08.073 Message relatif à l'initiative populaire fédérale «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires» du 29 octobre 2008

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire fédérale intitulée «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires» et vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons sans contre-projet, en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 octobre 2008

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-2018

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Condensé L'initiative populaire demande que soit inscrite dans la Constitution une limitation de la proportion des résidences secondaires à 20 % du parc des logements et de la surface brute au sol habitable.

Or, dans les régions touristiques importantes, le taux de résidences secondaires dépasse à l'heure actuelle déjà largement ce plafond. Par conséquent, l'initiative équivaudrait de fait à un blocage des constructions dans ces régions et entraînerait des pertes pour le secteur de la construction et, tout au moins à court terme, pour l'économie touristique. Dans les communes qui ont actuellement un taux de résidences secondaires inférieur à 20 %, l'initiative favoriserait les développements mêmes qu'elle entend limiter ailleurs.

Se concentrant uniquement sur la réglementation à édicter à l'intérieur des frontières communales, l'initiative ne permet pas de prendre en considération la dimension supracommunale des centres touristiques.

Elle ne tient pas compte des intérêts de l'économie et de la politique régionale, se caractérisant de ce fait comme une solution unique qui ignore les différences régionales et n'autorise plus les solutions adaptées aux situations et aux problèmes concrets.

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Teneur de l'initiative

Présentée sous la forme d'un projet rédigé, l'initiative populaire «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires» a été examinée à titre préliminaire par la Chancellerie fédérale le 6 juin 20061 et déposée le 18 décembre 2007 à la Chancellerie fédérale. Elle a la teneur suivante: I La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 75a (nouveau)

Résidences secondaires

Les résidences secondaires constituent au maximum 20 pour cent du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune.

1

La loi oblige les communes à publier chaque année leur plan de quotas de résidences principales et l'état détaillé de son exécution.

2

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau) 8. Dispositions transitoires ad art. 75a (Résidences secondaires) Le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance les dispositions d'exécution nécessaires sur la construction, la vente et l'enregistrement au registre foncier si la législation correspondante n'est pas entrée en vigueur deux ans après l'acceptation de l'art. 75a par le peuple et les cantons.

1

Les permis de construire des résidences secondaires qui auront été délivrés entre le 1er janvier de l'année qui suivra l'acceptation de l'art. 75a par le peuple et les cantons et la date d'entrée en vigueur de ses dispositions d'exécution seront nuls.

2

1.2

Aboutissement et délai de traitement

Par décision du 18 janvier 20082, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire fédérale «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires» avait formellement abouti, avec 108 497 signatures valables sur 108 649 déposées.

1 2

FF 2006 4985 FF 2008 1003

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L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Selon l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement3, le Conseil fédéral a jusqu'au 18 décembre 2008 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté accompagné d'un message. En vertu de l'art. 100 de cette même loi, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 18 juin 2010 pour recommander l'acceptation ou le rejet de l'initiative.

1.3

Validité

L'initiative respecte les exigences de validité posées par l'art. 139, al. 2, de la Constitution (Cst.)4: ­

revêtant dans son entier la forme d'un projet rédigé, elle respecte le principe de l'unité de la forme;

­

les propositions qu'elle formule se rapportent toutes directement à l'objectif énoncé dans son titre, soit à la limitation des résidences secondaires; elle respecte ainsi le principe de l'unité de la matière;

­

elle n'enfreint aucune règle impérative du droit international et répond dès lors aux exigences de compatibilité avec celui-ci.

L'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre une initiative est la seule limite matérielle non écrite à une révision de la Constitution. En l'occurrence, l'initiative peut être concrétisée sur le plan juridique et appliquée dans les faits. Elle est donc valable.

