Examen du fonctionnement des autorités de poursuite pénale de la Confédération Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 5 septembre 2007

2007-2289

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Condensé Les autorités de poursuite pénale de la Confédération, et plus particulièrement le Ministère public de la Confédération, ont été soumis à quatre enquêtes en 2006.

La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N), qui a également suivi le développement des autorités de poursuite pénale au cours de ces cinq dernières années, a examiné les motifs, la réalisation et les résultats de ces quatre enquêtes.

La coopération entre le DFJP et la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral en leur qualité d'autorité de surveillance respectivement administrative et judicaire du MPC et des questions autour de la démission du procureur général de la Confédération en été 2006 ont gagné en importance au fur et à mesure de l'avancement de l'examen. En raison de la persistance des critiques publiques portant sur le rôle du procureur général de la Confédération dans l'affaire de l'utilisation de Ramos en tant que personne de confiance, la CdG-N s'est également penchée de manière approfondie sur les différentes questions qui se sont posées à cet égard.

Les quatre rapports d'enquête 1.

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (non publié) du 14 juillet 2006 porte sur le nombre restreint d'actes d'accusation transmis jusque-là par le Ministère public de la Confédération au Tribunal pénal fédéral (ch. 2.1). Avant de procéder à l'enquête, le président de la Cour des plaintes a demandé que le DFJP le charge également de tirer au clair certains aspects relevant de la surveillance administrative et d'en faire rapport au département. Dans une information préalable adressée au DFJP, le président de la Cour des plaintes a souligné, sans fondement objectif, les lacunes soi-disant dramatiques en matière de conduite d'un Ministère public de la Confédération qui n'utilise pas à bon escient les ressources dont il dispose. Au moment des faits, le DFJP était en train d'examiner les solutions permettant d'écarter le procureur général de la Confédération de son poste. Cette information préalable a anticipé la décision de la Cour des plaintes et lui a porté préjudice.

Dans ses conclusions, le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» reproche au procureur général de la Confédération le fait de n'être pas suffisamment bien informé des affaires du Ministère public qu'il dirige ainsi que ses lacunes en matière de conduite et lui fait porter la plus grande part de la responsabilité du nombre «manifestement insuffisant» d'actes d'accusation transmis au Tribunal pénal fédéral.

Se référant aux résultats de son examen, la CdG-N constate que le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» émet des jugements sur des aspects relevant du Projet d'efficacité et de la conduite qui n'entrent pas dans le champ de compétence de la surveillance judiciaire, mais dans celui de la surveillance administrative. Ce faisant, la Cour des plaintes s'est substituée à l'autorité de surveillance administrative sans base légale et a outrepassé ses compétences. Force est par ailleurs de constater que le rapport

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d'enquête n'a pas révélé d'élément objectif justifiant les griefs formulés à l'encontre de la personne du procureur général de la Confédération. La CdG-N constate en outre que les voies de droit, notamment le droit d'être entendu, n'ont pas été respectées lors de l'enquête. Elle ne peut pas tirer de conclusions suffisantes sur le fonctionnement du Ministère public de la Confédération en raison des lacunes procédurales et matérielles qui grèvent les résultats du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation».

La CdG-N relève enfin que les conclusions des rapports «Lüthi» et «Uster» (ch. 2.3 et 2.4) sont en contradiction avec celles du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation».

2.

Le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (non publié jusqu'ici) du 18 septembre 2006 porte sur la question de la licéité de l'utilisation par la Police judiciaire fédérale (PJF) de Ramos en tant que personne de confiance (ch. 2.2). A la suite, d'une part, d'un article publié le 1er juin 2006 par la Weltwoche qui formulait de graves accusation à l'encontre du procureur général de la Confédération concernant le recours à l'ancien trafiquant de drogue colombien Ramos et son rôle dans la procédure pénale contre le banquier privé H. et, d'autre part, de l'accord entre le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes qui sont convenus, le 5 juin 2006, de procéder à un examen extraordinaire de l'activité du Ministère public de la Confédération dans le cadre de leur fonction de surveillance administrative et judiciaire, les juges au Tribunal pénal fédéral Bernard Bertossa et Andreas J. Keller ont été chargés de procéder à une enquête.

Le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos», dont de larges extraits sont reproduits dans le présent rapport, parvient à la conclusion que la PJF et le Ministère public de la Confédération n'ont pas transgressé le droit applicable en taisant l'existence de Ramos et en ne faisant aucune mention de son rôle dans les rapports destinés à la procédure. Les informations recueillies par Ramos n'ont été utilisées comme moyens de preuve à charge des prévenus concernés ni dans la cause dirigée contre H. ni dans les autres causes. Le rapport constate en outre que la mission chargeant Ramos de recueillir des informations n'était pas contraire au droit suisse et que rien ne permet d'affirmer que la loi ait été transgressée en l'espèce. Le rapport précise en particulier qu'aucun fait ne permet de déduire que, à la connaissance de la PJF ou du Ministère public de la Confédération, Ramos n'aurait pas respecté l'interdiction de se comporter comme un agent provocateur et qu'il aurait, par son comportement ou par ses actes, décidé un tiers à enfreindre la loi pénale. Le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» parvient enfin à la conclusion que le Ministère public de la Confédération n'a pas violé la loi en ouvrant des procédures de recherches sur la base des renseignements fournis par Ramos.

La CdG-N s'est en outre
attachée à faire la lumière sur un certain nombre de questions supplémentaires concernant, d'une part, les accusations publiées par les médias selon lesquelles Ramos aurait été un agent double à la

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solde des autorités américaines, d'autre part, le rôle du procureur général de la Confédération et les responsabilités du Ministère public de la Confédération et de la PJF dans l'engagement et la conduite de Ramos. En ce qui concerne la présomption selon laquelle Ramos aurait été un agent double durant son séjour en Suisse, les investigations de la CdG-N n'ont livré aucun indice permettant de conclure que celui-ci aurait également travaillé pour les autorités américaines de poursuite pénale ou qu'il aurait agi pour leur compte. A cet égard, la CdG-N a également soumis des documents américains de source anonyme, qu'un conseiller national avait remis au président de la Cour des plaintes et auxquels différents médias ont eu accès, à deux analyses indépendantes l'une de l'autre. Ces analyses parviennent à la conclusion que les documents concernent des investigations privées effectuées pour le compte d'un donneur d'ordre anonyme impliqué dans la procédure pénale contre H. mais qu'ils ne permettent pas d'étayer l'hypothèse selon laquelle Ramos aurait travaillé pour les autorités américaines de poursuite pénale durant son séjour en Suisse. La CdG-N est étonnée que, en se basant seulement sur ces documents d'origine américaine et de source anonyme, le Cour des plaintes ait ajouté dans le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» la présomption selon laquelle Ramos, pendant son séjour en Suisse, travaillait aussi pour les autorités américaines de poursuite pénale. Le rapport ayant à ce moment-là déjà été adopté, le Ministère public de la Confédération et la PJF n'ont pu donner leur avis ni sur ces documents de source anonyme, ni sur les évaluations auxquelles ils ont donné lieu. Par cette affirmation non vérifiée, le rapport a créé un terrain favorable pour les spéculations relatives à une prétendue duplicité de Ramos.

En ce qui concerne le rôle du procureur général de la Confédération dans l'affaire Ramos, la CdG-N constate que c'est à son initiative que Ramos a été transféré des Etats-Unis afin de servir de personne de confiance à la PJF, mais que cette dernière a assumé seule la responsabilité de sa conduite et de son engagement. La CdG-N ne peut pas juger de l'opportunité de l'engagement de Ramos; la réponse à cette question dépend en effet du point de vue et des priorités définies en matière de
poursuite pénale. D'une manière générale, la CdG-N estime que la marge de manoeuvre relative à l'engagement de personnes de confiance est très large, que l'engagement et le contrôle des personnes de confiance dépassent le cadre d'une simple directive de la PFJ, et partant qu'il y a lieu de créer une base légale formelle qui fait, d'une part, une distinction claire entre personne de confiance et agent infiltré et, d'autre part, règle clairement les conditions d'engagement et le contrôle de personnes de confiance.

3.

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Le but de l'enquête administrative au sein du Ministère public de la Confédération de l'avocat bernois Rolf Lüthi, dont le rapport a été publié le 15 septembre 2006 (rapport «Lüthi», ch. 2.3), était en particulier d'examiner, dans une première phase, la mise en oeuvre et le mode de travail de la task force Guest de la PJF qui a conduit et encadré Ramos puis, dans une seconde phase, d'apporter des réponses aux questions concernant l'organisation et la conduite du Ministère public de la Confédération. Le rapport

«Lüthi» confirme que la PJF a conduit et encadré Ramos conformément à ses propres directives. Il relève également que le procureur général de la Confédération a fait la demande à la PJF de faire appel à Ramos en tant que personne de confiance, qu'il a participé à la décision de principe après les vérifications de la PJF et qu'il a mis un procureur à la disposition de la PJF pour lui servir, le cas échéant, de conseil juridique. Le rapport souligne en outre que le Ministère public n'a pas eu d'autre fonction dans le cadre de l'engagement de Ramos et qu'il n'a pas versé d'argent. Il conclut notamment que le développement rapide du Ministère public de la Confédération et de la PJF ainsi que le temps d'arrêt qui a suivi ont provoqué certains problèmes. Le chargé d'enquête a toutefois constaté que, malgré un cadre difficile, le Ministère public de la Confédération fonctionne correctement et que son organisation actuelle lui permet d'assurer ses tâches correctement.

Ce rapport d'enquête met également les améliorations potentielles en évidence.

4.

Dans son appréciation de la situation actuelle, l'analyse de situation ProjEff du 31 août 2006 (rapport «Uster» publié le 29 septembre 2006, ch. 2.4) parvient à des conclusions semblables à celles du rapport «Lüthi» et confirme que les autorités de poursuite pénale de la Confédération fonctionnent correctement dans le domaine des nouvelles compétences et qu'un travail substantiel a été fourni dans celui du développement. Le rapport «Uster» propose de poursuivre le développement en appliquant le modèle dit de la «concentration des forces» sur la base du budget actuel. Depuis lors, la mise en oeuvre des propositions a été concrétisée dans le cadre du ProjEff2 et approuvée par le Conseil fédéral. Ce processus de mise en oeuvre sera achevé d'ici à fin 2007. En ce qui concerne la limitation des ressources et l'intention d'établir des priorités permettant de choisir les affaires qui seront traitées, la CdG-N souligne qu'un pilotage des autorités de poursuite pénale axé uniquement sur la gestion des ressources pourrait entrer en conflit avec la maxime d'office et le principe de la légalité. La CdG-N invite le Tribunal pénal fédéral à accorder une priorité élevée à la réduction des affaires en suspens auprès de l'Office fédéral des juges d'instruction et attend du Conseil fédéral qu'il veille à ce que les autorités de poursuite pénale soient en mesure de remplir leur mission avec la diligence nécessaire dans les domaines soumis à la compétence obligatoire de la Confédération. La CdG-N assurera le suivi de la mise en oeuvre du ProjEff2.

Les circonstances de la démission du procureur général de la Confédération Dans le présent rapport, la CdG-N rend publiques les circonstances qui ont conduit le procureur général de la Confédération à donner sa démission le 5 juillet 2006 (ch. 3). L'importante documentation examinée par la CdG-N permet de conclure que la démission du procureur général de la Confédération n'a pas eu lieu de son plein gré. En novembre 2004, le chef du DFJP a infligé un premier blâme écrit au procureur général de la Confédération en relation avec l'affaire Achraf (le procureur général de la Confédération avait laissé son porte-parole participer à un point de presse alors que le chef du département s'y était opposé) et l'a menacé de licen-

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ciement en cas de récidive. Trois jours après le week-end de Pentecôte 2006, weekend durant lequel le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral sont convenus, à la suite des accusations publiées par la Weltwoche au sujet de l'utilisation de Ramos, de procéder à un examen extraordinaire de l'activité du Ministère public dans leurs domaines de compétence respectifs, le chef du département a signifié au procureur général de la Confédération qu'il considérait qu'il lui était devenu impossible de continuer de travailler avec lui et qu'il entendait mettre fin à ses rapports de travail. Là-dessus, il a infligé au procureur général de la Confédération un blâme et une sévère réprimande pour refus d'informer, injoignabilité, refus de dialoguer et attitude déloyale, assortis d'une menace de résiliation des rapports de travail et lui a donné une instruction lui interdisant d'organiser des conférences de presse sans avoir auparavant consulté le département.

Il ressort du dossier personnel du procureur général de la Confédération, que le DFJP était à ce moment-là en train d'étudier la question de la résiliation des rapports de travail et qu'il était conscient qu'aucun motif ne pouvait être retenu contre le procureur général de la Confédération. Par la suite, le département a également entrepris la négociation d'une convention et d'une indemnité de départ avec l'avocat du procureur général de la Confédération. Les documents consultés par la CdG-N indiquent que le chef du DFJP n'a pas informé le Conseil fédéral au sujet des blâmes infligés au procureur général de la Confédération et aux menaces de licenciement.

La CdG-N parvient à la conclusion que le chef du DFJP a mis fin aux rapports de travail du procureur général de la Confédération au moyen d'une convention, sans motif au sens de la loi sur le personnel. L'indemnité de départ versée au procureur général l'a été sans base légale correspondante. Eu égard à l'indépendance du procureur général de la Confédération, ces modalités posent problème du point de vue des principes régissant un Etat de droit. Par sa manière d'agir envers le procureur général de la Confédération, le chef du DFJP a contourné le Conseil fédéral qui, en sa qualité d'organe de nomination, est seul compétent pour résilier les rapports de travail du
procureur général de la Confédération. Il a outrepassé ses compétences. Le chef du DFJP a donné au procureur général de la Confédération des instructions relatives à l'information du public sur les procédures d'enquête en cours sans y être habilité. En sanctionnant disciplinairement le procureur général pour non-respect de ces instructions, le chef du DFJP a porté atteinte à l'indépendance judiciaire de celui-ci. Bien que les signes de conflit entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération fussent visibles depuis un certain temps déjà, le Conseil fédéral n'a pas assumé les responsabilités qui lui incombent en sa qualité d'autorité de nomination et de surveillance du procureur général de la Confédération.

La CdG-N recommande au Conseil fédéral de se pencher sans délai sur le dossier du Ministère public de la Confédération et de prendre des mesures garantissant son indépendance et celle des magistrats qui le composent. Elle lui demande en outre de clarifier la délimitation entre la liberté d'informer du Ministère public de la Confédération et l'activité d'information de son autorité de tutelle administrative (DFJP).

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Problèmes relatifs à la bipartition de la surveillance exercée sur le Ministère public de la Confédération Eu égard aux problèmes abordés dans le présent rapport, la CdG-N s'est également penchée sur la question de la bipartition actuelle de la surveillance exercée sur le Ministère public de la Confédération destinée à garantir son indépendance (ch. 4). Elle parvient à la conclusion que les bases légales régissant cette surveillance sont lacunaires et manquent de clarté. La CdG-N est par conséquent d'avis qu'il est nécessaire de clarifier la délimitation et la coordination entre les autorités de surveillance ainsi que la portée de la surveillance administrative et celle de la surveillance judiciaire et de les régler à l'échelon de la loi. Dans les principes, les constatations présentées dans le présent rapport devront être prises en compte dans le cadre de travaux en cours relatifs au réaménagement de la surveillance exercée sur le Ministère public de la Confédération.

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Table des matières Condensé

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Liste des abréviations

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1 Contexte et objet de l'examen 1.1 Rappel des faits 1.2 Démarche 1.3 Objet de l'examen 1.4 Limites du présent examen et délimitation par rapport aux compétences d'autres autorités

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2 Les quatre rapports d'enquête 2.1 Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral 2.1.1 Introduction 2.1.2 Remarque préliminaire relative au déroulement de la procédure pénale fédérale 2.1.3 Motifs et genèse: chronologie 2.1.4 Contenu et conclusions du rapport 2.1.5 Avis du procureur général de la Confédération du 26 juin 2006 sur le projet de rapport intermédiaire de surveillance 2.1.6 Réplique de la Cour des plaintes à l'avis du procureur général de la Confédération du 26 juin 2006 2.1.7 Requête déposée par le MPC auprès de l'autorité de surveillance 2.1.7.1 Objet de la requête 2.1.7.2 Compétence des CdG 2.1.7.3 Méthode et enquête des CdG 2.1.7.4 Résultats et conclusions 2.1.8 Résultats des auditions et des avis rendus par écrit relatifs au rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» 2.1.9 Autres réactions suscitées par le rapport 2.1.10 Constatations et appréciations de la CdG-N 2.1.11 Conclusions de la CdG-N relatives au rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» 2.2 Le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» de la Cour des plaintes du TPF 2.2.1 Motifs et genèse 2.2.2 Contenu et conclusions du rapport 2.2.3 Autres publications de certains médias sur Ramos et investigations complémentaires de la CdG-N 2.2.4 Résultats des auditions et des avis rendus par écrit 2.2.5 Constatations et appréciations de la CdG-N 2.2.6 Conclusions de la CdG-N relatives au rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» 2.3 L'enquête administrative au sein du Ministère public de la Confédération (rapport «Lüthi») 2.3.1 Motifs et genèse

1800

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1800 1800 1800 1801 1807 1811 1815 1816 1816 1817 1817 1818 1818 1820 1821 1826 1827 1827 1829 1838 1839 1844 1846 1846 1846

2.4

2.5 2.6 2.7

2.3.2 Conclusions du rapport 2.3.3 Réactions des autorités concernées L'analyse de situation ProjEff (rapport «Uster») 2.4.1 Motifs et genèse 2.4.2 Conclusions du rapport 2.4.3 Réactions des autorités concernées Constatations et appréciations de la CdG-N relatives aux quatre rapports d'enquête Conclusions de la CdG-N Recommandations de la CdG-N

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3 Les circonstances de la démission du procureur général de la Confédération 1856 3.1 Exposé des faits 1856 3.1.1 Introduction 1857 3.1.2 Chronologie du conflit entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération 1857 3.1.2.1 Blâme écrit du 9 novembre 2004 après l'affaire Achraf 1857 3.1.2.2 Menace d'une nouvelle sanction disciplinaire au printemps 2006 1859 3.1.2.3 Publication sur l'affaire Ramos et enquêtes extraordinaires au cours de l'été 2006 1859 3.1.2.4 Blâme et sévère réprimande du 8 juin 2006 1864 3.1.2.5 Information du Conseil fédéral lors de la séance du 9 juin 2006 1865 3.1.2.6 Préparatifs du secrétariat général du DFJP en vue du départ du procureur général de la Confédération 1866 3.1.2.7 Compétences en matière de convention de départ et de mise en place d'un chef intérimaire du MPC 1867 3.1.2.8 Annonce de la démission du procureur général de la Confédération du 5 juillet 2006 1868 3.1.2.9 Certificat de travail du 15 novembre 2006 1868 3.1.3 Résultats des auditions et des avis rendus par écrit relatifs à la démission du procureur général de la Confédération 1869 3.2 Constatations et appréciations de la CdG-N 1872 3.3 Conclusions et recommandations de la CdG-N 1879 4 Problèmes relatifs à la bipartition de la surveillance exercée sur le MPC 1880 4.1 Constatations 1880 4.2 Conclusions de la CdG-N 1883 5 Vue d'ensemble des conclusions et recommandations de la CdG-N

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6 Marche à suivre

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Annexe Liste des personnes entendues

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Liste des abréviations ATF CdG CdG-N ChF CP CPF CPP DélCdG DFI DFJP fedpol LFIS LParl LPers LSEE LTPF LTPF MPC OFJ OFPER OJI OLOGA OPers PAB PJF PPF ProjEff RDS RPS SAP TPF Org DFJP

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Arrêts du Tribunal fédéral suisse Commission(s) de gestion Commission de gestion du Conseil national Chancellerie fédérale Code pénal suisse du 21 décembre 1939, RS 311.0 Code pénal français Code de procédure pénale (projet) Délégation des commissions de gestion Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Office fédéral de la police Loi fédérale du 20 juin 2003 sur l'investigation secrète, RS 312.8 Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement), RS 171.10 Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération, RS 172.220.1 Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers, RS 142.20 Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral, RS 173.71 Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral, RS 173.71 Ministère public de la Confédération Office fédéral de la justice Office fédéral du personnel Office des juges d'instruction fédéraux Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010.1 Ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération, RS 172.220.111.3 Programme d'allégement des structures Police judiciaire fédérale Loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale, RS 312.0 Projet d'efficacité Revue de droit suisse Revue pénale suisse Service d'analyse et de prévention Tribunal pénal fédéral Ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police, RS 172.213.1

Rapport 1

Contexte et objet de l'examen

1.1

Rappel des faits

Les autorités de poursuite pénale de la Confédération, c'est-à-dire la Police judiciaire fédérale (PJF), le Ministère public de la Confédération (MPC) et l'Office des juges d'instruction fédéraux (OJI), ont été considérablement développées depuis 2002 et le nouveau Tribunal pénal fédéral (TPF) est entré en service à Bellinzona le 1er avril 2004. Ce développement découle du «projet d'efficacité»1 (ProjEff) en vertu duquel le Parlement a confié à la Confédération de nouvelles compétences en matière de poursuite pénale, compétences obligatoires pour les affaires qui relèvent du crime organisé, du blanchiment d'argent et de la corruption et compétence facultative pour ce qui est de la criminalité économique, pour les cas complexes de dimension nationale ou internationale (art. 337 CP2; art. 340bis jusqu'à fin 2006). Le plan de mise en oeuvre du projet d'efficacité, élaboré en 2000, prévoyait une mise en place progressive, jusqu'en 2006 environ, des nouvelles structures des autorités fédérales de poursuite pénale au sein du MPC, de la PJF et de l'OJI ainsi que la création de 942 postes supplémentaires, pour un budget annuel de 142 millions de francs. Ce plan a été respecté jusqu'en 2003. En adoptant le programme d'allégement budgétaire 2003 (PAB 03), le Parlement a imposé un gel du développement des structures. Après un temps d'arrêt marqué jusqu'en 2006, le ProjEff devait être réévalué afin de décider de la suite à lui donner. En 2006, l'effectif du ProjEff comptait 565 postes pour un budget de 110 millions de francs.

En février 2006, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) a institué une organisation de projet qu'il a chargée d'élaborer une analyse de la situation et des propositions concrètes quant à la suite à donner au domaine ProjEff à partir de 2007, soit à l'échéance du temps d'arrêt. Le comité de projet «Analyse de situation ProjEff» a remis ses conclusions assorties de recommandations le 31 août 2006 (rapport «Uster», voir ch. 2.4).

Trois nouvelles enquêtes ayant le MPC et les autres autorités pénales de la Confédération pour objet ont été effectuées dans le courant de l'année 2006. Le Tribunal pénal fédéral ayant constaté, en avril 2006, que le Ministère public de la Confédération n'avait plus déposé d'actes d'accusation depuis six mois, la Cour des plaintes du Tribunal
pénal fédéral, en sa qualité d'autorité de surveillance judiciaire du MPC, a mené une enquête afin de savoir pourquoi le nombre d'actes d'accusation transmis au TPF restait en deçà des attentes initiales. La Cour des plaintes a rendu compte de ses constatations dans un rapport intermédiaire de surveillance (rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» du 14 juillet 2006, voir ch. 2.1). Un article de la Weltwoche du 1er juin 2006 ayant formulé de graves accusations à l'encontre du procureur général de la Confédération concernant l'utilisation de Ramos en tant que personne de confiance et la procédure H., et de sévères critiques

1

2

Modification du 22.12.1999 du code pénal suisse (nouvelles compétences de procédure en faveur de la Confédération dans les domaines du crime organisé et de la criminalité économique; FF 2000 71).

Code pénal suisse du 21.12.1937 (CP; RS 311.0).

1797

ayant été formulées les jours suivants dans les médias et par les acteurs politiques à l'encontre du procureur général de la Confédération, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral et le chef du DFJP ont ordonné une enquête, chacun dans son domaine de compétence respectif. Les résultats de ces investigations sont résumés dans le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» que la Cour des plaintes a remis au DFJP le 18 septembre 2006 (voir ch. 2.2) et dans le rapport relatif à l'enquête administrative au sein du Ministère public de la Confédération du 15 septembre 2006 (rapport «Lüthi», voir ch. 2.3).

1.2

Démarche

Le 26 juin 2006, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a chargé sa sous-commission DFJP/ChF d'examiner les divers rapports d'enquête sur le MPC et les autres autorités pénales de la Confédération et, au besoin, de procéder à des investigations supplémentaires.

De fin août 2006 à janvier 2007, la sous-commission DFJP/ChF3 de la CdG-N (ci-après: sous-commission) a entendu les représentants de toutes les autorités concernées ainsi que les auteurs des rapports d'enquête4. La sous-commission a également demandé au procureur général de la Confédération, au MPC, à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral et à ses présidents, au chef du DFJP et à son secrétaire général de s'exprimer par écrit sur des questions ouvertes et de produire un certain nombre de documents. La sous-commission s'est réunie à douze reprises dans le cadre du présent examen.

Le 9 juillet 2007, la sous-commission a soumis son projet de rapport pour avis au chef du DFJP, à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral au MPC et au procureur général de la Confédération. La sous-commission a examiné les avis le 14 août 2007 et en a partiellement tenu compte dans le présent rapport.

Le 14 août 2007, la sous-commission a décidé par 6 voix contre 4 de transmettre le présent rapport à la CdG-N qui l'a adopté le 5 septembre 2007 par 16 voix contre 6 et en a autorisé la publication.

1.3

Objet de l'examen

A l'examen des quatre rapports d'enquête, la CdG-N a constaté que, du point de vue de la haute surveillance politique exercée par le Parlement, et au-delà des résultats et des conclusions, les raisons qui les ont motivés et leur genèse sont tout aussi importantes dans la perspective de la haute surveillance politique exercée par le Parlement.

La coopération entre le DFJP et la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, leur

3

4

La sous-commission était constituée des députés suivants: Lucrezia Meier-Schatz (présidente), Max Binder, Toni Brunner, André Daguet, Ida Glanzmann-Hunziker (participation partielle), Jean-Paul Glasson, Walter Glur, Edith Graf-Litscher (participation partielle), Josy Gyr-Steiner (participation partielle), Brigitte Häberli-Koller (participation partielle), Claude Janiak, Geri Müller, Marc Suter (participation partielle), Kurt Wasserfallen (participation partielle).

Personnes entendues: voir annexe.

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qualité d'autorité de surveillance du MPC, mais aussi un certain nombre d'aspects relatifs à la démission du procureur général de la Confédération ont gagné en importance au fur et à mesure des travaux. En raison de la persistance des critiques publiques concernant le rôle du procureur général de la Confédération dans l'affaire de l'utilisation de Ramos en tant que personne de confiance, la sous-commission s'est en particulier penchée sur les questions et les points suivants: 1.

Pourquoi les différentes enquêtes ont-elles été décidées et comment ont-elles été réalisées?

2.

A quels résultats ces enquêtes ont-elles abouti?

3.

Sur quels points les rapports d'enquête convergent-ils et sur quels points divergent-ils?

4.

La démission du procureur général de la Confédération.

5.

La coopération et les conflits entre les différentes autorités exerçant la surveillance sur le MPC et sur les autres autorités de poursuite pénale de la Confédération.

6.

La sous-commission a demandé des éclaircissements approfondis sur les accusations à l'encontre du procureur général de la Confédération concernant l'utilisation de Ramos en tant que personne de confiance.

1.4

Limites du présent examen et délimitation par rapport aux compétences d'autres autorités

La CdG-N a suivi la mise en oeuvre du ProjEff de près pendant cinq ans. S'agissant de la suite à donner à ce projet à l'échéance du temps d'arrêt, le Conseil fédéral a, le 15 décembre 2006, choisi le modèle 2 «Concentration des forces» de l'«Analyse de situation ProjEff» (rapport «Uster», voir ch. 2.4). Le DFJP en a confié la mise en oeuvre à un comité de projet, placé sous la présidence de l'ancien conseiller d'Etat Hanspeter Uster (ZG), qui a présenté un rapport de mise en oeuvre5 au DFJP le 16 avril 2007 (voir ch. 2.4.3). Le Conseil fédéral en a pris connaissance le 4 juillet 2007 et a approuvé les propositions de mise en oeuvre du ProjEff2 présentées par le DFJP. Ce processus de mise en oeuvre sera achevé d'ici à fin 2007. La CdG-N ne se prononce pas sur la direction choisie par le Conseil fédéral. Elle se borne à formuler ici quelques remarques et recommandations concernant l'avenir des autorités de poursuite pénale de la Confédération.

Lorsqu'elle examine et évalue la surveillance exercée par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral sur le MPC, la CdG-N doit tout particulièrement veiller au respect du principe de la séparation des pouvoirs. Elle ne saurait donc se prononcer sur le fond des décisions de la Cour des plaintes, mais limite son examen à l'évaluation de la manière dont cette dernière exerce la surveillance judiciaire dans le cadre des rapports intermédiaires de surveillance «actes d'accusation» et «Ra-

5

Rapport de mise en oeuvre; La poursuite pénale au niveau fédéral (projet ProjEff2) du 16.4.2007 (http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/2007/2007-07-04.html).

1799

mos», de la surveillance en général et des problèmes de délimitation découlant de sa bipartition actuelle (surveillance administrative et surveillance judiciaire).

2

Les quatre rapports d'enquête

2.1

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral

2.1.1

Introduction

Le 14 juillet 2006, dans le cadre de l'exercice de la surveillance judiciaire sur le MPC, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: Cour des plaintes) a adopté un rapport intermédiaire de surveillance à l'attention du MPC en sa qualité d'autorité faisant l'objet de la surveillance, du DFJP en sa qualité d'organe de surveillance administrative, des commissions de gestion en leur qualité d'organe de haute surveillance et du comité de projet «Analyse de situation ProjEff» par son président Hanspeter Uster. Ce rapport (ci-après: rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation»6) porte sur les investigations que la Cour des plaintes a effectuées à propos du nombre restreint d'actes d'accusation que le MPC avait transmis jusque-là au TPF. Bien que ce rapport n'ait pas été publié7, une indiscrétion a permis à certains médias d'en prendre connaissance8.

Le 19 juillet 2006, le MPC a déposé une requête auprès des sous-commissions Tribunaux des deux CdG, dans laquelle il faisait part de sa grande inquiétude quant au contenu du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» et quant à la manière dont il avait été élaboré. Après concertation, les CdG ont décidé de confier le traitement de la requête du MPC à la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N, la chargeant de la traiter en même temps que l'examen en cours.

2.1.2

Remarque préliminaire relative au déroulement de la procédure pénale fédérale

La procédure pénale fédérale se déroule en plusieurs phases. Le MPC ouvre une procédure d'enquête de police judiciaire en cas de soupçons d'infraction au droit pénal fédéral. Durant cette phase, le MPC et la Police judiciaire fédérale (PJF) procèdent à des investigations. Si les soupçons se confirment, le MPC transmet le dossier à l'OJI qui procède à l'instruction préparatoire au cours de laquelle le juge

6

7

8

Rapport intermédiaire de surveillance. Rapport intermédiaire de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 14.7.2006 concernant les clarifications relevant de la surveillance juridique à propos du nombre restreint d'actes d'accusation.

La Cour des plaintes adresse ses rapports annuels ordinaires de surveillance et les éventuels rapports intermédiaires de surveillance au MPC en sa qualité d'autorité faisant l'objet de la surveillance et aux autres autorités de surveillance (DFJP, haute surveillance parlementaire). Conformément à la pratique de la Cour des plaintes, ces rapports ne sont pas publiés.

Hanspeter Bürgin: Roschachers letztes Aufbäumen, Tages-Anzeiger du 22.9.2006; Andreas Windlinger, Andrea Bleicher et Monica Fahmy: Valentin Roschacher: Vernichtende Bilanz der Aufsichtsbehörde, SonntagsZeitung du 24.9.2006.

1800

d'instruction élucide les faits plus à fond. Une fois l'instruction préparatoire close, l'OJI renvoie le dossier au MPC qui décide s'il y a lieu de clore la procédure ou de procéder à une inculpation, auquel cas, le MPC transmet l'acte d'accusation et les dossiers d'enquête et d'instruction préalable à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral à Bellinzona.

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» porte uniquement sur la phase de la préparation de l'acte d'accusation par le MPC qui suit la clôture de l'instruction préparatoire par l'OJI et le renvoi du dossier par l'OJI au MPC. Aucun délai légal ne s'applique à la phase de l'élaboration de l'acte d'accusation.

2.1.3

Motifs et genèse: chronologie

a. Renseignement sur les mises en accusation à venir Le 2 mars 2006, dans la perspective de l'entretien annuel avec les sous-commissions Tribunaux des deux CdG, qui avait été fixé au 5 avril 2006 et qui devait notamment porter sur la charge de travail du tribunal, et eu égard au fait que la dernière mise en accusation datait d'octobre 2005, le président du TPF a demandé au MPC de lui communiquer le nombre d'actes d'accusation qu'il entendait déposer auprès du tribunal avant la fin du mois. Le 9 mars, le MPC a fait savoir que d'ici fin mars, quatre mises en accusation seraient déposées. Le 3 avril 2006 (sceau postal du 31 mars 2006), le TPF a reçu deux des quatre accusations annoncées. Un troisième acte d'accusation lui est parvenu le 10 avril 2006. Fin mars encore, le MPC avait averti le président du TPF qu'il n'était pas encore en mesure de procéder à la quatrième mise en accusation étant donné que, en raison d'une décision de la Cour des plaintes, il devait encore obtenir le feu vert du Conseil fédéral (art. 105 PPF9).

b. Intervention requise Lors de sa séance du 4 avril 2006, la direction du TPF a demandé à l'autorité de surveillance judiciaire du MPC, c'est-à-dire la Cour des plaintes, d'examiner les raisons du faible nombre d'actes d'accusation dressés au regard du nombre d'instructions préparatoires closes, d'éclaircir les motifs à l'origine du manque de fiabilité des estimations du MPC et de proposer des mesures envisageables pour améliorer la situation. Le jour suivant, la direction du TPF a informé les souscommissions Tribunaux des deux CdG de l'évolution du nombre de mises en accusation et de la demande qu'elle avait adressée à la Cour des plaintes. A ce sujet, le président de la Cour des plaintes a indiqué que la situation était de toute évidence insatisfaisante et justifiait une intervention de l'autorité de surveillance.

c. Décision de la Cour des plaintes du 11 avril 2006 Eu égard au fait que l'OJI avait clos 18 instructions préparatoires en 2005, que le procureur général de la Confédération avait indiqué qu'il fallait un à trois mois au MPC pour dresser un acte d'accusation à l'issue d'une instruction préparatoire (plus tard, il a été question de trois mois en moyenne), que le MPC avait promis de procéder à quatre mises en accusation avant le 31 mars 2006, qu'aucune accusation

9

Loi fédérale du 15.6.1934 sur la procédure pénale (PPF; RS 312.0)

1801

n'était parvenue au TPF à cette date, mais qu'il en a reçu deux le 3 avril et une le 10 avril 2006, la Cour des plaintes a, le 11 avril 2006, décidé de procéder à une analyse approfondie de la situation. En plus du MPC, la décision de la Cour des plaintes, datée du 12 avril 2006, a été communiquée à la direction du TPF et au chef du DFJP pour transmission à l'autorité de surveillance.

La Cour des plaintes a donc demandé au procureur général de la Confédération de lui fournir, avant le 20 avril 2006, une copie des rapports finaux des 18 procédures closes en 2005 par l'OJI ainsi que des informations sur les dates auxquelles le MPC avait reçu ces rapports, sur les démarches que ce dernier avait entreprises depuis lors et sur l'état de ces procédures. En outre, la Cour des plaintes a invité le procureur général de la Confédération à se rendre au siège du TPF afin de donner son point de vue sur les questions soulevées et, au besoin, d'autres questions. La date de cet entretien a été fixée d'un commun accord au 27 avril 2006.

d. Réponse du MPC du 20 avril 2006 Le 20 avril 2006, dans le délai de huit jours qui lui avait été imparti, le MPC a fourni les renseignements demandés à la Cour des plaintes. Ces renseignements couvraient 17 des 18 procédures closes en 2005 par l'OJI. Au sujet de la 18e procédure, le MPC a indiqué que, d'après son système de contrôle, l'OJI n'avait clos que 17 procédures.

Plus tard, il est apparu que l'OJI avait, sans en informer le MPC, scindé un cas particulier d'une procédure pour le transmettre au canton de Zurich. Le MPC ne disposait donc d'aucun rapport final de l'OJI sur ce 18e cas. En ce qui concerne les 17 procédures, le MPC a fourni des informations sur la clôture de l'instruction préparatoire et sur l'état de la procédure en date du 18 avril 2006. Ces informations ont permis de constater que, à cette date, le MPC avait procédé à 10 mises en accusation10 auprès du TPF, qu'une procédure avait été suspendue et qu'une autre avait été transmise au canton de Vaud. Au sujet des 5 procédures restantes, le MPC a indiqué que l'une d'entre elles allait certainement aboutir à une suspension et que, dans un autre cas, l'Espagne avait présenté une demande de délégation de la poursuite pénale. Le MPC a, d'une part, remis les rapports finaux des 7 cas qui n'avaient pas encore donné
lieu à une mise en accusation et, d'autre part, signalé que les rapports relatifs aux 10 autres procédures étaient déjà en possession de la Cour des affaires pénales.

Quant au temps nécessaire à l'établissement des actes d'accusation, le MPC a souligné qu'il avait toujours indiqué qu'il s'efforçait de les rédiger dans un délai moyen de trois mois, mais qu'il y avait régulièrement des cas dans lesquels la procédure devait être suspendue ou transférée à un canton ou à un Etat étranger. Le MPC a insisté sur le fait que chaque instruction préparatoire close n'aboutit pas forcément à inculpation et qu'il n'est pas toujours possible de dresser un acte d'accusation en moins de trois mois à compter de la réception du dossier transmis par l'OJI puisque le temps nécessaire dépend, d'une part, de l'ampleur et de la complexité du dossier et, d'autre part, du temps que le procureur concerné doit également consacrer à d'autres enquêtes. En ce qui concerne les 10 actes d'accusation établis durant la période concernée, le MPC a relevé que ce délai avait été de deux mois pour quatre cas, de deux mois et demi pour un cas, de trois mois pour deux cas, de trois mois et

10

Sept mises en accusation ont été déposées avant fin octobre 2005, deux ont été déposées le 3 avril et une le 10 avril 2006.

