modalités d'exécution.

­

L'accord passé entre les Etats contractants doit être conforme à leur droit interne et aux instruments internationaux en la matière, notamment au Pacte ONU II.

­

La personne poursuivie pénalement ou le suspect doit avoir consenti à être entendu par vidéoconférence.

A la différence de ce qui vaut pour les auditions de témoins et d'experts, l'Etat requis n'est pas tenu de consentir à l'audition par vidéoconférence d'un prévenu ou d'un inculpé, même si la personne concernée a donné son accord. Il appartient à l'Autorité centrale de l'Etat requis de décider s'il y a lieu de procéder à une telle audition et, dans l'affirmative, de déterminer sous quelle forme elle aura lieu.

Cette réglementation s'inspire de l'art. 9 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ. Des dispositions similaires figurent dans plusieurs autres traités bilatéraux 91

d'entraide judiciaire, en particulier dans ceux conclus avec les Philippines24, avec le Brésil25 et avec le Mexique26.

Art. 22

Equipes communes d'enquête

L'expérience a montré que lorsqu'un Etat enquête sur des infractions qui ont une dimension transfrontalière, la participation d'autorités de poursuite pénale ou d'autres services compétents d'un Etat tiers dans lequel existent des liens avec les infractions en question peut être utile à l'enquête. C'est en particulier le cas pour les enquêtes pénales dans le domaine de la criminalité organisée.

L'art. 22 définit les règles de base applicables à la constitution d'équipes communes d'enquête. La présentation par l'un ou l'autre des Etats contractants d'une demande d'entraide judiciaire est le préalable à la constitution d'une équipe commune. Suite à cette demande, les autorités compétentes des deux parties devront se mettre d'accord sur l'objectif et la durée de la mission, dont l'intervention est strictement limitée au mandat défini afin de mener une instruction pénale. Comme indiqué précédemment, l'équipe est constituée pour une période déterminée, qui peut être prolongée après entente entre les parties. L'équipe se compose en règle générale de fonctionnaires d'une autorité de poursuite pénale. Dans des cas particuliers, des procureurs, des juges ou d'autres personnes peuvent également en faire partie.

La disposition s'inspire de l'art. 20, par. 1, du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ. Le Chili, notamment, n'ayant recueilli que peu d'expériences en relation avec la mise en oeuvre de cet instrument, les délégations suisse et chilienne se sont écartées du libellé de l'art. 20, qui contient 12 paragraphes: elles ont estimé qu'il était préférable de statuer le principe dans le traité et de résoudre ultérieurement, pour chaque d'espèce, les questions afférentes à la constitution d'équipes communes d'enquête, par l'intermédiaire des Autorités centrales des deux Etats.

Art. 23

Livraisons surveillées

Largement inspirée de la Convention du 20 décembre 1988 des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes27, qui limite le recours aux livraisons surveillées à cette catégorie d'infractions, cette disposition reprend la réglementation prévue à l'art. 18 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ.

L'art. 23 du traité étend la portée de la livraison surveillée, puisqu'il autorise le recours à cette mesure pour toutes les infractions susceptibles de donner lieu à extradition. Selon la législation fédérale, il s'agit d'infractions frappées d'une sanction privative de liberté d'un maximum d'au moins un an aux termes du droit suisse et du droit de l'Etat requérant28. La livraison surveillée présuppose qu'un des Etats contractants a présenté une demande d'entraide judiciaire en matière pénale.

L'autorisation de recourir à cette mesure est du ressort exclusif de l'Etat requis. S'il y consent, les livraisons surveillées se déroulent conformément aux procédures prévues par son droit. Pour la Suisse, le droit de procédure cantonal et le droit de procédure fédéral sont déterminants.