2

Contexte

2.1

Réglementation en vigueur

Ni la Constitution ni la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT)5 ne contiennent de règles qui tendraient spécifiquement à limiter la construction de résidences secondaires. Pour autant, cela ne signifie pas que les cantons ne doivent ni ne puissent rien entreprendre. Selon le droit en vigueur, ils ont non seulement la compétence mais aussi l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer une «utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire» (art. 75 Cst.). En vertu du principe de la séparation des territoires constructibles et non constructibles, ils doivent en particulier délimiter des zones à bâtir et cette délimitation doit être faite conformément aux exigences posées par l'art. 15 LAT ainsi qu'aux buts et principes des art. 1 et 3 LAT.

Actuellement, il incombe aux communes d'infléchir la construction de résidences secondaires. Les cantons peuvent influencer la mise en oeuvre de réglementations en approuvant les régimes de base des communes en matière de construction (plan d'affectation et règlement de construction) ou en définissant la législation et le plan

3 4 5

LParl; RS 171.10 RS 101 RS 700

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directeur du canton. Pour sa part, la Confédération peut exercer une certaine influence en approuvant les plans directeurs cantonaux.

Au niveau cantonal, aucune loi n'oblige les communes à adopter des mesures de régulation de la construction de résidences secondaires. Cependant, Berne, Lucerne, Nidwald, Glaris, Saint-Gall, le Tessin, Neuchâtel et le Jura, notamment, se sont dotés de dispositions prévoyant expressément la possibilité pour les communes d'édicter des prescriptions sur les résidences secondaires. Quelques cantons proposent aux communes des directives et des règlements-types (par exemple Grisons, Tessin, Jura). Ces efforts fournis au niveau cantonal expliquent certainement le nombre relativement important de communes dotées d'une réglementation des résidences secondaires. Différents systèmes ont ainsi été mis en place, tels que des plans de quotas de résidences principales ou secondaires, des systèmes de bonus ou malus, des contingentements ou encore des taxes de remplacement. En outre, certaines communes combinent aujourd'hui déjà des mesures d'aménagement du territoire avec des instruments économiques. Toutefois, à l'exception ­ récente ­ de la Haute Engadine, ces réglementations sont à ce jour purement communales, de sorte que la coordination régionale n'est pas assurée. Quelques cantons, dont les Grisons et le Valais, envisagent en outre des mesures fiscales.

2.2

La situation actuelle

Selon le recensement fédéral de la population 2000, la part des «logements habités temporairement» représente au niveau national 11,8 % du parc total des logements.

Ce taux varie considérablement d'un canton à l'autre et atteint 35 % dans les cantons touristiques des Grisons et du Valais.

Cette part dépasse 20 % dans un quart de toutes les communes, et même 50 % dans de nombreuses communes touristiques. La plupart des 650 communes affichant un taux de logements habités temporairement supérieur à 20 % se situent dans les régions touristiques des Grisons, du Valais et du Tessin ainsi que dans les cantons de Berne et de Vaud.

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Illustration

Les communes dans lesquelles la part des «logements habités temporairement» représente 20 % ou plus du parc total des logements sont marquées en gris foncé. Source: Recensement de la population 2000, OFS, GEOSTAT-OFS, INFOPLAN-ARE, calculs de Rütter + Partner, état des communes au 1.1.2007.

2.3

Les mesures d'accompagnement proposées par le Conseil fédéral

Au moment où l'initiative populaire «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires» a été lancée, cette problématique avait déjà fait l'objet, depuis une dizaine d'années, de divers travaux et études au niveau de la Confédération.

Dans son rapport d'avril 1995, une commission d'experts chargée d'examiner les conséquences d'une abrogation de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE ou Lex Koller)6 préconisait que les cantons et les communes prennent, en cas d'abrogation de cette loi, des mesures d'accompagnement en matière d'aménagement du territoire, afin de parer aux développements non désirés dans le domaine de la construction de logements de vacances et de résidences secondaires; il incombait à la Confédération d'édicter les prescriptions cadres obligeant les cantons et les communes à prendre les mesures nécessaires. L'étude des mesures ainsi préconisées a toutefois été interrompue à la suite du rejet par le peuple, le 25 juin 1995, d'un projet de loi assouplissant la LFAIE. En décembre 2003, le Conseil fédéral, saisi d'une motion tendant à l'abrogation de la Lex Koller, a chargé l'Office fédéral du développement territorial de reprendre l'étude de ces mesures d'accompagnement et de lui soumettre des proposi6