1802

demi pour un cas et de six mois pour deux cas, ce qui correspond à un délai moyen de 3,2 mois.

e. Contact entre le DFJP et la Cour des plaintes Avant l'audition du procureur général de la Confédération qui allait avoir lieu le 27 avril 2006, le président de la Cour des plaintes a contacté le secrétaire général du DFJP. Estimant que l'examen comportait aussi des aspects administratifs, il lui a demandé s'il ne voulait pas assister à l'audition du procureur. Le secrétaire général du DFJP a décliné l'offre du président. La veille de l'audition, ce dernier a transmis par fax au secrétaire général du DFJP un projet de lettre à envoyer à la Cour des plaintes. Le secrétaire général a repris le projet dans son intégralité et, le 27 avril 2006, l'a renvoyé par fax au président de la Cour des plaintes. La lettre commence par des remerciements pour la remise de la décision du 11 avril 2006 relative à l'analyse approfondie des raisons à l'origine du nombre restreint d'actes d'accusation dressés par le MPC. En substance, cette lettre exprimait la surprise du DFJP concernant le nombre insignifiant d'actes d'accusation dressés jusque-là par le MPC et précisait que, en sa qualité d'organe chargé de la surveillance administrative du MPC, le département était d'avis qu'il fallait faire toute la lumière sur cette situation inattendue. La lettre priait en outre la Cour des plaintes, une fois son examen achevé, de faire parvenir au département un rapport sur la base duquel celui-ci pourrait examiner l'opportunité d'éventuelles mesures administratives. Il y était également précisé que, à des fins d'objectivité, ce rapport ne devait pas comporter d'informations détaillées sur les différentes procédures concernées et que la participation du secrétaire général à l'audition du procureur général était inopportune.

f. Audition du procureur général de la Confédération et de son suppléant au siège du TPF le 27 avril 2006 En vue de son audition qui devait avoir lieu le 27 avril au siège du TPF à Bellinzona, le procureur général de la Confédération a téléphoné au président de la Cour des plaintes pour se renseigner sur les sujets autres que ceux mentionnés dans la décision du 11 avril 2006 et sur ce qui allait suivre l'audition. Le président lui a répondu que la suite de la procédure n'avait pas encore été arrêtée.

Il ressort
du procès-verbal littéral de l'audition du 27 avril 2006, que le président de la Cour des plaintes a tout d'abord abordé la question de la compétence en matière de surveillance du MPC durant la phase de la rédaction de l'acte d'accusation. Se référant à la lettre du secrétaire général du DFJP, le président a notamment déclaré en substance que l'autorité avait explicitement invité la Cour des plaintes à procéder à des investigations et qu'il tombait sous le sens que l'autorité de surveillance administrative était compétente pour examiner toutes les activités du MPC. La partie principale de l'audition a été consacrée au traitement des 18 procédures closes en 2005 par l'OJI, en suivant les questions mentionnées dans la décision de la Cour des plaintes du 11 avril 2006.

1803

Pour sa part, le procureur général de la Confédération a déclaré à la sous-commission que l'audition s'était déroulée à la manière d'un véritable interrogatoire11 (Verhöhr), que le ton employé était excessif et discourtois et que l'attitude manquait d'objectivité et n'avait rien de constructif. Il a également relevé que le président de la Cour des plaintes lui avait plusieurs fois coupé la parole, ne le laissant pas s'exprimer et qu'il n'avait pas non plus permis à son suppléant de répondre aux questions, sauf lorsqu'un autre juge avait expressément souhaité entendre son avis.

Le procureur général de la Confédération a ajouté que lui et son suppléant avaient été abasourdis par cet interrogatoire et que, vu la tournure de l'audition, il aurait dû se lever et quitter la salle d'audience. Il a souligné qu'il ne l'avait pas fait pour éviter d'envenimer la situation, ce qu'il regrettait aujourd'hui.

Interrogé sur la manière dont l'audition s'était déroulée, le président de la Cour des plaintes a déclaré à la sous-commission que l'avis écrit remis par le procureur général de la Confédération était pour le moins incomplet, que ce dernier n'avait pas répondu aux questions qui lui étaient posées et qu'il en était allé de même lors de l'audition de Bellinzona. Il a en substance indiqué qu'il avait posé au procureur général de la Confédération des questions concrètes dont le rapport «Uster» avait fait peu de cas, les qualifiant de simples questions de délais ou de comptabilité (voir ch. 4.8 dudit rapport), alors que le TPF avait besoin de savoir combien d'actes d'accusation il allait devoir traiter, mais qu'il n'avait pas été possible de le savoir, le procureur général n'ayant pas pu répondre à la plupart des questions. A cet égard, le président de la Cour des plaintes a mentionné le cas d'une procédure dont le

11

Pour sa part, le suppléant du procureur général de la Confédération et futur chef ad interim du MPC a décrit le déroulement de la séance de la manière suivante: «Wir wurden in den Gerichtssaal gebeten. Die Beschwerdekammer sass auf den Sitzen, wo sonst die Strafkammer tagt, Herr Hochstrasser sass auf dem Präsidentensitz, überhöht. Vor ihm sass der Gerichtsschreiber mit dem Laptop. Man stellte ein Mikrofon auf und sagte uns, diese Anhörung werde aufgezeichnet. Wir mussten auf den Plätzen für die Parteien Platz nehmen.» [Traduction: «Nous avons été introduits dans la salle d'audience. La Cour des plaintes occupait les places habituellement occupées par la Cour des affaires pénales, M. Hochstrasser était assis dans le fauteuil présidentiel surélevé. Le greffier était installé devant lui avec son ordinateur portable. On a placé un microphone et on nous a dit que l'audition serait enregistrée. Nous avons dû nous asseoir aux places habituellement réservées aux parties.»] Quant au passage suivant tiré du procès-verbal littéral de l'audition, il renseigne notamment sur le ton employé: «Fels: Darf ich ... Hochstrasser: Ja? Fels: ...

eine Frage stellen? Sie haben gesagt, [...] ob unter Umständen Missstände...; Hochstrasser: Ist das eine Frage? Fels: Ja, eine Frage. Wenn Sie ...; Hochstrasser: Also, Sie können Bemerkungen anbringen, aber Fragen stellen wir. Fels: Okay, ich nehme das zur Kenntnis.» [Traduction: «Fels: Puis-je me permettre ... Hochstrasser: Oui? Fels: ... de poser une question? Vous avez dit [...] si d'éventuels dysfonctionnements ... Hochstrasser: S'agit-il d'une question? FELS: Oui, une question. Lorsque vous ... Hochstrasser: Vous pouvez formuler des remarques, mais c'est nous qui posons les questions. Fels: O.K., j'en prends bonne note.]

1804

procureur général de la Confédération n'aurait même pas eu connaissance12. Il a demandé au procureur suppléant, qui tentait sans arrêt d'intervenir, de s'abstenir de répondre aux questions, car elles étaient destinées au procureur général de la Confédération.

A la question de savoir pourquoi il s'était parfois tu lors de l'audition et avait renoncé à répondre à certaines questions que le président de la Cour des plaintes lui posait, le procureur général de la Confédération a répondu qu'il était resté silencieux tout simplement parce qu'il n'était plus d'humeur à parler. Il a expliqué qu'il ne s'attendait pas à être soumis à un interrogatoire et à devoir se soumettre à un examen portant sur les détails des affaires en question, raison pour laquelle il a précisé certains détails en prenant position par écrit. Selon le suppléant du procureur général de la Confédération, son supérieur hiérarchique et lui-même se sont rendus à Bellinzona en pensant qu'il allait être question de la légitimité de la conduite de ces 18 procédures, ce qui n'a pas été le cas.

g. Information préalable adressée au DFJP Le 4 mai 2006, le président de la Cour des plaintes et le secrétaire général du DFJP ont échangé des courriels que le DFJP a classés dans le dossier personnel du procureur général de la Confédération, ce qui indique que le DFJP leur a accordé une certaine importance à cet égard. Le secrétaire général du DFJP s'est adressé au président de la Cour des plaintes pour des éclaircissements de cette dernière concernant une autre affaire, pour laquelle le DFJP examinait l'opportunité de charger un procureur extraordinaire de procéder à des enquêtes supplémentaires; il a mentionné, en passant, que les résultats de l'audition du procureur général de la Confédération du 27 avril 2006 étaient importants pour le département. En réponse, le président de la Cour des plaintes a, dans son courriel, informé le secrétaire général du DFJP de l'état des enquêtes en cours sur cette autre affaire. Quant aux auditions concernant le faible nombre de mises en accusation, il a indiqué qu'il aurait encore besoin d'un peu de temps pour achever la rédaction du rapport. Il a ajouté que (traduction) «sans vouloir préjuger du résultat ­ la Cour des plaintes doit encore entériner le rapport ­, je peux déjà vous donner mon avis personnel: il me semble que le MPC est mal dirigé en ce sens que la direction ne fait pas preuve de bonne volonté pour tirer le

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Au sujet de la procédure «Door», dont le président de la Cour des plaintes n'a pas tout de suite mentionné le nom, on peut lire l'échange suivant dans le procès-verbal: «Hochstrasser: Das Untersuchungsrichteramt meldet 18 abgeschlossene Voruntersuchungen im Jahr 2005. Sie sagen mir, es sind 17. Was soll ich jetzt glauben? Bertossa: Il y en a une qui a été communiquée sans . Hochstrasser: Ich will es von ihm hören. ...» [Traduction: Hochstrasser: L'Office des juges d'instructions annonce qu'il y a eu 18 instructions préparatoires closes en 2005. Vous, vous me dites qu'il n'y en a eu 17. Qui dois-je croire? Bertossa: Il y en a une qui a été communiquée sans acte d'accusation. Hochstrasser: Je veux l'entendre de sa bouche. ...»] Plus tard durant l'audition, le président est revenu sur cette procédure: «Roschacher: war zuerst ein Gesamtverfahren. Das, was heute noch unter 'Flat' geführt wird, ist nicht mehr der Gesamtumfang des Beginnes. Und ein Teil wurde dem Kanton Zürich abgetreten. Und ich nehme an ­ ich kann es jetzt nicht mit absoluter Sicherheit sagen ­, das war der Bereich , der nach Zürich delegiert wurde.» [Traduction: Roschacher: «Flat» était à l'origine une procédure globale. La procédure actuellement en cours sous le nom de «Flat» n'a plus l'étendue initiale. Une partie du dossier a été transmise au canton de Zurich. Je suppose ­ mais là, maintenant, je ne saurais l'affirmer avec certitude ­ que c'est la partie «Door» de cette procédure qui a été transférée au canton de Zurich.]

(Procédure «Door», voir ch. 2.1.4 et 2.1.5, notes de bas de page).

1805

meilleur parti des ressources disponibles et du cadre légal et procédural en place. On cherche plutôt en dehors des murs (droit de procédure, OJI, Cour des plaintes, DFJP) les raisons expliquant le manque ­ évident ­ de résultats. Ce comportement de la direction ­ indépendamment du fait que le déficit de conduite opérationnelle se fait cruellement sentir [...] ­ se répercute négativement sur l'ensemble du personnel du MPC, raison pour laquelle les ressources disponibles ne sont, de loin, pas exploitées de manière optimale. Il est du ressort de la surveillance administrative de tirer les conséquences de cette situation».

h. Déroulement ultérieur de la procédure Le 3 mai 2006, le procureur général de la Confédération a prié le président de la Cour des plaintes de lui faire parvenir le procès-verbal de l'audition du 27 avril 2006 afin de lui permettre de se prononcer à ce sujet. Par lettre du 14 juin 2006, la Cour des plaintes a transmis, «pour information», le procès-verbal en question ainsi que le projet de rapport de surveillance intermédiaire, sans impartir de délai, mais en indiquant que le rapport de surveillance intermédiaire allait être envoyé aux destinataires13 le 20 juin 2006. Dans sa requête du 16 juin, le MPC a exprimé ses réserves quant à la manière de procéder et a demandé que lui soit accordé le droit d'être entendu ainsi qu'un délai de 30 jours pour prendre position par écrit sur le projet de rapport de surveillance. Le 19 juin 2006, le président de la Cour des plaintes a accepté de prolonger le délai jusqu'au 26 juin 2006 (7 jours). Le 26 juin 2006, le procureur général a fait parvenir à la Cour des plaintes son avis circonstancié sur le projet de rapport (voir ch. 2.1.5).

Le secrétaire général du DFJP a été informé par la Cour des plaintes que le rapport allait être retardé. Le 25 juin 2006, il a écrit au président de la Cour des plaintes afin de l'informer que ce retard n'était pas très important pour le DFJP. Cependant, «en raison des différentes discussions actuellement en cours», il l'a prié de répondre à quelques questions avant le lendemain à midi. Il désirait notamment savoir qui avait commandé le rapport, à qui il était destiné et s'il était prévu de le publier ou de publier un communiqué de presse. Le 26 juin 2006, un greffier du TPF a répondu que le 4 avril 2006, la
direction du TPF avait demandé à la Cour des plaintes d'examiner les raisons du faible nombre d'actes d'accusation dressés au regard du nombre d'instructions préparatoires closes, d'éclaircir les motifs à l'origine du manque de fiabilité des estimations du MPC et de proposer des mesures envisageables pour améliorer la situation. Il a encore précisé en substance (en renvoyant le secrétaire général à sa lettre du 27 avril 2006) que les investigations avaient également été effectuées dans le but de permettre au DFJP, en sa qualité d'autorité de surveillance administrative, respectivement au Conseil fédéral, de décider d'éventuelles mesures, mais a souligné qu'en raison de l'indépendance dont la Cour des plaintes devait faire preuve en matière de surveillance, il lui semblait inadéquat de parler d'un «donneur d'ordre» en tant que tel.

Le 28 juin 2006, dans un communiqué de presse, la Cour des plaintes a fait savoir que le rapport de surveillance annoncé, mais pas destiné à être publié, avait été retardé à cause d'une «requête extrêmement détaillée» soumise par le MPC. Le 14 juillet 2006, la Cour des plaintes a envoyé le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» sans qu'il ait subi de modification notable à la suite de

13

Voir note de bas de page 7.

1806

l'avis du MPC du 26 juin 2006 (voir ch. 2.1.1, note de bas de page 7). Dans un chapitre supplémentaire du rapport intermédiaire, la Cour des plaintes prend acte des requêtes et réserves du MPC et les rejette intégralement.

Dans un communiqué de presse du 17 juillet 2006, la Cour des plaintes indique qu'elle «a terminé [...] son rapport concernant les reproches relatifs au faible nombre d'actes d'accusation dressés par le Ministère public de la Confédération [...].

Dans le rapport, la Cour des plaintes constate que la situation actuelle est insatisfaisante et, sur la base des clarifications entreprises, en précise les raisons pertinentes. Le rapport a été remis à toutes les autorités compétentes pour rectifier la situation.»

2.1.4

Contenu et conclusions du rapport

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral n'ayant pas été publié, son contenu et ses conclusions sont résumés ou partiellement repris ci-après.

Le rapport sur le projet d'efficacité du 12 mai 2000 (ci-après: rapport ProjEff) sert de point de départ au chapitre du rapport consacré à la situation initiale. Selon ce rapport, le MPC était parti de l'hypothèse qu'aucun acte d'accusation ne serait dressé en 2002. Pour 2005, le rapport ProjEff tablait pour les seuls domaines du crime organisé et de la criminalité économique sur au moins 40 mises en accusation, cela sans tenir compte des 35 procédures prévues dans le domaine du blanchiment d'argent14.

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» rappelle l'augmentation de l'effectif calculé par le rapport ProjEff de 2000 pour pouvoir traiter les procédures pronostiquées et souligne que, à fin 2004, 84,9 postes de travail avaient été créés au MPC (le rapport ProjEff en prévoyait 79) et 285 à la PJF (le rapport ProjEff en prévoyait 318,2) pour assumer les nouvelles compétences de la Confédération en matière de poursuite pénale.

Malgré l'augmentation de l'effectif du MPC et de la PJF, il est apparu, peu de temps après que le Tribunal pénal fédéral eût entamé ses activités le 1er août 2004, que les prévisions relatives aux mises en accusation devaient être sérieusement revues à la baisse. Dans son rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» 2004, la

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L'examen auquel la CdG-N a soumis ces chiffres a montré que des erreurs de calcul ont conduit à des résultats très exagérés. En partant de la même référence que la Cour des plaintes (rapport ProjEff, p. 35), la CdG-N estime qu'en 2000 on partait encore du principe qu'en 2005 on allait pouvoir clore 13 procédures dans le domaine du crime organisé et 3 procédures dans le domaine de la criminalité économique, cela en tenant compte des procédures suspendues ou transférées à un canton ou à un Etat étranger (25 % des procédures. Autrement dit, à l'époque, la prévision concernant le nombre d'actes d'accusation qui seraient dressés en 2005 pour les deux domaines confondus, était d'environ 12 et non pas de 40. Quant au domaine du blanchiment d'argent, les auteurs du rapport ProjEff avaient estimé à 13 le nombre de procédures qui pourraient être closes en 2005. En outre, au 30 juin 2004, la planification roulante tenant compte de l'évolution de la situation (en particulier du fait que, dans la pratique, les procédures duraient trois ans, soit nettement plus que les deux ans pris en compte lors de la rédaction du rapport ProjEff) avait conduit à estimer à 15 le nombre total d'actes d'accusation qu'il serait possible de dresser en 2005.

1807

Cour des plaintes relève que seules six procédures ont abouti au dépôt d'un acte d'accusation auprès du Tribunal pénal fédéral et que, eu égard à cette situation, son président a, en novembre 2004, exigé de nouvelles estimations pour les années 2005 à 2009. Il rapporte que, dans sa réponse du 21 décembre 2004, le MPC avait estimé qu'il dresserait entre 14 (prévision pessimiste) et 20 (prévision optimiste) actes d'accusation en 200515 alors qu'il n'a finalement procédé qu'à sept mises en accusation durant cette année-là, dont deux dans le domaine des nouvelles compétences.

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» présente ensuite les motifs et le mandat à la base de l'enquête de la Cour des plaintes (voir ch. 2.1.3).

En ce qui concerne la compétence de la Cour des plaintes, le rapport répond à la question que le MPC avait soulevée dans sa lettre du 20 avril 2006, qui était de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure la surveillance judiciaire exercée par la Cour des plaintes sur le MPC s'étendait également à la phase de la préparation de l'acte d'accusation qui suit la clôture de l'instruction préparatoire par l'OJI.

L'art. 28, al 2, LTPF16 dispose que la Cour des plaintes exerce la surveillance sur les recherches de la police judiciaire et sur l'instruction préparatoire dans les affaires pénales relevant de la juridiction fédérale. La Cour des plaintes affirme que son mandat de surveillance judiciaire sur le MPC s'étend à cette phase et justifie son avis en précisant notamment qu'il «convient, en outre, de souligner que, selon une opinion unanime, le Ministère public de la Confédération est soumis administrativement, pour chaque phase de son activité, à la surveillance du Conseil fédéral (art. 14 al. 1 PPF). Imaginer qu'une phase de la procédure serait soumise à la seule surveillance administrative créerait une situation manifestement insatisfaisante et aurait pour conséquence que des mesures disciplinaires, ou relevant du personnel, ne pourraient être prises lorsqu'elles seraient dictées par des manquements que seule la surveillance judiciaire est à même de relever (c'est bien pourquoi d'ailleurs les clarifications qui suivent sont appelées à fonder les décisions à prendre par l'autorité de surveillance administrative).» La partie principale du rapport intermédiaire
de surveillance «actes d'accusation» porte sur les 18 procédures closes en 2005 par l'OJI. Pour six d'entre elles, le rapport critique le fait que les actes d'accusation ont été déposés en retard par rapport aux estimations du MPC, que leur dépôt a été attendu pendant trop longtemps ou qu'il est même encore attendu. A six reprises, il reproche également au procureur général de la Confédération de n'avoir pas été suffisamment informé au moment de son audition du 27 avril 2006 sur l'état de la procédure. A cinq reprises, il critique la durée excessive de la procédure. En outre, pour deux de ces cinq cas, il émet des doutes quant à la diligence et à l'efficacité de la conduite de la procédure; il s'appuie sur un troisième cas pour remettre en cause la pertinence du déploiement de tant de ressources au niveau fédéral. Le rapport reproche encore cinq lacunes mineures d'un

15

16

Le rapport ne mentionne pas le fait que, dans sa lettre du 21 décembre 2004, le MPC avait expressément indiqué que les prévisions avaient été formulées sous certaines réserves, que les hypothèses à leur base étaient optimistes et que les résultats en question ne pouvaient être atteints que si les conditions étaient favorables (ressources suffisantes, efficacité de la conduite de la procédure). Le MPC avait en particulier souligné que l'évolution dépendrait pour une bonne partie de l'issue des 51 instructions préparatoires alors en cours auprès de l'OJI.

Loi fédérale du 4.10.2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; RS 173.71).

1808

point de vue administratif (nom d'une opération pas utilisé ou utilisé à mauvais escient, indication d'une mauvaise date, rapport manquant)17.

L'analyse présentée dans le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» parvient aux résultats suivants: «Il résulte de ce qui précède que le système de poursuite pénale de la Confédération (constitué de la PJF, du MPC et de l'OJI) est loin d'atteindre les objectifs initialement fixés (même ceux revus à la baisse par la suite) s'agissant des actes d'accusation déposés auprès de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral. Chacune des trois autorités précitées peut en principe être à la source du chiffre manifestement insuffisant d'actes d'accusation. Cependant, les clôtures de l'OJI intervenues jusqu'à présent ou en cours (même si celles-ci pourraient sans conteste être encore accrues), de même que les explications données plus haut permettent d'en situer la responsabilité en premier lieu à l'échelon du MPC. Alors qu'il domine la procédure, ce dernier a ainsi, de façon répétée et encore tout récemment, déçu les attentes qu'il avait lui-même suscitées s'agissant des actes d'accusation annoncés. Alors que, notamment auprès de l'OJI, il a pu être remédié au manque de personnel constaté en 2004, il apparaît toujours plus clairement que c'est le MPC (y compris les sections de la PJF qui collaborent aux recherches) qui est en premier lieu responsable du fait que les résultats ne correspondent ni à ses propres prévisions ni, de façon générale, à ceux que l'on est en droit d'attendre d'une institution de cette taille. La Cour des plaintes est néanmoins consciente du fait que le MPC ne peut déposer davantage d'actes d'accusation que l'OJI n'a clos d'instructions préparatoires (au total 24 au cours des années 2004 et 2005; [...]). A l'inverse, l'OJI ne peut pas mener à chef plus d'instructions préparatoires que le MPC n'en requiert l'ouverture (au total 57 au cours des années 2004 et 2005 [...]). Le MPC a donc ici aussi une position de premier plan.

Cette situation insatisfaisante provient, certes, en partie de raisons qui échappent au contrôle du MPC, en particulier celles de nature structurelle comme la division des procédures en deux phases, à savoir l'enquête de police judiciaire (MPC) et l'instruction préparatoire (OJI), avec pour
conséquence que le même dossier doit obligatoirement passer entre les mains de deux autorités différentes, et, d'une façon plus générale, le fait que la loi sur la procédure pénale fédérale,

17

La manière dont l'examen a été réalisé est illustrée ci-après au moyen des constatations du rapport sur la procédure «Door». «Il s'agit d'une procédure que le MPC n'a pas annoncée à la Cour des plaintes. Dans sa lettre du 20 avril 2006, p. 4, le procureur général de la Confédération communiqua que seules 17 procédures avaient été closes; la procédure «Door» est brièvement évoquée ­ sans autres développements ­ en relation avec la procédure «Flat». Durant l'audition du 27 avril 2006, le procureur général de la Confédération ne fut pas en mesure de fournir des informations précises sur la procédure en cause (procès-verbal, p. 21). La Cour des plaintes remarque que, contrairement aux indications écrites du procureur général de la Confédération, cette procédure a été également close en 2005. La clôture a été effectuée par délégation au canton de Zurich. Dans la mesure où une telle délégation ne peut être faite que par le MPC, force est de constater que le procureur général de la Confédération, pour cette procédure également, a été soit incomplètement, soit mal informé (voir à ce propos la première tentative d'explication du procureur général de la Confédération dans ses dernières observations du 26 juin 2006, p. 33 à 35).» (Voir ch. 2.1.3 et 2.1.5, notes de bas de page.)

1809

déjà ancienne, n'est plus adaptée. Le fait que les collaborateurs du MPC viennent de diverses régions du pays, et appartiennent à des traditions juridiques cantonales différentes, n'est pas de nature à simplifier les choses, pas plus que le fait que cette autorité dépend dans une large mesure d'actes d'entraide d'autorités étrangères sur la rapidité de traitement desquels elle ne peut exercer qu'une influence limitée. Il reste que l'ensemble de ces données était connu du MPC lorsqu'il a établi ses prévisions, qui se sont toutefois à l'évidence révélées erronées.

Comme relevé dans le rapport de surveillance 2005, l'on constate également des lacunes en matière de conduite. Celles-ci se manifestent notamment comme suit: ­

le manque de précision des prévisions du MPC ­ élément qui remet sérieusement en question la fiabilité de toute autre déclaration, et par conséquent, la crédibilité du MPC en tant que tel;

­

une multitude de petites insuffisances et contradictions qui, prises isolément, paraissent insignifiantes, mais qui démontrent que les schémas élaborés par le procureur général de la Confédération et ses directives ne sont pas suivis ou mis en oeuvre par les collaborateurs (ou n'ont pas pu l'être; [...]);

­

il en résulte, entre autres, que, au sein du MPC et de sa direction, un type de comportement analogue à celui constaté dans les relations avec l'extérieur et notamment avec la Cour des plaintes en tant qu'autorité de surveillance, semble être cultivé. C'est ainsi que l'autorité supérieure est systématiquement et explicitement mise en cause. La direction du MPC a, plus particulièrement, contesté à plusieurs reprises la compétence de la Cour des plaintes (par exemple, en relation avec les communications d'arrestation requises [...]), bien que, d'un point de vue juridique, la situation ne prête pas à discussion. Dans ce contexte, la Cour des plaintes estime préoccupant que ses directives ne soient pas suivies par les procureurs, et cela de manière parfaitement ouverte. Ainsi, il est apparu que, malgré maintes remarques, certains procureurs continuent à participer régulièrement aux auditions de l'OJI. Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant que ces mêmes procureurs ne se soumettent pas aux directives et instructions internes. Une direction qui elle-même ne suit pas les directives de l'autorité de surveillance ne peut pas s'attendre à se voir témoigner beaucoup de respect par ses propres collaborateurs.

Avec un certain étonnement, la Cour des plaintes constate enfin que, en particulier le procureur général de la Confédération et ses plus proches collaborateurs, situent l'origine du manque d'actes d'accusation partout, sauf à l'intérieur de leur propre institution. Le manque d'actes d'accusation est considéré comme une conséquence inévitable de l'insuffisance du système procédural actuel. La pesanteur de ce système ne peut toutefois expliquer un résultat aussi insatisfaisant, ceci d'autant plus qu'il incombe aux procureurs de veiller à ce que la procédure ne se prolonge ni ne se complique davantage pendant la phase de l'instruction préparatoire. Le manque de motivation qui en résulte a pour conséquence qu'on ne tire pas le meilleur parti de la situation actuelle, qui pourrait peut-être être améliorée. Au demeurant, la Cour des plaintes a déjà mis en évi-

1810

dence, dans son rapport de surveillance 2005, que le MPC, lorsqu'il se plaint du manque de ressources, pourrait se concentrer sur son activité première [...]. La Cour des plaintes n'a pas connaissance de mesures que le procureur général de la Confédération aurait prises depuis lors pour améliorer la situation, au niveau de la conduite.» Le rapport s'achève sur la conclusion suivante: «Vu les ressources disponibles, ce résultat manifestement insuffisant ne trouve pas d'explication claire. En ses qualités de chef du MPC et d'instance de surveillance de la PJF, le procureur général de la Confédération en porte en dernier ressort la responsabilité. On peut se demander si une augmentation sensible des affaires menées à bien par le MPC est envisageable tant et aussi longtemps que sa direction, et le MPC dans son ensemble, se considèrent comme très chargés, voire surchargés et qu'ils n'admettent pas la nécessité de s'améliorer à l'interne, pas plus qu'ils ne voient de potentiel pour une augmentation substantielle du nombre d'actes d'accusation.»

2.1.5

Avis du procureur général de la Confédération du 26 juin 2006 sur le projet de rapport intermédiaire de surveillance

Quant à la question des compétences de la Cour des plaintes, le procureur général de la Confédération (ci-après: procureur général) regrette tout d'abord que le projet de rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» ne traite pas la question des méthodes d'instruction et du respect des principes généraux de procédure dans la perspective d'une surveillance judiciaire et que, alors qu'elle n'est pas compétente pour le faire, la Cour des plaintes procède au contrôle de la mise en oeuvre du ProjEff. Le procureur général a rappelé qu'une analyse approfondie ordonnée par le DFJP était en cours et qu'un rapport à l'attention du Conseil fédéral et du Parlement était en préparation («Analyse de situation ProjEff», voir ch. 2.4). Dans son avis, le procureur général relève qu'un tel examen pose problème du fait que, comme la PJF, le MPC et l'OJI, la Cour des plaintes est elle-même partie intégrante du système mis en place par le ProjEff, qu'elle poursuit en soi ses propres intérêts, et partant n'est pas en mesure d'évaluer objectivement la réalisation de ce projet. Le procureur général a souligné que le MPC n'est pas tenu de se justifier devant la Cour des plaintes à propos du degré de réalisation des prévisions faites dans le cadre du ProjEff. Il reproche également à la Cour des plaintes d'émettre, en se référant à quelques procédures, des doutes quant au soin et à l'efficacité de la conduite de la procédure sans même examiner les dossiers correspondants de manière approfondie et sans prendre en considération de manière objective le rôle de toutes les autorités concernées tant il est vrai que, pour déboucher rapidement sur une accusation, une procédure n'est pas uniquement tributaire de la diligence du MPC, mais aussi de celle de la police en charge de l'enquête, de l'OJI et de la Cour des plaintes ellemême. Le procureur général relève notamment que la Cour des plaintes fait totalement abstraction de la situation de l'OJI où 50 à 60 affaires sont en suspens et dont certaines, entrées il y a plusieurs années, sont même menacées de prescription.

1811

Le procureur général estime en outre que la Cour des plaintes se permet, à tort, de critiquer la conduite au sein du MPC en général et de ses qualités de chef en particulier, ce qui constitue un mélange inadmissible avec la surveillance administrative du MPC, laquelle est du ressort du DFJP. Il souligne que le rapport de la Cour des plaintes contient des réponses infondées aux questions relatives à la compétence et à la conduite du MPC qui anticipent sur l'enquête administrative en cours portant sur les finances, la conduite et l'organisation du MPC (enquête administrative «Lüthi», voir ch. 2.3). Le procureur général est d'avis que les déclarations du président de la Cour des plaintes montrent que dans le cas d'espèce, une relation illicite de mandataire à mandant, voire d'obédience lie le judiciaire et l'exécutif (en l'occurrence la Cour des plaintes et le DFJP) et indique ne pas arriver à comprendre pourquoi le président de la Cour des plaintes ne s'est pas opposé à la «demande de coordination» du chef du DFJP au lieu de se livrer à une enquête par substitution, tant il est vrai que la séparation stricte des pouvoirs voulue par le Parlement ne doit pas être contournée par un accord ou une entente entre le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes.

Le procureur général estime infondées les critiques émises dans le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» au sujet des lacunes dans la conduite du MPC. Il regrette que la Cour des plaintes juge que le prétendu manque de précision des prévisions du MPC constitue un «fait qui remet sérieusement en question la fiabilité de toute autre déclaration, et par conséquent, la crédibilité du MPC en tant que tel» en dépit du fait que c'est elle qui a exigé les prévisions en cause alors même que, pour sa part, le MPC a toujours souligné les difficultés d'établir de telles prévisions, dont la fiabilité est de surcroît insuffisante, et que la direction générale du ProjEff, au sein de laquelle siège également un représentant du Tribunal pénal fédéral, a renoncé depuis des années à des pronostics en matière de procédures. Le procureur général relève en outre que la Cour des plaintes fonde ses conclusions en matière de déficit de conduite uniquement sur une multitude de petites insuffisances et contradictions qui, prises isolément,
paraissent insignifiantes, mais qui démontrent que les modalités et directives qu'il édicte ne sont pas suivies par ses collaborateurs, alors même quelle ne s'est entretenue avec aucun représentant du MPC, qu'elle ne se réfère à aucune modalité ou directive que ce soit et surtout qu'elle n'indique pas dans quelle mesure celles-ci n'auraient pas été suivies. Quant à une autre conclusion de la Cour des plaintes qui estime que la direction du MPC reproduit envers ses collaborateurs un comportement semblable à celui qu'elle adopte envers l'extérieur, notamment envers la Cour des plaintes elle-même, le procureur général constate qu'il est objectivement impossible de comprendre comment cette dernière peut déduire d'une simple question du MPC, objective et justifiée, portant sur la nature et l'étendue de la compétence de la Cour des plaintes, que le MPC et ses collaborateurs affichent probablement («de toute évidence») aussi un type de comportement généralement rétif dans leurs relations internes.

Toutefois, c'est la critique de la Cour des plaintes qui estime «préoccupant que ses directives ne soient pas suivies par les procureurs, et cela de manière parfaitement ouverte» qui a le plus surpris le procureur général. Il s'est étonné du fait que la Cour des plaintes fonde sa critique sur la simple constatation que «malgré maintes remarques [de la Cour des plaintes], certains procureurs continuent à participer régulièrement aux auditions de l'Office des juges d'instruction fédéraux» alors que la participation du procureur aux opérations d'enquête de l'OJI est un droit de partie et constitue un élément fondamental de la procédure pénale; le procureur est libre de 1812

décider s'il veut ou non l'exercer et toute tentative de l'en empêcher, par voie d'instruction ou de directive, contreviendrait au droit et constituerait une atteinte au principe de l'égalité des armes. Le procureur général réfute, aussi bien d'un point de vue juridique qu'objectif, la réaction de la Cour des plaintes qui, alors même qu'il agit conformément aux droits et devoirs que la loi lui confère, blâme son refus de se soumettre à l'avis ­ manifestement infondé ­ du président de la Cour des plaintes et en infère des lacunes de conduite de sa part. Il estime par ailleurs tout aussi spécieux de chercher à expliquer l'ampleur du manque de résultats en accusant certains procureurs d'avoir, par leur comportement, fait durer la procédure au stade de l'instruction préparatoire, cela d'autant plus que, dans la perspective de l'accusation qu'il lui incombera de représenter ultérieurement dans la procédure, le procureur a le devoir de veiller à ce que l'enquête permette de faire toute la lumière sur les faits incriminés. Le procureur général souligne que c'est précisément dans le cas de procédures restées en suspens, pendant des mois, auprès du juge d'instruction compétent qu'il est utile, voire nécessaire, que le procureur intervienne en sa qualité de partie à la procédure et qu'il est faux, du point de vue juridique, et incompréhensible, du point de vue pratique, de lui reprocher d'exercer son droit de partie et de présenter des réquisitions de preuve.

S'agissant des remarques formulées dans le projet de rapport intermédiaire de surveillance au sujet des 18 procédures closes en 2005 par l'OJI, le procureur général a procédé à un certain nombre de rectifications et de compléments et a émis quelques critiques. Dans de nombreux cas, il s'agissait d'explications relatives au report de quelques jours ou de quelques semaines de certaines mises en accusation (attente d'un arrêt du Tribunal fédéral ou d'une autorisation de poursuivre demandée au DFJP, surcharge des enquêteurs par d'autres procédures se trouvant dans une phase nécessitant un engagement important de leur part, etc.) ou de précisions sur certains points restés dans l'ombre lors de l'audition du 27 avril 2006. A plusieurs reprises, le procureur général rejette les reproches de la Cour des plaintes qui le font apparaître mal informé.18

18

A cet égard également, la procédure «Door» est représentative de la manière dont l'audition s'est déroulée. Le procureur général de la Confédération explique que c'est l'OJI, et non pas le MPC, qui a scindé cette procédure de la procédure «Flat» durant la phase d'instruction préparatoire. Il précise en outre que l'OJI avait certes informé le MPC que cette procédure avait été scindée de la procédure «Flat», mais ne lui avait pas indiqué qu'elle avait été transmise au canton de Zurich et qu'elle était par conséquent liquidée et que c'est pour cette raison qu'elle a encore figuré sur la liste commune des procédures en cours jusqu'au début du mois d'avril 2006. Le procureur général rappelle que ce n'est qu'à l'initiative du MPC que, le 10 avril 2006, la question de l'état de cette procédure a été réglée avec l'OJI et que le MPC a appris que l'instruction préparatoire «Door» avait été reprise par le canton de Zurich. Il estime qu'il est pour le moins surprenant de déduire de cet épisode que le procureur général n'avait pas été suffisamment ou mal informé par son propre service alors que c'est l'OJI qui a procédé à la transmission sans en informer formellement le procureur concerné, ce que l'on ne saurait reprocher au MPC. Aucune correction n'a été apportée au rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» où ne figure, entre parenthèses, que le renvoi suivant: «voir à ce propos la première tentative d'explication du procureur général de la Confédération dans ses dernières observations du 26 juin 2006.» La déclaration de toute évidence erronée qui figurait dans le projet de rapport selon laquelle seul le MPC a pu déléguer cette procédure au canton de Zurich n'a pas été corrigée dans le rapport définitif (voir ch. 2.1.3, let. f, et 2.1.4, notes de bas de page).

1813

Dans son avis, le procureur général a soulevé la question d'une éventuelle partialité du président de la Cour des plaintes, sans toutefois formuler de demande de récusation concrète dans la mesure où il estimait que celle-ci allait examiner cette question d'office. Le procureur général est également d'avis que les circonstances concrètes et le comportement du président de la Cour des plaintes ­ qui a dirigé l'enquête à la base du rapport intermédiaire de surveillance ­ ont éveillé des soupçons de partialité.