24 25 26 27 28

92

Art. 22 (RS 0.351.964.5) Art. 21 (FF 2007 1925 1932) Art. 21 (FF 2006 8679 8686) RS 0.812.121.03 (entrée en vigueur pour la Suisse le 13 décembre 2005) Art. 35 EIMP (RS 351.1)

L'insertion de cette disposition dans le traité vise à conférer un cadre normatif à la collaboration entre les deux Etats dans ce domaine particulier. Il s'agit là d'une méthode d'investigation qui s'est révélée particulièrement efficace dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et d'autres formes de criminalité grave29.

Le terme «livraison surveillée» n'étant pas défini dans le traité, il convient de l'interpréter conformément à la loi30 et aux pratiques nationales. La disposition s'applique par exemple si, avec le consentement des Etats contractants, un envoi illicite n'est pas saisi mais est surveillé jusqu'à sa destination dans un autre Etat, soit avec son contenu initial intact, soit après soustraction ou remplacement de tout ou partie de celui-ci. Cette méthode aide les autorités concernées à identifier plus rapidement les auteurs d'une infraction.

En vertu du par. 1, chaque Etat contractant est tenu de créer les conditions garantissant que lorsque l'autre partie le lui demande, il puisse autoriser une livraison surveillée sur son territoire dans le cadre d'une enquête pénale relative à une infraction susceptible de donner lieu à une extradition. Cette réglementation n'oblige cependant pas l'Etat à approuver une livraison surveillée. La décision d'accepter ou de refuser la demande est laissée à la libre appréciation de la partie requise.

Le par. 2 dispose que c'est à l'Etat requis qu'il appartient de déterminer si une livraison surveillée doit ou non avoir lieu sur son territoire. La décision est prise dans chaque cas d'espèce par les autorités compétentes, dans le respect de leur droit national.

Les modalités pratiques à observer exigent une consultation et une coopération étroites entre les autorités et les services compétents des Etats contractants. Le par. 3 précise que les livraisons surveillées se déroulent conformément aux procédures prévues par l'Etat requis. Le cas échéant, il incombe aux autorités compétentes de celui-ci d'agir, en particulier de prendre les mesures qui s'imposent et de contrôler leur application.

Pour la Suisse, la méthode d'investigation dite des livraisons surveillées ne constitue pas une nouveauté: outre la réglementation du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ mentionnée plus haut, des dispositions analogues figurent aussi dans les accords bilatéraux conclus avec l'Allemagne31 et avec l'Autriche et la Principauté de Liechtenstein32.

29 30 31 32

Europol a élaboré un «Manuel de l'Union européenne sur les livraisons surveillées», qui contient des informations quant au déroulement de ces opérations.

Dans le cas d'une livraison surveillée, il s'agit en règle générale de mesures urgentes destinées à récolter ou à préserver des moyens de preuve au sens de l'art. 18 EIMP.

Art. 19 de l'Accord du 27 avril 1999 entre la Suisse et l'Allemagne en matière de police (RS 0.360.136.1).

Art. 12 de l'Accord du 27 avril 1999 entre la Confédération suisse, la République d'Autriche et la Principauté de Liechtenstein concernant la coopération transfrontalière des autorités compétentes en matière de sécurité et de douane (RS 0.360.163.1).

93

2.4

Chapitre IV: Casier judiciaire et échange d'avis de condamnation

Art. 24

Casier judiciaire et échange d'avis de condamnation

Cette disposition, qui s'inspire des art. 13 et 22 CEEJ, oblige les Etats contractants à se communiquer des données du casier judiciaire. Lorsque l'un des Etats contractants est saisi par l'autre d'une demande de renseignements relatifs à son propre casier judiciaire, il est tenu de les lui fournir. Par ailleurs, chacun des Etats contractants doit informer l'autre, à intervalles réguliers, des sentences pénales prononcées contre ses propres ressortissants.

Le par. 1 a trait aux demandes d'informations du casier judiciaire présentées dans le cadre d'une procédure pénale. Les informations à communiquer sont celles que l'Etat requis transmet à ses propres autorités judiciaires dans une procédure nationale.