RS 211.412.41

7896

tions de modifications législatives. Le 4 juillet 2007, le Conseil fédéral a soumis au Parlement simultanément deux projets de lois, l'un portant abrogation de la LFAIE7, l'autre proposant l'introduction dans la LAT de mesures d'accompagnement liées à l'abrogation de la LFAIE8. Bien que liés, ces deux projets n'ont pas connu le même sort devant le Parlement. Le premier a été renvoyé au Conseil fédéral le 11 juin 2008, afin qu'il formule de nouvelles propositions. En revanche, le Conseil national est entré en matière sur le second, de sorte que les travaux parlementaires sont en cours.

Le message relatif à la modification de la LAT expose les raisons pour lesquelles il y a lieu de prendre des mesures d'aménagement du territoire pour faire face à l'accroissement de la demande de résidences secondaires qui devrait résulter de l'abrogation de la Lex Koller. Nous nous limiterons donc à rappeler ici les principaux fondements de la proposition soumise aux Chambres fédérales, ces fondements justifiant également le rejet de l'initiative «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires».

Dans le message précité, le Conseil fédéral exprime sa volonté de rester dans le cadre de la répartition fédéraliste des compétences fixé par l'art. 75 Cst. et propose une modification de la LAT qui se limite à des prescriptions cadres, le choix des mesures et leur mise en oeuvre étant laissés aux cantons, pour autant que la nécessité d'une intervention soit avérée. Ces prescriptions obligent les cantons à intégrer la problématique des résidences secondaires dans leur planification directrice et à désigner, dans leur plan directeur, les territoires où des mesures particulières doivent être prises en vue de maintenir une proportion convenable de résidences principales et de résidences secondaires.

Le recours à la planification directrice cantonale doit permettre de prendre en compte la situation spécifique de chaque canton et d'harmoniser les mesures à prendre avec les objectifs cantonaux de développement de l'urbanisation, de l'économie et du paysage. De plus, l'utilisation d'instruments et de procédures d'aménagement du territoire bien établis est de nature à faciliter la mise en oeuvre.

Enfin, une coordination régionale et supracantonale des mesures de régulation de la construction de résidences secondaires permet d'éviter des situations de concurrence malvenues ou le transfert des problèmes d'une commune à l'autre.

3

But et teneur de l'initiative

3.1

But de l'initiative

La Fondation Helvetia Nostra a déposé simultanément deux initiatives, dites tandem, sous l'appellation commune «Sauver le sol suisse». Intitulée «contre la création effrénée d'implantations portant atteinte au paysage et à l'environnement», la première fait l'objet d'un message séparé. La seconde fait l'objet du présent message.

Son but est clairement indiqué par son titre, l'objectif général étant au surplus mis en évidence par le titre commun aux deux initiatives. Pour les auteurs de l'initiative «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires», notre territoire est gravement menacé par la prolifération de résidences secondaires, les7 8

FF 2007 5475 FF 2007 5497

7897

quelles restent le plus souvent inoccupées, détériorent les plus beaux paysages de nos montagnes et entraînent une augmentation incontrôlée des prix de l'immobilier.

Cette évolution, que l'aménagement du territoire n'a pas su empêcher, sera encore accentuée par l'abrogation prévue de la Lex Koller. Il est donc plus que temps de prendre des mesures radicales et de les inscrire dans la législation fédérale.

3.2

Réglementation prévue par l'initiative

Les auteurs de l'initiative proposent l'introduction dans la Constitution d'un nouvel art. 75a intitulé «Résidences secondaires», qui s'insérerait immédiatement après l'actuel art. 75 Cst. relatif à l'aménagement du territoire. L'art. 75a limite la part des résidences secondaires à un maximum de 20 % du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune (al. 1). Les communes devront publier chaque année leur plan de quotas de résidences principales et l'état détaillé de son exécution (al. 2). Le Journal Franz Weber (no 77/2006) précise que, dans les communes où cette proportion est dépassée, l'acceptation de l'initiative équivaudrait à un blocage des constructions de résidences secondaires.