Le procureur général relève que, en raison de ce rapport, le MPC se trouve confronté à des critiques injustifiées, qui contreviennent aux principes d'indépendance et d'impartialité et sont susceptibles d'entamer gravement sa réputation et d'affaiblir son autorité. De l'avis du procureur général, les raisons et circonstances objectives suivantes permettent de penser que le président de la Cour des plaintes manque de l'impartialité nécessaire envers le MPC: ­

Bien que, lors de l'entretien du 16 janvier 2006 avec le chef du DFJP qui a porté sur le ProjEff et l'entraide judiciaire, il ait été clairement et incontestablement constaté que le faible nombre de d'actes d'accusation dressés par le MPC est dû à la procédure pénale fédérale à deux niveaux et à l'accumulation des affaires en suspens auprès de l'OJI, voire de son manque de ressources, le président de la Cour des plaintes n'a non seulement pas révisé son avis erroné à ce sujet, mais l'a encore confirmé en toute connaissance de cause dans son rapport intermédiaire de surveillance.

­

Le comportement du président de la Cour des plaintes à l'encontre du MPC laisse à penser qu'il s'est fermé à tous les arguments ­ pourtant étayés ­ n'allant pas dans son sens et qu'il s'est efforcé de faire circuler et de rendre publique l'opinion qu'il s'était faite sur l'origine du faible nombre d'actes d'accusation dressés, n'hésitant pas à enfreindre les prescriptions régissant les compétences. En l'absence d'une urgence particulière à ce rapport intermédiaire de surveillance, force est de conclure que le but de ce dernier est d'imputer au MPC la responsabilité principale du nombre d'actes d'accusation trop faible.

­

La façon d'agir tendancieuse au détriment du MPC est reconnaissable à la manière dont l'audition ­ ou plus précisément l'«interrogatoire» ­ du 27 avril 2006 a été dirigée.

­

Le président de la Cour des plaintes n'a fait parvenir au MPC son projet de rapport intermédiaire de surveillance que pour la forme, tant il est vrai qu'il n'a pas imparti de délai au procureur général pour communiquer sa position et que la date d'envoi du rapport à ses destinataires avait déjà été arrêtée au 20 juin 2006, d'où il ressort que la Cour des plaintes n'accordait d'emblée aucune importance à l'avis du MPC.

­

La relation de mandataire à mandant qui, en l'occurrence, a lié le président de la Cour des plaintes et le chef du DFJP est apparue au grand jour le lundi de Pentecôte 2006, lorsqu'ils ont annoncé des mesures de surveillance dans un communiqué de presse commun, tant il est vrai que le président de la Cour des plaintes a fait cavalier seul, sans consulter la Cour des plaintes.

En conclusion, le procureur général a demandé à la Cour des plaintes de se distancer du projet de rapport intermédiaire de surveillance et de renoncer à son envoi selon la liste des destinataires ainsi qu'à sa publication. Subsidiairement, il a prié la Cour des plaintes de revoir le rapport en tenant compte de son avis avant de fixer un délai raisonnable au MPC pour rendre un nouvel avis et de transmettre la problématique 1814

relative au nombre d'actes d'accusation au comité de projet «Analyse de situation ProjEff» pour qu'il la traite dans le cadre des travaux en cours en tant qu'élément de la mise en oeuvre du ProjEff.

2.1.6

Réplique de la Cour des plaintes à l'avis du procureur général de la Confédération du 26 juin 2006

Après réception de l'avis du procureur général du 26 juin 2006, la Cour des plaintes a complété son projet de rapport en répliquant aux requêtes formulées par ce dernier.

Elle constate pour commencer que, en raison de son volume considérable et de la prolongation de délai octroyée, l'avis du procureur général a retardé la clôture du rapport intermédiaire de surveillance. Elle y critique ensuite, d'un point de vue formel, la traduction en français des observations du procureur général. «Sans vouloir se prononcer de façon approfondie sur les priorités que fixe le MPC, la Cour des plaintes tient tout de même à exprimer sa surprise quant au fait que celui-ci dispose apparemment des ressources nécessaires pour faire traduire sa prise de position volumineuse en à peine une semaine et demie, mais n'est pas en mesure de traduire son propre rapport d'activité pour l'année 2005, pourtant plus court, par mesure d'économie.» D'un point de vue matériel, la réplique de la Cour des plaintes, qui ne «veut pas entrer en matière sur chacune des allégations» du procureur général, répond à un certain nombre de critiques que ce dernier a formulées dans son avis et les rejette intégralement. Au sujet du reproche du procureur général qui estime que la Cour des plaintes est liée par une relation de mandat, voire assujettie à l'exécutif, celle-ci indique que ce n'est pas le DFJP, mais la direction du TPF qui a pris l'initiative de procéder à l'enquête sur le MPC. Elle ajoute que «la finalité des piques lancées contre la Cour des plaintes [et] contre ses membres par le procureur général de la Confédération n'est pas claire. Il est toutefois possible que ce dernier ait cherché à susciter par ce biais une influence politique du chef du DFJP, [c'est-à-dire] une attaque contre l'indépendance de la justice, afin de détourner l'attention de la Délégation des commissions de gestion et du Parlement des véritables difficultés qui règnent au sein du MPC et de la diriger vers le sujet bien plus délicat de la séparation des pouvoirs.» En revanche, la réplique n'aborde pas la question de l'indépendance du président de la Cour des plaintes soulevée par le procureur général.

Quant à l'objection du procureur général qui relève que la Cour des plaintes reproche un déficit de conduite alors même quelle ne s'est entretenue avec aucun
représentant du MPC, qu'elle ne se réfère à aucune modalité ou directive que ce soit et surtout qu'elle n'indique pas dans quelle mesure celles-ci n'auraient pas été suivies, la Cour des plaintes complète et illustre son propos au moyen des exemples ciaprès19.

Elle indique avoir constaté que le MPC continuait à ne pas mentionner toutes les informations requises, alors même que, par lettre du 9 mars 2005, elle avait fait part

19

Il y a lieu de noter que le MPC n'a pas pu prendre position sur ces explications complémentaires.

1815

au MPC d'une instruction relative aux données à transmettre lors de la communication d'arrestations.

S'agissant de l'objection soulevée par le MPC qui reproche à la Cour des plaintes d'avoir émis des directives concernant la participation des procureurs aux interrogatoires de l'OJI, la Cour des plaintes indique qu'il convient de préciser qu'à aucun moment elle n'a empêché le MPC d'exercer son droit de partie en tant que tel, mais qu'elle a estimé que le fait d'y prendre part de manière systématique n'était pas la meilleure manière de remplir son office et qu'il est en outre de la compétence de la Cour des plaintes d'apprécier si le MPC accomplit ses tâches de manière appropriée et conforme à la loi et que le MPC est tenu de se soumettre à ses directives.

Sur le fond, la version finale du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» de la Cour des plaintes ne tient aucun compte des corrections, objections et critiques formulées par le procureur général.

2.1.7

Requête déposée par le MPC auprès de l'autorité de surveillance

2.1.7.1

Objet de la requête

Par lettre du 19 juillet 2006, le MPC s'est adressé aux deux CdG et leur a fait parvenir l'avis du procureur général de la Confédération du 26 juin 2006 (voir ch. 2.1.5) et le procès-verbal de l'audition du 27 avril 2006. Dans sa requête, le MPC fait part de ses réserves au sujet du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation». Il exprime également son souci de pouvoir, à l'avenir, disposer de toute la capacité d'action dont il a besoin pour remplir son mandat légal et rappelle qu'il est de son devoir de s'opposer à toute tentative de nuire à sa réputation et d'attirer l'attention de la haute surveillance sur tout dysfonctionnement constaté.

Dans sa requête, le MPC qualifie d'inhabituelle la façon d'agir de la Cour des plaintes et précise que, dans le domaine de la justice, lorsque des lacunes ont été constatées à l'occasion d'un examen approfondi, il est d'usage que l'autorité de surveillance en discute directement avec l'instance surveillée et que la première et la seconde cherchent ensemble comment améliorer la situation avant que, si besoin est, l'autorité de surveillance n'édicte des directives. Le MPC souligne que les choses ne se sont pas déroulées ainsi dans le cas d'espèce et qu'il a été confronté à un rapport dont le but n'était pas de permettre de trouver d'un commun accord la manière de résoudre des problèmes éventuellement constatés dans la procédure pénale. Il estime en outre que la Cour des plaintes est à peu près imperméable à toute considération globale et objective et que, parmi toutes les autorités participant au ProjEff, elle l'accuse d'être la seule unité inefficace, tant du point de vue administratif qu'en matière de conduite. Le MPC relève également que le rapport de la Cour des plaintes entre en conflit avec diverses enquêtes en cours (analyse de situation ProjEff, voir ch. 2.4; enquête administrative «Lüthi», voir ch. 2.3; enquête extraordinaire sur l'affaire Ramos, voir ch. 2.2). Il souligne également que le président de la Cour des plaintes se fonde sur des principes inexacts lorsqu'il réunit l'exercice de certaines activités de surveillance que le législateur a clairement séparées dans la loi. Par ailleurs, le MPC remarque que, dans le rapport intermédiaire de surveillance, le président de la Cour des plaintes ne traite même pas la question d'une possible partialité alors que le MPC l'avait soulevée dans son avis du 26 juin 2006, ce qui ne 1816

s'explique guère et est pour le moins inhabituel pour un juge. (Pour ce qui concerne les contestations du MPC, voir ch. 2.1.5 Avis du procureur général de la Confédération du 26 juin 2006 sur le projet de rapport intermédiaire de surveillance.)

2.1.7.2

Compétence des CdG

Les CdG sont compétentes pour examiner directement et définitivement les requêtes émanant d'autorités ou de particuliers se rapportant à la gestion des affaires des tribunaux fédéraux (art. 129 LParl20). Elles les examinent librement dans le cadre de leurs compétences en matière de haute surveillance. La requête du MPC concerne des questions relatives à la surveillance judiciaire exercée par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral sur le MPC. Les CdG sont habilitées à examiner le fonctionnement général de la surveillance judiciaire exercée par la Cour des plaintes du point de vue de sa légalité, de sa régularité, de son opportunité et de son efficacité, mais elles n'ont pas la compétence d'annuler ou de modifier les décisions relevant de l'exercice de cette surveillance (art. 26, al. 3 et 4, LParl). Les CdG exercent en règle générale leur haute surveillance de façon subsidiaire à la surveillance incombant à l'autorité de surveillance directement supérieure. Eu égard au fait que, jusqu'à fin 2006, le TPF n'était soumis à aucune autorité de surveillance directe21, mais uniquement à la haute surveillance du Parlement, les CdG entendent assumer cette dernière dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du tribunal et de l'intérêt public.22

2.1.7.3

Méthode et enquête des CdG

Après concertation, les CdG ont décidé de confier le traitement de la requête du MPC à la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N, la chargeant de la traiter en même temps que l'examen en cours.

Lors de son audition par la sous-commission, le président de la Cour des plaintes a déclaré que l'exercice de la surveillance judiciaire sur le MPC s'avère difficile, car ce dernier ne cesse ­ dans de nombreuses lettres ­ de remettre en cause la compétence de la Cour des plaintes en la matière au lieu de se plier à ses directives. Pour sa part, le chef ad interim du MPC a expliqué à la sous-commission que le MPC éprouve quelques problèmes avec la surveillance judiciaire telle qu'elle est exercée par la Cour des plaintes, qu'il remet en cause l'adéquation formelle et hiérarchique de certaines directives et qu'il ne ressort pas toujours clairement que les décisions émanent de la Cour des plaintes plutôt que de son président seulement. Il a également précisé qu'il regrette le ton de certaines lettres qui ferment la porte à toute discussion de questions juridiques ouvertes, allant jusqu'à menacer le MPC d'entamer une procédure judiciaire à son encontre.

20 21

22

Loi du 13.12.2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

Depuis le 1er janvier 2007, le TPF est soumis à la surveillance administrative du Tribunal fédéral en vertu de l'art. 3, al. 1, LTPF (loi fédérale du 4.10.2002 sur le Tribunal pénal fédéral, RS 173.71).

Lettre des Commissions de gestion du 11.6.2004 (non publiée).

1817

La sous-commission a ensuite invité le MPC à lui remettre les lettres et documents relatifs aux problèmes de surveillance évoqués. Le MPC a donné suite à cette demande le 13 octobre 2006.

Le 15 novembre 2006, la sous-commission a soumis à la Cour des plaintes la requête du MPC du 19 juillet 2006 accompagnée des documents reçus le 13 octobre 2006 et d'un questionnaire détaillé.

Dans sa réponse du 14 décembre 2006, la Cour des plaintes a indiqué à la souscommission que, après les trois premières années, elle avait constaté qu'il y avait encore un potentiel d'amélioration en matière de surveillance, notamment en ce qui concerne les directives et les instructions. A ce sujet, elle a assuré la sous-commission qu'elle allait réexaminer ses activités de surveillance et aborder certains points avec la direction du MPC avant de procéder à quelques changements organisationnels en 2007. La Cour des plaintes a mentionné qu'elle avait nommé l'un de ses membres en tant que nouvel interlocuteur pour le MPC. Elle a terminé sa réponse en indiquant qu'elle désirait réserver ses réponses en raison des discussions et changements organisationnels à venir.

Dans une lettre du 15 janvier 2007 qu'elle a adressée à la Cour des plaintes, la souscommission s'est félicitée de la volonté de la Cour des plaintes de réexaminer ses activités de surveillance sur le MPC et de discuter les problèmes à résoudre avec ce dernier. Elle a toutefois rappelé que le questionnaire qu'elle avait envoyé le 13 octobre 2006 ne portait pas uniquement sur les problèmes relatifs à la surveillance, mais contenait également une série de questions relatives à la requête du MPC concernant le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation», questions auxquelles la Cour des plaintes n'avait pas répondu. Le 23 janvier 2007, la Cour des plaintes a adressé une lettre à la sous-commission, lui faisant part de sa décision de renoncer à émettre un nouvel avis.

2.1.7.4

Résultats et conclusions

Les résultats de l'examen de la requête du MPC et les conclusions qui en découlent sont intégrés dans l'appréciation et les conclusions de la CdG-N au sujet du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» (voir ch. 2.1.10 et 2.1.11).

2.1.8

Résultats des auditions et des avis rendus par écrit relatifs au rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation»

a. Au sujet des motifs de l'enquête Les auditions ont montré que les motifs du TPF étaient également liés à la nécessité de justifier sa nécessité. Le président de la Cour des plaintes a expliqué que tout le monde s'attendait à ce que le tribunal ait une accusation à traiter dès sont entrée en fonction le 1er avril 2004, mais que, comme tel n'avait pas été le cas, le TPF avait très vite eu la réputation ­ dont il n'était pas encore parvenu à se débarrasser au moment des auditions ­ d'être sous-occupé. Il a précisé que c'était pour cette raison qu'il avait voulu connaître l'état de la situation en vue de la séance du 5 avril 2006 avec les sous-commissions Tribunaux des Chambres fédérales. Selon les dires du 1818

président du TPF, le manque de précision des prévisions posait aussi un problème de nature organisationnelle dans la mesure où elles devaient permettre au tribunal de se préparer afin de disposer de suffisamment de personnel dans chacune des trois langues officielles.

b. Au sujet des ressources engagées en faveur de l'entraide pénale internationale Au sujet des activités du MPC dans le domaine de l'entraide pénale internationale, le président de la Cour des plaintes a répété, lors de son audition, l'affirmation figurant déjà dans le rapport de surveillance 2005 du 15 février 2006, à laquelle le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» renvoie également (p. 29), selon laquelle le MPC consacre trop de ressources à ce domaine qui ne concerne en rien la poursuite pénale fédérale au sens strict. Il a estimé qu'en consacrant beaucoup trop de temps à l'entraide pénale au lieu de se consacrer à ses tâches principales, le MPC n'a pas fixé les bonnes priorités. A ce sujet, on relèvera que, lors d'un entretien qui a eu lieu le 16 janvier 2006 et qui a réuni le chef du DFJP, le président de la Cour des plaintes et des représentants des autorités de poursuite pénale, ceux-ci ont formellement constaté que les activités du MPC dans le domaine de l'entraide pénale internationale découlent directement des nouvelles compétences qui lui sont dévolues (ProjEff) et que le nombre restreint d'actes d'accusation transmis au TPF n'est pas dû à l'entraide pénale internationale, mais à des goulets d'étranglement au sein de l'OJI et au fait que la procédure pénale fédérale à deux niveaux freine le flux des accusations.

c. Au sujet de la délimitation entre surveillances administrative et judiciaire Lors de son audition, le président de la Cour des plaintes a indiqué que pratiquement chaque activité d'une telle autorité a un aspect administratif et un aspect judiciaire. Il a expliqué que les investigations de la Cour des plaintes étaient déjà en cours lorsque l'on s'est demandé si elles n'auraient pas dû être conduites par l'autorité de surveillance administrative puisqu'il s'agissait en fait tout bonnement de savoir si les gens du MPC travaillaient. Il a précisé que c'était pour cette raison qu'il avait contacté le secrétaire général du DFJP et que la Cour des plaintes avait ensuite été chargée de mener
ces investigations à terme étant donné que les questions posées relevaient spécifiquement de l'instruction. Selon le président de la Cour des plaintes, il s'agissait de savoir s'il n'était pas possible d'accélérer le traitement des dossiers. Il a ajouté qu'il voulait connaître la quantité de travail réellement exécutée.

d. Au sujet d'une éventuelle partialité du président de la Cour des plaintes A la question de savoir pour quelle raison le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» demeurait muet sur ce point, le président de la Cour des plaintes, également interrogé sur ses motifs, a répondu que l'on avait estimé que cette accusation était négligeable parce que complètement absurde et que, par ailleurs, il ne parvenait même plus à se souvenir de ce que le procureur général de la Confédération lui reprochait précisément. Le président de la Cour des plaintes a souligné que sa partialité n'était pas le propos de l'avis de plus de 40 pages du MPC et qu'elle ne constituait en fait qu'un écran de fumée. Il a affirmé qu'il ne saurait en l'occurrence être question de partialité, ni envers le procureur général de la Confédération, ni envers son suppléant, soulignant qu'il ne comprenait par ailleurs pas le but concret de ce reproche de partialité.

1819

Le président de la Cour des plaintes a toutefois reconnu que la dureté du rapport intermédiaire de surveillance avait probablement aussi des raisons psychologiques.

Il a expliqué que le MPC n'avait pas été enchanté de faire l'objet d'un tel rapport et de devoir supporter que l'autorité de surveillance prenne connaissance de ses affaires et tente d'exercer une certaine pression qui plus est. Il a rappelé que le MPC n'avait jamais cessé de remettre la compétence de la Cour des plaintes en cause, notamment en rédigeant des notes juridiques de plusieurs pages sur la compétence de l'autorité de surveillance d'éditer telle ou telle directive.

Pour sa part, le procureur général de la Confédération a déclaré avoir renoncé à intervenir formellement auprès du TPF pour éviter d'envenimer la situation, mais estimer, avec le recul, que c'était une erreur. Il a indiqué avoir été particulièrement dérangé par la manière de procéder du président de la Cour des plaintes et ajouté qu'il ne pouvait pas comprendre comment les autres juges du TPF avaient pu le laisser faire. Il a précisé que, finalement, le MPC s'était résolu à saisir les CdG en leur qualité d'autorité de haute surveillance afin qu'elles puissent agir au besoin.

2.1.9

Autres réactions suscitées par le rapport

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» a également été transmis au comité de projet «Analyse de situation ProjEff» placé sous la présidence de Hanspeter Uster. Il ressort du rapport «Uster» (voir ch. 2.4) que le comité de projet a pris connaissance du rapport sans pouvoir en tirer de nouvelles constatations étant donné que les investigations à sa base ne tiennent pas compte du déroulement de la procédure, ni des retards qu'il implique. Le rapport «Uster» relève que les critiques du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» ne portent sur le fond que dans deux cas; pour le reste, il concerne de simples questions de délais ou de comptabilité et le manque de pertinence de prévisions relatives aux délais dans lesquels on pouvait s'attendre au dépôt d'actes d'accusation; la problématique essentielle, à savoir les raisons à l'origine du faible nombre d'actes d'accusation dressés par le MPC, n'est pratiquement pas abordée. A la critique formulée dans le rapport intermédiaire de surveillance selon laquelle «quelques procureurs tiennent à participer régulièrement aux auditions de l'OJI en dépit d'injonctions réitérées», le rapport «Uster» répond qu'«il est tout à fait judicieux que les procureurs exercent le droit d'être partie qui leur revient afin de garantir les résultats de la procédure.» (Voir rapport «Uster», ch. 4.8.)

Invité par la sous-commission à prendre position sur le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation», l'expert chargé de l'enquête administrative au sein du MPC (voir ch. 2.3) indique ne pas comprendre comment ce rapport peut conclure à l'existence d'un grave problème de conduite directement imputable au procureur général de la Confédération. Il rapporte avoir certes constaté quelques lacunes dans le domaine de la surveillance judiciaire exercée sur les procureurs, mais que celles-ci ont déjà été en partie comblées et qu'en tout état de cause, elles ne sauraient être à l'origine du retard constaté dans le domaine des mises en accusation.

Il souligne que le MPC ne saurait être rendu responsable de ce retard et que le goulet d'étranglement se situe clairement au niveau de l'OJI. Le chargé d'enquête a par ailleurs confirmé l'existence de tensions entre la Cour des plaintes et le MPC (dans son ensemble, le procureur général de la Confédération n'étant pas le seul concerné).

Il indique avoir constaté que les procureurs ne comprennent pas toujours la façon 1820

d'intervenir de la Cour des plaintes, notamment lorsqu'elle édicte des prescriptions matérielles sur la manière dont les procureurs doivent exercer leurs droits de partie dans le cadre de l'instruction préparatoire.

2.1.10

Constatations et appréciations de la CdG-N

a. Au sujet des motifs et de la genèse du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» Sur la base des informations disponibles, la CdG-N constate que le retard avec lequel les actes d'accusation ont été transmis à la Cour des plaintes et le besoin de plus en plus pressant pour le tribunal de justifier, tant à l'égard du public que du Parlement, la pertinence de ses structures au regard de la charge de travail ont conduit sa direction à analyser la situation, sans toutefois fixer de délai. L'analyse approfondie décidée le 11 avril 2006 par la Cour des plaintes a été dirigée par son président qui a poussé à sa réalisation en urgence.

Ni la décision de la direction du tribunal, ni celle de la Cour des plaintes ne permettent de déduire que les résultats de ces investigations devaient aboutir à un rapport intermédiaire de surveillance. Avant l'audition du 27 avril 2007, le président de la Cour des plaintes n'avait pas répondu clairement au procureur général de la Confédération qui cherchait à s'informer à ce sujet. Il ressort toutefois des échanges de courriels entre le président de la Cour des plaintes et le secrétaire général du DFJP des 26 et 27 avril 2006 que le président de la Cour des plaintes a expressément demandé à être chargé de remettre un rapport à l'autorité de surveillance administrative. Même après l'audition du 27 avril 2006, il a encore laissé le procureur général de la Confédération dans l'incertitude sur la suite qu'il entendait donner à ses investigations. Ce n'est que le 14 juin 2006, lorsqu'il a reçu le projet du rapport intermédiaire de surveillance, que le procureur général de la Confédération a constaté qu'il était confronté à un rapport contenant de graves reproches à son encontre et à l'encontre du MPC.

La CdG-N est surprise des modalités de l'audition du procureur général de la Confédération et de son suppléant qui a eu lieu le 27 avril 2006. La surveillance d'une autorité, stricte par nécessité, peut être exercée avec l'objectivité requise. En parallèle, le CdG-N constate cependant que le procureur général de la Confédération a adopté dans le cadre de cette audition une attitude peu constructive, notamment en demeurant parfois silencieux, ce qui a contribué au durcissement des positions.

En envoyant le projet de rapport pour avis, le 14 juin 2006, sans
octroyer de délai à cette fin et en annonçant que le rapport serait envoyé à ses destinataires le 20 juin 2006 (délai encore entrecoupé par un week-end), il est évident que la Cour des plaintes ne voulait pas permettre au procureur général de la Confédération de rendre un avis fondé sur le résultat de l'analyse. C'est d'ailleurs ce que le président de la Cour des plaintes a implicitement admis lors de son audition au cours de laquelle il a déclaré que le rapport intermédiaire de surveillance avait été envoyé au procureur général pour lui donner le droit d'être entendu, bien que l'on puisse sérieusement douter de la nécessité de cette démarche. Sur demande du MPC, un délai de sept jours lui a finalement été octroyé pour exercer ce droit. Bien que donnant des explications raisonnables et demandant des rectifications pertinentes sur de nombreux points, l'avis circonstancié que le MPC a soumis dans le délai imparti n'a pas été 1821

pris en compte pour la rédaction du rapport final. Même les erreurs manifestes n'ont pas été corrigées (voir notamment la procédure «Door», ch. 2.1.5, note de bas de page 18).

En annonçant publiquement, le 6 juin 2006, qu'elle établira «un rapport sur les reproches relatifs au faible nombre d'actes d'accusation dressés par le MPC dans le courant du mois» (voir ch. 2.2.1) et en faisant parvenir un communiqué à la presse le 17 juillet 2006 annonçant que «dans [son] rapport, [elle] constate que la situation actuelle est insatisfaisante et, sur la base des clarifications entreprises, en précise les raisons pertinentes», la Cour des plaintes a attiré l'attention des médias sur son rapport.

Pour ce qui concerne la forme, la CdG-N constate que le rapport intermédiaire de surveillance porte la seule signature du président de la Cour des plaintes et que ni les membres de la cour qui ont participé à la décision, ni le greffier concerné ne l'ont signé. Bien qu'ayant posé la question à plusieurs reprises, la commission n'a pas pu suivre intégralement la manière dont le rapport non publié a été établi au sein de la Cour des plaintes. La Cour des plaintes n'a pas autorisé la CdG-N à consulter les dossiers rendant compte de la décision correspondante.

b. Au sujet du lien avec le projet d'efficacité (ProjEff) La problématique, les appréciations et les conclusions du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» concernent en grande partie la mise en oeuvre du projet d'efficacité (ProjEff), c'est-à-dire l'introduction en 2002 de nouvelles compétences de la Confédération en matière de poursuite pénale et l'augmentation de l'effectif des autorités de poursuite pénale qui y est liée (voir ch. 1.1). Comme on l'a vu plus haut, le TPF a cherché les raisons pour lesquelles le MPC avait pris du retard dans le dépôt d'actes d'accusation. En se penchant sur la phase de la préparation des actes d'accusation, la Cour des plaintes n'a couvert qu'une petite partie de l'ensemble de la procédure pénale et tenu uniquement compte des 18 procédures dont l'OJI avait achevé l'instruction préparatoire en 2005 (voir ch. 2.1.2).

Depuis l'entrée en vigueur du projet d'efficacité en 2002, la CdG-N a régulièrement suivi sa mise en oeuvre en examinant les rapports de situation semestriels de la direction générale du ProjEff
et en entendant des représentants des autorités de poursuite pénale. Le procureur général de la Confédération, le directeur de l'Office fédéral de la police (fedpol), le président du Tribunal pénal fédéral ­ qui représentait également l'OJI ­ et le secrétaire général du DFJP faisaient aussi partie de la direction générale du ProjEff qui a été dissoute entre-temps. La CdG-N s'est constamment informée sur l'évolution du nombre d'affaires, la planification roulante, l'utilisation des ressources, les problèmes relatifs à la collaboration avec les cantons et la formation des membres des autorités de poursuite pénale nouvellement instituées. Certaines questions ont par ailleurs suscité un vif débat en son sein (comme la question de savoir si la priorité en fonction du genre de délit avait été correctement fixée ­ lutte contre le terrorisme, blanchiment d'argent ou criminalité économique).

En se penchant sur l'évolution des prévisions et du nombre d'affaires, la CdG-N a constaté que la direction générale du ProjEff était consciente dès le départ que les prévisions relatives au projet de mise en oeuvre initial de 2000 comportaient de nombreux facteurs d'incertitude. Elles ont donc été en permanence corrigées dans le cadre d'une planification roulante afin de tenir compte de l'évolution effective. Une fois le projet en route, force a été de constater que le nombre d'enquêtes ouvertes 1822

était supérieur aux prévisions et que, chose qui n'avait pas été prévue, il fallait également traiter de nombreuses affaires «non complexes». En 2002, le Parlement a donc adopté un message complémentaire augmentant l'effectif des autorités de poursuite pénale. Le nombre d'affaires a évolué conformément aux prévisions jusqu'à la fin de 2003. En adoptant le programme d'allégement budgétaire 2003 (PAB 03), le Parlement a imposé un gel du développement des structures. Fin 2003, il a décidé de marquer un arrêt et, en adoptant le programme d'abandon des tâches en 2006, il a encore procédé à une légère réduction des ressources. Au cours de l'été 2004, la direction générale du ProjEff a constaté que, jusqu'au dépôt de l'acte d'accusation, la procédure ne durait en moyenne pas deux, mais près de trois ans, cela en raison de la procédure pénale fédérale à deux niveaux (le MPC transmet chaque procédure à l'OJI qui procède à l'instruction préparatoire avant de la retransmettre au MPC qui, le cas échéant, procède à l'inculpation), du manque de ressources de l'OJI et du temps d'arrêt marqué dans le développement des structures. Fin 2004, au vu des changements intervenus, la direction générale du ProjEff a décidé de renoncer à faire des prévisions en tant que telles et a émis des «pronostics en fonction des capacités» qui annonçaient une stagnation du nombre d'affaires.

Le plus difficile a été de prévoir le nombre de mises en accusations qui allaient être déposées et à quel moment elles allaient l'être. La procédure qui précède l'établissement de l'acte d'accusation est longue, raison pour laquelle l'évolution est difficile à prévoir dans ce domaine, ce qui explique la situation difficile dans laquelle le TPF se trouvait. De ce point de vue, il est tout à fait normal que, en mars 2006, le tribunal ait voulu savoir non seulement pourquoi il n'avait plus enregistré de dépôt d'acte d'accusation au cours des mois précédents, mais encore quand il pouvait compter en recevoir et combien. Il est en revanche plus difficile de comprendre la manière d'agir de la Cour des plaintes après le 20 avril 2006, c'est-à-dire après que le MPC eût fourni les renseignements demandés au sujet des procédures closes en 2005 par l'OJI. A ce moment-là au plus tard, la Cour des plaintes devait être au courant que sur les 18 procédures closes
par l'OJI en 2005, dix avaient déjà donné lieu à une mise en accusation, deux avaient été transmises à des cantons, une procédure avait été abandonnée, une autre allait certainement aboutir à une suspension et, pour une autre encore, un Etat étranger avait présenté une demande de délégation de la poursuite pénale. Ainsi, sur 18 procédures, on pouvait encore s'attendre au maximum à quatre mises en accusation. La CdG-N a dès lors de la peine à comprendre pourquoi le président de la Cour des plaintes a décidé de procéder à une audition, menée à la manière d'un interrogatoire qui plus est, et de rédiger un rapport intermédiaire de surveillance essentiellement consacré à des questions relevant de la mise en oeuvre du ProjEff alors que cette dernière n'entre pas dans le champ de la surveillance administrative qui incombe à la Cour des plaintes. Il aurait suffi de régler les questions en suspens dans le cadre d'une discussion normale avec des représentants du MPC. Une telle discussion aurait permis de trouver comment accélérer l'une ou l'autre procédure de quelques jours, voire de quelques semaines.

En outre, en tant qu'autorité directement impliquée par le ProjEff, le TPF avait connaissance de tous les chiffres nécessaires et, en sa qualité d'autorité de surveillance de l'OJI, il savait parfaitement que les instructions préparatoires s'y accumulaient par manque de ressources (55 instructions préparatoires en suspens à fin 2005 et 62 à fin 2006), mais qu'il ne manquait plus que quelques mois jusqu'à ce que des inculpations parviennent au TPF, ce qui s'est d'ailleurs produit en 2006. Au total, 19 actes d'accusation ont été déposés avant fin 2006, et la Cour des plaintes a pu travailler à plein régime.

1823

Plusieurs des thèmes abordés par le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» concernaient le projet d'efficacité alors qu'en parallèle, l'analyse de situation ProjEff, commandée par le DFJP, était en cours (rapport «Uster», voir ch. 2.4). La CdG-N peine à comprendre cette procédure parallèle, d'autant que, la question de la compétence se pose et que, de surcroît, les indications du rapport intermédiaire de surveillance relatives au ProjEff sont erronées. Le rapport intermédiaire part de prévisions mal calculées et surévaluées et se réfère à des chiffres tirés du rapport du 12 mai 2000 relatif à la mise en oeuvre du projet d'efficacité, chiffres alors depuis longtemps dépassés en raison de la planification roulante et du temps d'arrêt marqué par le Parlement (voir ch. 2.1.4). Le rapport reproche également au MPC de ne pas avoir atteint ses prévisions quant au nombre d'actes d'accusation alors même que toutes les autorités de poursuite pénale ont contribué à ces prévisions qui ont été faites dans le cadre du ProjEff, sous réserve de nombreuses conditions qui ne se sont par la suite finalement pas réalisées, sans responsabilité de la part du MPC. Le jugement très dur du rapport intermédiaire de surveillance qui conclut que les autorités de poursuite pénale n'ont pas atteint les résultats que l'on était en droit d'attendre d'un appareil d'une telle ampleur et qui attribue la responsabilité de cet échec essentiellement au MPC en général et au procureur général de la Confédération en particulier, ne repose sur aucune base avérée. La CdG-N ne comprend pas comment on peut, à partir de quelques données peu significatives, portant qui plus est sur une seule phase de quelques procédures, émettre un jugement non seulement sur l'efficacité d'un appareil de poursuite pénale d'une telle complexité et d'une telle taille, mais encore sur les qualités de chef du procureur général de la Confédération.

c. Au sujet d'une éventuelle partialité du président de la Cour des plaintes Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» ne constitue pas un jugement, mais un acte surveillance de la Cour des plaintes. Pour sa part, la CdG-N ne l'examine pas en qualité d'autorité judiciaire, mais agit dans le cadre de la haute surveillance parlementaire. Il ne lui incombe en l'occurrence pas de
constater l'existence ou non d'un motif de récusation au sens juridique du terme. La CdG-N conclut des faits observés ­ modalités de l'audition du procureur général de la Confédération, refus du droit d'être entendu, refus de prendre en compte les requêtes du MPC, refus de corriger les erreurs de contenu du rapport ­ que le président de la Cour des plaintes a manqué d'objectivité et d'indépendance à l'égard du procureur général de la Confédération et du MPC en sa qualité d'autorité. Enfin, l'information préalable du secrétariat général du DFJP équivaut à une condamnation anticipée et non avalisée par le collège des juges de la Cour des plaintes, seule autorité habilitée à émettre des appréciations et à imposer des mesures au titre de la surveillance qui lui incombe. La CdG-N doit tenir compte de ces constatations lors de l'appréciation des résultats du présent examen.

d. Au sujet de la collaboration entre le président de la Cour des plaintes et le DFJP et de la délimitation entre surveillances administrative et judiciaire De son propre aveu, le président de la Cour des plaintes était conscient que les investigations auxquelles il avait l'intention de procéder au sujet du nombre restreint d'actes d'accusation dressés par le MPC entraient dans le champ de compétences du DFJP, autorité chargée de la surveillance administrative du MPC. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a voulu se couvrir en se faisant donner un ordre exprès par le DFJP (voir ch. 2.1.3, let. e).

1824

La bipartition actuelle de la surveillance exercée sur le MPC en surveillance administrative exercée par le DFJP agissant pour le compte du Conseil fédéral, d'une part, et en surveillance judiciaire exercée par la Cour des plaintes, d'autre part, a été voulue par le législateur. La CdG-N estime que le DFJP ne peut pas outrepasser ce partage des compétences en chargeant la Cour des plaintes d'assumer certaines tâches relevant de la surveillance administrative. Seule une base légale permettrait un tel transfert de compétences.

La formulation de la lettre du DFJP du 27 avril 2006 ­ proposée par le président de la Cour des plaintes, mais signée par le secrétaire général du DFJP ­ par laquelle le DFJP se montre surpris du fait qu'à ce moment-là encore, le MPC établissait un nombre si faible d'actes d'accusation, est pour le moins discutable. En effet, tout comme le président de la Cour des plaintes, le secrétaire général du DFJP était membre de la direction générale du ProjEff et il devait par conséquent être parfaitement informé de la situation puisque cette direction générale établissait des rapports de situation trimestriels et semestriels portant notamment sur l'évolution des statistiques relatives au ProjEff (voir ch. 2.1.10, let. b).

La CdG-N constate qu'en adressant une information préalable au DFJP en mai 2006 (voir les faits exposés au ch. 2.1.3, let. g) et en soulignant, sans fondement objectif, les lacunes soi-disant dramatiques en matière de conduite d'un MPC qui n'utilise pas les ressources dont il dispose à bon escient, le président de la Cour des plaintes a discrédité la direction du MPC. Il l'a fait en sachant très bien que le DFJP envisageait de procéder à de nouvelles investigations au sein du MPC. Cette manière de faire était en outre arbitrair anticipait sur la décision de la Cour des plaintes du 8 juin 2006 et lui portait préjudice (voir ch. 2.2.3 et 3.1.2.3).

Lorsque, le 25 juin 2006, le secrétaire général du DFJP s'est renseigné auprès du président de la Cour des plaintes pour savoir qui avait commandé le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation», à qui il était destiné et s'il était prévu de le publier ou de publier un communiqué de presse, le DFJP était en train d'examiner les solutions permettant d'écarter le procureur général de la Confédération de son poste
(voir ch. 3.1.2.6 pour plus de détails sur la démission du procureur général). C'est aux discussions correspondantes au sein du DFJP que le secrétaire général s'est référé dans son courriel (voir ch. 2.1.3, let. h).