Le par. 2 prévoit que des extraits du casier judiciaire peuvent également être transmis dans un cadre autre que pénal, par exemple aux fins d'une procédure civile ou administrative revêtant certains aspects civils. En l'occurrence, la transmission est régie par le droit interne de l'Etat requis. En Suisse, la communication d'extraits du casier judiciaire à des autorités étrangères est réglée par l'art. 23 de l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur le casier judiciaire (ordonnance VOSTRA)33.

Le par. 3 porte sur la communication automatique à l'autre Etat contractant des sentences pénales prononcées contre des ressortissants de cet Etat. L'obligation d'informer une fois par année se limite aux inscriptions telles qu'elles figurent dans le casier judiciaire. On ne saurait inférer de cette disposition une quelconque obligation de transmettre des jugements complets.

2.5

Chapitre V: Procédure

Art. 25 à 31

Autorité centrale; voies de transmission; contenu et exécution de la demande; dispense de légalisation; langue; frais

Les modalités applicables à la procédure d'entraide judiciaire sont pratiquement identiques à celles que prévoient d'autres instruments bilatéraux en la matière34.

Elles s'inspirent également de la CEEJ (art. 14 à 17 et 20) et du Deuxième Protocole additionnel à cette convention (art. 4 et 5). Au nombre des principales dispositions réglant la procédure figurent les suivantes: Art. 25 et 28

Autorité centrale/Exécution de la demande

Dans chacun des deux Etats, une Autorité centrale compétente pour la transmission des demandes d'entraide judiciaire est instaurée. Elle est l'interlocuteur des autorités nationales chargées d'exécuter lesdites demandes, elle est également responsable de l'examen préalable de celles-ci et coordonne leur exécution. L'Autorité centrale 33 34

94

RS 331 Par exemple, art. 23 ss du traité d'entraide judiciaire avec les Philippines (RS 0.351.964.5), le Brésil (FF 2007 1925 1933) ou le Mexique (FF 2006 8679 8688).

remplit, en outre, une fonction de médiation lorsque l'ampleur de la collaboration demandée donne lieu à des difficultés ou à des malentendus entre l'autorité requérante et l'autorité requise ou que la demande doit être complétée. En Suisse, ces tâches incombent à l'Office fédéral de la justice. Elles ressortent de l'EIMP (en particulier des art. 17, al. 2 à 4, 29 ou 78 ss) qui attribuent à cet office trois fonctions, à savoir examiner préalablement les demandes, les transmettre et en contrôler l'exécution. Dans ce contexte, la compétence décisionnelle dont dispose l'office dans les limites de l'art. 79a EIMP n'est pas sans importance puisque, dans certaines circonstances, celui-ci peut statuer lui-même sur l'exécution d'une demande d'entraide judiciaire. Quant à l'exécution concrète, elle est régie par les dispositions pertinentes de l'EIMP et par les normes de procédure pénale des cantons et de la Confédération.

Pour communiquer, les Autorités centrales des deux Etats n'ont recours à la voie diplomatique jusque-là usuelle que si elles l'estiment nécessaire dans le cas d'espèce.

Art. 29

Dispense de légalisation, d'authentification et d'autres formalités

La dispense de légalisation constitue un important progrès dans les relations avec les Etats d'Amérique latine puisque ces Etats attachent une grande importance au respect des formalités de procédure. Selon la réglementation convenue, les moyens de preuve recueillis en Suisse et transmis par le canal de l'Office fédéral de la justice seront acceptés comme moyens de preuve par le Chili sans autre formalité, justification ou attestation d'authenticité. Cette disposition vise à simplifier et à accélérer la procédure. Elle est également applicable aux dossiers qui sont transmis à la suite d'une dénonciation au sens de l'art. 33.

Art. 30 et 34

Langue/Traduction

Les demandes d'entraide judiciaire doivent être rédigées dans la langue de l'Etat requis. Lorsque la Suisse est l'Etat requis, la demande d'entraide judiciaire émanant du Chili doit être traduite dans l'une des trois langues officielles, déterminée de cas en cas par l'Office fédéral de la justice en sa qualité d'Autorité centrale. La traduction, y compris celle des documents afférents à l'exécution de la demande, incombe à l'Etat requérant.