Une disposition transitoire prévoit que les dispositions d'exécution nécessaires sur la construction, la vente et l'enregistrement au registre foncier devront entrer en vigueur deux ans après l'acceptation de l'art. 75a. Un second alinéa prévoit en outre la nullité des permis de construire délivrés entre le 1er janvier de l'année qui suivra l'acceptation de l'art. 75a et la date d'entrée en vigueur des dispositions d'exécution.

3.3

Commentaire du texte de l'initiative

Parmi les différentes mesures envisageables en vue de limiter les résidences secondaires, les auteurs de l'initiative ont fait le choix de n'en retenir qu'une seule, soit un système de plans de quotas de résidences secondaires et principales. Ce système serait applicable dans toute la Suisse, avec un taux uniformément fixé à 20 %. Cette réglementation étant de droit fédéral, il incomberait en principe à la Confédération de veiller en dernier ressort à sa bonne application.

Le texte proposé recèle quelques problèmes d'interprétation, qu'il appartiendrait le cas échéant au législateur de résoudre:

9

­

La proportion de résidences secondaires est définie, pour chaque commune, à la fois par rapport au parc des logements et par rapport à la surface brute au sol habitable. La notion de «parc des logements» nécessiterait d'être définie. Quant à la notion de surface brute au sol habitable, elle doit probablement être assimilée à celle, usuelle, de surface brute de plancher habitable (ou utile)9.

­

Plusieurs communes connaissent un système qui associe le plan de quotas à un contingentement, ce qui leur permet de contenir la demande et de mieux maîtriser leur urbanisation. Là aussi, il conviendrait de s'assurer qu'une telle possibilité subsisterait, de même que celle d'instituer d'autres types de mesures, le cas échéant à titre complémentaire.

Cf. Norme ORL 514.420, ch. 1.1.

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­

Les communes seraient légalement tenues de «publier» chaque année leur plan de quotas de résidences principales. Cependant, l'initiative ne dit rien de la nature ni de la fonction d'une telle publication; elle ne dit rien non plus de son ou de ses destinataires. S'agit-il du public en général, en vue d'assurer une forme de contrôle démocratique, voire le bon fonctionnement du marché immobilier? ou bien s'agit-il du parlement communal? Ou encore d'une autorité de surveillance, cantonale ou fédérale?

­

Les dispositions transitoires prescrivent que les dispositions d'exécution devraient être édictées par voie d'ordonnance si la législation correspondante ne peut pas entrer en vigueur dans un délai de deux ans après l'acceptation de l'article constitutionnel proposé. Ce délai étant extrêmement court, une loi édictée par le Parlement paraît quasiment exclue; il est donc vraisemblable qu'il ne pourrait être respecté que par voie d'ordonnance.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Buts de l'initiative

Le Conseil fédéral partage les préoccupations et les visées des initiants et reconnaît la nécessité d'agir. Le taux d'occupation des appartements de vacances est très bas.

Sur l'ensemble de l'année, ils ne sont utilisés que durant une courte période et sont vides le reste du temps, ce qui nuit à l'attrait des lieux touristiques en dehors de la haute saison. En outre, les infrastructures communales doivent se baser sur une pleine occupation des logements, engendrant pour les collectivités publiques des rapports coûts/bénéfices défavorables. Une forte demande de résidences secondaires conduit à une hausse excessive des prix du terrain et de l'immobilier. La population locale a dès lors des difficultés à trouver des logements attrayants et abordables. La construction de logements de vacances entraîne une consommation élevée de surface urbanisée et le mitage du paysage, ce qui est contraire au principe constitutionnel d'une utilisation judicieuse et mesurée du sol.