Les documents examinés et la connexité matérielle qui relie les faits permettent à la CdG-N de conclure que le président de la Cour des plaintes savait que le DFJP cherchait à écarter le procureur général de son poste, qu'il a apporté son appui au département, et que, les documents le montrent clairement, le DFJP a accueilli ce renfort avec satisfaction. Dans le cas contraire, on ne comprendrait pas pourquoi, dans le rapport intermédiaire de surveillance, le président de la Cour des plaintes a reproché à plusieurs reprises au procureur général de ne pas être suffisamment au courant des affaires du MPC, voire de ne pas être capable de diriger le MPC et, en conclusion, l'a rendu responsable de résultats nettement insuffisants. Indépendamment du fait que cet examen et ses résultats n'étaient pas adéquats pour permettre de tirer des conclusions sur les qualités de chef du procureur général de la Confédération, il n'est pas de la compétence de la Cour des plaintes en matière de surveillance judiciaire, en vertu de l'art. 28, al. 2, LTPF, de contrôler ou de s'exprimer sur cet aspect. Seul le Conseil fédéral en sa qualité d'autorité de nomination est habilité à procéder à une telle évaluation dans le cadre d'une procédure disciplinaire qui accorde d'office à la personne visée des droits de défense et lui garantit le respect du principe de l'équité. Force est par ailleurs de constater que ni l'examen à la base du 1825

rapport intermédiaire de surveillance, ni le procès-verbal des auditions ou les discussions relatives à ce rapport n'ont révélé d'élément objectif justifiant les griefs formulés à l'encontre de la personne du procureur général de la Confédération.

e. Au sujet des problèmes de la surveillance exercée par la Cour des plaintes sur le MPC Il ne s'agit pas ici de présenter en détail les problèmes relevés par le MPC en relation avec la surveillance exercée par la Cour des plaintes (voir ch. 2.1.7.3) étant donné que, suite à l'intervention de la sous-commission, celle-ci est en train de les analyser et d'y remédier en collaboration avec le MPC. La CdG-N se contente de souligner qu'ils doivent être pris au sérieux et que le MPC avait tout lieu de vouloir les discuter. La CdG-N se félicite du processus engagé que les sous-commissions Tribunaux vont suivre dans le cadre de l'exercice de la haute surveillance exercée sur le TPF.

La CdG-N se contente de prendre position sur la directive de la Cour des plaintes enjoignant aux procureurs de la Confédération de ne pas participer régulièrement aux auditions de l'OJI. Dans le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation», la Cour des plaintes non seulement souligne la gravité du non-respect manifeste de cette directive, mais va jusqu'à conclure que le procureur général de la Confédération a des problèmes de conduite parce qu'il n'est pas parvenu à la faire respecter. Par principe, la CdG-N ne peut être d'accord avec une directive qui contient des prescriptions à caractère obligatoire sur la manière dont le MPC doit exercer ses droits de partie et attire l'attention de la Cour des plaintes sur le fait que, ce faisant, elle risque de voir son impartialité envers les parties remises en cause23.

2.1.11

Conclusions de la CdG-N relatives au rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation»

Les constatations et appréciations ci-dessus ont conduit la CdG-N à formuler les conclusions suivantes:

23

1.

La procédure suivie par la Cour des plaintes et par son président lors de l'élaboration du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» ne correspond pas à la procédure usuelle dans le domaine de la justice qui a pour but d'examiner, dans le cadre de la surveillance judiciaire, la légalité des méthodes d'investigation et de discuter d'éventuelles lacunes directement avec l'autorité surveillée afin de chercher, avec elle, comment améliorer la situation et, si besoin est, d'édicter les directives qui s'imposent. La Cour des plaintes n'a pas fait preuve du comportement que l'on se doit d'avoir à l'égard, une autorité surveillée.

2.

Lors de son audition, le procureur général de la Confédération a réagi en adoptant une attitude peu coopérative et ses réactions ont contribué à faire croître la tension dans les relations entre les deux autorités.

Voir Christoph Mettler, Staatsanwaltschaft, Freiburger Dissertation, Bâle/Genève/Munich 2000, pp. 237 s.

1826

3.

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» émet des jugements sur des aspects relevant du ProjEff et de la conduite qui n'entrent pas dans le champ de compétence de la surveillance judiciaire, mais dans celui de la surveillance administrative. En se substituant à l'autorité de surveillance administrative sans base légale, la Cour des plaintes a outrepassé ses compétences.

4.

Les conclusions du rapport intermédiaire de surveillance ne correspondent pas aux faits sur lesquels le rapport se base.

5.

Les investigations entreprises par la Cour des plaintes ont été effectuées après concertation avec le DFJP dans la perspective d'éventuelles mesures administratives.

6.

La confusion entre surveillance judiciaire et surveillance administrative a notamment eu pour conséquence que le procureur général de la Confédération n'a pas été en mesure de s'apercevoir que des faits pouvant alimenter une procédure disciplinaire à son encontre faisaient également l'objet de l'enquête, ce qui contrevient aux voies de droit, notamment au droit d'être entendu.

7.

La CdG-N n'est pas parvenue à suivre la manière dont le rapport non publié a été établi au sein de la Cour des plaintes. La Cour des plaintes n'a pas autorisé la CdG-N à consulter les dossiers rendant compte de la décision correspondante. Une telle attitude envers l'autorité chargée d'exercer la haute surveillance est inacceptable.

8.

La CdG-N ne peut objectivement pas tirer de conclusions suffisantes sur le fonctionnement du MPC en raison des lacunes procédurales et matérielles qui grèvent les résultats du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation».

2.2

Le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» de la Cour des plaintes du TPF

2.2.1

Motifs et genèse

Le 1er juin 2006, la Weltwoche a publié un article acerbe attaquant le procureur général de la Confédération ainsi que les méthodes d'investigation du MPC en relation avec la procédure en cours contre l'intermédiaire financier zurichois H24.

L'auteur de l'article reproche à l'autorité de poursuite pénale d'avoir, à l'instigation du procureur général de la Confédération, fait venir en Suisse l'ancien baron du cartel de Medellín, José Manuel Ramos25, condamné aux Etats-Unis pour participation à un trafic de stupéfiants, et de l'avoir utilisé en tant qu'agent provocateur dans le but d'assainir la place financière suisse. Il accuse notamment les autorités de poursuite pénale d'avoir utilisé les informations fournies par Ramos pour faire tomber H. alors même que ces informations n'étaient pas crédibles.

24 25

Daniel Ammann: Er ist sein heikelster Fall, Weltwoche du 1.6.2006.

Il ne s'agit pas de sa véritable identité.

1827

Au cours des jours qui ont suivi sa publication, l'article a déclenché de vives réactions. Dans un premier temps, comme elle l'a déclaré avant Pentecôte à certains médias, la Cour des plaintes, en sa qualité d'autorité chargée de la surveillance judiciaire du MPC, a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir et qu'elle prévoyait d'examiner cette affaire dans le cadre de ses activités de surveillance ordinaires. Au cours du week-end de Pentecôte, le chef du DFJP a contacté le président de la Cour des plaintes afin de procéder à une appréciation de la situation. Le lundi de Pentecôte, soit le 5 juin 2006, le DFJP a indiqué dans un communiqué de presse que, «suite à divers reproches internes et externes formulés à l'encontre du Ministère public de la Confédération», le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes du TPF avaient convenus le 5 juin 2006 de procéder à un examen extraordinaire de l'activité du MPC dans le cadre de leur fonction de surveillance administrative et judiciaire. Le DFJP a en outre précisé qu'il indiquerait qui allait être chargé de cet examen pour le compte du département (voir ch. 2.3 au sujet du rapport «Lüthi» ainsi que le ch. 3.1.2.3 et 3.2, let. b, au sujet de la démission du procureur général de la Confédération).

Après coup, soit le 6 juin 2006 au matin, le président de la Cour des plaintes a sollicité des membres présents de la Cour leur assentiment pour cet examen. Le même jour, la Cour des plaintes a publié un communiqué de presse analogue à celui que le DFJP avait publié la veille. La Cour des plaintes a en outre ajouté que des indices permettaient «de suspecter le Ministère public de la Confédération de recourir de manière systématique à des méthodes d'investigation illégales» et qu'un «rapport sur les reproches relatifs au faible nombre d'actes d'accusation dressés par le Ministère public de la Confédération sera [...] établi dans le courant du mois» (voir ch. 2.1.10, let. a).

Lors de sa séance du 8 juin 2006, la Cour des plaintes a ensuite formellement décidé d'effectuer l'examen extraordinaire déjà annoncé qu'elle a confié aux juges au TPF Bernard Bertossa et Andreas Keller.

Le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» a été envoyé à ses destinataires (voir ch. 2.1.1, note de bas de page 7) le 18 septembre 200626. Ce rapport n'a pas été publié. Dans
un communiqué de presse, la Cour des plaintes souligne que ses investigations ont montré que, de par sa nature particulière, l'engagement de Ramos constitue un exemple unique au cours des dernières années, que les autorités concernées étaient conscientes des risques d'une telle opération et qu'elles avaient pris les mesures adéquates pour les limiter. Elle précise en outre que neuf procédures pénales ont été ouvertes par le MPC sur la base des informations fournies par Ramos et que les dispositions légales alors en vigueur en Suisse ont été respectées aussi bien dans la conduite de l'opération que dans les suites judiciaires qui lui ont été données.

26

Rapport intermédiaire de surveillance «Ramos», enquête de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 18.9.2006 sur les méthodes d'investigation du Ministère public de la Confédération et de la Police judiciaire fédérale, en particulier dans l'affaire «Ramos» (langue originale du rapport: français).

1828

2.2.2

Contenu et conclusions du rapport

La CdG-N estimant que, toutes circonstances considérées, il y a un intérêt public prépondérant à la publication des résultats du rapport «Ramos», elle résume ou cite ci-après des extraits du contenu et les conclusions de ce rapport27.

a. Procédure Dans son rapport, la Cour des plaintes mentionne qu'elle s'est attachée à vérifier les faits dénoncés et indique que, dans l'accomplissement de cette tâche, elle a examiné dans quelle mesure les moyens critiqués ont été utilisés pour d'autres causes que celle dirigée contre H. Elle souligne également qu'elle a eu un accès complet aux dossiers de la PJF, qu'elle a pu prendre connaissance des dossiers judiciaires pertinents, qu'elle a entendu tous les policiers qui ont fait partie de la cellule constituée pour encadrer Ramos lors de son séjour en Suisse ­ y compris leurs supérieurs ­, le procureur général de la Confédération (ci-après: procureur général) et le procureur fédéral spécialement chargé de l'affaire Ramos (ci-après: procureur) et qu'elle a également consulté ses propres dossiers ainsi que d'autres dossiers du MPC.

b. Faits Les points ci-dessous reprennent les faits tels qu'ils ont été présentés dans le rapport (les passages des documents laissés de côté sont indiqués par des crochets [...]).

27

«3.1

Dans le courant des années 90, alors qu'il était en fonction auprès des offices centraux de police criminelle, le procureur général s'était rendu aux Etats-Unis où, avec l'accord des autorités locales, il avait recueilli le témoignage de Ramos sur des faits relatifs à une enquête ouverte par le MPC pour faits de blanchiment d'argent provenant d'un important trafic de stupéfiants. De cette audition, le procureur général avait retiré la conviction que Ramos détenait des informations importantes sur ce type d'activités criminelles et qu'il était prêt à collaborer avec la justice [...].

3.2

Ramos avait été arrêté aux Etats-Unis en 1990. Pour sa participation à des trafics de stupéfiants entre la Colombie, le Mexique et les EtatsUnis, il avait été condamné à des peines totalisant deux fois la réclusion à vie, plus vingt ans. Ramos avait toutefois accepté de collaborer avec certains services de police aux Etats-Unis et, selon les mécanismes prévalant dans ce pays, il avait obtenu que le total des peines à subir fût réduit à douze ans d'emprisonnement [...].

3.3

En juillet 2001, Ramos avait entièrement accompli cette peine. Son avocat avait vainement tenté d'obtenir des autorités américaines que son client et son épouse fussent autorisés à rester dans le pays, de telle sorte que Ramos était maintenu en détention en vue de son expulsion.

L'avocat de Ramos s'adressa alors au procureur général, afin de requé-

La CdG-N a donné au TPF et au MPC la possibilité d'examiner si la publication de ces passages ne remettait pas en cause le secret de l'instruction pénale. Dans son avis, la Cour des plaintes a proposé de renoncer à leur publication sans toutefois invoquer ni un intérêt public ou privé prépondérant ni le secret de l'instruction.

1829

rir son appui [...], affirmant que son client disposait d'informations qui pouvaient être utiles aux autorités suisses, y compris en matière de blanchiment d'argent [...].

3.4

Par des courriers du 17 mai 2002 à la direction des douanes américaines, puis du 21 juin 2002 au procureur général des Etats-Unis, le procureur général tenta d'infléchir l'attitude des autorités américaines et d'obtenir que Ramos fût autorisé à séjourner outre Atlantique, où le procureur général se proposait de le faire interroger afin d'obtenir des informations sur des activités criminelles concernant la Suisse [...]. En raison d'un conflit entre les douanes américaines (U.S. Customs Service) et le Département américain de la justice (Department of Justice), cette intervention n'a pas été couronnée de succès et Ramos n'a pas été autorisé à demeurer sur sol américain, la faculté lui étant cependant laissée d'émigrer dans le pays de son choix. Telle est du moins l'explication qui a été fournie aux autorités suisses [...].

3.5

Par un courrier détaillé du 25 juin 2002, le procureur général exposa la situation de Ramos au chef de la PJF, précisant notamment que le précité était en mesure de fournir des renseignements sur des comptes bancaires en Suisse, sur lesquels avaient été créditées des valeurs provenant de trafics de drogue. Le chef de la PJF était invité en substance à décider si ses services étaient intéressés à exploiter les renseignements que Ramos pourrait fournir et, dans l'affirmative, à examiner si la PJF était en mesure d'accueillir Ramos en Suisse et de le contrôler [...]. Le chef de la PJF ayant manifesté son intérêt [...], des discussions eurent lieu entre le procureur général et la PJF, jusqu'à la définition d'un concept détaillé pour la conduite de cet informateur, avec pour objectif principal de démanteler les structures du cartel colombien de la drogue en Suisse et d'en saisir les produits placés dans le pays [...]. Sur proposition du procureur général, cette conduite devait être assumée par une baptisée (ci-après: task force Guest) composée de plusieurs policiers, sous la direction du policier X. proposé par le procureur général lui-même [...].

3.6

A l'automne 2002, des policiers de la task force Guest se rendirent aux Etats-Unis, où ils prirent contact avec Ramos, toujours détenu, avec l'officier traitant de ce dernier et avec d'autres fonctionnaires américains. Ils en retirèrent le sentiment que Ramos était un indicateur digne de confiance, mais qui, contrairement à ses dires et au contenu d'un courrier qu'il leur remit, ne disposait pas d'informations directement exploitables en Suisse pour la poursuite d'activités criminelles [...].

3.7

Ramos ayant affirmé que pour actualiser les informations en sa possession, il devait renouer certains contacts et qu'il ne pourrait le faire que s'il était remis en liberté, la décision fut finalement prise, le 30 octobre 2002, d'un commun accord entre le procureur général et le chef de la PJF, de faire venir Ramos en Suisse [...].

3.8

Ramos arriva en Suisse le 21 décembre 2002, où il fut pris en charge par la task force Guest [...].L'intéressé était muni d'un passeport colombien authentique établi à sa véritable identité (du moins celle qui correspondait à son nouveau nom, après que celui-ci eût été régulière-

1830

ment changé selon la loi américaine [...]). Un livret pour étrangers, autorisant son séjour en Suisse, lui fut délivré par l'autorité cantonale compétente [...].

3.9

Au sujet des valeurs d'origine criminelle qu'il avait promis de localiser en Suisse, Ramos déclara avoir repris les contacts nécessaires et être en mesure de fournir les précisions utiles à une confiscation de ces valeurs.

Il ajouta toutefois que ses sollicitaient, en contrepartie, la remise d'un fort pourcentage des sommes à confisquer. Cette offre n'étant pas compatible avec la loi suisse, elle fut déclinée par la PJF [...].

3.10

Ramos apparaissait néanmoins en mesure de profiter de son statut d'ancien pour lier des contacts au sein des milieux sud-américains opérant en Suisse et des intermédiaires financiers qui leur prêtaient leur concours. La décision fut alors prise par la PJF de laisser Ramos nouer de tels contacts, tout en le contrôlant au plus près.

Pour fixer les limites de ce qu'il était autorisé à faire, Ramos se vit remettre un document, en langue espagnole [...], fixant les limites de son intervention. S'inspirant des directives de la PJF du 1er juillet 2002 sur le recours à des informateurs et l'engagement de personnes de confiance [...], ce document précise très clairement que Ramos doit s'abstenir de toute provocation. Il indique également que tout contact avec des services étrangers est interdit à Ramos. La PJF était en effet consciente de ces risques, car Ramos avait collaboré, aux Etats-Unis, avec des services de police soumis à une législation fort différente de celle qui prévalait en Suisse [...]. Pendant la durée de son activité en Suisse, ces instructions ont été rappelées à Ramos à de nombreuses reprises [...].

3.11

A la faveur de tels contacts, pris particulièrement dans le , Ramos recueillit de nombreuses informations qu'il transmettait à la task force Guest. Si cette dernière les considérait comme suffisamment dignes d'intérêt, elle en faisait rapport, sans indiquer nommément ses sources, à un autre groupe de la PJF, baptisé task force Go. Après avoir apporté sa propre appréciation et, le cas échéant, avoir procédé aux premières vérifications ou recherches usuelles, c'est cette unité qui décidait, sous le contrôle de sa hiérarchie, d'établir ou non, à l'intention du MPC, un rapport en vue de l'ouverture d'une procédure de recherches [...].

3.12

Dans ce contexte, Ramos fournit à la task force Guest de nombreuses informations, la plupart concernant le trafic de stupéfiants et, dans une moindre mesure, le blanchiment de ses produits ou encore le trafic d'êtres humains. Plusieurs d'entre elles n'ont pas été exploitées, soit qu'elles ne concernaient pas des infractions poursuivables en Suisse, soit que la PJF ne disposait pas des moyens suffisants pour une telle exploitation. A une reprise, les renseignements furent transmis à une police cantonale, les faits signalés relevant de sa compétence. A neuf occasions toutefois [...], des enquêtes préliminaires (soit des procédures de recherches au sens de l'art. 101, al. 2, PPF) ont été ouvertes sur la base des informations procurées par Ramos. Trois d'entre elles ont été classées par la suite, l'une ayant préalablement permis la saisie en Suisse de

1831

valeurs patrimoniales importantes. Les autres causes sont encore en cours.

3.13

Dès l'engagement de Ramos, la PJF fit preuve de méfiance sur la valeur des informations émanant de cette source. Sa confiance fut toutefois rapidement confortée, lorsque Ramos produisit des renseignements au sujet d'une filière de trafiquants de stupéfiants, dans un contexte où une enquête préliminaire avait déjà été ouverte et où des surveillances téléphoniques étaient en cours. Or les informations de Ramos correspondaient aux faits découverts grâce à cette surveillance, dont Ramos ignorait l'existence [...], de telle sorte que la crédibilité du précité fût renforcée.

3.14

D'accord entre la PJF et le procureur général, il fut convenu que ce dernier déléguerait un procureur aux fins d'assister la task force Guest de ses conseils juridiques. C'est ainsi que, dans ces limites, le procureur participa activement et régulièrement au fonctionnement de cette unité, sans jamais intervenir toutefois dans les décisions opérationnelles [...].

3.15

A l'été 2004, la surveillance exercée sur Ramos par les policiers de la task force Guest convainquit ces derniers que, contrairement aux directives reçues, Ramos entrait en contact avec un service de police étranger, vraisemblablement américain, sans y avoir été autorisé. Il fut alors décidé de mettre un terme immédiat à la collaboration du précité, qui fut enjoint de quitter sans délai la Suisse, ce qui fut fait le 24 août 2004. Ce jour-là, Ramos fut placé dans un avion à destination de la Colombie [...].

3.16

Ramos est la seule personne de confiance de ce et de ce type (délinquant condamné à l'étranger à de fortes peines, conduit spécialement en Suisse pour y jouer ce rôle) qui, du moins au cours d'un passé récent, a été par la PJF. L'expérience consistant à assurer la conduite de cette personne par une unité de police spécialement constituée n'avait pas d'antécédents et elle n'a pas été renouvelée [...]. On ajoutera toutefois que la task force Guest a été chargée, en janvier 2004, de un autre informateur qui s'était spontanément présenté à une ambassade étrangère en Suisse et qui prétendait disposer de renseignements sur des trafics de stupéfiants en Suisse. L'intéressé s'est vu remettre des instructions écrites analogues à celles qui avaient été notifiées à Ramos [...]. Cette opération a toutefois tourné court après deux semaines [...].

3.17

Dans le contexte général décrit plus haut (supra ch. 11 et 12), Ramos signala à ses policiers traitants, au printemps 2003, avoir appris l'existence d'un qui, à Zurich, prétendait avoir participé au blanchiment de valeurs patrimoniales provenant des trafics de stupéfiants organisés par le clan de Pablo Escobar. Il ajoutait que ce banquier était encore actif dans ce domaine. Il ignorait le nom de l'intéressé, mais prétendait que, grâce à la personne qui l'avait informé, il était en mesure d'obtenir un entretien avec lui. L'autorisation de se rendre à cet entretien lui fût accordée, avec la précision expresse que toute provocation lui était interdite [...].Ramos rapporta ensuite que cet entretien

1832

avait eu lieu. Il désigna H. comme le banquier et déclara que ce dernier, spontanément, s'était déclaré prêt à assurer le placement de fonds d'origine illicite. Il avait même mentionné la possibilité de blanchir des fonds provenant d'un trafic de drogue [...]. Considérée comme suffisamment sérieuse, l'information fut transmise à la task force Go. Cette dernière effectua les recherches utiles à identifier précisément H. et, par un rapport du 19 juillet 2003, requit du MPC l'ouverture d'une procédure de recherches [...]. La requête fut approuvée et une enquête de police judiciaire ouverte, dans le cadre de laquelle des surveillances téléphoniques furent ordonnées et un agent sous couverture engagé, ce dernier étant en outre autorisé à se munir d'un appareil enregistreur de sons. La cause dirigée contre H. est aujourd'hui en cours d'instruction préparatoire, auprès de l'Office des juges d'instruction fédéraux (ci-après: OJI). Le rôle joué par Ramos n'est mentionné dans aucun des actes de la procédure.» c. Complément aux faits Après l'achèvement de la rédaction du rapport et la consultation des autorités concernées (MPC et PJF), le conseiller national J. Alexander Baumann a remis au président de la Cour des plaintes des documents américains qui ont conduit à l'ajout du paragraphe suivant: «3.18 Sur la base de différents documents mis, par des tiers, à disposition de la Cour des plaintes au cours de ses éclaircissements pour le présent rapport [...], on ne peut écarter la présomption selon laquelle Ramos, pendant son séjour en Suisse, travaillait en particulier aussi pour les autorités de poursuite pénale américaines étant donné qu'il fonctionnait comme agent infiltré pour ces dernières depuis 1991 [...]. Il n'existe cependant aucun élément permettant de conclure que le MPC ou que la PJF aient eu connaissance de ces activités ou les aient tolérées.» d. Rôle de l'autorité de surveillance judiciaire Dans l'appréciation des faits, le rapport précise, à titre préliminaire, le rôle de la surveillance judiciaire au sens de l'art. 28, al. 2, LTPF et en définit les limites. A cet égard, la Cour des plaintes constate: «La surveillance matérielle se distingue de la surveillance judiciaire en ce sens qu'elle porte sur un comportement général ou sur des pratiques adoptées par l'autorité surveillée et non pas sur
des situations particulières pouvant faire l'objet de plaintes au sens des art. 105bis PPF et 28, al. 1, let. a, LTPF.

L'autorité de surveillance n'a pas non plus pour fonction de se livrer à une appréciation des preuves recueillies dans le cadre d'une procédure pénale. Cette appréciation revient exclusivement à l'autorité de jugement soit, en procédure fédérale, à la Cour des affaires pénales (art. 26 LTPF). [...] La surveillance matérielle n'a pas non plus pour objet d'intervenir dans des domaines relevant 1833

de l'opportunité ou de l'appréciation de l'utilité des moyens mis en oeuvre par la police. La Cour des plaintes ne saurait en outre se substituer au MPC pour décider si telle stratégie ou telles méthodes étaient appropriées. Ce choix revient exclusivement à cette autorité et l'intervention de la Cour des plaintes ne se justifierait que s'il devait apparaître que ces choix sont en contradiction avec la mission assignée à l'autorité de poursuite. [...] Le rôle de la Cour des plaintes se limite dès lors à déterminer si les méthodes employées par le MPC et la PJF étaient autorisées au regard de la loi, ou si au contraire elles violaient cette dernière. Plus précisément, cet examen doit porter sur les questions suivantes: 1.

Est-il admissible que certains éléments de l'enquête ne figurent pas au dossier de la procédure?

2.

Le rôle assigné à Ramos était-il conforme à la loi?

3.

Des soupçons suffisants étaient-ils réunis pour ouvrir des procédures pénales? Dans le cas H. en particulier, les mesures de surveillance et l'engagement d'un agent infiltré ont-ils été ordonnés dans le respect du droit?»

e. Mention de la source des informations de la police A la question de savoir si la PJF ou le MPC devaient faire apparaître aux dossiers judiciaires l'existence de Ramos et son rôle dans les enquêtes ouvertes sur la base des informations qu'il avait fournies, la Cour des plaintes constate: «La police n'est pas obligée de révéler tous les détails de son activité de recherches28. Ses documents de travail ou ses dispositifs tactiques d'investigation n'ont pas à figurer au dossier29. Il n'est pas contestable que la police est en droit d'utiliser des informateurs, auxquels elle peut garantir la confidentialité. Il n'y a donc rien d'illégal à recueillir des renseignements de la part de personnes qui fréquentent elles-mêmes des milieux criminels et à ne pas faire apparaître leur existence dans les dossiers de l'enquête30.Cette faculté (voire cette obligation) de taire l'existence d'un informateur et de ne pas dévoiler son identité s'impose en tout cas lorsque les faits révélés par cet auxiliaire de la police ne sont pas utilisés comme moyens de preuve à charge de l'auteur présumé.

28 29

30

ATF 112 Ia 18, 24 consid. 5; Bernard Corboz, L'agent infiltré, in RPS 111 [1993] pp. 307 ss., spéc. 322.

Gérard Piquerez, Procédure pénale suisse, Zurich 2000, N. 777; Robert Hauser/Erhard Schweri/Karl Hartmann, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., Bâle 2005, § 55, N. 15; Niklaus Oberholzer, Grundzüge des Strafprozessrechts, 2e éd., Berne 2005, N. 945.

Eugen Thomann, Verdeckte Fahndung aus der Sicht der Polizei, in RPS 111 (1993) pp. 285 ss., spéc. 295 à 298; Robert Hauser, Anonyme Gewährspersonen im Strafprozess, in RPS 82 (1966) pp. 306 ss., spéc. 309 ss.; pour le droit français: Jean Pradel, Manuel de procédure pénale, 11e éd., Paris 2002, p. 383; Roger Merle/André Vitu, Traité de droit criminel, tome II. Procédure pénale, 5e éd., Paris 2001, p. 223; Dalloz, Code pénal, 103e éd., Paris 2006, N. 94 et 95 ad art. 226­13 CPF; pour le droit allemand: Lemke/ Julius/Krehl/Kurth/Rautenberger/Temming, Strafprozessordnung, 3e éd., Heidelberg 2001, § 163, N. 12.

1834

Or, selon les vérifications effectuées, il apparaît en l'occurrence que les informations recueillies par Ramos n'ont été utilisées ni dans la cause dirigée contre H. ni dans les autres causes, comme moyens de preuve à charge des prévenus concernés. L'utilisation de Ramos comme témoin anonyme n'a pas été envisagée non plus, alors même que ce type de témoignage n'est pas absolument exclu en droit suisse31. Les faits révélés par Ramos n'ont pas été non plus attestés en procédure par le recours à des témoignages indirects, alors même que ce procédé peut, dans certaines circonstances, être admis32. Le projet de code de procédure pénale suisse prévoit d'ailleurs expressément que, dans certaines circonstances, l'anonymat peut être garanti à un témoin (art. 146 et 147 projet CPP). L'usage de renseignements émanant d'un informateur n'est pas soumis enfin aux exigences posées pour l'investigation secrète33.

En conclusion: en taisant l'existence de Ramos et en ne faisant aucune mention de son rôle dans les rapports destinés à la procédure, la PJF et le MPC n'ont pas violé le droit applicable.» f. Activités de Ramos sur le territoire suisse Quant à la question de savoir si la PJF et le MPC étaient en droit de charger Ramos de recueillir lui-même des informations sur sol suisse, le rapport constate ce qui suit: «La pratique policière en Suisse distingue généralement trois catégories d'auxiliaires: le simple informateur (Informant) qui fournit occasionnellement à la police des renseignements qu'il a obtenus de sa propre initiative; la personne de confiance (Vertrauensperson) qui, sous le contrôle de la police, est chargée de se procurer, puis de transmettre des renseignements; l'agent sous couverture enfin (verdeckter Ermittler) qui est mis en oeuvre, sous une fausse identité, afin de recueillir des preuves utilisables en procédure, en rapport avec des activités criminelles. En l'espèce, Ramos appartenait à l'évidence à la seconde de ces catégories. Au moment où il a été contacté par la police suisse, il ne disposait pas de renseignements directement exploitables pour une poursuite pénale. Le MPC et la PJF ont néanmoins estimé qu'en raison de son passé et de son expérience, Ramos était en mesure de pénétrer dans des milieux auxquels la police n'avait pas accès et qu'il pourrait ainsi recueillir des informations
sur des activités illicites se déroulant en Suisse. [...]

A l'époque des faits examinés, la législation suisse ne connaissait encore aucune disposition régissant l'investigation secrète, ce qui n'empêchait pas que cette méthode soit admise [...]. Depuis son entrée en vigueur, la LFIS ne s'applique qu'aux agents infiltrés, à l'exclusion des simples informateurs et des personnes

31 32

33

ATF 118 Ia 457, 460 ss. consid. 3; ATF 125 I 127, 141 ss. consid. 7.

Robert Roth, Protection procédurale de la victime et du témoin: enjeux et perspectives, in RPS 116 (1998) pp. 384 ss., spéc. 394 s.; voir aussi Andreas Donatsch, Die Anonymität des Tatzeugen und der Zeuge vom Hörensagen, in RPS 104 (1987) pp. 397 ss.

FF 1998 3731; Robert Hauser/Erhard Schweri/Karl Hartmann, op. cit., § 75, N. 29; Wolfgang Wohlers, Das Bundesgesetz über die verdeckte Ermittlung (BVE), in RDS 124 (2005) p. 222; Niklaus Oberholzer, BG über die verdeckte Ermittlung: Kein Meisterstück der helvetischen Gesetzgebung, in Revue de l'avocat 2/2005 p. 57.

1835

de confiance34. Il faut en conclure que, dans les limites qui seront précisées plus loin [...], l'engagement d'une personne de confiance en vue de recueillir des informations dans certains milieux soupçonnés de se livrer à des activités pénalement répréhensibles n'était pas contraire à la loi suisse.

En conclusion: la mission confiée à Ramos n'était pas contraire à la loi suisse et il ne saurait dès lors être fait grief au MPC ou à la PJF d'avoir recouru à un tel mode d'investigation.» A la question de savoir si Ramos a, au su du MPC ou de la PJF, excédé les limites que son rôle lui permettait de jouer, la Cour des plaintes précise ce qui suit: «Si le recours à une personne de confiance est ainsi admissible dans son principe, sans base légale spécifique, il convient encore que l'activité déployée par cet auxiliaire se déroule sans violer les dispositions du droit en vigueur. Or, rien ne permet d'affirmer que de telles violations seraient intervenues en l'espèce. En effet, l'enquête a permis de vérifier que Ramos avait pénétré en Suisse en étant muni d'une pièce d'identité authentique, établie au nom que le précité avait valablement acquis en application de la législation américaine. Un permis de séjour provisoire lui a été délivré par l'autorité suisse compétente. Les dispositions de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE, RS 142.20) ont donc été respectées. Ramos n'a jamais été pourvu d'un appareil de prise de son ou de prise de vues, au moyen duquel il aurait procédé à des enregistrements prohibés au sens des art. 179bis ss. CP. Aucune trace de tels enregistrements ne figure au dossier de la police et les agents interrogés ont unanimement affirmé qu'il n'avait jamais été recouru à de tels moyens.

A teneur des instructions détaillées qui lui furent communiquées par écrit et maintes fois rappelées, Ramos avait l'interdiction formelle de collaborer avec d'autres services de police. Une telle collaboration, avec un service étranger, aurait en effet contrevenu à l'art. 271 CP. Lorsqu'elle a conçu le soupçon que cette règle pourrait ne pas être respectée par Ramos, la PJF a immédiatement pris les mesures propres à mettre fin à la collaboration du précité et à son éloignement du territoire suisse. Aucun comportement punissable, ni aucune autre violation du droit suisse
n'ont été constatés en l'espèce.

Il reste à se demander si, dans le cadre de son activité au service de la police, Ramos aurait adopté, à l'égard des tiers qu'il rencontrait, un comportement relevant de la provocation. Si en effet aucune disposition légale spécifique n'interdisait à l'époque (soit avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la LFIS dont l'art. 10, al. 1, prévoit désormais une telle interdiction) qu'un auxiliaire de police agisse comme un agent provocateur, il n'en reste pas moins qu'un tel comportement était déjà considéré comme contraire au droit35. En l'espèce, l'interdiction de provoquer était clairement précisée dans les directives signifiées à Ramos et l'attention de l'intéressé a été, à de nombreuses reprises, attirée sur ce point. Lorsque, dans une enquête particulière, le procureur a été invi-

34 35

Niklaus Oberholzer, op. cit., p. 57.

ATF 124 IV 34, 38 ss. consid. 3.

1836

té par la police à fixer les limites de l'intervention de Ramos, l'interdiction de se comporter comme un agent provocateur a été expressément rappelée et, dans ce cas, interprétée de manière particulièrement stricte [...]. De l'enquête, il ne ressort aucun fait d'où il pourrait être déduit que Ramos, à la connaissance de la PJF ou du MPC, n'aurait pas respecté cette interdiction et qu'il aurait, par son comportement ou par ses actes, décidé un tiers à violer la loi pénale. C'est le lieu de relever que l'engagement et la conduite de Ramos ont fait l'objet, de la part de la PJF, d'une documentation extrêmement complète, propre à permettre une vérification détaillée des évènements intervenus.

En conclusion: l'engagement de Ramos s'est déroulé dans des circonstances et selon des modalités conformes à la loi suisse.» g. Conditions d'ouverture des poursuites pénales Quant à la question de la légitimité de l'ouverture d'enquêtes de police judiciaire sur la base des informations émanant de Ramos, le rapport précise ceci: «A teneur de l'art. 101, al. 1, PPF, le procureur général ordonne l'ouverture d'une enquête . La notion de relève de l'appréciation nécessaire à chaque situation particulière. Si la vague supposition qu'une infraction a été commise ne suffit assurément pas pour justifier l'ouverture d'une enquête, la certitude d'une telle commission ne saurait en revanche être exigée. Une certaine vraisemblance, appuyée sur des faits déterminés qui, s'ils se vérifient, sont de nature à constituer une infraction punissable selon le droit en vigueur, doit être considérée comme suffisante pour justifier l'ouverture d'une enquête36. En l'espèce, neuf procédures judiciaires (au sens des art. 101 ss. PPF) ont été ouvertes sur la base des renseignements fournis par Ramos. Dans chacun des cas, la décision a été prise sur la base de renseignements portant sur des faits qui, pour peu qu'ils soient établis, constituaient des infractions punissables en Suisse. La crédibilité de Ramos avait été vérifiée à l'occasion d'une affaire spécifique [...] et les circonstances dans lesquelles les renseignements fournis avaient été récoltés rendaient ceux-ci vraisemblables.

En conclusion:
en ouvrant des procédures de recherches sur la base des renseignements fournis par Ramos, le MPC n'a pas violé la loi.» h. Poursuite pénale dirigée contre H Dans son rapport, la Cour des plaintes constate également que les observations cidessus s'appliquent sans nuance particulière à la poursuite pénale dirigée contre H.

Etant donné que les faits avaient été dénoncés publiquement, la Cour des plaintes a également examiné si la surveillance de la correspondance téléphonique de H. et la

36

Hans Walder, Strafverfolgungspflicht und Anfangsverdacht, in Recht 1990, pp. 1 ss., spéc. 3.

1837

mise en oeuvre d'un agent infiltré pour l'approcher ont respecté la loi. Le rapport parvient à la conclusion que la surveillance de la correspondance téléphonique de H.

est intervenue dans le respect de la procédure prévue par la loi et, faute de plainte, qu'il n'appartient pas à l'autorité de surveillance de procéder à un examen matériel des conditions requises. En ce qui concerne le recours à un agent infiltré, la Cour des plaintes constate que ni la mise en oeuvre d'un agent infiltré, ni les enregistrements effectués par lui n'étaient contraires à la loi et que les circonstances justifiaient ces mesures.

i. Conclusions générales Le rapport s'achève sur les conclusions générales suivantes: «Des constatations faites par la Cour des plaintes, fondées sur une documentation concernant Ramos très complète et sur de nombreuses auditions, il ressort que, par sa typologie, l'engagement de Ramos comme personne de confiance constitue un exemple unique dans les activités du MPC et de la PJF au cours des dernières années. Ces autorités étaient conscientes des risques d'une telle opération et elles ont pris les mesures adéquates pour en limiter la survenance.

Les dispositions légales alors en vigueur ont été respectées aussi bien dans la conduite de l'opération que dans les suites judiciaires qui lui ont été données.

Pour le surplus, il n'appartient pas à la Cour des plaintes de juger de l'opportunité des moyens engagés, pas plus que de substituer son appréciation à celle des juridictions de jugement dans l'évaluation des preuves qui, sur la base des informations fournies par Ramos, ont été ensuite recueillies dans les procédures judiciaires.»

2.2.3

Autres publications de certains médias sur Ramos et investigations complémentaires de la CdG-N

Peu avant l'achèvement de l'enquête effectuée par les juges pénaux fédéraux Bertossa et Keller, la Weltwoche a publié un nouvel article sur Ramos citant des «documents secrets américains» qui prouveraient que ce dernier n'était pas seulement un informateur, mais également un agent double américain37. Ces mêmes documents ont été remis au président de la Cour des plaintes par le conseiller national J. Alexander Baumann aux fins de leur examen dans le cadre de l'enquête en cours (voir ch. 2.2.2, let. c).

En décembre 2006, après qu'un terme avait été mis à l'enquête, la Weltwoche, en se basant sur les documents en possession de la PJF auxquels elle a eu accès suite à une indiscrétion, a accusé le procureur général de la Confédération de n'avoir pas dit toute la vérité sur son rôle dans l'affaire Ramos, aussi bien lors de l'enquête diligentée par la Cour des plaintes que lors de l'enquête administrative «Lüthi» (voir ch.

2.3). La Weltwoche a ainsi prétendu que le procureur général n'aurait pas seulement fonctionné en tant qu'intermédiaire entre la PJF et Ramos, mais qu'il était allé

37

Daniel Ammann: Neues vom Hexer, Weltwoche du 24.8.2006.