En vertu de l'art. 34, en cas de transmission spontanée d'informations et de moyens de preuve, ainsi qu'en cas de dénonciations aux fins de poursuite et de confiscation, seule la traduction de la lettre de transmission de l'Autorité centrale est obligatoire, les documents joints en étant dispensés.

Art. 31

Frais liés à l'exécution de la demande

La réglementation prévue s'agissant des frais correspond à celle qui est usuelle dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale: en règle générale, les Etats s'accordent gratuitement assistance. Ils ne peuvent déroger à ce principe que pour les frais expressément énumérés dans le traité.

95

2.6

Chapitre VI: Transmission spontanée et dénonciation aux fins de poursuite et de confiscation

Art. 32

Transmission spontanée d'informations et de moyens de preuve

Dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale, il peut arriver qu'au cours de leurs investigations, les autorités d'un Etat contractant recueillent des informations et des moyens de preuve qui peuvent également présenter un intérêt pour les autorités judiciaires de l'autre Etat contractant. En pareils cas, il est dans l'intérêt de la poursuite pénale que de tels informations et moyens de preuve puissent, à certaines conditions, être transmis aux autorités de l'autre Etat, sans qu'il ait à présenter préalablement une demande d'entraide judiciaire. L'échange, le plus tôt et le plus rapidement possible, des informations obtenues est une arme décisive dans la lutte contre la criminalité. La présente disposition est calquée sur l'art. 11 du Deuxième Protocole additionnel à la CEEJ. On retrouve des normes similaires dans les instruments bilatéraux que la Suisse a récemment conclus en matière d'entraide judiciaire35. L'idée de la transmission spontanée est inspirée de l'art. 10 de la Convention relative au blanchiment d'argent36.

Le par. 1 définit les conditions auxquelles la transmission spontanée d'informations est admissible en dehors de toute procédure d'entraide judiciaire: il faut que la transmission des informations soit de nature à permettre à l'autre Etat de présenter une demande d'entraide judiciaire (let. a) ou d'ouvrir une procédure pénale (let. b) ou encore à faciliter, dans cet autre Etat, le déroulement d'une instruction pénale en cours (let. c). Cette disposition ne vaut que pour les informations et moyens de preuve recueillis par un Etat contractant dans le cadre d'une enquête menée par ses propres autorités. Les informations doivent être échangées par le canal des Autorités centrales et dans les limites fixées par le droit national. Comme il s'agit d'une simple disposition potestative, les Etats contractants n'ont aucune obligation d'en faire application.

Le par. 2 confère à l'Autorité centrale qui transmet les informations et les moyens de preuve la faculté d'en restreindre l'utilisation. Elle peut soumettre cette utilisation aux conditions prévues par son droit national. Ces conditions auront force obligatoire pour les autorités de l'Etat destinataire.

L'art. 67a EIMP définit les modalités à suivre lorsque la Suisse est l'Etat qui communique spontanément des informations et des moyens de preuve.

Art. 33

Dénonciation aux fins de poursuite et de confiscation

Cette disposition couvre les cas visés dans la quatrième partie de l'EIMP. Elle assure que les infractions dont un Etat contractant n'est pas en mesure de poursuivre les auteurs ne restent pas sans suite. En pareille occurrence, le par. 1 donne à l'Etat contractant concerné la possibilité de demander à l'autre Etat d'ouvrir une procédure pénale et de fournir à ce dernier les moyens de preuve nécessaires. Cette manière de procéder s'impose lorsque l'autorité compétente d'un Etat contractant a des indices 35

36

96

Art. 15 du traité d'entraide judiciaire avec les Philippines (RS 0.351.964.5), art. 29 du traité d'entraide judiciaire avec le Brésil (FF 2007 1925 1936) ou art. 30 du traité d'entraide judiciaire avec le Mexique (FF 2006 8679 8691).