Jusqu'à présent, les communes et les cantons ont pris trop peu de mesures en vue de maîtriser la construction des résidences secondaires. Du fait de l'importance du tourisme pour l'économie publique et pour les économies régionales en Suisse, l'intérêt national commande de ménager le capital que représente un paysage attrayant. Dans ce contexte, des mesures visant à maîtriser la construction de résidences secondaires sont assurément nécessaires.

Les propositions de l'initiative respectent le principe de l'égalité de traitement, du fait que les demandes suisses et étrangères seraient traitées de la même manière.

4.2

Conséquences de l'initiative

L'initiative ne dit pas ce qu'il faut entendre exactement par résidence secondaire.

Les règlements sur les constructions des communes qui prévoient des règles sur la construction de résidences secondaires retiennent des définitions différentes. Les études dans ce domaine se réfèrent en général aux «logements habités temporairement» du recensement fédéral de la population 2000, sur lesquels la Confédération s'est également basée pour mener diverses enquêtes. Pour mettre en oeuvre l'initia7899

tive, il faudrait tout d'abord préciser la notion de résidence secondaire. Il y aurait notamment lieu d'examiner si des hébergements tels que des appartements rattachés à des hôtels ou des villages de vacances (soit des «lits chauds») doivent aussi être considérés comme des résidences secondaires. Plus la définition retenue sera large, plus les conséquences d'une acceptation de l'initiative pourraient s'avérer importantes. Dans les considérations qui suivent, on entend par résidences secondaires les «logements habités temporairement» tels que dénombrés dans le recensement fédéral de la population 2000.

En cas d'acceptation de l'initiative, un besoin de réglementation se manifesterait concrètement dans quelque 650 communes (voir aussi ch. 2.2). Les communes touristiques seraient particulièrement touchées avant tout dans les cantons des Grisons, du Valais et du Tessin où de deux tiers à trois quarts des communes seraient touchées. Dans les cantons de Berne et de Vaud également, quelque 100 communes au total seraient concernées.

Afin de mettre en oeuvre efficacement l'initiative, les communes concernées devraient établir une liste des résidences secondaires, en les catégorisant selon leur utilisation du moment et en se référant à une définition uniforme de la notion de «résidence secondaire». La nouvelle organisation du recensement de la population prévoit, à partir de 2010, une analyse annuelle (au lieu d'une tous les 10 ans) des registres des personnes de la Confédération, des cantons et des communes ainsi que du Registre fédéral des bâtiments et des logements. Mais le recoupement de ce dernier avec les registres communaux de la population harmonisés ne permet pas de déduire directement le nombre de résidences secondaires par commune. A ce jour, il n'existe pas d'informations complémentaires basées sur des registres qui fourniraient les données nécessaires à une statistique actualisée des résidences secondaires.

Pour cela, il faudrait introduire une procédure d'annonce auprès des contrôles des habitants ou une enquête complémentaire auprès des propriétaires et des administrations sur l'utilisation actuelle des logements. La charge de travail liée à la saisie des résidences secondaires représenterait pour les communes environ une annéepersonne pour 1000 résidences secondaires selon les expériences
faites en Autriche lors de la mise en oeuvre du «modèle tyrolien». Le Tyrol limite en effet la part des «résidences de loisirs» à 8 % du parc immobilier total des communes.

Pour les stations touristiques affichant un taux de résidences secondaires supérieur à 20 %, l'initiative équivaudrait à un blocage des constructions de résidences secondaires durant plusieurs décennies. L'industrie du bâtiment et d'autres branches en rapport avec les résidences secondaires auraient principalement à en souffrir. Une réduction du volume des constructions et des emplois devrait surtout toucher les entreprises qui ne sont pas établies dans la région, car les petites constructions et les rénovations sont en général exécutées par des entreprises locales et régionales.