1838

jusqu'à coopérer avec ce dernier et l'avait rencontré le 20 mai 2003 en secret dans une cabane forestière près de Berne38. Les investigations de la CdG-N auprès de la PJF, du MPC et des responsables de l'enquête diligentée par la Cour des plaintes et le chargé de l'enquête administrative du DFJP n'ont pas permis de trouver d'indice indiquant que cette présentation des faits correspondait à la réalité. Se prévalant de l'enquête menée par la CdG-N, le DFJP, en sa qualité d'autorité de surveillance administrative, et la Cour des plaintes, en sa qualité d'autorité de surveillance judiciaire du MPC, ont refusé de prendre publiquement position sur ces accusations. La sous-commission chargée de l'enquête a constaté dans un communiqué de presse que rien ne permettait d'affirmer que des éléments en relation avec Ramos avaient été dissimulés aux autorités chargées d'enquêter (voir ch. 2.2.4, let. b, au sujet des investigations correspondantes de la sous-commission).

Suite aux suppositions et suspicions dont les médias se sont fait l'écho, la souscommission s'est une nouvelle fois adressée au juge pénal fédéral Keller et à la PJF afin de leur poser de nouvelles questions sur Ramos et la manière dont il a été dirigé et encadré par la task force Guest et a demandé à consulter des documents supplémentaires. Par ailleurs, le conseiller national J. Alexander Baumann a soumis à la sous-commission une liste de questions auxquelles la sous-commission a donné suite ­ dans la mesure où elles ne concernaient pas la procédure en cours contre H.

2.2.4

Résultats des auditions et des avis rendus par écrit

Après les nouvelles accusations portées par les médias, la sous-commission a décidé d'approfondir les résultats du rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» en se penchant de manière approfondie sur les points énumérés ci-après, dans le cadre d'auditions ou en demandant des avis par écrit: 1.

La présomption selon laquelle Ramos aurait été un agent double travaillant également pour les autorités américaines.

2.

Le rôle du procureur général de la Confédération dans l'engagement et la conduite de Ramos.

3.

Les responsabilités du MPC et de la PJF lors de la conduite de personnes de confiance en général et de Ramos en particulier.

En raison de certains recoupements thématiques entre le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» et l'enquête administrative du DFJP (rapport «Lüthi», voir ch.

2.3), les indications ci-après se réfèrent ponctuellement à certains résultats de cette enquête.

a. La présomption selon laquelle Ramos aurait été un agent double travaillant également pour les autorités américaines Au sujet de la question de savoir si Ramos était un agent double: le premier point à tirer au clair est celui de savoir ce qu'il faut comprendre par agent double. Il s'agit d'un terme qui relève du renseignement. L'agent double est un agent qui travaille simultanément pour deux services de renseignement qui s'affrontent. En d'autres

38

Daniel Ammann: Bundesanwalt ohne Alibi, Weltwoche du 14.12.2006.

1839

termes, il s'agit d'un espion qui n'espionne pas uniquement pour le compte de l'Etat qui l'emploie, mais qui informe également l'Etat qu'il doit espionner. On relèvera que le terme d'espionnage implique que l'agent transmet des informations secrètes à un service étranger. Comme cela ressort du rapport intermédiaire de surveillance «Ramos», ce dernier avait le statut de personne de confiance. Conduit et encadré par la PJF et le fedpol, il a récolté des informations, particulièrement dans le milieu zurichois, sur le trafic de stupéfiants, le blanchiment d'argent et le trafic d'êtres humains (voir ch. 2.2.2, let. b, points 10 à 12 et let. f). Lorsque des personnes de confiance ­ au même titre que les informateurs et les agents sous couverture (définitions: voir ch. 2.2.2, let. f) ­ sont engagées par les autorités de poursuite pénale, comme dans le cas d'espèce, elles le sont pour contribuer à des enquêtes de police judiciaire dans le cadre de procédures pénales, cas de figure qui n'a rien à voir avec des opérations relevant du renseignement. Ramos n'était donc pas un agent et ne pouvait par conséquent pas être un agent double. Ramos n'a en outre jamais eu accès à des informations secrètes. La PJF ne l'a jamais informé sur les méthodes d'enquête utilisées ou les résultats obtenus.

Au sujet de la question de savoir si Ramos aurait pu être l'informateur d'autorités de poursuite pénale de deux Etats différents: on peut en revanche se demander si, lors de ses recherches au sein du milieu de la drogue zurichois, Ramos recueillait également des informations pour le compte des autorités de poursuite pénale américaines avec lesquelles il avait collaboré durant sa détention aux Etats-Unis. Un tel comportement de sa part n'aurait rien eu de répréhensible en tant que tel, mais il lui avait été clairement signifié que les autorités suisses ne souhaitaient pas qu'il transmette ces informations et, selon la PJF, qu'un tel comportement ne serait pas toléré. Comme cela figure dans le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» (voir ch. 2.2.2, let.

b, point 10), la PJF était consciente du risque couru. Ramos aurait en effet pu être tenté de retravailler pour les autorités de poursuite pénale américaines, raison pour laquelle la PJF lui avait interdit tout contact avec des autorités étrangères. Il lui était également
interdit d'entretenir des relations dans son appartement.

Lors de leur audition, les représentants de la PJF ont déclaré à la sous-commission que si Ramos avait eu de tels contacts avec des autorités étrangères, les fonctionnaires de police appartenant à la task force Guest s'en seraient rendu compte, tant son encadrement était serré et ses contacts filtrés. Lors de l'un des contrôles effectués dans le courant de l'été 2004, les collaborateurs de la PJF ont trouvé un citoyen américain au domicile de Ramos. Ramos a été interrogé de manière approfondie sur ses contacts avec cette personne. Le citoyen américain a été contrôlé et identifié. Les documents et moyens de communication en sa possession ont été examinés avec son accord. D'après les indications de la PJF, les contrôles effectués n'ont pas permis de constater que Ramos avait eu des contacts avec des autorités étrangères ou un comportement pénalement répréhensible. En raison de cette infraction et de deux autres infractions aux instructions que Ramos aurait impérativement dû respecter, le chef de la PJF a décidé de mettre un terme immédiat à la collaboration avec ce dernier et de lui faire quitter le territoire suisse. Avec son accord, Ramos a été placé dans un

1840

avion à destination de la Colombie le 24 août 200439. Les représentants de la PJF ont déclaré qu'il n'y avait aucun indice permettant de penser que Ramos ait pu avoir un comportement pénalement répréhensible, raison pour laquelle la PJF n'avait vu aucune nécessité d'ouvrir une procédure pénale. La décision de mettre un terme à la collaboration avec Ramos a été prise uniquement parce qu'il n'avait pas respecté les instructions et que la PJF ne voulait prendre aucun risque.

Documents américains de source anonyme: le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» a été complété en raison des documents américains de source anonyme remis à la Cour des plaintes après que l'enquête avait été close. Sur la base de ces documents, la Cour des plaintes a estimé que l'on ne pouvait écarter la présomption selon laquelle Ramos, pendant son séjour en Suisse, avait également travaillé pour les autorités de poursuite pénale américaines. Elle n'a toutefois trouvé aucun élément permettant de conclure que le MPC ou la PJF avaient eu connaissance ou toléré de telles activités (voir ch. 2.2.2, let. c et 2.2.3).

Etant donné que ni le MPC, ni la PJF n'avaient pu se prononcer sur le passage correspondant du rapport (il a été ajouté après la consultation) et que ni l'un ni l'autre n'étaient au courant de l'existence de ces documents américains, la CdG-N les leur a remis pour examen et avis. Parallèlement, la CdG-N a également fait analyser ces documents par un collaborateur du secrétariat de la Délégation des commissions de gestion (DélCdG).

Indépendamment l'un de l'autre, l'avis commun du fedpol/PJF et du MPC du 9 mars 2007 et l'analyse du secrétariat de la DélCdG du 28 février 2007 parviennent à la même conclusion et ne divergent sur aucun point. Les analyses concluent que ces documents ne permettent pas d'étayer l'hypothèse selon laquelle Ramos aurait travaillé pour les autorités de poursuite pénale américaines durant son séjour en Suisse de décembre 2002 à août 2004. Ils concernent exclusivement des événements dans la vie de Ramos avant son arrivée en Suisse. Il s'agit essentiellement d'investigations des autorités américaines et de recherches anonymes sur Ramos, effectuées à titre privé, probablement pour le compte de l'une des parties impliquées dans une procédure. L'un des passages de ces documents indique vaguement
qu'il n'est pas impossible (credible probability) que Ramos ait travaillé pour les autorités américaines lors de son séjour en Suisse. En fait, rien ne vient étayer cette affirmation, basée sur des hypothèses contradictoires et non fondées, selon lesquelles, avant 2001, les autorités américaines n'étaient pas entrées en matière sur une réduction de peine pour Ramos, ce dernier n'ayant pas livré d'informations utilisables, ce qui permettrait de déduire qu'il a dû négocier sa libération anticipée en échange d'une collaboration future. De plus, les hypothèses entrent en contradiction avec les informations sûres de la PJF, auxquelles le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» se réfère également (voir ch. 2.2.2, let. b, points 2 à 6), selon lesquelles la réduction de peine avait eu lieu en raison de la collaboration avec les autorités de poursuite pénale américaines qui voulaient expulser Ramos parce que ses informations avaient été complètement exploitées. L'analyse effectuée par le secrétariat de

39

En 2002, lorsque les autorités américaines avaient décidé d'expulser Ramos à destination de la Colombie, l'intéressé s'y était opposé en faisant valoir que sa vie aurait été menacée.

A la question de savoir pourquoi, en 2004, la Suisse a tout de même expulsé Ramos à destination de la Colombie, la PJF a expliqué que la sécurité s'était améliorée depuis lors dans ce pays et que Ramos lui-même l'avait évaluée autrement qu'en 2002.

1841

la DélCdG précise que les documents portent également sur une recherche effectuée par des personnes dont l'identité n'est pas connue sur la personne de Dolon Shane Ward, alias Randall S. Bellamy, qui n'a pas de lien manifeste avec Ramos et émane probablement de la même source que les investigations privées sur Ramos. Un article publié par l'Aargauer Zeitung40 qui identifie Bellamy comme l'une des sources d'informations de Ramos à l'origine des soupçons de blanchiment d'argent à l'encontre du banquier H. permet de penser que ces documents américains sont le résultat d'investigations privées menées sur mandat d'un mandant anonyme intéressé à la procédure pénale dont H. fait l'objet. Le rapport du secrétariat de la DélCdG montre en outre que les mêmes documents anonymes américains ont également servi de base aux assertions de la Weltwoche selon lesquelles Ramos aurait été un agent double.41.

Dans leur avis commun, le fedpol, la PJF et le MPC relèvent qu'un magistrat de haut rang, membre des sphères dirigeantes du ministère public américain, avait expressément assuré les collaborateurs du fedpol et de la PJF qui s'étaient rendus aux Etats-Unis afin d'évaluer le crédit et l'utilité potentielle de Ramos, que les autorités de poursuite pénale ne travaillaient plus avec lui, car il ne disposait plus d'informations utiles pour les procédures ressortissant à la juridiction américaine. Ils constatent en outre que les documents en question n'auraient rien changé à la décision d'utiliser Ramos et soulignent qu'en l'occurrence et comme en toute circonstance, la police suisse s'est basée sur sa propre perception de la situation et son propre jugement qu'elle a sans cesse révisé en fonction de l'évolution de la situation.

b. Le rôle du procureur général de la Confédération dans l'engagement et la conduite de Ramos Le rapport intermédiaire «Ramos» présente le rôle du procureur général de la Confédération dans l'engagement et la conduite de Ramos de manière détaillée (voir ch. 2.2.2, let. b, points 1 à 7). L'enquête administrative du DFJP (voir ch. 2.3), qui a en partie porté sur les mêmes questions, parvient aux mêmes conclusions. Selon ces analyses, le procureur général de la Confédération a arrangé un contact avec Ramos parce qu'il l'avait connu lors de sa précédente enquête aux USA et qu'il avait été contacté
par son avocat; il a aussi participé à la décision de principe de faire venir Ramos en Suisse et de le mettre à disposition de la PJF en qualité de personne de confiance. De plus, il a mis à la disposition de la PJF un procureur-conseil pour les questions juridiques. Ensuite, selon les rapports d'enquête, il n'a plus joué aucun rôle dans l'affaire Ramos (voir rapport «Lüthi», pp. 10 et 32).

La sous-commission a entendu le chef de la PJF en fonction lors du démarrage de l'opération, le chef intérimaire de la PJF en fonction de juillet à décembre 2002 ainsi que le chef de la PJF en place depuis 2003, sur les circonstances qui ont conduit à la venue de Ramos en Suisse et sur le rôle que le MPC et le procureur général de la Confédération ont joué ultérieurement dans la conduite de Ramos.

Les auditions ont montré que dans la première phase de planification, les anciens responsables de la PJF étaient d'avis que, sur le principe, la PJF était en mesure de gérer une telle personne de confiance, mais qu'avant de se décider il fallait se rendre aux Etats-Unis pour tirer au clair tous les aspects ayant trait à la confiance qu'il était

40 41

Markus Gisler: Erschreckende Details zum Fall Ramos, Aargauer Zeitung du 6.1.2007.

Daniel Ammann: Neues vom Hexer, Weltwoche du 24.8.2006.

1842

possible de faire à Ramos, aux ressources, aux risques relatifs à la conduite dans le milieu zurichois d'une personne de confiance ayant un passé criminel, aux chances de succès et à l'utilité probable de l'opération. Après un examen approfondi ­ auquel la task force Guest mise en oeuvre par la PJF a participé en envoyant certains de ses membres aux Etats-Unis à l'automne 2002 ­ la PJF et le fedpol étaient disposés à organiser cette opération qui n'aurait pu être initiée sans cette décision, tant il est vrai que sa conduite opérationnelle devait être assurée par la PJF qui avait explicitement accepté d'en assumer seule la responsabilité.

Le fedpol, la PJF et le procureur général de la Confédération ont participé à la décision de principe du 30 août 2002 de faire venir Ramos en Suisse. Après cette décision et pendant toute la durée du séjour de Ramos en Suisse, le procureur général n'est pas intervenu personnellement dans la conduite opérationnelle de ce dernier.

Selon le chef de la PJF, le procureur général a uniquement participé très brièvement à une séance où il était question de prolonger l'opération. Cette séance mise à part, le procureur général n'a, sur le territoire suisse, rencontré Ramos qu'à une seule reprise, ce qu'il a confirmé à la CdG-N. Il s'agit de la rencontre du 20 mai 2003 dans une cabane forestière relatée par la Weltwoche (voir ch. 2.2.3). Selon le procureur général, cette rencontre n'a duré que 10 à 20 minutes et elle n'avait rien à voir avec les aspects opérationnels relatifs aux activités d'information de Ramos, mais concernait des problèmes se rapportant à la sphère privée de ce dernier. Il a précisé qu'il avait fourni toutes les indications utiles sur cette rencontre aussi bien lors de l'enquête conduite par la Cour des plaintes que lors de l'enquête administrative diligentée par le DFJP, ce que la Cour des plaintes et l'expert chargé de l'enquête administrative pour le compte du département ont d'ailleurs confirmé à la CdG-N.

Ces deux autorités ont d'ailleurs estimé que l'importance de cette rencontre était mineure. L'annexe non publiée du rapport «Lüthi» (voir ch. 2.3) dans laquelle l'expert répond aux questions relatives à la conduite opérationnelle de Ramos, mentionne cette rencontre expressément. L'hypothèse de la Weltwoche selon laquelle le procureur général aurait
tu cette rencontre à l'autorité d'instruction et collaboré avec Ramos n'est donc pas confirmée.

c. Les responsabilités du MPC et de la PJF lors de la conduite de personnes de confiance en général et de Ramos en particulier Comme cela ressort du rapport intermédiaire de surveillance, Ramos était une personne de confiance conduite par la PJF et le fedpol, qui l'avaient chargé de recueillir des informations sur le trafic de stupéfiants, le blanchiment d'argent et le trafic d'êtres humains, particulièrement dans le milieu zurichois (voir ch. 2.2.2, let. b, points 10 à 12 et let. f). Au sens du ch. 4.1 des directives de la PJF du 1er juillet 2002 sur le recours à des informateurs et l'engagement de personnes de confiance, la personne de confiance est «un individu qui agit, sous la conduite de la police, selon un mandat bien défini et en respectant des instructions claires.» Le ch. 5.1 de ces directives précise encore que la décision d'engager une personne de confiance est du ressort exclusif de la PJF. Cette catégorie d'informateurs fait partie des instruments mis en oeuvre par la police. Elle est régulièrement mise à contribution dans les cantons, essentiellement dans le domaine de la criminalité liée au trafic de stupéfiants. Les personnes de confiance sont engagées dans le cadre des enquêtes préliminaires de la police judiciaire. Les informations ainsi recueillies ne conduisent à l'ouverture d'une procédure d'enquête judiciaire dirigée par le MPC que lorsque des soupçons suffisants laissent présumer que des infractions ont été commises (art. 101, PPF). Les informations recueillies par les personnes de confiance ne sont pas exploi1843

tables devant les tribunaux et ne sont donc pas versées au dossier de l'enquête, ce que le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» mentionne d'ailleurs expressément (voir ch. 2.2.2, let. e).

Le rapport «Lüthi» relève que, dans le domaine des recherches préliminaires, et partant de l'engagement des personnes de confiance, la délimitation des responsabilités entre le MPC et la PJF n'est pas suffisamment claire (voir rapport «Lüthi», pp. 12 ss.). En ce qui concerne l'affaire Ramos, le rapport «Lüthi» confirme que la PJF a conduit et encadré Ramos conformément aux directives de la PJF.

Lors des auditions par la sous-commission, la direction de la PJF a confirmé que la responsabilité de la conduite des personnes de confiance lui incombe et que l'opération Ramos n'a pas fait exception à cet égard et qu'elle a également dirigé la task force Guest. Dans certains documents portant sur la phase préparatoire de l'opération, la PJF exprime toutefois le souhait de voir le MPC assumer la responsabilité globale. A ce sujet, les représentants de la PJF ont déclaré que le MPC devait assumer la responsabilité pour ce qui concerne certains aspects juridiques de l'opération tels que la question du séjour en Suisse, mais que la responsabilité de la conduite de Ramos dans le cadre fixé était assumée par la PJF.

2.2.5

Constatations et appréciations de la CdG-N

L'examen de la Cour des plaintes et l'enquête complémentaire de la CdG-N ont donné lieu aux constatations suivantes: ­

Ramos n'a pas été engagé en qualité d'agent infiltré, mais en tant que personne de confiance. Conformément à ce statut, il n'a pas été dirigé par le MPC, mais par la PJF qui avait fixé des conditions très strictes et qui l'avait soumis à une surveillance permanente. Comme cela lui incombait, le MPC a vérifié que l'opération respectait bien le cadre légal et est parvenu à la conclusion que le recours à Ramos en tant que personne de confiance était conforme au droit en vigueur.

­

Ramos a été transféré des Etats-Unis afin de servir de personne de confiance à la PJF à l'initiative du procureur général de la Confédération. La PJF a assumé seule la responsabilité de sa conduite et de son engagement.

­

La conduite et l'engagement d'une personne de confiance relevant exclusivement de la police, la CdG-N ne comprend pas pourquoi le procureur général de la Confédération a rencontré Ramos dans une cabane forestière afin de discuter de problèmes se rapportant à la sphère privée de ce dernier.

­

La CdG-N ne dispose d'aucun indice permettant de conclure que Ramos travaillait également pour les autorités de poursuite pénale américaines ou qu'il agissait pour leur compte.

­

Lors de l'examen de l'engagement de Ramos par la PJF, les instruments d'investigation de la CdG-N ont atteint leurs limites. Pour des raisons liées à la protection de la personnalité des enquêteurs de police et au secret de l'instruction, la CdG-N n'a pas pu vérifier elle-même tous les résultats concernant l'engagement de Ramos contenus dans les rapports d'enquête «Ramos» et «Lüthi».

1844

Au mois d'août 2007, le MPC avait ouvert neuf procédures judiciaires sur la base des informations procurées par Ramos. Quatre d'entre elles ont été suspendues (en application de l'art. 6 PPF). L'une d'entre elles est actuellement encore en suspens auprès du MPC qui prévoit de présenter à l'OJI une demande d'ouverture d'instruction préparatoire au cours du troisième trimestre 2007. Deux autres procédures sont en suspens auprès de l'OJI. L'instruction préparatoire des deux dernières de ces neuf procédures est close. L'une de ces procédures a donné lieu à une mise en accusation et, dans son jugement, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a prononcé des peines de réclusion de plusieurs années. Le MPC s'est pourvu en nullité contre ce jugement en première instance de la Cour des plaintes, pourvoi partiellement admis par le Tribunal fédéral. La Cour des plaintes doit donc rejuger cette affaire. Quant à la dernière de ces neuf procédures, la mise en accusation est en cours; le MPC a attendu l'issue de son pourvoi en nullité dans l'affaire précédente avant de continuer la procédure.

La réponse à la question de savoir si, mesuré à l'aune des résultats obtenus, l'engagement de Ramos était opportun et adéquat dépend du point de vue et des priorités définies en matière de poursuite pénale. Pour les autorités de poursuite pénale, l'engagement de personnes de confiance constitue un moyen d'enquête usuel, voire indispensable pour les délits tels que le blanchiment d'argent, le crime organisé et le financement du terrorisme. D'un point de vue politique, la personne de confiance est sujette à controverses. Le rapport «Lüthi» déplore le manque de clarté de la réglementation actuelle du recours à des personnes de confiance (voir ch. 2.3.2). Le chef du DFJP a chargé la commission de projet responsable du ProjEff2 d'examiner l'opportunité des dispositions en vigueur et le cas échéant de présenter une proposition judicieuse.

La CdG-N a constaté que la marge de manoeuvre relative à l'engagement de personnes de confiance est très large. Elle est d'avis que l'engagement et le contrôle des personnes de confiance dépassent le cadre d'une simple directive de la PJF et qu'il y a lieu de créer une base légale formelle qui fasse une distinction claire entre personne de confiance et agent infiltré et qui règle clairement
les conditions d'engagement et le contrôle de personnes de confiance.

La CdG-N a été étonnée que, en se basant sur des documents américains de source anonyme transmis au président de la Cour des plaintes par le conseiller national J. Alexander Baumann, la Cour des plaintes ait ajouté dans son rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» la présomption selon laquelle Ramos, pendant son séjour en Suisse, travaillait aussi pour les autorités de poursuite pénale américaines. Le rapport ayant déjà été adopté, les autorités concernées n'ont pu donner leur avis ni sur ces documents de source anonyme, ni sur les évaluations auxquelles ils ont donné lieu (voir ch. 2.2.2, let. c, et 2.2.4, lettre a). Certes, le rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» décharge simultanément le MPC et la PJF lorsqu'il constate qu'il n'existe aucun élément permettant de conclure que le MPC ou la PJF ont eu connaissance de ces activités ou les ont tolérées. Il n'empêche que, par cette affirmation non vérifiée, le rapport a créé un terrain favorable pour les spéculations relatives à une prétendue duplicité de Ramos.42

42

Andrea Bleicher et Andreas Windlinger: Jetzt ist es offiziell: Ramos war ein Doppelagent, SonntagsZeitung du 4.2.2007.

1845

Solicitée plusieurs fois par la CdG-N, la Cour des plaintes a refusé de lui accorder le droit de consulter les documents relatifs à cet ajout au rapport intermédiaire de surveillance alors même que ce droit est inscrit dans la loi sur le Parlement.43 Alors que la commission avait exigé qu'une décision de la cour lui soit produite, elle n'a reçu qu'une lettre signée par le président de la Cour des plaintes et un greffier, ne faisant aucune référence à une décision de la cour qui plus est. Le président de la Cour des plaintes a indiqué que le passage en question avait été adopté par voie de circulation. Il subsiste donc un doute quant à la question de savoir si les membres de la cour ont ou non ratifié cet ajout au rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» en pleine connaissance de cause.

La CdG-N constate qu'en ajoutant ce passage ultérieur, la Cour des plaintes a contrevenu au droit d'être entendu du MPC et de la PJF et a, de surcroît, manqué de diligence dans le traitement de documents anonymes inutilisables en tant que moyens de preuve.

2.2.6 9.

Conclusions de la CdG-N relatives au rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» Il ressort du rapport intermédiaire «Ramos» que le MPC et la PJF ont respecté le cadre légal en vigueur en ce qui concerne l'engagement et la conduite de Ramos en sa qualité de personne de confiance.

10. La CdG-N ne peut pas juger de l'opportunité de l'engagement de Ramos; la réponse à cette question dépend en effet du point de vue et des priorités définies en matière de poursuite pénale.

11. La CdG-N conclut de son analyse qu'il est indispensable de créer une base légale formelle régissant l'engagement de personnes de confiance.

2.3

L'enquête administrative au sein du Ministère public de la Confédération (rapport «Lüthi»)

2.3.1

Motifs et genèse

Après la publication par la Weltwoche du 1er juin 2006 d'un article formulant de graves accusations à l'encontre du MPC au sujet de l'engagement de Ramos en qualité de personne de confiance, le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral sont convenus, le 5 juin 2006 (lundi de Pentecôte), de procéder à un examen extraordinaire de l'activité du MPC dans le cadre de leur fonction de surveillance administrative et judiciaire (voir ch. 2.2.1). Le 14 juin 2006, le chef du DFJP a chargé l'avocat bernois Rolf Lüthi de procéder à une enquête administrative, en particulier d'examiner, dans une première phase, la mise en oeuvre et le mode de travail de la task force Guest de la PJF qui a conduit et encadré Ramos puis, dans une seconde phase, d'apporter, sur la base des éléments réunis dans la première phase, des réponses aux questions concernant l'organisation et la conduite du MPC ainsi que le déroulement des procédures.

43

Art. 153, al. 4, 1re phrase, et al. 5, LParl.

1846

Le chargé d'enquête a remis son rapport (ci-après: rapport «Lüthi») au DFJP le 15 septembre 2006. Ce rapport a été publié le 29 septembre 2006.44

2.3.2

Conclusions du rapport

A l'issue de la phase I de l'enquête administrative portant sur la mise en oeuvre et le mode de travail de la task force Guest de la PJF, le chargé d'enquête a constaté que Ramos a agi en qualité de personne de confiance et qu'il a été dirigé et encadré par la PJF conformément aux directives correspondantes. Il constate en outre que la PJF a vérifié la crédibilité de Ramos et l'opportunité de son engagement de manière approfondie avant de prendre la décision de principe de le faire venir en Suisse. La PJF a financé l'intégralité des dépenses liées au séjour de Ramos dans le cadre de son budget ordinaire.

Le chargé d'enquête a également relevé que le procureur général de la Confédération a fait la demande à la PJF de faire appel à Ramos en tant que personne de confiance, qu'il a participé à la décision de principe après les vérifications de la PJF et qu'il a mis un procureur à la disposition de la PJF pour lui servir, le cas échéant, de conseil juridique. Le rapport souligne en outre que le MPC n'a pas eu d'autre fonction dans le cadre de l'engagement de Ramos, qu'il n'a pas versé d'argent, que la répartition des tâches était claire et que le déroulement des procédures et les flux financiers ont été formellement corrects.

Une annexe non publiée présente les réponses à une série de questions détaillées relatives à la mise en oeuvre et au mode de travail de la task force Guest, au séjour de Ramos en Suisse, à son recrutement et à sa conduite, ainsi qu'au financement de l'opération (rapport «Lüthi», pp. 10 et 33).

La phase II de l'enquête était consacrée aux questions relatives à l'organisation et à la conduite du MPC et au déroulement des procédures. Dans son rapport, le chargé d'enquête parvient aux conclusions suivantes:

44

­

La délimitation des responsabilités entre la PJF et le MPC avant l'ouverture de la procédure d'enquête judiciaire, c'est-à-dire durant l'enquête préliminaire et les recherches préliminaires, n'est actuellement pas claire et il est donc nécessaire de clarifier rapidement ce point et de le régler à l'échelon de la loi (rapport «Lüthi», pp. 12 à 16 et 34 et s.).

­

Les directives de la PJF ne définissent pas clairement les conditions régissant l'engagement de personnes de confiance et les tâches qui peuvent leur être confiées. Eu égard au fait que le recours à des agents infiltrés fait l'objet d'une réglementation légale depuis 2005, il faut examiner le bien-fondé du statut de personne de confiance et, le cas échéant, le réglementer clairement (rapport «Lüthi», pp. 15 s. et 36).

­

Quant à la question de la régularité du fonctionnement du MPC, le rapport souligne que le développement rapide du MPC et de la PJF et le temps d'arrêt qui a suivi ont provoqué certains problèmes. Le chargé d'enquête a

Rolf Lüthi, Enquête administrative au sein du ministère public de la Confédération du 15.9.2006 (http://www.ejpd.admin.ch/etc/medialib/data/pressemitteilung/2006/pm_ 2006_09_29.Par.0005.File.tmp/060929_ber_luethi-f.pdf).

1847

toutefois constaté que, malgré un cadre difficile, le MPC fonctionne correctement et que son organisation actuelle lui permet d'assurer ses tâches correctement. Le rapport met également les améliorations potentielles en évidence et recommande de provisoirement renoncer à entreprendre de grandes modifications au sein du MPC. Le chargé d'enquête propose d'optimiser l'organisation et les processus et, pour le reste, de passer par une phase de consolidation (rapport «Lüthi», pp. 17 à 19 et 36).

­

L'enquête a permis de mettre en évidence que la suppression de l'instruction préparatoire, et partant de l'OJI, entraineraient de grandes améliorations et simplifications de la procédure pénale. Actuellement, l'OJI ­ dont l'effectif est trop modeste par rapport à celui des instances en amont ­ constitue un goulet d'étranglement, principal responsable du faible nombre d'actes d'accusation transmis au Tribunal pénal fédéral (rapport «Lüthi», pp. 19 s.

et 37).

­

En ce qui concerne les problèmes de conduite au MPC, l'enquête est parvenue à la conclusion que la répartition actuelle des responsabilités de conduite sur quatre niveaux hiérarchiques (procureur général, chefs de ressort, chefs d'antenne et procureurs) en vertu du règlement d'organisation en vigueur, n'est pas adéquate et n'est de ce fait pas respectée. Le règlement assigne au seul procureur général de la Confédération l'exercice de la surveillance judiciaire sur l'activité des procureurs, ce qui, vu le grand nombre de procureurs et d'affaires en cours, l'oblige à se concentrer sur les affaires principales et sur le soutien qu'il doit apporter aux procureurs qui requièrent son appui. Le chargé d'enquête souligne que l'organisation actuelle ne permet par conséquent pas d'assurer l'homogénéité des procédures et recommande de rapidement revoir la répartition des tâches et des responsabilités entre les divers échelons hiérarchiques du MPC (rapport «Lüthi», pp. 22 à 23 et 40 s.).

­

En ce qui concerne l'organisation du MPC, le chargé d'enquête estime que l'introduction par le procureur général de la Confédération de la conduite des procédures pénales en tant que projets est une bonne approche qu'il faut développer, ce qui pourrait par la suite entraîner certaines modifications dans l'organisation du domaine opérationnel du MPC. Il recommande au demeurant de ne pas modifier l'organisation du MPC pour l'instant, afin de permettre une certaine consolidation, et de revoir les conditions de promotion des assistants et des procureurs suppléants. Le rapport conclut en outre à la nécessité des antennes, mais recommande de ne pas les développer (rapport «Lüthi», pp. 23 à 26 et 37 s.).

­

Le rapport d'enquête fait état d'un potentiel d'optimisation dans le domaine de la coopération entre la PJF et le MPC. Par la force des choses, le développement considérable de ces deux unités depuis le début 2002 a entraîné des problèmes internes qui ont eu des répercussions sur l'interaction et la coopération entre la PJF et le MPC. Le rapport mentionne toutefois que la situation s'est améliorée au fil du temps. Le chargé d'enquête recommande d'intensifier la coopération grâce à la conduite des procédures pénales en tant que projets, ce qui devrait notamment conduire à une meilleure planification commune des ressources et à une meilleure adéquation entre le profil d'exigences des enquêteurs de la PJF et les délits à poursuivre en vertu des nouvelles compétences de la Confédération en la matière. Il recommande également de fixer des priorités communes en matière d'enquête et

1848

d'intégrer les enquêteurs financiers et les experts-comptables de la PJF dans le centre de compétence des experts financiers du MPC. En revanche, il rejette l'idée d'une intégration administrative généralisée des enquêteurs de la PJF dans le MPC, mais recommande de procéder à une délimitation claire de leurs responsabilités respectives, non seulement en ce qui concerne les enquêtes préliminaires, mais également dans le domaine des enquêtes de police judiciaire (rapport «Lüthi», pp. 27 à 30 et 39).

2.3.3

Réactions des autorités concernées

Lors des auditions, les représentants du MPC, du fedpol et de la PJF ont déclaré à la sous-commission qu'ils partagent dans une large mesure les conclusions auxquelles le chargé d'enquête est parvenu dans son rapport et se sont déclarés d'accord de mettre ses recommandations en oeuvre. Bien qu'il y ait eu certains recoupements entre l'enquête de la Cour des plaintes et l'enquête administrative concernant l'affaire Ramos, ils se sont félicités de la forte convergence des conclusions des rapports correspondants. Quant à la problématique soulevée par le rapport «Lüthi» concernant la délimitation des responsabilités entre la PJF et le MPC durant l'enquête et les recherches préliminaires, les représentants de la PJF ont estimé que la question avait été réglée depuis lors.

Entre-temps, la commission de projet responsable du ProjEff2 placée sous la présidence de l'ancien conseiller d'Etat zougois Hanspeter Uster a repris les recommandations du rapport «Lüthi».

2.4

L'analyse de situation ProjEff (rapport «Uster»)

2.4.1

Motifs et genèse

Le développement des structures entamé en 2002 dans le cadre de la mise en oeuvre du ProjEff a été bloqué par un temps d'arrêt décidé par le Parlement. Cette interruption arrivant à échéance à la fin de 2006 (voir ch. 1.1 et 2.1.10, let. b), le chef du DFJP a, le 24 février 2006, décidé d'instituer un groupe d'experts, placé sous l'égide de l'ancien conseiller d'Etat zougois Hanspeter Uster, chargé d'analyser la situation de la poursuite pénale à l'échelon fédéral et de présenter des propositions concrètes concernant la suite à donner au développement des autorités de poursuite pénale de la Confédération. L'organisation du projet était constituée d'un comité et de trois groupes de travail dont les membres représentaient toutes les autorités de poursuite pénale de la Confédération et les autorités de poursuite pénale de certains cantons.45 Le 10 juillet 2006, à l'issue des travaux d'analyse, et donnant suite à une requête du comité de projet, le chef du DFJP a décidé de confier le reste des travaux ­ notamment la définition de l'état final, l'élaboration des recommandations et la rédaction du rapport final ­ aux membres externes du comité de projet (les représentants d'autorités de poursuite pénale cantonales), étant donné que la nouvelle solution devait notamment garantir que les recommandations du rapport ProjEff puissent être

45

Composition du comité de projet et des groupes de travail: voir rapport «Uster», p. 11.

1849

discutées et leur mise en oeuvre planifiée dans un cadre dénué de préjugés, objectif et neutre.

Le 7 septembre 2006, le rapport final du comité de projet du 31 août 2006 (ci-après: rapport «Uster») a été remis au DFJP qui l'a publié le 29 septembre 2006.46

2.4.2

Conclusions du rapport

En ce qui concerne l'analyse et l'appréciation de la situation actuelle, le rapport conclut qu'un travail substantiel a été fourni dans le domaine du développement et que, à l'échelon fédéral, la poursuite pénale fonctionne également dans le domaine des nouvelles compétences. Il relève que la création de liens internationaux a déjà atteint un bon niveau, que la coopération avec les cantons est en bonne voie et que l'examen concret de quelques procédures n'a pas permis aux experts externes qui l'ont effectué de trouver des indices de dysfonctionnement ­ structurel ou judiciaire ­ ou d'inefficacité manifestes.47 Le rapport constate toutefois qu'un potentiel d'optimisation demeure et qu'il est encore indispensable d'intervenir dans différents domaines pour atteindre l'objectif fixé.

Le comité de projet voit dans l'instruction pénale à deux niveaux (enquête/instruction préparatoire) instaurée par la procédure pénale fédérale en vigueur, le principal obstacle à un traitement rapide des procédures. La procédure pénale pourrait être notablement accélérée en évitant ce double transfert des dossiers, qui impose chaque fois aux intéressés la lecture de douzaines, voire de centaines de classeurs fédéraux.

Le rapport conclut que le faible nombre d'accusations transmis jusqu'ici est en partie dû à cette procédure à deux niveaux (goulet d'étranglement à l'OJI), aux efforts consacrés au développement des diverses unités organisationnelles et au temps d'arrêt marqué par le Parlement. Le comité de projet note toutefois que des processus pesants, peu rationnels, une forte hiérarchisation comportant plusieurs niveaux de conduite, une lourde charge administrative et une utilisation encore insuffisante des synergies entre les partenaires du ProjEff contribuent également à cette productivité insatisfaisante.

En ce qui concerne la définition de l'état final, le comité de projet réduit à ses membres externes a estimé qu'il ne fallait rien changer au principe, conforme à la Constitution, de la primauté de la poursuite pénale par la justice et la police cantonales.

Afin de délimiter clairement les tâches de chacun et de définir clairement les zones de recoupement, il a proposé la rédaction d'un catalogue de compétences, mesure dont l'essentiel pourrait être mis en place sans modifier la loi. Selon les membres externes, la poursuite pénale fédérale devrait être concentrée sur les affaires com-

46

47

La poursuite pénale au niveau fédéral. Analyse de situation et recommandations du comité de projet «Analyse de situation ProjEff» du 31.8.2006 (http://www.ejpd.admin.ch/etc/medialib/data/pressemitteilung/2006/pm_2006_09_ 29.Par.0004.File.tmp/060929_ber_uster-f_v2.pdf).

Voir rapport «Uster», pp. 26 ss. Les experts ont notamment examiné la procédure à l'encontre de membres des «Hells Angels» que certains médias n'avaient pas hésité à taxer de raté du MPC. L'examen des experts a montré que la suspicion initiale s'était avérée juste, que la procédure était légitime et que, eu égard à l'état des moyens de preuve, il était évident que la volonté justifiée d'aboutir à un résultat sans appel allait de pair avec des charges élevées (p. 27).