RS 0.311.53

concrets qu'une infraction a été commise mais n'est pas elle-même en mesure de mener à bien une procédure pénale. Tel peut être le cas lorsqu'une personne qui s'est rendue coupable d'une infraction dans l'un des Etats contractants se réfugie sur le territoire de l'autre Etat et qu'il est impossible de l'extrader (par exemple, en raison de sa nationalité). Un autre cas de figure peut être que l'un des Etats contractants dispose d'informations concrètes selon lesquelles une infraction a été commise contre l'un de ses ressortissants sur le territoire de l'autre Etat, mais qu'il ne peut pas engager lui-même de poursuites contre l'auteur de l'infraction, car, cette fois encore, l'extradition n'entre pas en ligne de compte.

Cette disposition est également applicable lorsqu'un Etat contractant possède des indices selon lesquels des valeurs ou des objets provenant d'une infraction se trouvent sur le territoire de l'autre Etat contractant. En pareil cas, le premier Etat peut demander à l'autre de confisquer les biens provenant de l'infraction.

Le par. 2 fonde pour l'Etat contractant qui reçoit une dénonciation au sens de cet article une obligation d'informer: son Autorité centrale est tenue de communiquer à l'autre Etat la suite qui a été donnée à la dénonciation et de lui transmettre, au besoin, une copie de la décision rendue. Cependant, on ne saurait inférer de cette disposition une quelconque obligation pour l'Etat qui reçoit la dénonciation d'engager lui même des poursuites pénales ou de confisquer les biens provenant de l'infraction.

Par analogie avec l'art. 29, la dénonciation et les moyens de preuve transmis sont dispensés de toute légalisation (par. 3).

2.7

Chapitre VII: Dispositions finales

Art. 35 à 38

Autres accords ou arrangements; échanges de vues; règlement des différends; entrée en vigueur et dénonciation

Le Chapitre VII contient les dispositions finales usuelles des traités d'entraide judiciaire. L'art. 35 précise les relations existant entre le traité et d'autres dispositions de droit international ou du droit national des Etats contractants. En cas de difficultés quant à l'application du traité ou à sa mise en oeuvre en général ou dans le cas d'espèce, les Autorités centrales des Etats contractants procèdent à un échange de vues conformément aux dispositions de l'art. 36. Si elles ne parviennent pas à éliminer elles-mêmes le différend, l'art. 37 statue que celui-ci doit être réglé par la voie diplomatique. La délégation chilienne s'étant opposée, comme le proposait la Suisse, à la désignation d'un tribunal arbitral chargé du règlement des différends, les deux Etats sont parvenus à ce compromis qui s'inspire des accords d'entraide judiciaire conclus avec Hong Kong37 et les Philippines38. L'art. 38 définit la procédure à laquelle obéissent l'entrée en vigueur et la dénonciation du traité.

37 38

Art. 37 (RS 0.351.941.6) Art. 32 (RS 0.351.964.5)

97

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération et des cantons

Le traité fonde de nouvelles obligations pour la Suisse. Cette remarque vaut plus précisément pour l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale par laquelle transiteront les demandes d'entraide judiciaire entre la Suisse et le Chili.

La charge de travail supplémentaire qui en résultera pour les autorités suisses compétentes en matière d'entraide judiciaire dépendra du nombre de demandes à traiter et de la complexité des cas. Sur la base des éléments dont nous disposons actuellement, nous pouvons estimer que le traité n'induira pas de coûts supplémentaires ni n'exigera un accroissement des effectifs au niveau de la Confédération. Le cas échéant, le département mettra à disposition les ressources requises pour absorber le surcroît de travail.

Au niveau des cantons, on ne saurait exclure totalement que le traité impose des charges supplémentaires à certaines autorités chargées d'exécuter les demandes d'entraide judiciaire. L'ampleur de ces charges dépendra du nombre et de la complexité des demandes ainsi que du temps qu'il faudra consacrer à leur exécution.