Une limitation à 20 % du taux de résidences secondaires occasionnerait en outre un plafonnement de l'offre dans les stations touristiques, ce qui entraînerait, en présence d'une forte demande persistante, une hausse de la valeur et du prix de cette catégorie d'habitations. En revanche, l'impossibilité de construire de nouvelles résidences secondaires provoquerait une diminution de la demande de terrains à bâtir. L'acquisition de terrains pour la construction de nouvelles résidences principales ne serait plus exposée à la concurrence des résidences secondaires. La perspective de tirer profit de la conversion des résidences principales en résidences secondaires disparaîtrait. La conséquence en serait une stagnation voire une baisse de la valeur des résidences principales et des terrains à bâtir non construits. Tendan7900

ciellement, une hausse des prix des résidences secondaires couplée avec une baisse des prix des terrains à bâtir et des résidences principales provoquerait le transfert des valeurs immobilières de la population locale aux propriétaires de résidences secondaires, lesquels sont le plus souvent des personnes étrangères à la commune.

Les conséquences sur le tourisme de l'acceptation de l'initiative seraient relativement faibles, surtout si d'autres formes d'hébergement en profitaient. La suppression de nuitées due au blocage des constructions de résidences secondaires entraînerait un manque à gagner pour le tourisme, du moins à court terme. A long terme, ces pertes pourraient être compensées, même largement, par le recours à d'autres formes d'hébergement (p. ex. l'hôtellerie ou l'agritourisme), l'expérience ayant montré que celles-ci occasionnent des dépenses journalières plus élevées de la part des hôtes.

Dans les communes où le taux de 20 % n'est pas encore atteint et qui sont situées à proximité d'une destination touristique, la demande de résidences secondaires augmenterait. La construction et, par conséquent, la consommation du sol s'accentueraient dans ces localités jusqu'à ce que la limite de 20 % y soit aussi atteinte. Cela provoquerait une hausse générale des prix de l'immobilier, qui se répercuterait ici aussi sur la location et le prix des immeubles pour la population résidante. Cet essor profiterait à l'industrie locale du bâtiment et, dans une moindre mesure, au tourisme du fait de l'augmentation des nuitées de propriétaires de résidences secondaires.

Dans les communes rurales structurellement faibles qui abritent un nombre important de résidences secondaires du fait de l'exode rural et non de leur attrait touristique, l'initiative entraînerait une réduction supplémentaire des activités économiques et la perte de perspectives économiques importantes. En effet, la construction de résidences secondaires, la transformation et la rénovation d'anciens bâtiments pour en faire des appartements de vacances font partie des activités économiques qui génèrent des recettes provenant d'autres régions.

4.3

Atouts et défauts

Un certain nombre de communes (p. ex. Brusino Arsizio, Grindelwald, Saas Fee, Vaz/Obervaz) ont déjà limité la construction de résidences secondaires en fixant un pourcentage de résidences principales ou secondaires. Il serait donc possible de s'inspirer de leurs expériences dans le cas d'une mise en oeuvre de l'initiative. Le plafonnement du taux de résidences secondaires, comme le propose l'initiative, aurait dans les régions très touristiques des répercussions plutôt positives sur l'environnement et, de là, sur l'image de ces destinations. Les milieux bâtis seraient limités, ce qui ménagerait le paysage. La baisse du prix du terrain pour les résidences principales permettrait à la population locale d'acquérir plus facilement un logement ou de bénéficier de loyers moins élevés.

A long terme, la limitation de la part des résidences secondaires conduirait à une hausse des nuitées dans l'hébergement à plus forte valeur ajoutée (p. ex. dans les hôtels et les aparthôtels). Il se pourrait que les efforts pour améliorer la faible occupation des résidences secondaires disponibles (problème des «lits froids») se multiplient.

L'initiative entend transférer à la Confédération la compétence en matière de réglementation sur la construction de résidences secondaires. La Confédération serait aussi tenue de contrôler l'application des contingents et d'assumer des tâches qui, 7901

par nature, devraient plutôt incomber à d'autres échelons de l'Etat. Le contrôle des contingents impliquerait d'importantes charges de travail sur le plan du personnel et de l'organisation, qui ne pourraient pas être absorbées par la seule Confédération. Il en serait de même pour la préparation et l'actualisation des données sur le type d'utilisation des logements dans le cadre du Registre fédéral des bâtiments et des logements. Le taux de résidences secondaires, fixé à 20 %, est bas et s'avérerait, dans de nombreuses régions et communes, trop rigide et difficile à adapter aux particularités locales. En particulier, la fixation d'une proportion de résidences secondaires par commune pose problème, puisque les centres touristiques se développent souvent au-delà des frontières communales. L'accent mis sur le périmètre des communes rendrait impossible une approche régionale et l'élaboration de solutions différenciées. Il faudrait notamment s'attendre à un report sur les communes où le taux de 20 % de résidences secondaires n'a pas encore été atteint.