1850

plexes exigeant la mise en oeuvre de moyens importants et il faudrait renoncer, par exemple, à traiter des affaires de stupéfiants de moyenne importance. Ces affaires peuvent et doivent être traitées par les cantons. Ils estiment en revanche que la poursuite pénale fédérale doit faire de la criminalité économique un nouveau pôle prioritaire (bien qu'elle n'ait dans ce domaine qu'une compétence facultative) en dirigeant en permanence la procédure pénale des dix plus grandes affaires en cours dans ce pays. En tout état de cause, ces experts recommandent de renoncer (du moins pour l'instant) à entamer une révision de la loi et de conduire les procédures en tant que projets pilotés selon une stratégie supérieure qu'il reste à définir. La conduite des procédures doit être concentrée auprès des procureurs, préparant dans la foulée le terrain pour la mise en oeuvre du nouveau code de procédure pénale suisse qui renforcera les fonctions de conduite du ministère public.

Le rapport propose six modèles susceptibles de permettre la réalisation des objectifs définis (rapport «Uster», pp. 47 à 53).

Le comité de projet a présenté les recommandations suivantes (rapport «Uster», pp. 8, 44 s. et 54 s.): ­

Abroger l'instruction préparatoire le plus rapidement possible en accélérant la modification de la procédure pénale fédérale et en réaffectant les ressources libérées par la suppression de l'OJI au domaine des enquêtes.

­

Le ProjEff doit être poursuivi sur la base du modèle 2 («concentration des forces») décrit dans le rapport. Ce modèle concentre les efforts des autorités de poursuite pénale de la Confédération sur les procédures complexes qui exigent la mise en oeuvre de moyens importants et qui relèvent de la juridiction fédérale proprement dite. La Confédération renonce donc à traiter les affaires de stupéfiants de moyenne importance. Le modèle englobe l'entraide judiciaire active et passive, la lutte contre le terrorisme à l'échelon international, le blanchiment d'argent ainsi que la lutte contre le crime organisé et la criminalité économique, l'accent étant nouvellement mis sur cette dernière. Le modèle s'étend également à la coordination intercantonale et internationale, aux recherches préliminaires ressortissant au domaine des nouvelles compétences, au droit pénal accessoire et aux compétences «classiques» de la Confédération.

­

Les transformations esquissées doivent être réalisées dans le cadre budgétaire actuel (sans réduction supplémentaire). Le comité de projet est d'avis que les mesures d'optimisation et les synergies permettront de compenser les déficits constatés dans les domaines des enquêtes et des examens financiers.

­

Les procédures pénales complexes qui exigent la mise en oeuvre de moyens importants (crime organisé, lutte contre le terrorisme, criminalité économique) doivent être conduites en tant que projets. Il faut poursuivre le développement de ce principe déjà introduit au MPC et en faire un élément central de la réforme.

­

Les prescriptions légales et une stratégie fixant les objectifs à moyen terme des autorités de poursuite pénale de la Confédération (orientation, rôles prioritaires) ­ que le MPC, le fedpol et la PJF devront élaborer ensemble ­ serviront de base au principe de la conduite des procédures en tant que projets.

1851

­

La structure et l'organisation du MPC et de la PJF doivent être adaptées dans la perspective des transformations proposées et en tenant compte du potentiel d'optimisation.

2.4.3

Réactions des autorités concernées

Lors des auditions, les représentants du MPC, du fedpol et de la PJF ont déclaré à la sous-commission qu'ils partagent dans une large mesure les conclusions auxquelles le comité de projet est parvenu dans son rapport et se sont déclarés d'accord de mettre ses recommandations en oeuvre.

Dans un communiqué de presse du 15 décembre 2006, le DFJP s'est dit convaincu que le modèle 2 (concentration des forces) proposé dans le rapport Uster est celui qui permettrait le mieux de garantir l'efficacité et la légalité de la poursuite pénale au niveau fédéral. Il a précisé que ce modèle ne prévoit ni développement, ni démantèlement du ProjEff, mais plutôt une transformation ciblée tenant compte des expériences faites jusqu'ici et remédiant aux lacunes mises en évidence. Il a signalé que le Conseil fédéral avait donné son aval à cette orientation (concentration sur les procédures complexes qui exigent la mise en oeuvre de moyens importants).

Suite à cela, le DFJP a institué un nouveau groupe de projet dirigé par l'ancien conseiller d'Etat zougois Hanspeter Uster (commission de projet du ProjEff2). Le 16 avril 2007, le groupe de projet a remis au DFJP un rapport48 approfondissant l'orientation du modèle 2 tout en tenant compte des résultats du rapport «Lüthi» (voir ch. 2.3). Le Conseil fédéral en a pris connaissance le 4 juillet 2007 et a approuvé les propositions de mise en oeuvre du ProjEff2 présentées par le DFJP. Ce processus de mise en oeuvre sera achevé d'ici fin 2007.

2.5

Constatations et appréciations de la CdG-N relatives aux quatre rapports d'enquête

a. Au sujet des reproches formulés à l'encontre du MPC L'enquête administrative (rapport «Lüthi») et l'analyse de situation ProjEff (rapport «Uster») convergent sur la plupart des points. Ils parviennent notamment tous les deux à la conclusion que, d'une manière générale, le ProjEff avance et les autorités de poursuite pénale de la Confédération, récemment renforcées, fonctionnent correctement, mais qu'il subsiste un certain potentiel d'optimisation en raison du développement rapide des structures et de difficultés de départ qui n'ont rien d'exceptionnel en l'occurrence. Les analyses auxquelles le chargé d'enquête et le comité de projet ont procédé se recoupent largement et ils parviennent à des conclusions et à des ébauches de solutions semblables.

En ce qui concerne les problèmes de conduite au sein du MPC soulevés avant les enquêtes, le rapport «Lüthi» constate que, compte tenu du grand nombre de procu-

48

Rapport de mise en oeuvre; La poursuite pénale au niveau fédéral (projet ProjEff2) du 16.4.2007 (http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/2007/2007-07-04.html).

1852

reurs actuellement au service du MPC, le procureur général de la Confédération n'est plus en mesure d'assurer la conduite judiciaire de chacun d'entre eux comme cela est inscrit dans le règlement, ce qui renforce la position et l'indépendance des procureurs. Lors de son audition, le chargé d'enquête a précisé que, entre-temps, ces problèmes avaient déjà en partie été résolus et qu'ils ne sauraient être à l'origine du retard constaté dans le traitement des affaires. Il a indiqué que la direction du MPC lui avait d'une manière générale fait une très bonne impression, qu'elle disposait d'un grand savoir-faire et faisait preuve d'une grande disponibilité. A l'inverse, dans son rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation», la Cour des plaintes estime que, vu les ressources disponibles, le résultat manifestement insuffisant des autorités de poursuite pénale ne trouve pas d'explication claire et que, en dernier ressort, le procureur général de la Confédération en porte la responsabilité (voir ch.

2.1.4 conclusions). Comme elle l'a déjà relevé plus haut, la CdG-N ne peut objectivement pas tirer de conclusions suffisantes sur le fonctionnement du MPC en raison des lacunes procédurales et judiciaires qui grèvent les résultats du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» (voir ch. 2.1.10 et 2.1.11).

Pour ce qui concerne les résultats de l'enquête sur l'engagement de Ramos en tant que personne de confiance, la CdG-N renvoie à ses constatations et appréciations relatives au rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» (voir ch. 2.2.5).

b. Au sujet de la procédure à deux niveaux et des affaires en suspens auprès de l'OJI Les rapports «Lüthi» et «Uster» concluent tous les deux que le problème actuel de la procédure pénale réside dans la procédure à deux étages (enquête/instruction préparatoire) qui implique que chaque procédure change deux fois de mains (MPC-OJIMPC), ce qui prend un temps considérable. Dans le cadre du suivi de l'évolution du ProjEff, la CdG-N avait depuis longtemps déjà identifié ce problème. Par lettre du 28 mars 2006 adressée à la Commission des affaires juridiques et transmise sous forme de copie à l'attention du chef du DFJP, elle demandait de mettre à profit l'unification du droit de la procédure pénale pour trouver une solution permettant de supprimer
rapidement la phase d'instruction préparatoire.

Les deux rapports ont relevé un problème supplémentaire: le sous-effectif de l'OJI où les procédures s'accumulent, parfois durant plusieurs années. Les premières prescriptions menacent. Fin 2005, 55 instructions préparatoires étaient en suspens et ce nombre est passé à 62 un an plus tard. Selon le rapport «Uster», il faudrait à l'OJI un an et demi pour venir à bout de ces affaires en suspens, et cela en faisant abstraction des nouvelles affaires (rapport «Uster», p. 42). Les conclusions du rapport «Lüthi» vont dans le même sens. Selon le chargé d'enquête, l'effectif de l'OJI est trop modeste par rapport à ceux des instances en amont et les mesures prises jusquelà n'ont pas permis d'éliminer ce goulet d'étranglement. Il estime qu'il aurait fallu engager davantage de juges d'instruction en temps opportun (rapport «Lüthi», p.

20).

Il faut relever ici que la responsabilité de cette situation n'incombe pas à l'OJI qui était subordonné au Tribunal fédéral jusqu'à fin mars 2004 et qui, depuis lors, est soumis à la surveillance judiciaire et administrative du Tribunal pénal fédéral.

Contrairement à la planification de la direction générale du ProjEff, le Tribunal

1853

fédéral avait renoncé à adapter l'effectif de l'OJI avant 2004.49 La CdG-N estime que le problème n'est toujours pas résolu et que le Tribunal pénal fédéral le sousestime, voire le minimise. Alors même que le nombre d'affaires en suspens est passé de 55 à 62, le rapport de gestion 2006 du Tribunal pénal fédéral mentionne qu'il a été possible d'éviter une augmentation de celles-ci (p. 15). Le fait est que le nombre d'affaires en suspens à la fin de 2006 (62) ne ressort pas clairement de la statistique relative à la liquidation des cas (p. 33).

Au vu de la prochaine suppression de l'OJI, la CdG-N se rend bien compte qu'il n'est plus judicieux d'augmenter son effectif. Elle reconnaît également que le Tribunal pénal fédéral, en collaboration avec le MPC, a pris des mesures pour garantir un transfert ordonné du personnel de l'OJI au MPC. Elle estime toutefois que le problème des affaires en suspens auprès de l'OJI est prioritaire et qu'il est indispensable de prendre d'autres mesures afin d'éviter d'éventuelles prescriptions.

c. Au sujet de la réorientation du ProjEff selon le modèle 2 Le modèle 2 du comité de projet «Analyse de situation ProjEff», approuvé par le DFJP, a été développé plus avant par la commission de projet responsable du ProjEff2 et prévoit pour l'essentiel une consolidation du ProjEff sur la base des ressources disponibles après le temps d'arrêt de 2003 et en tenant compte de la légère réduction jusqu'au budget 2006. Le rapport «Uster» montre clairement que le nombre de procédures conduites dépend des moyens disponibles et non du nombre d'infractions commises (rapport «Uster», p. 7). Il faut par conséquent fixer des priorités permettant de choisir les affaires qui seront traitées. Le rapport «Uster» demande que le MPC et le fedpol élaborent conjointement une stratégie fixant les priorités de la poursuite pénale. Le choix des affaires à traiter sera par la suite effectué en fonction de cette stratégie.

La CdG-N se félicite de l'orientation générale des mesures introduites dans le cadre du ProjEff2 afin d'optimiser les procédures et l'efficacité de l'organisation des autorités de poursuite pénale. Elle est en particulier favorable à la suppression de l'instruction préparatoire. Elle rappelle toutefois qu'un pilotage des autorités de poursuite pénale axé uniquement sur la gestion des
ressources pourrait entrer en conflit avec la maxime d'office50 et le principe de la légalité51. Par lettre du 28 octobre 2005, la CdG-N a par conséquent attiré l'attention des commissions des finances des deux Chambres sur le fait que le rapport semestriel du 30 juin 2005 de la direction générale du ProjEff mentionnait que neuf procédures complexes n'avaient pas été entamées et que d'autres n'avaient pas été traitées avec la profondeur voulue par manque de ressources, raison pour laquelle elle demandait que

49

50

51

Lettre du Tribunal fédéral du 30 juin 2003 à l'attention de la CdG, des commissions des finances et du chef du DFJP. Le Tribunal fédéral y faisait part de son intention de n'engager de nouveaux juges d'instruction qu'à partir du moment où 30 affaires seraient en suspens. Voir également rapport «Uster», p. 24.

En vertu de la maxime d'office (principe de l'instruction d'office), l'Etat a non seulement le droit, mais également le devoir de faire exécuter les sanctions pénales d'office (voir notamment Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, 4e éd., 2004, pp. 27 s.).

En vertu du principe de la légalité, les autorités de poursuite pénale sont tenues de poursuivre les infractions portées à sa connaissance lorsque les motifs de soupçon sont suffisants et que les conditions de recevabilité d'un procès sont réunies (Schmid, loc. cit., pp. 31 s.).

1854

soient pris en compte les principes régissant l'Etat de droit lors de l'affectation des ressources.

La CdG-N est acquise à la volonté de la Confédération de diriger les procédures importantes dans le domaine de la criminalité économique et d'obtenir le statut de centre de compétence pour ce genre d'affaires. Il ne faudrait cependant pas oublier que ces procédures sont très complexes qu'elles exigent la mise en oeuvre de moyens importants et que la compétence de la Confédération n'est que facultative dans ce domaine. En revanche, le ProjEff a institué une compétence obligatoire, que la Confédération ne peut en principe pas déléguer aux cantons, pour les délits relevant du crime organisé, du blanchiment d'argent, de la corruption et de la lutte contre le terrorisme dans la mesure où ces infractions dépassent les frontières de la Confédération ou d'un canton. Dans ces domaines, il n'est donc pas question de fixer des priorités à volonté et de choisir quelles procédures seront conduites ou classées tant que des soupçons suffisants subsistent. Il est toutefois prévu de compenser en partie les économies qui doivent être réalisées grâce à une poursuite pénale axée sur des pôles prioritaires (rapport «Uster», p. 52). La CdG-N attache donc une grande importance à ce que, lors de la mise en oeuvre du projet d'efficacité et en particulier lors de l'affectation des ressources, le Conseil fédéral accorde une attention particulière aux exigences découlant des compétences obligatoires de la Confédération et à l'obligation d'agir qui incombe aux autorités de poursuite pénale dans ce domaine.

La CdG-N estime que la stratégie proposée par le rapport «Uster» en matière de lutte contre la criminalité ne saurait être substituée aux compétences obligatoires de la Confédération qui sont inscrites dans la loi. L'opportunité d'une telle stratégie ne fait cependant aucun doute lorsque la loi laisse aux autorités de poursuite pénale une marge de manoeuvre correspondante. La CdG-N estime toutefois que cette stratégie doit être définie à l'échelon du Conseil fédéral et qu'il serait souhaitable qu'elle bénéficie du soutien du Parlement ou de ses organes compétents en la matière.

La CdG-N continuera de suivre la mise en oeuvre du projet d'efficacité selon ses nouvelles orientations.

2.6

Conclusions de la CdG-N

12. Les rapports d'enquête innocentent partiellement le MPC et la PJF des accusations d'inefficacité et des lacunes de conduite formulées à leur encontre.

Les mesures destinées à combler les lacunes organisationnelles constatées ont été prises entre-temps. La CdG-N contrôlera leur mise en oeuvre dans le cadre du suivi du ProjEff2.

13. Après l'agitation qui leur a été préjudiciable, il est important de recréer un nouveau climat de sérénité pour permettre aux autorités de poursuite pénale en général et au MPC en particulier de consolider leurs nouvelles structures, leurs compétences judiciaires et leur pratique. La CdG-N estime qu'il est important de rétablir et de renforcer la confiance dans les autorités fédérales de poursuite pénale.

1855

2.7 Recommandation 1

Recommandations de la CdG-N Créer une base légale régissant l'engagement de personnes de confiance

Le Conseil fédéral veille à la création d'une base légale régissant l'engagement de personnes de confiance dans le cadre de la poursuite pénale.

Recommandation 2

Accorder une priorité élevée à la réduction des affaires en suspens auprès de l'OJI

Le Tribunal pénal fédéral doit accorder une priorité élevée à la réduction des affaires en suspens auprès de l'Office fédéral des juges d'instruction (OJI) et prendre toute mesure utile ­ en collaboration avec les autres autorités de poursuite pénale de la Confédération ­ afin d'éviter la prescription de procédures.

Recommandation 3

Respecter les exigences découlant des compétences obligatoires de la Confédération

Lors de la mise en oeuvre du projet d'efficacité, et en particulier lors de l'affectation des ressources, le Conseil fédéral veille à ce que les autorités de poursuite pénale soient en mesure de remplir leur mission avec la diligence nécessaire dans les domaines soumis à la compétence obligatoire de la Confédération.

Recommandation 4

Définir, à l'échelon du Conseil fédéral, une stratégie supérieure en matière de lutte contre la criminalité

Dans le cadre de la réorientation du projet d'efficacité, le Conseil fédéral définit une stratégie supérieure en matière de lutte contre la criminalité qui bénéficie du soutien du Parlement ou de ses organes compétents en la matière et veille à sa mise en oeuvre.

3

Les circonstances de la démission du procureur général de la Confédération

3.1

Exposé des faits

La CdG-N a examiné les circonstances de la démission du procureur général de la Confédération et est parvenue à la conclusion qu'il y a un intérêt public à la publication de ses observations en la matière.

1856

3.1.1

Introduction

Valentin Roschacher a pris ses fonctions de procureur général de la Confédération en mars 2000 alors que le DFJP était dirigé par la conseillère fédérale Ruth Metzler.

Le procureur général de la Confédération est élu par le Conseil fédéral in corpore pour une période de quatre ans et ne peut être révoqué que par ce dernier. Son deuxième mandat serait arrivé à échéance en décembre 2007.

Le 8 juin 2006, le chef du DFJP a convoqué le procureur général de la Confédération et lui a annoncé sa volonté de résilier les rapports de service le liant à la Confédération. Il lui a remis un avertissement disciplinaire écrit. Ce document, qui fait l'objet d'un examen plus approfondi ci-après (voir ch. 3.1.2.4), blâme et réprimande le procureur général de la Confédération sévèrement et le menace de révocation.

Le 5 juillet 2006, le procureur général de la Confédération a annoncé sa démission avec effet à la fin de 2006. La direction opérationnelle du MPC a été confiée au procureur général suppléant Michel-André Fels avec effet immédiat, Valentin Roschacher limitant ses activités à des affaires stratégiques.

Les événements qui ont précédé la démission du procureur général de la Confédération sont présentés ci-dessous.

3.1.2

Chronologie du conflit entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération

3.1.2.1

Blâme écrit du 9 novembre 2004 après l'affaire Achraf

L'affaire du terroriste présumé Mohamed Achraf, détenu en Suisse en vue du refoulement, avait déjà donné lieu à de grandes divergences de vues entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération. Cette affaire, qui a fait les grands titres des médias durant plusieurs jours, a par la suite fait l'objet d'un examen par la Délégation des commissions de gestion (DélCdG).52 Le chef du DFJP était d'avis que le service de renseignement intérieur (le Service d'analyse et de prévention SAP) avait agi correctement dans l'affaire Achraf tandis que le MPC estimait que le SAP avait trop tardé avant d'informer les autorités de poursuite pénale alors même qu'il disposait depuis plusieurs semaines d'informations constituant des soupçons suffisants qui auraient permis d'ouvrir une enquête judiciaire. Le MPC a ouvert une enquête judiciaire contre Achraf bien que le chef du DFJP y fût opposé. Ce dernier voulait en effet qu'Achraf soit extradé le plus rapidement possible vers l'Espagne en réponse à la demande correspondante du ministre espagnol de la justice, et l'ouverture d'une enquête judiciaire en Suisse pouvait retarder cette extradition. En novembre 2004, le procureur général de la Confédération s'était rendu en Espagne afin de coordonner les enquêtes dans les deux pays. Il avait prévu de tenir une conférence de presse à son retour en Suisse. Le chef du DFJP lui a interdit de tenir cette conférence de presse parce qu'il voulait éviter que le procureur général de la Confédération s'oppose publiquement à l'extradition d'Achraf vers l'Espagne. Le secré-

52

Le dispositif de sécurité de la Suisse et le cas Mohamed Achraf ­ appréciation résumée sous l'angle de la haute surveillance parlementaire. Rapport de la Délégation des commissions de gestion (résumé) du 16.11.2005 (FF 2006 3577).

1857

taire général du DFJP a informé le procureur général de la Confédération, le soir avant son retour en Suisse, qu'il ne pourrait pas tenir la conférence de presse qui avait été convoquée pour le jeudi 4 novembre 2004.

Lors de son retour d'Espagne le 4 novembre 2004, le procureur général de la Confédération a évité les journalistes en raison de cette interdiction. A l'aéroport de Zurich-Kloten, son porte-parole a toutefois répondu à quelques questions concernant l'enquête. Il a notamment déclaré que la rencontre avec les représentants des autorités judiciaires espagnoles avait été constructive et que celles-ci avaient transmis une demande d'entraide judiciaire au procureur général de la Confédération.

Selon le procureur général de la Confédération, le chef du DFJP l'a convoqué à son bureau le 4 novembre 2004 au soir53 et lui a reproché d'avoir tenu une conférence de presse sans s'en être préalablement entretenu avec lui. Le 9 novembre 2004, le procureur général de la Confédération recevait un blâme écrit dans lequel le ministre de la Justice lui faisait en substance part de son irritation en raison de la conférence de presse tenue le jeudi 4 novembre 2004 par le MPC malgré les instructions claires qu'il lui avait fait transmettre. Le ministre de la Justice y précisait encore qu'en sa qualité de chef du MPC, il tenait le procureur général de la Confédération pour personnellement responsable de cette conférence de presse et qu'il estimait que la relation de confiance avec lui s'en trouvait alors pour le moins perturbée, raison pour laquelle il l'avertissait qu'en cas de récidive ou lors du prochain refus de se conformer à des instructions de service, il examinerait l'opportunité d'une action judiciaire, voire la résiliation des rapports de travail.

Le 15 novembre 2004, en prenant position par écrit sur ce blâme, le procureur général de la Confédération a précisé à l'attention du chef du DFJP que l'information du public par le MPC est soumise à la surveillance judiciaire de la Cour des plaintes et que le DFJP n'a aucun pouvoir de lui donner des instructions quant au contenu de l'activité du MPC. Il a relevé que l'information du public sur des procédures pénales en cours découle directement du droit de procédure pénale et a indiqué qu'il avait tenté de joindre le chef du DFJP par téléphone afin de
l'informer directement de ses intentions, mais que ce dernier ne l'ayant pas rappelé, il avait informé le secrétaire général du DFJP, avant de se rendre en Espagne, qu'au vu du grand intérêt manifesté à juste titre par le public pour les menaces liées au terrorisme, il avait décidé d'organiser une conférence de presse à l'aéroport de Zurich-Kloten à son retour d'Espagne afin d'informer le public sur les résultats de la visite rendue au juge d'instruction espagnol en charge du dossier. Le procureur général de la Confédération a ajouté qu'il avait assuré le secrétaire général que le MPC n'aborderait pas la question de l'ouverture d'une enquête et ne répondrait pas à d'éventuelles questions portant sur ce sujet et qu'il l'avait informé que lui-même ne se présenterait pas devant les journalistes, et qu'il avait délégué le porte-parole du MPC à la conférence de presse.

Le chef du DFJP a répondu le 2 décembre 2004 à l'avis du procureur général de la Confédération, lui faisant savoir que la chronologie lui importait peu, qu'elle était partiellement contraire aux faits et qu'en donnant cette conférence de presse malgré l'interdiction qui lui avait été signifiée, il s'était opposé à une instruction de service.

53

Voir également Georges Wüthrich: Bundesanwalt verhindert Terroristen-Auslieferung ­ Justizminister Blocher stinksauer, Blick du 9.11.2004.

1858

3.1.2.2

Menace d'une nouvelle sanction disciplinaire au printemps 2006

Selon le procureur général de la Confédération lui-même, il a été menacé d'une nouvelle sanction disciplinaire après le blâme du 9 novembre 2004. Dans son avis écrit du 15 octobre 2006 établi à l'attention de la CdG-N, il a expliqué en substance ce qui suit: au printemps 2006, le chef du DFJP, en présence du secrétaire général du DFJP, avait exigé de lui qu'il prenne des mesures disciplinaires à l'encontre de son porte-parole suite à un incident qui avait eu lieu au cours de l'été 2005. Il a précisé qu'il avait chargé le président de la Cour des plaintes de tirer l'incident en question au clair, ce que ce dernier avait fait. Là-dessus, le procureur général de la Confédération a répondu qu'il connaissait les faits en question et que, en sa qualité de supérieur hiérarchique direct, il avait procédé à sa propre enquête et était parvenu à la conclusion qu'une mesure disciplinaire aurait été inopportune. Le chef du DFJP lui a rétorqué que le cas échéant, il verrait dans ce refus d'obtempérer une faiblesse du procureur général de la Confédération qu'il n'hésiterait pas à sanctionner disciplinairement. Pour éviter une nouvelle sanction disciplinaire à son encontre, le procureur général de la Confédération a annoncé au chef du DFJP, dans le délai qui lui avait été imparti, qu'il avait sanctionné le porte-parole du MPC d'un blâme écrit.

Dans son avis du 30 octobre 2006 à l'attention de la CdG-N, le chef du DFJP conteste en substance cette présentation des faits de la manière suivante: il n'a en aucune manière chargé le président de la Cour des plaintes d'enquêter sur l'incident de l'été 2005. C'est ce dernier qui l'avait informé en raison de la surveillance personnelle et administrative qui lui incombe. Il a ensuite informé le procureur général de la Confédération que s'il ne tirait pas les conséquences de cet incident, cela signifierait qu'il cautionne le mauvais travail et le comportement du porte-parole du MPC, ce que, en sa qualité de chef du DFJP, il ne saurait tolérer.

L'incident en question était lié à un communiqué de presse publié par l'OJI en été 2005. Un article de la Weltwoche du 30 juin 2005 sur l'affaire H. avait critiqué le MPC pour avoir utilisé un agent infiltré. Cette critique a été reprise par d'autres médias au cours des jours qui ont suivi. Le 8 juillet 2005, l'OJI a publié un nouveau
communiqué de presse à la décharge du MPC. Le 14 juillet 2005, la Weltwoche publiait un article dans lequel elle soupçonnait le porte-parole du MPC d'être l'auteur véritable du communiqué de presse publié à la décharge du MPC. Ce dernier a démenti avoir rédigé ce communiqué. L'OJI a confirmé cette présentation des faits à l'attention de la CdG-N.

3.1.2.3

Publication sur l'affaire Ramos et enquêtes extraordinaires au cours de l'été 2006

Le 1er juin 2006; publication de l'article de la Weltwoche «Er ist sein heikelster Fall» et réactions au DFJP. Dans un article publié le 1er juin 2006, la Weltwoche a formulé de graves accusations à l'encontre du procureur général de la Confédération concernant la procédure contre le banquier privé H. La Weltwoche reprochait au procureur général de la Confédération d'avoir recruté Ramos, condamné aux EtatsUnis pour trafic de drogue, pour lui servir d'informateur et infiltrer la place financière suisse. Bien que, selon la Weltwoche, les informations fournies par Ramos aient été sans valeur, le MPC l'avait utilisé pour faire tomber H., ruinant du même coup 1859

l'oeuvre de sa vie (voir ch. 2.2 consacrée au rapport intermédiaire de surveillance «Ramos»).

Le tour d'horizon de la presse du jour, préparé par le service d'information du DFJP et remis au chef du DFJP avant 10 heures comme à l'accoutumée, mentionnait l'article de la Weltwoche en quatrième position et constatait en substance que la Weltwoche poursuivait de toute évidence sa croisade contre le MPC et que l'article en question concernait une fois de plus l'affaire du banquier privé H. Là-dessus, le chef du DFJP a ordonné de requérir l'avis du procureur général de la Confédération à ce sujet pour le jour suivant, ce qui est d'usage au DFJP lorsqu'une publication concerne le département. En revanche, l'avis de la PJF, autorité également mentionnée par l'article de la Weltwoche, n'a été requis que plus trad.

Le même jour, l'inspectorat du secrétariat général du DFJP a été chargé d'examiner si les accusations portées par la Weltwoche pouvaient justifier une enquête administrative et à quels autres moyens d'action le département pourrait recourir.

Le 2 juin 2006; rapport et proposition du procureur général de la Confédération. Le 2 juin 2006, conformément à la demande du département, le procureur général de la Confédération a remis au secrétaire général un rapport sur l'article de la Weltwoche à l'attention du chef du DFJP. Il y mentionne en substance que, comme l'article le signale, une procédure pénale a été ouverte à l'encontre de H. Il rappelle en outre que, comme l'art. 102quater, al. 1, let a, de la loi fédérale sur la procédure pénale l'y autorise54, il avait informé oralement le conseiller fédéral Blocher sur cette affaire au cours de l'hiver 2004. Le procureur général de la Confédération indique que le conseiller fédéral Blocher n'avait explicitement pas voulu connaître plus de détails sur cette affaire, notamment parce qu'il connaissait H. personnellement, raison pour laquelle il (le procureur) lui avait alors proposé d'informer son suppléant. Il avait toutefois précisé que l'affaire avait été transmise à l'OJI deux ans plut tôt, raison pour laquelle il ne pouvait plus donner de renseignement (ouverture de l'instruction préparatoire).

Le rapport du procureur général de la Confédération contient en outre des informations sur l'engagement de personnes de confiance par la police en général
et sur l'engagement de Ramos en particulier. Le procureur général y souligne que les assertions de l'article de la Weltwoche, dont l'auteur prétendait que l'engagement de Ramos était entaché de mensonges et n'avait conduit à aucun résultat, étaient fausses et que, au contraire, le MPC était en train de conduire plusieurs procédures sur la base de soupçons suffisants. Quant au recours à des informateurs transmettant à la police des informations sur des délits, le procureur général a expliqué qu'elles sont étroitement encadrées par la PJF et qu'elles n'agissent jamais en dehors de la légalité. Le procureur général a en outre ajouté quelques informations sur Ramos dont le séjour en Suisse avait été organisé par la PJF et le fedpol et a indiqué que, le jour même, la Cour des plaintes avait réagi officiellement aux questions soulevées par la presse et déclaré qu'il n'y avait pas lieu de prendre des mesures de surveillance particulières et que l'affaire H. était soumise à sa surveillance ordinaire, au même titre que les autres affaires en cours.

54

En vertu de cette disposition, le MPC a le droit de communiquer au Conseil fédéral des données afférentes aux recherches de la police judiciaire tant que l'instruction préparatoire n'a pas été ouverte.

1860

En conclusion à son rapport, le procureur général de la Confédération propose au chef du DFJP d'informer le Conseil fédéral oralement au sens de l'art. 102quater de la loi fédérale sur la procédure pénale.

Le 2 juin 2006; avis de l'inspectorat du secrétariat général du DFJP au sujet des moyens d'action du DFJP. L'inspectorat a informé le secrétaire général du DFJP qu'il était parvenu à la conclusion provisoire qu'une enquête administrative sur la procédure en cours à l'encontre de H. était exclue et qu'il fallait encore examiner si une telle enquête pouvait porter sur la question plus générale concernant les modalités régissant l'engagement d'informateurs (choix des informateurs, ordre de mission, rémunération, etc.). L'inspectorat a indiqué que le département pouvait en tout temps demander au MPC de l'informer de son plein gré lors d'un entretien ou en répondant à un catalogue de questions. Il a en outre recommandé au département de requérir également l'avis de la PJF sur le séjour d'Alex55 et la task force Guest afin de ne pas s'exposer à une nouvelle critique qui aurait pu reprocher au DFJP, dont le chef est seul compétent en matière de surveillance de la PJF, de ne pas avoir enquêté sur ces accusations.

Le 4 juin 2006; fax d'information du secrétaire général du DFJP à l'attention du chef du DFJP. Le secrétaire général du DFJP avait été chargé de présenter une proposition sur la manière de réagir envers le MPC étant donné qu'après le public, par médias interposés, le Parlement s'était lui aussi mis à s'intéresser à l'affaire H. et au baron de la drogue Alex. Dans le fax d'information adressé au chef du DFJP à Pentecôte, le secrétaire général a rappelé que l'article du 31 mai 200656 indiquait que le MPC avait utilisé un baron de la drogue en tant qu'informateur, que l'avis du MPC était parvenu au DFJP le vendredi soir et qu'il avait également contacté le président de la Cour des plaintes en sa qualité de responsable de l'organe de surveillance judiciaire du MPC afin de discuter de la suite à donner à l'affaire. Le secrétaire général indiquant dans son fax qu'il était d'avis que le département devait réagir et proposait d'organiser une séance à laquelle participeraient également le président de la Cour des plaintes, le responsable de l'information du DFJP et, éventuellement, un juriste de l'Office
fédéral de la justice (OFJ). Selon lui, la publication le lundi aprèsmidi déjà d'un communiqué de presse indiquant les mesures que le DFJP, voire le Tribunal pénal fédéral entendaient prendre, empêcherait les députés ­ la session allait débuter le mardi ­ de s'immiscer n'importe comment dans cette affaire. En annexe à son fax, le secrétaire général a transmis au chef du DFJP l'avis du procureur général de la Confédération et le rapport du 2 juin 2006 de l'inspectorat du secrétariat général du DFJP.

Le 5 juin 2006 (lundi de Pentecôte); décision d'ouvrir des enquêtes extraordinaires au sein du MPC. Le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral se sont rencontrés le 5 juin 2006 à Rhäzuns et ont décidé de procéder à un examen extraordinaire du MPC, chacun dans son domaine de compétence respectif (voir ch. 2.2 et 2.3). Le DFJP a publié le communiqué de presse correspondant à 17 heures en précisant que la décision avait été prise en réaction aux divers reproches internes et externes formulés à l'encontre du MPC.

55 56

Pseudonyme donné à Ramos.

En fait, l'article était paru dans la Weltwoche du jeudi 1er juin 2006.

1861

Le chef du DFJP a tenté de joindre le procureur général de la Confédération l'aprèsmidi même afin de l'informer de cette décision. A plusieurs reprises, le secrétaire général du DFJP a tenté de joindre le procureur général par téléphone. Il lui a laissé trois messages sur la boîte vocale de son téléphone portable le priant de le rappeler.

Le procureur général de la Confédération n'a pas rappelé le secrétaire général, car il n'était pas joignable cet après-midi-là pour cause de maladie (forte migraine).

Les 6 et 7 juin 2006; convocation du procureur général de la Confédération à un entretien. Le lendemain du lundi de Pentecôte, le 6 juin 2006, à 8 heures, le secrétaire général du DFJP a transmis au procureur général de la Confédération par courriel une copie du communiqué de presse publié la veille et a précisé à son attention qu'il avait cherché à le joindre à plusieurs reprises, au téléphone et par SMS, qu'il lui avait laissé deux messages sur la boîte vocale lui demandant de rappeler en tout état de cause, en vain. Il a ajouté qu'il trouvait ce silence d'autant plus incompréhensible que, jusque-là, le procureur général l'avait toujours rappelé très rapidement.

Le procureur général de la Confédération n'ayant toujours pas rappelé le secrétaire général au cours de la matinée du 6 juin 2007, et cela malgré l'urgence du message laissé à sa secrétaire, le secrétaire général du DFJP a décidé de lui téléphoner une fois de plus à 14 h 30. Ayant réussi à le joindre, il l'a informé que le chef du DFJP désirait le rencontrer le 7 juin 2006, de 8 à 11 heures. Selon le secrétaire général du DFJP, le procureur général de la Confédération lui a répondu qu'il devait à ce moment-là participer à une séance qui ne pouvait être renvoyée, qu'à l'issue de celle-ci, il devait se rendre à une consultation médicale et que ses disponibilités ne lui permettaient pas d'accepter de rendez-vous durant la semaine en cours. Après s'être entretenu avec le chef du DFJP, le secrétaire général a envoyé un courriel au procureur général lui proposant d'autres rendez-vous durant les heures creuses et lui impartissant jusqu'au 7 juin 2006 à midi pour lui confirmer l'un des rendez-vous.

Le 7 juin, une minute avant midi, le chef d'état-major du MPC a prié le secrétaire général du DFJP de bien vouloir prolonger le délai, car le
procureur général n'avait pas encore été en mesure de lire son courrier électronique. Le secrétaire général a prolongé le délai jusqu'à 15 heures. A 14 h 32, le chef d'état-major a confirmé par courriel que le procureur général pouvait rencontrer le chef du DFJP le 8 juin 2006 à 19 heures. Il a ajouté que le procureur général partait du principe que l'entrevue n'aurait d'autre participant que le chef du DFJP et lui-même et qu'il aimerait être prévenu si tel ne devait pas être le cas. Le secrétaire général du DFJP a fait savoir au procureur général que lui-même et le chef du service juridique du DFJP seraient également présents, mais n'a donné aucune information quant au contenu de la discussion. Le procureur général de la Confédération en a déduit qu'il allait être question d'une nouvelle mesure disciplinaire, raison pour laquelle il a demandé à son avocat de l'accompagner à la séance.

Le 7 juin 2007 à 13 heures, le secrétaire général du DFJP a appris d'une collaboratrice du MPC qu'à 9 h 30, celle-ci s'était entretenue personnellement avec le procureur général dans les locaux du MPC. Le secrétaire général a indiqué en avoir déduit que, ce matin-là, le procureur général aurait certainement eu le temps de le rappeler pour fixer un rendez-vous.

Le 6 juin 2006; avis du fedpol et de la PJF sur les articles concernant Ramos. Le secrétaire général du DFJP avait demandé par téléphone au fedpol de prendre position sur les articles concernant l'affaire Ramos ainsi que sur l'avis du MPC du 2 juin 1862

2006 relatif à l'article de la Weltwoche. Le rapport du fedpol et de la PJF du 6 juin définit ce qu'il faut comprendre par informateur, personne de confiance et agent infiltré. Pour le fedpol et la PJF, la personne de confiance renseigne la police, mais les informations qu'elle fournit ne sont pas versées au dossier de la procédure pénale, raison pour laquelle le recours à une personne de confiance n'est à juste titre pas mentionné dans le dossier de la procédure entamée contre H. Le rapport du fedpol et de la PJF indique que la conduite technique et tactique de la personne de confiance incombe à la PJF et est régie par une directive interne de la PJF. Le rapport aborde encore brièvement les travaux préparatoires qui ont précédé l'engagement de Ramos, la mise en oeuvre d'un groupe de travail ainsi que la durée de l'engagement de Ramos en Suisse. Il parvient à la conclusion que la conduite technique et tactique de Ramos était conforme au droit et aux directives du chef de la PJF et en permanence accordée ­ dans le cadre du groupe de travail ­ avec la procédure dirigée par le MPC.