3.2

Conséquences économiques

Sur le plan économique, la conclusion du traité n'aura pas d'effets pour la Suisse.

4

Relation avec le programme de législature

Le projet n'est pas mentionné dans le rapport sur le programme de la législature 2003 à 200739. Il figure toutefois dans les objectifs 2007 du Conseil fédéral40 comme l'un des principaux objets parlementaires planifiés pour 2007 en matière de sécurité. Renforcer la coopération internationale des autorités judiciaires contribue notablement à accroître l'efficacité de la lutte contre la criminalité et, partant, à renforcer la sécurité intérieure. Cette préoccupation compte au nombre des objectifs de la législature 2003 à 200741. Garantir la sécurité est une composante essentielle de la stratégie que la Suisse poursuit depuis toujours, stratégie que le Conseil fédéral a présentée dans le rapport «La sécurité par la coopération» du 7 juin 199942. Le traité d'entraide judiciaire conclu avec le Chili s'inscrit pleinement dans la politique poursuivie par la Suisse afin de renforcer la coopération internationale et de préserver ainsi ses intérêts en matière de sécurité.

39 40 41 42

98

FF 2004 1035 Rapport du 29 novembre 2006, p. 35. Le rapport est publié sur le site Internet de la Chancellerie fédérale (http://www.bk-admin.ch).

FF 2004 1035 ss, objectif 9 FF 1999 6903

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.), la Confédération est compétente en matière d'affaires étrangères. La conclusion de traités internationaux est donc de son ressort. Le corollaire de cette compétence est que le Conseil fédéral signe les traités internationaux et les soumet à l'approbation de l'Assemblée fédérale en application de l'art. 184, al. 2, Cst. L'approbation de traités internationaux incombe à l'Assemblée fédérale conformément à l'art. 166, al. 2, Cst.

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum facultatif lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), qu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Dans le cas du traité d'entraide judiciaire avec le Chili, les deux premières conditions ne sont pas réunies. En effet, l'art. 38, par. 2, prévoit que cet instrument est dénonçable. Par ailleurs, le traité ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale.

Il reste à déterminer si la troisième condition est remplie, autrement dit si le traité contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit ou si sa mise en oeuvre nécessite l'adoption d'une loi fédérale. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement43, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Sont importantes les dispositions qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale selon les critères posés à l'art. 164, al. 1, Cst.

Le traité d'entraide judiciaire conclu avec le Chili contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Il crée pour les Etats contractants l'obligation de s'accorder une entraide judiciaire aussi large que possible ­ obligation qui a des incidences sur les droits et les devoirs des individus ­ et attribue des compétences aux autorités chargées de son application. Ces dispositions doivent être qualifiées d'importantes dans la mesure où, si elles devaient être édictées sur le plan national, elles le seraient sous la forme d'une
loi fédérale, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst. En conséquence, l'arrêté de l'Assemblée fédérale portant approbation du traité est sujet au référendum facultatif, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

43

RS 171.10

99

5.2

Procédure de consultation

Dans le cas du présent traité, la procédure de consultation au sens de l'art. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation44 n'a pas été nécessaire. En effet, le contenu du traité correspond, pour l'essentiel, à celui des traités déjà conclus en la matière. Le traité avec le Chili ne s'écarte, de manière substantielle, ni de l'EIMP, ni des traités bilatéraux ou multilatéraux que la Suisse a conclus par le passé. Au contraire, il étend le réseau des traités dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale et poursuit par la coopération internationale la politique du Conseil fédéral en matière de sécurité intérieure. Jusqu'à présent, le bien-fondé de ces traités n'a, sous l'angle politique, jamais été remis en cause et aucune raison ne donne à penser qu'il puisse en aller différemment concernant le traité avec le Chili.

44

100

RS 172.061