Dans les communes rurales structurellement faibles où la population stagne ou baisse, il n'est pas judicieux de fixer un taux de résidences secondaires10. Dans ces communes, la forte proportion de résidences secondaires découle en général de l'exode rural et des changements survenus dans l'agriculture et les inconvénients l'emporteraient largement. Il devrait rester possible d'y construire de manière modérée de nouvelles résidences secondaires et de transformer des appartements et bâtiments vides à des fins touristiques. Cela peut en effet constituer un complément précieux à des mesures en faveur du tourisme doux, ainsi que de l'agriculture et de la sylviculture.

Aujourd'hui, les résidences secondaires revêtent aussi une grande importance pour les Suisses de l'étranger. Elles leur offrent la possibilité de maintenir un lien avec leur patrie et d'entretenir des relations sociales dans leur commune d'origine. Les Suisses de l'étranger perdraient cette possibilité en cas d'acceptation de l'initiative, cette dernière portant aussi sur ce type de résidences secondaires. La même remarque s'applique aux personnes qui ont déménagé à l'intérieur de la Suisse pour des raisons professionnelles, mais souhaitent garder un lien avec leurs racines, qu'il s'agisse de
leur canton ou de leur commune. Et cela vaut aussi pour des personnes qui possèdent une résidence secondaire par attachement à leur lieu d'origine ou à la maison de leurs parents (p. ex. à la suite d'un héritage).

En outre, l'initiative entraînerait une baisse de la valeur des résidences principales, mais une hausse de celle des résidences secondaires. Faisant apparaître de nouveaux gagnants et de nouveaux perdants, cette situation engendrerait assurément des injustices.

Quant aux effets de l'initiative sur la liberté d'établissement, seule une analyse approfondie permettrait de les évaluer valablement. Une telle incertitude causerait une insécurité juridique malvenue.

10

Cf. «Zweitwohnungsbau im Kanton Graubünden», étude sur la réglementation des résidences secondaires commandée par le service d'aménagement du territoire des Grisons, 1997, p. IV et 26 s., 47 ss.

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5

Conclusions

Le Conseil fédéral estime que le taux de 20 % prescrit pour chaque commune par l'initiative est trop rigide. Il ne tient pas compte des intérêts de l'économie et de la politique régionale et se caractérise ainsi comme une solution qui fait fi des particularités régionales. En cas d'acceptation, l'application de l'initiative se heurterait aux plus grandes difficultés et il faudrait envisager des mesures propres à éviter ses graves conséquences sur les régions structurellement faibles.

Le Conseil fédéral est d'avis que les conséquences négatives qu'impliquerait l'initiative l'emporteraient largement sur ses avantages éventuels. En outre, la réglementation proposée ne permettrait pas de régler entièrement les problèmes inhérents à la construction de résidences secondaires, mais elle aurait au contraire pour effet de les reporter sur les communes où la proportion de résidences secondaires est aujourd'hui encore basse. L'aide à la planification, actuellement élaborée en collaboration avec des experts et les cantons concernés, permettra de mettre en évidence des solutions pratiques. Les questions relatives à la construction de résidences secondaires devraient être traitées dans le cadre plus approprié de la modification de la loi sur l'aménagement du territoire, qui est pendante devant le Parlement (mesures d'accompagnement liées à l'abrogation de la Lex Koller), voire dans le cadre de la prochaine révision de la loi sur l'aménagement du territoire.

Pour toutes ces raisons, l'initiative populaire «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires» doit être rejetée.

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