Le 6 juin 2006; interview du procureur général de la Confédération par le TagesAnzeiger57. Le Tages-Anzeiger paru le 6 juin 2006, le lendemain du weekend de Pentecôte, a publié une interview du procureur général de la Confédération dans laquelle le procureur général est pour la première fois intervenu publiquement sur les accusations formulées à son encontre par la Weltwoche en liaison avec l'affaire Ramos. Il y a confirmé la mise en oeuvre de la task force Guest qui a dirigé un ancien trafiquant de drogue colombien engagé sur le territoire suisse en tant qu'informateur. Répondant aux questions du Tages-Anzeiger, il a précisé que luimême n'avait joué qu'un rôle d'intermédiaire initial permettant d'établir les contacts avec la PJF. Il a en revanche contesté avoir personnellement coopéré avec Ramos, de l'avoir embauché pour infiltrer la place financière suisse, de lui avoir fait confiance et d'avoir passé un marché avec lui. Il a, lui aussi, insisté sur le fait que la conduite des informateurs est du seul ressort de la PJF. A la question de savoir s'il était exact que, comme la Sonntagszeitung l'avait publié, le conseiller fédéral Blocher lui avait demandé un rapport sur l'affaire H., le procureur général a répondu qu'il
n'avait pas voulu informer le chef du DFJP, car début 2004, celui-ci avait expressément renoncé à être informé sur cette procédure, raison pour laquelle il avait proposé de renseigner le ministre de la Justice suppléant. Le procureur général n'a en revanche pas voulu répondre à la question du Tages-Anzeiger qui lui demandait si le chef du DFJP était neutre en cette affaire.

Le 7 juin 2006; examen concernant la résiliation des rapports de travail du procureur général de la Confédération. Après la décision du 5 juin 2006 d'ouvrir des enquêtes extraordinaires au sein du MPC, le service juridique du DFJP a été chargé de présenter les modalités envisageables de cessation des rapports de travail du procureur général de la Confédération. Le projet de proposition que le service juridique a remis au secrétaire général du DFJP indique en substance que plusieurs circonstances permettent de conclure à l'existence de graves problèmes de conduites et au manque de savoir-faire correspondant. Il présente plusieurs modalités envisageables, soit la résiliation immédiate des rapports de travail pour refus de dialoguer avec le chef du DFJP, la résiliation ordinaire, la modification des rapports de travail

57

Hanspeter Bürgin und Christina Leutwyler: Ich war in der Rolle des Türöffners, Tages-Anzeiger du 6.6.2006.

1863

et la mise en congé. Le projet fait état de plusieurs problèmes: 1. l'attitude de refus du procureur général de la Confédération qui, après avoir fait l'objet d'un blâme, peut conduire à la résiliation (immédiate) des rapports de travail, 2. les dispositions à prendre en vue de l'enquête extraordinaire susceptible d'aboutir à une mise en congé du procureur général de la Confédération et 3. l'existence de motifs de résiliation ordinaire révélés par l'enquête. Au sujet de ce troisième point, le service juridique du DFJP a ajouté qu'il y a risque d'«éclatement prématuré», en particulier si la déclaration du procureur général selon laquelle les contacts avaient eu lieu entre Alex et la PJF, donc le DFJP, et non pas entre Alex et le MPC, s'avère fondée. Une note, datée du 7 juin 2006, comportant des informations générales sur la résiliation des rapports de travail conclus pour une période de fonction limitée a été annexée au projet de proposition.

3.1.2.4

Blâme et sévère réprimande du 8 juin 2006

Après les atermoiements décrits ci-dessus, la rencontre entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération, en présence de l'avocat de ce dernier, du chef du service juridique du DFJP et du secrétaire général du DFJP a finalement eu lieu le jeudi 8 juin 2006, à 19 heures. Le chef du DFJP a déclaré au procureur général de la Confédération qu'il était exclu qu'il continue de travailler avec lui, qu'il considérait qu'une telle collaboration était devenue impossible et qu'il allait informer le Conseil fédéral de sa volonté de résilier les rapports de travail avec le procureur général.

Pour sa part, le procureur général de la Confédération a déclaré qu'il estimait possible de poursuivre la collaboration avec le chef du DFJP.

Lors de cet entretien, le chef du DFJP a remis par écrit au procureur général de la Confédération un blâme et une sévère réprimande. Dans ce document daté du 8 juin 2006, le chef du DFJP qualifie de grave la polémique sur la scène publique autour de la personne du procureur général de la Confédération et du MPC et de grand le risque de voir leur crédibilité pour le moins remise en doute. Le ministre de la Justice y souligne également que le procureur général de la Confédération lui avait remis une note peu consistante au lieu de prendre position sur les accusations publiées par la Weltwoche et a, sans l'en informer, fait publier sa version des faits dans le Tages-Anzeiger, donnant à l'occasion de cette interview des réponses qu'il avait refusées au chef du DFJP. Il constate que, par son attitude, le procureur général a empêché le département de se sortir d'une situation délicate et qu'en étant injoignable le lundi de Pentecôte il a empêché le ministre de la Justice de réagir à la polémique, contrevenant ainsi aux instructions en matière de joignabilité (Weisungen über die telefonische Erreichbarkeit, disponibles en langue allemande uniquement). Dans sa réprimande, le chef du DFJP a souligné que, durant la semaine en cours, le procureur général de la Confédération avait prétendu ne pas disposer du temps nécessaire à un entretien, ce qui constitue à ses yeux un refus de se conformer à une instruction.

Il relève en outre que, lors de l'interview accordée au Tages-Anzeiger, le procureur général avait fait des déclarations au sujet d'autres unités organisationnelles du
DFJP sans respecter le principe de la collégialité, donnant ainsi l'impression de remettre en cause la neutralité du ministre de la Justice dans une affaire conduite par le MPC, et cela sans même avoir auparavant ne serait-ce que discuté ce point avec lui. Le chef du DFJP conclut que, eu égard à ces constatations, il estime impossible de poursuivre la collaboration avec le procureur général de la Confédération.

1864

Le document se termine ainsi (traduction): «Au vu de ce qui précède, je vous inflige une sévère réprimande et un blâme au sens de l'art. 12, al. 6 et 7, de la loi sur le personnel de la Confédération (LPers). Je considère qu'il n'y a plus de rapports de confiance entre nous et, partant, qu'une collaboration loyale n'est plus possible.

J'exige en outre de vous que vous vous conformiez dès cet instant à mes instructions (joignabilité) et que vous n'organisiez plus de conférence de presse sans avoir préalablement consulté le département. [...] Si de telles circonstances devaient se répéter ou si vous deviez vous soustraire à mes instructions explicites, je me verrais dans l'obligation de requérir auprès du Conseil fédéral la résiliation de vos rapports de travail, le cas échéant avec effet immédiat. J'informerai le Conseil fédéral du contenu du présent document lors de la séance du 9 juin 2006.»

3.1.2.5

Information du Conseil fédéral lors de la séance du 9 juin 2006

Dans une note d'information écrite remise le 9 juin 2006, le chef du DFJP a informé le Conseil fédéral sur les enquêtes extraordinaires au sein du MPC, voire de la PJF également concernée, décidées le 5 juin 2006 d'un commun accord avec la Cour des plaintes. Dans cette note, le ministre de la Justice a précisé qu'une intervention était de toute évidence indispensable et que ces procédures avaient pour seul but d'établir les faits et que des mesures disciplinaires, administratives ou de surveillance demeuraient réservées. Dans le cadre de la procédure de co-rapport, le chef du Département fédéral de l'intérieur (DFI) a soumis des questions écrites concernant le MPC.

Il voulait notamment savoir s'il était exact que les milieux bancaires avaient exercé une pression inhabituellement forte sur le MPC, si d'éventuels désaccords personnels entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération avaient pu influer d'une manière ou d'une autre sur cette affaire et s'il était exact que le chef du DFJP avait demandé un rapport sur l'affaire H. Il voulait également savoir ce qu'il fallait penser de l'avis du juge d'instruction qui estimait que l'affaire H. n'aboutirait sans doute pas à un échec et ce qu'il fallait conclure du fait que le procureur général de la Confédération était disposé à informer le suppléant du chef du DFJP, mais pas le chef du DFJP lui-même. Le ministre de la Justice a assuré son collègue de l'intérieur que le DFJP répondrait à ces questions par voie écrite. Selon le secrétaire général du DFI, son département n'a jamais reçu de réponse à ces questions.

Répondant à la demande de la sous-commission, la présidente de la Confédération a, par lettre du 26 janvier 2007, informé la CdG-N sur divers objets ayant trait au MPC que le Conseil fédéral a traités lors de sa séance du 9 juin 2006. Il ressort de cette lettre que lors de ladite séance, le chef du DFJP a informé le Conseil fédéral, par écrit et oralement, sur son intention de diligenter une enquête administrative. Le Conseil fédéral a en outre brièvement discuté de la position institutionnelle du MPC et a constaté que cette dernière était susceptible de poser problème en matière de conduite et de surveillance.

1865

3.1.2.6

Préparatifs du secrétariat général du DFJP en vue du départ du procureur général de la Confédération

Du 19 au 29 juin 2006, le secrétariat général du DFJP a poursuivi l'examen de la résiliation des rapports de travail du procureur général de la Confédération ordonné au lendemain de la décision du 5 juin 2006 de procéder à des enquêtes extraordinaires au sein du MPC. La négociation d'une convention de départ a également été entamée avec l'avocat du procureur général de la Confédération.

Par courriel du 19 juin 2006, le secrétaire général du DFJP a chargé le chef du service juridique du DFJP de lui présenter le plus rapidement possible une présentation des solutions envisageables et, notamment, des solutions tenant compte d'une indemnité de départ dont les modalités ressortiraient à la compétence du chef du DFJP et de la situation du moment.

En guise de préliminaire, la proposition correspondante du 29 juin 2006 que le secrétariat général a présentée au chef du département résume en substance la situation de la manière suivante: le chef du département a été obligé de rappeler le procureur général de la Confédération à l'ordre à plusieurs reprises. Les rapports de confiance entre les deux hommes ont été définitivement altérés. Du point de vue du département, le procureur général de la Confédération constitue un risque pour le DFJP. Le procureur général est finalement disposé à donner sa démission, mais il est élu pour une période de fonction arrivant à échéance fin 2007 et, jusque-là, il n'est possible de résilier ses rapports de travail qu'en cas de motifs justifiant un licenciement avec effet immédiat et que, si le procureur général a bien reçu deux blâmes, les conditions permettant de résilier ses rapports de travail, que ce soit avec effet immédiat ou en procédure ordinaire, ne sont toutefois pas encore réunies.

Les scénarios et solutions suivants ont été examinés à la demande du chef du DFJP: Solution no 1; pas de négociations/attendre. Le secrétariat général du DFJP a mentionné que l'inconvénient de cette solution était qu'en l'absence de motifs de résiliation avant fin juin 2007, le procureur général de la Confédération aurait été rééligible pour quatre ans. Il a relevé qu'elle avait en revanche l'avantage d'être la solution la moins coûteuse.

Solution no 2; attendre les résultats de l'enquête administrative. Selon le secrétariat général du DFJP, l'avantage de cette solution était que
l'enquête administrative aurait pu révéler d'importantes lacunes imputables à la personnalité du procureur général de la Confédération. Il a toutefois souligné qu'il n'y avait aucune certitude que les motifs découverts pourraient justifier une résiliation des rapports de travail, cela d'autant plus que l'enquête n'était pas dirigée contre le procureur général, mais que son but était de faire la lumière sur des faits. Le secrétariat général estimait en outre que si l'enquête administrative parvenait à la conclusion que le MPC fonctionne correctement, il aurait alors été encore plus difficile de se séparer du procureur général de la Confédération.

Solution no 3; conclure une convention de séparation avec le procureur général de la Confédération. Cette solution consistait à inciter le procureur général de la Confédération à donner sa démission, non pas pour des motifs juridiques, mais pour des raisons personnelles. Le secrétariat général du DFJP a relevé que l'inconvénient de cette variante résidait dans son coût élevé étant donné que, à ce moment-là, la position du département dans la négociation était plutôt défavorable. Le secrétariat général a examiné plusieurs variantes à cette solution. Les documents consultés ont 1866

permis de constater que les variantes qui auraient nécessité l'accord du Conseil fédéral et de la Délégation des finances n'ont pas été retenues. Le chef du DFJP a finalement opté pour la variante prévoyant une résiliation des rapports de travail d'un commun accord en lui versant une indemnité de départ en étendant par analogie au procureur général de la Confédération les dispositions qui s'appliquent aux directeurs d'office et en vertu desquelles la «cessation de toute collaboration fructueuse» avec un directeur d'office constitue un motif de résiliation ordinaire des rapports de travail qui permet de verser une indemnité allant jusqu'à un an de salaire (art. 79, al. 2, en corrélation avec l'art. 26, al. 1, OPers58). A ce sujet, le secrétariat général a noté qu'il s'agissait d'une décision par analogie qui permettait d'agir rapidement, mais qu'on ne pouvait pas exclure que le Conseil fédéral demande des informations supplémentaires, voire que le Parlement s'en mêle.

Solution no 4; solution dite de la «confrontation». Cette solution correspondait au cas de figure dans lequel le procureur général de la Confédération aurait refusé de quitter son poste, contesté la sanction et chargé son avocat d'affronter le DFJP, par exemple en informant les autres membres du Conseil fédéral ou en rendant publique la manière de procéder du DFJP («durch Veröffentlichung unseres Vorgehens in den Medien»).

3.1.2.7

Compétences en matière de convention de départ et de mise en place d'un chef intérimaire du MPC

En vue de la séance du Conseil fédéral du 5 juillet 2006 au cours de laquelle le chef du DFJP comptait informer ses collègues de la démission du procureur général de la Confédération, le DFJP a entrepris de clarifier la question de savoir si, en sa qualité d'autorité de nomination du procureur général, le Conseil fédéral devait approuver la convention de départ et la nomination d'un procureur général suppléant au poste de chef intérimaire du MPC. Dans une lettre du 30 juin 2006, l'OFJ a indiqué que, en application de l'art. 2, al. 1, let. g, OPers, la conclusion de la convention réglant les modalités de résiliation des rapports de travail du procureur général de la Confédération était de la compétence du Conseil fédéral, c'est-à-dire soumise à son approbation. Après s'être renseigné auprès de l'Office fédéral du personnel (OFPER), le secrétariat général du DFJP est parvenu à la conclusion la convention était de la compétence du département étant donné que le procureur général de la Confédération avait démissionné unilatéralement. Le service juridique du DFJP a contacté le collaborateur compétent de l'OFJ qui, à l'issue de l'entretien téléphonique, a confirmé par courriel que la situation pouvait être considérée différemment dans la mesure où la démission du procureur général constitue un acte unilatéral et que la convention de départ se limite à régler les conséquences qui en découlent. Il a ajouté qu'en elle-même, la conclusion d'une convention de départ était cependant susceptible de remettre en cause le caractère unilatéral de la résiliation. Quant à la question de la nomination d'un chef intérimaire, l'OFJ est parvenu à la conclusion que ce point était de la compétence du Conseil fédéral, mais que, eu égard à l'urgence de la situation, le chef du DFJP pouvait procéder à une nomination provisoire en vue

58

Ordonnance du 3.7.2001 sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3).

1867

d'une ratification formelle par le Conseil fédéral, mais que cette nomination définitive devait avoir lieu immédiatement après les vacances d'été.

L'OFJ et l'OFPER ont donné leur avis sans avoir connaissance du contenu exact de la convention de départ et ignoraient tout du blâme et de la sévère réprimande infligés au procureur général de la Confédération le 8 juin 2006.

3.1.2.8

Annonce de la démission du procureur général de la Confédération du 5 juillet 2006

Le procureur général de la Confédération a annoncé sa démission le 5 juillet 2006.

Dans sa lettre de démission il indique en substance qu'il démissionne de son poste avec effet au 31 décembre 2006 et conformément aux modalités de la convention conclue le matin même et que son choix n'a pas été dicté par les événements des semaines qui ont précédé (et notamment pas par l'affaire Ramos), mais résulte des critiques dans la presse, l'opinion publique et les milieux politiques auxquelles le MPC et lui-même ont été exposés au cours des deux années précédentes.

Dans sa lettre du 26 janvier 2007 adressée à la CdG-N, la présidente de la Confédération indique que, lors de la séance du Conseil fédéral de ce 5 juillet 2006, le chef du DFJP avait informé le collège de la lettre de démission du procureur général de la Confédération par laquelle il remettait également la conduite opérationnelle du MPC avec effet immédiat et qu'il avait décidé de limiter ses activités à des affaires stratégiques jusqu'à son départ. La présidente de la Confédération a précisé que cette information n'avait donné lieu à aucune discussion au sein du Conseil fédéral.

Le dossier personnel du procureur général de la Confédération contenait un projet de note de présentation élaboré en prévision de la séance du Conseil fédéral du 5 juillet 2006. Cette note mentionne que la collaboration du DFJP avec le procureur général de la Confédération était devenue impossible, mais qu'en vertu de la législation en vigueur, il n'y avait aucun motif de résiliation (ni immédiate ni ordinaire) des rapports de travail, raison pour laquelle le départ volontaire du procureur général était la seule solution possible. La note indique encore que les modalités de la séparation ont été réglées par convention. On peut déduire de la lettre de la présidente de la Confédération que le chef du DFJP n'a pas mentionné ces points lors de la séance du Conseil fédéral.

3.1.2.9

Certificat de travail du 15 novembre 2006

Le chef du DFJP a remis un très bon certificat de travail au procureur général de la Confédération qui se termine de la manière suivante (traduction): «Valentin Roschacher a remis sa démission le 5 juillet 2006 pour la fin de l'année 2006. Son choix n'a pas été dicté par les analyses et enquêtes effectuées au sein du Ministère public de la Confédération durant le second semestre 2006. Par ailleurs, les résultats de ces enquêtes ont abouti à un résultat extrêmement positif pour M. Roschacher, attestant notamment ses excellentes compétences professionnelles et un engagement au service de la poursuite pénale répondant pleinement aux exigences d'un Etat de droit.»

1868

3.1.3

Résultats des auditions et des avis rendus par écrit relatifs à la démission du procureur général de la Confédération

a. Au sujet de l'avis du procureur général de la Confédération du 2 juin 2007 concernant l'article de la Weltwoche Le ministre de la Justice a déclaré à la sous-commission que, dans son avis concernant l'article de la Weltwoche, le procureur général de la Confédération n'avait rien voulu dire parce qu'il pensait que le chef du DFJP n'était pas compétent en la matière et qu'il avait appris par la suite que c'était au sujet de l'affaire H. que le procureur avait voulu informer le conseiller fédéral Leuenberger. Le chef du DFJP a souligné que le procureur général n'avait pas mentionné le fait qu'il ne pouvait pas lui donner plus d'informations étant donné qu'il s'agissait de l'affaire H. Il a précisé que lorsqu'il avait demandé l'avis du procureur général de la Confédération sur l'article de la Weltwoche, il ne l'avait pas encore lu et avait uniquement été informé à ce sujet par le tour d'horizon de la presse du jour qui lui avait été présenté par le service d'information du DFJP avant 10 heures et qui ne disait rien sur l'affaire H. Il a également indiqué que le Conseil fédéral avait très nettement rejeté la proposition du procureur général d'informer son suppléant, c'est-à-dire le conseiller fédéral Leuenberger.

D'après les informations en possession de la CdG-N, le chef du DFJP a reçu le tour d'horizon de la presse du jour du 1er juin 2006 qui permettait de constater que l'article de la Weltwoche portait sur l'affaire H. Par ailleurs, le rapport et la proposition du procureur général de la Confédération du 2 juin 2006 que le secrétaire général du DFJP a transmis au chef du DFJP à Pentecôte (le 4 juin 2006) permettaient de constater que le procureur général ne voulait pas informer le ministre de la Justice uniquement au sujet des points concernant l'affaire H. (pour ce qui est des faits, voir ch. 3.1.2.3).

Dans un premier temps, le chef du DFJP n'a pas critiqué l'avis du procureur général de la Confédération du 2 juin 2006. Ce n'est que dans la réprimande écrite du 8 juin 2006 qu'il a qualifié l'avis du procureur général de «note qui ne veut rien dire» (nichtssagende Notiz). Le lundi de Pentecôte, soit le 4 juin 2006, la Sonntagszeitung a publié une information selon laquelle l'affaire H. préoccuperait le chef du DFJP depuis longtemps. L'article en question prétendait également savoir que le
ministre de la Justice avait demandé un rapport au procureur général de la Confédération, mais que ce rapport était sans contenu (ohne jegliche Substanz) étant donné que son auteur se retranchait derrière le secret de l'affaire.

A la demande de la sous-commission, le chef du DFJP a déclaré qu'il avait fait connaissance de H. durant ses études, mais n'entretenait aucun lien d'amitié avec lui, qu'il avait eu connaissance de l'affaire par les journaux et n'exigeait jamais de rapport sur certaines procédures en particulier.

b. Au sujet du manque de disponibilité du procureur général de la Confédération au lendemain de Pentecôte Le chef du DFJP a déclaré à la sous-commission que le procureur général de la Confédération avait refusé toute information, raison pour laquelle il avait décidé de diligenter une enquête. Il aurait voulu discuter de cette affaire avec le procureur général, mais, transgressant ses ordres et les instructions en matière de joignabilité, le procureur général était demeuré injoignable.

1869

En réponse à ce reproche, le procureur général de la Confédération a expliqué à la sous-commission que, souffrant d'une forte migraine à l'issue de l'interview accordée au Tages-Anzeiger au siège de l'antenne zurichoise du MPC, il n'avait plus été joignable du lundi de Pentecôte à midi jusqu'au lendemain matin. Il a rappelé que les deux procureurs généraux suppléants et le procureur assurant le service de piquet étaient joignables à tout moment, mais qu'ils n'avaient pas été contactés. Le procureur général a également indiqué que le courriel du secrétaire général du DFJP ne mentionnait pas la raison pour laquelle il devait le rappeler et que ce n'est que le mardi 6 juin 2006 à 8 heures qu'il lui a indiqué par courriel que, l'après-midi du 5 juin 2006 (lundi de Pentecôte), le chef du DFJP avait voulu l'informer sur le communiqué de presse du DFJP. Il a ajouté que, contrairement à ce qu'il avait fait dans d'autres cas, le chef du département n'avait pas cherché à le joindre personnellement, ni ce jour-là, ni les jours auparavant.

Le chef du DFJP a estimé que les circonstances dans lesquelles le secrétaire général du DFJP et le procureur général de la Confédération ont fixé le rendez-vous pour l'entretien du 8 juin 2006 constituaient un refus de dialoguer. Il a expliqué à la souscommission qu'après cette semaine-là, il s'était dit que toute collaboration avec le procureur général était devenue impossible. Il a déclaré en substance que, dans le secteur privé, lorsqu'un collaborateur est à son bureau, qu'il ne répond pas au téléphone et que durant toute une semaine il ne trouve pas un seul moment à consacrer à son chef, on le renvoie avec effet immédiat. Pour sa part, le procureur général de la Confédération a constaté qu'il ne saurait être question de refus de dialoguer eu égard au fait que le secrétaire général l'avait joint par téléphone mardi et que l'entretien avec le chef du DFJP a eu lieu le jeudi suivant (pour ce qui est des faits, voir ch.

3.1.2.3).

c. Au sujet de l'interview du 6 juin 2007 que le procureur général de la Confédération a accordé au Tages-Anzeiger Le chef du DFJP a expliqué à la sous-commission que la lecture de l'interview du procureur général de la Confédération publiée par le Tages-Anzeiger l'avait beaucoup étonné étant donné que le procureur général y apportait les réponses
qu'il lui avait refusées. Dans l'avis écrit du 30 octobre 2006 établi à l'attention de CdG-N, le chef du DFJP a ajouté que les réponses que le procureur général de la Confédération lui avait données étaient évasives et ne voulaient rien dire. Le ministre de la Justice a indiqué que le procureur général avait prétendu que les assertions dans l'article n'étaient pas vraies, mais sans préciser en quoi et s'était borné à indiquer l'état de la procédure, et qu'il lui avait fait savoir qu'il n'était disposé à donner de plus amples renseignements qu'à son suppléant (Moritz Leuenberger). Le chef du DFJP souligne que, dans l'avis écrit qu'il lui avait adressé, le procureur général de la Confédération indiquait ne pas disposer d'informations suffisantes alors qu'il avait fourni au TagesAnzeiger tous les détails qu'il aurait dû lui communiquer, allant même jusqu'à préciser qu'il n'avait joué qu'un rôle d'intermédiaire dans cette affaire, à donner des informations détaillées sur la task force Guest et ses activités et même à expliquer comment l'«agent infiltré» avait été engagé.

Dans l'avis écrit du 30 octobre 2006 adressé à la CdG-N, le procureur général de la Confédération a défendu sa décision d'informer le public. Ayant déclaré connaître l'accusé, le ministre de la Justice s'était lui-même «récusé» en janvier 2004. Il a rappelé que, la communication d'informations à des tiers n'ayant pas le droit de consulter les données relatives à la procédure étant contraire à la loi, il lui était 1870

impossible de donner au chef du DFJP des informations détaillées sur la procédure pénale en cours, mais qu'il en allait autrement de l'information du public et que, après un certain nombre d'articles parus dans la presse dominicale, il se devait de l'informer jusqu'à un certain point.

d. Au sujet des raisons de la démission du procureur général de la Confédération Le procureur général de la Confédération a déclaré à la sous-commission que, à l'issue de l'entretien du 8 juin 2006 avec le chef du DFJP, il avait décidé que, dans ces conditions, il ne resterait pas au service de la Confédération, car il s'était rendu compte que lui et le MPC allaient être paralysés durant une longue période par des enquêtes administratives et que, eu égard aux moyens dont il dispose, il fallait bien se rendre à l'évidence que le chef du DFJP tenait le couteau par le manche. Le procureur général a indiqué qu'il ne souhaitait pas imposer de telles charges au MPC et à ses collaborateurs, raison pour laquelle il ne lui était resté d'autre choix que de démissionner. Dans l'avis écrit adressé à la CdG-N, le procureur général de la Confédération a écrit qu'il pensait que le chef du DFJP savait très bien que ses accusations ne résisteraient pas à un examen formel, raison pour laquelle il a opté pour les réprimandes et choisi une voie informelle autre que la procédure disciplinaire. Le procureur général de la Confédération a en outre souligné que le chef du DFJP avait à plusieurs occasions transgressé l'indépendance judiciaire du MPC, notamment en l'avertissant disciplinairement à deux reprises et en lui infligeant une sévère réprimande pour avoir informé l'opinion publique et en lui interdisant d'organiser des conférences de presse sans avoir auparavant consulté le département.

A son avis, en chargeant le président de la Cour des plaintes d'établir les faits dans l'affaire concernant le porte-parole du MPC et en lui demandant expressément de rédiger le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation», le chef du DFJP a porté atteinte à l'indépendance judiciaire du MPC de façon inadmissible.

De plus, le procureur général de la Confédération a déclaré à la sous-commission que ces incidents étaient très préoccupants sur le plan institutionnel. Dans son avis écrit du 15 octobre 2006, il a notamment souligné (traduction):
«Bien que n'ayant rien à me reprocher, ce que les rapports , et ont d'ailleurs confirmé entre-temps, le chef du DFJP voulait que je quitte ma fonction.

Je ne connais pas les véritables raisons étant donné qu'il ne me les a jamais données.

La seule explication qui me semble plausible est qu'il ne pouvait pas accepter que je me conforme strictement à la séparation des pouvoirs et à la bipartition de la surveillance, et partant que je ne lui transmette que les informations que la loi m'autorisait à lui transmettre [...].» Le chef du DFJP a expliqué à la sous-commission qu'après la semaine de Pentecôte, il s'était dit que toute collaboration avec le procureur général était devenue impossible. Il a déclaré en substance que, dans le secteur privé, lorsqu'un collaborateur est à son bureau, qu'il ne répond pas au téléphone et que durant toute une semaine il ne trouve pas un seul moment à consacrer à son chef, on le renvoie avec effet immédiat.

Il a précisé qu'il ne lui reprochait rien de grave quant à son travail en général, mais qu'il ne pouvait tout simplement plus travailler avec lui. Il a ajouté que ce n'était pas le département, mais bien le procureur général de la Confédération qui a résilié son contrat de travail de son plein gré, ce qui était préférable pour la suite de sa carrière.

Le chef du DFJP a souligné qu'il avait fait preuve de bonne volonté à son égard sur ce point et que s'il n'exerçait plus la fonction de procureur général de la Confédération, il avait pu liquider des travaux opérationnels jusqu'à la fin 2006 et devait 1871

demeurer à la disposition de la Confédération jusqu'en 2007. Le ministre de la Justice a insisté sur le fait qu'il y aurait eu d'autres solutions et que dans le secteur privé, un tel collaborateur aurait pu être licencié avec effet immédiat, ce qui n'était pas possible au service de la Confédération où les résiliations sont régies par des règles strictes. Il a ajouté que dans le cas du procureur général de la Confédération, la situation était en outre plus complexe étant donné que celui-ci avait été élu pour une période de fonction se terminant fin décembre 2007 et que, jusque-là, il n'était guère envisageable de résilier ses rapports de travail dans le cadre d'une procédure ordinaire.

On peut déduire des explications que le chef du DFJP a données lors de son audition qu'il avait du mal à se faire, d'une part, à la grande retenue dont le procureur général de la Confédération faisait preuve envers lui et aux fréquentes références à l'indépendance dont il jouissait à son égard en vertu de son statut de responsable des enquêtes de police judiciaire durant la poursuite pénale alors même que, d'autre part, il intervenait volontiers dans les médias. Le chef du DFJP a ajouté que la personnalité complexe du procureur général de la Confédération a eu un effet aggravant sur le problème ­ préexistant ­ de la bipartition de la surveillance dans la mesure où, chaque fois qu'une instance de surveillance demandait des renseignements, le procureur général de la Confédération indiquait que ceux-ci était du ressort de l'autre instance et que, d'une manière générale, le procureur général de la Confédération avait quatre supérieurs hiérarchiques. De l'avis du ministre de la Justice, chaque procureur général de la Confédération ne manquera pas de buter sur ce problème et si nul ne peut servir deux maîtres, qui pourrait être en mesure d'en servir quatre? Le chef du DFJP a estimé que, la haute surveillance exercée par les CdG mise à part, la surveillance exercée sur le MPC devait être regroupée et confiée à une seule instance.

A la question de savoir pourquoi le DFJP avait renoncé à ouvrir une procédure disciplinaire formelle au sens de l'art. 99 OPers, le secrétaire général du DFJP a expliqué à la sous-commission que le département avait préféré examiner les possibilités de résiliation ordinaire ou avec effet immédiat
des rapports de travail au sens de l'art. 12 LPers.

A la question de savoir si, en sa qualité d'organe de nomination du procureur général de la Confédération, le Conseil fédéral avait ratifié la convention de départ, le chef du DFJP a indiqué dans son avis écrit du 30 octobre 2006, qu'il avait informé le Conseil fédéral de la démission du procureur général, mais que, la démission émanant du procureur général, la conclusion d'une convention était du ressort du DFJP.

3.2

Constatations et appréciations de la CdG-N

a. Au sujet de l'indépendance du procureur général de la Confédération Le MPC est une autorité indépendante dans l'exercice de la poursuite pénale.

L'entrée en vigueur du projet d'efficacité a renforcé l'indépendance du procureur général de la Confédération. En effet, une nouvelle disposition légale stipule que le procureur général, ses substituts et ses représentants accomplissent leurs tâches sans recevoir d'instructions de l'autorité de nomination, c'est-à-dire du Conseil fédéral, et partant du ministre de la Justice (art. 16, al. 4, PPF). Quant à la loi sur le personnel, elle souligne l'indépendance de procureur général de la Confédération. En effet, 1872

nommé par le Conseil fédéral pour une période de fonction, il bénéficie ainsi d'une protection renforcée contre le licenciement que la loi n'accorde qu'aux personnes tenues d'être indépendantes de l'organe chargé de leur engagement (art. 9, al. 5, LPers). Au sein de l'administration fédérale, le procureur général de la Confédération, ses substituts, les procureurs fédéraux et leurs suppléants mis à part, seul l'auditeur en chef de l'armée bénéficie de ce statut59 (art. 32, al. 1, OPers).

Administrativement, le MPC est subordonné au DFJP en tant qu'unité décentralisée de l'administration fédérale (art. 6, al. 3, et annexe, OLOGA60). Le DFJP exerce également la surveillance administrative sur le MPC. Le chef du DFJP peut par conséquent donner des instructions de service au procureur général de la Confédération sur le plan administratif. Du point de vue administratif et organisationnel, le procureur général de la Confédération occupe une position comparable à celle d'un directeur d'office. Cela étant, la position du procureur général diffère de celle d'un directeur d'office étant donné qu'il ne reçoit pas d'instructions judiciaires du chef du département.

b. Au sujet des motifs de l'examen extraordinaire de l'activité du MPC Lorsque le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes se sont retrouvés le 5 juin 2006 (lundi de Pentecôte), le chef du DFJP avait pu constater dans l'avis du procureur général de la Confédération du 2 juin 2006 (voir ch. 3.1.2.3) que la conduite et l'engagement de personnes de confiance étaient du ressort de la PJF.

L'inspectorat de son département avait d'ailleurs suggéré qu'il serait opportun de requérir également l'avis de la PJF (voir ch. 3.1.2.3), ce qui a bien été fait, mais après le week-end de Pentecôte. A cet égard, le chef du DFJP a déclaré à la souscommission avoir requis simultanément l'avis du procureur général de la Confédération et de la PJF et que, contrairement à ce dernier, l'avis de la PJF était en ordre. Le contenu de cet avis confirme pour l'essentiel les déclarations du procureur général de la Confédération.

Les motifs avancés par le chef du DFJP selon lesquels il avait fallu procéder à une enquête pour tirer cett affaire au clair, parce que le procureur général n'avait pas voulu donner d'informations, ne sont pas convaincants. L'avis du
procureur général de la Confédération du 2 juin 2006 est certes concis, mais il aborde avec précision les principaux aspects concernant la collaboration avec Ramos. La procédure à l'encontre du banquier H. est le seul point au sujet duquel le procureur général n'a pas donné d'informations, étant donné que le chef du DFJP l'avait informé deux ans auparavant que lui est son épouse connaissaient H. Le procureur général de la Confédération était donc en droit de refuser de fournir au ministre de la Justice des informations au sujet de cette procédure. Si le chef du DFJP avait estimé que les renseignements généraux du procureur général étaient insuffisants, il aurait eu tout loisir de lui demander de plus amples informations, la procédure contre H. exceptée.

Il n'en a rien fait alors même que l'inspectorat du DFJP lui avait signalé cette possibilité. La déclaration du ministre de la Justice selon laquelle il n'avait appris qu'après coup que c'était à cause de H. que le procureur général avait voulu infor-

59

60

En dehors de l'administration générale de la Confédération, les tribunaux et l'Assemblée fédérale (secrétaire général de l'Assemblée fédérale) procèdent également à des nominations pour une durée de fonction.

Ordonnance du 25.11. 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1).

1873

mer son suppléant au Conseil fédéral sans lui en donner la raison n'est pas exacte non plus. Il est établi que le chef du DFJP a reçu l'avis du procureur général de la Confédération par fax, le 4 juin 2006. La déclaration qu'il a faite à la sous-commission selon laquelle il ne savait pas, lorsqu'il a requis l'avis du procureur général, que l'article de la Weltwoche concernait l'affaire H. n'est pas non plus conforme aux faits. Le tour d'horizon de la presse du jour qui lui a été remis avant 10 heures ce jour-là mentionnait clairement que l'article en question était consacré à l'affaire du banquier privé H. De plus, le fait que le secrétaire général du DFJP se soit référé dans son fax du 4 juin 2006, à l'article de la Weltwoche du «mercredi 31 mai 2006» alors qu'il a été publié le jeudi 1er juin 2006 permet de penser que le département avait été informé de cet article la veille de sa publication déjà.

Il y a tout lieu de croire que, lors de la rencontre avec le chef du DFJP, le président de la Cour des plaintes savait que les enquêteurs du MPC ne s'étaient pas seulement basés sur de vagues indications de Ramos lorsqu'ils ont décidé d'ouvrir une enquête de police judiciaire à l'encontre du banquier H. En sa qualité de président de la Cour des plaintes, il a dû contrôler et autoriser ou confirmer les écoutes téléphoniques, l'engagement d'un agent infiltré (après l'utilisation de Ramos en tant que personne de confiance) et l'arrestation de H. Dans la mesure où ces dispositions ont été décidées avant le 1er avril 2004, elles ont été contrôlées par la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral alors compétente en la matière. Les contrôles effectués ont également servi à vérifier l'existence de soupçons suffisants. De ce point de vue, on peut comprendre qu'il ait, trois jours auparavant, déclaré au Tages-Anzeiger qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir (voir ch. 2.2.1). Ce jour-là, il a pourtant donné son accord à l'ouverture d'une enquête extraordinaire, et cela avant même la décision de la Cour des plaintes.

Lorsque le MPC subit de fortes pressions, on est en droit d'attendre des autorités chargées de sa surveillance qu'elles fassent rapidement la lumière sur les faits qui lui sont reprochés et qu'elles informent le public sur leurs conclusions. Au-delà des droits qu'elle confère à l'autorité qui l'exerce,
la fonction de surveillance est aussi synonyme de devoir, notamment celui de garantir le bon fonctionnement de l'instance surveillée, ce qui inclut la protection contre les accusations injustifiées. En l'occurrence, il ne fallait pas beaucoup de temps pour avoir une vue d'ensemble claire des faits concernant Ramos, au moins dans les grandes lignes. Malgré cela, le chef du DFJP et le président de la Cour des plaintes sont convenus de procéder à un examen extraordinaire de l'activité du MPC dans leurs domaines de compétence respectifs. Cette décision a certes calmé le débat public, mais elle suggérait également qu'il devait y avoir d'importants dysfonctionnements au sein du MPC, et du MPC seulement. L'information officielle donnait l'impression que les soupçons pesaient avant tout sur le MPC, mais guère sur la PJF. Ainsi, au cours des mois qui ont suivi, certains médias ont propagé de fausses allégations sans que, en leur qualité d'autorités de surveillance, le DFJP ou la Cour des plaintes ne les démentissent voir ch. 2.2.3 et 2.2.5).

c. Au sujet de la démission du procureur général de la Confédération Le procureur général n'est pas parti de son plein gré, mais bien après différentes discussions avec le chef du DFJP qui lui a annoncé à plusieurs reprises qu'une poursuite de la collaboration était devenue impossible dans les circonstances données (voir ch. 3.1.2.3 et 3.1.2.4).

1874

Comme cela ressort du dossier personnel du procureur général de la Confédération, le DFJP était à ce moment-là conscient qu'il n'y avait aucun motif de résiliation, ni immédiate ni ordinaire, des rapports de travail du procureur général. Les blâmes ou les réprimandes ont en règle générale pour but de préparer une future résiliation. En effet, avant de résilier les rapports de travail pour manquements répétés ou persistants dans les prestations ou dans le comportement, ceux-ci doivent avoir fait l'objet d'un avertissement écrit, que la résiliation ait lieu en procédure ordinaire ou avec effet immédiat (art. 12, al. 6, let. b, et al. 7, LPers). Il ressort des indications fournies par le secrétaire général du DFJP que le département a préféré cette voie à l'ouverture d'une procédure disciplinaire formelle. Une telle procédure aurait eu pour conséquence que les reproches faits au procureur général auraient été examinés dans le cadre d'une procédure formelle et que celui-ci aurait disposé des droits de défense légaux.

Le sévère blâme a été infligé au procureur général de la Confédération seulement trois jours après l'ouverture des deux enquêtes extraordinaires. Le chef du DFJP n'a pas attendu les résultats de ces examens et a incité le procureur général à démissionner. Ce dernier a consenti à négocier son départ, ce qui a finalement abouti à la conclusion avec le DFJP de la convention de départ (voir ch. 3.1.2.6).

d. Au sujet du blâme écrit relatif à l'affaire Achraf Lors de l'affaire Achraf (voir ch. 3.1.2.1), les intérêts politiques du ministre de la Justice qui voulait extrader Mohammed Achraf, soupçonné de terrorisme, le plus rapidement possible vers l'Espagne, parce qu'il l'avait promis à son homologue espagnol, sont entrés en conflit avec l'ouverture d'une procédure d'enquête par le MPC, procédure qui aurait été susceptible de retarder l'extradition. Bien que le chef du DFJP y soit opposé, le MPC a tout de même ouvert une enquête en Suisse.

Le 9 novembre 2004, le chef du DFJP a infligé un blâme écrit au procureur général de la Confédération et l'a menacé de licenciement en cas de récidive. Le blâme concernait le fait qu'à son retour d'Espagne, le procureur général avait laissé son porte-parole participer à un point de presse alors que le chef du DFJP s'était opposé à la tenue d'une conférence
de presse. Force est toutefois de constater que l'information du public sur les procédures d'enquête en cours entre dans le domaine de compétence du procureur général de la Confédération. Dans ce domaine, le procureur général ne saurait être lié par les instructions du ministre de la Justice. En l'occurrence, celui-ci a sanctionné le procureur général pour avoir contrevenu à ses instructions alors même qu'il n'était pas habilité à lui donner de telles instructions.

Ce faisant, il a porté atteinte à l'indépendance judiciaire du procureur général de la Confédération. Il n'est pas possible de prouver que cette mesure est également liée à l'ouverture de l'enquête contre le gré du chef du DFJP; l'ampleur de cette réaction semble toutefois pour le moins disproportionnée en regard d'une simple conférence de presse.

e. Au sujet du blâme et de la sévère réprimande du 8 juin 2006 Le 8 juin 2006, le ministre de la Justice a infligé au procureur général de la Confédération un blâme et une sévère réprimande au sens de l'art. 12, al. 6 et 7, LPers pour refus d'informer, injoignabilité, refus de dialoguer et attitude déloyale envers une autre autorité (PJF), assortis d'une menace de résiliation des rapports de travail (voir ch. 3.1.2.4).

1875

A la lumière des documents qu'elle a examinés et des auditions auxquelles elle a procédé, la CdG-N parvient aux conclusions suivantes au sujet des reproches et des instructions contenus dans la lettre du 8 juin 2006: Au sujet du refus d'informer. Le procureur général de la Confédération a renoncé à fournir des informations sur la procédure à l'encontre de H. au chef du DFJP uniquement parce que celui-ci lui avait indiqué qu'il ne souhaitait pas être tenu au courant de l'affaire étant donné qu'il connaissait H. La loi lui en donnait parfaitement le droit.

Au sujet de l'injoignabilité et du refus de dialoguer. La CdG-N ne comprend pas pourquoi, bien qu'il y ait été invité à plusieurs reprises, le procureur général de la Confédération n'a pas rapidement recontacté le secrétaire général du DFJP. En outre, le fait que, dans un premier temps, il ait prétendu ne pas pouvoir se libérer pour un entretien avec le chef du DFJP est une attitude inacceptable à l'égard d'un supérieur hiérarchique. Cette attitude a d'ailleurs contribué à aggraver les tensions qui existaient déjà entre les deux hommes.

Au sujet de l'attitude déloyale envers la PJF. La CdG-N ne voit pas en quoi l'attitude du procureur général de la Confédération aurait été déloyale envers la PJF.

Ses déclarations publiques relatives au rôle de la PJF étaient pertinentes. Il ne semble pas avoir fait des déclarations préjudiciables à la PJF.

Au sujet de l'interview accordée au Tages-Anzeiger sans avoir préalablement consulté le chef du département. Le procureur général de la Confédération peut certes se prévaloir de son indépendance judiciaire pour s'exprimer publiquement sur des accusations portées contre le MPC. Eu égard au fait que, à cette époque, le département ­ auquel le MPC est administrativement rattaché ­ était en butte à une forte critique et très sollicité par les médias, il aurait été judicieux que le procureur général se concerte préalablement avec le DFJP ou, au moins, l'informe de son intention d'accorder l'interview en question. Compte tenu de la situation tendue, cette façon d'agir était maladroite.

Au sujet de l'interdiction d'organiser des conférences de presse sans avoir auparavant consulté le département. Puisque l'information fait partie des tâches qui incombent au MPC, le chef du DFJP n'avait aucune compétence de lui
donner une telle instruction (ce qui est expressément énoncé à l'art. 16, al. 4, PPF). Ce faisant, il a porté atteinte à l'indépendance judiciaire du procureur général de la Confédération.

Au sujet de la menace de requérir auprès du Conseil fédéral la résiliation des rapports de travail, le cas échéant avec effet immédiat. Dans la mesure où cette instruction vise l'interdiction d'organiser des conférences de presse sans avoir auparavant consulté le département, elle constitue une ingérence dans l'indépendance du procureur général de la Confédération, car le chef du DFJP l'a menacé de sanctions disciplinaires en cas de non-respect d'une instruction qu'il n'était pas en droit de lui donner.

f. Au sujet du contournement du Conseil fédéral en sa qualité d'autorité de nomination Les informations et documents dont la CdG-N dispose lui permettent de conclure que, lors de la séance du 9 juin 2006, contrairement à ce qu'il avait annoncé au procureur général de la Confédération (voir ch. 3.1.2.4), le chef du DFJP n'a pas informé le Conseil fédéral au sujet du blâme et de la sévère réprimande qu'il lui avait infligés, ni de son intention de mettre fin à ses rapports de travail. Il ressort de 1876

la lecture d'une note d'information du chef du DFJP et de la lettre du 26 janvier 2007 de la présidente de la Confédération, que le ministre de la Justice a informé le Conseil fédéral uniquement sur les enquêtes extraordinaires décidées le 5 juin 2006 (voir ch. 3.1.2.5). Le chef du DFJP n'a pas donné suite à la proposition du procureur général du 2 juin 2006 qui s'était proposé d'informer oralement le Conseil fédéral au sujet de l'affaire Ramos, conformément à l'art. 102quater, al. 1, PPF. En vertu de cette disposition, le procureur général de la Confédération est habilité à informer le Conseil fédéral dans certains cas. Le chef du DFJP aurait par conséquent été tenu de transmettre cette information au Conseil fédéral.

Les clarifications concernant le licenciement du procureur général de la Confédération entreprises par le secrétariat général du DFJP à la demande du chef du département montrent que, dès le départ, la volonté était de trouver une solution permettant de se passer du consentement du Conseil fédéral et de la Délégation des finances (voir ch. 3.1.2.6).

Selon la lettre de la présidente de la Confédération, le 5 juillet 2006, le chef du DFJP a informé le Conseil fédéral au sujet de la démission du procureur général de la Confédération, mais pas sur le contenu de la convention de départ. Elle a précisé que cette information n'avait donné lieu à aucune discussion au sein du Conseil fédéral.

En septembre 2006, lorsque la Délégation des finances s'est renseignée sur la convention conclue avec le procureur général, le DFJP a accepté d'informer la délégation, mais pas le Conseil fédéral. Cela ressort des documents que le secrétariat général du département avait réunis pour préparer une réponse du Conseil fédéral à la Délégation des finances.

Par la suite, la Délégation des finances des Chambres fédérales s'est penchée sur la question des compétences en matière de résiliation des rapports de travail du procureur général et de nomination d'un successeur à titre intérimaire. Elle est parvenue à la conclusion que, contrairement au règlement des compétences, la convention avec le procureur général n'a pas été conclue par le Conseil fédéral, mais par le chef du DFJP.61 La Délégation des finances a estimé que, en vertu des dispositions de l'OPers, la convention aurait nécessité l'approbation du
Conseil fédéral. En outre, vu son contenu, elle aurait également nécessité l'assentiment de la Délégation des finances. Elle est également d'avis que, dans la mesure où cette solution était destinée à durer aussi longtemps, la nomination du successeur à titre intérimaire du procureur général était également de la compétence du Conseil fédéral et non du seul chef du DFJP.62 La Délégation des finances a admonesté le Conseil fédéral pour avoir contrevenu à la hiérarchie des compétences et l'a invité à prendre immédiatement les décisions formelles qui s'imposent pour la conduite intérimaire du MPC.

Dans un communiqué de presse publié le même jour, le DFJP a rejeté le reproche de la Délégation des finances. Dans sa réponse du 14 février 2007, le Conseil fédéral a, sans donner de plus amples explications, indiqué qu'il était d'avis qu'il n'avait pas contrevenu à la hiérarchie des compétences et que, dans le cas d'espèce, son interprétation juridique différait de celle de la délégation.

61

62

Communiqué de presse de la Délégation des finances des Chambres fédérales du 31.1.2007 (http://www.parlament.ch/f/mm-medienmitteilung.htm?m_id=2007-01-31_ 088_01&langId=).

Rapport de la Délégation des finances aux commissions des finances du Conseil national et du Conseil des Etats concernant la haute surveillance sur les finances de la Confédération en 2006, du 27.2.2007 (FF 2007 3146).

1877

g. Au sujet de la résiliation des rapports de travail du procureur général de la Confédération En considération des résultats du présent examen, la CdG-N parvient ­ en complément aux constatations déjà faites par la Délégation des finances ­ aux conclusions suivantes: Le Conseil fédéral nomme le procureur général de la Confédération pour une période de fonction de quatre ans (art. 2, al. 1, let. g, en relation avec l'art. 32, al. 1, let. b, OPers). Seul le Conseil fédéral est compétent pour conclure, modifier et résilier les rapports de travail. Lorsque la résiliation est le fait unilatéral du procureur général, les rapports de travail cessent et l'approbation du Conseil fédéral n'est pas nécessaire. Toutefois, lorsqu'il est mis fin aux rapports de travail d'un commun accord comme l'art. 10, al. 1, LPers le prévoit, et que les conditions et obligations réciproques correspondantes sont réglées par une convention, celle-ci est soumise à l'approbation du Conseil fédéral. Cela ressort également de l'avis de droit de l'OFJ du 30 juin 2006 (voir ch. 3.1.2.7). L'OFJ a relativisé son avis à l'issue d'un entretien téléphonique avec le secrétariat général du DFJP. Il y a toutefois lieu de relever que l'OFJ n'avait connaissance ni du blâme et de la sévère réprimande infligés au procureur général, ni du contenu de la convention qui se réfère explicitement à l'art. 10, al. 1, LPers.

D'après les documents en possession de la CdG-N, le DFJP a présenté la situation au Conseil fédéral et au public en expliquant que, dans un premier temps, le procureur général de la Confédération avait présenté sa démission et que les modalités de résiliation des rapports de travail ont été réglées par convention dans un deuxième temps, déduisant de là que la résiliation était unilatérale et de plein gré. Dans les faits, le procureur général et le chef du DFJP ont signé la convention le matin du 5 juillet 2006, soit avant que le procureur général présente sa démission. Cela ressort clairement de la lettre de démission dans laquelle le procureur général écrit en substance qu'il démissionne de son poste avec effet au 31 décembre 2006 et conformément aux modalités de la convention conclue le matin même. La réciprocité de la décision de mettre fin aux rapports de travail est donc patente. Elle découle également du fait que le procureur
général n'a pas démissionné de son propre chef, mais sous la pression exercée par le chef du DFJP au moyen du blâme et de la sévère réprimande et de la menace de licenciement et seulement après avoir convenu des conditions réglant sont départ. Dans de telles circonstances, la signature de la convention de départ était subordonnée à l'approbation du Conseil fédéral.

La convention de départ prévoyait le versement au procureur général de la Confédération d'une indemnité de départ. La CdG-N ne se prononce pas sur la justification objective de cette indemnité. En revanche, l'argumentation juridique du DFJP soulève un certain nombre de questions. Ainsi, le droit fédéral ne prévoit pas de versement d'indemnités de départ lorsque l'employé résilie ses rapports de travail unilatéralement. De telles indemnités ne sont en effet versées que dans certaines circonstances bien précises lorsque les rapports de travail sont résiliés par la Confédération ou que la résiliation est nulle ou abusive (art. 19 LPers). Aucune indemnité n'est prévue pour le départ du procureur général de la Confédération. Le DFJP lui a tout de même accordé une telle indemnité en étendant par analogie au procureur général les dispositions qui s'appliquent aux directeurs d'office et en vertu desquelles la «cessation de toute collaboration fructueuse» avec un directeur d'office constitue un motif de résiliation ordinaire des rapports de travail qui permet de verser une indemnité allant jusqu'à un an de salaire (art. 79, al. 2, en corrélation avec l'art. 26, 1878

al. 1, OPers). L'application de cette disposition présupposerait, d'une part, que le motif de résiliation invoqué ait été explicitement convenu (motif de résiliation contractuel) et, d'autre part, que la résiliation ait été proposée au Conseil fédéral avec indication des circonstances rendant toute collaboration infructueuse et que la personne concernée ait eu la possibilité de présenter sa prise de position par écrit au Conseil fédéral (art. 26, al. 1 et 2, OPers). Dans le cas d'espèce, aucune de ces conditions n'était remplie.

L'extension par analogie de cette disposition au procureur général de la Confédération est critiquable pour une autre raison encore. Le législateur a prévu qu'un chef de département doit pouvoir se séparer d'un directeur d'office ou d'autres collaborateurs proches occupant des fonctions analogues tels que secrétaires d'Etat ou vicechanceliers lorsque les rapports de confiance n'existent plus. Il lui est encore plus facile de se séparer d'un secrétaire général, d'un responsable de l'information ou d'un collaborateur personnel (voir art. 26, al. 1, 3 et 4, OPers). Ce droit est lié à l'importance accrue du devoir de loyauté et de fidélité des personnes qui occupent ces fonctions envers le chef du département. Au contraire, le procureur général de la Confédération devant justement pouvoir exercer son activité principale en toute indépendance du chef du département, il ne saurait lui être subordonné dans une mesure comparable.

Vu ce qui précède, la solution choisie par le DFJP pour se séparer du procureur général de la Confédération est contradictoire. D'une part, le DFJP qualifie la démission du procureur général de décision unilatérale que ce dernier a prise de son plein gré et dont les modalités ont été ultérieurement réglées dans le cadre d'une convention, afin de pouvoir se passer de l'approbation du Conseil fédéral. D'autre part, il accorde au procureur général une indemnité de départ alors que la loi n'en prévoit pas lorsque l'employé résilie ses rapports de travail unilatéralement et on ne comprend pas pourquoi, ni en fait ni en droit, il étend par analogie au procureur général les dispositions régissant la résiliation des rapports de travail de directeurs d'office lorsque le chef du département estime que leur collaboration n'est plus fructueuse.

Par ailleurs, le
fait que le chef du DFJP n'ait pas soumis la nomination d'un procureur général suppléant au poste de chef intérimaire du MPC en temps utile au Conseil fédéral était également problématique du point de vue des principes régissant un Etat de droit. Le chef intérimaire a dû diriger une autorité très exposée à cet égard et assumer les responsabilités qui y sont liées sans bénéficier de la légitimité donnée par une désignation par l'organe de nomination prévu par la loi, et c'est à juste titre que le Tribunal pénal fédéral a critiqué cette situation dans son rapport de gestion 2006.

3.3

Conclusions et recommandations de la CdG-N

14. Le chef du DFJP a mis fin aux rapports de travail du procureur général de la Confédération au moyen d'une convention, sans motif au sens de la loi sur le personnel (LPers). L'indemnité de départ versée au procureur général l'a été sans base légale correspondante. Eu égard à l'indépendance du procureur général de la Confédération, ces modalités posent problème du point de vue des principes régissant un Etat de droit.

1879

15. Par sa manière d'agir envers le procureur général de la Confédération, le chef du DFJP a contourné le Conseil fédéral qui, en sa qualité d'organe de nomination, est seul compétent pour résilier les rapports de travail du procureur général de la Confédération. Il a outrepassé ses compétences.

16. Les rapports de confiance entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération étaient altérés. Toutefois, eu égard à l'indépendance judiciaire du procureur général de la Confédération et à la protection renforcée contre le licenciement que la loi lui accorde, les divergences d'opinions et les tensions entre les deux hommes ne sauraient justifier la manière d'agir du chef du DFJP. Il aurait en particulier dû exposer ses griefs envers le procureur général au Conseil fédéral en respectant la procédure formelle prévue dans de tels cas et conforme aux principes régissant un Etat de droit.

17. Le chef du DFJP a donné au procureur général de la Confédération des instructions relatives à l'information du public sur les procédures d'enquête en cours sans y être habilité. En sanctionnant disciplinairement le procureur général pour non-respect de ces instructions, le chef du DFJP a porté atteinte à l'indépendance judiciaire de celui-ci.

18. Bien que les signes de conflit entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération fussent visibles depuis un certain temps déjà, le Conseil fédéral n'a pas assumé les responsabilités qui lui incombent en sa qualité d'autorité de nomination et de surveillance du procureur général de la Confédération. Même l'intervention de la Délégation des finances ne l'a pas incité à se pencher sur le dossier du MPC.

Recommandation 5

Garantir l'indépendance du Ministère public de la Confédération

Le Conseil fédéral doit se pencher sans délai sur le dossier du Ministère public de la Confédération et prendre des mesures garantissant son indépendance et celle des magistrats qui le composent.

Recommandation 6

Garantir la liberté d'informer du Ministère public de la Confédération

Le Conseil fédéral veille à clarifier la délimitation entre la liberté d'informer du Ministère public de la Confédération et l'activité d'information de son autorité de tutelle administrative (DFJP).

4

Problèmes relatifs à la bipartition de la surveillance exercée sur le MPC

4.1

Constatations

Depuis sa création en 1889 jusqu'à l'entrée en vigueur du ProjEff le 1er janvier 2002, le MPC était soumis à la seule surveillance du Conseil fédéral exercée par le 1880

DFJP. Le ProjEff a séparé la surveillance et à confié la surveillance judiciaire à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral63, maintenant la surveillance administrative dans le domaine de compétence du Conseil fédéral (art. 14, al. 1, PPF) qui en a délégué l'exécution au DFJP64. Ce mode de surveillance a été introduit afin de garantir une indépendance encadrée par une surveillance judiciaire et une surveillance exercée en matière de personnel, disciplinaire et comptable par le Conseil fédéral en sa qualité d'autorité de nomination et dans la perspective de la réélection des titulaires concernés. En vertu de l'art. 28, al. 2, LTPF, la Cour des plaintes exerce depuis le 1er avril 2004 la surveillance sur les recherches de la police judiciaire, c'est-à-dire la surveillance judiciaire sur le MPC. «Ce pouvoir de surveillance lui donne [...] notamment le pouvoir de se faire produire n'importe quel dossier en tout temps et de vérifier ainsi la façon dont l'enquête est menée. Si elle soupçonne des manquements, elle procédera aux contrôles nécessaires et ordonnera d'office toutes mesures utiles.»65 En outre, l'OFJ exerce la surveillance dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale et la DélCdG sur les enquêtes relevant de la protection de l'Etat.

La réorganisation de la surveillance sur le MPC entre dans le cadre des travaux en cours sur l'adaptation de l'organisation des autorités pénales de la Confédération à la nouvelle procédure pénale. Conformément à la décision de principe du Conseil fédéral, cette réorganisation a pour but de réunifier la surveillance du MPC au sein du DFJP.

Ne voulant pas anticiper sur les résultats des délibérations du Parlement, la CdG-N renonce ici à se prononcer le modèle de surveillance et se borne à faire quelques constatations relatives au présent examen.

a. Surveillance administrative exercée par le DFJP Le présent examen a montré que l'autorité chargée de la surveillance administrative du MPC dispose non seulement des moyens qui lui permettent d'obtenir les informations relatives à l'affectation des ressources et les processus internes au MPC, mais encore qu'elle les obtient effectivement. Le secrétaire général du DFJP et des représentants de chaque autorité de poursuite pénale ont siégé au sein de la direction générale du ProjEff. Celle-ci a
régulièrement planifié et contrôlé l'affectation des ressources financières et en matière de personnel dans le cadre du ProjEff (voir ch.

2.1.10, let. b). Le secrétaire général du DFJP a également assumé la responsabilité du ProjEff2 qui avait pour but de préparer le redéploiement du ProjEff. En outre, le MPC informe régulièrement le chef du DFJP selon les modalités suivantes: ­

63

64

65

Copie des comptes-rendus du Ministère public de la Confédération établis à l'attention de l'autorité chargée de la surveillance judiciaire (depuis 2002).

Voir message du Conseil fédéral du 28.1.1998 concernant la modification du code pénal suisse, de la loi fédérale sur la procédure pénale et de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (FF 1998 1253).

Aucune disposition légale ne prévoit explicitement cette délégation au DFJP, on peut toutefois la déduire de l'art. 27 de l'ordonnance du 17.11.1999 sur l'organisation du DFJP (Org DFJP, RS 172.213.1).

Message du Conseil fédéral du 28.2.2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale (FF 2001 4162).

1881

­

Rapports de situation semestriels du ProjEff établis à l'attention de la CdGN en sa qualité d'autorité de haute surveillance (depuis 2002).

­

Rapports trimestriels sur les procédures d'enquête du MPC et les instructions préparatoires de l'OJI (genre et nombre en cours, ouvertes et closes).

­

Informations en vertu de l'art. 102bis PPF. En vertu de cette disposition, le MPC peut communiquer au Conseil fédéral des données sur des procédures d'enquête de la police judiciaire. Le Conseil fédéral peut demander de telles informations (généralement à la suite d'articles publiés par la presse); en règle générale, le MPC fournit ces informations spontanément. En 2006, le MPC a communiqué au chef du DFJP des informations concernant dix procédures.

­

Séances mensuelles réunissant le chef du DFJP et le chef intérimaire du MPC.

b. Surveillance judiciaire exercée par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral La CdG-N estime qu'il est nécessaire de clarifier la surveillance judiciaire. La base légale de cette surveillance est lacunaire et manque de clarté. Pour combler ce vide, le TPF a déjà décidé que la surveillance judiciaire exercée par la Cour des plaintes s'étendait également à l'intervalle entre la clôture de l'instruction préparatoire et le dépôt de l'acte d'accusation auprès de la Cour des plaintes (voir ch. 2.1.4). Il faudrait notamment examiner jusqu'à quel point et dans quels domaines la Cour des plaintes est habilitée à donner des instructions. A cet égard, il faut en particulier veiller à préserver l'impartialité du tribunal dans la conduite des procédures (voir ch.

2.1.10, let. e).

L'examen effectué suite à la requête déposée par le MPC auprès de l'autorité de surveillance a montré que la surveillance exercée jusqu'ici n'était pas sans poser certains problèmes. Ces problèmes sont en cours d'analyse et en passe d'être résolus (voir ch. 2.1.7).

Il y a cependant lieu de souligner ici que l'examen judiciaire des décisions du MPC lors des procédures de recours constitue la principale et plus efficace forme de surveillance judiciaire.

c. Délimitation entre les domaines d'activité des diverses autorités de surveillance Dans le cadre de son examen du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» (voir ch. 2.1), la CdG-N a constaté que la partition de la surveillance peut être source de problèmes lorsque les autorités de surveillance ne s'en tiennent pas strictement à leurs compétences respectives. Le modèle de surveillance actuellement en place prévoit une bipartition de la surveillance en surveillance administrative et surveillance judiciaire dont le but est de garantir l'indépendance du MPC. La CdG-N estime que les autorités de surveillance ne doivent pas contourner, ni même annuler cette séparation par des ententes ou en se commandant réciproquement des rapports de surveillance. Une autorité de surveillance ne saurait inviter l'autre à intervenir, tant il est vrai qu'aucune base légale ne le permet. Cela étant, la CdG-N est d'avis qu'il est indispensable et judicieux de prévoir une coordination sur la base de règles et de principes clairs. Ainsi, lorsque, dans le cadre de l'exercice de la
surveillance judiciaire, la Cour des plaintes fait des constatations dans les domaines administratif ou disciplinaire, elle doit pouvoir le signaler à l'autorité chargée de la surveillance administrative. Il incombe alors à celle-ci de se conformer aux règles en 1882

la matière et de prendre les mesures qui s'imposent. Cette procédure doit être transparente pour l'autorité surveillée. Elle doit respecter les principes régissant un Etat de droit et en particulier garantir l'exercice de son droit d'être entendu.

Lors de l'ouverture et du déroulement des deux enquêtes extraordinaires ordonnées par la Cour des plaintes et le DFJP (voir ch. 2.2 et 2.3), il est apparu que la bipartition de la surveillance nécessitait quelques délimitations. Ces deux enquêtes ont également donné lieu à certains chevauchements. De l'avis du chargé d'enquête pour le compte du DFJP, délimitations et chevauchements n'ont pas porté à conséquence. En tout état de cause, il était utile que les instances chargées de réaliser ces enquêtes disposent des connaissances adéquates.

La CdG-N est persuadée que la bipartition de la surveillance est un modèle qui peut fonctionner, comme le montrent les cantons dans lesquels ce système a fait ses preuves (Saint-Gall et Berne, par exemple). Il est toutefois indispensable de préciser certains points en matière de délimitation des domaines d'activité des deux autorités de surveillance. La bipartition de la surveillance peut poser problème lorsque l'autorité surveillée monte les autorités de surveillance l'une contre l'autre. Des délimitations peu claires et une coopération étroite peuvent toutefois conduire à des excès de surveillance pouvant aller jusqu'à compromettre l'indépendance du MPC.

Par conséquent, la CdG-N estime que la délimitation et la coopération entre les autorités de surveillance doivent être clairement réglées à l'échelon de la loi.

4.2

Conclusions de la CdG-N

19. Les dispositions qui régissent actuellement la surveillance exercée sur le MPC prévoient sa bipartition en surveillance administrative et surveillance judiciaire afin de garantir l'indépendance de celui-ci. Les bases légales régissant cette surveillance sont toutefois lacunaires et manquent de clarté. La CdG-N est par conséquent d'avis qu'il est nécessaire de clarifier la délimitation et la coordination entre les autorités de surveillance ainsi que la portée de la surveillance administrative et celle de la surveillance judiciaire et de les régler à l'échelon de la loi. Dans les principes, les constatations présentées dans le présent rapport devront être prises en compte dans le cadre de travaux en cours relatifs au réaménagement de la surveillance exercée sur le MPC.

5

Vue d'ensemble des conclusions et recommandations de la CdG-N

a. Au sujet du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» 1.

La procédure suivie par la Cour des plaintes et par son président lors de l'élaboration du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» ne correspond pas à la procédure usuelle dans le domaine de la justice qui a pour but d'examiner, dans le cadre de la surveillance judiciaire, la légalité des méthodes d'investigation et de discuter d'éventuelles lacunes directement avec l'autorité surveillée afin de chercher, avec elle, comment améliorer la situation et, si besoin est, d'édicter les directives qui s'imposent. La

1883

Cour des plaintes n'a pas fait preuve du comportement que l'on se doit d'avoir à l'égard d'une autorité surveillée.

2.

Lors de son audition, le procureur général de la Confédération a réagi en adoptant une attitude peu coopérative et ses réactions ont contribué à faire croître la tension dans les relations entre les deux autorités.

3.

Le rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation» émet des jugements sur des aspects relevant du ProjEff et de la conduite qui n'entrent pas dans le champ de compétence de la surveillance judiciaire, mais dans celui de la surveillance administrative. En se substituant à l'autorité de surveillance administrative sans base légale, la Cour des plaintes a outrepassé ses compétences.

4.

Les conclusions du rapport intermédiaire de surveillance ne correspondent pas aux faits sur lesquels le rapport se base.

5.

Les investigations entreprises par la Cour des plaintes ont été effectuées après concertation avec le DFJP dans la perspective d'éventuelles mesures administratives.

6.

La confusion entre surveillance judiciaire et surveillance administrative a notamment eu pour conséquence que le procureur général de la Confédération n'a pas été en mesure de s'apercevoir que des faits pouvant servir à entamer une procédure disciplinaire à son encontre faisaient également l'objet de l'enquête, ce qui contrevient aux voies de droit, notamment au droit d'être entendu.

7.

La CdG-N n'est pas parvenue à suivre la manière dont le rapport non publié a été établi au sein de la Cour des plaintes. La Cour des plaintes n'a pas autorisé la CdG-N à consulter les dossiers rendant compte de la décision correspondante. Une telle attitude envers l'autorité chargée d'exercer la haute surveillance est inacceptable.

8.

La CdG-N ne peut objectivement pas tirer de conclusions suffisantes sur le fonctionnement du MPC en raison des lacunes procédurales et matérielles qui grèvent les résultats du rapport intermédiaire de surveillance «actes d'accusation».

b. Au sujet du rapport intermédiaire de surveillance «Ramos» 9.

Il ressort du rapport intermédiaire «Ramos» que le MPC et la PJF ont respecté le cadre légal en vigueur en ce qui concerne l'engagement et la conduite de Ramos en sa qualité de personne de confiance.

10. La CdG-N ne peut pas juger de l'opportunité de l'engagement de Ramos; la réponse à cette question dépend en effet du point de vue et des priorités définies en matière de poursuite pénale.

11. La CdG-N conclut de son analyse qu'il est indispensable de créer une base légale formelle régissant l'engagement de personnes de confiance.

c. Au sujet des quatre rapports d'enquête 12. Les rapports d'enquête innocentent partiellement le MPC et la PJF des accusations d'inefficacité et de lacunes de conduite formulées à leur encontre.

Les mesures destinées à combler les lacunes organisationnelles constatées 1884

ont été prises entre-temps. La CdG-N contrôlera leur mise en oeuvre dans le cadre du suivi du ProjEff2.

13. Après l'agitation qui leur a été préjudiciable, il est important de recréer un nouveau climat de sérénité pour permettre aux autorités de poursuite pénale en général et au MPC en particulier de consolider leurs nouvelles structures, leurs compétences judiciaires et leur pratique. La CdG-N estime qu'il est important de rétablir et de renforcer la confiance dans les autorités fédérales de poursuite pénale.

Recommandation 1

Créer une base légale régissant l'engagement de personnes de confiance

Le Conseil fédéral veille à la création d'une base légale régissant l'engagement de personnes de confiance dans le cadre de la poursuite pénale.

Recommandation 2

Accorder une priorité élevée à la réduction des affaires en suspens auprès de l'OJI

Le Tribunal pénal fédéral doit accorder une priorité élevée à la réduction des affaires en suspens auprès de l'Office fédéral des juges d'instruction (OJI) et prendre toute mesure utile ­ en collaboration avec les autres autorités de poursuite pénale de la Confédération ­ afin d'éviter la prescription de procédures.

Recommandation 3

Respecter les exigences découlant des compétences obligatoires de la Confédération

Lors de la mise en oeuvre du projet d'efficacité, et en particulier lors de l'affectation des ressources, le Conseil fédéral veille à ce que les autorités de poursuite pénale soient en mesure de remplir leur mission avec la diligence nécessaire dans les domaines soumis à la compétence obligatoire de la Confédération.

Recommandation 4

Définir, à l'échelon du Conseil fédéral, une stratégie supérieure en matière de lutte contre la criminalité

Dans le cadre de la réorientation du projet d'efficacité, le Conseil fédéral définit une stratégie supérieure en matière de lutte contre la criminalité qui bénéficie du soutien du Parlement ou de ses organes compétents en la matière et veille à sa mise en oeuvre.

d. Au sujet de la démission du procureur général de la Confédération 14. Le chef du DFJP a mis fin aux rapports de travail du procureur général de la Confédération au moyen d'une convention, sans motif au sens de la loi sur le personnel (LPers). L'indemnité de départ versée au procureur général l'a été 1885

sans base légale correspondante. Eu égard à l'indépendance du procureur général de la Confédération, ces modalités posent problème du point de vue des principes régissant un Etat de droit.

15. Par sa manière d'agir envers le procureur général de la Confédération, le chef du DFJP a contourné le Conseil fédéral qui, en sa qualité d'organe de nomination, est seul compétent pour résilier les rapports de travail du procureur général de la Confédération. Il a outrepassé ses compétences.

16. Les rapports de confiance entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération étaient altérés. Toutefois, eu égard à l'indépendance judiciaire du procureur général de la Confédération et à la protection renforcée contre le licenciement que la loi lui accorde, les divergences d'opinions et les tensions entre les deux hommes ne sauraient justifier la manière d'agir du chef du DFJP. Il aurait en particulier dû exposer ses griefs envers le procureur général au Conseil fédéral en respectant la procédure formelle prévue dans de tels cas et conforme aux principes régissant un Etat de droit.

17. Le chef du DFJP a donné au procureur général de la Confédération des instructions relatives à l'information du public sur les procédures d'enquête en cours sans y être habilité. En sanctionnant disciplinairement le procureur général pour non-respect de ces instructions, le chef du DFJP a porté atteinte à l'indépendance judiciaire de celui-ci.

18. Bien que les signes de conflit entre le chef du DFJP et le procureur général de la Confédération fussent visibles depuis un certain temps déjà, le Conseil fédéral n'a pas assumé les responsabilités qui lui incombent en sa qualité d'autorité de nomination et de surveillance du procureur général de la Confédération. Même l'intervention de la Délégation des finances ne l'a pas incité à se pencher sur le dossier du MPC.

Recommandation 5

Garantir l'indépendance du Ministère public de la Confédération

Le Conseil fédéral doit se pencher sans délai sur le dossier du Ministère public de la Confédération et prendre des mesures garantissant son indépendance et celle des magistrats qui le composent.

Recommandation 6

Garantir la liberté d'informer du Ministère public de la Confédération

Le Conseil fédéral veille à clarifier la délimitation entre la liberté d'informer du Ministère public de la Confédération et l'activité d'information de son autorité de tutelle administrative (DFJP).

e. Au sujet de l'exercice de la surveillance sur le Ministère public de la Confédération 19. Les dispositions qui régissent actuellement la surveillance exercée sur le MPC prévoient sa bipartition en surveillance administrative et surveillance judiciaire afin de garantir l'indépendance de celui-ci. Les bases légales ré1886

gissant cette surveillance sont toutefois lacunaires et manquent de clarté. La CdG-N est par conséquent d'avis qu'il est nécessaire de clarifier la délimitation et la coordination entre les autorités de surveillance ainsi que la portée de la surveillance administrative et celle de la surveillance judiciaire et de les régler à l'échelon de la loi. Dans les principes, les constatations présentées dans le présent rapport devront être prises en compte dans le cadre de travaux en cours relatifs au réaménagement de la surveillance exercée sur le MPC.

6

Marche à suivre

La CdG-N prie le Conseil fédéral et le Tribunal pénal fédéral de faire connaître d'ici au 30 novembre 2007 leur avis sur les constations et les recommandations présentées dans le présent rapport et de l'informer sur les mesures qu'ils auront prises.

Conformément à l'art. 40a, al. 6, de la loi sur le Parlement, elle le transmet également à la commission judiciaire des deux Chambres.

5 septembre 2007

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: Le président, Jean-Paul Glasson, conseiller national Le secrétaire, Philippe Schwab La présidente de la sous-commission DFJP/ChF, Lucrezia Meier-Schatz, conseillère nationale La secrétaire de la sous-commission, Irene Moser

1887

Annexe

Liste des personnes entendues (la fonction indiquée correspond à la fonction exercée lors de l'audition) ­

Erwin Beyeler, ancien chef de la Police judiciaire fédérale

­

Christoph Blocher, conseiller fédéral, chef du DFJP

­

Kurt Blöchlinger, chef de la Police judiciaire fédérale

­

Walter Eberle, secrétaire général du DFJP

­

Michel-André Fels, chef intérimaire du Ministère public de la Confédération

­

Emanuel Hochstrasser, président de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral

­

Andreas Keller, juge pénal fédéral, Tribunal pénal fédéral

­

Rolf Lüthi, avocat, chargé de l'enquête administrative au sein du Ministère public de la Confédération

­

Valentin Roschacher, procureur général de la Confédération

­

Alex Staub, président du Tribunal pénal fédéral

­

Dieter Stüssi, 1er suppléant du chef de la Police judiciaire fédérale

­

Hanspeter Uster, conseiller d'Etat du canton de Zoug

­

Nicoletta della Valle, directrice suppléante de l'Office fédéral de la police

­

Jean-Luc Vez, directeur de l'Office fédéral de la police

­

Jürg Zinglé, chef de l'Office des juges d'instruction fédéraux

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